Plan Becquey

Du nom du directeur général des ponts et chaussés et des mines sous la Restauration, Louis Becquey, le plan Becquey vise à doter la France d’un système (ou réseau) de voies navigables (fleuves et canaux) modernisé et articulé (voie navigable / route). Tirant parti des acquis de la Révolution et de l’Empire dans la construction d’un État moderne, ce plan s’inscrit dans une démarche globale de consolidation du pays unifié en une « économie-nation » capable, à terme, d’affronter la concurrence internationale selon les principes, en vogue à l’époque, du libéralisme. Dans ses nouvelles frontières et consécutivement à la perte des centres industriels d’Outre-Quiévrain, la France, pour affronter la concurrence de l’Angleterre, doit moderniser son appareil productif en facilitant les moyens de transports pour mettre en relation l’ensemble des régions et abaisser les prix (matières premières et biens manufacturés) par le jeu de la concurrence interne tout en assurant aux industriels une protection douanière sélective et temporaire pour leur permettre de retrouver des coûts compétitifs avant de réintégrer l’« économie-monde »[note 1]. Dans ce cadre, l'administration des douanes, confiée à Saint-Cricq, et l'administration des ponts & chaussées et des mines (canaux, ponts, routes, chemins de fer, phare, mines, industrie), confiée Becquey, participent à la ré-industrialisation du pays.

Page de garde du Rapport au roi 1820 présentant le « plan Becquey ».

La politique économique au début de la Restauration[1],[2]

Adepte d’A. Smith et promoteur de ses idées en France, J-B Say ouvre la voie d’un libéralisme économique, qui rompt avec les physiocrates liés au monde de la propriété foncière, et rejette le protectionnisme hérité du blocus napoléonien[note 2]. Say est un ardent partisan du libre-échange qui permet une rationalisation optimale de la production et la plus forte croissance des richesses. Car l’échange est le moyen privilégié de la production ; on ne peut acheter que si l’on produit. Pour rester fidèle aux principes de 1789, la liberté économique ne peut être détachée de la liberté politique ; le libéralisme forme un tout[3].

Cette théorie s’affronte à celle des libéraux industrialistes privilégiant la construction d’une « économie nation »[note 3] pour offrir un socle au développement du pays ; la mise en place d’un marché national est une condition préalable indispensable à l’effort productif[4]. Les défenseurs de cette politique (administrateurs de l’appareil d’État tels François Ferrier [directeur des douanes de 1812 à 1814, puis sous les Cent-Jours], Vivent Magnien [haut fonctionnaire de la Ferme générale associé, à son époque, aux travaux menés dans l’entourage de Calonne pour réformer les finances de l’État] ou Roederer), scientifiques et ingénieurs (J.-A. Chaptal[note 4], J.-M. Dutens[note 5], Ch. Ganilh, Ch. Dupin[note 6]) privilégient la doctrine de l’échange inégale en voulant spécialiser la France dans un appareil industriel « à l’anglaise »[5], à savoir l’utilisation du machinisme et la division du travail. L’économie nationale doit s’engager dans la course aux gains de productivité, à la baisse des prix des objets de consommation pour obtenir un avantage sur tous les marchés de l’Europe. Le choix de cette politique productiviste a pour objectif de mobiliser la main-d'œuvre et de lutter ainsi contre le sous-emploi responsable du sous-développement caractéristique de l’Ancien Régime. Alors que l’industrialisation anglaise trouve les ressorts de sa croissance dans les marchés extérieurs à un moment où le marché britannique n’offre que 8 millions de consommateurs, le pari de l’industrialisation française s’appui sur la conquête d’un marché intérieur de 28 millions d’habitants[note 7].

Toutefois, laisser agir librement le marché dans le face à face avec l’Angleterre n’est pas le meilleur moyen d’améliorer les termes de l'échange et faire participer le commerce international à la richesse nationale. Il ne s’agit pas de rejeter le libéralisme économique, mais d’utiliser toute la puissance du nouvel État né de la Révolution et de l’Empire pour instruire, accompagner, encourager et protéger l’entrepreneur[7]. Le libre-échange, idéal qui n'est jamais rejeté, est repoussé à beaucoup plus tard. Aussi, faut-il conjuguer habilement la liberté et soutien de l’État ; la France doit inaugurer une voie nationale vers le libéralisme. Cette politique entend protéger les producteurs français face aux produits étrangers, mais ouvre le marché intérieur aux matières premières, « aliments de l’industrie[note 8] » ; charbon, fers (produits des forges et laminoirs, assimilés à une matière première), sucre et coton brut. Cependant la libéralisation des forces productives sur le marché national ne signifie pas pour autant un marché abandonné à lui-même ; l’État réforme la patente, le code de commerce, instaure une régulation des revendications des producteurs par les chambres de commerce, etc. Ce libéralisme économique « encadré » correspond à l’engagement politique des doctrinaires qui admettent les acquis de la Révolution, dont l’égalité civile et les nouvelles libertés, mais rejettent les nostalgies de l’Ancien Régime et la politique des ultraroyalistes. Ce qui les distingue des autres libéraux, c’est le refus de l’individualisme inspiré de l’expérience anglaise, du laissez-faire - laissez-passer.

«  Dans cette nouvelle configuration de l’économie-nation, l’État s’est voulu le gardien du libéralisme, c’est lui qui s’est chargé de développer une pédagogie libérale qui consistait à rappeler en permanence que si le manufacturier obtenait le monopole du marché national, il s’imposait la tâche de mobiliser les bras, de produire à des coûts décroissants, de défendre la balance du commerce en substituant des productions nationales aux importations. »

 Francis Démier, La France de la restauration (1814-1830) - l’impossible retour du passé (conclusion)[1].

À ces libéraux industrialistes, qu’ils appellent « les tenants attardés de la balance commerciale », les défenseurs de la propriété foncière (Germain Garnier, traducteur d’A. Smith, Luneau de Boisjermain, Adrien Lezay, de Boislandry) sont, au contraire, favorables au retour sans attendre de la France dans l'« économie-monde ». Pour eux, le monde manufacturier est minoritaire au regard des propriétaires fonciers plus nombreux et renouvelés par la Révolution. L’agriculture a vocation de tracer la ligne générale de la politique économique au lendemain des bouleversements révolutionnaires.

Dès le début de la Restauration, la politique économique est conduite par un petit groupe de responsables politiques, avec le soutien de Villèle[note 9], et de grands technocrates, parallèlement à une refonte de l’appareil d’État. En 1814, une administration de l’agriculture, du commerce, des arts et manufactures est confiée à Becquey[note 10]. À la tête de son administration, Becquey ménage à la fois la liberté commerciale et le recours au protectionnisme. Favorable au libéralisme, il admet toutefois, dans la mesure où les autres nations ont elles-mêmes adopté des restrictions d’importation, que des restrictions semblables puissent être opposées en France aux produits étrangers afin que les produits équivalents français ne se trouvent pas victimes du principe de liberté si la France seule l'applique.

« Sous la garantie de traités internationaux établissant pour la France les faveurs qu’elle-même accorderait à d’autre nations, il [Becquey] eût consentit à laisser le marché libre. »

 A. Beugnot. Vie de Becquey, ministre d'État et directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines sous la Restauration[8].

Louis Becquey

C’est pourquoi, entre autres mesures de soutien à l'activité productive, le protectionnisme et la prohibition[9] sont acceptés comme moyen temporaire de conquête qui laisseront place, par étapes, aux normes du marché dans la mesure où la France se dotera des moyens pour redevenir un pôle de « l’économie monde »[note 11]. Par contre, à l’intérieur des nouvelles frontières au lendemain de l’Empire (perte de l’espace outre-Quiévrain riche en mines et manufactures, de l’entre Meuse et Rhin et de la Savoie), il n’y aura pas de retour aux privilèges ou monopoles, de particularismes ou de franchises, mais un marché national uni où s’exerce la concurrence.

« Liberté au-dedans, protection au-dehors, tels sont les principes qui seront appliqués au commerce, tels sont les éléments de sa régénération. »

 Becquey, circulaire du 6 juin 1814 aux membres composant les chambres de commerce[10],[note 12].

Dans ce cadre, la définition d’un marché national à la fois uni et protégé nécessite la mise en place d’un réseau de transport qui soit capable de mettre en relation l’ensemble des régions et d’assurer, à terme, une égalisation des prix par le jeu de la concurrence entre les différentes parties du territoire[note 13].

« [Votre majesté] a conçu l’idée d’augmenter les produits de la France par la facilité des communications ; de faire circuler, sur toute sa surface, des canaux qui en réuniront les parties les plus éloignées... »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure, 1820 (rapport du ministre de l’intérieur au roi).

Le roulage et le cabotage maritime ne pouvant permettre le transport sur tout le territoire de masses importantes de marchandises au moindre prix[11], en particulier les produits pondéreux (blé, matériaux du bâtiment, combustibles et minerais), Becquey définit le plan d’un réseau de voies navigables constitué, en partie, de canaux à construire[note 14].

« …la difficulté et le prix des transports ne nous ont pas permis jusqu’à présent d’employer aussi généralement ce précieux combustible [la voie navigable] que la nature a si généreusement placé sur presque tous les points du territoire de nos voisins [Anglais]. »

 Lettre du 12 août 1819 de Becquey aux préfets diffusant le rapport de Dutens[12].

La situation des canaux en 1815[13]

Vuë d'un Pont levis sittué (sic) sur le canal de Picardie (canal Crozat) - 178.
Les œuvres des ponts et chaussées (canal, pont, route, phare, télégraphe)[14].

À la fin du XVIIIe siècle[15], environ 1 000 km de canaux sont ouverts à la navigation et ont nécessité, tant par l’État (pays d’élection et pays d'états) que par les concessionnaires, 116 MF de dépenses[16]. Au nombre des canaux concédés figurent ceux de Briare (terminé en 1642), du Languedoc (terminé en 1684), de Grave (1675) d’Orléans (1679), du Loing (1719), de Lunel (1728), Crozat (Saint-Quentin à Chauny) (1732) prolongé jusqu’à la Somme (~1769), de Givors (1780), de la Dive (en cours de construction), Pont-de-Vaux (en cours de construction). Les états de Languedoc ont construit le court canal de Brienne (ouvert en 1776) à Toulouse, reliant le canal du Languedoc à la Garonne. Les états de Bourgogne engagent, au début des années 1780, les travaux des canaux du Charolais, de Bourgogne et de Franche-Comté (partie du Canal du Rhône au Rhin). L’État entreprend les canaux de la Brusche, de Neuffossé et du Nivernais.

Jonction canal du Midi et du canal de Brienne à 1/4 de lieue au nord de Toulouse (21 aout 1818).
Projet du canal Saint-Maur (1808).

À la Révolution, le décret du 15 janvier 1790, en abolissant les administrations provinciales et en créant les départements, incorpore au domaine public les voies navigables appartenant aux anciens états provinciaux (pays d'états). Le décret confie aux départements le soin d’entretenir les infrastructures de leur circonscription, mais cette décentralisation se révèle un échec faute aux autorités locales de disposer des moyens suffisants. L’abolition des droits seigneuriaux, notamment les péages[note 15], place l’État face à d'importantes difficultés financières pour la construction et à l’entretien des voies navigables. Dès le mois d’avril 1791, l’Assemblée constituante se résout à débloquer des crédits. La même année, les canaux d’Orléans et du Loing sont confisqués et, l’année suivante, la part de la famille Camaran (héritière de Riquet) dans le canal du Languedoc. Ces trois canaux sont administrés par l’agence des domaines nationaux. Échappent à la confiscation les canaux concédés de Briare, de la Dive, de Givors, de Pont-de-Vaux, de Grave et de Lunel. Pour ces canaux (confisqué ou non), leur entretien reste couvert par un péage. En 1792, sont ordonnés les travaux du canal du Rhône au Rhin. L’entrée en guerre en 1792, détourne des priorités gouvernementales la situation des canaux. Après dix ans de travaux, le canal du Centre est mis en eau en 1793. Les travaux du canal de Bourgogne sont interrompus en 1794[19]. Entre 1790 et 1794 tous les chantiers sont progressivement arrêtés et faute d’entretien les canaux se dégradent. La situation des canaux concédés n’est pas plus enviable. Plusieurs concessions avortent faute de fonds suffisants ; canaux de l’Ourcq (1790)[20], de Sommevoire (1791)[21], de l’Essonne (1791)[note 16], d’Ille et Rance (1792)[24], d’Eure et Loir (1793)[25]. Le bilan des premières années de la Révolution est déplorable faute d’entretien suffisant, ce qui induit un renchérissement du prix de transport[19].

Bonaparte indiquant le percement du canal de Saint-Quentin.
Lancement des travaux du canal de Mons à Condé (18 octobre 1807).

Sous le Consulat et l’Empire, les travaux se poursuivent sur les canaux de Saint-Quentin, de Bourgogne, du Rhône au Rhin et du Nivernais. Sont lancés les travaux sur les canaux d’Arles à Bouc, d’Ille et Rance, du Blavet, de la Haute-Seine, de Marans à La Rochelle, de Mons à Condé, de Berry et des salines de Dieuze[26]. La loi du 25 ventôse an IX (16 mars 1801) concède, temporairement dans la limite de 80 ans, les canaux d’Aigues-Mortes et de la Radelle pour leur achèvement[27],[note 17]. La loi du 30 floréal An X (20 mai 1802) rétablit un droit de navigation[note 18] pour l’entretien des voies navigables[note 19]. La loi du 29 floréal An X (19 mai 1802), révoquant la concession précédemment accordée, autorise l’ouverture d’un canal de dérivation pour amener les eaux de l’Ourcq au bassin de la Villette. Pour obtenir les ressources nécessaires, et dans la continuité de sa lettre du 14 novembre 1807[33] au ministre de l’Intérieur Crétet dont dépend l’administration des Ponts & Chaussées, Napoléon Ier vend (décret du 21 mars 1808) les canaux d’Orléans et du Loing ainsi que la part de l’État dans le canal du Languedoc (canal du Midi). Les travaux reprennent en 1808 sur le canal de Bourgogne et vers 1810 sur le canal du Nivernais. Le canal de Saint-Maur est ordonné en 1809 (décret du 29 mars 1809), les plans arrêtés en 1811, mais les travaux sont plusieurs fois suspendus[34]. Les besoins financiers de la guerre absorbent les ressources de la vente précitée pour mener à biens les travaux engagés. Le canal de Mons à Condé est ouvert à la fin de 1814 hormis deux écluses qui sont livrées sous la Restauration.

Durant la période 1800-1814, 200 km de canaux sont ouverts à la navigation intérieure, ayant mobilisé 75 MF[16].

Depuis toujours, les travaux ont été menés de manière dispersée (faute d’un plan d’ensemble), discontinue (faute de ressources pérennes) et dans délais illusoires (faute de devis fiable). Le transport par voie navigable relève d'une course d'obstacle grevant les coûts du transport[note 20].

Au lendemain de l’Empire, les chantiers ralentis ou arrêtés en 1813-1814, reprennent lentement faute de crédits. Les moyens de communication (routes, canaux, ports) ne sont plus entretenus depuis longtemps et complètement assujettis à des fins militaires. En 1818, sont concédés à Augustin Honnorez le canal de la Sensée et l’écluse d’Iwuy sur l’Escaut. La même année est conclu un traité entre la ville de Paris et MM de Saint-Didier (Edmé Hippolyte Amé), J. C. Vassal et Cie relatif à la concession (99 ans) du canal Saint-Denis ainsi que, d’une part, l’achèvement du canal de l’Ourcq pour un montant de 7,5 MF payé par la ville de Paris et, d’autre part, la concession (99 ans) de l’entretien de ce canal[35].

Malgré la suppression des péages seigneuriaux et la rationalisation des tarifs, l’espace économique national est loin d’être unifié ; la circulation marchande est encore largement fondée sur des échanges locaux et sur la juxtaposition de marchés régionaux[18].

Les origines du plan

Le « plan Becquey » n’est pas une initiative isolée de l’administration mais se nourrit de propositions et de réflexions antérieures émanant d’hommes politiques, d’économistes ou de techniciens, et s’inscrit dans une pensée séculaire apparue sous l’Ancien Régime visant à mettre en place un « système de navigation intérieure[note 21] » (par la suite sous le vocable de « réseau de voies navigables ») dans le cadre d’une politique publique canaliste qui émerge au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle[36], cependant remise en cause sous la Révolution faute de moyens financiers.

Marragon député de l’Aude et membre du comité des Ponts & Chaussées, présente le 24 fructidor An III à la Convention un rapport traçant les grandes lignes d’un système général de navigation intérieure, qui vise à libérer les rivières navigables des obstacles entravant la circulation et à terminer les travaux inachevés, ou en projet, pour relier entre eux les grands bassins fluviaux[37]. De même la synthèse Mémoire historique sur la navigation intérieure, publiée en 1800 par Raup de Baptestin de Moulières.

Sous le Directoire, François de Neufchâteau, ministre de l’Intérieur chargé des Ponts & chaussées, a projeté un système général de navigation intérieur, mais sans résultat concret[note 22].

Carte dressée par ordre de M. le directeur général des ponts et chaussées et des mines, annexée au Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France (1820).

Lors de l’examen du budget, en mars 1816, le député Huerne de Pommeuse, rappelle l’utilité de canaux à la prospérité du pays et de proposer, dans un mémoire complémentaire adressé aux membres des deux chambres, un réseau de voies navigables articulé autour d’une ligne nord-sud (de Calais/Dunkerque à la Méditerranée)[39],[note 23].

Dans la séance publique de l’Académie royale des sciences du 16 mars 1818, l’ingénieur des Ponts & Chaussées Girard, membre de l’Institut depuis les Cent-Jours, donne lecture d’un Précis historique sur la navigation intérieure pour la mise en œuvre d’un réseau de voies navigables sur toute l’étendue du territoire. Le mois suivant, l’économiste Say publie une brochure intitulée Des canaux de navigation dans l’état actuel de la France[40],[note 24], plaidoyer pour le développement des voies d’eau artificielles au nom des principes de l’économie politique. Parmi les références de Say figure le livre de Laborde, paru en 1818, De l’esprit d’association dans tous les intérêts de la communauté[41] qui en appelle à la constitution d’une compagnie générale privée, plus apte que l’administration à ses yeux à mettre en œuvre un « canevas » de voies navigables[note 26]. Le comte Chaptal, dans la séance du 7 juillet 1819 de la Chambre des Pairs, à l'occasion du vote sur le budget des Ponts & Chaussées, et le pays étant désormais « libéré de toute obligation envers les étrangers », appelle à l'amélioration des routes et canaux pour diminuer les frais de transport[42]. Son collègue, le comte Berthollet, dans la séance du 16 juillet, souhaite une baisse des droits perçus sur le transport fluvial et préconise la réalisation d’un nivellement (relevé) topographique général de la France préalable nécessaire à la réalisation d'un plan général de navigation intérieure[43].

L’administration des Ponts & Chaussées se saisit de ces différentes propositions (divergentes sur les meilleurs moyens à mettre en œuvre pour parvenir à l’extension des voies navigables) et formalise son propre projet, à travers le Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France publié en août 1820. Elle reprend ce faisant publiquement la main et se replace au centre de la réalisation d’une entreprise dont certains auteurs voulaient l’écarter.

Becquey, directeur général des Ponts & Chaussées et des Mines depuis 1817, se réfère à l’Angleterre dont les infrastructures de communication, notamment les canaux, sont, pour bon nombre d’ingénieurs et d’économistes libéraux, à l’origine de la prospérité économique britannique et que la France aurait tout avantage à transposer sur son sol. C’est dans ce cadre qu’il envoie des ingénieurs en Angleterre y faire des voyages d’étude. En agissant ainsi, Becquey anticipe les réactions des ingénieurs d’État pour les acclimater à des pratiques de travaux publics qui ont cours dans un pays dépourvu d’institutions professionnelles techniques comparables au corps des Ponts & Chaussées[44]. Becquey se forge également son opinion en effectuant des déplacements en région, telles ses visites en 1818 du canal Crozat[45] et en 1820 de la vallée de Rhône dans le cadre du projet de canal latéral au Rhône[46].

Le projet

« Placée entre la Méditerranée et l’Océan, elle [cette belle France] reçoit directement les produits du Levant et du Couchant et, plus favorisée que la plupart des autres états qui se trouvent tout entiers sous les zônes méridionales ou septentrionales, elle réunit les deux climats particuliers à ces deux zônes, et voit naître ainsi sur son propre sol les produits les plus divers, qui deviennent l’objet d’un échange continuel du nord au midi. Mais on ne peut jouir complètement des avantages de cette situation qu’à la faveur de communication nombreuses, faciles et économiques… Ainsi l’administration a-t-elle toujours cherché à établir les communications de la France par les lignes de navigation qui joignent les deux mers… »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure, 1820 (rapport de Becquey au ministre de l’intérieur).

Le gouvernement est partagé sur ce projet qui est encore débattu au sein du cabinet en décembre 1820[47]. Roy, par orthodoxie budgétaire, y est opposé ; pour ne pas aggraver les finances publiques, le projet préconise de faire appel à l’initiative privé. Les ingénieurs des Ponts & Chaussées sont critiqués pour leur manque d’expérience et l’impossibilté d’obtenir d’eux des plans bien établis ; Becquey se fait fort de la compétence des ingénieurs. À l’opposé, de Richelieu, Portal, Pasqier et Lainé sont favorables à ce programme de travaux ; la France est engourdie et travaille sans confiance dans l’avenir. Circonstance nuisible au progrès du commerce et de l’industrie.

Principes de base

Du rapport de Dutens, publié en 1819 à la suite de son voyage en Angleterre, Becquey retient deux principes ;

  • la combinaison de canaux à grand gabarit permettant aux embarcations de se croiser avec des canaux de plus petite dimension (les canaux de petite largeur, tels qu’ils existent en Angleterre, sont moins coûteux à construire) ;
  • l’encouragement à la constitution d’associations de particuliers (capitalistes) prêts à investir dans la réalisation de nouvelles voies d’eau, en stimulant leurs investissements par des garanties, notamment financières, de la part de l’État (les canaux anglais ont été développés par des initiatives particulières de grands propriétaires riverains de la ligne d’eau et des compagnies privées concessionnaires, auxquels des lois ont fourni des garanties[note 27]).

Pour mettre la réalisation du programme à l’abri des aléas des dotations de l’État, Becquey propose de généraliser le recours à la concession et d’en faire évoluer les modalités, n’écartant pas l’idée de concessions perpétuelles, mais tout en admettant que les travaux les moins rentables, néanmoins d’« utilité publique », soient pris en charge par l’État[48].

Méthode suivie

Becquey combine le projet formulé par Dutens et la méthode de Brisson qu’il a sollicité tous les deux[note 28].

État des dépenses à faire pour le perfectionnement de la navigation de la France (Dutens, 1re et dernière page, avril 1820)[49].

Du projet de Dutens, il retient l’idée de relier les régions aux frontières, en particulier de relier l’Atlantique et le Nord à la Méditerranée[note 29] ; ce projet diffère de celui de Brisson qui, à l’instar du système routier, prend Paris comme centre d’un réseau rayonnant vers les frontières et qui classe les canaux en fonction de leur utilité pour Paris[52],[note 30].

« La réunion des deux mers, l’ouverture de communications navigables entre les extrémités du royaume, était donc la pensée première, la pensée la plus importante qui dût servir de base à un système de navigation intérieure. »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France, 1820 (observations préliminaires).

Du travail de Brisson, il retient la méthode pour le tracé des canaux par l’étude de cartes détaillées lui permettant ainsi de pallier la réalisation de relévés longs et multiples sur le terrain alors que le temps pour la définition d’un système (réseau) est compté[53],[note 31]. Outre cette méthode, Becquey retient également le principe de classement des canaux entre plusieurs catégories.

« Après avoir admis les lignes principales qui mettent en rapport l’une avec l’autre les extrémités de la France [canaux de 1re classe], il fallait songer à créer des avantages analogues pour les départemens qu’elles ne traversent pas dans leur trajet [canaux de 2e classe]. »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France, 1820 (observations préliminaires).

Becquey a également fait appel aux travaux d’un troisième ingénieur, Cordier, partisan résolu de concéder les canaux à l’initiative privée (l’« esprit d’association »), principe qu’il avait mis en œuvre avec succès dans son département d’affectation, le Nord, tant en termes de délai que de devis et de résultats financiers[note 32]. Cependant, les difficultés à estimer les revenus des canaux à construire ou à perfectionner rendaient plus frileuse les initiatives des investisseurs privés dans cette industrie[56]. Aussi, Becquey rechercha-t-il une solution moins exclusive pour le financement des canaux.

Un réseau hiérarchisé et organisé

En 1820, dans le Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France, Becquey propose de réaliser un système (réseau) de voies navigables s’articulant autour de sept lignes principales reliant entre elles les façades maritimes auxquelles sont adjoints des réseaux secondaires, ayant un intérêt moindre et plus local. Pour chacune de ces catégories de voies navigables, sont indiqués les montants des travaux à terminer ou à entreprendre[note 33]. Les lignes principales forment un réseau de voies navigables de grande section (hormis le canal de Berry en petite section) et les réseaux secondaires un réseau de gabarit plus étroit, dont des canaux selon le modèle anglais de petite section.

Le système proposé forme un tout combinant à la fois, outre les fleuves et rivières (canalisés ou non), des canaux existants (achevés ou en cours de travaux) et des canaux nouveaux à réaliser (projets).

« …la plupart des canaux dont l’exécution est vivement désirée, ne remplieraient qu’imparfaitement leur destination, si les communications par les fleuves et rivières ne recevaient pas tous les perfectionnements dont elles ont besoin. (…)on peut dire qu’il est impossible de s’occuper de l’une à l’exclusion de l’autre : les canaux perdraient une partie de leur utilité, si la navigation sur les fleuves et les rivières auxquels ils aboutissent ne pouvait plus se faire sans danger, ou si elle nécessitait des dépenses telles, que le commerce fût contraint de préférer la voie de terre. »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France, 1820 (rapport de Becquey au ministre de l’intérieur, page 9).

Les canaux de première classe

Ou lignes de jonction des deux mers avec des troncs communs entre elles :

  • Première ligne de jonction du Midi à l’est de la France (Strasbourg), par :

le Rhône (ou un canal latéral au fleuve de Beaucaire à Lyon), la Saône, le canal Monsieur (du Doubs au Rhin, commencé en 1805) avec embranchement de Mulhouse à Bâle, le Rhin.

  • Deuxième ligne de jonction du Midi au nord de la France par :

le Rhône (ou un canal latéral au fleuve de Beaucaire à Lyon), la Saône, le canal de Bourgogne (commencé en 1775, interrompu en 1793 et relancé en 1808), l’Yonne, la Seine, l’Oise (le détail de la deuxième ligne de jonction - §II, indique un canal entre l’Oise et la Seine[note 34]), le canal de Manicamp à Chauny (canal latéral à l’Oise en prolongement du canal Crozat et en cours de travaux par l’État), le canal Crozat (de l’Oise à la Somme terminé en 1776), le canal de Saint-Quentin (ouvert en 1810), le canal de la Somme (ou canal du duc d’Angoulême[57] commencé en 1786, interrompu en 1793 et relancé en 1802) d’un côté et l’Escaut de l’autre (par le canal de la Sensée joignant la Scarpe à l’Escaut et commencé en 1818).

  • Troisième ligne de jonction du Midi au nord en passant par le centre de la France (Nevers)[note 35] par :

le Rhône (ou un canal latéral au fleuve de Beaucaire à Lyon), la Saône, le canal du centre, le canal de Berry[note 36] entre Digoin et le Bec de l’Allier, le canal latéral à la Loire (du Bec de l’Allier au droit de Briare), les canaux de Briare et du Loing (tous deux réalisés), la Seine (la traversée de Paris par le canal Saint-Martin du bassin de l’Arsenal à celui de la Villette, puis le Canal Saint-Denis en cours de travaux), la Seine (ou le canal de l’Oise à la Seine[note 34]) l’Oise, puis la suite par la deuxième ligne de jonction précitée.

  • Quatrième ligne de jonction du Midi au Nord-ouest (Honfleur/Le Havre) par :

le Rhône (ou un canal latéral au fleuve de Beaucaire à Lyon), la Saône, le canal de Bourgogne (commencé en 1775, interrompu en 1793 et relancé en 1808), l’Yonne, la Seine (la traversée de Paris par le canal Saint-Martin du bassin de l’Arsenal à celui de la Villette, puis le canal Saint-Denis en cours de travaux) jusqu’à la mer (avec une écluse à Vernon et un canal, soit de Honfleur à Villequier, soit du Havre à Villequier).

  • Cinquième ligne de jonction du Midi à l’ouest (Nantes et Brest) en passant par le centre de la France (Nevers) par :

le Rhône (ou un canal latéral au fleuve de Beaucaire à Lyon), la Saône, le canal du centre, le canal de Berry (commencé en 1809 et reliant Digoin, le Bec d’Allier, Bannegon (où débuterait un embranchement vers Montluçon), Dun-le-Roi, Bourges, Vierzon, Selles et Saint-Aignan), le canal latéral à la basse Loire (de Tours à Nantes de petite section), le canal de Nantes à Brest (commencé en 1804).

  • Sixième ligne de jonction du Midi au sud ouest de la France (Bordeaux) par :

Le canal de Marseille au port de Bouc par l’étang de Berre, le canal de Bouc à Arles (commencé en 1803), le canal latéral au Rhône d’Arles à Tarascon, le canal de Beaucaire (déjà concédé), la canal de la Radelle (dépendance du canal de Beaucaire concédé), les canaux de Mauguio et des Etangs (qui donnent communication avec Sète), le canal du Languedoc (ou canal des Deux-Mers) (achevé depuis 1681 et perfectionné de la fin du XVIIIe siècle à l’Empire), le prolongement du canal du Languedoc jusqu’à Moissac en passant par Montauban, la Garonne jusqu’à Bordeaux.

  • Septième ligne de jonction de la Manche (Nord) à Bayonne et à la Méditerranée par :

Le canal de Bourbourg, l’Aa, le canal d’Aire à la Bassée, le canal de la Deûle, la Scarpe, le canal de la Sensée, l’Escaut, la canal de Saint-Quentin, le canal Crozat, l’Oise, le canal de l’Oise à la Seine[note 34], les canaux de Saint-Denis et de Saint-Martin, la Seine (du bassin de l’Arsenal au canal du Loing), les canaux du Loing et d’Orléans (tous deux réalisés), la Loire (d’Orléans à la Vienne), la Vienne jusqu’à Châtellerault, le canal du Poitou (de la Vienne à la Charente), la Charente jusqu’à Angoulême, le canal d’Angoulême à Libourne, la Dordogne (de Libourne à Cubzac), le canal de Cubzac à Bordeaux, puis vers la Méditerranée par la sixième ligne de jonction précitée et vers le sud par le canal des Landes[note 37] (joignant la Garonne à l’Adour par la Midouze) et l’Adour jusqu’à Bayonne.

Soit un total de 3 385,483 km pour une dépense de 211 449,788 MF.

Sur sept grandes lignes de navigation, l’isthme rhodanien (Saône et Rhône) forme un tronc commun à cinq lignes d’orientation Nord-Sud (1re, 2e, 3e, 4e et 5e), de Nantes, Brest, Le Havre et Dunkerque à la Méditerranée. Les 2e et 3e lignes ont un parcours quasi identique, se différenciant par l’emploi du canal de Bourgogne pour la première et l’emploi des canaux du Centre et latéral à la Loire pour la seconde. Les 6e et 7e lignes ont le canal du Languedoc en commun et débouchent toutes deux à Marseille. Le parcours de la 7e ligne, le plus long, contourne les massifs montagneux par l'ouest de la France joignant tous les bassins hydrauliques fluviaux du pays à l'exception de celui du Rhin. Aucune grande ligne n’est d’orientation Est-Ouest puisque le projet est de relier les mers entre elles, quitte à s’interroger sur la pertinence de la 7e ligne joignant la mer du Nord (Dunkerque, Calais) à l’Atlantique (Nantes par la Loire, Bordeaux et Bayonne) alors que la cabotage maritime entre ces destinations est plus rapide et de plus grande capacité. La 1re ligne est reliée au Rhin supérieur à Bâle, tandis que les 2e et 3e lignes, bien que se terminant ostensiblement sur la côte française de la Manche à Dunkerque, pouvaient facilement être conçues comme se reliant à Rotterdam, via le Rhin inférieur, ou à Anvers, via l'Escaut. Ces trois lignes de jonction continuaient, comme sous l’Ancien Régime et l’Empire, à considérer le Rhin et les Pays-Bas comme des éléments à intégrer dans le réseau de transport français, comme des portions d'un hinterland économique français. Hormis les lignes de jonction 1, 6 et 7, toutes les autres passent par les canaux à point de partage reliant trois grands bassin fluviaux (Seine, Loire, Rhône-Saône), nœud de voies navigables artificielles à proximité du cœur géographique de la France[note 38]. Au-delà de considérations géographiques, rien ne justifie l’hypothèse sous-jacente d’un trafic de transit d’une mer à l’autre au moyen de ces lignes de jonction[note 39].

Les canaux de deuxième classe

  • canaux à achever ou à reconstruire

Canal de Niort à La Rochelle, canal de Luçon, canal du Layon (ou canal de Monsieur aussi nommé canal d'Anjou[60]), canalisation du Blavet (s’embranche au canal de Nantes à Brest), canal d'Ille-et-Rance, canal de Saint-Maur (de Saint-Maurice vers la Marne), canal de la Seine à Troyes (débuté en 1806 et inachevé en 1820), canal des salines de Dieuse[61] (dont les frais sont exécutés pour moitié par l’administration des salines), canal de la Brushe, canal de Pont-de-Vaux (commencé en 1783, interrompu sous la Révolution et relancé en 1810), canal de la Bayse, canal du Nivernais (commencé en 1785, interrompu et relancé en 1810).

Soit un total de 596,611 km pour une dépense de 26 169,290 MF.

Figurent également dans cette catégorie le Canal de l'Ourcq, avec prolongement éventuel vers Soissons, ainsi que les canaux de Sylveréal et de Bourgidou qui sont une dépendance du canal de Beaucaire. Ces canaux sont déjà concédés et leur dépense n’est pas comptée dans le total précédent.

  • canaux à entreprendre (projets)

Il s’agit de projets, certains non finalisés à la fois dans la direction à suivre et l’évaluation de la dépense, qui pourront être complétés par d’autres en réponse à des propositions faites par des intérêts locaux. Vraisemblablement a-t-on voulu par ces projets satisfaire, ou anticiper, des revendications locales pour ne pas être exclu du bénéfice de ce programme de communication fluviale. Parmi les projets, figurent la navigation sur la rivière l’Isle (de Libourne à Périgueux), un canal de Nantes à Bordeaux, de Niort à Poitiers, de Dieppe à Paris, de Beauvais à Amiens, le canal de Champagne (ou canal des Ardennes), de Paris à Strasbourg, de la Haute-Saône au canal de Bourgogne, du Rhône à Marseille (ou canal de Provence, ou encore canal de Richelieu), une communication de l’Aveyron au canal du Midi, une jonction de la Dordogne à la Haute-Loire, etc.

Ainsi, 87 projets sont recensés pour une longueur totale de 217 027,707 km représentant une dépense de 868 481,902 MF.

Coût estimé

Au total, le Rapport au Roi présente 221 000 km de voies navigables à achever, à entreprendre et en projet, pour une dépense de 1 106 MF. Déduction faite des projets, le plan présente 3 982 km pour une dépense de 237,6 MF.

longueur dépense
canaux de 1re classe
restant à faire 2 159 931 m 100 556 390 F
à entreprendre 1 225 552 m 110 893 398 F
total canaux de 1re classe 3 385 483 m 211 449 788 F
canaux de 2e classe
restant à faire 596 611 m 26 169 290 F
sous-total général 3 982 094 m 237 619 078 F
à entreprendre (projets) 217 027 707 m 868 481 902 F
total général 221 009 801 m 1 106 100 980 F

Les effets attendus

Le système navigation intérieure viendra soulager le réseau routier surchargé qui retrouvera un bon état de viabilité et dont l’entretien deviendra moins coûteux. De surcroît, il libérera des chevaux au bénéfice de l'agriculture. Ce système de navigation réduira les prix du transport, pourra prévenir les variations de prix et mettre fin aux disettes locales comme lors de la crise frumentaire de 1817. Il offrira également des débouchés au « charbon de terre » (houille) pour les gisements exploités et incitera en l’ouverture de nouveaux[note 40]. De nombreux chantiers seront ouverts qui occuperont une main-d’œuvre importante et accroitront la production de fournitures ; les salaires et les approvisionnements seront à la source de nouvelles circulations d’argent, parfois dans les régions les plus démunies, qui participeront ainsi à la prospérité du pays. Le système de navigation participe à la création de l’« économie nation » chère aux libéraux industrialistes (cf. supra).

« C’est donc le moment de reporter tous les efforts vers la prospérité de ce commerce intérieur, qui, outre l’avantage de n’être pas sujet aux variations de la politique, sera toujours le plus productif de tous. »

 Becquey, Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France, page 6.

Au-delà des effets économiques attendus, le plan Becquey s’inscrit dans une démarche politique. La Révolution a vu la fin d'un type de société, la fin de réseaux de solidarité séculaires balayés en quelques décennies. Face à l’individualisme naissant facteur de désagrégation de la société, comme s'en inquiète nombre de penseurs de Saint-Simon à de Bonald, une ambitieuse politique de travaux publics est de nature à lutter contre l’atomisation des relations sociales et de sortir des troubles engendrés par les rivalités et les factions. Les travaux publics contribuent à structurer les échanges et, par suite, à organiser la société. Les routes, les ponts et les canaux s'inscrivent dans une perspective de régénération de la société, en même temps qu'ils contribuent aux progrès matériels de celle-ci[62],[note 41].

« Dans les gouvernements modernes, comme dans les anciens, on a senti qu’une des premières conditions de la civilisation, et qu’ensuite l’un de ses premiers avantages, consistaient dans l’étendue et la facilité des communications. [Outre les avantages matériels], je pourrais en indiquer d’autres plus élevés, parler de l’influence des communications sur les mœurs (…)surtout faire sentir que des communications de toute espèce dans un pays aussi étendu que la France, produisent l’heureux effet de lier entre elles et d’assembler les diverses parties d’un grand tout, ce qui contribue à les maintenir sous une même loi politique et sous un même gouvernement. »

 Becquey, Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France, pages 5-6 et 18.

Il s’agit également de transposer, sur le plan intérieur, le bénéfice de la paix retrouvée avec nos voisins[67], qui a substitué à l’esprit de conquête de l’Empire de nouvelles pratiques d'échange, afin d’assurer le développement du pays, notamment en facilitant les communications

« ...pour substituer au conquêtes sanglantes dont il ne nous reste que le souvenir et la gloire, des conquêtes plus paisibles et plus durables à faire sur la nature, qui nous y invite, votre Majesté m’a ordonné de lui présenter un plan [système de navigation intérieur] »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure, 1820 (rapport du ministre de l’intérieur comte Siméon, 16 août 1820, pages 1 et 2).

Note anonyme non datée relative au financement du plan Becquey (1re et dernière page)[68].

Le régime des Bourbons restauré s’assurerait des avantages contre ses ennemis politique de gauche et de droite

« Je dirai qu’il est nécessaire et peut-être urgent, de montrer à la France par quelques combinaisons nouvelles, ce qu’elle peut attendre de la famille des Bourbons. Que le gouvernement sous lequel et pour lequel cette entreprise [les canaux] serait exécutée et commencée marquerait sa place de la manière la plus honorable ; et enfin, si je ne me trompe, cette nouvelle cause de tranquillité, de prospérité, ferait plus d’effet pour la hausse des rentes que ne pourrait le faire quelques millions de plus laissés à l’amortissement, si nous traînons d’ailleurs dans les voies d’une administration purement routinière »

 AN F14607B. Note anonyme non datée citée par F. Ponteil, « Georges Humann et l’achèvement du canal du Rhône au Rhin », revue La navigation du Rhin, septembre 1934, p. 302.

Dans son discours pour l’ouverture de la session parlementaire du 5 novembre 1821, le roi évoque l’aspect politique du « plan Becquey ».

« Les sensibles progrès de l’industrie, de l’agriculture et des arts, attestent ceux du commerce, et bientôt des voies nouvelles, en multipliant les moyens de communication et d’échanges, étendront le bien-être général sur toutes les parties du royaume. »

 L’ami de la religion et du roi. Journal ecclésiastique, politique et littéraire, Tome vingt-neuvième, Paris, Adrien Le Clere imprimeur, MDCCCXXI, page 398-399.

Une volonté de transparence

Le Rapport au Roi est adressé par Becquey à tous les préfets par une circulaire du 28 août 1820[69] leur demandant d’en faire la plus grande publicité auprès des propriétaires et capitalistes afin de les inciter à apporter leur capitaux pour la réalisation de ce système de navigation. Le gouverneur de la Banque de France est également chargé de faire circuler des exemplaires du Rapport au Roi dans les milieux financiers. Le Rapport est publié au Moniteur universel du 2 septembre 1820[70]. Il est également adressé aux sociétés savantes[71] pour susciter les intérêts locaux. Deux exemplaires sont adressés à la Chambre de commerce du Paris[72] qui, sans examiner le Rapport puisqu'elle n'a pas été saisie pour avis, se réjouit de l'amélioration de la navigation de la Seine tout en souhaitant confier les travaux à l'initiative privée[note 42].

De même les ingénieurs des Ponts & Chaussées en reçoivent un exemplaire pour les inviter à préparer, d’ores et déjà, les projets dans leur circonscription, sous les réserves de certains d'entre-eux faisant part de leurs observations. En agissant ainsi, Becquey veut également rassurer les membres du corps des ingénieurs des Ponts & Chaussée de leur participation à la mise en œuvre du programme, dont ils pouvaient craindre de se voir évincer d’un plan élaboré à Paris par l’administration centrale et faisant appel à l’initiative privé. Faute de revue consacrée à ce corps technique (Ponts & Chaussées), le Rapport au Roi est publié dans les Annales des Mines[74].

Enfin, un exemplaire du Rapport au Roi est adressé aux parlementaires dans un souci d’information en préalable aux débats qui vont s’ouvrir sur le vote des lois approuvant les soumissions de prêts. À une époque où l’initiative de la loi reste du domaine du roi, cette démarche s’inscrit dans le contexte des relations nouvelles instaurées entre les pouvoirs exécutif et législatif par la charte constitutionnelle de 1814.

« … à l’époque où il fut mis au jour, le rapport (…) était une œuvre d’un caractère tout nouveau, et la sensation qu’il produisit n’a rien qui doive surprendre. L’on n’avait encore vu, ni sous l’ancien ni sous le nouveau régime, l’administration exposer avec autant de savoir, d’intelligence et de grandeur, ses vues sur l’amélioration d’une des sources les plus fécondes de la richesse publique, ni appeler, avec cette franchise et cette confiance, les citoyens à lui venir en aide. Un progrès dans les usages du gouvernement constitutionnel s’était accompli. »

 A. Beugnot. Vie de Becquey, ministre d'État et directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines sous la Restauration[8].

« …la publication du tableau [de la canalisation intérieure de la France] inaugurait une ère nouvelle de publicité en matière administrative. C'était la première fois, en effet, que le Gouvernement mettait au jour un aussi vaste projet d'ensemble et provoquait, en quelque sorte, l'opinion publique à l'étudier et à le discuter. »

 Babaud-Laribière, Études historiques et administratives[82].

Le mode de financement

Alors que dans le Rapport au Roi, Bequey privilégie le mode de la concession (construction et exploitation aux risques et périls du concessionnaire), finalement c’est une autre solution qui est retenue ; l'« industrie » se révélant frileuse face aux risques encourus et à l’énormité des dépenses envisagées. L’originalité du financement du « plan Becquey » est de faire appel à des fonds privés, apportés par la réunion de capitalistes[note 46], pour la construction et l’exploitation, par l’État, d’un réseau de transport.

Jusqu’alors, la réalisation d’ouvrages publics d’envergure confiée à l’initiative privée a pris la forme d’une concession[83]. En matière de transport, hormis le réseau routier traditionnellement réservé à la prérogative de l’État (aucune route n’est concédée bien que d’aucuns estiment possible de faire payer à l’usager un péage cf. supra[19],), la construction de nombreux canaux et ponts a été concédée à des particuliers. Mais la plupart des concessionnaires de canaux ne sont pas arrivés à leurs fins[note 47] et les canaux ont été rachetés (ou confisqués à leur propriétaire comme, en 1791, ceux du Loing et d’Orléans). Sous la Révolution et l’Empire, le recours à la concession va peu à peu disparaitre au profit d’une traditionnelle réalisation par l’État, soit en régie (par ses propres moyens humains et financiers), soit en faisant appel à une entreprise privée dans le cadre d’un marché public.

Pont de Bordeaux, achèvement de la dernière arche du pont (21 août 1821). M. Becquey, conseiller d’État, directeur général des ponts et chaussées et des mines.

Pour autant, la construction par l’État est lente, coûteuse et emprunte davantage de monumentalité que de stricte utilité publique. En outre, les dotations financières de l’État sont sujettes aux aléas politiques qui détournent les crédits à d'autres fins que celles initialement prévues. Le contexte économique de l’époque est peu propice à l’intervention de l’État dont, au surplus, les ressources budgétaires, après des décennies de conflits militaires et de confusions politiques, sont anémiées, bien que l’État ait recouvré progressivement son crédit (hausse de la rente et retour des financiers parisiens dans le placement des emprunts d’État)[note 48]. Enfin, le recours à des marchés publics, n’est pas exempt de fréquents dépassements des devis source de contentieux préjudiciable à la bonne fin des travaux.

La solution retenue par Becquey, également utilisée pour le financement de la construction de ponts[87],[note 49], ou d’infrastructure portuaire[88], est celle de la soumission d’un prêt[note 50] :

  • l’État lance un appel d'offres (avec cahier des charges) qui fixe le montant de la somme à lui prêter, la durée de l’emprunt, la prime de remboursement, la date de fin des travaux et la durée de remboursement ;
  • l’État s’engage à utiliser exclusivement le prêt, versé par tranche (ou libération) et selon une périodicité fixe, aux travaux de construction du canal et à fournir des fonds en cas d’insuffisance[note 51] ;
  • le soumissionnaire, avant de présenter son offre, dépose une caution comme garantie du sérieux de sa proposition qui lui est remboursée s’il est retenu. Le soumissionnaire retenu est celui qui accorde le taux d’intérêt du prêt le plus bas, l’État, pour l'y inciter, lui garantissant, après amortissement et pour une durée déterminée, le partage des revenus du canal ;
  • pendant la durée des travaux, l’État verse au soumissionnaire l’intérêt du prêt ;
  • à l’ouverture du canal, ses revenus (produit du péage et, le cas échéant, celui des fermages d’usines, plus-values des terrains desséchés, vente des arbres et des herbes, concession d’eau pour arrosements) sont consacrés, outre à la continuation du paiement de l’intérêt, à l’amortissement du capital, aux frais d’exploitation et à l’entretien. Si les revenus sont insuffisants, l’État y supplée, sinon l’excédent est versé au fonds d’amortissement ;
  • à l’échéance du remboursement du prêt (intérêt et capital), les revenus du canal (après frais d’exploitation et d’entretien) sont partagés entre l’État et le soumissionnaire pour une durée déterminée. Au terme de cette durée, l’État retrouve la pleine et entière jouissance du canal.
  • en contrepartie de n’être associé qu’au partage des bénéfices, le soumissionnaire dispose d’un droit d’observation et de contrôle sur les plans et devis, de vérifier la comptabilité et de participer à la définition de la tarification[93].

Ainsi l’État construit et exploite les canaux au moyen d’un financement apporté par des capitalistes (association de banquiers ou investisseurs privés). Il ne s’agit pas d’une concession à proprement parler ; seul est « concédé » aux prêteurs le droit de vérifier l’usage à bonne fin des sommes prêtées (devis, comptabilité, tarif).

À l’État reviennent les risques industriels (retard des travaux, dépassement devis), aux soumissionnaires les risques financiers (bénéfice à partager moindre que prévu). Ce système s’apparente à une quasi-concession mais dont la maîtrise d’œuvre (travaux) est à la charge, non pas du soumissionnaire, mais de l’État (c’est une garantie pour le soumissionnaire). Le soumissionnaire n’a pas à supporter les conséquences financières d’un retard dans l'achèvement des travaux (surcoût pris en charge par l’État), mais l'aléa du partage des revenus de l'exploitation du canal (incertitude quant au respect de la durée contractuelle des travaux et incertitude quant à la venue des bénéfices qui est déterminée par l'ouverture à l'exploitation du canal et par sa fréquentation conditionnée par le droit de péage).

Le soumissionnaire conclut un traité avec l’État fixant les modalités et conditions de mise à disposition du prêt et de son remboursement, puis se refinance auprès du public. C’est la raison pour laquelle des sociétés anonymes, pour certaines d'entre elles cotées à la bourse de Paris, sont créées pour permettre aux soumissionnaires de se refinancer auprès de capitalistes et épargnants fortunés. Pour celles non cotées, les banquiers soumissionnaires revendent, au gré de leurs besoins, les actions à leur riche clientèle.

Les négociations financières

Dès avant la parution du Rapport au Roi, Becquey sollicite les industriels et capitalistes (détenteurs de capitaux), français et étrangers, à investir dans des concessions de canaux en encourageant « l’esprit d’association »[94],[note 52], mais il se heurte à la frilosité ambiante consécutive au ralentissement économique amorcé fin 1818[note 53]. Aussi, n’a-t-il d’autre recours, faute de crédits de l’État, que de mettre en place un système d’emprunt auprès de banquiers.

Note manuscrite de Becquey indiquant que les fonds apportés par les compagnies financières s’apparentent à un placement financier calé sur le cours de la rente (circa 1821) [note 54].
Soumission d'une offre de prêt pour le canal d'Arles à Bouc par un regroupement de banquiers mené par André & Cottier et Cie (4 avril 1822)[100].

Les opérations de crédit à long terme de la Haute banque parisienne après 1815 ont fourni le modèle de financement sur lequel le programme des canaux de Becquey allait s'appuyer[note 55],[85].

Becquey conduit seul les négociations avec les financiers intéressés[note 56].

« Les ministres des finances et de l’intérieur lui abandonnaient le soin de diriger ces négociations délicates. »

 A. Beugnot. Vie de Becquey, ministre d'État et directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines sous la Restauration[8].

La volonté de favoriser l’« esprit d’association » entoure ces négociations du secret ne les mettant pas à l’abri du soupçon de corruption et d’intrigues[103],[note 57].

Pour apporter leur concours à l’État, l’administration invite les financiers à estimer les produits futurs des canaux au regard de leur coût approximatif figurant dans le Rapport au Roi.

« Il faut donc ne regarder en général que comme des approximations les longueurs de trajet et les sommes de dépenses énoncées dans les diverses colonnes du tableau [tableau de la navigation intérieure de la France]. À l’égard des produits… l’administration a recueilli et continue de recueillir sur ce sujet les renseignements propres à dissiper les incertitudes et à fixer les opinions. (…) [elle] laisse aux capitalistes le soin de peser et d’apprécier les données qu’elle leur offrira, et de s’en procurer de nouvelles, si les premières leurs paraissent insuffisantes : enfin d’établir eux-mêmes tous les calculs qui, sous ce rapport, peuvent servir de base à leurs spéculations[104]. »

 Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France, 1820 (observations préliminaires).

L’aboutissement des négociations financières s’est concrétisé par les lois de 1821 et 1822 validant les termes des accords de mise à dispositions des prêts à l’État. Elles proposaient en quelque sorte une coopération public-privé, le secteur privé ne faisant guère fait plus que prêter de l'argent au gouvernement qui était responsable de la construction du réseau. Les fonctions essentielles de financement des travaux, d'ingénierie et d'exploitation étaient assumées par l'État[note 58].

Les débats parlementaires

Les parlementaires appelés à débattre et voter les lois relatives au financement des canaux, fustigent les pratiques du gouvernement et le recours à des emprunts.

Dans son exposé des motifs de la loi de 1821[108], le ministre de l’intérieur, comte Siméon, rappelle la diffusion faite du rapport au roi de 1820 et les objectifs poursuivis :

  1. faciliter et diminuer le coût des transports ;
  2. égaliser les prix entre les provinces ;
  3. donner la priorité à l’achèvement des grandes lignes de navigation intérieure.

Pour réaliser ce système de navigation intérieure, il convient de :

  1. ne pas grever le budget de l’État de dépenses nouvelles ;
  2. disposer sans discontinuité des fonds nécessaires durant toute la durée des travaux ;
  3. garantir l’affectation des fonds uniquement aux travaux ;
  4. assurer rapidement l’achèvement des travaux.

Seul le concours de compagnies financières prêteuses de fonds lève ces contraintes sous les conditions suivantes :

  1. offrir un intérêt d’emprunt avantageux ;
  2. espérer, à l’ouverture des canaux, un revenu suffisant pour l’amortissement du capital et l’intérêt restant à courir ;
  3. partager les bénéfices pendant une certaine période pour garantir l’investissement privé et l’engagement de l’État à tenir le délai des travaux.

Quant au mode d’exécution, il souligne qu’une concession perpétuelle ne répond pas à l’intérêt général et doit être réservée à un ouvrage peu étendu destiné à l’approvisionnement, ou au débouché, d’un établissement[note 59]. Aussi, une concession temporaire est-elle préférable : soit le concessionnaire entreprend les travaux à ses risques et périls en contrepartie de l’abandon des revenus du canal pour une durée limitée, mais il est impossible de déterminer précisément les revenus attendus ; soit une solution mixte où l’État se charge des travaux qui sont financés par des fonds privés selon deux modalités possibles. Dans ce cas, le montant des avances, le taux d’intérêt et la durée d’amortissement sont convenus invariablement d’un commun accord, ou bien le montant de la dépense et l’amortissement sont également déterminés, mais le taux d’intérêt varie entre un minimum garanti et un maximum versé sous condition.

Ces développements sont repris par le rapporteur de la loi Héricart de Thury[109],[note 60].

Les parlementaires émettent plusieurs critiques.

  • Absence de cohérence

Le rapport au roi de 1820 ne doit pas faire illusion : « Tout, en fait de tableaux ou de promesses, peut être embelli par la pompe du style, et quand de tels écrits ne nous parviennent qu’après avoir passé sous les yeux du monarque, c’est auprès de nous [députés] une séduction bien entraînante pour ne pas leur refuser un premier accueil et quelque déférence » (Basterrêche)[110]. Les projets de loi portent sur des canaux séparés alors que le rapport au roi présente un ensemble de canaux liés les uns aux autres dans un système cohérent de navigation intérieur. Le gouvernement aurait dû présenter aux Chambres un plan d’action, un mode d’exécution, un cahier des charges : « Vous [députés] ne pouvez pas juger de la liaison et de l’enchainement de chaque partie avec l’ensemble du plan et du système. » (Ganilh)[110]. Par manque de cohérence, le gouvernement n’a pas retenu les offres de deux compagnies pour un financement global de tous les canaux et ne répond pas à l’utilité générale du pays par un système complet.

Note manuscrite de Louis Becquey sur l'avantage de « l'intérêt particulier » pour la construction des canaux à l'émission d'une rente (circa 1821)[note 61].

Réponses : Des canaux particuliers (indépendants) ne sont pas moins profitables à tout le pays : « Les soumissions reçues s’appliquent à des canaux dont l’utilité, loin d’être circonscrite, ne sera pas étrangère aux points les plus éloignés du royaume » (Becquey)[110]. Les compagnies susceptibles d’offrir un montant d’emprunt correspondant à un besoin de financement de plus de 200 MF sont en nombre très restreint. Deux compagnies ont fait une offre globale remboursable en titre du Trésor (ibid. Becquey). Laffitte offrait 240 MF[note 62] par huitième à raison de 30 MF par an [complétés d’une participation anglaise de 60 MF[110]] avec la condition que les titres du Trésor (rente) en remboursement de l’emprunt (capital et intérêt) aient une priorité sur les autres effets du Trésor. Condition exorbitante qui a été refusée (Villèle)[note 63]. Sartoris fit également une offre globale[note 64]. Une compagnie unique ouvre le risque d’un monopole préjudiciable aux affaires du gouvernement : « Cette compagnie ne serait-elle pas maîtresse par là de contrarier les opérations du gouvernement, de la caisse d’amortissement, de la banque ? » (Chifflet)[111]. Pire encore, si « à la suite de troubles civils ces capitaux tombaient sous la direction d’un ambitieux, d’un conspirateur… » (ibid. Chifflet). Enfin, offrir des titres du Trésor, c’est augmenter la dette de l’État tout en n’étant pas certain que les fonds recueillis ne soient pas sacrifier à des dépenses immédiates et inopinées qui se révèleraient au gouvernement pour la conduite de ses affaires, en repoussant d’autant l’achèvement des travaux des canaux. Cette condition n’ayant pas été retenue, c’est la raison pour laquelle ont été préférées des offres particulières liant, en termes de délai et de coût, le gouvernement à la réalisation tel ou tel canal (ibid. Becquey).

  • Opacité des transactions financières

Faute de cohérence, de méthode et de publicité, donc sans concurrence, les offres de soumission n’ont pu être que confidentielles et clandestines (ibid. Ganilh).

Réponses : Pour le canal Monsieur, Becquey a parcouru les départements de l’est[112], réuni les propriétaires et négociants dans les chambres de commerce pour présenter les canaux à entreprendre et les inciter à participer à y prendre part (Terrier de Santans)[110]. Le rapport au roi a été diffusé aux préfets, inséré dans Le Moniteur et dans les « feuilles des départements ». Les capitalistes pouvaient assoir leurs calculs sur ces bases officielles[note 65]. La rédaction d’un cahier des charges serait une forme d’exclusion plutôt qu’une mise en concurrence des offres car dans ce genre d’entreprise il faut laisser libre les capitalistes de former leurs offres : le montant du prêt, les époques de son versement, le taux d’intérêt, les annuités de remboursement sont les conditions de l’entreprise à réaliser et non un moyen. C’est cette liberté de proposition qui est gage de concurrence (ibid. Becquey). Ce n’est pas aux parlementaires de recevoir et sélectionner les soumissions reçues ; il leur revient d’adopter, ou non, les conventions passées entre les capitalistes et le gouvernement (ibid. Villèle).

  • Conditions financières avantageuses pour les compagnies

Le taux d’intérêt, le taux d’amortissement, le partage pendant de longues années des produits du canal après son achèvement sont de considérables avantages alors que les soumissionnaires ne courent aucun risque puisque qu’ils ne sont pas entrepreneurs pour la réalisation des travaux. Le rendement de ces emprunts est meilleur que la rente.

Réponses : Il ne faut pas s’offusquer que des compagnies fassent des profits considérables car c’est un moyen d’exciter l’émulation générale et ainsi de favoriser la concurrence (ibid. Basterrêche)[note 66]. Les hypothèses de revenus et de bénéfices exposées par les orateurs ne sont pas fondées puisque ces revenus n’existent pas encore « et qu’il est impossible d’évaluer avec précision ». Ces revenus seront progressifs car il faut tenir compte des habitudes des transporteurs, du coût d’entretien des canaux, des taxes, d’événements exceptionnels comme la guerre qui transformerait un canal en une ligne de défense. « Les compagnies seront appelées à prendre part à ces produits [revenus des canaux] que dans un avenir reculé. » (30 ans pour le canal Monsieur, 42 ans pour les canaux du duc d’Angoulême et des Ardennes) (ibid. Becquey). Seul est à la charge du Trésor le paiement des intérêts durant les travaux et, à leur achèvement, les revenus du canal serviront à la poursuite de ce remboursement comme à l’amortissement du capital (ibid. Terrier de Santans). Les emprunts soumissionnés ne peuvent pas être comparés aux effets publics (rente) car, contrairement à ces derniers, ils ne sont pas réalisables à tout moment (Humann)[113]. Faire participer les compagnies aux produits des canaux, c’est un gage de bonne administration par les utiles avertissements qu’elles pourront donner (Becquey)[110]. Un canal ouvre une source de prospérité pour tous les pays qu’il traverse. Il devient une source de produits et par conséquent de consommation qui, elle-même, génère des droits (taxes, impôts…) dédommageant ainsi le gouvernement des avances qu’il aura faites ; « Indépendamment des avantages du fisc, le canal ouvre de nouveaux débouchés et procure de grands avantages à une population considérable » (Villèle)[113]. Sans compter la main d’œuvre occupée pendant les travaux, de l’allègement dans l’entretien des routes par suite du transfert d’un mode de transport à l’autre[note 67].

  • Rejet des offres de concession

Un concessionnaire réalise les travaux plus rapidement et de manière moins dispendieuse que l’État car il a le souci de jouir au plus vite des revenus attendus de l’ouvrage qui lui a été confié. « Les plans sur lesquels on se base ne renferment rien d’assez obligatoire pour répondre de l’exactitude de l’exécution, soit dans le prix, soit pour le terme de l’achèvement des travaux. » Les ingénieurs des Ponts & Chaussées s’en soucient peu dès lors que l’État leur procure les fonds « pour faire des travaux à peu près à leur fantaisie. » Il faut suivre l’exemple de l’Angleterre qui accorde, par un vote du parlement, des concessions perpétuelles pour la réalisation de canaux, aux risques et périls des concessionnaires qui ont présenté un projet pour lequel ils se sont mis d’accord avec les propriétaires des terrains traversés et accepter les sacrifices qu’entourent une telle entreprise. En outre, « le concessionnaire devenu propriétaire a toutes sortes d’intérêt à bâtir d’une manière solide. » Il n’y a pas à regretter l’octroi de concession perpétuelle car l’État en retire un bénéfice par l’accroissement des revenus incidents générés par les canaux « dans une proportion qui compensera et dépassera de beaucoup la valeur de l’espèce de sacrifices et d’abandon que le gouvernement aurait d’abord paru faire aux créateurs de ces augmentation de richesses générales. » Enfin, le centralisme parisien paralyse les initiatives locales les plus à même de propager la création de canaux (Basterrêche)[110].

Réponses : Il ne s’est trouvé aucune compagnie prête à courir les risques de ces « constructions hydrauliques ». Mais si le gouvernement emprunte à des capitalistes pour réaliser de telles constructions dans le délai auquel ces capitalistes ont souscrit pour leur prêt, il se trouve dans la même situation qu’un concessionnaire qui a hâte de terminer les travaux. Tel fut le cas en 1818 pour les transactions financières relatives aux bassins du Havre ainsi que les ponts de Bordeaux et de Libourne. Les aliénations perpétuelles doivent rester limitées pour les entreprises aux risques les plus élevés (ibid. Humann). À l’inverse, dans le cas d’une concession temporaire, la hâte du concessionnaire à jouir des revenus le conduit trop souvent à des « économies les plus mesquines » dans la réalisation des travaux préjudiciables à la bonne vie de l’ouvrage dans le temps. « C’est dans cette vue que, sans éloigner aucun autre mode de concession, l’État cependant incline avec quelque préférence vers le mode simple des emprunts, qui lui laisse l’entière disposition des travaux. » (ibid. Becquey).

Lors des débats relatifs à la loi de 1822 le gouvernement semble avoir pris en compte les critiques exprimées précédemment.

Dans son exposé des motifs de la loi[114], le ministre de l’intérieur Corbière, rappelle que tous les canaux ne peuvent être entrepris simultanément ; les grandes lignes de navigation et les canaux secondaires déjà entrepris. Pour répondre aux critiques, un premier concours unique a été publié le 4 septembre 1821 pour la soumission d’offres tant pour des compagnies qui entreprendraient les travaux à leurs risques et périls moyennant la concession de péage que pour des compagnies financières qui apporteraient à l’État les fonds nécessaires pour les travaux qu’il entreprendrait lui-même. Seules quatre offres par des compagnies se chargeant des travaux sont remises. Les offres des compagnies financières posaient des conditions trop variées pour arrêter un choix définitif. Aussi, un second concours a-t-il été lancé avec, cette fois-ci, deux cahiers des charges en donnant la priorité aux compagnies qui se chargeraient des travaux ; pour celles-ci la condition de concurrence est la durée de la concession, pour les compagnies financières la concurrence est déterminée par le taux d’intérêt du prêt. Toutefois, les canaux de Bourgogne, de Bretagne et d’Arles à Bouc, sont réservés à des offres de compagnies financières compte tenu de leur montant élevé et de la durée des travaux avec la particularité du canal d’Arles qui représente la partie terminale du projet de canal du Rhône, de Lyon à la Méditerranée. Finalement, hormis le canal d’Aire à la Bassée accordé à une compagnie chargée des travaux dans le cadre d’une concession d’une durée de 87 ans et 11 mois (« ce canal ne présente aucun ouvrage d’art considérable, ni aucune dépense importante, et peut être exécuté en deux ans » (Huerne de Pommeuse)[115]), tous les autres canaux ont reçu des offres de compagnies financières[note 68].

Huerne de Pommeuse, rapporteur du projet de loi, souligne que la condition de publicité est remplie, que le mode de traité avec des compagnies financières n’affecte pas le crédit de l’État (dette publique) et lui permet de disposer de moyens constants à des périodes déterminées pour financer les travaux, que les conditions financières sont meilleures qu’en 1821[note 69], que le coût des canaux doit être regardé à l’aune des économies d’entretien du réseau routier, de l’ouverture de nouveaux débouchés aux produits des provinces traversées, de la facilité des échanges commerciaux à travers tout le pays et de la possibilité de développement/ouverture de mines diminuant d’autant la dépendance envers l’approvisionnement de l’étranger[note 70], et qu’enfin le programme offre du travail à une main d’œuvre autrefois mobilisée aux conquêtes militaires concourant ainsi à l’effort d’ordre et de paix du gouvernement (ibid. Huerne de Pommeuse).

Malgré l’âpreté des débats :

« Les adversaires et les partisans des lois sur les canaux se sont mis d'accord sur un point fondamental : les canaux sont une bonne chose. Sur les quarante-huit[sept] orateurs [(ayant pris part aux débats)], dix-sept sur vingt-sept en 1821 et dix-neuf sur vingt-cinq en 1822[118] ont fait directement référence aux avantages positifs des canaux en tant que tels. Certains ont simplement commencé leur discours en précisant que, « comme nous le savons tous », les canaux offrent « un immense avantage (8 orateurs) ou « [un immense] bénéfice » (5) ou [encore], dans le langage semi-technique de la nouvelle économie utilisée par les libéraux, [une] « utilité » (7, dont 6 à gauche). Plus précisément, les députés ont vu dans les canaux une « source » de richesse (9) et de prospérité (12). De façon plus ou moins rigoureuse, les canaux apporteraient vie et abondance (3) dans des régions isolées où ils fourniraient aisance ou fécondité. Bien que tous les députés n'aient pas reconnu aussi explicitement l'utilité des canaux et que beaucoup aient ensuite attaqué tous les aspects du programme particulier des canaux figurant dans les [projets de] lois de 1821-22, aucun des députés silencieux ou critiques n'a nié les avantages des canaux. »

 Reed G. Geiger, Planning the French Canals: Bureaucracy, Politics, and Enterprise Under the Restoration[119].

Au terme des débats[120], les lois du 5 août 1821 et 14 août 1822[note 71] (complétées de l’ordonnance du 13 juillet 1825, en application de l’article 18 de la loi du 5 août 1821 relative au canal du duc d’Angoulême, s’agissant de la navigation sur l’Oise[note 72]) valident[121] :

  • la concession[note 73] :
    • du canal d’Aire à la Bassée (7e ligne de jonction) ;
    • des péages et droits sur divers petits canaux locaux appartenant à l’État en contrepartie de la réalisation de travaux visant à rendre navigable la ligne entre le canal de Beaucaire et celui des Deux-Mers (6e ligne de jonction) ;
  • la soumission de prêts pour la réalisation de onze voies navigables (canaux et canalisation de rivières).

À la suite d'un amendement de Delaroche[122], l’article 9 de la loi du 14 août 1822 dispose que chaque année un rapport est remis sur l’avancement des travaux et les sommes dépensées « pour les canaux entrepris tant en vertu de la présente loi qu’en vertu des lois antérieures »[123],[note 74]. Ces rapports au roi, réalisés par la commission des canaux auprès de Becquey (cf. infra § « mise en œuvre »), sont remis chaque année au parlement. Ils présentent un état d’avancement de la mise en œuvre des lois votées et participent à l’instauration d’un dialogue désormais régulier entre le gouvernement et les assemblées parlementaires[note 75].

Par ailleurs, pour l’achèvement des travaux du canal Saint-Maur, la loi du 17 avril 1822[124] concède à perpétuité les eaux surabondantes du canal qui ne servent pas à sa navigation et divers terrains acquis par l’administration aux abords du canal[note 76].

Le plan retenu

Du plan initial présenté dans le Rapport au Roi (1820), les lois de 1821 et 1822 permettent la réalisation d'une partie des voies navigables envisagées ainsi que d'autres non prévues, financées par prêts à l'exception de deux concessions.

D’autres offres ont été faites mais qui n’ont pas été retenues ; une concession pour un canal de la Marne au Rhin à Strasbourg[note 77], telle que figurant dans la 3e partie du Rapport au roi Ligne de Paris à Strasbourg par la Marne »), ainsi qu'une concession sollicitée par Vassal[note 78] et des prêts formulés par Vassal[note 79] et Laffitte[note 80].

Les canaux entrepris et leur financement

Hormis :

  • le canal d’Aire à la Bassée concédé aux Srs Loque et Desjardins à leurs frais, risques et périls ;
  • l’amélioration de la navigation (ou canal des Etangs) entre le canal de Beaucaire et celui des Deux-Mers financée par Usquin & Cie qui s’engage à fournir 1,75 MF de travaux (contre 1,8 MF figurant dans le Rapport au Roi) tels que mentionnés au traité du 22 janvier 1822 (art. 3)[132],[note 81] ;
  • l'achèvement du canal Saint-Maur (ou canal Marie-Thérèse[133]) financé par la concession au Sr Dageville, pour la somme de 655 200 F (contre 400 000 F lors de débats parlementaires et évalué à 624 731 F dans le Rapport au Roi), des eaux surabondantes du canal non utiles à sa navigation[note 82] ;

la construction par l’État des autres canaux et canalisation de rivières est financée par des prêts, aux caractéristiques techniques (intérêt, amortissement, partage des produits) dissemblables, apportés par des groupements de financiers[note 83]. Toutefois, la navigation sur le Tarn est financée par un prêt apporté par la Caisse des dépôts et consignations[134].

Finalement, c’est une partie du plan Becquey de 1820 qui est financée par ces emprunts portant tant sur des canaux de 1re classe que sur des canaux de 2e classe (canaux du Nivernais, d’Ille et Rance, du Blavet) mais aussi sur des projets (canal des Ardennes et navigation sur la rivière de l’Isle) et des ouvrages non prévus initialement (navigation sur l’Oise et sur le Tarn), pour une longueur totale de 2 434 km et un montant d’emprunt de 129,4 MF[note 84] (voir tableau ci-dessous).

Des compléments, non prévus dans le rapport de 1820, sont financés ; le canal des Ardennes est complété d’un embranchement de Semuy à Senuc (navigation sur l’Aisne) pour MF[141].

Des modifications sont apportées ; le canal du duc de Berry débute au Bec-d’Allier, alors que le Rapport au Roi indique Digoin pour origine du canal. À l’inverse, le canal latéral à la Loire, qui dans le Rapport au Roi débute au Bec-d’Allier, voit son origine repoussée en amont à Digoin.

Des dépenses sont également réévaluées ; le canal d’Angoulême estimé à 4,8 MF dans le Rapport au Roi de 1820 est financé pour 6,6 MF en 1821. Le canal des Ardennes prévu pour 6,4 MF est financé à MF[141]. Idem pour les canaux de Bretagne et du Nivernais. Des canaux en cours d’exécution dans le Rapport 1820 « aux frais de l’État » et leur dépense mentionnée « pour mémoire », sont finalement financés par des emprunts ; le canal de Manicamp (de Chauny à Manicamp) est financé pour 0,6 MF[141].

Les conditions financières ne sont pas identiques entre la loi de 1821 et celle de 1822 ; la première étant plus avantageuses que la seconde, en particulier s’agissant des pénalités en cas de retard dans la construction du canal Monsieur qui ne se retrouvent pour aucun autre canal, et s’agissant du versement de l’intérêt et de l’amortissement du prêt pour les canaux soumissionnés par Sartoris. Pour ces derniers, l’intérêt débute au versement de la première tranche du prêt et non à compter du début des travaux et l’excédent des produits des canaux est versé à la compagnie pour être répartis entre les actionnaires et non versé au fonds d’amortissement, ce qui a pour avantage de ne pas devoir attendre le remboursement complet du prêt pour commencer à jouir du partage (État/compagnie) des revenus du canal[note 85].

Enfin, les conditions juridiques sont plus favorables pour les canaux de la loi de 1821 par une disposition qui ne figure pas pour les canaux de loi de 1822 ; toutes les contestations aux clauses du traité de soumission du prêt entre la compagnie et l’État seront interprétées en faveur de la compagnie[142].

Trois pôles régionaux bénéficiaires se distinguent ; au nord (Somme-Aisne-Oise), au centre (Berry-Nivernais-Bourgogne-Franche Comté) et à l’ouest (Bretagne). Le premier se situe au croisement des routes commerciales et des foyers industriels entre Paris, le Nord de la France et, plus loin, la Belgique. Le second dessert les mines (fer, houille) et foyers sidérurgiques du début de la révolution industrielle (Montluçon et Commentry, Fourchambault, Imphy, Buffon et Chatilonnais, Ronchamp, Champagney). Autant d’avantages qui pouvaient intéresser des capitalistes à investir dans des canaux. Les canaux de Bretagne n’ont d’intérêt principalement que militaire pour éviter les navires ennemis en mer.

Alors que le « plan Becquey » prévoyait une dépense de 107 MF, les soumissions de prêt retenues, à comparaison égale (la navigation de l'Oise (MF), celle sur l'Aisne de Semuy à Senuc (MF) et l’autorisation d’emprunt pour la navigation du Tarn (0,8 MF) ne sont pas comprises dans le plan Becquey), s’élèvent à 125 MF, soit un dépassement de 17,4 %.

La mise en œuvre

Lettre signée Becquey à A. Legrand le nommant secrétaire de la commission des canaux (10 août 1821)[143].

Pour l’épauler dans la réalisation du plan, Becquey met en place auprès de lui, en août 1821, une commission des canaux pour préparer les projets et estimer les coûts[note 86]. En font partie l’inspecteur général Tarbé de Vauxclairs, vice-président du Conseil général des ponts et chaussées, les inspecteurs divisionnaires Dutens et Bérigny, l’ingénieur en chef Brisson, l’ingénieur ordinaire Legrand[note 87] est chargé d’en assurer le secrétariat[note 88].

Alors que la procédure habituelle veut que les particuliers présentent des projets qui font l’objet d’une approbation par l’administration après avis du Conseil général des Ponts & Chaussées, les canaux du plan Becquey sont conçus par l’équipe du directeur général sans avoir fait l’objet ni d’une étude de terrain, ni d’une validation par l’ingénieur en chef du département, ni même approuvés par le Conseil général qui s’insurge d’être court-circuitée par la création d’une commission des canaux[note 89] :

« Les membres soussignés du Conseil des ponts et chaussées ont vu de plus une inconvenance trop marquée à ce que les projets d’un inspecteur général et d’un inspecteur divisionnaire fussent discutés, appréciés et jugés par l’ingénieur en chef, même par l’ingénieur ordinaire qui, quoiqu’étrangers au conseil, font partie de la commission. »

 lettre du Conseil général des ponts-et-chaussées à Louis Becquey du 26 février 1822[149].

Le courroux du Conseil général des Ponts & Chaussées tient également à la rapide promotion des jeunes ingénieurs dont Becquey s'est entouré[note 90] et qui souscrivent à l’idée de faire appel au privé (susciter l’« esprit d’association »), tel Dutens.

Note manuscrite de Becquey relative aux modalités de construction des canaux par les compagnies financières (circa 1821)[150]

Par ailleurs, les compagnies financières sont écartées de la construction des canaux et quant bien même elles auraient des velléités pour s’en charger, Becquey pose des conditions draconiennes à cette éventualité[note 68].

Au lendemain du vote de la loi du 14 août 1822, Becquey adresse des circulaires aux ingénieurs des Ponts & Chaussée et aux préfets fixant les nouveaux principes pour la conduite des travaux dans la mise en œuvre du programme voté. La première leur enjoint de construire rapidement et au meilleur prix, sans renoncer à la solidité des ouvrages.

« Solidité, économie et célérité, tels sont les devoirs principaux que nous avons à remplir (...)N'oublions pas surtout que ce ne sont pas des monuments que nous avons à construire, mais des ouvrages essentiellement utiles, et que le caractère de pareils ouvrages ne doit être ni le luxe, ni la magnificence (...)J’ai voulu seulement vous montrer qu’il fallait entrer désormais dans la voie d’une économie sévère. »

 Becquey, circulaire du 19 août 1822 à MM. les ingénieurs en chef des ponts et chaussées[151].

Principes renouvelés dans une seconde circulaire rappelant, par ailleurs, qu’il vaut mieux un grand nombre de travaux utiles[62], qu’un petit nombre de « monumens » (sic).

« Je suis persuadé que les ingénieurs (…) sentent comme moi que la magnificence d’un grand État réside plus dans la multiplicité des créations utiles, que dans l’éclat d’un petit nombre de monumens. »

 Becquey, circulaire du 30 août 1822 à MM. les ingénieurs en chef des ponts et chaussées[152].

Si ces instructions ne devaient suffire, Becquey insiste auprès des préfets sur la plus grande économie dans les travaux à entreprendre afin de ne pas engager plus de dépenses que le montant des prêts obtenus envisageant même la possibilité de dégager des excédents qui pourraient couvrir des imprévus.

« Je ne puis trop insister sur ce point : ce serait une fausse vue de l’esprit que d’attacher l’idée du luxe et de la magnificence aux travaux que nous entreprenons (…)Je n’ai pas besoin de vous répéter combien il importe de nous renfermer dans la limite de dépenses que nous nous sommes tracées (…)Par ces motifs, je compte que loin d’épuiser le montant de l’emprunt, il nous restera les sommes disponibles pour les differens cas qui auraient échappé à nos prévisions. »

 Becquey, circulaire du 5 juin 1823 à MM. les préfets[153].

Une standardisation technique recherchée

Ni le Rapport au Roi sur la navigation intérieure de 1820, ni les lois de financement de 1821 et 1822, ni les débats parlementaires, ni les instructions de Becquey aux ingénieurs et préfets, ni les rapports sur l’avancement des travaux ne se font l’écho de considérations techniques sur le gabarit des canaux. Le Rapport au Roi fait seulement mention de deux types de canaux ; de grande et de petite section, comme il en existe en Angleterre.

Ce sont les plans et devis préparés par les ingénieurs des Ponts & Chaussées examinés par la commission des canaux auprès de Becquey qui consacrent leur standardisation autour d’un gabarit minimum, dit « gabarit Becquey » ;

  • longueur écluse : 30,40 m ;
  • largeur écluse : 5,20 m ;
  • mouillage : 1,60 m ;
  • tirant d’eau : 1,20 m ;
  • hauteur sous ouvrage : m.

Pour autant, comme le préconise Dutens dans son rapport de 1819, des canaux de « petite section » n'en sont pas écartés[note 91] ;

  • longueur écluse : 25 à 28 m ;
  • largeur écluse : 2,60 à 2,65 m ;

Les bateaux empruntant les canaux de petite section doivent pouvoir naviguer « accouplés pour passer les écluses des grands canaux[note 92] ».

Ces dimensions sont proches de celles des canaux de grande navigation en Angleterre rappelées par Dutens[157], soit ;

  • longueur moyenne écluse : 24 m ;
  • largeur écluse : 4,60 m.

Les canaux de petite navigation anglais sont larges de moitié (2,30 m) pour une longueur identique.

Les anciens canaux construits selon des normes inférieures seront remaniés entièrement, tels ceux de Briare, d'Orléans et du Centre essentiellement. Cependant certains autres ne seront pas remaniés, comme celui de Givors (ouvert en 1780), ceux de Bretagne, alors sur le point d'être achevés, ou celui de Berry, en chantier mais qui pour des raisons techniques et économiques a été construit pour un petit gabarit. Le canal du Midi est déjà, lui, à un gabarit légèrement supérieur.

Toutefois, cette standardisation n’équivaut pas à une uniformisation. Les biefs du canal de Bourgogne sont plus larges que ceux du canal du Nivernais et le canal du Centre a une ouverture moindre que celle de ces deux canaux. De même la dimension des écluses varie d'un canal à l'autre. Ces différences sont une entrave au commerce obligeant à construire des bateaux particuliers pour chacun de ces canaux[158],[159].

Malgré tout, les bateaux pourront circuler avec un tonnage proche de 150 tonnes, comparé aux 85 tonnes maximum que peut porter un chaland de Loire. D’autant que les canaux pourront assurer un transport en toute saison (hors gel, tout comme les fleuves et rivières soumis eux, toutefois, aux aléas de leur étiage), dans des conditions de sécurité maximale.

Les sociétés de canaux

Sociétés de canaux (1800-1850) - émissions actions (en millions de francs courants)[160],[note 93].
Jeton de la société du canal Monsieur.

Pour se refinancer, les soumissionnaires des prêts créent des sociétés anonymes dont, pour certaines d'entre elles, les actions sont cotées à la bourse[note 94]. Sont créées :

Jeton de la société des Quatre Canaux.
Jeton de la société des Trois Canaux (1835).

On retrouve majoritairement dans le capital des sociétés de canaux les représentants de la Haute banque parisienne[161].

Reprenant au fil du temps le modèle mit en place par la S des Quatre Canaux, les compagnies financières mettent à la disposition des épargnants deux sortes d’actions[103],[note 95] :

  • Les actions d’emprunt (ou « action financière » ou « action de capital »). Si, juridiquement, elles représentent une fraction du capital appelé par tranches (libération) durant la phase de construction, d’un point de vue financier, ces actions donnent droit à un intérêt annuel fixe (coupon) pendant la durée de construction du canal (en moyenne 10 ans selon le canal) et sont remboursées à leur valeur nominale, par tirage au sort, pendant la durée de l’amortissement (jusqu’à 40 ans) qui débute à la fin de la construction. Ces actions possèdent toutes les caractéristiques d’une valeur à revenu fixe dont le coupon est de surcroît garanti par l’État. Les actions d’emprunt constituent en fait des obligations.
  • Les actions de jouissance[note 96]. Elles ne représentent pas une fraction du capital. Elles ne reçoivent un dividende qu’après le remboursement des actions d’emprunt et pour le nombre d’années fixé dans le partage des revenus du canal. Dans le meilleur des cas, les détenteurs d’actions de jouissance doivent attendre 40 ans pour recevoir un dividende. C’est la raison pour laquelle les actions de jouissance n’ont pas rencontré le succès auprès des épargnants tant en France qu’à l’étranger.

Au final, l’échéancier de remboursement des « actions » s’étale sur près de 90 ans.

Mais il s’est avéré que le montant total des libérations successives des actions d’emprunt est plus élevé que la somme des coupons reçus ; ces actions ne procurent ainsi aucun bénéfice pendant quasiment 10 ans (durée de la phase de construction, variable selon les canaux). Pour remédier à l’insuccès du placement de ces actions, sont créés des certificats de dépôts, combinaison d’une action d’emprunt et d’une action de jouissance. Ces certificats permettent une libération totale et anticipée d’un certain nombre d’actions en leur appliquant une portion des versements faits sur un certain nombre d’autres[165].

Les compagnies d’Urbain Sartoris avaient, outre les actions d’emprunt et de jouissance, créé des actions administratives (ou « omnium ») par la réunion d’une action d’emprunt et d’une action de jouissance. À cela s’ajoutaient des règles compliquées de remboursement et de dividende afférentes aux différentes catégories d’action qui conduisent finalement les héritiers de Sartoris, en 1835 lors de la fusion de ces trois sociétés de canaux en une seule (Cie des Trois canaux), à retenir le modèle mis en place par la Cie des Quatre canaux. En treize ans, de 1821 à 1834, Sartoris et Greffuhle, fondateurs des compagnies initiales, ne réussirent à écouler auprès du public, en France et à l’étranger, que 37 % du capital souscrit par eux au moment des soumissions[166].

Pour remédier aux difficultés de placement des actions des sociétés de canaux, la Banque de France assimile ces actions à des fonds publics et autorise les avances sur dépôts de ces titres ; institutions religieuses et compagnies d’assurance en seront les plus gros porteurs[139].

Progressivement, les sociétés de canaux vont reprendre le modèle mis en place par la S des Quatre Canaux amenant ainsi une standardisation dans le type d’action, le mode de versement des intérêts, des libérations et de l’amortissement. Cette clarification des règles, bénéfique pour les actionnaires, garantit une bonne transparence du marché. Cette standardisation technique, s’accompagne d’une harmonisation de la valeur nominale des actions d’emprunt (1 000 F, contre initialement 5 500 F pour le canal d’Arles à Bouc et 2 500 F pour le canal de Bourgogne), mais les rendent malgré tout inaccessibles au rentier moyen[note 97].

De par leurs caractéristiques, les actions d’emprunt ont eu plus de succès auprès du public que les actions de jouissance restées aux mains des banquiers. Les premières offraient des risques limités et une rémunération plus élevée (6 %) que la rente, les secondes plus spéculatives étaient soumises à de fortes fluctuations de cours. C’est la raison pour laquelle ces dernières sont largement restées aux mains des banquiers expliquant ainsi la faible liquidité du secteur des canaux à la bourse.

À la fin de la Restauration, les compagnies de canaux forme le troisième secteur des sociétés par actions cotées à la bourse de Paris ; sur un total de 16 sociétés, 2 sont des banques (dont la Banque de France) représentant 68 % de la capitalisation boursière, 8 des assurances représentant 24 % de la capitalisation et 8 des canaux pour 8 % de la capitalisation[167]. La capitalisation, boursière des sociétés de canaux atteint des montants inconnus jusqu’alors (près de 70 MF pour la société des Quatre Canaux).

Durant la période 1814-1848, dans 44 % des sociétés de canaux créées dans cet intervalle de temps, les actionnaires parisiens détiennent 75 % et plus du capital. Cette part de capital correspond à 65 % de la longueur du réseau canalisé durant cette même période. Selon l’origine des capitaux, ce sont les banquiers et l’aristocratie (à la commande de l’administration et de l’armée) qui sont les principaux souscripteurs d’actions[168], contrairement à l’Angleterre où les canaux ont été financés par des propriétaires terriens, des industriels ou des négociants.

Les travaux[123] et la poursuite du programme de canaux

Malgré la volonté de lancer les travaux au plus vite[note 98], ils commencent très lentement car tout manque.

Sur les canaux commencés avant le « plan Becquey », les travaux ont été interrompus depuis de nombreuses années. Pour ceux-ci comme pour ceux du « plan Becquey », tout est à faire tant en matière de personnel que de matériel. L’exploitation des carrières de pierre a été fermée et les ouvriers partis à d’autres occupations. En beaucoup d’endroits la trace des anciennes opérations est entièrement effacée ; il faut niveler à nouveau. Les repères choisis pour reconnaître les reliefs du sol ont disparu.

En premier lieu, il s’est agi de désigner des ingénieurs expérimentés pour la conduite de travaux d’une telle ampleur. Dès août 1822 des instructions leur sont données (lettres de Becquey aux ingénieurs en chef des Ponts & Chaussées des 19[151] et 30 août 1822[152]). L’économie est le maître mot des opérations :

  • le chemin de halage ne doit pas dépasser 3,50 m de largeur ;
  • seules les culées des ponts doivent être en maçonnerie, les travées seront en bois ;
  • l’emploi de la pierre de taille est réduite au minimum au profit du petit appareillage ;
  • généralisation du procédé du mortier à la « chaux hydraulique » de Vicat[171] qui rend la construction moins chère et plus solide ;
  • réduire le coût (2 500 F maximum avec un plan-type diffusé) et le nombre de maisons éclusières lorsqu’elles sont rapprochées (500 mètres), ou même donner un appointement à l’éclusier pour qu’il se loge dans une maison particulière dans un village proche. Un même éclusier peut faire la manœuvre sur plusieurs écluses.
Le roi (Charles X) examinant le canal Monsieur du haut de la terrasse de l'édifice principal du quartier Charles X à Mulhouse[172].

Becquey fait parfois le déplacement sur place accompagné des préfets et des ingénieurs des localités concernées. Selon lui, il faut agir vite, or l’exécution fut lente car les questions techniques de construction n’avaient pas été suffisamment étudiées avant de présenter le plan de navigation intérieure[173].

Les ingénieurs avant de lancer les travaux ont parcouru le terrain, éprouver les matériaux, pris connaissance du détail des projets et formuler des contre-propositions le cas échéant[note 99]. Il faut à nouveau vérifier les plans et devis, et veiller à rester dans l’enveloppe de crédits (prêts) disponible. On prit beaucoup de temps et d’argent à ces études.

Autant de circonstances qui ont retardé le lancement des campagnes de travaux qui ne peuvent être réalisés en hiver. Pour les canaux de 1821, une première campagne de travaux a lieu en 1822[174]. Pour les canaux de 1822, les travaux ont été retardés par un hiver rigoureux qui a repoussé le début de la campagne en 1823.

Mais les travaux sont retardés par les procédures d’expropriation de propriétaires exigeant des indemnités exorbitantes. De même les appels d’offre de travaux doivent parfois être renouvelés en raison de prix trop élevés. Les exigences du génie militaire ralentissent les travaux et parfois les renchérissent par de nouveaux tracés. La période effective des travaux pendant l'année n'est que de quelques mois (interruption durant l'hiver, main d’œuvre locale en partie absente durant les travaux des champs).

En 1823[153], Becquey adresse des instructions aux préfets :

  • hâter l’occupation des terrains après le règlement des indemnités pour y établir les ouvriers appelés à entreprendre les travaux;
  • accélérer la rédaction des projets définitifs ;
  • si des adjudications restent infructueuses, mettre en place une régie pour débuter les travaux sans retard.

Cette demande soudaine et ample de travaux entraine un renchérissement des coûts de fourniture et de la main-d’œuvre ainsi que l’apparition d’entreprises inexpérimentées ou frauduleuses, obligeant parfois l’administration à renouveler les appels d'offres de travaux ou réaliser elle-même les travaux. En bons techniciens, les ouvrages des ingénieurs des Ponts & Chaussées sont bien conçus mais les travaux sont mal exécutés. La main d’œuvre est de mauvaise qualité et les ingénieurs, faute d’autorité suffisante, éprouvent des difficultés à contrôler complètement les entreprises exécutantes. Méfiante à l’égard du privé, l’administration a fait le choix de confier les travaux à ses ingénieurs[note 100], mais ceux-ci n’étaient pas préparés à des réalisations d’une telle d’envergure et dans des délais si contraints[180],[note 101]

Entre 1824 et 1825, les Ponts & Chaussées recrutent 200 conducteurs de travaux, autant de piqueurs et cantonniers. On a recours à l’armée pour faire travailler les déserteurs aux canaux de Bourgogne et du duc de Berry afin de procurer rapidement des débouchés aux mines de Commentry[183],[184].

Inauguration de l'écluse d'Amiens sur le canal du duc d'Angoulême, le 31 août 1825, par la duchesse de Berry[185].

Malgré les difficultés, les travaux s’organisent et les premiers résultats apparaissent en 1825. Pour autant, les premières réalisations ne sont pas exemptes de surprises ; effondrement des rives nécessitant une consolidation, sol mouvant ou tourbeux créant des envasements, nature des sols (craie, argiles, marnes schisteuses…) occasionnant des éboulements dans les tranchées lors du dégel, etc. Le prestige et la compétence des maîtres d’œuvre (ingénieurs des Ponts & Chaussées) sont mis à mal et les coûts dérapent[183]. Ces aléas donnent des arguments aux partisans de confier la construction des canaux à des compagnies privées[note 102].

Navigation de la Somme canalisée 1827).

Ultérieurement, jusqu’à la fin de la Restauration, les canaux concédés et soumissionnés dans le cadre des lois de 1821 et 1822 sont complétés par la concession de nouveaux canaux[13], pour certains prévus dans le « plan Becquey » ;

  • Saint-Martin à Paris (novembre 1821 – prévu au « plan Becquey) à Vassal agissant au nom de la Cie des canaux de Paris (Ourcq et de Saint-Denis) (achèvement) [4,228 km] ;
  • de Luçon (1824 – prévu au « plan Becquey) [14,185 km] ;
  • de la Corrèze et de la Vézère (dit « du duc de Bordeaux »[note 103]) (1825 - prévu au « plan Becquey » comme composante de la communication entre la Vienne et la Dordogne par le cours de la Vézère[note 104]), travaux interrompus en 1827, concessionnaire déchu en 1828 et nouvelle adjudication ouverte en 1830[187] sans résultat [97,5 km] ;
  • de la Deûle (1825 - prévu au « plan Becquey »), concession expirée en 1854 [65,652 km] ;
  • de la Dive et du Thouet (1825), déchéance en 1840 [27,981 km] ;
  • canalisation de la Sambre (ou canal de la Sambre) (1825 - prévue au « plan Becquey ») [56,442 km].
  • de Roubaix (1825), achevé en 1861 [16,290 km] ;
  • de Saint-Quentin (1827), concession en échange de travaux pour améliorer le canal construit et ouvert en 1810, concession expirée en 1849 [96,350 km] ;
  • de Dunkerque à Furnes (1828 - prévu au « plan Becquey ») [22,455 km] ;
  • de Roanne à Digoin (1830 - prévu en partie au « plan Becquey »[188]), à la main de banquiers suisses [56,043 km] ;

Sous la Monarchie de Juillet sont concédés les canaux :

Le kilométrage moyen de ces canaux concédés est inférieur à celui des canaux soumissionnés en 1821 et 1822.

Développement du réseau des canaux au XIXe siècle[189].

Par ailleurs, sous la Monarchie de Juillet, l’État prend à sa charge, la construction des canaux suivants :

  • latéral à l’Aisne (1837 – prévu au « plan Becquey » comme composante de la communication entre le canal de la Marne au Rhin et la Meuse inférieure) [51,500 km] ;
  • latéral à la Marne (1837) [63,100 km] ;
  • latéral à la Garonne (prévu en partie au « plan Becquey »[note 106]), concédé en 1828 mais non exécuté, puis repris aux frais de l’État en 1838 [208,901 km] ;
  • Marne au Rhin (1838 – prévu au « plan Becquey ») [319,929 km] ;
  • Aisne à la Marne (1840 – prévu au « plan Becquey » comme composante de la communication entre le canal de Saint-Quentin et la Marne) [58 km] ;
  • Haute-Seine (1825 – prévu au « plan Becquey » comme composante de la communication entre la Seine et le canal de Bourgogne à Dijon, par Troyes, Bar-sur-Seine et Châtillon-sur-Seine[note 107]) adjudication infructueuse, puis repris par l’État en 1840 et inachevé [43 km] ;

La remise en cause du plan

Un nouveau contexte économique et politique[1]

L’année 1827 est marquée par les effets d’une crise économique débutée en Angleterre par un krach boursier en 1825[190]. La crise compromet les rentrées fiscales et affecte, pour la première fois depuis 1819, l’équilibre du budget. Les élections de fin 1827 donnent l’avantage aux libéraux (dont le chef de file est Jacques Laffitte) et à la gauche contre les candidats gouvernementaux (royalistes et ultras). En janvier 1828, un gouvernement de centre droit se met en place qui, faute de désignation d’un président du conseil, prend le nom de « ministère Martignac ». Le soutien des libéraux à ce gouvernement est conditionné, entre autres, à l’épuration de l’administration et à la réforme administrative qui, sur le fond, pose la question de la décentralisation de l’État[191]. En outre, la poussée des libéraux sur le plan politique s’accompagne du retour du courant économique libéral, voire libre-échangiste, contestant le protectionnisme mis en place depuis le début de la Restauration qui a enfermé la France dans un nouveau système de monopole.

C’est dans ce nouveau contexte économique et politique que le parlement prend connaissance du rapport annuel sur la situation de canaux pour l’année 1828 qui présente une insuffisance financière de 47,9 MF[192] pour achever les canaux en cours de construction dans le cadre des emprunts de 1821 et 1822.

Cette circonstance donne lieu à d’âpres débats à la chambre des députés lors de l’examen du budget de l’année 1829 à la session de juillet 1828.

Les débats parlementaires

Les critiques portent sur[193] :

  • le non recours aux concessions

Becquey rappelle des débats de 1821 et 1822 : malgré les sollicitations de l’administration, une seule compagnie s’est présentée pour la concession d’un canal de faible étendu et des travaux peu conséquents. La difficulté des capitalistes était d’évaluer les revenus futurs des canaux pour déterminer le tarif (péage) susceptible de couvrir, et plus, leur engagement financier à long terme[note 68]. Mais au-delà de l’aliénation du péage aux compagnies, l’État tire un bénéfice supérieur à la réalisation des canaux par une augmentation considérable de la richesse du pays dont le Trésor tire profit.

« Aussi, toutes les fois qu’elle [l’administration] a pu emprunter le secours de l’industrie particulière, elle s’est empressés de la provoquer et de l’accueillir… [Outre des canaux concédés] n’est-ce pas par des compagnies que des chemins de fer et plus de vingt ponts importants ont été exécutés ou s’exécutent en ce moment ? »

 Becquey, Chambre des députés, session du 9 juillet 1828[193].

Il souligne que l’augmentation des dépenses est consécutive à des frais imprévus (manque d’ouvriers et d’entrepreneurs, coalition des entrepreneurs pour obtenir des marchés onéreux, exigences immodérées des propriétaires expropriés, conditions nouvelles du génie militaire dans l’intérêt de la défense du pays, renchérissement des matériaux et du coût de la main-d’œuvre, crainte des crues des rivières obligeant à des déplacements sur le terrain pour de nouvelles études…)[note 108]. L’intervention de l’État pour pallier ces surcoûts étaient prévus dans les cahiers de charges annexés aux lois de 1821 et 1822, mais si l’administration n’en a pas fait écho jusqu’à maintenant c’est parce qu’elle ne pouvait les chiffrer plus tôt. Saglio précise que si les devis avaient été parfaitement calculés et sujets à aucun surcoût au cours des travaux, l’État aurait été en 1821 et 1822 dans la nécessité d’emprunter un montant plus élevé et à des conditions plus onéreuses alors qu’aujourd’hui, avec un coût du crédit plus favorable, ce surcoût n’occasionnerait pas de dommages réels pour l’État.

  • la centralisation à Paris de la direction des travaux.

Becquey indique que le choix des entrepreneurs, la conclusion des marchés, la surveillance des travaux et leur paiement s’effectue sur le terrain. L’administration à Paris examine les projets, donne les instructions générales, assure le mouvement et la distribution des fonds.

  • l’esprit de routine et les constructions somptueuses des ingénieurs des Ponts & Chaussées.

Becquey souligne qu’il n’y a pas d’esprit de routine lorsque l’on fait usage de techniques à la pointe du progrès, à un coût et des délais moindres qu’antérieurement. Les constructions ne sont pas somptueuses lorsque qu’elles doivent s’adapter aux exigences des échanges du temps présent et prévoir les augmentations futures.

Les orateurs suggèrent de suivre la recommandation de la commission des finances de la Chambre des députés de mettre en place une « commission supérieure et gratuite qui serait chargée de procéder à la recherche des faits, de recueillir les éléments nécessaires pour présenter un plan général d’amélioration dans le système d’administration et d’entretien des travaux publics ». Pour faire bonne mesure, les députés adoptent une réduction de 10 000 F sur le traitement du directeur général. Charles Dupin (libéral) doute, à l’exemple de l’Angleterre, de l’utilité d’une administration des Ponts & Chaussées. Enfin, Labbey de Pompierres (libéral) va jusqu’à proposer de vendre les canaux les moins avancés (Bourgogne, Bretagne, d’Arles à Bouc, Nivernais, Berry, latéral à la Loire, navigation sur l’Isle) et d’utiliser le produit de cette vente à terminer ceux proches de leur achèvement (Monsieur, duc d’Angoulême, Ardennes, navigation sur l’Oise et sur le Tarn).

La commission des routes et canaux

Une commission des routes et canaux est nommée par le roi le 12 août 1828 pour tenter de trouver une issue à la crise financière et politique déclenchée par la demande de crédits supplémentaires. Présidée par le ministre de l’intérieur (Martignac), elle est composée de parlementaires, de membres du Conseil d’État et du corps des ingénieurs des Ponts & Chaussées[note 109]. Ses travaux s’étalent sur près d’une année.

La commission se scinde en deux sous-groupes ; un premier chargé des routes (viabilité, police du roulage, péage…) sous la direction du baron Pasquier, un second chargé des canaux sous la direction du comte Molé.

Tableau issu de la commission des canaux de 1828[195]

Pour les canaux, la commission charge Tarbé de Vauxclairs d’établir un bilan et de faire des propositions pour la poursuite du système de navigation. Dans son rapport présenté à la séance du 1er décembre 1828[196], il réajuste le besoin de financement à 45,110 MF[note 110] auxquels il ajoute 16,350 MF de travaux incontournables, soit 61,460 MF le supplément total pour l’achèvement des canaux des lois de 1821 et 1822. C’est quasiment la moitié du montant des emprunts (126,1 MF) mais il estime que « cette proportion pour des travaux de ce genre n’offre rien d’exagéré. » Il réfute la critique de l’imprévision des dépenses au lancement d’un projet[note 111] ; par exemple, après sa mise en eau, un canal demande plusieurs mois, voire des années, pour être totalement étanche, de même les exigences des propriétaires à vouloir rétablir toutes les communications interceptées obligent à construire des ponts inutiles. La proportion des surcoûts varie d’un canal à l’autre, de +16 % pour le canal d’Ille et Rance, à +60 % pour le canal des Ardennes, à +116 % pour le canal latéral à la Loire[note 112] et +166 % pour le canal du Blavet. Pour le premier il s’est agi de remplacer les ouvrages d’art en pierre de schiste par du granit, pour le second le projet en petite section a fait place à un canal de grande section, pour le troisième il a fallu renoncer à emprunter le lit du fleuve à Digoin et au Bec d’Allier au profit d’un pont-canal, et pour le quatrième toutes les portes d’écluses anciennes ont été remplacées, le lit de la rivière a été curé et des réparations sur des travaux antérieurs ont été effectuées. Au total, et compte tenu des dépenses réalisées sur les canaux antérieurement aux emprunts, c’est un besoin de financement de 238 MF qui est jugé nécessaire pour terminer les canaux ayant fait appel aux emprunts dans le cadre des lois de 1821 et 1822. Cependant, les derniers versements attendus au titre de ces emprunts s’élèvent à 32,8 MF, soit une insuffisance de financement de 60,8 MF au regard des 93,6 MF de travaux à entreprendre. Aussi, propose-t-il d’aliéner les canaux dans le cadre de concessions perpétuelles.

Les rapports de Molé (séances des 6 octobre et 1er décembre 1828[199]) critiquent le centralisme parisien et l’omnipotence des ingénieurs des Ponts & Chaussées en matière de travaux publics. Ils soulignent l’absence de prévision des revenus des canaux tant dans le Rapport au Roi de 1820 que dans les traités passés avec les compagnies financières[200].

Molé propose pour l’avenir :

  1. des enquêtes sur l’utilité du projet et le détail de son exécution préalables au vote du parlement ;
  2. d’encourager l’initiative privée, notamment en lui laissant la liberté de concevoir elle-même « par qui bon lui semblerait » les projets et les devis, ainsi que de confier l’exécution des travaux « à tels agents qui lui conviendrait » ;
  3. de prévoir, dans les traités de concession, l’absence d’indemnité au cas où le gouvernement autoriserait un canal, un chemin de fer ou une route rival ;
  4. que l’État prête aux concessionnaires au lieu qu’il emprunte à des compagnies financières.

Dans l’immédiat, afin de terminer les travaux, il propose :

  1. que le parlement vote les suppléments demandés ;
  2. de vendre (concession de 99 ans) les canaux achevés (Centre, Saint-Quentin) ou à venir, ainsi que la part détenue par l’État dans les revenus des canaux financés par emprunt proche de leur achèvement (Monsieur, duc d’Angoulême, Ardennes). Le produit de la vente serait versé dans une caisse spéciale pour subvenir à l’achèvement des canaux en cours de construction[note 113] ;
  3. de réviser les tarifs (péage) selon les besoins des localités et donc de ne pas retenir le principe d’un tarif unique sur une même marchandise.
Rapport Becquey du 6 octobre 1828 (premières pages)[201].

Outre Becquey reprenant ses arguments exposés devant les députés, Sartoris fait connaître son opinion en signalant que les risques n’étaient pas seulement du côté de l’État ; les compagnies couraient le risque que les canaux ne produisent pas de revenus, ou de trop faibles. Par ailleurs, attendre la fin d’enquêtes approfondies, la réalisation de plans incontestables et des devis détaillés jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à discuter, est une utopie qui conduit finalement à ne rien entreprendre. Cela n’a d’autant pas de sens lorsque le canal est concédé aux frais, risques et périls du concessionnaire. Toute construction de travaux publics se heurte à des imprévus. Par ailleurs, il rappelle que l’administration était favorable à des concessions temporelles, ou perpétuelle, à charge pour le concessionnaire de construire soit à ses frais, risques et périls, soit par un secours du Trésor (subvention). Dans le premier cas, l’absence de candidat a tenu à l’impossibilité d’établir un devis précis, d’évaluer les revenus futurs et d’écarter la concurrence de la route gratuite. Ce type de concession n’est possible que pour de petits canaux à faible coût. Dans le second cas, pour les mêmes raisons que les précédentes, le concessionnaire aurait été amené immanquablement à solliciter le Trésor pour la totalité, voire plus, du coût de construction. Sur les moyens de terminer les travaux engagés, la proposition de Molé que les suppléments demandés soient votés n’a pas de raison d'être puisque c’est une obligation figurant dans les traités de prêt validés par les lois de 1821 et 1822. Quant à vendre certains canaux, cela n’a pas de sens lorsqu’ils sont concédés comme celui de Saint-Quentin que cite Molé. Le problème des traités de 1822, c’est l’absence d’intéressement du financier à la conduite et à surveillance des travaux. Pour sa compagnie, Sartoris a intéressé les entrepreneurs en leur accordant des primes pour terminer les travaux dans les délais. Il faut donc revoir les conditions d’adjudication des travaux publics pour écarter les entrepreneurs qui n’offrent pas toutes les garanties[202].

À la suite des travaux de la commission, paraît un projet de cahier des charges pour la vente des canaux (Monsieur, duc d’Angoulême, Ardennes, navigation sur l’Isle, Bourgogne, Bretagne, Arles à Bouc, Nivernais, latéral à la Loire, Berry auxquels est ajouté celui du Centre) publié en avril 1829[203] en faisant appel aux capitalistes qui voudraient prendre à leurs frais, risques et périls l’achèvement complet de tous les travaux dans le cadre de concessions perpétuelles[note 114]. L’État continue de verser les intérêts, prime et amortissement des prêts aux compagnies financières initiales, mais à la fin de l’amortissement les nouvelles compagnies concessionnaires partagent, avec les compagnies financières, les produits des canaux pendant la durée fixée aux traités de prêts. À l’issue de ce délai, les compagnies concessionnaires sont propriétaires sans partage des produits. La vente peut se faire par canal ou par lot. Le concessionnaire réalise les travaux par « des moyens et agents de son choix », et ne peut demander une indemnisation dans l’éventualité où le gouvernement autoriserait une route, un canal ou un chemin de fer proche du canal concédé. Ce projet de cahier des charges est resté sans suite.

Par ailleurs, une ordonnance du 10 mai 1829[204] vient modifier les modalités de passation des marchés de travaux dans le sens des recommandations de la commission ; liberté donnée au préfet d’engager des projets pour un coût inférieur à 5 000 F (art.7), obligation d’une enquête préalable (art. 8), garantie sur la qualité des candidats concourant à l’adjudication des travaux et à les mener à bien (art. 10). En application de l'article 8 de l'ordonnance de 1829, une ordonnance de 1831 fixe les formalités de l'enquête publique préalable à l’exécution de travaux publics (art. 1er). En outre, si une compagnie privée se propose à ses frais, risques et périls la réalisation des travaux en contrepratie d’une concession perpétuelle des péages, elle aura le libre choix de ses agents et des moyens d’exécution (art. 9)[205].

En 1830, la direction générale des ponts et chaussés est supprimée[206], le Conseil général des ponts et chaussées est réformé[207], Becquey mis à la retraite et la commission des canaux placée auprès de lui est supprimée[note 88]. Parallèlement, Baude, successeur de Becquey, fait paraître un état de l’avancement des travaux et des coûts du Plan Becquey en reprenant la classification des voies navigable du rapport de 1820 et en y ajoutant une nouvelle voie navigable, celle de Paris à Strasbourg en continuation de celle du Havre à Paris[208]. En 1832, Bérard, banquier libéral et nouveau directeur général des ponts et chaussées ( - ), souligne que les emprunts de 1821 et 1822 n’ont pas été aussi défavorables à l’État que certains le laissent entendre[note 115].

Ultérieurement, en 1833, la législation en matière d’expropriation est simplifiée et rendue plus rapide[210] qui sera elle-même refondue par la loi du 3 mai 1841[211]. La même année 1833 parait un nouveau Cahier des clauses et conditions générale imposées aux entrepreneurs[212].

Le rachat des sociétés de canaux

Alors que les travaux du canal d'Aire à la Bassée (35,000 km) et d’amélioration de la ligne entre le canal de Beaucaire et celui des Deux-Mers (39,260 km) validés par les lois de 1821 et 1822 s’exécutent aux frais des concessionnaires, par contre pour les canaux financés par les emprunts l’État est obligé de suppléer aux surplus de dépenses. Ainsi, jusqu’au rachat des premiers canaux en 1853, l’État a dépensé 107,7 MF auxquels s’ajoutent les sommes qu’il a dépensées antérieurement aux emprunts pour les premiers travaux de construction (52,9 MF).

Bien qu’intervenu avec retard au regard du délai fixé par les lois de 1821 et 1822 (entre 5 et 10 ans), l’achèvement entre 1835 et 1841 des canaux soumissionnés participe à l’amélioration des transports à travers la France. Pour autant, et malgré leur faible rentabilité, l’État n’est pas insensible aux critiques faites aux tarifs des canaux jugés trop élevés freinant le trafic (effet prix). De leur côté, afin de préserver leur part dans les revenus des canaux qu’elles partagent avec l’État, et incertaines de l’avenir, les compagnies financières rechignent à baisser les tarifs estimant qu’il conviendrait avant toute chose de simplifier et harmoniser le mode de perception des taxes, remédier aux imperfections techniques des canaux et de la navigabilité des cours d’eau (fleuves et rivières) auxquels les canaux se lient, ainsi que rendre cohérent le système général de navigation intérieure ; moyens de nature à appeler de nouveaux trafics qui permettraient d’abaisser les tarifs (effet volume)[218].

Face à ces intérêts contradictoires, le gouvernement instaure en 1833 des commissions chargées d’étudier les moyens de concilier les intérêts communs des compagnies et du Trésor avec ceux du commerce et de l’industrie. Ces commissions préconisent un abaissement des tarifs.

Sur les fleuves et rivières, ainsi que sur le canal du Centre propriété de l’État, la loi du 9 juillet 1836[219] vient uniformiser et baisser les tarifs sur ces voies navigables. Ce tarif est à nouveau abaissé par ordonnance du 27 octobre 1837[220].

Par la suite, des abaissements de tarifs temporaires (indéterminé pour le canal de Bourgogne) sont négociés, à des dates variées, avec chaque compagnie financière pour les canaux relevant des lois de 1821 et 1822[158]. Ces premières baisses de tarifs, successives et prorogées d’année en année, sont renouvelées en 1844 et 1845[221]. Malgré tout, ces nouveaux tarifs demeures supérieurs à ceux fixés par la loi de 1836 au canal du Centre.

Enfin, aucun arrangement ne permet un abaissement des tarifs sur les canaux concédés à perpétuité d’Orléans, du Loing et de Briare, d’autant que les deux premiers appartiennent au domaine privé du roi (après la vente par Napoléon Ier [décret 10 mars 1810] des canaux d’Orléans et du Loing, la famille d’Orléans s’est rendue propriétaire de la plus grande partie des 1 400 actions de 10 000 francs chacune de la nouvelle compagnie qui les administre). Or le canal d’Orléans et, plus encore, le canal du Loing sont des maillons incontournables de la chaîne des voies navigables entre le sud et le nord ; en l’absence d’une révision de leur tarif, l’impact (prix des marchandises) de l’abaissement du tarif des canaux adjacents est limité[note 117].

Aussi, la question du rachat des compagnies financières se pose-t-elle pour lequel l’État a un triple intérêt :

  • harmoniser les tarifs afin d’abaisser le coût des transports dans la perspective de créer un marché intérieur uniforme comme socle du développement national pour faire face la concurrence internationale, notamment vis-à-vis de l’Angleterre (cf. supra § doctrines et politique économique au début de la Restauration). Cette uniformisation du marché intérieur est contrariée par les droits de navigation qui surchargent les transports par voie d’eau de frais que ne supporte pas le transport par voie de terre. De sorte que, contrairement à l’objectif recherché par les lois de 1821 et 1822, les routes sont utilisées de préférence aux canaux, obligeant à des travaux d’entretien considérables des premières[note 118]. Finalement, les sommes perçues d’un côté, au titre des droits de navigation (canaux et rivières), sont dépensées de l’autre en réparation continuelle des routes, obérant ainsi la politique d’abaissement du coût des transports ;
  • écarter les sociétés de canaux de la définition des tarifs à laquelle elles sont associées selon le cahier des charges de mise à disposition des prêts prévoyant que les tarifs ne peuvent être modifiés que d’un commun accord entre elles et l’État (cf. supra § financement). Or les sociétés ont émis des actions de jouissance dont le revenu est fonction des produits des canaux (cf. supra § les sociétés de canaux) et donc de la tarification. Cette immixtion des sociétés de canaux dans l’exploitation des canaux oblige l’administration des Ponts & Chaussées à leur soumettre les comptes des dépenses et des recettes, ce dont l’administration souhaite se défaire. Le rachat portera ainsi sur les actions de jouissance[note 119] ;
  • purger les réclamations et les contentieux en indemnisation des compagnies pour les retards à l'exécution des travaux et à l'ouverture des canaux[222].

La batellerie et les compagnies de navigation voient dans le passage des canaux dans le giron de l’État, l’occasion de leur survie et de vider leur querelle avec les compagnies de canaux.

Carte des canaux soumissionnés en 1821 et 1822.

Sur le plan politique, la question du rachat des compagnies de canaux opposent les libéraux, qui fustigent l'incapacité de la puissance publique à conduire ce type d'entreprise et l'impéritie des ingénieurs des Ponts & Chaussées, aux républicains et à la gauche, qui, les premiers, luttent contre l'émergence de nouveaux monopoles auprès de l’État et, la seconde, interpelle l’État face à la montée du paupérisme conséquence de la politique libérale favorisant la puissance de l'argent[223].

En décembre 1840, le comte Jaubert, ministre des travaux public, présente à la chambre des députés un projet de validation des transactions avec chaque compagnie financière pour donner à l’État la maîtrise des canaux et lui permettre ainsi de fixer des tarifs juste nécessaire à leur entretien. Ce projet est retiré au motif que le gouvernement souhaite présenter un projet général sur les voies de communication. Un tel projet général est présenté, le 2 février 1841 prévoyant l’expropriation de tous les canaux. Resté sans suite, un nouveau projet de rachat est présenté à la session de 1842 en se fondant sur la nouvelle loi d’expropriation pour cause d’utilité publique de 1841[211]. Deux lois distinctes sont présentées ; l’une pour les canaux concédés, l’autre pour les canaux financés par les lois de 1821 et 1822. La première est ajournée, la seconde est votée bien que vivement contestée en raison de l’absence d’utilité publique appliquée à des compagnies financières qui ne sont pas propriétaires d’un ouvrage public ; les actions de jouissance ne peuvent être assimilées à des biens immeubles susceptibles d’expropriation[224]. Présentée à la Chambre des pairs, elle ne dépasse pas l’étape de la commission qui juge inadapté le caractère général et urgent du rachat. Une nouvelle tentative est faite à la Chambre des députés en avril 1843, puis l’année suivante. Finalement, le projet abouti à la session de 1845 pour être adopté le 7 avril et promulgué le 29 mai 1845[225].

La loi de 1845 ne décide pas quels canaux sont à exproprier, mais donne à l’État le droit de mettre en œuvre cette expropriation au moment où il le jugera opportun, au moyen d’une loi spéciale à chaque compagnie, et fixe les conditions à respecter pour évaluer le montant de l’indemnité à verser aux anciens propriétaires. Cette volonté d’agir au cas par cas et seulement au moment où l’intérêt général l’exigerait n’est pas étrangère aux interrogations suscitées par l’émergence d’une nouvelle concurrence, celle des chemins de fer comme le souligne le rapporteur du projet de loi Galos. Dans l’esprit de certains de ses promoteurs, l’étatisation de la navigation intérieure est une arme contre les compagnies ferroviaires. Des Pairs (comte d’Argout et Pelet de la Lozère) proposent d’affermer les canaux vendus mais le gouvernement s’y oppose[226].

C’est en 1850 que l’État exerce pour la première fois le droit d’expropriation ouvert par la loi de 1845, en visant les compagnies des Quatre Canaux et du Rhône au Rhin. Les projets de loi pour chacune de ces deux compagnies sont présentés à l’Assemblée nationale législative en novembre 1850 ; rachat des actions de jouissance en contrepartie d’un capital évalué par une commission spéciale. C’est parce que ces deux compagnies refusent « de consentir des réductions de tarif impérieusement commandées par l’intérêt général » qu'il est proposé une expropriation pour cause d’utilité publique[227].

Carte schématique du tonnage moyen de marchandises transportées en 1850 par les voies navigables (fleuves et canaux) et les chemins de fer (1852)[note 120].

Pour ne pas préjuger de l’avenir quant à l’exploitation des canaux (État ou tiers privé), le gouvernement écarte le projet formulé par Bartholony et Delahante (père)[note 121] pour le rachat d’un certain nombre de canaux, non par l’État, mais par une compagnie fermière qui se chargerait, pour un capital de 36 millions (proposition de 1837) puis 45 millions (proposition de 1848), des travaux d’amélioration des canaux pendant une période de 8 ans (1837) puis 15 ans (1848), d’entretenir, assurer la police de la navigation et percevoir les produits, contre un bail de 60 ans pendant lequel durant 20 ans la compagnie garde pour elle l’intégralité des produits puis (projet de 1837) les 40 années suivantes partage pour ½ avec l’État le solde des produits déduction faite des frais d’entretien, d’un intérêt de 5 % sur le capital engagé pour les travaux et le rachat des actions de jouissance et de son amortissement, ou (projet de 1848) partage pour ½ avec l’État les produits nets en contrepartie, outre durant toute la durée du bail d’une garantie d’intérêt de 5,5 % et l’amortissement à 1,5 % du capital pour les travaux et le rachat des actions, d’un dividende de 1 %. La fixation des tarifs appartient à la compagnie sous l’approbation du ministre des finances. Enfin l’État s’engage à effectuer des améliorations sur les rivières affluentes aux canaux (Saône, Yonne et haute Seine), à obtenir des compagnies de chemin de fer de la Loire (Saint-Étienne – Andrezieux et Andrézieux – Roanne) un abaissement de leur tarif, et à limiter les tarifs sur les canaux concédés du Loing, de Briare et de Roanne à Digoin[227]. En sus du canal du Centre appartenant à l’État, les canaux latéral à la Loire, du Berry et du Nivernais (soit la voie navigable de Paris à Marseille) seraient ainsi affermés[228]. Legrand y est hostile tant sur l’aspect financier trop favorable à la compagnie fermière, sur l’aspect stratégique eu égard à l’importance de la liaison Nord-Sud dans la circulation des marchandises que sur l’aspect théorique de rôle de l’État comme garant de l’équilibre entre les acteurs économiques afin de lutter contre l'émergence de monopoles[229],[note 122]. Pour contrer ce projet et se prémunir de l’avenir, un regroupement d’industriels de la métallurgie et des mines du centre (Boigues, Rambourg et Schneider) se portent candidat à l’affermage des canaux du Berry, du Centre du Nivernais et latéral à la Loire[233]. Un traité d’affermage est sur le point d’être conclu lorsque le ministre Passy quitte les finances en 1849[234].

Ce projet d’affermage est repris par la commission de l’Assemblée nationale législative en le complétant et détaillé par Berryer, rapporteur, lors de la séance du 4 juillet 1851 chargée d’examiner les projets de lois précités présentés fin 1850. Il souligne que le rachat et l’amélioration des canaux font peser de trop grands sacrifices aux finances de l’État, environ 50 millions de francs. Reprenant les arguments déjà exposés quant à l’incapacité de l’État à pourvoir régulièrement et sans discontinuité aux besoins de financement, et ajoutant que la baisse graduelle des tarifs des canaux jusqu’à leur disparition conduira à devoir en faire de même pour les chemins de fer et que, dès lors, il deviendra impossible de pourvoir à l’entretien de ces voies de communication, la commission fait le choix d’affermer les canaux visés par les lois de 1821 et 1822 et celui du Centre, par adjudication publique pour des enchères portant sur la durée du bail du fermier. Elle joint à son rapport un cahier des charges d’affermage[235]. Pour les partisans de ce projet, occupé d’un seul objet, l’initiative privée est toujours plus prompte à réaliser son investissement, sans jamais s’écarter de son but. Enfin il n’est pas à craindre le risque d’un monopole car les chemins de fer exercent une concurrence aux canaux[234]. Le rapport de Berryer n’est finalement pas arrivé en discussion.

Le coup d'État du 2 décembre 1851 met fin aux atermoiements et accélère la politique de rachat. Après l’adoption de la nouvelle constitution de 1852 approuvée par plébiscite en janvier 1852 et dans l’attente des élections (29 février et 14 mars) au Corps législatif, le prince-président de la République, Louis-Napoléon Bonaparte, dispose d’un pouvoir discrétionnaire et gouverne par décret. Trois décrets du 21 janvier 1852 viennent se substituer aux projets de loi de 1850 pour le rachat des actions de jouissance des compagnies du canal du Rhône au Rhin, des Quatre Canaux et, nouveauté, du canal de Bourgogne. Ce dernier canal est ajouté dans la perspective du refus de la compagnie d’abaisser encore ses tarifs comme souhaite le faire le gouvernement. Par ces trois décrets, le gouvernement écarte définitivement la proposition d’affermage des canaux ; d’une part, il serait imprudent d’aliéner pour 99 ans une activité dont on ne peut présager des revenus et, d’autre part, les conditions d’affermage ne sont pas satisfaisantes. S’engager dans l’affermage des canaux serait se lier une seconde fois avec une compagnie. Par ailleurs, face à la concurrence des chemins de fer, l’État doit être libre de fixer les tarifs[236]. Les trois décrets lancent la procédure d’évaluation du montant de l’indemnité à verser aux compagnies expropriées. Les lois du 3 mai 1853 viennent consacrer le rachat définif des trois compagnies, indemnisées à hauteur de 7,5 MF pour le canal du Rhône au Rhin, 6,0 MF pour le canal de Bourgogne et 9,8 MF pour les Quatre-Canaux[237]. Ce rachat intervient dans un contexte de reprise économique galvanisée par la stabilité politique qu'inspire le coup d’État du 2 décembre qui permit, entre autres mesures de travaux publics, le prolongement (99 ans) des concessions de chemins de fer (conventions de 1852) en contrepartie du rachat des actions de jouissance des sociétés de canaux[238].

Carte figurative des principaux mouvements des combustibles minéraux en France en 1845[note 123].

Une seconde vague d’expropriation intervient au début des années 1860 dans le contexte de la signature du Traité de commerce franco-anglais de 1860 qui vise à libéraliser les échanges par un abaissement des tarifs douaniers entre les deux pays et à desserrer davantage la politique protectionniste mis en place en France depuis la Restauration[239]. Dans ce cadre, il importe que les tarifs des canaux soient à nouveau abaissés pour ne pas grever les produits français d’un coût de transport les rendant moins compétitifs que des produits similaires anglais. C’est notamment le cas de la houille anglaise venant concurrencer la houille du Nord et de la Loire[note 124] sur les lieux de transformation (hauts-fourneaux) ou de consommation[note 125]. Le gouvernement procède à l’expropriation d’un grand nombre de canaux, non seulement ceux financés par les emprunts de 1821 et 1822 mais également des canaux concédés. Comme précédemment, il met en œuvre les dispositions de la loi d’expropriation de 1845 en les élargissant aux canaux concédés au motif que cette loi, à l’origine réservée aux canaux financés par emprunt, est « le code spécial d’expropriation de canaux. » Les canaux concédés sont des dépendances du domaine public ; les concessionnaires n’en ont pas la libre disposition puisqu’ils ne peuvent en jouir à leur gré du fait que les tarifs sont fixés d’un commun accord avec l’État. De même les dégradations faites aux canaux ne relèvent pas d’un dommage (qui fait l’objet d’une indemnisation et d’une réparation) mais d’une contravention (prérogative de l’État) sanctionnée par de lourdes peines. Par l’expropriation, il s’agit de modifier des jouissances que l’État avait concédées mais qu’il estime aujourd’hui devoir les retirer dans l’intérêt général. Les lois du 28 juillet et du 1er août 1860 enclenchent la procédure d’expropriation pour l’écluse d’Iwuy sur l’Escaut, les canaux de Roanne à Digoin, d’Orléans et du Loing[note 126], de la Somme à Manicamp, des Ardennes, de l’Oise (navigation et canal latéral), de la Sensée, d’Aire à la Bassée et de Briare[240]. Ces expropriations sont sanctionnées par les lois du 20 mai 1863 précisant, pour chaque canal, le montant de l’indemnité d’expropriation, soit 5,9 MF[241] pour le canal d’Arles à Bouc, 14,8 MF pour les Trois-Canaux (de la Somme et de Manicamp, des Ardennes, de l’Oise [navigation et canal latéral]), 2,0 MF pour l’écluse d’Iwuy sur l’Escaut, 3,9 MF pour le canal de la Sensée, 9,4 MF pour la canal d’Aires à la Bassée, 4,2 MF pour le canal de Roanne à Digoin, 5,3 MF pour le canal de Briare et 16,0 MF pour les canaux d’Orléans et du Loing[242].

Au final, les actions de jouissance des compagnies financières pour la construction des canaux du « plan Becquey » (lois de 1821 et 1822) sont rachetées pour 44,0 MF (Rhône au Rhin, Bourgogne, Quatre Canaux, Arles à Bouc et Trois Canaux). La modalité de rachat retenue est la méthode classique de l’époque, à savoir la conversion des actions de jouissance en obligation d’État spécifiques amortissables par annuités constantes et bénéficiant d’un taux d’intérêt de 4 %. La durée d’amortissement est de trente ans[note 127].

Outre les canaux soumissionnés par des compagnies financières, le rachat en 1860 porte également sur les canaux concédés d’Aire à la Bassée (loi du 14 août 1822) et de Roanne à Digoin (loi du 11 octobre 1830) figurant au « plan Becquey »[note 128]. En 1864, la concession attachée au canal de Saint-Maur (loi du 17 avril 1822) fait l'objet d'un rachat[243], [note 129].

Le bilan

Longueur des voies navigables construites par année[245].

Il est à mettre au crédit de la monarchie constitutionnelle d’avoir mener à son terme un vaste programme de construction de voies navigables, envisagé et lancé de manière erratique à la fin du XVIIIe siècle, interrompu sous la Révolution et timidement relancé sous l’Empire. Près de trente ans ont été nécessaires pour réaliser ce programme, soit une génération d’homme et de femmes adultes, qui représente environ 70 % des canaux existants de nos jours ; de 1820 à 1848, 2 900 km de canaux sont livrés au commerce et à l’industrie[16]. En ce sens, l’œuvre de Becquey est bien plus considérable que celle de Freycinet qui l'éclipsera pourtant à la fin du XIXe siècle[note 130].

Le développement de ce réseau de navigation intérieure a participé aux débuts de la révolution industrielle en France[note 131]. Par le transport de masse à moindre prix, sur tout le territoire, de quantité plus importante de marchandises que ne permettaient ni le roulage ni le cabotage maritime, il a contribué au développement économique du pays[note 132]. Cependant, faute d’une uniformisation technique des canaux (dimension des biefs et des écluses, tirant d'eau, alimentation...) qui oblige à de nombreux transbordements, le trafic des voies navigables du « plan Becquey » n’a pas été à la hauteur des espérances. De même, par une surestimation, partagée tant par les parlementaires que par les techniciens dans un élan de libéralisme économique, des effets induits bénéfiques des canaux sur la production intérieure et in fine à la prospérité du pays[note 133], une partie des capitaux investis dans ce plan canaliste s'est révélée improductive et aurait été mieux employée dans d’autres secteurs de l’industrie[note 134]. En outre, si la France du Nord a gagné en desserte, la France du Midi reste moins bien pourvue ; l'espace national est loin d'être unifié à la fin de la monarchie constitutionnelle.

Part modale du transport de marchandise depuis 1830[249].

Malgré les critiques initiales, la remise en cause en 1828 et le départ de son initiateur en 1830, le « plan Becquey » s’est poursuivi quand bien même est apparu au fil du temps un nouveau mode de transport concurrent, le chemin de fer. L’administration Becquey n’a pas été sourde à l’émergence de celui-ci[note 135], mais à l’instar de Dutens[note 136] en droite ligne de la conception traditionnelle des transports du corps des ingénieurs des Ponts & Chaussées (routes et canaux), et contrairement aux ingénieurs de Mines qui par leurs compétences[note 137] ont été les premiers à entrevoir les potentialités de cette nouvelle technologie[note 138] au-delà d’un usage sur le carreau de mine pour abaisser le coût des transports[note 139], le chemin de fer n'est pas considéré, à ses débuts faute de maturité technique[note 140], comme pouvant assurer des transports, sûrs et économiques, sur de longues distances[note 141],[274]. La question des chemins de fer se pose avec acuité dans la décennie 1830, en particulier la complémentarité canal/chemin de fer[note 142].

Néanmoins, fort de ses avantages économiques (prix), la voie navigable a pu résister à la concurrence des chemins de fer jusqu’au début des années 1850[note 143] où, sous le Second Empire, la priorité est donnée à la fusion et à la concentration des compagnies de chemins de fer à l’intérieur de vastes ensembles régionaux induisant ainsi une baisse des tarifs ferroviaires. Pour autant, la nouvelle donne internationale (traité franco-anglais de 1860 et la pression des industriels pour assurer la concurrence entre les deux moyens de transport) donnent une nouvelle vie à la voie navigable, malgré ses limites techniques, se traduisant notamment par une forte baisse des tarifs fluviaux[283].

Le « plan Becquey » a activement participé à la réalisation du programme canaliste de la monarchie constitutionnelle. Mais contrairement aux prévisions, le financement durant cette période (1814 - 1848) a été très majoritairement assuré par l’État[note 144].

Financement des canaux selon les acteurs privés et l’État entre 1814 et 1848
(1) (2)
concessionnaires privés 114 000 000 F 18,0 % 64 647 000 F 12,6 %
soumissionnaires privés 128 600 000 F 20,3 % 126 710 000 F 24,7 %
TOTAL privés 242 600 000 F 38,3 % 191 357 000 F 37,3 %
État 391 000 000 F 61,7 % 322 012 000 F 62,7 %
TOTAL général 633 600 000 F 100,0 % 513 369 000 F 100,0 %
Source :

(1) article de Beaugrin-Gressier Canaux de navigation dans le « Dictionnaire des finances », publiés sous la direction de Léon Say, Tome I, Paris, Berger-Levrault et Cie éditeurs, 1889, page 850 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
(2) Gwenaël Nieradzik (bibliographie), La construction du réseau de canaux français et son financement boursier (1821-1868) (montants repris de H. Großkreutz).
Commentaires :
- Le montant total des soumissions des prêts est de 129 400 000 F. En déduisant de ce montant la navigation sur l’Isle (2 500 000 F) et celle sur le Tarn (800 000 F), on obtient un total des soumissions de 126 100 000 F, ou 128 600 000 F si l’on ne déduit que la navigation sur le Tarn. Le montant erroné de 126 710 000 F indiqué par G. Nieradzik relève d'une erreur typographique comme au tableau 1 de son article qui fait apparaître un montant total des soumissions de 126 000 000 F qui ne correspond pas à la somme des montants individuels dudit tableau.
- Le montant des concessions privées indiqué par G. Nieradzik (64 647 000 F) correspond à la totalisation du capital social de toutes les sociétés de canaux, hormis celles relatives aux canaux soumissionnés dans le cadre des lois de 1821 et 1822, constituées entre 1814 et 1848 (cf. G. Nieradzik, tableau 5 « Le capital des sociétés de canaux, pages 484 et 485). Ce montant ne tient pas compte des éventuelles émissions d’emprunt, ou des prêts non complètement remboursés, auxquels ces sociétés ont vraisemblablement eu recours. Aussi, ce montant des concessions privées est-il sous-évalué.
- G. Nieradzik ne donne aucune source pour le montant du Total général (513 369 000 F), dont elle déduit le Total privés (191 357 000 F) pour évaluer l’apport de l’État (en subvention) (322 012 000 F) (NB : il est à noter que lors de l’examen du projet de loi relatif à l’expropriation pour utilité publique en 1833, le député Jousselin évoque un montant de 300 millions de francs dépensés par le Trésor : « Si, il y a 12 ans, en 1821 et 1822, nous avions pris de pareilles mesures [d’expropriation], nous n’aurions pas entrepris de mauvais travaux qui n’ont eu aucun résultat utile pour le pays, et le Trésor n’aurait pas eu à payer 300 millions. » Voir Archives parlementaires, Tome 79 (18 janvier 1833 au 18 février 1833), chambre des députés, session du 31 janvier 1833, page 282 (sur le site Gallica de la BNF)). De même, lors du rachat, en 1853, des actions de jouissance des premiers canaux, le rapporteur des projets de loi indique : « Les canaux qui firent l’objet des traités de 1821 et de 1822… ont coûté en capital plus de 320 millions. » (Voir Paul de Richemont (baron), Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner les projets de lois tendant au rachat des droits attribués aux Compagnies du canal du Rhône au Rhin, du canal de Bourgogne, et des Quatre-Canaux, par les lois des 5 août 1821 et 14 août 1822…, in Procès-verbaux des séances du Corps législatif, session 1853, Tome premier (du 15 février au 14 mars 1853), Paris, imprimerie du sénat et du Corps législatif, 1853, page 486).
H. de Lagrené indique 391 052 000 F pour les travaux extraordinaires (construction) entre 1814 et 1847 (Voir Les Travaux publics de la France, Tome troisième « Rivières et canaux, eaux des villes… », Paris, J. Rothschild éditeur, 1883, page 9 (sur le site Gallica de la BNF)). Ce montant est repris de Félix Lucas (bibliographie), 1873, page 102 (Travaux extraordinaires - canaux (1814-1830) et (1831-1847)).
- Dans le Dictionnaire des finances, les concessions privées sont de 45 000 000 F entre 1815 et 1830, et de 69 000 000 F entre 1830 et 1848.
- Au-delà des écarts des valeurs réelles (en F.) entre les deux sources du tableau, il est noter une quasi-équivalence des valeurs relatives (en %) des acteurs privés (38-37 %) et de l’État (62-63 %).

Les investissements nets dans la construction de canaux en France 1814-1347 (1 000 F)[284].
Volume de transport par route, voie navigable et rail en France 1847-1898 (millions de t/km)[285].

Au Total général du tableau, il convient d’ajouter le montant du rachat des canaux entre 1853 et 1863 (84 700 000 F), dont 44 000 000 F pour le rachat des voies navigables soumissionnées dans le cadre des lois de 1821 et 1822 ainsi que 13 600 000 F pour le rachat cumulé des canaux concédés d’Aire à la Bassée et de Roanne à Digoin.

Le « plan Becquey » est avant tout un schéma technique de mise en relation de bassins hydrologiques et de jonction entre les mers, sans réflexions sur l’utilité publique (coûts/avantages pour la collectivité) de chaque canal ou fleuve canalisé[note 145]. Il ne contient aucun détail des coûts estimés ni d’information sur le coût d’exploitation d’un canal existant ou futur, ne mentionne pas les difficultés de construction hormis quelques points de détail, rien sur le développement du trafic et surtout ne fait aucune recommandation pour l’amélioration des rivières alors même que les canaux ne pouvaient rendre tous les services qu’on en attendait avant que les rivières, qu’ils devaient réunir, soient mises en état de bonne navigabilité[286],[note 146].

En outre, la prévision initiale de dépense des canaux soumissionnés a été largement dépassée, en raison :

  • de devis estimatifs non fondés sur des plans exacts réalisés sur le terrain[note 147] ;
  • de traités de soumission de prêt conclus avant de disposer de plans exacts et sur la base d’une projection de revenus hâtive[note 148] ;
  • d'entrepreneurs malhabiles ou défaillants nécessitant des reprises et des confortements, coalisés pour gonfler artificiellement leurs offres de prix ;
  • des exigences en cours de travaux émanant des municipalités, des particuliers (rétablissement des chemins traversés avec la construction de ponts) et des armées (un canal considéré comme ligne de défense) ;
  • de la formation et de l’héritage du corps des Ponts & Chaussées inadaptés à la nouvelle donne économique (utilité publique et non magnificence des ouvrages d’art) qui impose des constructions rapides et au moindre coût[note 149] ;
  • de l’inadaptation du doit de l’expropriation qui conduit parfois au versement d’indemnités exorbitantes après de longues procédures qui retardent les travaux[note 150].

L’« esprit d’association »[note 25], l’investissement privé dans l’industrie était encore dans les limbes et n’a pu suppléer le financement par l’État,

« Si la Restauration avait attendu que l’esprit d’association se formât et s’étendit pour canaliser en France, rien encore n’aurait été exécuté, et il faudrait se passer de canaux dont le pays doit recueillir tant d’avantages en peu d’années. »

 Lettre de Becquey à Legrand, le 2 octobre 1833[8].

Pour autant, les sociétés de canaux ont acclimaté le public à l’investissement boursier[note 151] qui s’est étendu par la suite à d’autres secteurs de l’économie, comme les chemins de fer (avant les sociétés de canaux, les seules valeurs cotées à la bourse de Paris sont la banque de France et les sociétés d’assurance [incendie ou armement de navires de commerce au long cours]. La première société de chemin de fer cotée à la bourse est celle du Paris-Saint Germain, le 8 décembre 1836).

Elles ont également permis une standardisation technique des titres émis avec une diminution progressive de la valeur nominale des actions bien que restant encore largement inaccessibles aux classes moyennes (généralement une valeur de 1 000 F). Elles ont favorisé le développement du modèle juridique de la société anonyme au détriment de ceux traditionnels (limités à la famille ou aux amis proches) de la société en nom collectif ou la société en commandite lorsqu’un financement important était indispensable. En ce sens, les sociétés de canaux préfigurent les compagnies ferroviaires lancées sous la Monarchie de Juillet.

Évolution de la rente 5 % de 1814 à 1848[302].

Néanmoins, la rentabilité réelle (rentabilité nominale défalquée de l’inflation) des actions des sociétés de canaux a été très faible ; 3,52 % sur la période 1822-1868[note 152] , même si elle a été un peu meilleure pour les actions de jouissance du fait de leur rachat généreux par l’État. Toutefois, les actions de jouissance n’ont, pour la grande majorité, jamais distribué de dividendes. Seule exception, les actions de jouissance de la Cie de la navigation de l’Oise qui ont donné des dividendes allant de 4,70 F. à 209,70 F. Ce titre n’a été coté qu’une fois à la bourse à 1 900 F. Pour reprendre la formule d’Heinlein qui a fait florès chez les économistes[304] ; « il n’y a pas de repas gratuit : les compagnies privées qui n'auront ni beaucoup financé, ni pris beaucoup de risques, ne gagneront pas beaucoup d’argent ! »[103].

Enfin, la création de sociétés privées de canaux fut une aubaine pour les ingénieurs des ponts & Chaussées dont certains n’hésitèrent pas à quitter le service d’un canal où ils étaient affectés par l’administration pour servir dans ces sociétés nouvelles[note 153], faisant ainsi de la concurrence aux ingénieurs civils défendus par les milieux libéraux[note 154]. Ils se formèrent à des techniques et conduite de travaux qu'ils sauront faire valoir, par la suite, dans l'industrie des chemins de fer.

Malheureusement la méfiance qui s’installa entre les compagnies de canaux et l’État, au fur et à mesure des retards dans l’élaboration des devis et les travaux de construction, développa chez investisseurs des sentiments de vive hostilité à l’intervention de l’État dans les travaux publics[note 155] qui n’est pas sans conséquence sur l’administration des Ponts & Chaussées[note 156].

Le Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France en 1820 inaugure une nouvelle forme de gouvernement en participant à la redéfinition des rapports entre l’administration et le parlement, qui s’opère sous la Restauration. Cet ouvrage, qui divulgue des informations détenues par l’administration et tenues jusque-là pour confidentielles, traduit le rôle qu’elle entend jouer auprès du pouvoir législatif dans une période où s’expérimente le parlementarisme[53]. Outre les rapports annuels sur l’état d’avancement des canaux, la méthode suivie par ce Rapport est reprise pour la Statistique des routes royales de France en 1824 et le Rapport contenant l’exposition du système adopté par la Commission des phares pour éclairer les côtes de France en 1825.

Les débats parlementaires autour des lois de 1821 et 1822, puis en 1829 au moment de la remise en cause du plan Becquey derrière laquelle se cachent les attaques des libéraux contre le régime et les Ponts & Chaussées[note 157], anticipent ceux qui auront lieu quelques années plus tard sur la question des chemins de fer, notamment pour la préparation, sur plusieurs années, de la loi du 11 juin 1842 ; construction par l’État (en régie directe, dans le cadre de marché public), prêt ou prise de participation de l’État au capital des compagnies, construction par le privé (concession temporelle ou perpétuelle), construction par l’État et exploitation par une compagnie fermière, solution mixte (partenariat État-privé), plusieurs compagnies concessionnaires ou compagnie unique… Autant de questions qui ont émergé à l’occasion du plan Becquey[note 158].

Le bilan du « plan Becquey » reste incertain ;

« Quelque considérables que soient les charges qui sont résultées pour l'État des diverses conditions stipulées par les traités de 1821 et 1822, ces charges sont loin d'avoir été improductives, et ce n'est pas dans la comparaison des dépenses avec les produits seuls du droit de navigation et de la pêche qu'il faut chercher l'appréciation des avantages qu'en a obtenus le pays. Ainsi que le fait remarquer chaque année le Ministre des finances, dans son rapport à l'appui du projet de budget, les canaux exécutés en vertu des lois précitées constituent un capital immense ; ils sont une source féconde de prospérité, d'abord par les revenus directs et ensuite par les revenus indirects qu'ils procurent au Trésor, par l'abaissement du prix des transports, l'augmentation de la valeur des propriétés et de la matière imposable, l'accroissement des droits de mutation, etc. Il faut ajouter que les négociations relatives aux emprunts ont eu pour résultat non moins important de fonder, chez nous, l'esprit d'association, et, en facilitant l'exécution de ces grandes lignes navigables, dont l'ouverture eût été longtemps ajournée sans cette mesure, de donner à la plupart des ingénieurs qui, dans ces derniers temps, ont participé ou qui participent encore à l'exécution des travaux maritimes et des chemins de fer, les moyens de se préparer à ces travaux et de se perfectionner par la pratique des grands ouvrages d'hydraulique. Ces résultats sont immenses et l'on ne peut regretter de les avoir achetés à ce prix. »

 Ernest Grangez, Précis historique et statistique des voies navigables de la France et d'une partie de la Belgique…, Paris, librairie générale de Napoléon Chaix et Cie, 1855, page 745.

« …le système de voies navigables intérieures sous la Restauration et la Monarchie de Juillet n’était pas à la mesure des besoins du pays, et que non moins le manque de bonnes routes, il retarda quelque peu son développement économique. Mais on ne peut rendre l’État seul responsable. Il est vrai, que plusieurs années durant, il négligea les rivières. Il montrait également une grande ignorance des questions économiques. Il découragea l’initiative privée dans les travaux publics. (…)Il essaya de construire économiquement un grand nombre de canaux [même dans des régions dont les ressources ne le justifiait pas, uniquement pour satisfaire l’opinion] au lieu d’en construire quelques-uns d’importance vitale sans regarder à la dépense. »

 A. L. Dunham, La révolution industrielle en France (1815-1848), Paris, 1953 (bibliographie), pages 39-40[note 159].

« …le plan Becquey à la fois ambitieux et cohérent… fut gravement handicapé par l’opposition entre les Ponts et Chaussées et les banquiers. La mauvaise organisation de l’administration, son refus de prendre en compte les questions de prix de revient et d’exploitation sur des bases économiques plus que l’incompétence, transformèrent un plan réalise en un échec couteux. »

 A. Broder, L’économie française au XIXe siècle, éditions Ophrys, 1993, page 41[222].

bien que les efforts accomplis puissent être salués :

« Car la France a connu, dès les dernières années du régime impérial et de manière plus évidente encore dans les années 1820, une croissance de la production, aussi bien agricole qu’industrielle, très largement associée à l’essor des échanges, que le développement des investissements sur les routes et les voies navigable rendait possible. Cette conclusion est d’autant mieux fondée que la croissance de ces années, fondatrices de l’industrialisation française, repose d’abord sur la réallocation (ou la mobilisation) des ressources, c'est-à-dire sur l’intensification des échanges des facteurs de production : matières premières, capital, main d’œuvre. »

 François Caron, Histoire des chemins de fer en France, Tome 1 (1740-1883), Paris, Fayard, 1997, pages 79.

Ainsi, il convient de :

« juger le plan Becquey non pas en fonction des promesses les plus optimistes de ses défenseurs, mais en fonction d'une norme plus modeste de ce qui était possible à un moment et en un lieu particulier, à la lumière des résultats obtenus par d'autres programmes de transport à d'autres moments et en d'autres lieux [Angleterre et Etats-Unis]. … C'est le contraste entre les coûts élevés et les faibles retours sur investissement qui a semblé si accablant aux détracteurs des lois sur les canaux et si décevant à leurs défenseurs. … Les mêmes critiques qui ont fait remarquer que le plan Becquey n'avait pas atteint son objectif de créer un réseau national étaient également ceux qui étaient horrifiés par le coût élevé et le faible rendement des canaux que le programme avait construits. Cette incohérence pourrait être levée en faisant valoir que Becquey avait choisi de construire les mauvais canaux, que d'autres choix auraient mieux servi les besoins nationaux à moindre coût. Malheureusement, Becquey avait peu d'alternatives ; pour le meilleur ou pour le pire, les choix de 1821-22 (à l'exception des lignes de Bretagne) étaient presque optimaux. Le fait que peu de nouveaux canaux aient été construits pendant les soixante années suivantes traduit non pas simplement une aversion envers le plan Becquey ou l'arrivée des chemins de fer, mais avant tout le fait que le coût élevé et les rendements modestes des canaux de 1821-22 ne laissaient guère d'espoir que d'autres fassent mieux. … Sans créer un marché national ni les conditions d'une révolution industrielle, ils ont rendu un modeste service à l'économie française en offrant de nouveaux moyens de transport moins chers à un coût non exorbitant. Ils ont contribué à atténuer les frictions économiques de l'espace national. »

 Reed G. Geiger, Planning the French Canals: Bureaucracy, Politics, and Enterprise Under the Restoration, 1994, pages 250, 255 in fine et 258.

Enfin, les critiques faites au plan Becquey, et indirectement au corps des ingénieurs des ponts et chaussées (qui « coûte beaucoup et produit peu », selon la formule de J.-B. Say[315]), n’en sont pas moins à l’origine, à l'instigation de Bérard, d’une œuvre maîtresse de ce corps par la création des Annales des ponts et chaussées en 1831 qui apparaît comme un moyen d’assurer la défense des intérêts communs de ces ingénieurs et de donner de la publicité à leur point de vue[316],[note 160].

Notes et références

Notes

  1. « L’objectif de cette politique était du reste à terme de retrouver une place sur le marché international et de faire coïncider à nouveau le libéralisme de Smith et la voie française de développement. » (Voir F. Démier (bibliographie), page 447).
  2. Le blocus napoléonien s’inscrit dans la continuité de la politique prohibitionniste de la Convention et du Directoire, en particulier par la loi du 10 brumaire an V qui prohibe l’entrée en France de tous produits manufacturés anglais ou « réputés provenir des fabriques anglaises », soit pratiquement tous les produits étrangers. Ces prohibitions visent à favoriser la croissance et les transformations techniques de l’industrie nationale fragilisée par la perte des débouchés coloniaux et par la tourmente révolutionnaire, et de lui constituer des marchés réservés dans les pays continentaux sous influence ou annexés (Loi du 10 brumaire an V qui prohibe l’importation et la vente des marchandises anglaises, in Bulletin des lois de la République française no 86 (texte no 825)). Ce texte est complété par l'arrêté du 3 fructidor an IX qui prohibe tous textiles qui ne porteraient pas la « marque du fabriquant et l’estampille nationale, seront censés provenir de fabrique anglaise et seront confisqués conformément à la loi du 10 brumaire an V. » (Arrêté du 3 fructidor an IX relatif à la marque et l'estampille des basins, piqués, mousselinettes, toiles, draps et velours de coton in Duvergier, Collection complète des lois..., tome treizième, deuxième édition, Paris, Guyot et Scribe, 1836, page 2).
  3. « Une économie nationale, c’est un espace politique transformé par l’État, en raison des nécessités et innovations de la vie matérielle, en un espace économique cohérent, unifié, dont les activités peuvent se porter ensemble dans une même direction. Seule l’Angleterre aura réalisé précocement cet exploit. (...)cette transformation tient à l'abondance relative, dans un territoire assez étroit, des moyens de transport, le cabotage maritime s'ajoutant au réseau serré des rivières et canaux et aux nombreuses voitures et bêtes de somme. » (Fernand Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Arthaud, 1985, p. 102).
    S'agissant de la facilité des transports, comparativement à la France ; « Le réseau routier français diffère du réseau britannique. Il ne lui est assurément pas inférieur, d'autant que la politique de l’État au XVIIIe siècle et au XIXe siècle, lui accorde presque constamment sa faveur au détriment de la voie d'eau. » « Au début de l’industrialisation, l'économie britannique ne profite donc pas d'un équipement en voies d'eau fondamentalement différent de celui qui est à la disposition de l'économie française de la fin du XVIIIe siècle et du début du XIXe siècle. » (Patrick Verley, L'échelle du monde - Essai sur l'industrialisation de l'Occident, collection NRF essais, Paris, Gallimard, 1997, pages 212 et 221).
  4. Si Chaptal est un adepte du libéralisme il n’en refuse pas moins des mesures protectionnistes temporaires soit pour protéger des industries naissantes, soit comme représailles :
    « L’action du gouvernement doit se borner à faciliter les approvisionnements, à garantir la propriété, à ouvrir des débouchés aux produits fabriqués, et à laisser la plus grande liberté à l’industrie. On peut se reposer sur le fabricant du soin de tout le reste. » (Chaptal (comte), De l'industrie françoise, Paris, Antoine-Augustin Renouard, 1819, Second volume, Quatrième partie. De l’administration de l’industrie – chapitre premier. De l’influence du gouvernement sur l’industrie, page 206) (sur le site Gallica de la BNF).
    « Adopter ce principe [prohibition] contre les nations qui prohibent, c’est user d’un simple droit de représailles. Prononcer la prohibition dans les cas très-rares où un objet très-important d’industrie ne peut pas encore soutenir la concurrence par le seul secours des droits [de douane], est un devoir du gouvernement, lorsque la nation a un grand intérêt à s’approprier et à consolider ce genre de fabrication. (…)en attendant ne prohibons les produits étrangers qu’autant qu’on repoussera ceux de notre sol et de notre industrie. » (Ibid., Conclusion, page 490 et suiv.)
    En ce sens, Chaptal reprend l'idée d'un protectionnisme éducateur et provisoire dont les bases ont été exposées par Alexander Hamilton dans son rapport à la Chambre des représentants ; Report of the secretary of the treasury of the United-States, on the subject of manufactures. Presented to the house of representatives (5 décembre 1791).
  5. Selon Dutens, pour profiter favorablement des termes de l’échange dans le commerce international, il faut impérativement abaisser les coûts de production des produits manufacturés à l'image de l’Angleterre ; « 1°) Une nation qui ne pourra réduire les prix naturels de ses produits industriels, aussi bas que pourront le faire les autres nations, enrichira par ses échanges, ces mêmes nations de toute la part quelle ne pourra obtenir dans la distribution de la richesse universelle. » [Dans le commerce international (« distribution de la richesse universelle »), gagnent les nations dont les coûts de production (« prix naturels ») sont les plus bas] ; il convient d'améliorer la productivité pour se défendre des importations. « 2°) Une nation qui consommera une plus grande quantité de produits industriels étrangers quelle n'en fournira aux autres nations, se privera de toute la population, de tout le travail, et de tous les capitaux quelle eût pu entretenir et accumuler, au moyen des produits bruts ou des métaux dont elle aura payé cet excédant. » [Le coût du déficit de la balance commerciale (« excédant » des importations sur les exportations) prive la nation de ressources pour exploiter des richesses (« produits bruts ou métaux », à savoir des matières premières) qui lui aurait permis d’entretenir la population, d’offrir des emplois (« travail ») et de faire fructifier les capitaux]. (Dutens (Joseph-Michel), Analyse raisonnée des principes fondamentaux de l'économie politique, Paris, Courcier, an XII (1804), chapitre XVI - Du commerce des nations, page 127).
  6. « Comme la plupart des économistes français qui pensent le développement sur une base nationale, et sans grande originalité, Dupin est donc protectionniste, mais cela veut dire, dans son esprit, la plus grande protection à l’extérieur, mais la plus grande liberté à l’intérieur, ce qui cadre donc l’économie de marché dans l’espace de la nation. (…)Mais, selon lui, une forte protection est toutefois indispensable pour assurer un rythme d’industrialisation susceptible de résister à la pression anglaise. (…)Mais Dupin invite à opérer des choix dans la politique protectionniste. (…)[Ainsi, il] affiche son hostilité à une politique qui vise à utiliser la protection en faveur d’industries condamnés par leur archaïsme [par exemple, soutenir le développement de la mécanisation des industries du lin et abandonner celles rurales dans la Sarthe ou la Mayenne.] (…)[Cependant, il sait se faire] libéral pour souligner les dangers de l’apparition de monopoles qui brisent la concurrence sur le marché national. » (Voir Francis Démier, Charles Dupin : un libéral sans doctrine ?, in Carole Christen et François Vatin (sous la dir.), « Charles Dupin (1784-1873), ingénieur, savant économiste, pédagogue et parlementaire du Premier au Second Empire », Rennes, 2009, Presses universitaire de Rennes (ISBN 978-2-7535-0831-6).
  7. Cette affirmation est encore d'actualité au début de la monarchie de Juillet : « C'est après s'être donné le monde entier pour marché que l'Angleterre s'est trouvée assez riche pour perfectionner ses communications intérieures, sans effort de la part de l'État, et par l'effet naturel du mouvement de l'industrie abandonnée à elle-même. … Mais la France se trouve dans d'autres circonstances : elle n'est point parvenue au même degré de prospérité. L'esprit d'entreprise et de spéculation n'y est pas développé au même point. Ce n'est guère au-dehors qu'elle doit chercher un marché capable de donner à son industrie l'impulsion qui lui est nécessaire, et qu'elle est prête à recevoir. Il faut qu'elle s'attache à créer ce marché chez elle-même…[6] »
  8. Expression usitée à l’époque, comme Magnier-Grandprez lors du débat du projet de budget de 1816 relatif aux douanes : « Affranchissons donc [de toute prohibition] les matières premières, premier aliment et principe de notre industrie » (Voir Archives parlementaires, recueil complet des débats législatifs et politiques des Chambres françaises de 1800 à 1860…, 2e série, 1800-1860, Tome 17 (du 1er avril au 30 décembre 1816), page 131) (sur le site Gallica de la BNF).
  9. « Contrairement à de nombreux ultras, il [Villèle] n’est pas, non plus, hostile aux efforts faits en faveur de l’industrie nationale, ce qui lui vaudra de fielleuses remarques de la droite sur son indulgence à l’égard de l’esprit bourgeois. Au Conseil supérieur du commerce, il apporte son soutien à Chaptal sur l’opportunité de multiplier les efforts pour faire entrer en France les machines anglaises les plus perfectionnées. (…)Villèle est conduit [face à son impossibilité de maintenir unie la droite parlementaire] à gouverner par en haut, en s’appuyant de plus en plus, de manière autoritaire, sur un appareil d’État hérité de l’épisode napoléonien, un État qu’il a tant critiqué au début de la Restauration au nom de convictions décentralisatrices, oubliées désormais à l’épreuve du pouvoir. » (Voir Francis Démier, Joseph Villèle (1773-1854). Un provincial face à la France postrévolutionnaire, in « Cahier de la Nouvelle société des études sur la Restauration », XIII, 2014, Paris, NSER, 2015 (ISSN 1761-6778)). « …que la droite donne des gages d’orthodoxie budgétaire et de soumission aux grands intérêts financiers, comme le fait Villèle dès 1822 en sa qualité de ministre des Finances, et la Bourse repart à la hausse. », « …Villèle, qui a fait fi des préjugés de son camp [la droite qui dénonce l’asservissement du pouvoir à l’univers immoral de la finance spéculative, l’« agiotage »] et mène une politique favorable au commerce et à l’industrie. » Et cela d’autant mieux que « maints aristocrates de vieille souche qui siègent à droite se sont constitués, dans des proportions diverses, un patrimoine industriel et boursier venant en complément de leurs revenus fonciers. » (Voir O. Tort (bibliographie), pages 281-282).
  10. Parallèlement, l’administration des Contributions indirectes puis des Douanes est confiée à Saint-Cricq. C’est le baron Louis qui fait appel à Becquey et Saint-Criq et qui impose sa marque à la nouvelle politique économique et de restauration des finances publiques qui sera poursuivie par son successeur Corvetto (Voir F. Démier (bibliographie), page 395). Il est à noter qu'à la même date, Becquey devient membre de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale en qualité de directeur l’agriculture, du commerce, des arts et manufactures (Voir Bulletin de la Société, 13e année, Paris, imprimerie de madame Huzard, 1814, page 302. Voir également Serge Chassagne, Une institution originale de la France post-révolutionnaire et impériale : La société d'encouragement pour l'industrie nationale, in Histoire, économie et société, 1989, 8e année, no 2. p. 147-165 (NB : par erreur, l'auteur prénomme Louis Becquey par les initiales « F. L. » [François Louis]) ; François est le frère de Louis).
  11. Principe résumé par François Charles de Wendel : « Entrée presque libre des matières premières que notre sol ne produit pas, ou qu’il produit que très insuffisamment ; entrée, sous des droits modérés, des objets manufacturés que nous ne fabriquons pas nous-mêmes en assez grande quantité… prohibition absolue des objets que nous fabriquons déjà en trop grande quantité pour nos propres besoins. » (Voir Opinion de M. de Wendel, député du département de la Moselle, à la Chambre, sur le projet de loi des douanes, Paris, imprimerie A. Bailleul, s.d. [Cette opinion n'a pu être prononcée, la Chambre ayant ordonné la clôture de la discussion. 1816]).
  12. Le programme économique présenté dans cette circulaire ne marque pas une rupture avec le passé. On y retrouve la stratégie dessinée par Chaptal lors de son passage au ministère de l’Intérieur de protéger les industries manufacturières naissantes pour leur permettre de soutenir la concurrence anglaise et, plus largement, de répondre aux vœux des milieux du commerce revendiquant une liberté d’action dans le cadre d’un marché régulé (Voir Jean-Pierre Hirsch et Philippe Minard, "Laissez-nous faire et protégez-nous beaucoup". Pour une histoire des pratiques institutionnelles dans l’industrie française (XVIIIe – XIXe siècles), in Louis Bergeron et Patrice Bourdelais (dir.), « La France n’est-elle pas douée pour l’industrie ? », Paris, Belin, 1998, p. 135-158).
    Dans le même sens : « Les industriels libéraux, qui eussent poussé des hauts cris si le gouvernement avait eu l’audace d’intervenir en quoi que ce fût dans le régime du travail qu’ils imposaient à leurs ouvriers ou dans prix de vente de leurs produits, étaient les premiers à exiger, au nom des intérêts nationaux, que le commerce fût soumis au plus étroit contrôle. Laissez faire oui, mais ne laisser point passer… » (G. de Bertier de Sauvigny, La Restauration, Paris, Flammarion, 1955 (nouvelle édition 1974), page 226).
  13. La nécessité de disposer d’un réseau de transport cohérent, afin d’unifier le pays et diminuer les prix de consommation propice à son enrichissement, n’était pas étranger aux réflexions des décideurs de l’Ancien Régime ou sous la Révolution, mais elle ne pris corps qu’au lendemain de l’Empire à un moment où la France, sortant d’une économie de guerre, doit faire face à la concurrence anglaise ainsi qu’à la perte de débouchés sur le continent et outre-mer : « À partir de la géographie routière à la fois inégale sur le territoire et fortement centralisée, et des communications fluviales aménagées par la monarchie au cours du XVIIIe siècle, les autorités révolutionnaires, conscientes du rôle central des transports dans le fonctionnement de l’économie et du pouvoir structurant des tracés comme des coûts, vont promouvoir la construction d’un réseau cohérent, articulé [complémentarité entre la route et les voies navigables] et unifié, censé rapprocher les hommes et les contrées. Celui-ci ne sera pourtant effectif qu’à l’aube du XIXe siècle » (Voir Anne Conchon, Les transports intérieurs sous la Révolution : une politique de l’espace, in « Annales historiques de la Révolution française », 352 | avril-juin 2008, §6 et suiv. (DOI : 10.4000/ahrf.11061) (sur le site revue.org)).
  14. L’utilité des canaux pour participer à l’enrichissement du pays par une meilleure diffusion des marchandises (notamment le transport des grains dont une pénurie localisée provoque disette, famine et déplacement de population faute d’arrivage d’autres contrées en surproduction ou en stockage) n’était pas absente des gouvernements antérieurs, en particulier les réflexions de Sully ou de Colbert pour la réalisation de canaux. Mais les quelques réalisations effectuées, parfois novatrices (canaux à point de partage) en mettant en communication deux bassins fluviaux indépendants tels les canaux de Briare ou du Midi, sont restées très limitées (Voir [collectif], Un canal... des canaux... (bibliographie)).
    Pour Adam Smith, qui inspire les libéraux industrialistes, la division du travail, source de l’amélioration dans la puissance productive du travail, est fonction de l’étendue du marché dont le premier déterminant est la facilité des transports, en particulier les voies d'eau ; « Comme les rivières et les mers, plus favorables au transport que par la terre, ouvrent à toutes les sortes d’industrie un commerce plus étendu, c’est sur les côtes de la mer et sur les bords des rivières navigables que toutes les espèces d’industries ont commencé d’elles-mêmes à se ramifier et à se développer ; et souvent après s’être ainsi subdivisées et perfectionnées, elles ont eu besoin d’une longue suite d’année pour s’étendre jusque dans les parties intérieure de la contrée. » (Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Tome I, chapitre 3 De la division du travail, limitée par l'étendu du marché, Paris, Buisson, 1790-1791) (sur le site Gallica de la BNF). « Les secteurs lourds de l'industrie [sidérurgie, extraction] ne peuvent se développer avant que les problèmes de leur approvisionnement en matières premières [minerai, houille] soient résolus. (...)Aussi est-il nécessaire d'investir dans des travaux d'amélioration de la navigabilité des voies d'eau et de construction de canaux pour accompagner la croissance industrielle. Le besoin en est ressenti après celui d'un réseau routier et avant que la construction ferroviaire ne soit capable d'offrir une solution souple à la plupart des problèmes de transport. » (Patrick Verley, L'échelle du monde - Essai sur l'industrialisation de l'Occident, collection NRF essais, Paris, Gallimard, 1997, pages 217).
  15. La nuit du 4 août 1789 abolit les privilèges féodaux, notamment les péages considérés comme une usurpation. Cependant, les décrets des 4-11 août 1789 atténuent les déclarations solennelles des jours précédents ; le péage est assimilé à un droit féodal rachetable, et donc maintenu jusqu’à son remboursement dont il reste à fixer les modalités. Le décret du 15 mars 1790, promulgué le 28 mars, abolit sans indemnité les péages sur voie de terre et par eau (art. 13), à l’exception (art. 15) des péages concédés en dédommagement des frais de construction de canaux et autres travaux, ou accordés à titre d’indemnité à des propriétaires expropriés pour cause d’utilité publique. Ces droits continuent à être perçus jusqu’à ce que les départements procèdent à la vérification des titres relatifs à ces péages. Le décret ne s’applique pas aux péages domaniaux. Devant la difficulté à vérifier les titres de propriété par les districts des départements, cette exception est supprimée par le décret du 25 août 1792[17] (art. 7), sauf si le « seigneur » justifie que le péage est inhérent à une concession ou à un dédommagement d’une expropriation pour cause d’utilité publique. Mais, par le décret du 17 juillet 1793, la Convention supprime radicalement et sans indemnité tous les droits seigneuriaux déclarés jusqu’alors rachetables. Toutefois les péages publics continuent à être exigés, de même que les péages concédés (à des personnes privées ou des personnes morales) pour financer des travaux utiles à l’État tels le creusement de canaux et la construction de ponts (ex : « droit de pontage » perçu par les communes)[18].
  16. La construction du canal de l’Essonne est concédée par la loi du 22 aout 1791[22], et les décrets des 18 août et 13 septembre 1791, à trois entrepreneurs (Grignet, Jars et Gerdret) propriétaires d’usines sur la rivière dont l’amélioration de la navigation devait permettre d’écouler plus facilement la production. Un prolongement vers Orléans est resté à l’état de projet. En 1796, quatre kilomètres du canal et cinq écluses ont été construits, puis les travaux suspendus. En 1804, les anciens concessionnaires sont déchus au profit de Guyenot de Chateaubourg[23]. Après une modeste relance des travaux et une prorogation de la durée de la concession (quatre ans en 1087 au-delà des deux années accordées en 1804), les travaux sont interrompus en 1810. La concession est définitivement révoquée en 1820. Malgré une relance en 1829 pour dix ans au profit des héritiers de Guyenot, l’Essonne est déclarée la même année non navigable et non flottable. Les parties abandonnées du canal sont mises en vente en 1832, les écluses démolies en 1845 (Voir D'encre et d'eau. Les projets du canal de l’Essonne, in Aux source de l'histoire locale, no 4, 2009, Archives départementales de l’Essonne).
  17. Les travaux des canaux d’Aigues-Mortes et de la Radelle ont été entrepris par une compagnie privée, dénommée primitivement « Entreprise des canaux d'Aigues-Mortes à Beaucaire » (17 floréal an IX - 7 mai 1801) transformée en 1808 en société anonyme « Entreprise de l'achèvement du canal d'Aigues-mortes à Beaucaire et de celui de la Radelle entre Aigues-mortes et l'étang de Mauguio » (décret du 27 octobre 1808 in Th. Ravinet, Code des ponts et chaussées et des mines, Paris, Carilian-Goeury, 1829). D’un capital de 500 actions de 5 000 F, la compagnie avait le droit de percevoir des taxes de navigation, et recevait la propriété des marais entre Aigues-Mortes et Beaucaire, sous réserve de leur mise en culture. Elle apparaît comme une affaire privée de Languedociens, restés sur place ou agissant par leurs puissants représentants à Paris (Voir Louis Bergeron, Banquiers, négociants et manufacturiers parisiens du Directoire à l’Empire, Paris, Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 1999 (Publication sur OpenEdition Books)).
  18. Droit perçu pour l'entretien du balisage, des chemins de halage, des pertuis, des écluses, des barrages et autres ouvrages nécessaires à la navigation. Il est étendu aux canaux navigables non encore assujettis[28]. Par rationalisation de l'espace économique national, le tarif des péages autorisés après l’Ancien Régime est fondé sur le trajet à effectuer ou à parcourir sur une longueur de tronçon donné[18]. Il fut supprimé par la loi du 21 décembre 1879.
  19. Pour les infrastructures routières, après la suppression des péages assimilés à un droit féodal, petit à petit s’est affirmé le principe de faire supporter l’entretien des infrastructures routières à l’usager, plutôt qu’au contribuable, au moyen d’une « taxe d’entretien » (Loi du 24 fructidor An V [10 septembre 1797][29]) reprise dans un « droit de passe sur les chemins » (Loi du 9 vendémiaire an VI [30 septembre 1797][30]). Cette taxe est remplacée en 1806 par un impôt sur le sel (Décret du 16 mars 1806 – art. 48, complété par la Loi du 24 avril 1806 relative au budget de l’État pour l’an 14 et 1806[31]) dont le produit est affecté à « l’entretien des routes et aux travaux des ponts et chaussées ».
    Par ailleurs, la loi du 14 floréal an X (4 mai 1802)[32] donne au gouvernement la possibilité de concéder la construction de ponts à des particuliers. Ces concessions seront rachetées dans les dernières décennies du XIXe siècle ; la loi du 30 juillet 1880 ordonnant l’extinction des dernières concessions existantes[18].
  20. « …on construit les ouvrages au coup par coup, sans plan d'ensemble préalable et on adopte des gabarits d'une grande variété. Ainsi, pour aller de Lyon à Paris, on monte en Saône puis on passe par le canal du Centre (80 écluses de 32,50 m sur 5,20 m), pour arriver en Loire ; on emprunte ensuite le canal de Briare (40 écluses de 32,50 m sur seulement 4,60 m) et le canal du Loing (21 écluses de 60 m sur 4,40 m) qui débouche en Seine. On imagine aisément la difficulté d'un tel périple ! L'hétérogénéité d'un réseau compartimenté freine les échanges et nécessite souvent de nombreux transbordements. (…)Ainsi, sur tous les cours d'eau, naturels ou artificiels, la navigation demeure intermittente. Les marchandises s'accumulent à proximité des lieux de chargement pendant les mortes-saisons. Puis, quand les bonnes eaux reviennent, les bateliers transportent alors le maximum de produits. Arrivés à destination, ceux-ci s'amassent dans de vastes entrepôts. Pour les chargeurs, aux dépenses du voyage proprement dit s'ajoutent aussi d'importants frais de magasinage. (…)En ce début du XIXe siècle, la multiplicité des types de bateaux témoigne de l'influence encore prépondérante des conditions locales : besoins économiques circonscrits et facteurs sectoriels de navigation imposent leurs exigences aux outils de transport. Chaque rivière porte d'abord elle-même un grand nombre de bateaux différents. (…)À cette diversité première de chaque rivière s'ajoute la grande variété des bateaux d'un cours d'eau à l'autre. » (Voir Bernard Le Sueur, L'évolution de la navigation intérieure et de ses métiers, XIXe – XXe siècles, in Culture Technique no 19 - 1989, Neuilly-sur-Seine, Centre de recherche sur la culture technique, 1989 (sur le site I-revues)).
  21. « Le terme de système désigne un projet qui ne se limite pas à une réalisation ponctuelle isolée mais au contraire coordonne une multitude de travaux à réaliser sur l’ensemble du territoire national et surtout tient compte des relations d’interdépendance entre différents types de voies d’eau, existantes ou à créer, naturelles et artificielles. » (Voir N. Montel (bibliographie). Le terme de « système » était déjà utilisé au XVIIIe siècle (Voir E. Szulman (bibliographie), chapitre V - § « L’émergence d’une pensée du réseau »).
  22. La circulaire du 13 décembre 1798, adressée à « l'administration centrale des départements » reprenant brièvement les arguments économiques habituels en faveur d'un réseau de voies navigables, ordonne aux fonctionnaires locaux d'envoyer à Paris toutes les informations qu'ils peuvent recueillir sur les projets de voies navigables, et propose la création de douze commissions régionales composées « d’ingénieurs en chef et ordinaires, de savans, de cultivateurs, de fabricans et de négocians[38]. » Ces commissions devaient aider le gouvernement à préparer les plans de dix canaux de liaison essentiels qui créeraient un réseau de grandes lignes d'une mer à l'autre. Pour mener à bien son ambitieux programme, François de Neufchâteau proposa un système de partenariat entre des investisseurs privés et l’État avec « tout ce que les circonstances lui permettront de leur accorder afin de réduire leurs dépenses. »
  23. L’intervention de Huerne de Pommeuse, pour justifier son amendement à l’article 26 du projet de budget (mars 1816), souligne que l’état désastreux où se trouvent les canaux conduirait à des dépenses très élevées de remise en état par leurs anciens propriétaires s’ils leur sont restitués, justifiant ainsi de ne les taxer qu’à hauteur de la valeur foncière des terrains traversés et non en fonction de leur revenus présumés. Huerne de Pommeuse avait des intérêts dans canal de Briare, compris dans ligne nord-sud proposée, et dont fut administrateur dans les années qui suivirent (Ministère du Commerce et des Travaux publics, Enquête sur les houilles [1832] (Paris, 1833), p. 483).
  24. Dans la deuxième édition de son Traité, Jean-Baptiste Say évoque les canaux. Bien que, selon lui, il soit vrai que les routes et les canaux sont « très-dispendieux », dans la plupart des cas, ils sont plus que rentables. Mais par rapport aux routes, « les canaux procurent un gain encore plus considérable (à la société), parce qu'il en résulte une économie encore plus forte. » (J.-B. Say, Traité d'économie politique, 2e édition revue, Paris, 1819, vol. 2, pp. 322-24).
  25. Sur l’origine et la fortune de l’« esprit d’association », voir Geiger (bibliographie), pp. 70-77, § Un modèle libéral pour la croissance économique : L'Angleterre et l'esprit d'association.
  26. Les rééditions successives de l’ouvrage de Laborde et la reprise de l’expression « esprit d’association » par nombre d’économistes et de politiques témoignent du succès de cet ouvrage[note 25].
  27. Toutefois, les initiatives privées en Angleterre relèvent d’une préoccupation locale, non d’un souci de constituer un réseau ; « ...les motivations essentiellement économiques des promoteurs des canaux anglais, qui recherchent avant tout à joindre deux points (des lieux d'extraction de ressources naturelles aux lieux de transformation et d’exportation) n’impliquent guère de penser un réseau. » (Voir E. Szulman (bibliographie)).
    Dans le même sens ; « Dans les années 1830 encore, [en Grande-Bretagne] les canaux ne servent guère à constituer un marché national. Ils ont des conséquences bénéfiques à l'échelle locale ou régionale. Aussi, les promoteurs sont-ils, comme pour les routes [Turnpike roads], des notable locaux qui comptent en tirer avantage. (...)Les canaux sont importants parce que le développement industriel se situe largement dans le cadre régional. » (Patrick Verley, L'échelle du monde - Essai sur l'industrialisation de l'Occident, collection NRF essais, Paris, Gallimard, 1997, pages 220-221 [et p. 210-211]).
    Pour une présentation des Turnpike roads, voir Anne Conchon, Le péage en France au XVIIIe siècle, les privilèges à l’épreuve de la réforme, Paris, Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, chapitre X « Un essai de rénovation du péage » - § III « L'influence du modèle étranger ».
  28. Sur la question du coût de la réalisation du canal de Berry en petite section, Dutens se rend à Paris à l’invitation de Becquey. À la suite de cette entrevue, Becquey le missionne pour un voyage d’étude en Angleterre afin de « prendre connaissance du système de canaux établis, en petite section, dans ce pays » (Revue générale biographique, historique et littéraire, 4e volume, Paris, 1842, p. 281). Par un échange de courrier entre Brisson et Becquey en novembre et décembre 1819, ce dernier l’invite à se rendre auprès de lui dans les plus brefs délais : « Je vous prie de différer votre arrivée le moins possible et de m’en indiquer le jour. Je préviens M. le préfet que je vous y appelle » (AN F14138592, folios 75 et 76).
  29. Le projet de Dutens est concrétisé dans un document intitulé « État des dépenses à faire pour le perfectionnement de la navigation de la France », manuscrit de soixante-dix pages daté du 5 avril 1820 et signé simplement « Dutens », mais il est vraisemblable que Brisson y a collaboré[49]. Dans une très brève introduction, l'« État » propose, sans explication ni justification, un système de classification des canaux basé sur six grandes lignes, chacune étant une voie de passage composée de plusieurs voies navigables et s'étendant d'une mer à l'autre, parcourant la France du nord au sud. Le corps du document comprend une brève description des treize canaux de 1re classe déjà commencés et des vingt-quatre qui doivent être construits pour compléter les six grandes lignes, ainsi qu'une liste plus succincte de vingt autres canaux de 2e classe. Il donne pour chaque canal proposé son histoire passée et sa situation actuelle, son tracé et sa longueur, une estimation du coût de son achèvement et une estimation des recettes annuelles qu'il produira ; « Observations générales ; Le travail ci-dessus ne doit être considéré que comme approximatif, s'il est difficile de connaître d’une manière absolue la dépense d’établissement d’un canal, il l’est encore bien davantage de déterminer rigoureusement son produit qui peut varier suivant une multitude de circonstances qu’il est impossible de prévoir, ou à chercher à se tenir dans des limites raisonnables et l’on croit ne les avoir point dépasser, surtout dans l’évaluation des différents mouvements du commerce qui ne peuvent que s’accroitre de jour en jour. » On retrouve une rédaction similaire dans le Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France, d’août 1820[50]. Brisson a vraisemblablement élaboré les estimations des coûts du capital en combinant sa méthode de détermination des itinéraires optimaux avec les données sur les coûts unitaires qu'il avait développées. Bien que Brisson n'ait pas précisé sa méthode de détermination des itinéraires optimaux ou des coûts unitaires dans l'« État » de 1820, il a présenté les deux dans l'Essai publié en 1829[51]. La longueur totale de tous les canaux, à terminer ou à entreprendre, de 1re ou de 2e classe, était de 7 848 km, soit près de huit fois la longueur des canaux existants. Le coût de ce programme est estimé à 458,6 MF. L'« État des dépenses » se conclut par un exercice spéculatif d'économétrie, destiné à montrer que même « si les avantages du transport par eau ne sont pas aussi éminent que quelques personnes se le persuadent », ils sont suffisants pour mériter le soutien financier du gouvernement à un programme de canaux. Le transfert de transport de la route aux canaux feraient économiser 151 MF par an. Pour sa part, L'État devrait « contribuer à leur confection (des canaux) pour le capital de la somme qu'il économiserait sur l'entretien (annuel) des routes. » Cette somme a été calculée par des méthodes incertaines à environ 80 MF, soit 1/5ème du coût estimé du programme.
  30. Dans la préface du premier volume de son ouvrage de 1829, page vj, Dutens (voir bibliographie) rappelle que : « C’est en effet d’après cette idée  la jonction des deux mers »]… que… M. le directeur général des Ponts-et-chaussées se décida à présenter, dans son rapport au Roi, du 4 août 1820, le tableau des différentes lignes dont se compose l’ensemble de la navigation intérieure de la France, lui donnant la préférence sur un autre projet [NB : celui de Brisson] qui lui avait été proposé et suivant lequel toutes ces lignes, se dirigeant comme d’un centre vers la circonférence, fussent parties de Paris pour se rendre aux différents points des frontières. »
  31. Brisson a publié, en l'an X (1802), un « Mémoire sur l’art de projeter les canaux » qu’il a rédigé à l’issue d’un stage durant lequel il avait été employé au projet du canal de jonction du Rhône au Rhin. Il mène ce travail en collaboration avec un de ses camarades, Dupuis de Torcy, décédé l’année suivante (Voir Dupuis de Torcy - sur le site Bibliothèque Centrale École polytechnique>catalogue>La famille polytechnicienne).
    Par l’étude théorique (lecture des « thalweighs » et des lignes de faites sur des cartes détaillées, notamment celles de Cassini), ils proposent le tracé idéal de chaque bief de partage au point le plus bas possible qui permet de réduire le nombre d’écluses et le temps de navigation, et en même temps de faciliter son alimentation en eau ; « Nous pensons qu'il faut pouvoir réunir à un point de partage les eaux de huit à quinze lieues carrées de pays, selon l'importance de la navigation qui devra s'y établir, et la nature météorologique et géologique du pays. » (B. Brisson, Essai sur le système général de navigation intérieure de la France, pp. 5-6). Ce mémoire a fait l'objet d'un rapport de Riche de Prony, Rapport sur l'art de projeter les canaux de navigation par Brisson et Dupuy-Torcy, Institut national des sciences et arts, Extrait du registre de la classe des sciences physiques et mathématiques – séance du 4 vendémiaire An 11 (La source - Bibliothèque de l'école des ponts, manuscrit, Cote : Ms.175 (pp.87-97) (consultable en ligne)).
    (NB : il est à noter que la méthode de Brisson servit au tracé de la voie du chemin de fer de Saint-Étienne à Lyon (Voir Brisson (bibliographie), § - « Hommage des élèves des Ponts et Chaussées à la mémoire de M. Brisson », page xxvj. L’avertissement de l’éditeur au même ouvrage précise, page viij et ix : « Il [Brisson] présume au reste [qu’aux canaux] on pourrait souvent avec avantage substituer des chemins de fer, tels que celui qui, dans peu d’années, sera en pleine activité par Saint-Étienne, entre la Loire et Andrézieux, et le Rhône à Givors et ensuite à Lyon. »).
  32. Des lettres Cordier à Albert Gallatin, il ressort que Cordier a passé les cinq ou six premiers mois de 1820 et 1821 à Paris (Papers of Albert Gallatin. Microfilm. Philadelphia, 1969. Quarterly Review) ; lettres des 1er janvier 1820, 9 avril 1820, 5 décembre 1820, 22 juin 1821 et 13 septembre 1820[54]. Cordier pense qu'il est temps de mettre fin à la centralisation des pouvoirs dans les travaux publics et de prévoir un régime de concession adéquat pour encourager les « associations de capitalistes », en particulier les propriétaires terriens locaux que « l'honneur de prendre des parts dans ces entreprises publiques » rappellera dans les campagnes qu'ils ont désertées, imitant ainsi les milords d'Angleterre qui ont fourni l'initiative locale et l'argent pour construire les canaux anglais (J. Cordier, Histoire de la navigation intérieure, et particulièrement de celle de l'Angleterre et de la France, 2 vols. Paris, 1819 et 1821, vol.1, p. xiv-liii). Dans une chronique parue dans Le Moniteur universel sur le premier volume de l’ouvrage de Cordier, de Cheppe[55], secrétaire de Becquey, remet en question certaines des revendications les plus extrêmes de Cordier concernant l'application du système anglais à la France (Le Moniteur universel, 5 septembre 1819, pp. 1173-74. Un avis de publication de l’ouvrage de Cordier est paru au Moniteur du 22 juillet 1819, p. 978). À la suite de la publication du second volume, dans une nouvelle chronique, de Cheppe estime que Cordier « exagère la prospérité de nos rivaux et les imperfections de notre régime intérieur. » la France doit éviter les extrêmes et construire des canaux par toutes les combinaisons possibles de moyens (Le Moniteur universel, 8 décembre 1821, p. 1652). Pour la rédaction de son ouvrage, Cordier s’est rendu en Angleterre en 1816 ; « Dans la vue d'apprécier par lui-même toutes les améliorations apportées par les Anglais à ce système (navigation intérieure), M. Cordier a fait à ses frais le voyage d'Angleterre. » (Cordier, « Histoire de la navigation intérieure… », compte-rendu par Ch. Dupin, in Revue encyclopédique, tome 2 (mai 1819, p. 439). Peter J. Wexler, La formation du vocabulaire des chemins de fer en France (1778-1842) (Genève, Droz, 1955, p. 28, note 13) indique que Cordier et Dupin avaient fait ensemble, en 1816, le voyage en Angleterre. Il est à noter que Dupin était, à cette époque, affecté à l’arsenal de Dunkerque. Contrairement à A.G., Notice biographique sur L.-E.- J. Cordier, représentant du peuple (Lons-le-Saulnier, 1850), Tarbé de Saint-Hardouin, Notices biographiques…, notice « Cordier », (Paris, 1884, p. 144) et J. M. Chaplain et al., Annales des Ponts et Chaussées, n° 19, (3e trimestre 1981, p. 113), Cordier n'a jamais visité l'Amérique.
  33. Cette hiérarchisation des voies navigables n’est pas sans rappeler celle des routes fixée par le décret impérial du 16 décembre 1811 qui visait notamment à hiérarchiser l’affectation des crédits et d’entretien des voies de terre.
  34. Il a été envisagé à la fin du XVIIIe siècle un canal entre la Seine et l’Oise, de Saint-Denis à Pontoise par Ermont et Pierrelaye
    Canal de Pontoise-St Denis (circa 1820)
    . Voir Recueil polytechnique des ponts et chaussées..., Volume 2, Paris, Demoraine imprimeur-libraire, 1807, page 254. Voir également Brisson 1829 (bibliographie), page 10, de même Dutens 1829 (bibliographie), page 556. Les difficultés rencontrées pour l’étude sur le terrain du tracé de ce canal a donné lieu à une ordonnance royale du 20 février 1821 donnant droit à l’ingénieur D'Astier de la Vigerie de pénétrer dans les propriétés privées. Ce projet de canal figure sur la carte routière du département de Seine-et-Oise dressée en 1823 et actualisée en 1830 (sur le site Gallica de la BNF). Le projet est abandonné en raison, entre autres, de la difficulté d'alimenter en eau le bief de partage.
  35. Cette ligne de jonction est un ajout au regard de l’« État des dépenses à faire pour le perfectionnement de la navigation de la France[49] » de Dutens daté d’avril 1820.
  36. « Ce canal, d’après l’ordonnance royale en date du 22 décembre 1819, comprend le canal latéral à la Loire, depuis Digoin jusqu’au Bec-d’Alier. » (Cf. Rapport au roi sur la navigation intérieure, 1820, page 40).
  37. Ou canal des Petites Landes (Voir Dutens (bibliographie), Histoire de la navigation intérieure, tome 2, page 69 et suiv). Ce canal n'est pas à confondre avec le canal des Grandes Landes (canal des Landes ou canal du duc de Bordeaux (dénomination sollicitée en 1825)) (Voir J. B. B., ingénieur des Ponts et Chaussées, Les Landes en 1826 - Esquisse d'un plan général d'amélioration des Landes, Bordeaux, imprimerie d’André Brossier, 1826, page 71 et suiv. et pp. 152-153).
    Sur ces deux canaux des Landes, voir Ministère des Travaux publics - Administration générales des ponts et chaussées et des mines, Situation des travaux au 31 décembre 1838, Paris, imprimerie royale, 1839, page 351.
  38. « En effet, le plan Becquey proposait la construction d'un réseau national rayonnant vers l'extérieur à partir d'un noyau central de canaux à point de partage courts déjà construits au centre hydrologique de la France. En tant que radiales de ce centre vers les mers, ces rayons pouvaient ensuite être assemblés, pour ainsi dire, à l'œil nu, en divers appariements comme des diamètres de mer à mer. Ensemble, l’histoire des canaux français et les conditions hydrologiques ont incité à concevoir le réseau comme des lignes de jonction d’une mer à l’autre[58]. »
  39. « En 1820, le canal du Midi et la Garonne constituaient une ligne de mer à mer déjà ouverte depuis près de 150 ans, mais aucun trafic régulier ou à grande échelle ne l'utilisait pour se déplacer entre l'Atlantique et la Méditerranée. Le trafic longue distance existant se concentrait entre la zone autour de Toulouse et l’une, ou l’autre, des extrémités de la ligne fluvio-canal, et même ce modèle « mi-parcours à extrémité », plutôt que de « bout-à-bout », était éclipsé par le mouvement local le long du fleuve et du canal. … La notion de lignes de jonction mer-à-mer était un artefact culturel qui devait plus à certaines attitudes héritées qu'au bon sens économique[59] . »
  40. « Pendant la première moitié du XIXe siècle, la primauté du charbon dans l’industrie est loin d'être assurée, car son utilisation se heurte à de nombreuses difficultés, dont la moindre n'est pas le transport. Comment, en effet, approvisionner les centres industriels avec des voies de communication très nettement insuffisantes ? On connait, en particulier, les difficultés d’approvisionner Paris en charbon jusqu'à l'achèvement tardif de la liaison avec le nord. » (Voir Claude Fohlen, Charbon et révolution industrielle en France (1815-1850), in « Charbon et sciences humaines », Actes du colloque organisé par la faculté de lettres de l'université de Lille en mai 1963, sous la direction de Louis Trenard, École pratique des Hautes études (VIe section), Paris, Mouton & Co, 1966, pages 141 à 151).
  41. La volonté régénératrice de la société est au cœur de la doctrine saint-simonienne. Faisant appel à la notion de réseau[63], les propagandistes de cette doctrine voient dans les réseaux de communication (canaux, chemin de fer, télégraphe) couplés à un réseau financier (banque et crédit) le moyen de surmonter la crise due à l’irruption de la modernité, à mettre de l’ordre dans un monde qui ne semble plus avoir de sens. Ce modèle en réseau s’oppose à l’idée de structure hiérarchique. Le plus ardent défenseur de cette mise en œuvre pratique du saint-simonisme, Michel Chevalier dans ses ouvrages Lettres sur l'Amérique du Nord et Le Système de la Méditerranée, s’en remet à la technologie pour assurer le bonheur de l’humanité. Loin du thème de la guerre des cultures, il insiste sur la concorde et l’unité du genre humain, tout en n’excluant pas la diversité, pour faire émerger « l’Association universelle » et la paix perpétuelle. Dans ce cadre, le chemin de fer est le garant technique de la démocratie, de la compréhension entre les peuples, de la paix et du progrès. Il est partie prenante d’une industrie émancipatrice. Selon cette conception, la communication ferroviaire rapproche les hommes non seulement dans l’espace mais aussi sur le plan social. Par le rapprochement des individus (fin des inégalités) et le rétrécissement du monde (les grandes nations deviennent des provinces de taille moyenne) les chemins de fer changeront les conditions de l’existence humaines : « Les chemins de fer le long desquels les hommes et les produits peuvent se mouvoir avec une vitesse qu’il y a vingt ans on aurait jugé fabuleuse, multiplieront singulièrement les rapports des peuples et des cités. Dans l’ordre matériel, le chemin de fer est le symbole le plus parfait de l’association universelle. Les chemins de fer changeront les conditions de l’existence humaine. »[64]. De même, « Améliorer la communication, c'est travailler à la liberté réelle, positive et pratique (...) c'est faire de l'égalité et de la démocratie. Des moyens de transport perfectionnés ont pour effet de réduire les distances non seulement d'un point à un autre, mais également d'une classe à une autre. »[65] [NB : Les quatre articles, dont Le Système de la Méditerranée, intitulés La paix est aujourd'hui la condition de l'émancipation des peuples, sont publiés les 20 et 31 janvier, les 5 et 12 février 1832. Ils font suite à la publication de la prédication d'Émile Barrault dans Le Globe du 16 janvier et inaugurent une série de propositions des saint-simoniens sur le développement de la politique industrielle. Ils marquent la concrétisation d’une orientation réformiste au sein de « l’Église » après le schisme de novembre 1831, faisant le choix de produire du lien social par des réseaux techniques plutôt que par de nouveaux rapports sociaux défendus par Bazard. Agissant ainsi, dans un contexte de crise économique (1827-1832) et pour prendre ses distances avec les émeutes populaires, telle la Révolte des canuts à Lyon, dont le gouvernement accuse les saint-simoniens d’en être les instigateurs, le réformiste Michel Chevalier tente de rassurer le gouvernement en déclarant sa foi dans le progrès technique émancipateur. En cela il s’oppose à des socialistes utopistes, tels les fouriériste, qui considèrent l’industrie des chemins de fer à la source des malheurs de l’humanité]. Pecqueur, autre saint-simonien, écrit également : « Les voyages en commun par les chemins de fer et les bateaux à vapeur, et les grandes réunions d'ouvriers dans les ateliers, inspirent à un haut degré le sentiment et les habitudes de l'égalité et de la liberté. Les chemins de fer, en faisant voyager en commun, en juxtaposant toutes les classes de la société, en réalisant une sorte de mosaïque vivante de toutes les fortunes, de toutes les positions, de tous les caractères, de toutes les manières, de tous les usages, de tous les costumes, qu'offrent chaque nation et toutes les nations, avanceront prodigieusement le règne des relations sociales vraiment fraternelles, et feront plus pour les sentiments d'égalité, que les prédications les plus exaltées des tribuns de la démocratie… rapprocher ainsi, pour tous, les distances qui séparent les lieux, c'est rapproché également celles qui séparent les hommes[66]. »
  42. « …l'amélioration de cette navigation fluviale ne serait pas moins précieuse que l'ouverture de nouveaux canaux et que le crédit public ne manquerait pas un soutien d'une telle entreprise[73]. »
  43. C’est avis est repris du Journal de Paris[76]. En 1821, les Annales de la Haute-Vienne[77] se font l’écho du Rapport au Roi et notent : « …quand on compare l’énormité des sommes résultantes des devis avec la faiblesse des crédits que la situation prospère des finances de l’état pourrait y consacrer, on sent que l’alliance de l’industrie privée devient nécessaire à l’intérêt public, et qu’il faut chercher dans l’intervention des capitalistes et dans l’esprit d’association, un supplément de fonds du trésor. …depuis 1818 on a vu des sociétés d’actionnaires obtenir les concessions du canal de la Sensée dans le département du Nord, et de ceux de l’Ourcq et de St-Denis près Paris, à la charge d’en terminer les travaux. » Malgré les vœux de Becquey, l’esprit d’association ne s’est pas manifesté pour invertir (concession temporaire ou perpétuelle aux frais, risques et périls du concessionnaire) dans les canaux envisagés de son plan et, compte tenu de l’impossibilité de recourir aux crédits de l’État (budget annuel ou émission d’une rente spéciale) eu égard à la politique d’orthodoxie budgétaire poursuivie depuis le baron Louis et Corvetto et largement approuvée par les parlementaires, Becquey à du recourir à des prêts soumissionnés par des compagnies financières représentées par la Haute banque de Paris.
  44. Dans sa lettre du 15 février 1821 à Becquey accusant réception de l’exemplaire du Rapport au Roi, l’ingénieur divisionnaire Bouessel formule des critiques tant sur le contenu que sur les principes du rapport ; « La belle idée des grandes lignes de 1re classe à travers toute la France n’est pas à l’abri d’objections. Cette nomenclature ou classification est-elle d’accord avec les opérations du commerce intérieur ? Les principales expéditions de ce commerce ne sont-elles pas dirigées de tous les ports sur la capitale plutôt que d’une mer à l’autre ? N’y aurait-il pas plusieurs motifs de faire pivoter le système sur Paris ? La capitale et les grandes villes ne sont-elles pas plutôt des centres que des points de passage ? [NB : c’était le projet de Brisson d’organiser le réseau de voies navigables rayonnant depuis Paris vers les frontières (cf. supra)] (…) un établissement de navigation peut-il devenir l’objet des spéculations avant que l’agriculture et l’industrie aient des produits à mettre dans le commerce ? Dans la réalité les jonctions des fleuves établissent les communications du 1er rang. Les grandes lignes diamétrales sont naturellement rompues à la rencontre de ces fleuves. Par exemple, le canal du centre celui du Berry et celui de nantes à Brest ne forment-ils pas chacun un ensemble particulier ? les vues du commerce peuvent elles se prêter à les réunir en une seule ligne dite du midi à l’ouest par le Centre ? (…) Par exemple, on y donne au canal de Nantes à Brest un embranchement de Rohan sur Saint-Brieuc par la traverse de la haute chaine de montagnes d’Aré (sic) : on pourra en faire la reconnaissance, mais jusqu’à présent, il n’est encore tombé dans l’esprit de personne d’étudier cette chaine sous le rapport du passage d’un canal. (…) Il convient en général de commencer par rendre navigable le bas des rivières où les dépenses sont moins considérables, d’abord jusqu’à la première ville capable d’offrir une branche du commerce ; puis jusqu’à une autre ville en amont ; ensuite les mouvements de la canalisation conduiraient aux entreprises de canaux à point de partage. » (AN F14138592 folio 98, cité par N. Montel (bibliographie)).
  45. « Déplacement de fortune et d’industries. Les villes placées sur les rivières navigables ne sont pas les plus commerçantes les plus industrieuses. Vous ruinez souvent des cités voisines en créant de nouvelles communications. »
  46. Dans le rapport au Roi de 1820 (rapport au ministre de l'intérieur, pages 10 et 11), Becquey évoque l'« esprit d'association » qui rassemble des moyens épars afin de créer « des masses de capitaux assez puissantes pour suffire à toutes les spéculations », regrettant qu'il se soit rarement appliqué à des opérations de travaux publics. Il cite comme exemples récents de cet « esprit d'association », la banque de France, les compagnies d'assurance et les sociétés de prévoyance.
  47. « À l‘exception des Orléans [NB : propriétaires des canaux du Loing, d’Orléans et de Briare], c'est-à-dire de la famille disposant de la première fortune de France, aucune voie d’eau n’a pu être intégralement construite puis entretenue par une société privée. Du canal du Midi (dont les fonds ayant servi à la construction provenaient à 90 % d’autorités publiques) au canal du Layon, en passant par le rachat du canal Crozat ou l’échec du canal de Champagne (canal des Ardennes) amorcé par le prince de Conti, toutes ces tentatives ont failli. » (Voir E. Szulman (bibliographie)). Il en est de même pour les canaux concédés sous la Révolution ; canaux de l'Essonne (1791), de l'Ourcq (1791), de Sommevoire (1791), d'Ille et Rance (1792), d'Eure et Loir (1793).
  48. À l’installation du nouveau régime succédant à l’Empire, les deux premiers ministres des finances (baron Louis, 1814-15 et 1818-19, et Corvetto, 1815-18) sont déterminés à asseoir la Restauration sur une base financière solide[84]. Ils assument en priorité les énormes dettes de l'Empire afin d'établir le crédit de la Restauration. Dans leurs budgets de 1815 à 1819, les impôts restent élevés et les dépenses sont réduites de façon drastique afin d'équilibrer le budget et de prévoir une Caisse d'amortissement pour résorber la dette. Le paiement des dettes de l’Empire, de l'indemnité de guerre et des coûts d'occupation a augmenté fortement les dépenses et a finalement obligé Corvetto à recourir à l'emprunt[85]. L’emprunt n'était justifié qu'en cas d'extrême urgence et jamais pour des investissements dans des infrastructures. La rigueur budgétaire des premières années de la Restauration a eu un effet direct et dissuasif sur la Direction des ponts-et-chaussées. Le baron Louis et Corvetto ont comprimé le budget de fonctionnement en réduisant les salaires, en forçant les départs à la retraite et en retardant l'entretien des routes et des voies navigables. Les « vœux [de Becquey] et ses sollicitations s'arrêtaient devant la déclaration formelle des ministres, qu'il ne devait songer à aucune dépense extraordinaire [investissements] avant que la France fût entièrement libérée envers les étrangers[86]. » Lorsque Louis Becquey prit ses fonctions, il n'eut pas le choix ; s'il devait tenter de construire des canaux, il serait obligé de compter sur l'« esprit d'association ».
  49. C’est l’exemple du financement pour la concession du pont sur la Dordogne, soumissioné par Balguerie, qui a la préférence de Becquey pour financer son plan (Voir Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France (bibliographie), page 22). Pour les ponts antérieurement concédés il a été procédé par adjudication au rabais portant parfois sur la subvention fixe, presque toujours sur la durée, jamais sur les tarifs. Pour le pont de Bordeaux, l’administration innove une première fois en fixant des seuils du produit des péage ; chaque année, 1/10e du produit brut est prélevé et est acquis à l'administration pour l'entretien de l'ouvrage. Si cette ressource est insuffisante, l'administration sera tenue d'y pourvoir. Lorsque le produit brut du péage, après prélèvement du 1/10e, n'atteint pas 180 000 F par an, l'administration verse à la compagnie la moitié de la différence entre cette somme et le produit brut ; lorsqu'il dépasse 250 000 F, l'administration reçoit la moitié de l'excèdent (Debauve, Les travaux publics et les ingénieurs des ponts et chaussées depuis le XVIIe siècle, Paris, Dunod, 1893, p. 153-156). Mais c’est pour le pont sur la Dordogne que le financement par un prêt apparaît. Le prêteur, pendant vingt ans, se rémunère (intérêt du prêt à 8 % et amortissement à 2 %) sur les produits du péage. Si ces produits sont insuffisants, l’administration y supplée, en cas d’excédent le surplus lui revient. Les soumissions de prêts retenues pour le financement du plan Becquey reprendront ce principe pour déterminer les compléments apportés pat l’État. « Ses méthodes [Balguerie] attirèrent l’attention du gouvernement de la Restauration, et l’on croit qu’il a influencé la décision de ce dernier de demander à des sources privées les fonds nécessaires à la construction de tout un réseau de canaux en 1821-1822. » (Voir Dunham (bibliographie), pages 194 et 207). Dans son ouvrage, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux et la distribution de ses eaux... (Tome premier, Paris, Carilian Gœury, 1831, page 171), Girard écrit : « M. le directeur général des ponts-et-chaussées partageait l'opinion du ministre [Lainé] sur l'avantage de faire intervenir les capitalistes dans les grandes entreprises de travaux publics. Déjà des compagnies avaient offert de fournir, moyennant certaines concessions, les fonds nécessaires pour la construction d'un pont sur la Gironde à Bordeaux, et pour l'achèvement des bassins du port du Havre. »
  50. Le premier exemple du recours à des fonds privés pour la construction par l’État d’un ouvrage public semble être celui de la Compagnie des Trois ponts sur la Seine, à Paris (pont du Jardin des Plantes, pont de la Cité, pont des Arts). En contrepartie de l’apport de fonds par une association de capitalistes, leur est concédé le péage perçu sur ces ponts : loi du 15 mars 1801 (24 ventôse An IX) qui autorise l’établissement de trois ponts à Paris et habilite « le gouvernement à traiter avec les concessionnaires qui offriront de fournir les fonds nécessaires pour la construction des trois ponts… » sous la conduite, les plans et les devis des ingénieurs des ponts-et-chaussées (art. III), « les produits de la taxe (péage) tiendront lieu aux concessionnaires du remboursement de leurs avances… » (art. V) jusqu’au « 1er vendémiaire de l’an 36 (23 septembre 1827) »[89] (il ne s'agit pas d'une concession aux frais, risques et périls du concessionnaire).
    Mémoire en défense de la Compagnie des Trois-Ponts sur la Seine (juillet 1845)[90]
    Lors de la présentation du projet de loi au Corps législatif, le 18 ventôse An IX (9 mars 1801), Crétet précise[91] : « Le gouvernement a vu avec beaucoup d’intérêt une première association se former et se diriger vers la création d’objet d’utilité publique ; il peut espérer que l’encouragement qu’elle recevra pourra en faire naître d’autres, et que bientôt des capitaux importants seront appliqués à des entreprises publiques. »[32]
    Dans un contentieux, en 1844-1845, l’opposant à des usagers refusant de payer le péage, la Compagnie des Trois ponts sur la Seine rappelle que son droit au péage lui a été concédé par le gouvernement pour la rembourser des fonds qu’elle lui a fournis pour la construction de ces ponts.
    L’« acte d’association » du 30 septembre 1808 (regroupant les souscripteurs pour la construction des trois ponts en un « corps d’actionnaires ») pour fournir 1,7 million de francs figure in fine dans l’Ordonnance du 2 août 1829 portant autorisation de la société anonyme pour la construction de trois ponts à Paris (transformation de l’acte d’association de 1808 en une société anonyme sous le régime du Code du commerce, suivi des extraits des assemblées générales des actionnaires portant augmentations successives du capital social)[92].
  51. À tort, certains auteurs assimilent ces compléments apportés par l’État (garantie) en cas d’insuffisance des revenus des canaux à la garantie d’intérêt mise en œuvre pour les compagnies de chemins de fer (Voir Guy Numa, Théorie de l’agence et concessions de chemins de fer français au XIXe siècle, in « Revue d'économie industrielle », 125 | 1er trimestre 2009 (DOI : 10.4000/rei.3957) (sur le site Revue.org) et Xavier Bezançon, Une approche historique du partenariat public-privé, in « Revue d'économie financière », hors-série, 1995, Partenariat public-privé et développement territorial (doi : 10.3406/ecofi.1995.2555) (sur le site Persée.fr)). Outre que ces compléments sont repris d’une modalité inscrite dans les concessions antérieures pour la construction de ponts, ils ne visent pas à garantir un minimum d’intérêt sur le capital investi, mais à combler un excédent de dépenses sur les recettes dans une limite soit fixe (seuil de l'excédent déterminé) soit variable (seuil de l'excédent évolutif). À l'inverse, en cas de dépenses inférieures aux recettes, l'excédent de recettes est, soit fléché pour venir abonder le fonds d’amortissement du prêt, soit partagé entre les actionnaires. Autant de dispositions qui ne correspondent pas aux mécanismes de la garantie d’intérêt.
  52. Dans le même sens : « Dès l’année 1818, le Gouvernement a reçu et accueilli des offres de la part de compagnies exécutantes. Il cite le canal de la Sensée[95], dans le département du Nord, les canaux de l’Ourcq et de St Denis : il ajoute que loin de repousser les ingénieurs étrangers, l’Administration, à cette même époque, a été sur le point de contracter un marché important avec une compagnie anglaise, qui avait alors à se tête M. Brunel, dont le nom est assez connu. Si la transaction n’a pas été réalisée, c’est par une cause entièrement étrangère à des prérogatives de Corps [des ponts et Chaussées]. On demandait la faculté d’introduire en France, avec exception de droit, des fers étrangers : mais le texte de nos lois et la crainte surtout de porter atteinte à une industrie qui commençait à prendre chez nous un essor nouveau, n’ont pas permis d’admettre une pareille prétention. » (vicomte Lainé, Commission des routes et des canaux, 1828, séance d’octobre 1828[96]).
  53. « La panique financière de la fin 1818 les [investisseurs] avait poussés à garder leur distance. Pendant les deux années suivantes, jusqu'à la publication du Rapport [au Roi], ils ont continué à résister aux ouvertures de Becquey, malgré l'amélioration des conditions. Le mélange de propositions financières du Rapport reflète le manque d'enthousiasme des investisseurs…. L'éventail des types de concessions négociées avec succès en 1818 montrait comment « par des voies différentes, on cherchait à arriver au même but, mais le système des associations particulières, qu'il est si désirable de propager, n'a encore reçu …que de faibles développemens » (en-dehors du Nord) »[97].
  54. « L’argent est abondant aujourd’hui, la rente cependant s’accroit encore il y a trois mois 7.5. %[98].
    Ceux qui s’engagent à fournir les fonds dans …de… font nécessairement entrer dans leur calculs la possibilité que le prix de l’argent soit plus élevé qu’aujourd’hui lorsqu’ils auront à exécuter leurs versements.
    On ne peut se dissimuler qu’en associant les capitalistes aux grands travaux succès des entreprises qui se rapportent à la navigation, on doit s’attendre qu’ils feront entrer ces sortes de placemens dans leur détermination on doit s’attendre aussi qu’ils et c’est ce qui explique pourquoi les dernières propositions qui dont nous avons eû connaissance sont toutes plus élevées que celles … sont supérieures au cours des effets publics[99]. »
  55. « …les membres de la haute banque n'étaient pas enclins à se lancer dans le secteur des canaux. …ils ont choisi de ne pas considérer le programme des canaux comme une opportunité de se lancer au-delà des placements traditionnels dans la terre, le commerce et la finance. Pour eux, les canaux étaient des entreprises financières, et non industrielles. Les emprunts des canaux étaient des émissions de titres à long terme par l'État. Ils étaient monopolisés par la haute banque. Ses membres se faisaient concurrence par le biais de consortiums rivaux et par des appels d'offres et des enchères. Ils le faisaient dans l'intention de négocier leur part des prêts à leur clientèle[101].
    Horace Say écrit en commentaire d’une lettre, datée du 30 janvier 1821, de J.-B. Say à J. Laffitte ; « Les banquiers n'ont vu dans le projet d'exécution des canaux qu'une occasion de négocier un emprunt public, avec garantie spéciale, et avec l'avantage d'actions de jouissance, ou part dans les produits, qui sont devenues plus tard une entrave, lorsqu'il s'est agi de la réduction des tarifs[102]. »
  56. «L’autorité du directeur général ne différait pas de celle d’un ministre. (…), le directeur général des ponts et chaussées jouissait, par le fait, d’une indépendance complète, le ministre ne pouvant exercer sur ses actes qu’un contrôle apparent. » (Voir Beugnot (bibliographie), p. 175-176). La circonstance que dans le Rapport au Roi, le ministre de l’Intérieur ne s’approprie pas le travail de Becquey indique la part d’autonomie du directeur général des Ponts & Chaussées au regard de son ministre de tutelle : « M. Becquey m’a remis un travail digne à tous égard d’être mis sous les yeux de votre Majesté, et que j’ai l’honneur de lui présenter. » De même ; « Lainé crée en fait un petit ministère [direction des Ponts et Chaussées et des Mines], car cette direction est très indépendante de son autorité de tutelle. On peut le voir grâce aux adresses indiquées dans les almanachs, la direction des Ponts et Chaussées se trouve place Vendôme, tandis que le ministère et ses directions se situent rue de Grenelle St-Germain, à l’est des Invalides, autrement dit de l’autre côté de la Seine, à plus d’un km de Becquey. Le contrôle du ministère en est forcément plus lâche. » (Voir Josselin Blieck, Jacques Corbière, Ministre de l'Intérieur (14 décembre 1821-3 janvier 1828). Histoire. 2012, page 21 du pdf (sur le site Archives ouvertes HAL).
  57. « Mais depuis combien de temps le public est-il instruit des intentions du gouvernement ? Quels moyens lui a-t-on donnés pour prendre connaissance des plans et des conditions de l'entreprise ? Quel temps a-t-on accordé pour méditer et combiner ses offres ? Dans quel lieu a-t-on ouvert le concours ? À quelle époque doit-il se terminer ? ...Conclure des marchés passés par les ministres qu'il y a eu possibilité, concurrence et débat, parce qu'ils ont été souscrits, ce serait laisser les ministres, ou leurs bureaux, maîtres de disposer des marchés au profit de leurs affidés, de leurs protégés, de leurs créatures, ce serait ouvrir la porte aux intrigues, aux corruptions, aux abus… Je suis loin d'élever le moindre soupçon de faveur et de préférence sur les soumissions en question, il me suffit que parmi les soumissionnaires figurent trois de nos honorables collègues. » (Ganilh, économiste libéral, Archives Parlementaires, Tome 32, 2 juillet 1821, pp. 499-500). Le soupçon de corruption a été exprimé plus ou moins ouvertement par d'autres critiques également (Forbin des Issarts, Le Moniteur universel, 1822, p. 963). Le fait que ce soupçon n'était pas complètement infondé ressort clairement de la correspondance du principal auteur de la demande de 1821, le banquier Sartoris ; Sartoris a offert à l'inspecteur adjoint et divisionnaire des ponts-et-chaussées et à l'époque ingénieur en chef Cordier, qui était alors co-responsable des canaux soumissionnés par Sartoris, de lui donner des parts de canal d'une valeur nominale de 50 000 F, y compris les paiements dus pour ces parts pendant les trois premières années - demande à laquelle Cordier ne s'opposait pas du tout, car il demandait d'autres parts « au nom d'un ami » (AN 61.AQ.211, Sartoris à Cordier les 12 et 23 juillet et le 21 août 1821). Ailleurs, on parle même d'une participation de 5 % de Cordier au bénéfice net de Sartoris et des efforts de Sartoris pour promouvoir Cordier - bien que Sartoris n'ait naturellement « pas expliqué au directeur des ponts-et-chaussées les détails [de ses accords avec Cordier], dont la divulgation pourrait ne pas être appropriée » (AN 61.AQ.211, Sartoris à Cordier, 11 août 1821). Sartoris a pris des dispositions similaires avec l'inspecteur divisionnaire Deschamps (« Les actions peuvent être enregistrées sous n'importe quel nom que vous suggérez », (AN 61.AQ.211, Sartoris à Deschamps, 25 juillet 1821). De même, le banquier Paravey, qui a participé à la fondation de la Compagnie du canal Rhône-Rhin, a attribué 50 actions « à titre de courtoisie à diverses personnes dont l'aide était nécessaire pour former une société de financement d'un canal latéral au Rhône » (K.-G. Faber, « Aristokratie und Finanz. Das Pariser Bankhaus Paravey et Comp. (1819-1828) », Vierteljahrschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte, vol. 57 (1970), p. 184). Sur les diverses formes de corruption, d’intrigue et de faveur, voir Geiger (bibliographie), § « Les orateurs : profession, géographie, parti », pp. 185-195.
  58. « Il est essentiel de préciser d'emblée que le programme autorisé par les lois sur les canaux était bien étatique, car même les historiens les plus éminents l'ont parfois décrit comme un système d’« entreprise mixte ». Cette qualification est, au mieux, trompeuse. Elle implique que le programme contenait un élément substantiel d'initiative privée aussi bien que publique, ou même qu'il établissait un partenariat de travail à des conditions plus ou moins égales. En réalité, les lois [de 1821-22] ratifiaient des contrats de prêt que le gouvernement avait négociés avec une poignée de compagnies financières, des consortiums composés des grandes banques privées de Paris. … ni le veto sur les tarifs de péage ni la disposition relative au partage des recettes n'ont jamais abouti à un rôle des compagnies dans l'exploitation des canaux. …Les deux plus grandes de ces « compagnies de canaux » [Compagnie des Quatre canaux et Compagnies des Trois canaux] étaient les plus grandes sociétés anonymes jusqu'à l'arrivée des chemins de fer, mais elles ne creusaient rien et ne géraient rien[105] sauf, littéralement, les actions qu'elles vendaient à leurs investisseurs et les titres représentant la dette du gouvernement à leur égard. Bien que dissimulés sous le voile entrepreneurial du veto sur les péages et du partage des recettes, ces lois incarnent une solution étatique à la question clé du transport de l'époque. », « Les lois de 1821 et 1822 ont apporté une solution essentiellement étatique au problème du développement d'un réseau de canaux en France. », « Les lois sur les canaux étaient, après tout, des lois de financement autorisant le gouvernement à emprunter de l'argent, pour la construction des canaux, auprès de compagnies financières particulières. »[106].
    « Malgré les difficultés économiques de l’époque, les lois du 5 août 1821 et du 14 août 1822 décident un premier programme de grands travaux… La plus grande partie de ces travaux [de canalisation] fut effectuée par l’État. Les deux lois, des 5 août 1821 et du 14 août 1822, autorisèrent le gouvernement à traiter avec des soumissionnaires pour se procurer les ressources nécessaires[107]. »
  59. Il est à noter que les premiers chemins de fer en France sous la Restauration (St-Étienne-Andrézieux (Loire), Saint Étienne-Givors (Rhône)-Lyon, Andrézieux-Roanne, Épinac-canal de Bourgogne) ont été concédés à perpétuité car considérés comme une annexe d’un établissement industriel (mise en relation de mines avec un fleuve ou un canal. [NB : c’était la conception de Dutens assignée aux chemins de fer (cf. infra)]). Sous la Monarchie de Juillet, deux autres concessions de chemin de fer sont accordées à perpétuité ;
  60. « Les députés nommés dans les commissions chargées d’examiner les projets de loi sur les canaux sont loin de constituer un échantillon aléatoire des membres de la Chambre des députés. Ils ont été soigneusement choisis pour produire un rapport favorable aux projets de loi du gouvernement. Héricart de Thury, le rapporteur du projet de loi de 1821, également membre de la deuxième commission de 1822, avait des connaissances spécialisées, une fiabilité politique et un intérêt personnel sur lesquels le gouvernement pouvait compter. …Ingénieur des mines, son supérieur hiérarchique était Louis Becquey, directeur général des ponts-et-chaussées et des mines. …Pour autant, le rapport d’Héricart de Thury, comme celui d’Huerne de Pommeuse pour la commission de 1822, ne manquaient d’expertise. Tous deux ont produit des rapports bien informés et professionnels, soutenant fermement les présentations des ministres. Sans ajouter de nouveaux arguments ou informations frappants, ils ont remanié les documents de manière utile et ont fourni des calculs beaucoup plus détaillés des coûts ultimes des projets de loi pour le gouvernement » (Geiger (bibliographie), § Dépôt des projets de loi et des rapports des commissions, pp. 180-185).
  61. Becquey écrit dans une note manuscrite vraisemblablement rédigé à la hâte lors des débats parlementaires ; « Créer des rentes pour pourvoir à la dépense des canaux / on la vendrait à mesure des besoins /… / on ne serait pas obligé d’imposer des droits de péages élevés on pourrait même dans un temps rapproché dispenser de tous droits la circulation sur les canaux comme sur les grandes routes / … / Réponse / si l’on crée des rentes pour être vendues à mesure des besoins pendant 8 ou 10 ans et que des besoins plus urgents se dressent on fera comme on a toujours fait, on pourvoira au plus pressé et on négligera les canaux parce qu’un état qui s’est engagé qu’envers lui-même a la faculté de disposer des emprunts comme il lui plait et qu’on conçoit facilement la possibilité d’événements qui le forcerait de distraire pour une autre destination les fonds des canaux / … / … / … / l’intervention de l’intérêt particulier est utile, c’est un contrat salutaire dans l’intérêt des travaux et même de la circulation sur les canaux. On est assuré qu’ils seront toujours bien entretenus / mais surtout c’est le seul moyen d’être assuré que les travaux ne seront pas interrompus, que les fonds n’auront pas un autre emploi. » (AN F14138592, folio 118). Pour Becquey comme bon nombre de parlementaires, la rente devait être réservée aux « circonstances spéciales », aux « événements extraordinaires » comme la guerre qui exigeait « des sacrifices considérables et presque instantanés. » (Archives parlementaires, Tome 37, p. 262, 8 juillet 1822). Perier ne partageait pas cette opinion ; « Est-il possible que dans un temps de paix, lorsque les capitaux regorgent de toutes parts, qu'on est embarrassé de leur emploi, le gouvernement aille emprunter à 6 ou à 7 % à une compagnie …Le gouvernement devrait sentir sa force, et au lieu de faire sa cour aux capitaux, au lieu de se mettre à genoux devant eux, il devrait lui-même leur faire la loi. Si j'avais l'honneur d'être ministre des finances (On rit à droite.), je m'opposerais à une proposition de cette nature, alors que dans dix-huit mois les fonds publics peuvent être au pair. …On ne sait pas en France se servir du crédit. Dans les gouvernements modernes, on ne sait pas combien cette institution peut rendre de services : elle est à la force morale du gouvernement ce que la machine à vapeur est à la force mécanique ; elle est le levier d'Archimède, dont il faut se servir, non pour bouleverser le monde, mais pour l'asseoir sur ses véritables bases. » (Ibidem, Tome 32, p. 521, 3 juillet 1821).
  62. Rothschild était associé à Laffitte pour une offre de 240 MF (Voir A. de Laborde, De l’esprit d’association pour tous les intérêts de la communauté…, Tome II, seconde édition, Paris, Librairie de Gide fils, 1821, page 243-244). Sur le détail de l'offre Lafitte-Rothschild de prêter 240 MF, voir Geiger (bibliographie), pp. 146-150. Également N. Montel (bibliographie).
  63. Le refus du gouvernement s'est exprimé par Villèle : « le remboursement du capital et des intérêts au moyen des titres auxquels le gouvernement devait s’engager à donner la forme qu’indiqueraient les prêteurs et accepter le mode de payement qu’ils détermineraient : ces conditions ont fait naître une grande difficulté. Le ministre des finances, qui devait songer à la négociation de ses propres effets, ne pouvait pas consentir pour une somme aussi notable que 240 millions, à ce qu’une compagnie pût lui indiquer la nature des effets qui lui seraient donnés, et qui viendraient en concurrence avec les autres effets du Trésor. Le gouvernement a défendu, comme il le devait, les intérêts du Trésor, en s’opposant à une combinaison qui pouvait déranger la marche ordinaire des affaires » (Archives Parlementaires, Tome 32, p. 507, 2 juillet 1821). Et encore : « la compagnie générale voulait des garanties particulières, et que les effets qu’on aurait été obligé de lui donner en garantie entraient en concurrence de ceux du Trésor, et nous gênaient dans l’ensemble de nos opérations financières » (ibidem, p. 518, 2 juillet 1821). « Le gouvernement semble avoir eu peur de se lier à une compagnie financière trop puissante et, qui plus est, dirigée par l’un des membres les plus éminents de l’opposition politique : il préféra le fractionnement des opérations de canaux. » (Voir Bertrand Gille, La Banque et le crédit en France de 1815 à 1848, Paris, PUF, 1959, page 110) (NB : Sous la Monarchie de Juillet, le gouvernement agira de la même manière pour les concessions des lignes de chemins de fer).
  64. Sur le détail de l'offre de Sartoris de prêter 237 MF, voir Geiger (bibliographie), pp.150-152. Avec son parent Greffulhe, Sartoris a également proposé un grand emprunt sur rente, mais après le refus de l’administration il propose une baisse du taux d’intérêt au regard de celui de la rente en contrepartie du bénéfice des produits du péage, mais à deux conditions ; 1re) être associé à la rédaction du projet et à la conduite des travaux, 2e) que la construction de canaux soit associée au perfectionnement de la navigation des fleuves/rivières qu’ils doivent mettre en communication (cf. art. 18 de la loi de 1821 relatif au canal de Ardennes pour la navigation sur l’Oise et art. 17) (ce raisonnement vaut pour la Saône et le canaux Monsieur et du Centre, pour l’Yonne et la Seine et les canaux de Bourgogne et du Nivernais, pour la Loire et les canaux du Berry et de Briare. La navigation sur l’Oise est le complément du canal de Saint-Quentin et le débouché commun de ce canal et celui du duc d’Angoulême). L’intérêt fut fixé à 6 % (Observations de M. Sartoris sur les deux rapports de M. le comte Molé à la commission des routes et canaux, in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829, page 315 et suiv.), soit un taux légèrement supérieur à la rente (5 %).
  65. Sartoris rappelle que si les propositions de soumission ne furent pas offertes à la concurrence avec publication, c’est parce que des projets similaires (le financement par emprunt des ponts soumissionnés par Balguerie & Sartoris et Froidefond de Bellisle) au taux de 8 et 9 % mis en concurrence publique par publication au Moniteur n’ont reçu aucune offre concurrente. Compte tenu de ce désaveu, l’administration a jugé inutile de renouveler pour les canaux cette expérience sans effet (Observations de M. Sartoris sur les deux rapports de M. le comte Molé à la commission des routes et canaux, in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829, page 315 et suiv.).
  66. Sartoris rappelle que lui-même et Greffulhe étaient intéressés par le canal Monsieur. Mais dans la mesure où Becquey souhaitait favoriser dans ses projets des initiatives locales, des capitalistes alsaciens se présentèrent pour le canal Monsieur au taux d’intérêt de 8 %. Fort de la proposition de Sartoris de 6 % pour les canaux des Ardennes et du duc d’Angoulême, Becquey contraignit les capitalistes alsaciens à un taux identique pour le canal Monsieur. Le Trésor y gagna ainsi une amélioration de 25 % (Observations de M. Sartoris sur les deux rapports de M. le comte Molé à la commission des routes et canaux, in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829, page 315 et suiv.)
    En 1821, les soumissions de prêts entraient en concurrence avec deux autres titres financiers émis par le Trésor ; les reconnaissances de liquidation et les annuités. Les reconnaissances de liquidation étaient des obligations négociables spéciales établies en 1816 pour « liquider » quelque 300 millions de dettes napoléoniennes. Elles devaient être remboursées par tirage au sort, à raison de 1/5e chaque année à partir de 1821. Craignant comme toujours de surcharger le marché avec de nouveaux titres qui menaceraient la hausse des rentes, Roy, le ministre des Finances, avait prévu cette année-là une alternative au remboursement des reconnaissance en valeur équivalente des rentes en offrant des annuités à court terme, remboursables par lots dans un délai d’un à six ans. Les investisseurs pouvaient, en outre, choisir entre des annuités assorties d’un intérêt annuel de 6 % ou celles qui ne payaient que 4 % mais auxquelles étaient attachés 600 000 F de lots. En fait, 55 des 60 millions de reconnaissances venant à échéance en 1821 ont été échangés contre des annuités plutôt que contre des rentes, et 50 millions pour des annuités à 4 % et à lots (Geiger (bibliographie), pp. 151-152). Dans ce cadre, Villèle, déclarait le 2 juillet 1821 sur les soi-disant avantages offerts aux soumissionnaires de prêts pour les canaux : « Quant aux intérêts et avantages accordés, remarquez qu’au moment où nous traitions, les intérêts de reconnaissance de liquidation étaient à 8 1/12e et que le 22 mai elles étaient à 7 ½ %. Certes lorsque les fonds publics donnent un tel intérêt, il est clair qu’il faut faire des sacrifices pour détourner des capitaux qui ont un si bon emploi, et pour les porter sur des travaux d’un intérêt général pour l’État. » (Archives Parlementaires, Tome 32, p. 518). De même le député Clément, le 4 juillet 1821 : « L’État paye encore aujourd’hui, pour les annuités, ce même intérêt de 6 % demandé par les soumissionnaires du canal Monsieur…Cet intérêt de 6 % n’a donc rien d’excessif ni d’insolite puisque dans cette même session vous l’avez vous-mêmes autorisé par la loi du 14 mars, relative au remboursement des reconnaissance de liquidation. » (ibidem, p. 549).
    Lors des débats sur le rachat des canaux en 1851 (cf. infra), Berryer rappelle qu’« A l’époque (4 avril 1822) où ces soumissions furent consenties, le cours du 5 p. % [rente] était à 86 fr., ce qui faisait ressortir, pour les capitaux engagés dans la rente française, un intérêt de 5 fr. 82 cent. [5,82 %]. » (NB : soit un taux supérieur à ceux des canaux de la loi de 1822, compris entre 5,1 % et 5,6 %) Rapport fait par M. Berryer, au nom de la commission chargée d’examiner les projets de lois relatifs au rachat des actions de jouissance de compagnie des Quatre-Canaux, et de la compagnie du canal du Rhône au Rhin, in Compte rendu des séances de l’Assemblée nationale législative, addition à la séance du vendredi 4 juillet 1851, Tome quinzième, du 17 juin au 31 juillet 1851, Paris, Typographie Panckoucke, 1851, p. 175. (NB : entre fin 1820 et août 1821, la rente varie de 6,7 % à 6,0 %, et entre fin 1821 et août 1822 elle varie de 5,9 % à 5,6 % (Voir Jaques-Marie Vaslin, Le siècle d’or de la rente perpétuelle française, in Le marché financier français au XIXe siècle, volume 2, Paris, publication de la Sorbonne, 2007).
  67. Dans sa réponse au rapport Molé devant la commission des routes et canaux en 1828 sur le caractère jugé exorbitant des conditions financières, Becquey justifie la participation des compagnies au partage des revenus et, prenant exemple du revenu du canal Monsieur, déclare : « Je désire même qu’il [revenu] soit dépassé, puisque la somme des péages sera toujours en proportion avec l’utile emploi que le commerce aura fait de ce canal… » [les revenus des canaux participent à l’augmentation de la richesse nationale que retirent le commerce et l’industrie de nouvelles communications, et dont tire profit l’État au travers de ses taxes, impôts et prélèvements divers] (Observations de M. Becquey… sur le rapport lu par M. le comte Molé dans la séance du 6 octobre 1828 (séance du lundi 1er décembre 1828), in Journal du génie civil, Tome 2, Paris, 1829, page 303).
  68. Le peu d’enthousiasme des capitalistes à solliciter la concession d’un canal tient aux clauses contraignantes du cahier des charges. Bien que présentant peu de risques, le concessionnaire du canal d’Aire à la Bassée doit accepter les plans présents ou futurs des ingénieurs des ponts et chaussées et aucune indemnité en cas de dépassement du devis (art 1er. du cahier des charges), de construire à ses frais des ponts pour rétablir les communications coupées par le tracé du canal (art. 2), de payer les dommages résultant des travaux (art. 4), la déchéance en cas de non-exécution des travaux (art. 11), de se soumettre à la surveillance et au contrôle de l’administration (art. 13), de ne modifier le tarif sans l’accord de l’administration (art.16). Les dispositions draconiennes des articles 1er et 11 étaient les plus condamnées. Ternaux demandait : « Les ponts et chaussées sont-ils faits pour la France, ou la France pour les ponts et chaussées ? » (Archives Parlementaires, Tome 37, p. 335, annexe, 11 juillet 1822). Et Laisné de Villevêque de faire observer avec sarcasme : « Après d'aussi machiavéliques dispositions, il convient bien à l'administration d'exprimer ses regrets douloureux, ses sincères regrets, de n'avoir pas rencontré des Compagnies assez imprudentes, assez téméraires, assez insensées même pour se charger d'aussi hasardeuses entreprises ! » (ibidem, p. 198, 5 Juillet 1822). S’agissant de l’article 1er, Becquey a fait valoir que l'obligation d'accepter les changements futurs du gouvernement dans les plans des projets d’un canal avait simplement pour but d'offrir une certaine souplesse, afin de tenir compte du besoin inévitable mais imprévisible de changements qui surviendraient et que de tels changements pouvaient normalement être effectués à la demande de la société concessionnaire elle-même. Quant à l'article 11, Becquey a soutenu que le gouvernement doit disposer de moyens pour agir contre les compagnies concessionnaires en faillite, malhonnêtes ou incapables. Becquey estimait que la relation du gouvernement avec un concessionnaire devrait être plus conflictuelle que celle avec une simple compagnie de prêt. Pour cette dernière, l'État devait de l'argent et la seule sécurité de la compagnie était le futur canal et ses revenus ; la compagnie de prêt avait le droit d'exiger des garanties supplémentaires du gouvernement. Dans le cas des compagnies concessionnaires, les lignes de responsabilité étaient inversées ; le gouvernement avait cédé son droit aux péages à une compagnie et avait donc le droit de prendre « les mesures convenables pour garantir l'accomplissement des conditions et des charges dont cette jouissance [des péages] est le prix. » (ibidem, 262).
  69. « [La] différence entre le taux de rendement des titres des canaux et les rentes se réduit entre les contrats de 1821 et ceux de 1822, [elle] se réduit encore lorsque l'on compare les taux des contrats [de prêt] aux taux d'intérêt réels plutôt que nominaux des rentes se vendant bien en-dessous du pair [à cette époque], et semble encore moins impressionnante si l'on considère les fluctuations et les écarts des taux d'intérêt des dernières années [de la Restauration]. L'État a payé un certain prix pour sa méthode particulière de financement du plan Becquey, mais on peut se demander si ce prix était indûment « onéreux » ou injustifié compte tenu de l'histoire financière désastreuse de l'État français [de l’Ancien Régime à l’Empire] ou de l'aversion unanime à utiliser le budget annuel ou les rentes ordinaires pour construire les canaux[116]. »
    « En incluant les primes, le taux d'intérêt garanti des emprunts d’un canal était donc déjà plus élevé que le taux d'intérêt réel de la rente. Cependant, comme l'État lui-même aurait dû payer des commissions considérables aux banques concernées, il aurait probablement payé des intérêts encore plus élevés lors de l'émission de nouvelles obligations (Villèle, MU 1821, p. 974). De plus, même du côté du gouvernement on a reconnu que les contrats [de prêt] étaient favorables aux entreprises. Il s'agissait de trouver des émules initiateurs (Becquey selon Beugnot, Vie de Becquey, p. 196) et « familiariser l’intérêt particulier avec ces entreprises » (H. de Pommeuse, MU 11.7.1822, p. 988 ; ministre de l’Intérieur, MU 1821, p. 973 ; Terrier de Sautans, MU 1821, p. 984 ; Rapport Héricart de Thury, 11.6.1821, p. 25)[117]. »
  70. « Sans doute, à cause de l'insuffisance de la production [de houille], le déficit était comblé par des importations, qui oscillent entre le tiers et la moitié de l'extraction nationale (entre 1820 et 1850, dont 5 à 600 000 tonnes tonnes par an entre 1820 et 1830) (...)Ce sont précisément les difficultés de communication à l'intérieur qui expliquent cet accroissement plus sensible des importations : il était plus facile pour la région parisienne de recevoir des houilles d'Angleterre que du Nord ou du Centre. (...)D'après la déposition de Mimerel à la commission d'enquête de 1834, le principal obstacle qui s'imposait à la généralisation de la machine à vapeur, était l'absence de canaux et de routes et la cherté des transports. (...)Dans de nombreux cas, la difficulté de s'approvisionner en charbon explique la répugnance des industriels [filature, teinturerie, métallurgique, minoterie, sucrerie] à adopter la machine à vapeur » [ils préféraient l'énergie hydraulique ou animale] (Claude Fohlen, Charbon et révolution industrielle en France (1815-1850), in « Charbon et sciences humaines », Actes du colloque organisé par la faculté de lettres de l'université de Lille en mai 1963, sous la direction de Louis Trenard, École pratique des Hautes études (VIe section), Paris, Mouton & Co, 1966, pages 142 et 143).
    Voir également Denis Woronoff, Naissance de l'industrie, in revue L'Histoire, no 195, janvier 1996. De même, F. Démier (bibliographie), pages 374-375.
  71. « Sous la direction de Richelieu et de Villèle, les projets de loi sur les canaux ont été adoptés facilement après des débats relativement courts mais excessivement acrimonieux à la Chambre des députés. En 1821, les quatre projets de loi sur les canaux, auxquels seuls les libéraux décimés s’opposent, sont votés à des majorités écrasantes : le canal Monsieur, 203 contre 68 (total : 271); de la Somme, 180 contre 47 (total : 227) ; les Ardennes, 212 contre 48 (total : 260) ; et l’Isle, 213 contre 22 (total : 235). En 1822, la gauche trouva une sorte d’allié dans les impasses de l’extrême droite ; le projet de loi unique sur les canaux multiples est adopté par 202 voix contre 137 (total : 339), soit une part beaucoup plus petite d’un nombre de votes beaucoup plus nombreux. Dans les deux cas, la majorité du gouvernement est parvenue à l’adoption sans encombre... (Comme mesure de comparaison révélatrice, bien qu'extrême, de l'importance de ces votes sur la loi relative aux canaux, 247 des 258 députés ont voté pour ou contre la nouvelle loi électorale de 1820. La grande loi relative au tarif douanier qui vient de précéder la loi sur les canaux de 1822 a été adoptée par un vote de 217 contre 78 (L. de Viel-Castel, Histoire de la Restauration, vol. 10, Paris, 1860-78, p. 139)) » (Geiger (bibliographie), p. 179).
  72. Non prévue initialement dans le « plan Becquey » en 1820, les choix techniques de la navigation sur l'Oise ne sont arbitrés qu'en 1825 (Voir [collectif], Du milieu naturel aux voies navigables. L'action publique face aux enjeux du développement durable. Bassin de la Seine, XVIIIe-XXe siècle, PIREN Seine (Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l'Environnement de la Seine), Analyses rétrospectives – rapport d'activité 2003, Université Pierre et Marie Curie, UMR METIS, Paris, 2003, page 11).
  73. Le recours à la concession pour le canal d’Aire à la Bassée et pour l’amélioration de la ligne entre le canal de Beaucaire et celui des deux-Mers est justifiée par un trajet facile et l’absence d’ouvrage d’art conséquent, ne nécessitant pas ainsi un contrôle contraignant de l’administration (Voir la citation du ministre de l’intérieur, comte Siméon, dans l’exposé des motifs de loi de 1821[108]). La compagnie concessionnaire du canal d’Aire à la Bassée se voit également confier les travaux d’amélioration de l’embranchement entre la Bassée et la Haute-Deule déjà ouvert et qui lui est concédé par un article additionnel du 3 avril 1822 à son cahier des charges (Voir Loi du 14 août 1822 - article additionnel (sur le site Internet Archive)).
  74. Au fil du temps, ces rapports porteront également sur les canaux postérieurs à 1822.
  75. Le premier rapport fait l’objet d’une analyse critique par un auteur anonyme, député lors du vote de la loi de 1822, dans le Journal du commerce par une suite d’articles parus les 1er et 2 mai, 8 et 15 juin, 23 juillet 1823. L’auteur estime que « les emprunts ne suffisent pas » (1er mai) grevés par le paiement des intérêts sur les sommes empruntées (NB : ce qui est exact mais seulement pour les premières années de construction avant que leur ouverture n’engendre des revenus), et aussi parce que l’administration doit entreprendre des travaux de perfectionnement sur les canaux et rivières en continuité des canaux des lois de 1821 et 1822 pour rendre le système de navigation cohérent (15 juin). Par ailleurs « la centralisation (du corps des Ponts & Chaussées) arrête l’essor du génie uni à l’industrie (l’« esprit d’association », c’est-à-dire la mise en commun des intérêts de propriétaires, négociants, entrepreneurs locaux). » (8 juin). Lors des débats parlementaires il a été démontré que « les produits des canaux étant toujours insuffisans, et ces sortes d’entreprises étant exposées à des chances effrayantes, il était bien plus sage aux capitalistes de prêter leurs fonds au gouvernement pour les canaux, que de courir les hasards d’une opération aussi difficile en prenant part à son exécution. Tels furent les moyens employés pour faire prévaloir le système des compagnies financières. (…) Le gouvernement a beaucoup à faire pour ramener l’industrie et les capitaux vers les entreprises particulières de canaux ; car il ne faut pas se faire illusion : bien que le besoin d’étendre la navigation intérieure soit généralement senti, ce n’est point assez pour multiplier les compagnies concessionnaires, il faut encore former l’opinion en faveur de leurs entreprises, il faut surtout que le gouvernement les encourage et les protège ouvertement. Si les compagnies exécutantes ne paraissent pas nécessaires pour achever quelques-uns des canaux entrepris par l'administration, au moins doit-on compter sur elles pour les canaux d’embranchemens sans lesquels les grandes lignes de navigation pourraient être considérées comme une dépense de luxe, hors de toute proportion avec ses résultats. » (23 juillet).
    Un autre lecteur fait remarquer que les dispositions exorbitantes des cahiers des charges on fait fuir les concessionnaires potentiels (« l’esprit d’association ») ; « Ainsi, les conditions du cahier des charges auxquelles on voulait soumettre les entrepreneurs par concessions, étaient d’une rigueur telle qu’il était impossible de s’y livrer sans une extrême imprudence. Loin d’y reconnaître les encouragemens annoncés par le gouvernement, en 1820, on n’y trouvait plus que des chances dangereuses aggravées encore part des dispositions menaçantes. …que l’on nous dise si les projets arrétés avaient été complètement étudiés ; si les dépenses et les produits en avaient été appréciés, même par approximation ; si à la place des avantages et des secours promis par le gouvernement, on ne trouvait pas dans les cahiers de charges les conditions les plus effrayantes, la déchéance, la confiscation dans les cas d’inexécution des plans que cependant l'administration se réservait le droit de conduire et même de changer. Nous le demandons, procéder ainsi, n'était-ce pas étouffer l’esprit d’association au lieu de le stimuler ? » (ibidem, 12 avril 1823, 2e page, 3e colonne).
  76. Le dénivelé des eaux du canal Saint-Maur (3,5 m) créée une chute d’eau formant une force motrice propice à l’alimentation d’usines construites sur les terrains cédés le long du canal. C’est l’emploi de cette chute d’eau et les terrains environnants le canal qui sont abandonnés à l’industrie privée au moyen d’une concession perpétuelle. Le coût de la concession est estimé à 400 000 F (Voir la présentation du projet de loi par le comte Siméon à la Chambre des députés lors de la séance du 16 juin 1821, le rapport de la commission spéciale par Héricart de Thury à la séance du 25 juin 1821, rapport de la commission chargée d'examiner le projet de loi par Héricart de Thury à la séance 5 mars 1822 et le vote sans débat à la séance du 9 mars 1822 (Archives parlementaires de 1787 à 1860, deuxième série 1800-1860, Tome 32 - pages 193 et 324, Tome 35 - pages 246 et 336 (sur le site Gallica de la BNF)).
  77. La demande de concession pour un canal du Rhin à la Marne par Epernay, d’une dépense estimée à 46 MF, est présentée par « François Antoine Étienne Albert, ex-receveur général de l’Ems-Supérieur[125] ». Elle est datée du 27 novembre 1821[126]. Albert fut propriétaire, de 1812 à 1820, du château de Monceaux[127].
  78. L’offre de concession de Vassal est présentée en mai 1821, afin « d’exécuter tous les travaux nécessaires pour perfectionner la navigation de l’Oise et celle des canaux de Crozat et de St-Quentin ; pour ouvrir un canal de l’Oise à la Sambre… et pour rétablir la navigation de la Sambre… à la frontière. » Il s’agit de « substituer une navigation commode et continue à la navigation difficile, incertaine et qui n’a lieu dans ce moment qu’avec de fréquentes interruptions sur toute la ligne de la Seine à l’Escaut ; et pour ouvrir une navigation nouvelle entre l’Oise et la Sambre jusqu’à la frontière. » Le gouvernement devait réparer et perfectionner la navigation de la Deûle et de l’Escaut dans le Nord et accorder à Vassal une option de deux ans sur la concession d’un canal Sambre-Escaut[128]. Bien que la structure de base de la concession soit assez conventionnelle, elle contenait un mécanisme qui renvoyait à ses transactions avec la ville de Paris (Compagnie des canaux de Paris exploitant les canaux de l’Ourcq, de St-Denis et St-Martin) ; une subvention de 400 000 francs par an pendant vingt ans pour couvrir un déficit d’exploitation à l’ouverture du canal, moyen déjà usité par vassal pour la construction et le perfectionnement des canaux de St-Denis et de l’Ourcq.
  79. Vassal présente une offre de prêt en décembre 1821, formulée par « Chaptal fils, membre du Conseil général des Manufactures, Vassal, banquier et membre de la Chambre de commerce de Paris, et Deviolaine, propriétaire de la verrerie de Prémontré » dans le département de l'Aisne, pour un « Canal de jonction » de l'Ourcq à l'Aisne, de Mareuil-en-Dôle (terminaison du canal de l’Ourcq) à Soissons (tel que figurant dans la 3e partie du Rapport au roi, page 61), assurant une jonction avec canal des Ardennes[129]. Paul Auguste Deviolaine, tient la verrerie de Prémontré de son père Augustin Deviolaine (Nanteuil-sur-Marne 1771- Soissons 1860) qu’il installa dans les bâtiments de l’ancienne abbaye de Prémontré achetée en 1802[130].
  80. Laffitte présente une offre de prêt en octobre 1821[131] pour tout ou partie d'une liste de canaux qui comprend les canaux de Bourgogne et du Berry mais aussi « la jonction de la haute Marne à la haute Saône » (une liaison nord-sud à l'est de la Bourgogne rivale), « de Villequier à Honfleur ou au Havre » (soit l'estuaire de la Seine, bien au-delà des capacités des techniques existantes), et « conditionnellement, le canal du Havre à Paris lorsque les devis aurons été faits » (sempiternel projet du canal maritime de Paris à la mer qui ne verra jamais le jour remplacé par le chemin de fer de Paris à la mer)[130].
  81. Cinq soumissionnaires se sont présentés faisant des offres pour une durée de concession inférieure au terme maximum de 45 ans fixé à l’article 2 de la loi du 5 août 1821. Usquin & Cie a soumissionné pour la durée la plus faible
  82. Par adjudication publique du 30 juillet 1822, la concession à perpétuité est accordée au Sr Gabriel-François Dageville, propriétaire à Paris, pour un montant de 655 200 F, approuvée par ordonnance du 14 août 1822. La concession des terrains acquis par l’administration s’étend aux terrains résultant du comblement du bras de Gravelle. L’État s’engage à livrer au plus tard les eaux concédées deux ans et demi après l’approbation de la concession. En cas de retard, l’État verse au concessionnaire 3 000 F par mois de retard (Ordonnance du roi du 14 août 1822 qui approuve l’Adjudication de la Concession des Eaux surabondantes du canal de Saint-Maur suivie du cahier des charges de la concession du 20 juin 1822 et du procès-verbal d'adjudication du 30 juillet 1822, in Bulletin des lois du royaume de France, 7e série, tome quinzième, Paris, imprimerie royale, mars 1823).
    Gabriel-François Dageville, mort à Joinville-le-Pont en 1843, est rédacteur des Annales de la législation et jurisprudence du notariat, auteur du Code du commerce expliqué par la jurisprudence (Voir nécrologie Bibliographie de la France, XXIII année, Paris, Pillet aîné imprimeur-libraire, 1844).
  83. Seule la soumission pour la navigation sur la rivière d’Isle est présentée par une unique personne ; Froidefond de Belliste, maître des requêtes au Conseil d’État.
  84. G. Nieradzik (bibliographie) indique un montant total d’emprunt de 126,1 MF repris d’un tableau de l’ouvrage d’A. F. de Birieux, Annuaire de la bourse et de la banque - guide universel des capitalistes et des actionnaires, Paris, J. Claye imprimeur éditeur, 1857, Tome II, page 965 (sur le site Gallica de la BNF), lui-même repris du tableau établit par Tarbé de Vauxclairs en 1829 ; Rapport de M. Tarbé de Vauxclairs sur la situation des canaux, lu à la commission des routes, canaux, etc. (séance du lundi 1er décembre 1828), in Journal du génie civil, Paris, Volume 3, 1829, page 28. Comme l’indique Tarbé de Vauxclairs dans une note en bas de page 25, ce montant de 126,1 MF ne prend pas en compte la soumission pour la navigation sur l’Isle (2,5 MF) et l’autorisation d’emprunter donnée à l’État pour la navigation sur le Tarn (0,8 MF). Ce tableau figure également dans un article d’Alphonse Courtois, Notice historique et statistique sur les canaux entrepris ou achevés en vertu des lois des 5 août et 14 août 1822, in Journal des économistes, Paris, 15 juillet 1851, no 123 (extrait), page 32. D’autres auteurs, donnent un montant total erroné d’emprunt de 128 MF (Voir Pillet-Will, De la dépense et du produit des canaux et des chemins de fer…, Paris, P. Dupart libraire, 1837, page 54] (sur le site Gallica de la BNF)) ou 128,6 MF (Voir article de Beaugrin-Gressier Canaux de navigation dans le « Dictionnaire des finances », publiés sous la direction de Léon Say, Tome I, Paris, Berger-Levrault et Cie éditeurs, 1889, page 853 (sur le site Gallica de la BNF)) qui ne tient pas compte de la soumission pour la navigation sur le Tarn (0,8 MF).
  85. Sartoris estime que c’est la raison pour laquelle les souscripteurs d’actions des canaux de la loi de 1822 se sont empressés de les revendre se contentant du bénéfice de leur hausse progressive (Voir Sartoris, Observations sur les deux rapports de M. le comte Molé à la commission des routes et canaux, janvier 1829, in Journal du Génie civil, Volume 2, paris, 1829, page 325).
  86. L’article 16 de la convention de prêt relative au canal du duc d’Angoulême annexée à la loi du 5 août 1821 dispose : « Pour accélérer les opérations, M. le directeur général formera une commission de trois personnes prises dans le sein du conseil général des ponts et chaussées, qui sera spécialement chargée de l’examen des affaires relatives à l’entreprise, et d’en faire rapport au conseil dans les cas déterminés par le titre IV du décret du 25 août 1804. »
    Les compétences de cette commission sont données par Becquey à Sartoris ; « Sa mission se borne à me donner des avis sur les affaires qui les [canaux] concernent. …Nous avons pensé dès l’origine, qu’il y aurait de l’avantage pour en hâter l’instruction et l’examen et pour retarder le moins possible les travaux, qu’un certain nombre de personnes fussent chargées spécialement de s’occuper de tout ce qui aurait ces travaux pour objet mais la commission des Canaux ainsi instituée n’en est pas moins une commission toute consultative qui ne donne des avis et qui ne surveille ni ne décide rien[144]. »
  87. Il est vraisemblable que Bérigny, mentor de Legrand[145] et secrétaire du Conseil général des ponts-et-Chaussées (1814-1821), ait proposé celui-ci à Becquey pour assurer le secrétariat de la commission des canaux placée auprès de ce dernier. En 1821, Brisson succède à Bérigny au secrétariat du Conseil général, et à la mort de Brisson, en 1828, est nommé Legrand.
  88. La commission des canaux est mentionnée dans l’annexe A (« Attributions et organisations successives du Conseil général des ponts et chaussées ») jointe à la note du adressée par E. Avril, secrétaire du Conseil, au « comte Jaubert, ministre secrétaire d’État des Travaux publics » relative « à l’examen des affaires par le Conseil général des ponts et chaussées » ; «  Décision ministérielle. Création d’une Commission dite des canaux chargée d’examiner d’urgence toutes les affaires relatives aux canaux entrepris en vertu des lois de 1821 et 1822. Cette commission a cessé de fonctionner en 1830[146]. » Consécutivement à la réforme de l’administration et du Conseil des ponts et chaussées, Bérard (directeur général des ponts et chaussées, ), par courrier du 20 8bre (octobre) 1830, annonce à Legrand la fin de la commission des canaux ; « Par suite de ces dispions [ordonnance ], une gde partie des affaires dont la commission des canaux était appelée à s’occuper sera examinée par la commission de la navigation [nouvellement créée au sein du Conseil]. Dès lors la mission qui était confiée à celle des canaux se trouve accomplie et le nouvel ordre des choses amène naturellement la suppression de cette commission. …Je sais M combien vous y a avez porté de zèle et de dévouement ; combien le concours de votre expérience et de vos lumières y a été utile et je me plais à vous en exprimer toute ma satisfaction. » Par la même lettre, Bérard confirme Legrand en qualité de secrétaire du Conseil, avec voix délibérative. Le nouvel ordre des choses rappelé par Bérard a été exprimé par Capelle, ministre des Travaux publics ( - ), à l’ensemble des ingénieurs, dans son courrier du  ; « Le Roi veut que l’impulsion donnée aux travaux publics réponde à la prospérité de la France, aux progrès du commerce et de l’industrie, qu’afin de satisfaire à ces besoins d’entrer davantage dans l’esprit de nos institutions, l’administration moins exigeante dans ses formes laisse plus d’indépendance aux entreprises, un plus libre accès aux capitaux, et tende ainsi de plus en plus à unir les intérêts privés à l’intérêt général[147]. »
  89. « Le plan ambitieux et privatiste de Becquey relatif aux canaux a précipité une lutte avec les dirigeants du Corps au sein du Conseil général [des ponts-et-chaussées]. … Le plan Becquey, au début comme à la fin, a été le produit de nombreuses influences, et le corps [des ponts-et-chaussées] l'a inévitablement influencé de nombreuses façons. Mais ce qu'il est important de comprendre ici, c'est à quel point Becquey a réussi à limiter son influence. … Bien que le Conseil ait discuté à de nombreuses reprises de projets de concessions proposées ou existantes, Becquey a progressivement réussi à le tenir à l'écart de ces questions, sauf dans leurs aspects les plus étroitement techniques. En 1818 et 1819, le Conseil pouvait être amené à examiner l'utilité économique d'un projet de concession de canal, son trafic potentiel, ses revenus et le rendement net du capital. Mais il n'a pris part ni aux négociations pour les nouvelles concessions ou les contrats de prêt pour les canaux autorisés par les lois sur les canaux de 1821 et 1822, ni à l'examen de leurs conditions une fois négociées. Même la conception technique de ces nouveaux projets lui a presque entièrement échappé. Pour quelques-uns, le Conseil avait approuvé des plans déjà finalisés ; pour les autres, le véritable pouvoir de critique et d'approbation passait par un nouvel organisme [(la commission des canaux)], le dernier dispositif de Becquey pour contourner le Conseil général[148]. »
  90. Dutens est promu inspecteur divisionnaire le 11 avril 1821. Brisson est nommé professeur à l’École des ponts et chaussées le 26 juillet 1820, puis inspecteur de l’établissement le 1er mai 1821 (Voir N. Montel (Bibliographie), note 63).
  91. « Avec des écluses de la moitié de la largeur normale, les canaux de petite navigation de Becquey étaient l'équivalent des canaux étroits anglais et n’avaient aucune ressemblance avec les canaux, les plans inclinés et les ascenseurs à bateaux véritablement de petite taille, associés au mouvement de petite navigation depuis Fulton[154]. …la petite navigation telle que la concevait Becquey, une simple réduction des modèles normaux[155], semblait le seul espoir possible en 1820 si l'esprit d'association était de construire un réseau d'une densité proche de celle de l'Angleterre. »[156]
  92. « ...sans exclure les plans inclinés en quelques circonstances particulières, dont on donne un exemple dans le canal qu'il s'agit d'ouvrir pour l'exportation des mines de houille de Commentry, on établit en principe que la petite navigation, et peut-être la seule qui puisse être avantageusement introduite en France, est celle au moyen de laquelle on réglerait les écluses de 25 à 28 m de longueur, et de 2m 60 à 2m 65 de largeur, de manière à recevoir des bateaux de 23 à 26 m de longueur, de 2m 50 à 2m 55 de largeur, et de 1m 30 de hauteur, et du port de quarante-cinq à cinquante tonneaux bateaux qui seraient accouplés pour passer les écluses des grands canaux sur lesquels ils pourraient avoir à naviguer. » (Dutens (bibliographie), Mémoires sur les travaux publics de l’Angleterre..., p. 84).
  93. Ces actions sont majoritairement détenues et diffusées par la Haute Banque parisienne à sa riche clientèle (voir H. Großkreutz (bibliographie)) et ne fait que peu l’objet de transaction sur le marché secondaire de la bourse de Paris ; capitalisation boursière en 1830 = 21,2 MF, en 1840 = 44,3 MF, en 1845 = 46,6 MF, en 1850 = 31,1 MF
    Secteurs d'activité à la bourse de Paris (1810-1850)
    (Source : Pedro Arbulu, « Le marché parisien des actions au XIXe siècle », Le marché financier français au XIXe siècle, volume 2 – Aspect quantitatif des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris, Paris, publications de la Sorbonne, 2007, pp. 365-458).
  94. Sartoris éprouva de telles difficultés à négocier la vente des « actions d'emprunt », que les « actions de jouissance » de la Compagnie des Trois Canaux ne furent jamais cotées en bourse. « La négociation de ces titres, cependant garantis nécessairement par l’État, fut très pesante et difficile. La lenteur des travaux n’en facilita pas l’écoulement : on voyait, en effet, très mal le moment du partage des bénéfices. Nous voyons le groupe Greffulhe-Sartoris essayer par tous les moyens d’écouler ses actions, même à l’étranger qui semblait peu désireux de répondre à ses appels. » (Gille, La banque et le crédit en France de 1815 à 1848, Paris, PUF, 1959, p. 205).
    Pour les canaux concédés ;
  95. « Les sociétés, et c'est là que résidait la plus grosse part des bénéfices, émirent deux sortes de titres. Il y avait d’abord les actions d’emprunt, auxquelles étaient attribuées les intérêts prévus par le gouvernement et l’amortissement. Les actions de jouissance devaient profiter du partage des bénéfices[162]. »
  96. « Chaque proposition de prêt en 1821 et 1822 comportait en son cœur le partage, à parts égales pour une période déterminée d’années, entre le gouvernement et les prêteurs des revenus futurs nets des canaux. Seul le partage permettrait aux banquiers de convertir les opérations de prêt classiques en sociétés par actions et qu’ils vendraient, à côté des « actions » produisant, comme les obligations, un rendement annuel fixe et du capital, des actions bien plus spéculatives, les actions de jouissance donnant à leurs détenteurs un droit aux dividendes des revenus générés par le partage. Ce sont ces actions de jouissance qui distinguent les prêts pour les canaux des autres titres et attirent Messieurs les banquiers de Paris en rendant les investissements dans les canaux attrayants pour le public investisseur[163]. Cette attractivité n’était guère plus que l’instinct de jeu car, en 1821, les revenus futurs des canaux non construits n’étaient pas calculables et, vingt ans plus tard, les revenus de ceux qui furent finalement construits étaient indiscernables. Le partage était, au fond, une loterie (cf. infra (Références), Geneviève Massa-Gille, Histoire des emprunts de la Ville de Paris (1814-1875), Paris, 1973). Dans cette optique, la forme prise par les contrats de prêt de 1821 et 1822 apparaît moins comme une nouveauté accidentelle, plus comme un calcul avisé des préférences contemporaines en matière d’investissement[164]. » Dans le débat sur les canaux de 1821, Casimir Perier s’insurgeait contre le partage, typique des systèmes de loterie qui étaient intégrés dans toutes sortes de projets de loi : « Je vois dans l'article 13 du traité [du canal Monsieur] que la compagnie pourra, sous la forme de société anonyme, émettre à volonté des actions négociables et les diviser en primes et intérêts comme elle l'entendra… Mais voilà de nouvelles combinaisons de loterie, et tous les jours vous vous élevez contre ce système qui de son côté chaque jour s'inocule dans divers projets présentés. Et je le demande : quand il se sera introduit partout par l'effet de lois partielles, comment vous sera-t-il possible d'en détruire le principe et de supprimer la loterie elle-même ? Je ne puis m'empêcher de demander ici de nouveau, s'il y a des bénéfices dans de telles opérations, pourquoi le gouvernement ne les [canaux] fait pas lui-même. » (Archives parlementaires, Tome 32, p. 527, 3 juillet 1821). Corbière admis qu'il s'agissait d'un élément indispensable du paquet, car sans lui, les compagnies financières n'auraient pas été disposées à signer les contrats : « Après l'amortissement, les compagnies sont admises au partage du produit net des canaux pendant un laps de temps qu'on a cru pouvoir limiter à quarante ans, pour offrir un appât suffisant à la spéculation, sans trop éloigner l'époque où les revenus des canaux entrant tout entiers dans le Trésor, et lui procurant des ressources importantes, il sera permis de réduire le taux des péages si on reconnaît l'utilité de cette mesure. » Il venait de déclarer que les investisseurs ne pouvaient rien attendre du partage avant trente ou quarante ans après l'ouverture des canaux. (Archives parlementaires, Tome 36, p. 144, 8 avril 1822).
  97. Le revenu annuel d’un ouvrier de manufacture varie entre 300 F et 400 F. La petite bourgeoise rentière dispose d’un patrimoine de 20 000 F à 50 000 F. Au-delà de 500 000 F de patrimoine, on entre dans le monde des affaires (banquiers, négociant, manufacturier…) qui représente 1 % de la société urbaine de l’époque (Voir F. Démier (bibliographie), page 455).
  98. Becquey écrit aux préfets pour leur recommander de débuter les travaux sans attendre ; « …la loi sur les canaux venant de recevoir la sanction de s[a] M[ajesté], la compagnie [du canal d’Aire à la Bassée] peut commencer dès à présent ses opérations. » L’ingénieur Bayard de la Vingtrie « peut s’occuper sans délai du tracé du canal sur le terrain. …Je n’ai pas besoin, M. le préfet, d’appeler plus particulièrement votre attention sur une entreprise importante… qui doit ajouter beaucoup à la prospérité[169]. Courrier identique du même jour dans le même esprit à l’ingénieur en chef Raffeneau de Lille (sic). Également ; « …l’intention que vous avez témoigné de ne pas perdre de temps pour mettre à profit le reste de la campagne, j’écris à M. Bayard [de la Vingtrie] pour l’inviter à faire immédiatement la remise du service qui lui est confié entre les mains de M. l’ingénieur en chef [de Seine-et-Oise] sans attendre l’arrivée de son successeur. …Vous pourrez vous occuper sans délai du tracé sur le terrain du canal de la Bassée…[170] »
  99. Voir par exemple, les contre-projets pour les canaux des Ardennes et du duc d’Angoulême (Observations de M. Sartoris sur les deux rapports de M. le comte Molé à la commission des routes et canaux, in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829, pages 327 à 329). Pour la ligne de navigation sur l'Oise, de longs débats jusqu'en 1825-1827 ont porté sur le choix entre une navigation en rivière canalisée ou en canal latéral ainsi que sur le nombre de barrages à établir (Voir [collectif], Du milieu naturel aux voies navigables. L'action publique face aux enjeux du développement durable. Bassin de la Seine, XVIIIe-XXe siècle, PIREN Seine (Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l'Environnement de la Seine), Analyses rétrospectives – rapport d'activité 2003, Université Pierre et Marie Curie, UMR METIS, Paris, 2003, page 11 à 13). Pour le canal de Digoin à Briare, ce n’est qu’en 1827 que la solution du pont-canal du Guetin pour franchir l’Allier fut donnée. Solution qui ne fut pas retenue pour le franchissement de la Loire à Briare au profit de digues submersibles (1830) (Voir G. Reverdy (bibliographie), pages 138, 158 et 190).
  100. En 1831, Eustache rappelle qu'« À la tête du corps des ponts et chaussées était alors un directeur général [Becquey] dont le souvenir restera ineffaçablement attaché à ces premières apparitions du système des concessions. Il compris tout d'abord de quelle utilité pour les spéculateurs et quel avantage pour la chose publique devait être l'intervention et le concours des ingénieurs dans toutes les affaires qui auraient désormais pour objet l'exécution par voie de concession de grands travaux d'utilité générale. Aussi s'empressa-t-il de favoriser le mouvement qui portait un certain nombre d'ingénieur à unir leurs efforts à ceux des capitalistes pour couvrir la France de ponts, de canaux, de chemins de fer et de tous ces grands ouvrages qui contribuent si puissamment à la prospérité de l’État[175]. » Mais Becquey précise que « …le gouvernement ne verrait aucune difficulté à ce que la compagnie qui se chargerait de grands ouvrages y employât un ingénieur pour son compte, non pour diriger les travaux, qui seraient toujours sous la direction des ingénieurs attachés à l'administration du canal [(c'est-à-dire l'État)], mais uniquement pour seconder la compagnie dans la participation qu'elle aurait comme entrepreneur de ces travaux[176]. » Becquey s’inscrit dans la logique de l’administration des ponts et chaussées que son secrétaire, de Cheppe[55], avait antérieurement exprimée dans un compte-rendu de l’ouvrage de Cordier, Histoire de la navigation intérieure… ; « …je ne pense pas …qu’il doive être interdit au Gouvernement d’exercer une surveillance quelconque sur les travaux concédés à des compagnies ; et ce qui se fait au canal de l’Ourcq, me parait ce qu’il y a de mieux à faire. La compagnie à ses ingénieurs qui exécutent les travaux, et le Gouvernement est représenté par un commissaire dont la mission spéciale est de veiller à ce que les projets approuvés soient exactement suivis. Tous les intérêts se trouvent ainsi garantis, et tel est le but qu’on doit toujours se proposer dans toute espèce de contrat[177]. » Girard note qu’à l’occasion du traité conclu en 1818 avec la compagnie Saint-Didier & Vassal relatif au canal de l’Ourcq, le Conseil général des ponts-et-chaussée s’est opposé qu’un ingénieur du corps soit écarté de la direction de travaux au profit d’un ingénieur choisit par la compagnie ; « Plusieurs membres de ce conseil persistaient dans une opinion peu favorable au canal de l'Ourcq, de quelque façon qu'on le terminât, la concession qui venait d'en être faite dépossédait un de leur collègues d'une direction de travaux à la conservation de laquelle il paraissait tenir beaucoup ; cette dépossession fortifiait d'un nouvel auxiliaire l'opposition qui pourrait se manifester dans le conseil quand l'occasion se présenterait d'y discuter quelque proposition de la compagnie des canaux de Paris. Enfin, beaucoup de personnes regardaient alors comme une atteinte portée aux prérogatives du corps des ponts-et-chaussées la faculté laissée aux compagnies de choisir elles-mêmes les ingénieurs qui feraient exécuter les travaux dont elles acquitteraient les dépenses. Appeler, dans les grandes entreprises d'utilité publique, l'industrie particulière et les fortunes privées en remplacement des fonds de l'État, et substituer d'autres agens à ceux qu'il salarie, c'était aux yeux de ces mêmes personnes introduire une innovation dangereuse qui, enlevant au conseil des ponts-et-chaussées une partie de l'influence que lui réserve l'organisation du corps, menaçait d'atténuer la considération qui lui est due[178]. » « …les ingénieurs des Ponts et Chaussées se sont, en effet, constamment opposés à tout relâchement du contrôle sur les moyens de réalisation des projets [de travaux publics], parce qu’ils sont convaincus que laisser les entreprises libres de leurs moyens, c’est leur laisser une marge de décision considérable dans la définition même de l’objet final[179]. »
  101. La question de la meilleur méthode (coût/avantage/délai/publicité) pour la réalisation des travaux par l’administration est récurrente. À l’époque, Becquey se la posait et a sollicité ses ingénieurs pour connaitre leur avis[181],[182].
  102. La chambre de commerce de Paris émet le vœu « d'une modification non moins essentielle dans le système d'exécution des grands travaux publics, travaux dont la désolante et ruineuse lenteur, n'aura de terme que lorsqu'ils seront confiés avec publicité et concurrence à des Compagnies exécutantes affranchies de toute surveillance et toutes interventions des agents de l'administration des Ponts et chaussées si ce n'est pour l'admission des plans, l'établissement des cahiers des charges et le vérification des ouvrages terminés[186]. »
  103. Dénomination selon ordonnance royale du 2 mai 1827 (Voir Ministère de l’intérieur, Rapport au roi sur la situation, au 31 mars 1828, des canaux…, Paris, imprimerie royale, mai 1828, page 111) et Décision royale, du 11 octobre 1830, qui change la dénomination de plusieurs canaux - Rapport au roi, in Th. Ravinet, Code des Ponts et chaussées et des mines, tome quatrième, supplément, Paris, Carilian-Goeury libraire, 1836, page 673).
  104. Ces canaux sont formés, d’une part, par un canal latéral à la Corrèze, depuis un point en amont du moulin de Beauvais au-dessous de Brives, jusqu'à l’embouchure la Corrèze dans la Vézère et, d’autre part, du lit canalisé de la Vézère, depuis l'extrémité du canal latéral a la Corrèze, jusqu’à l'embouchure de la Vézère dans la Dordogne. Peu après l’adjudication des canaux, le 7 mars 1825, au profit d’Eugène Mévil, l’article 17 du cahier des charges est modifié autorisant le concessionnaire à présenter un projet de chemin de fer entre Brives et Tulle qui sera concédé à perpétuité, réalisé dans un délai de quatre ans pour un coût évalué à 2 millions et dont le tarif du péage et du transport seront fixés ultérieurement (cf. Loi du 8 juin 1825 relative a l'établissement des canaux de la Corrèze et de la Vézère suivi du cahier des charges et du tarif à percevoir, in Conrad, « Mémoire sur les travaux de la Corrèze et de la Vézère », Périgueux, Dupont père et fils imprimeurs, 1826 [NB : dans la notice précédent le texte de loi, il est indiqué ; « M. Conrad, ingénieur en chef et auteur des projets approuvés pour les canaux de la Corrèze et de la Vézère, a été chargé par la compagnie concessionnaire de faire en Angleterre et en Écosse l'étude des chemins de fer à ornières, dont le premier exemple est donné en France par M. Beaunier qui en fait exécuter un pour aller de Saint-Étienne-en-Forêts à la Loire. » Cette voie ferrée apparait comme un complément à la voie d’eau comme il est d’usage de considérer ce nouveau moyen de transport au début du chemin de fer. Toutefois, au chapitre III de cette notice (Estimation des dépenses Navigation de la Corrèze, entre Tulle et Brive), il n’est plus fait référence à un chemin de fer mais à un système de charriot aérien élévateur-transbordeur selon le procédé inventé par Durassié et Trocard installé sur le Drot (Voir description dans Journal du génie civil, des sciences et des arts, Volume 3, Paris, Alexandre Corréard, 1829, page 327 ]).
    Voir également article de Decaen, Canalisation de la Corrèze et de la Vézère, in Le Producteur, Paris, Sautelet et Ce. Libraires, 1825, page 541 et suiv. En fin d'article, Decaen pose la question de la substitution d'un chemin de fer à ce canal (page 553).
  105. Le « plan Becquey » (Cf. Rapport au Roi (bibliographie), canaux de deuxième classe - travaux à entreprendre, page 59), prévoit un « canal de jonction de l’Orne à la Vire, prenant son origine au pont d’Ouilly, et se prolongeant jusqu’à la Douve, sous Carentan », sans autre précision s'agissant de l'emprunt, ou non, de la Taute. Il s’agit d’une composante de la ligne de navigation reliant Cherbourg à l’intérieur du pays, vers Argentan notamment.
  106. Les 6e et 7e lignes de jonction du « plan Becquey » prévoient un canal de Toulouse à Moissac par Montauban [~70 km] en prolongement du canal du Languedoc.
  107. Le « plan Becquey » (Cf. Rapport au Roi (bibliographie), canaux de deuxième classe - travaux à entreprendre, page 63), prévoit une communication du « Canal de la haute Seine au canal de Bourgogne, par la vallée de la Seine, celle de l’Ignon, de laquelle on gagnerait Dijon. »
  108. Dans un opuscule de 1828 relatif aux débats sur le budget de 1829, Lamandé, outre des arguments défendant l’administration des Ponts & Chaussées, souligne, prenant l’exemple du canal du duc Berry, que les travaux estimés à 12 MF ont été réalisés pour une dépense de 10,675 millions, soit une économie de 0,375 MF, alors que la dépense pour expropriation estimée à 0,950 MF s'est élevée en définitive à 3,425 millions, soit un surcoût de 2,475 MF « qui ne peut être attribué qu’aux prétentions exagérées des propriétaires. (Note remise par M. Dutens, inspecteur divisionnaire)[194] »
  109. La commission des routes et canaux est composée de cinq pairs (vicomte Lainé, duc de Brissac, comte Molé, baron Pasquier et vicomte Dode de la Brunerie), cinq députés (baron Hély d’Oissel, marquis d’Escayrac, Casimir Perier, Bessières et Becquey), trois conseillers d’État (comte Chabrol de Volvic, comte de Tournon, Tarbé de Vauxclairs) et deux inspecteurs généraux des Ponts & Chaussées (Lamandé, député, et Cordier, député). Le secrétariat de la commission est assuré par Legrand (Voir G. Reverdy (bibliographie), page 156 et procès-verbal de la première réunion de la Commission des routes et canaux début octobre 1828 (AN F14138591)).
  110. Ce calcul tient au réajustement par Tarbé de Vauxclairs du montant total des emprunts (126,100 MF) et à l’estimation de la dépense définitive (171,212 MF) qui différèrent de ceux présentés par Becquey dans son rapport sur la situation des canaux en 1828, respectivement 129,200 MF et 177,110 MF).
  111. Les canaux anglais construits à la seule initiative privée, qui n’ont pas fait appel à un corps d’ingénieurs spécialisés comme en France puisqu’il n’en existe pas dans les institutions techniques britanniques, n’ont guère fait mieux en matière de prévision de coût d’établissement ; on compte plus d’un canal dont le coût a doublé, voire triplé, au regard de la prévision initiale de ses promoteurs[197].
  112. « Ce canal latéral à la Loire été l'un de ceux où les estimations ont été le plus fortement dépassées; on ne l'avait évalué qu'à dix millions, il en coûtera probablement vingt-cinq. L'illustre auteur du canal du Centre, Gauthey, avait rédigé les projets du canal latéral à la Loire, et sentant bien que le canal du Centre, l'œuvre capitale de sa vie, ne rendrait tous les services qu'il en avait espérés, qu'autant que la navigation de la Loire serait améliorée, ou plutôt remplacée, Gauthey, dans le désir de déterminer le gouvernement à faire cette dépense, chercha à la réduire le plus possible, et avait proposé pour la traversée de l'Allier, qui se jette dans la Loire par la rive gauche sur laquelle est situé le canal, des ouvrages très-économiques. »[198]
  113. Cette proposition reprend le principe édicté par Napoléon Ier et mis en œuvre par Crétet (cf. supra § « La situation des canaux en 1815 - Consulat et Empire ») auquel d’ailleurs a succédé Molé, en 1809 après un court intermède de Montalivet entre 1807 et 1809, à la tête de l’administration des Ponts & Chaussées.
  114. La volonté gouvernementale de vendre les canaux à l’industrie privée à charge pour elle de les achever est diffusée dans le journal de Martignac, Le Messager des Chambres année 1829, no 105, mercredi 15 avril ; « …il est évident que les travaux d’utilité locale plus ou moins étendus, les routes, canaux, péages, sortent de cette gestion publique qui appartient exclusivement à l’état. (…)On ne peut trop favoriser l’esprit d’association dans les états modernes, et c’est cet esprit qui est la vie de la société. (…)Le gouvernement fait donc un appel à tous les capitalistes qui voudraient prendre à leurs frais, risques et périls l’achèvement complet de tous les travaux. » L’article se termine non sans soutien public du gouvernement à l’action de Becquey à la tête de l’administration des Ponts & Chaussées ; « Il faut se hâter de rendre hommage à l’honorable administrateur [Becquey] qui dirige cette partie du service public. ». Mais il sera révoqué l’année suivante, sous le gouvernement Polignac, pour laisser la place à Capelle à la tête d’un nouveau ministère des Travaux publics spécialement créé pour lui. Cet article appelle une critique du Journal du génie civil (Tome III, 1829, page 425 et suiv.) soulignant que des ouvrages de travaux publics reviennent toujours moins chers lorsqu’ils sont exécutés par l’État que par une compagnie privée qui, outre le péage pour l’entretien de l’ouvrage, doit payer les frais d’administration et de fonctionnement (salaires), les avantages tirés des actions d’industrie, et tirer un bénéfice pour les actionnaires. Au surplus, la réalisation d’un ouvrage confié à l’initiative privée dans les contrées les plus pauvres, qui par nature ont le plus besoin de voies de communication pour se développer, est vouée à l’échec puisque les populations de ces contrées n’ont pas les moyens de payer un péage. Néanmoins « …on peut conclure que la grande affaire des canaux exécutés par voie d’emprunt, contre laquelle il s’est élevé tant de réclamations, n’était pas, dans son principe, aussi mal conçue que l’on s’est plu à le répéter. (…)le Gouvernement était allé peut-être trop vite [trop d’ouvrages simultanément et pas toujours justifiés par l’utilité]. » Le journal invite à réduire les péages sur les canaux. Quant à la critique du corps des Ponts & Chaussées, elle est le signe que les capitalistes « cherchent par tous les moyens à détruire un corps coupable du crime énorme de s’opposer à ce qu’ils gagent autant d’argent (aux dépens de l’État) qu’il pourraient et voudraient le faire. »
  115. « Le reproche que j’ai entendu adresser avec le plus d’amertume à ceux qui ont fait rendre les lois de 1821 et de 1822, autorisant des emprunts applicables aux canaux, est celui d’avoir entrainé l’État dans des opérations ruineuses, et d’en avoir par conséquent fait faire de trop belles aux prêteurs. …ce qui n’est pas moins certain, c’est que les prêteurs n’ont pas abusé de l’incurie du gouvernement autant qu’on s’est plu à le dire. Si à l’époque où ils ont été traités, ils eussent employé en rentes les fonds qu’ils prêtaient à l’Etat, ils auraient touché un intérêt de bien peu au-dessus de celui qui leur a été payé, et ils auraient eu la possibilité de réaliser d’immenses bénéfices sur leur capital, en profitant des cours élevés de la rente. Les emprunts contractés par le gouvernement au moyen de la vente d’inscription de rentes n’ont jamais donné lieu à des critiques aussi violentes que les emprunts des canaux, et cependant les premiers surtout ont coûté plus cher au pays[209]. »
  116. À noter que cette même loi (art. 12) ouvre un crédit de 500 000 F pour des études de chemin de fer en précisant, en note de bas de page, que « cet article n’ôte pas le droit aux particuliers, ainsi que l'a reconnu M. Legrand, commissaire du Roi, de faire des études à leurs frais. » Figuier, dans son ouvrage Les merveilles de la science, tome premier, Paris, 1867, indique que la loi de 1833 est une réaction de l’administration des Ponts & Chaussées à l’initiative des ingénieurs Perdonnet, Mellet, Henry et Cerfberr (tous quatre anciens élèves de l'École polytechnique) de constituer une société au capital de 500 000 F pour étudier les grandes lignes de chemin de fer en France. Cette assertion est reprise de Perdonnet, selon Georges Ribeill, La révolution ferroviaire - la formation des compagnies de chemins de fer en France (1823-1870), 1993, Paris, Belin (ISBN 2-7011-1256-7), page 76. L’implication de Perdonnet est confirmée par Mouchelet : « ...hâtons-nous de dire que Perdonnet y fit [École centrale], en 1831, le premier cours de chemin de fer, qui a été proposé en France. ...Les timides expériences de voies industrielles n’avaient pu triompher de la routine et laissaient le public indifférent. Perdonnet et quelques hommes de progrès avaient formés une société au capital de 500 000 Francs pour étudier les grandes artères qui pouvaient être établies en France. On se heurta aux résistances et aux prédictions de l’Administration des ponts et chaussées. Le ministre des Travaux publics, Thiers lui-même, repoussait et raillait une si audacieuse conception. » (E. Mouchelet, Notice historique sur l'École centrale des arts et manufactures, Paris, 1913, p. 14).
  117. Arrivée de la houille à Paris (1818-1830)
    La navigation entre la Loire et la Seine est la clef de voûte de la navigation de la France à une époque où la région arrosée par la Loire et ses affluents fournissent une grande partie des grains, vins et charbons consommés à Paris et d’autres centres importants. La région était la plus importante de France pour la sidérurgie. Plutôt que par la Loire ou les canaux, les établissements métallurgiques de la Nièvre expédiaient leur production par la route pour des raisons de coût du transport. Le développement des voies navigables au nord de Paris, permis un approvisionnement en charbon (principalement de Belgique) moins cher que celui du Centre et de Saint-Étienne (Voir Dunham (bibliographie), pages 24, 26 et 38).
     % arrivée de la houille à Paris
    Centre Nord
    1818 73,33 % 26,67 %
    1825 45,91 % 54,09 %
    1830 36,20 % 63,80 %
    Source : Bertrand Gille, Recherche sur la formation de la grande entreprise capitaliste (1815-1848), Paris, SEVPEN, 1959, page 58.
  118. « Ces économies sur l'entretien des routes ne se sont jamais concrétisées pour un certain nombre de raisons évidentes. Premièrement, les canaux étaient en partie en complémentarité et non en concurrence avec les routes ; plus de trafic pour les canaux ne signifiait pas nécessairement moins sur les routes. Deuxièmement, les deux décennies suivantes ont vu de fortes dépenses pour achever les routes nationales, commencer un réseau de routes locales décentes, amener les routes existantes à un niveau d'entretien plus adéquat et assurer l'entretien des parties nouvellement ouvertes du système élargi. Les économies supposées découlant de la construction des canaux ne pouvaient guère compenser l'augmentation des coûts d'un réseau routier plus étendu et meilleur. » (Geiger (bibliographie), p. 200).
  119. « Mais l'existence d'actions de jouissance nécessite de la part des propriétaires une sorte de surveillance de l'exploitation des canaux, et surtout une coopération dans la confection des tarifs ; de là la convention insérée dans les caliers des charges, que les tarifs ne pourront être changés que d'un commun accord entre l'État et les compagnies. Or, cet examen et cette immixtion dans la confection des tarifs sont deux choses également gênantes pour l'État, et dont il n'avait peut-être pas prévu les embarras lorsque les lois de 1821 et 1822 furent votées. Il ne lui est pas possible d'établir un tarif uniforme, ce qui est le but de ses désirs, en raison des intérêts divers des porteurs d'actions de jouissance des divers canaux ; on sait de plus combien l'administration est lente et paresseuse à communiquer des renseignements ; on doit donc se figurer combien doit la gêner une régularité obligée, et surtout une certaine promptitude dans la communication des pièces. Ces causes réunies ont déterminé depuis longtemps le Gouvernement à racheter les actions de jouissance, seul obstacle à son entière domination sur les canaux. » (Courtois, « Notice sur les canaux en France entrepris en vertu des lois de 1821 et 1822 » Annuaire de l'économie politique et de la statistique, Paris, 1852, pp. 182-191) - extrait du même article paru dans Journal des économistes, 1851, op. cit.
  120. À cette époque (1850), sur les grands axes de communication, les voies navigables (fleuves et canaux) transportent davantage de marchandises que les chemins de fer. Le trafic vers le Nord depuis Paris concentre le plus fort tonnage transporté, suivi de l’axe formé par la Seine entre Montereau et Le Havre. Sur ces deux axes, les chemins de fer récents Paris-Rouen-le Havre et Paris-Lille, pour des tonnages similaires, restent très en deçà du trafic des voies navigables. La Saône représente un second axe de transport d’importance depuis Givors, sur le Rhône débouché du chemin de fer de Saint-Étienne, vers le nord en direction de Chalon, Gray (port de la sidérurgie champenoise) et Besançon. De la Saône, le trafic se partage vers Paris via le canal de Bourgogne et l’ensemble canal du Centre-Loire (fleuve et canal latéral). Le trafic entre Saint-Étienne bassin houiller) et le Centre (pôles industriels sidérurgiques et métallurgiques du Nivernais et de l'Allier en Bourbonnais) est réduit, scindé pour des tonnages similaires, entre le chemin de fer de la Loire et le canal de Roanne à Digoin ; le trafic principal s’effectue par la Saône, canal du Centre et canal latéral à la Loire. À noter que le pôle industriel de Montluçon, relié par chemin de fer au bassin houiller de Commentry, écoule sa production principalement par le canal du Berry en direction de Vierzon, moins en direction de Nevers (pôle industriel avec Imphy et Fourchambault). Au sud de Givors, le trafic sur le Rhône reste important jusqu’à Arles, où il se scinde entre le chemin de fer vers Marseille et la voie navigable (petit Rhône et canal d’Arles à Bouc) jusqu’à la Méditerranée. Dans le sud-ouest, de Sète à Bordeaux et au-delà par la Gironde, la voie d’eau est en situation de monopole. Le plus fort tonnage ferroviaire est celui entre Rive-de-Gier (bassin houiller) et Givors, suivi de moitié, pour chacun d'eux, des chemins de fer Paris-Rouen-Le Havre et du Nord, et du tiers par le chemin de fer du Gard. Enfin, les chemins de fer de Paris à Orléans (pour un tonnage équivalent à ceux de Paris-Rouen et du Nord) et Tours, et du Centre enlèvent du trafic à la Loire, entre Tours et Orléans, et forme un complément au canal de Berry (d'Orléans à Vierzon) et au trafic fluvial en aval de Briare (Briare-Orléans-Paris). Le trafic vers l’est se répartit à parts égales entre la Marne et le chemin de fer entre Paris et Châlons (amorce du Paris-Strasbourg via Nancy), ce dernier devenant majoritaire entre Châlons et Vitry. Même constat entre Mulhouse et Strasbourg entre chemin de fer et canal). Tous les autres chemins de fer ont un trafic marchandise résiduel. Le chemin de fer Nancy-Frouard-Metz, ouvert en juillet 1850, est une composante de la ligne ferroviaire Paris-Strasbourg limitée à Vitry.
    Hormis la navigation sur l’Oise et, dans une très large moindre mesure, le canal du Rhône au Rhin (St Jean de Losne-Mulhouse), les canaux du Plan Becquey (lois de 1821 et 1822) assurent un faible trafic.
  121. François Bartholony et Adrien Delahante (père) sont les représentants d’un groupe financier ayant des intérêts miniers et industriels dans le centre de la France (Saint-Étienne, Fourchambault, Decazeville, Alès) et à la tête de la Compagnie du chemin de fer de Paris à Orléans (P.O.). Bartholony est administrateur de la Compagnie des Quatre canaux. Il est à l’origine de la création de la Compagnie des Mines de la Loire avec le soutien de Delahante dont le fils, Gustave qui occupe un emploi de direction à la Cie du P.O., prendra par la suite la direction après en avoir été administrateur. La Cie des mines de la Loire, soucieuse de ses débouchés et de l’abaissement du prix des transports, est à l’origine de la fusion des trois compagnies de chemin de fer autour de Saint-Étienne, pour former la Compagnie des chemins de fer de jonction du Rhône à la Loire (Voir Nicolas Stoskopf, Les patrons du Second Empire – Vol 7 : banquiers et financiers parisiens, Paris, Éditions Picard/Cénomane, 2002 (ISBN 2-905596-84-8), Bertrand Gille, Recherche sur la formation de la grande entreprise capitaliste (1815-1848), Paris, SEVPEN, 1959, page 113 et suiv. « Le groupe du P. O. », et Pierre Guillaume, La compagnie des mines de la Loire (1846-1854). Essai sur l’apparition de la grande industrie capitaliste en France, Paris, PUF, 1966).
  122. « Voici pour moi de chercher à éclairer votre réflexion et de vous supplier de combattre de tout votre pouvoir ce nouvel envahissement des compagnies financières et cette aliénation véritable d’une partie du territoire. (…) Et d’abord, on se demande si lorsque les chemins de fer sont déjà livrés aux compagnies, il convient de mettre encore dans leur mains les voies navigables. Les chemins de fer constituent un monopole excessif dont le public ressent déjà les premières conséquences __ qui s’aggraveront encore avec le temps. Les voies navigables seules peuvent leur faire concurrence pour le transport des denrées les plus nécessaires à la consommation du pays. L’état propriétaire des voies navigables peut donc retenir dans de justes limites l’action des compagnies de chemin de fer : il peut balancer et modérer cette action et préserver les intérêts publics. S’il se dépouille de cette attribution si essentielle, ne doit-on pas craindre que les compagnies concessionnaires des chemins de fer et les compagnies concessionnaires des voies navigables ne s’entendent entre elles pour se partager les transports de marchandises et se constituer aux prix maximum de leurs tarifs la clientèle spéciale à chaque espèce de communication [?] On a vu dans les derniers temps la navigation de la Seine soutenir avec succès la concurrence des chemins de fer de Paris à Rouen. Que serait-il advenu si cette navigation et le chemin [de fer] eussent été dans les [mêmes] mains, ou ce qui revient au même s’ils eussent appartenu à deux compagnies qui arrivent par s’entendre entre’elles pour rançonner le public. Il serait advenu ce qui adviendra si la soumission que je combats est acceptée. (…) Le développement des voies navigables qu’embrasse la soumission de MM Bartholony et de La Hante est de de 1,841,930 mètres c’est à dire de 452 lieues __ chacun. Une seule et même compagnie serait maitresse de ce vaste réseau !! Son action, son pouvoir, son influence s’étendra sur le vaste territoire qu’il parcourt. Je demande de grâce qu’on veuille bien réfléchir à ce pouvoir nouveau qu’on institue à côté du gouvernement à l’immense part d’influence qu’on abandonne pour la livrer à une société particulière ! A-t-on bien songé aux conséquences de cette abdication d’une grande partie des pouvoirs publics ? Veut-on rétablir les anciennes fermes générales que la révolution française a si heureusement abolies pour remettre aux mains de l’état l’administration des intérêts généraux du pays ? Croit-on la corporation puissante que l’on va créer ne gênera pas quelques fois l’action de l’Etat ? Croit-on qu’elle soit aujourd’hui dans les mœurs et les habitudes d’un pays essentiellement démocratique ? Comprend-t-on les maîtres que l’on se donne et ne craint-on pas que l’état lui-même malgré tout son pouvoir, ne soit obligé quelque fois de courber la tête sous cette nouvelle domination ? (…) Le gouvernement est aujourd’hui embarrassé, je dirai même inquiété par l’association monstrueuse qui s’est formée pour l’exploitation des mines du bassin de la vallée de la Loire[230]. Eh bien que l’on étudie les voies qui couvrent la nouvelle opération qu’on voudrait autoriser on y verra l’association des mêmes capitaux et des mêmes intérêts, et je n’hésite pas à déclarer qu’il existe un lien secret ou au moins un intérêt commun entre la compagnie des mines de la Loire et la compagnie qui veut exploiter nos voies navigables, et si l’on autorise la seconde, la première déjà si menaçante dans sa composition actuelle acquiert des proportions __ gigantesques, effrayantes. (…) Les riverains [des canaux], qui comme je viens de le dire ont sur les bords de ces rivières des droits qui leur appartiennent en vertu des lois, (…) deviendront-ils les vassaux de ces nouveaux seigneurs et (…) commettrons-nous la faute de rétablir sous une forme différentes les droits féodaux que la révolution française a détruit pour les rendre au souverain qui seul les exerce __ avec la juste appréciation des intérêts de tous… (…) Nos canaux ne sont pas dans la situation déplorable que la compagnie soumissionnaire signale et qu’elle __ à exagérer. Le canal latéral à la Loire par exemple, le canal de Bourgogne, le canal de Berry[231], le canal du Nivernais sont de magnifiques ouvrages exécutés à grands frais, et qui confier à l’industrie privée auraient coûté cinquante pour cent de plus qu’ils n’ont coûté à l’état. Le canal latéral à la Loire est plus parfait que le canal de Roanne à Digoin qui appartient à une compagnie et dont il est la continuation. Il est en bien meilleur état que le canal de Briare et que le canal du Loing qui appartiennent l’un et l’autre à la grande voie navigable dont le canal latéral à la Loire fait partie. Je ne sais pas quelle déplorable manie on se plait à dénigrer __ ses propres travaux pour exalter ceux de l’industrie privée. Je ne sais pas par quelle déplorable manie on se plait à dire et à regarder que le gouvernement exécute des chemins [de fer] avec moins de perfection que les compagnies particulières. Il semble cependant avec les exemples qui se renouvellent tous les jours sous les yeux viennent donner un démenti éclatant à toutes ces tristes et mensongères assertions. »[232]
  123. Paris est principalement alimentée par la houille belge et de Valenciennes, subsidiairement par celle de Commentry et de Saint-Étienne. La houille britannique alimente toute la façade maritime, jusqu'à Marseille. La houille du bassin stéphanois et distribuée dans le sillon rhodanien, jusqu'à Marseille, et par la Saône jusqu'à Colmar et Joinville, accessoirement dans le sillon ligérien jusqu'à Blois et Paris. Le transport s'effectue quasi exclusivement par voie maritime ou navigables, auxquelles à ces dernières aboutissent des chemins de fer (Saint-Étienne Lyon, Loire, Epinac, Gard), mais aussi par la route notamment à l'est pour la houille de la Sarre (Prusse et Bavière).
  124. Voir François Crouzet, Le charbon anglais en France au XIXe siècle, in « Charbon et sciences humaines », Actes du colloque organisé par la faculté de lettres de l'université de Lille en mai 1963, sous la direction de Louis Trenard, École pratique des Hautes études (VIe section), Paris, Mouton & Co, 1966, pages 173 à 205. Article repris et actualisé in François Crouzet, De la supériorité de l'Angleterre sur la France - L'économique et l'imaginaire XVIIe-XXe siècle, Paris, Librairie académique Perrin, 1985, pages 376 à 397.
  125. Ce raisonnement n’est pas partagé par tous les industriels. D’aucuns, comme Chagot, estiment que la question du prix de la houille ressort moins d’une réforme du tarif douanier que du coût de son transport ; le prix varie de 1 Fr. sur le carreau de mine à 2 Fr. voire 6 Fr. au point de consommation selon la distance. Cette situation résulte de la diminution constante depuis 1848 de l’effort de l’État en faveur des routes, ports et canaux, alors que les conventions de 1852 ont reporté sur les compagnies ferroviaires les charges de l’État. Faute d’un réseau de transport adapté des régions minières restent enclavées ; la production nationale ne suffit pas à répondre à la demande (domestique et industrielle [notamment pour alimenter les machines à vapeur, source d’énergie]), offrant ses débouchés aux houilles étrangères (anglaises, belges et prussiennes [Sarre]). L’équipement de la voie navigable Mons-Paris d’un tirant d’eau de 2 m. qui permet aux bateaux de transporter 230 tonnes de charbon (contre 150 tonnes pour les bateaux plus anciens) est l’exemple qu’il faut suivre dans la saine concurrence entre le chemin de fer et la voie d’eau pour abaisser le prix du transport. « C’est l’exemple de cette rivalité féconde pour l’économie française qui devait montrer aux pouvoirs publics et à l’opinion l’utilité évidente de la voie navigable soit en elle-même, soit pour forcer la voie ferrée à déployer pleinement ses possibilités de transport de masse, à bon marché et à longue distance des produits pondéreux. » (Voir Louis Girard, La Politique des travaux publics du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1952, quatrième partie « Le programme de la paix – la lettre du 5 janvier », pp 241-248 et 306).
  126. Sous la Restauration et la Monarchie de Juillet, les gouvernements n’osèrent jamais s’opposer à la famille d’Orléans, propriétaire à perpétuité de ces canaux, qui tira tout le parti possible de ce privilège dans son propre intérêt. Aucun abaissement du tarif de ces canaux, ou leur rachat, ne fut entrepris. L’exil, puis le décès en 1850 de Louis-Philippe, changea la donne.
  127. Le rachat des actions de jouissance des sociétés de canaux issues des lois de 1821 et 1822 ne met pas un terme au recours par l’État à des fonds privés pour la construction de canaux. Ainsi, le canal des houillères de la Sarre (1860), le canal de Vitry à Saint-Dizier (1865) et l’aménagement de la Meuse entre Metz et Thionville (1867) sont financés, en totalité ou en partie, au moyen d'un prêt consentit à l’État par des intérêts régionaux, moyennant remboursement et amortissement. Ce système est le pendant de la loi de 1865 pour les chemins de fer départementaux (Voir Louis Girard, La Politique des travaux publics du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1952, quatrième partie « Le programme de la paix – la lettre du 5 janvier », pp 300-309).
  128. La concession du canal des Etangs (navigation entre le canal de Beaucaire et celui des Deux-mers canal du Languedoc]) (loi du 5 août 1821) est expirée le 1eroctobre 1851 (NB : Les canaux des Etangs et de Beaucaire sont, de nos jours, réunis dans le canal du Rhône à Sète).
  129. Le rachat de la concession des eaux surabondantes du canal Saint-Maur et de terrains adjacents (loi du 17 avril 1822) est autorisé par le décret du 9 août 1864 qui déclare d’utilité publique, en vertu de la loi de 1841[211], l’établissement d’une usine hydraulique par la ville de Paris à Saint-Maur sur l’emplacement des usines appartenant à MM Darblay et Béranger qui sont devenus, en janvier 1850, propriétaires de la concession à la suite Dageville concessionnaire initial. L’usine hydraulique a pour finalité de relever les eaux de la Marne vers le réservoir de Ménilmontant. En exécution de ce décret, Darblay revend à la ville de Paris ses moulins pour la somme de 3,2 MF[244].
  130. Le plan Freycinet visait à répondre à la gauche radicale parlementaire (républicains gambettistes) de limiter l’influence des compagnies de chemin de fer, mais aussi aux aspirations des milieux d’affaires (au nom du libre-échange ou, au contraire, du protectionnisme) réclamant l’amélioration de toutes les voies de communication afin de réduire les méfaits de la dépression économique apparue dès 1876-1877 et d’amoindrir les inégalités régionales. Ce vaste plan de relance économique par un programme ambitieux de travaux publics fait l’objet de trois lois en 1879 ; 17 juillet (chemins de fer), 28 juillet (port intérieurs) et 5 août (voies navigables). Mais la crise financière de 1882 contraint à une révision à la baisse des objectifs affichés. De 1879 à la fin du XIXe siècle, 3 280 km de voies navigables sont portées au gabarit Freycinet mais dont seulement 645 km résultent de la construction de nouveaux canaux, notamment celui de l’Est (Voir Merger Michèle, La concurrence rail-navigation intérieure en France 1850-1914, in « Histoire, économie et société », Année 1990, volume 9, numéro 1, Les transports p. 65-94).
  131. « Bien que la construction des routes et des canaux représente un très gros investissement, ils constituent presque entièrement en travail, en emploi de grandes masses de terrassiers, et non en consommation intermédiaire de produits industriels. Sans grand effet en retour sur l'investissement industriel, ils agissent plutôt comme un stimulant de la demande de biens de consommation par les revenus qu'ils distribuent dans des sociétés dans lesquelles le sous-emploi ou plutôt la non-exploitation de tout le potentiel de travail sont sans doute la règle. » (Patrick Verley, L'échelle du monde - Essai sur l'industrialisation de l'Occident, collection NRF essais, Paris, Gallimard, 1997, page 186).
  132. « La chronologie de la construction des canaux, par rapport au processus d'industrialisation, ne semble donc guère décalée en France en comparaison de la Grande-Bretagne, puisque les investissements massifs, à partir de la décennie 1820, sont contemporains, si ce n'est antérieur à la phase de développement de la sidérurgie et de l'équipement en machine à vapeur.» (Patrick Verley, L'échelle du monde - Essai sur l'industrialisation de l'Occident, collection NRF essais, Paris, Gallimard, 1997, page 223).
    « En 1831, la houille pour chaudière de machines à vapeur, vendue 15 F la tonne à Rive-de-Gier, revenait à 50-53 F à Mulhouse. Sept ans plus tard, l'utilisation du canal l'avait fait baisser d'une dizaine de francs. » (Voir Claude Fohlen, Charbon et révolution industrielle en France (1815-1850), in « Charbon et sciences humaines », Actes du colloque organisé par la faculté de lettres de l'université de Lille en mai 1963, sous la direction de Louis Trenard, École pratique des Hautes études (VIe section), Paris, Mouton & Co, 1966, page 144). « Les mulhousiens qui payaient la houille de la Saône 6062 francs la tonne en 1826 la reçoivent à 39,50 francs, une fois la liaison Rhône-Rhin établie. De Mons à Paris, le prix de la tonne kilométrique est passée de 10,50 centimes à 2,85 centimes entre 1830 et 1849. » (Voir Denis Woronoff, Histoire de l'industrie en France du XVIe siècle à nos jours, Paris, éditions du Seuil, collection de poche Histoire, 1994-1998, page 228 (ISBN 2-02-033824-6).
  133. « Construits à grands frais et exploités avec peu de résultats directs, les canaux n'ont pas davantage réussi à générer les gains indirects, les « externalités » que Becquey avait prévues. …Le plan Becquey n'a pas permis, par exemple, de stimuler fortement l'esprit d'association. Les consortiums financiers qui avaient remporté les contrats de prêt se sont en effet convertis comme prévu en sociétés anonymes, parmi les premières et les plus grandes sociétés modernes en France. Mais leur taille et leur précocité même montrent à quel point elles sont restées des pôles isolés, des modèles sans suiveurs. Quelles que soient les intentions des banquiers qui ont continué à contrôler les compagnies jusqu'après le milieu du siècle, l'actionnariat est resté très concentré dans leurs propres mains et dans celles de leurs clients traditionnels. Malgré le rôle occasionnel du capital provincial, la propriété des actions était majoritairement parisienne[246]. …Au-delà de la phase initiale de construction par de grands regroupements de travailleurs, les canaux n'ont absolument pas réussi à égaler l'impact des chemins de fer en tant que créateurs massifs de nouveaux emplois. …Enfin, les canaux n'ont pas réussi à fournir des « liens en amont » pour stimuler, comme l'ont fait les chemins de fer, la croissance d'autres industries en tant que fournisseurs. Les apports de matériaux étaient relativement faibles et en grande partie traditionnels ; les canaux ne nécessitaient que peu de fer et pas de charbon[247]. »
    « Jusqu'à la fin de la monarchie de Juillet, les justifications macro-économiques visant les avantages sociaux de la construction des canaux, d'une part, et sa fonction d'incitation à la croissance, d'autre part, ont continué à être au centre de l'argumentation ; en effet, la rentabilité des nouvelles voies navigables pour le secteur privé n'a même pas été abordée une seule fois… Même dans les dernières années de la monarchie de Juillet, la priorité générale, avant les critères du secteur privé pour la construction des canaux, a ainsi été maintenue, et cette priorité a peut-être été même davantage mise en avant ; la croyance dans le facteur de croissance des canaux a cependant été de plus en plus ébranlée par leur volume de trafic souvent décevant. Cette désillusion est devenue d'autant plus répandue que les chemins de fer se sont annoncés comme un moyen de transport probablement plus efficace encore. Au début, cependant, l'administration et le gouvernement ont peu réagi à ce nouveau mode transport en développement, essayant de minimiser ses effets et permettant au mieux aux chemins de fer de jouer un rôle complémentaire aux canaux[248]. »
  134. Selon Minard, cette erreur tient à l’esprit d’imitation ayant prévalu à l’origine du plan Becquey. Dans son cours d’économie politique, professé en 1847 mais écrit dès 1831 en ayant reçu le soutien de J-B Say, Minard écrit : « Ainsi, c’est principalement à l’esprit d’imitation que nous devons les canaux ouverts en France en 1820 et 1822. L’activité commerciale des canaux anglais, que nous n’avons bien connus qu’après la paix de 1814, nous avait frappés vivement. On a cru qu’il suffirait d’ouvrir des canaux en France pour obtenir un grand commerce intérieur. On n’a pas assez vu qu’en Angleterre un transport considérable de marchandises, et surtout de houille, avait précédé les canaux, tandis que chez nous plusieurs canaux attendrons encore longtemps les marchandises au préjudice des capitaux qu’on y a consacrés prématurément, et qui travaillaient plus utilement ailleurs. » (Minard, « Notions élémentaires d'économie politique appliquées aux travaux publics », in Annales des Ponts-et-Chaussées, Tome XIX, 1850, page 30). « Quand les Anglais se sont livrés aux entreprises de canaux, les petites industries s’étaient déjà développées sous l’influence des libertés publiques. Nos voisins d’outre-mer sont riches, et nous sommes pauvres. Leur industrie formée leur a demandé des canaux, nous faisons des canaux pour former des industries. » (Vallée, De l'Aliénation des canaux, pour faire suite au n° 1 de l'écrit intitulé : Améliorations à introduire dans les Ponts et chaussées, 1829, cité par P. Verley, op. cit., p. 223). Thiers le répètera en 1833 ; « Nos canaux devaient devancer la richesse, tandis qu’en Angleterre la richesse a devancé les canaux. C’était une avance que le Gouvernement devait à l’industrie, et que l’industrie lui rendra un jour avec usure. » (Le Moniteur Universel, 30 avril 1833, p. 1205).
  135. Parmi les vestiges de documents qui devaient vraisemblablement constitués la documentation personnelle du directeur général des ponts-et-chaussées (Becquey, Bérard et Legrand), se trouve la traduction du rapport de William Cubitt, rédigé en 1825, chargé par les promoteurs du chemin de fer de Liverpool à Manchester de visiter la mine de Killingworth, près de Newcastle, afin d'étudier et de faire un rapport sur le fonctionnement des locomotives de George Stephenson qui y sont employées. Le rapport de Cubitt fait également mention d'expériences menées sur le chemin de fer des houuillères d'Hetton construit par Stephenson[250]. À la fin de son rapport, entre autres conclusions, Cubitt privilégie un chemin de fer à un canal : « De toutes les expériences dont j’ai été témoins, de tous les faits tenus à ma connaissance relativement aux railways et aux machines locomotives, sous le point de vue de leur application particulière, aux besoins généraux du commerce, et des moyens qu’elles présentent de réunir des lieux éloignés les uns des autres, et comme mode de transport pour les marchandises, je suis conduit à tirer les conclusions suivantes :
    1° que les railways en fer avec les machines locomotives offrent des moyens compétitifs, praticables, et qui méritent la préférence pour le transport des marchandises et des objets de commerce, et le deviendraient probablement avec le temps pour les voyageurs dans beaucoup de localités[251].
    que les cas où un canal de navigation artificiel pourra soutenir la concurrence avec un bon railway ne se présenteront que très rarement, et que les cas où un railway l’emportera en avantages sur un canal se présenteront en grand nombre.
    3° … »
    Dans une note manuscrite de 1826, qui n’est pas de sa main, Becquey écrit : « On prétend que les chemins de fer discréditeront les canaux ; la question de la prééminence de l’un de ces moyens de communication sur l’autre est très controversée et l’expérience ne l’a pas encore résolue. (…) Je crois qu’il y a des localités où les canaux seront toujours préférables à des chemins [ordinaires], …où les chemins de fer sont d’une exécution plus facile & d’un succès plus certain ; mais quelle doive être l’issue de la lutte entre ces deux modes de transport toujours est-il incontestable que la découverte ou l’importation d’un procédé nouveau mérite toute la faveur du gouvernement. Tel est le résultat nécessaire, inévitable de la science. Les perfectionnemens (sic) se succèdent, s’étendent, se multiplient & loin d’en arrêter le cours, il faut au contraire écarter toutes les entraves qui tendraient à la suspendre. D’ailleurs, Messieurs, ces révolutions de l’industrie ne sont jamais brusques, les effets ne s’en propagent qu’avec lenteur et les virements qui peuvent en résulter ne s’opèrent jamais que par degrés presqu’insensibles[252]. »
  136. Dutens (bibliographie) dans son rapport de 1819, page 85, estime : « tout en reconnaissant l’utilité des chemins de fer dans les grands ateliers publics, aux abords des usines et des mines, et pour correspondre de ces points aux canaux, on [l’auteur] pense que, dans l’état actuel des choses, ils ne peuvent que rarement faire partie de grandes lignes de navigation. » C’est cette articulation, réduite dans l'espace, entre chemin de fer et canal qui l’amène, page 61, à faire un descriptif succinct des « chemins de fer (rail-ways) » en se référant à de Gallois [NB : ce descriptif est utilisé dans son ouvrage de 1829, Histoire de la navigation intérieure, Tome I, page 194 pour décrire le chemin de fer de Saint-Étienne à la Loire].
    Cette opinion restrictive de l'emploi des chemins de fer est à rapprocher de celle de Cordier qui, dans son ouvrage de 1819 (Histoire de la navigation intérieure…) traduisant John Phillips (A General History of Inland Navigation…)[253] s’agissant des canaux en Angleterre, décrit les « rail-ways » (traduits indistinctement par « chemin de fer » ou « routes de fer ») comme un moyen de relier sur courte distance deux canaux entre eux, des houillères à des forges, un canal à une carrière de pierre, ou même le canal de Paddington à Londres aux docks des Indes occidentales. Dans son ouvrage de 1823[254], Cordier précise qu’en Angleterre les « routes en fer », plus avantageuses que les canaux, sont dirigées des mines, ou carrières, vers un canal voisin ou la mer. Elles seront applicables en France lorsque le prix du fer et de la fonte sera réduit de moitié et pourront, alors, compléter le système de navigation intérieur (page cliij). Toutefois, il distingue deux types de « route en fer » (chemin de fer) : à « bandes plates » et à « bandes saillantes »[255]. À titre d'exemple de cette opinion restrictive associant les deux modes de transport [voie ferrée / voie navigable], le projet de Minard de 1822 (conçu en 1821) d’un canal couplé à un chemin de fer pour le transport de pavés à Paris[256]. Par contre pour Brisson : « Il [l'auteur] présume au reste [qu’aux canaux] on pourrait souvent avec avantage substituer des chemins de fer, tels que celui qui, dans peu d’années, sera en pleine activité par Saint-Étienne, entre la Loire et Andrézieux, et le Rhône à Givors et ensuite à Lyon. » (Brisson (bibliographie), 1829, pages viij et ix de l’avertissement de l’éditeur et page 101 qui est une reprise de la rédaction des « Leçons » faites par Brisson dans à l’École des ponts et chaussées[257] [NB : Ouvrage posthume dont la préface précise qu'« il était achevé depuis plusieurs années »].). À cet égard, un chemin de fer pourrait se substituer à un canal pour des raisons économiques ou techniques[258]. L’administration des arts et manufactures, dont Becquey fut le directeur en 1814, était elle aussi informée des développements du chemin de fer[259].
  137. Surveillance des machines à vapeur, contrôle des mines, autorisation des concessions minières, appui aux exploitants, avis sur la création d'usines sidérurgiques… (Voir André Thépot, Les ingénieurs des Mines au XIXe siècle. Histoire d'un corps technique d’État, Tome 1 (1810-1914), éditions ESKA/Institut d'histoire de l'industrie, Paris, 1998. L’auteur précise que « Cette conscience aiguë de l’importance des transports explique que les ingénieurs des mines aient été très vite attirés par les chemins de fer » (p. 371). Le même auteur écrit : « Comme spécialiste à la fois de la métallurgie et des machines à vapeur, il était normal que l’on fît appel à eux… Ils furent les premiers à en construire avec Beaunier qui réalisa le fameux chemin de fer de Saint-Étienne à Andrézieux. » - André Thépot, Les ingénieurs du Corps des Mines, Centre de recherche sur la culture technique, 1984, page 60).
    Dans leur ouvrage Plan d'écoles générale et spéciales pour l'agriculture, l'industrie manufacturière... (Paris, Bachelier, 1833), Gabriel Lamé et Émile Clapeyron s'interrogeaient : « N’est-il pas étonnant que les chemins de fer et les ponts suspendus n’aient pas été importés en France par des ingénieurs des ponts-et-chaussées ? » (page 125), et de rappeler que « Ce sont eux [les ingénieurs des mines] qui ont fait sentir les premiers en France l’utilité des chemins de fer » (page 127). Clapeyron et Lamé ont rédigé, en 1831, un projet de système de chemin de fer ; « Le colonel Lamé est, conjointement avec son collègue [Clapeyron], l’auteur du projet développé dans un mémoire précédemment transmis à Paris, d’établir en France un vaste système de chemin de fer et grands chariots à vapeur destinés à la fois aux communications commerciales, pendant la paix, et à un rapide transport des forces défensives, en cas de guerre. » (Lettre du 28/16 novembre 1831 à St Pétersbourg du baron Bourgoing, ambassade de France en Russie, au président du Conseil (AN F1427182 et F1427292)).
    Il est symptomatique que le premier bureau des chemin de fer créé au sein de la direction générale des ponts-et-chaussées, en 1833, est confié à un jeune ingénieur des mines ; de Boureuille.
  138. Notamment :
    • Moisson Desroches en 1814 aurait adressé à Napoléon Ier un mémoire intitulé Sur la possibilité d'abréger les distances en sillonnant l'empire de sept grandes voies ferrées ;
    • Burdin en 1815 fait paraître un article faisant valoir l’intérêt de « nouveaux moteurs [locomotives à vapeur], plus abondants, plus répandus et moins dispendieux que ceux connus jusqu’à présent » pour remplacer les chevaux et, ainsi, diminuer les coûts de transport des marchandises[260] ;
    • de Gallois en 1818, à l'issue d'un voyage d'étude en Angleterre à visiter les ateliers de Londres et à observer les détails pratiques de l’utilisation du fer et la fonte, rédige un mémoire sur les mines et usines à fer d'Angleterre dont une partie est consacrée au chemin de fer qu’il a pu observer dans les établissements miniers qu’il visita[261] ;
    • Héron de Villefosse, dans son ouvrage De la Richesse minérale… en 1819, mentionne le chemin de fer comme solution pour faciliter le transport de la houille des mines vers un lieu d’expédition sur un fleuve[262] ;
    • Beaunier en 1821, accompagné De Gallois et de Marcellin Boggio (concessionnaire de mines de houille et actionnaire de la Compagnie des mines de fer de Saint-Étienne. Négociant de charbon, propriétaire d’un magasin sur le port d’Andrézieux), se rend en Angleterre pour étudier de près la construction des chemins de fer, dans le cadre d'un projet, comme l’avait imaginé le Conseil général des Mines, visant à associer un centre d’enseignement (école des mineurs de Saint-Étienne) à un centre d’industries (mines, sidérurgie, chemin de fer) afin de former des techniciens et mettre en pratique des techniques nouvelles[263].
  139. Au lendemain de l'Empire, « en dépit des efforts réalisés, le charbon reste cher, pauvre en houilles grasses propres à la cokéfaction et pénalisé par ses gisements excentrés (Anzin, Saint-Étienne, Rive-de-Gier) qui élèvent le prix du transport en moyenne à la moitié du coût de production, quand ce n'est pas les deux tiers » (F. Démier (bibliographie), page 374) [NB : la sidérurgie au coke en substitution du charbon de bois et la fabrication de fers dans des forges animées par la force motrice d'une machine à vapeur, alimentée préférentiellement au coke, et non plus par la force motrice hydraulique, participent de la révolution industrielle].
    Cordier, en 1814, écrit : « Le système de notre navigation intérieure n’est pas aussi perfectionnée qu’on pourrait le croire, et qu’il pourrait l’être au voisinage de plusieurs grandes mines de houille, lesquelles donnent de faibles produits par suite de cette imperfection. » Il précise, par exemple, que les 100 kg (quintal métrique) de charbon payé 0,93 F. sur les mines de Rive-de-Gier supportent 4,27 F. de transport de navigation jusqu’à Bordeaux. Le charbon de Saint-Étienne payés 0,62 F. sont grevés de 4,09 F. pour atteindre Paris[264].
  140. Par exemple :
    • Traction (par relais) animale (chevaux, bœufs) puis locomotive[265] lourde, fragilisant la voie ferrée, à faible rendement (la chaudière tubulaire pour locomotive à vapeur est mise au point par Marc Seguin à la fin des années 1820), incapable de gravir des pentes sauf à construire des ouvrages d’art (pont, tunnels, remblais, déblais) renchérissant le coût d’établissement, et dont le coût d’exploitation est supérieure à la traction hippomobile (panne, chaudière sujette à explosion, réparation/entretien, coût indirect [accident envers un tiers, détérioration de la voie ferrée]) ;
    • Rails en fonte moulée cassants puis en fer forgé peu résistants, écartement de la voie aléatoire car les rails sont posés sur des dés de pierre non solidaires entre eux ;
    • Exploitation contrariée par des plans inclinés, des voies uniques (au début), des courbes serrées (seule la ligne Saint-Étienne - Lyon présente un tracé favorable à l'exploitation, malgré trois relais, grâce à la clairvoyance technique de Marc Seguin), le libre parcours de véhicules appartenant à des entreprises de transport différentes (le chemin de fer considéré comme une route ouverte à tous) ;
    • Sécurité mal assurée pour les employés et les personnes étrangères à la compagnie exploitante : absence de clôture restreignant l'accès à la voie ferrée, accident au croisement avec les chemins de terre, absence de signalisation.
  141. À l'instar des chemins de fer existant à l'époque en Grande-Bretagne conçus, dans le plus grand nombre de cas, pour desservir le carreau de mine ou pour convoyer la houille vers un canal/une rivière, ou un port de mer, comme ont pu le décrire les observateurs les visitant[266], les premiers chemins de fer en France, de courte distance, ont vocation à désenclaver un bassin houiller :
    • chemin de fer de Saint-Étienne à Andrézieux considéré comme une annexe des exploitations minières pour apporter la houille en un point de la Loire navigable sans trop de danger pour les bateliers (17 km selon un tracé sinueux apparenté à une route de montagne, sollicitation en 1821, concession en 1823, ouverture en 1827) ;
    • projet, en 1823, d’un chemin de fer entre les mines de Gardanne et le port de Marseille (~25 km)[267] ;
    • chemin de fer de Saint-Étienne à Givors (et Lyon) pour concurrencer le canal de Givors (concession à perpétuité) au tarif prohibitif, et prolongé jusqu’à Lyon à la demande de l’administration (58 km dont une section terminale à Terrenoire à forte déclivité malgré un tunnel pour amoindrir la pente, sollicitation en 1825, concession en juin 1826, ouverture partielle en 1830) ;
    • chemin de fer de la Loire en substitution de la partie amont du canal projeté de la Haute-Loire[188], de Roanne jusqu’à l’embouchure du Furand (Furan) à Andrézieux et venant en complément de la partie du canal entre Digoin et Roanne (66 km dont un long passage à travers un relief tourmenté franchit au moyens de 4 plans inclinés, sollicitation en 1827, concession en juillet 1828, ouverture en 1833) ;
    • chemin de fer d’Épinac au canal de Bourgogne en substitution de la canalisation de l’Arroux (28 km avec 2 plans inclinés, sollicitation en 1828, concession en 1830, ouverture en 1837).
    À l’inverse, des voies ferrées de grande étendue projetées ne voient pas le jour :
    • chemin de fer latéral au Rhône en remplacement du canal projeté[268] ; en 1825, se forme une Compagnie du chemin de fer latéral au Rhône regroupant des chefs de maisons de commerce et de banque à Paris qui sollicitent une concession d’Arles à Lyon (250 km)[269]. Suivi, en 1826, d’un projet Avignon-Lyon de Delorme[270] ;
    • chemin de fer du Havre à Paris par Navier en 1826 (220 km) en substitution d’un projet de canal maritime de Paris à la mer[271] ;
    • chemin de fer de Saint-Dizier à Gray et Verdun (250 km) par Fournel et Margerin[272] en 1828, complété à chaque extrémité de la canalisation de la Saône et de la Meuse[273].
  142. « L’année 1832 marque le véritable point de départ. Elle fut celle d’une première prise de conscience : la « question des chemins de fer » devint l’un des enjeux majeurs du débat sur la modernité au sein des élites française »[275].
    Cette année-là, en septembre 1832, d'Argout, ministre du commerce et des travaux publics, annonce la mise en place une commission d’étude pour arrêter un projet de système de chemin de fer comportant six lignes rayonnant autour de Paris, qui n’est pas sans analogie avec le réseau routier[276]. La même année, un groupe d’ingénieurs (G. Lamé, É. Clapeyron, S. et E. Flachat) publie un ouvrage phare en matière de travaux publics[277]. Ses auteurs proposent d’associer voies navigables et chemins de fer pour des raisons de coûts (l’un comme le complément de l’autre), de faire appel au concours de l’État sous la forme d’une garantie d’intérêt (l’initiative privée étant trop frileuse à s’investir dans des projets dont le retour sur investissement n’est pas suffisamment assuré) et de distinguer deux catégories de voies de communication (canaux de grande section et chemins de fer de premier ordre, canaux de petite section et chemin de fer de second ordre). Cet ouvrage est concomitant des projets ferroviaires du saint-simonien Michel Chevalier exposés dans son livre Exposition du système de la Méditerranée[278].
    L'année suivante, la loi du 27 juin 1833[213] ouvre un crédit de 500 000 F pour des études de chemin de fer[note 116]. La loi est suivie de la désignation des ingénieurs chargés de l’étude des lignes de chemin de fer[279]. À l’occasion de la présentation du projet de loi, Bérigny énonce la doctrine de la complémentarité retenue par l’administration qui va inspirer la politique du rail et de la navigation intérieure pour les décennies à venir ; le trafic naturel des canaux est le fret lourd et encombrant, tandis que le trafic naturel du chemin de fer est celui des passagers et des marchandises légères. Le chemin de fer et le canal ne se feraient pas concurrence, mais s'entraideraient dans le cadre d'un système de transport combiné[280].
    Déjà en 1829, Polonceau préconisait de substituer un chemin de fer à la partie du canal projeté de la Seine au Rhin, entre Vitry et Strasbourg pour la traversée de quatre vallées transversales soit quatre points de partage et 182 écluses pour une distance de 63 lieues seulement. « …on sait qu’à l’exception des marchandises d’encombrement et de peu de valeur, le commerce met un grand prix à la célérité du transport à raison de l’instabilité des cours de vente, de la réduction des intérêts des valeurs transportées et qu’il convient par ce motif, à la payer plus chère… l’avantage de la célérité dans les transports s’accroit comme le développement de l’industrie. Plus la concurrence augmente, plus le commerce éprouve le besoin de la célérité et se trouve disposer à la payer. On doit donc penser que les avantages déjà incontestables des chemins de fer sur les canaux ne pourront que s’accroître ; que par la suite on verra des chemins de fer s’établir à côté des canaux d’un tarif plus élevé et leur enlever leurs produits, comme on le voit déjà en Angleterre, … et en France, par l’établissement du chemin de fer de St Etienne à Lyon, à côté du canal de Givors. » Les accidents sur un chemin de fer (rupture d’une « barre ») ont des conséquences moins graves (le remplacement d’une « barre » s’effectue facilement et promptement) que pour un canal (voie d’eau dans un bief ou dans une rigole alimentaire) qui oblige à interrompre entièrement la navigation. Les réparations d’un canal ne peuvent s’effectuer que pendant la plus saison favorable de l’année pour la navigation, tandis que sur un chemin de fer les réparations peuvent s’effectuer la nuit. Sur les dénivelés, un canal prend plus de longueur car chaque écluse doit être construite sur un plan horizontal alors qu’un chemin de fer peut se satisfaire de pentes sans palier (avec une pente de 4 à 5 ‰ par km on gagne de 20 à 25 m de hauteur par lieue). De plus, un chemin de fer peut se construire progressivement (voie unique puis double voie au fur et à mesure de de l’augmentation du trafic et que les bénéfices s’élèvent). Enfin on peut facilement établir des embranchements sur un chemin de fer pour relier une usine ou une mine[281].
    Au début de l'année suivante Cordier, au retour d’un voyage en Angleterre préparé au second semestre 1829 pour étudier les routes et le procédé Mac Adam, ne manque pas d’écrire à Becquey son enthousiasme sur les chemins de fer ; « En visitant les grandes manufactures, où peu d’étrangers sont admis, il m’a été facile de reconnaitre par les progrès immenses faits de puis six ans, que nos principales branches du commerce sont menacées d’une ruine prochaine si nous ne faisons pas les mêmes progrès. Mais les efforts isolés de nos manufacturiers seraient impuissants si nous n’arrivons pas à perfectionner les moyens de transport en réduisant les frais et le temps de voyage. Tout ce qu’on a dit de fabuleux du chemin de fer de Liverpool à Manchester ne sont que la réalité ; j’ai fait sur cette route et sur plusieurs autres huit lieues à l’heure, et je pourrai facilement écrire (que) le premier résultat inespéré de cette route non achevée a été de produire une réduction de 4/5 sur les frais de transport par le canal parallèle [canal de Bridgewater]. On s’occupe maintenant de dresser des projets considérables. Il y aura sans doute en Angleterre, comme en France, de grandes erreurs et pertes (de temps) dans le choix dans le choix du tracé et des lieux, et dans le mode d’aliénation, mais en définitive, on arrivera sous peu d’année à créer des routes d’une extrémité à l’autre de l’Angleterre et à donner une nouvelle supériorité aux diverses branches de du commerce[282]. »
  143. Déjà auparavant des observateurs ne s’illusionnaient pas de la force supposée des canaux à combattre la concurrence des chemins de fer dans le contexte technique de l’époque ; « Les chemins de fer sont un monopole, il faut une concurrence au monopole des chemins de fer, et la meilleure concurrence contre les chemins de fer, ce sont les canaux… Eh bien, je ne pense pas que, si le point de départ est vrai, la conséquence qu’on en tire soit logique et juste… s’il est vrai qu’il faille une concurrence contre le monopole [des chemins de fer], il est insensé de le demander aux canaux, parce que ces canaux sont une puissance inférieure à l’autre puissance, et que jamais on ne pourra obtenir une concurrence de forces inégales contre une force supérieure… la concurrence des canaux pourrait devenir possible contre les chemins de fer à d’autres conditions. La première condition, ce serait que les canaux fussent en voie de grands progrès d’amélioration. La seconde condition, ce serait que les chemins de fer fussent au contraire stationnaires. Eh bien, c’est le contraire ; je crois, pour mon compte, que les canaux sont en voie d’amélioration, mais progressivement, mais très lente, parce qu’ils sont arrivés à peu près à l’apogée de leur perfectionnement ; ils ne peuvent se perfectionner. Je dis qu’on est arrivé à peu près à connaître ce qu’on peut tirer des canaux. Pour les chemins de fer, au contraire, c’est l’inverse, on est à peu près au commencement, et dès le début, les chemins de fer triomphent ; ils écrasent, il faut le dire, les canaux qui sont arrivés à leur apogée. » (G. de Beaumont, chambre des députés, Suite de la discussion du projet de loi tendant à affecter des crédits pour l’achèvement de différents canaux, Le Moniteur Universel, 17 février 1846, p. 408).
  144. « En réalité, l’État a toujours souhaité confier au privé la construction du réseau après que les ingénieurs des Ponts et Chaussées eurent mis en conformité ses grandes lignes avec le projet d’unification du marché nationale. Becquey a exploré pour cela toutes les possibilités de la province et est intervenu auprès des chambres du commerce. En vain. C'est le privé qui s’est révélé défaillant et l’État qui a alors permis d'apporter à l’appareil économique une infrastructure utile au capitalisme français. Il s'agit toutefois d'une forme de coopération originale entre un État moderne et le privé qui démontre la convergence et non le conflit entre les deux acteurs du développement » (Voir F. Démier (bibliographie), p. 432).
  145. Les textes de Dutens qui servirent à la préparation du « plan Becquey » ne donnent aucune données solides pour juger si les canaux sont, ou non, une bonne affaire. Pourtant les réflexions sur calcul économique des ouvrages publics est ancien et des ingénieurs contemporains de Dutens élaborèrent des formules de calcul[182].
  146. « Un grand nombre de nouveaux canaux à point de partage a été concédé, et l'on a ainsi augmenté le nombre et l'étendue des voies navigables artificielles sans rien changer, sans rien améliorer aux cours d'eau naturels, entre lesquels ces lignes étaient interposées[287]. » «…les canaux de France, pour la presque totalité, sont isolés et sans liens entre eux ; il n’existe pas en France une seule ligne de navigation complète ; partout des canaux aboutissant à des rivières dont la navigation est dans le plus mauvais état[288]. » « Si les canaux avaient fait disparaître les lacunes qui séparaient les fleuves, ceux-ci ne permettaient pas aux bateaux des canaux de passer en toute saison d’un canal à l’autre. À leur tour, les rivières semblaient être des lacunes entre les canaux[289]. » L’amélioration de la navigabilité des rivières (obstacles formés par les bancs de sable, un faible étiage, les hauts-fonds, les rapides…) a été en partie résolue à partir de la fin des années 1830 grâce au procédé Poirée du barrage mobile, bien que sa diffusion fut lente par les perfectionnements progressifs du procédé et les réticences de l’administration à engager de telles dépenses supplémentaires pour les rivières[290]. « Pourtant, il est difficile de croire que de telles difficultés, qui coûtent du temps et de l'argent et découragent les longs transits, étaient moins graves en Angleterre où les compagnies privées de canaux ont souvent érigé des obstacles au transbordement sur les itinéraires de compagnies rivales et où tout un réseau de canaux étroits s'articulait mal avec les larges canaux plus récents[291]. »
  147. «…Lorsque M. de Villèle avait demandé à la Direction des ponts-et-chaussées des projets de canaux, on y avait recueilli a la hâte les documens, plan et devis qui y existaient, et, sans examen plus approfondi, on en avait produit au ministre les résultats généraux, résultats nécessairement très-incomplets ; car, pour la presque totalité, ils ne s'appuyaient d'aucun des travaux préparatoires sur lesquels ou peut établir de bonnes évaluations. Ainsi, pour la plupart de ces canaux, après la loi de concession, au lieu de se mettre à l'œuvre, on se mit à l'étude. »[292] « Les hommes à grandes idées, comme il en existe toujours, ne se contentèrent pas plus à cette époque [1821-1822] que maintenant de projets modestes, appropriés à nos ressources et à nos besoins. Ils voulurent doter la France d'un système complet de navigation, sillonnant de part en part notre territoire. Ils trouvèrent insuffisante la loi proposée par le ministre. Ils s'adressèrent à l'administration, qui ne consent guère à avouer son impuissance, et encore moins à refuser des crédits qu'on lui offre. Aussi vit-on sortir des cartons ministériels, et se produire tout d'un coup au grand jour une foule de plans mal étudiés, comme l'expérience l'a démontré depuis ; et de là bien des mécomptes[293]. » Pourtant selon l’ingénieur des ponts-et-chaussées Berthault-Ducreux[294] ; « On a dit, pour expliquer l'augmentation dont il s'agit, que l'administration avait déguisé à dessein une partie de la dépense probable dans la crainte d'effrayer les Chambres et de ne pas obtenir les crédits dont elle avait besoin... Reportons-nous à 1821… à cette époque peu de ses ingénieurs avaient eu à exécuter des voies de ce genre [canaux], peu en avaient l'expérience pratique… Dans cet état de choses, et pressés comme ils l'étaient de seconder les vues du gouvernement, de profiter de ses bonnes dispositions, l'administration et les ingénieurs pouvaient-ils éviter de mettre de la précipitation, ceux-ci à la rédaction des projets, celle-là à leur acceptation ?... » Et de citer Lamé, Clapeyron et Flachat[295] et le tome III de l'Encyclopédie nouvelle[296]. » À la même époque, Henri Fournel calculait que le coût moyen des canaux relevant des lois de 1821-1822 pour les sections construites avant 1820 était de 21,65 F/km (51 432 990 F dépensés avant 1820 ÷ 2 374 857 m (ou 594 lieues) longueur des canaux de 1821-1822), de 54,15 F/km pour 128 600 000 F empruntés en 1821-1822 et de 111,83 F/km en 1837 au total avec les compléments (85 345 448 F) de crédits votés. Ainsi, en 1820, le coût moyen de construction était de 75,80 F/km (21,65 + 54,15 F/km) à comparer à 142,88 F/km le coût moyen des autres canaux construits entre 1642 (Briare) et 1820 (St-Quentin). En 1821, si l’on avait tenu compte de ce coût moyen des canaux construits, il eut fallu solliciter des prêts pour un montant de 340 MF (2 374 857 m x 142,88 F/km → 339,319 568 MF). « Pour moi, je soupçonne que si certains hommes avaient dit leur pensée toute entière en 1821, nous ne serions pas plus riches aujourd’hui, et nous aurions six cents lieues de canaux de moins ; je ne puis me défendre de remercier ces hommes d’avoir laissé croire à un chiffre impossible, puisque cet innocent mensonge nous a valu un immense bienfait, qui nous eût été refusé à coup sûr si l’on eût demandé 340 millions, ce qui n’eût été, pourtant, que le chiffre fourni par l’expérience, de 142 fr. 88 cent. par mètre courant[297]. »
  148. « Le plus gênant pour les opposants était leur incapacité à trouver un contrôle indépendant des affirmations du gouvernement sur les recettes de péage que les canaux allaient générer. Quelle quantité de fret serait transférée vers ces nouvelles voies de transport ou générée par celles-ci ? Quel serait le coût du transport de marchandises sur ces nouveaux canaux par rapport aux moyens de transport existants ? Quel serait l'effet de divers tarifs de péage sur les coûts du fret sur les canaux et sur la compétitivité des canaux, et quelle devrait donc être la politique du gouvernement en matière de tarifs de péage ? Les députés ont reconnu l'importance de ces questions, mais les informations à leur sujet étaient si rares et peu fiables que les débats de 1821 et 1822 sur les recettes des canaux se sont déroulés dans un vide d'ignorance. … Il est certain que le problème de l'obtention d'informations utiles sur le trafic actuel était extraordinairement difficile pour l'administration elle-même. Elle surveillait et mesurait assez bien le commerce extérieur par l'intermédiaire du service des douanes mais, même dans ce cas, le commerce de transit échappait à la quantification. Le service des impôts indirects du Trésor public percevait des péages sur les rivières et les canaux de l'État, mais la lumière que ses activités apportaient au débat sur les recettes de péage sur les futurs canaux vacillait en effet. … Les canaux concédés à titre privé, comme les canaux de Briare et du Midi, ne fournissent aucun chiffre. Enfin, comme personne ne réglementait vraiment le trafic routier, il n'était pas comptabilisé. … En réalité, en 1822, personne en France ne semble se faire d'illusions sur les bénéfices directs des nouvelles voies navigables. C'est précisément la prise de conscience qu'aucune estimation fiable des coûts et des revenus n'était possible qui a empêché les capitalistes et les spéculateurs d'organiser des compagnies concessionnaires pour entreprendre le plan Becquey…[298] »
  149. Malgré les critiques faites au corps des Ponts-et-Chaussées, l’opinion ne semblait pas vouloir s’en passer ; « Les débats de 1821-22 montrent que même les plus ardents partisans des compagnies concessionnaires n’étaient pas prêts à leur permettre le contrôle technique de leurs propres projets. Becquey ne l’était certainement pas. … Pourtant, même les partisans les plus libéraux des compagnies de canaux et les plus sévères critiques du Corps des ponts-et-chaussées en 1821-22 ne pouvaient concevoir de contourner le Corps comme seul dépositaire en France d'une autorité technique suffisante pour planifier et construire le réseau de canaux… En tout cas, beaucoup des premiers canaux américains et anglais bon marché ont été reconstruits en une génération avec des dimensions et des spécifications de matériaux plus proches des normes françaises initiales[299]. » Dans les décennies suivantes, d’aucun estimait préférable des constructions moins coûteuses quoique moins durables[300].
  150. Lors des débats parlementaires à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’expropriation pour utilité publique en 1833, Thiers, ministre du commerce et des travaux publics, indique que le Trésor à du débourser 20 MF d’indemnité d’expropriation : « …de la législation existante il est résulté pour le Trésor, relativement aux canaux, une perte de plus de 20 millions. » (Voir Archives parlementaires, Tome 79 (18 janvier 1833 au 18 février 1833), chambre des députés, session du 1er février 1833, page 308 (sur le site Gallica de la BNF) Le député comte de Rambuteau complète en indiquant : « Dans la partie des canaux, seulement, il en a coûté 22 millions au Trésor par l’exagération du prix des terrains. » (ibidem page 313). Le même lors de l’examen du budget du ministère du commerce et des travaux publics à la session du 22 février 1833 (chapitre XL - « fonds extraordinaire des canaux ») indique : « …une des causes principales de l’excédent est le règlement des indemnités de terrains, qui s’élèvent à 22 millions, non compris les dépenses extraordinaires auxquelles ont donné lieu les fausses manœuvres, les résiliations de marchés, les pertes causées par les retards de prise de possession [des terrains expropriés], et qu’on peut estimer à environ 10 millions. Ce surcoût de charges de 32 millions est dû en grande partie au vice de notre législation en matière d’expropriation pour cause d’utilité publique. » (Voir Archives parlementaires, Tome 80 (19 février 1833 Au 9 mars 1833), chambre des députés, session du 22 février 1833, page 206 (sur le site Gallica de la BNF))
  151. « Les compagnies financières n'étaient pas composées du large éventail de Français dont Becquey avait espéré qu'ils deviendraient une communauté nationale pour les canaux et le germe de l'esprit d'association, mais le partage [des revenus] et les sociétés par actions auxquelles elles donneraient naissance pourraient être un autre moyen, quoique secondaire, d'étendre la portée du programme des canaux. Le partage a aidé le gouvernement et ses partisans largement conservateurs à rationaliser les « onéreuses » compagnies financières pour qu'elles servent les intérêts permanents de nombreuses familles et communautés dans les générations futures plutôt que les calculs financiers immédiats et froids d'une poignée de capitalistes parisiens[301]. »
  152. Avec les réserves méthodologiques retenues pour la construction des indices d’évolution du cours des actions des sociétés de canaux (Voir G. Nieradzik (bibliographie) pages 493-496). La rentabilité des canaux construits antérieurement au « plan Becquey » aux frais de l’État n’est guère meilleure ; 3 à 4 % du capital investi pour le canal du Languedoc, 3 % pour le canal du Centre et 2,5 % pour le canal de Saint-Quentin. Pour autant, il n’est venu à l’esprit de quiconque de contester à l’État qui les a exécutés de ne pas avoir attendu que ces canaux « fassent l’objet de spéculations lucratives[303]. »
  153. Le service d’ingénieurs de l’État pour une compagnie privée concessionnaire d’un canal est apparu, semble-t-il, pour la compagnie du canal Saint-Denis et de l’Ourcq en 1818. Les ingénieurs Coïc et de Villiers furent détachés de l’administration auprès de cette compagnie (Voir Girard, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux et la distribution de ses eaux..., Tome premier, Paris, Carilian Gœury, 1831, page 176).
    Selon, J. Milleret, le passage des ingénieurs dans le « privé » a été encouragé par Becquey. Dans sa critique de l’institution (l’administration centrale) des Ponts & Chaussées, mais non des ingénieurs eux-mêmes, Milleret écrit : « …si nos habiles et savans ingénieurs, au lieu de rester enchainés à leur corps avec de faibles et modiques appointements, avaient la permission d’en sortir, comme l’avait si sagement tenté M. Becquey, ils pourraient s’attacher à des compagnies et y obtenir des avantages considérables, en rémunération de leurs talens et de leurs travaux. S’ils avaient à diriger des grands travaux pour des compagnies… ils sauraient que ces compagnies ont fait une entreprise à leurs frais, risques et périls, et que si elles se ruinent, ils perdent eux-mêmes leurs avantages et compromettent leur réputation ; ils feraient donc d’abord des devis réels et raisonnés… ils sacrifieraient, ensuite, le style monumental et les prétentions artistiques ; ils calculeraient, comme nos entrepreneurs…, le prix immense du temps et, comme nos financiers, la valeur de l’argent. » (J. Milleret, Considérations sur l’établissement des chemins de fer en France, Paris, 1838, p. 16. Commentaire repris dans son autre ouvarge, Des moyens d’établir dans l’espace de 6 ou 7 années un réseau complet de rail-ways en France, Paris, 1842, page 16 note 1).
  154. Le même phénomène se retrouvera à l’occasion de la création des premières compagnies de chemin de fer où, fréquemment, les ingénieurs civils occuperont des places moins élevées que celles des ingénieurs des Ponts & Chaussées et, plus encore, celles des ingénieurs des Mines (Voir Georges Ribeill, La révolution ferroviaire – la formation des compagnies de chemin de fer en France (1823-1870), Paris, Belin, 1993).
  155. « L'on comprend que les compagnies prêteuses, qui voyaient par d'aussi longs retards reculer l'époque où elles entreraient en jouissance des produits du canal, élevèrent des plaintes très vives sur la négligence de l'administration des ponts-et-chaussées, et, à cet égard, sans aucun doute, leurs reproches n'étaient que trop fondés. (…) et c’est à ces plaintes… qu'il faut attribuer surtout les préventions devenues si profondes et si générales aujourd'hui contre l'intervention du gouvernement dans les travaux publics. » « …jamais l'esprit tracassier et mesquin des intérêts privés n'a plus été mis en action que par ces traités, où l'État empruntait à des compagnies qui, étrangères à l'exécution, n'en connaissant nullement les difficultés inévitables, complètement incompétentes par la manière dont elles étaient composées pour juger les moyens employés pour vaincre ces difficultés, n'ont laissé aucun des actes de l'administration sans oppositions[305]. »
  156. Le nouvel ordre libéral qui prévaut au lendemain de l’installation du nouveau régime de la Monarchie de Juillet conduit à la nomination du banquier, et député libéral, Bérard à la tête de l’administration des Ponts & Chaussées qui prend une série de mesures la réformant ainsi que le Conseil général des Ponts & Chaussées ;
    • Circulaire du 30 septembre 1830 instituant un demi-traitement lors des congés des ingénieurs et rappelant « le service à rendre » par ceux-ci dans l’exercice de leur fonction[306] ;
    • Circulaire du 24 octobre 1830 relevant la retenue pour pension sur le traitement des ingénieurs[307] ;
    • Ordonnance du 19 octobre 1830 accompagné du rapport au roi et Circulaire du 22 novembre 1830 sur l’organisation de l’administration centrale et du Conseil général (rappel du principe hiérarchique, réduction des frais de bureau et de déplacement, mise à la retraite d’inspecteurs généraux et divisionnaires, création de deux commissions chargées respectivement, l'une, des routes, ponts et chemin de fer et, l’autre, de la navigation intérieure, réforme du Conseil général présidé par le directeur général)[308].
    Pour l'anecdote, il convient de noter la diffusion d'une circulaire du directeur général des ponts et chaussées portant subsitution de coq gaulois à la fleur de lys sur la casquete des cantonniers[309].
    L’ordonnance du 19 octobre 1830 sera réformée par celle 8 juin 1832 (le ministre dirige l’administration sur rapport du directeur général, le nombre d'inspecteurs divisionnaires est réduit de 16 à 12 et corrélativement le nombre des membres du Conseil général est également réduit, le ministre préside le Conseil général)[310]. Une ordonnance du 9 juin 1832 charge provisoirement Legrand de l’administration des Ponts & Chaussées et des Mines[311].
  157. « Le malheureux précédent des canaux a été alors utilisé par les opposants au gouvernement et à la construction de travaux publics par celui-ci, comme une arme pour attaquer le bilan des Ponts et Chaussées dans la promotion des chemins de fer et pour dénoncer les projets de construction de ces derniers par l'État. Il a été utilisé par les députés[312] et par les intérêts des chemins de fer[313]. … quelle que soit la validité des arguments avancés contre les Ponts et Chaussées, il est clair que l'opposition libérale a utilisé les retards et les dépassements de coûts du programme de canaux comme une arme commode pour attaquer le régime de la Restauration[314]. » (Barrie M. Ratcliffe, “Bureaucracy and Early French Railroads : the Myth and the Reality”, Journal of European Economic History, vol. 18, 1989, pp. 341-342 (Traduction O. Montès in Écrits de Barrie M. Ratcliffe sur les chemins de fer, les saint-simoniens et le développement industriel à Paris, médiathèque Rails & Histoire, cote O RAT 15)).
  158. Ce qui fait écrire Lévy-Leboyer à propos de la loi de 1842 : « Depuis 1821-1822 les positions s’étaient donc renversées ; les canaux avaient été construits par l’administration et financés par des particuliers ; les chemins de fer pouvaient maintenant (cf. amendement de Duvergier de Hauranne à la loi de 1842) être réalisés par des entreprises privées, avec des fonds apportés gratuitement par l’Etat[222]. »
  159. Le bilan des canaux privés anglais n’est guère plus enviable (Voir A. L. Dunham (bibliographie) pages 35-36).
  160. Face aux critiques faites aux Ponts & Chaussées et à ses ingénieurs, Becquey a suscité la publication des travaux des ingénieurs ayant travaillé près de lui tels B. Brisson (voir bibliographie), Essai sur le système général de navigation intérieure de la France (1829), ouvrage posthume publié par l’épouse de Brisson sur les recommandations de Becquey (voir 1re page de l’avertissement de l’éditeur en début d’ouvrage), et J.-M. Dutens (bibliographie), Histoire de la navigation intérieure de la France, avec une exposition des canaux à entreprendre pour en compléter le système (1829) dont la préface du Tome 1 page x précise que l’ouvrage a été commencé « il y a plus de huit années, interrompu pendant long-temps… ».

Références

  1. Voir F. Démier (bibliographie).
  2. Voir également F. Démier, La politique économique de la Restauration : le choix de la modernité ?, in J.-Cl. Caron et J.-Ph. Luis (sous la dir.), « Rien appris, rien oublié ? Les Restaurations dans l'Europe postnapoléonienne (1814-1830) », Rennes, Presses universitaires de Rennes (collection Histoire), 2015 (ISBN 978-2-7535-4268-6).
  3. Pour une présentation résumée des notions d’utilité, d’échange, de liberté économique et politique, de nécessité continuelle de l’entrepreneur à s’adapter à un environnement constamment changeant, voir Gérard Minart, Aspects pratiques et théoriques de l'entrepreneur dans la vie et l'œuvre de Jean-Baptiste Say, in revue Innovations, vol. 45, no 3, 2014, « Jean-Baptiste Say et la libération des forces de production », pp. 217-234.
  4. Sur l’émergence des libéraux industrialistes (ou « Industrialistes ») au sein du courant libéral pendant la Révolution et sous l’Empire, et de leur volonté de donner la primauté au développement du secteur manufacturier au détriment du secteur agricole dans le face à face contre l’Angleterre pour ne pas lui laisser une hégémonie sur le marché mondial, voir Francis Démier, Les « économistes de la nation » contre « l’économie-monde » du XVIIIe siècle, in Gilbert Faccarello et Philippe Steiner (sous la dir.), « La pensée économique pendant la Révolution française », Actes du colloque international de Vizille (6-8 septembre 1989), Grenoble, PUG, 1990 (ISBN 2-7061-0397-3) ; « Leurs idées [les « économistes de la nation »] s’imposent au lendemain de l’Empire dans la politique des échanges définis par Becquey directeur de l’agriculture, du commerce et des manufactures au ministère de l’Intérieur et contribuent à rendre irréversible l’idée que la France doit être une nation manufacturière et capitaliste y compris dans l’esprit de ceux qui entendent œuvrer en faveur d’une « restauration ». » (p. 300).
  5. Sur la définition de l’« usine à l’anglaise » et son implantation en France au début du XIXe siècle, voir Bertrand Gille, Recherches sur la formation de la grande entreprise capitaliste (1815-1848), SEVPEN, 1959. « L'Angleterre ne doit qu'à son industrie le haut degré de puissance où elle est parvenue et les moyens d'avoir à sa solde contre vous une partie des puissances du continent... » (Vivent Magnien, De l'influence que peuvent avoir les douanes sur la prospérité de la France, Paris, 1801, p. 22).
  6. Navier, « De l'exécution des travaux publics et particulièrement des concessions », Annales des Ponts et Chaussées, Paris, Carilian-Gɶury, 1832, pp. 1-31.
  7. « Dans l'ordre économique et social, cela ne veut pas dire une État administrateur de l'économie, mais un État animateur, organisateur, facteur d'impulsion, chargé de stimuler le crédits, de perfectionner et protéger les moyens de production et d'échanges. » (F. Démier, La France du XIXe siècle 1814-1914, Paris, éditions du Seuil - collection Points histoire, 2000, page 26).
  8. Voir Arthur Beugnot (bibliographie).
  9. La prohibition est une politique visant à interdire l'importation ou l'exportation, ou encore la production, d'une marchandise. Elle est une mesure plus contraignante que le protectionnisme. D'usage courant au XVIIIe siècle, le système prohibitif reste employé pour décrire la politique commerciale de la Restauration de 1814 à 1830 (Sur les évolutions du tarif douanier et les prohibitions, voir Émile Levasseur Histoire du commerce de la France. 2e partie - De 1789 à nos jours, Livre III - chapitre II « La formation du régime douanier ultra-protectionniste », Paris, A. Rousseau, 1911-1912 (sur le site Gallica de la BNF) et David Todd, L'identité économique de la France - Libre-échange et protectionnisme (1814-1851), Paris, éditions Grasset, 2008, (ISBN 978-2246711810) (commentaire de l’ouvrage par Claire Lemercier, in Revue d'histoire moderne et contemporaine 1/2010 (no 57-1), p. 252-254 (sur le site Cairn.info)).
  10. Circulaire du 6 juin 1814 aux membres composant les chambres de commerce (demande de documens sur le commerce et l’industrie), in Circulaires, instructions et autres actes émanés du ministère de l’intérieur… de 1797 à 1821, seconde édition, Tome II (1807 à 1815 inclusivement), Paris, imprimerie royale, 1822, page 509.
  11. Voir « Tableau des prix des transports par terre et par eau de Paris aux principales villes de France » (distance en myriamètre) dans le rapport du député Héricart de Thury sur le projet de loi relatif à l’achèvement des canaux (Chambre des députés, session du 11 juin 1821 in Archives parlementaires Tome 32 (du 5 juin 1821 au 12 juillet 1821), page 101 (sur le site Gallica de la BNF). Ce tableau est reproduit, mais sans mention de sa source, à partir de l'ouvrage de Cordier de 1819 sur les canaux anglais (Cordier, Histoire de la navigation intérieure : Particulièrement de celle d’Angleterre..., Tome 1, page liv). « Le tableau indiquait les tarifs de fret par kg et la longueur du voyage en jours pour trois modes de transport : le fret rapide par route, le fret ordinaire par route et le fret par voie d'eau. Les tarifs du fret n'incluent apparemment pas les péages et ne représentent que les frais commerciaux pour le transport par chariot ou par bateau. Le rapport entre les coûts du fret routier ordinaire et les coûts du fret par voie d’eau varie entre les seize itinéraires, de six pour un à deux pour un. Ce tableau peut difficilement être issu d'une étude approfondie et personne ne semble l'avoir pris très au sérieux. Les députés de 1821-22 étaient tous d'accord pour dire que l'utilité des canaux résidait dans le fait qu'ils offraient un transport bon marché. » (Geiger (bibliographie), p. 244).
  12. Lettre du directeur général des ponts et chaussées (M. Becquey) du 12 août 1819 diffusant le mémoire de Dutens (bibliographie), in Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines, Tome deuxième, Paris, Carilian-Gœury libraire, 1829, p. 157. L'ouvrage de Dutens fait également l’objet d’une annonce dans Le Moniteur universel (9 août 1819) et d’un compte rendu (1er article, 27 septembre 1819, 2e article, 28 octobre 1819, 3e article, 4 janvier 1820).
  13. Voir E. Grangez (bibliographie) et F. Lucas (bibliographie).
    Pour les textes législatifs et réglementaires régissant les divers canaux, voir Dalloz, Répertoire méthodique et alphabétique de législation de doctrine et de jurisprudence..., tome quarante-quatrième - IIe partie, Paris, bureau de la jurisprudence générale, 1864, page 735 et suiv.
  14. Frontispice de l'Annuaire du corps royal des ponts et chaussées (année 1822).
  15. Sur la situation des voies navigables à la fin du XVIIIe siècle, voir J. Letaconnoux, Les voies de communication en France, au XVIIIe siècle, in Vierteljahrschrift für Social- und Wirtschaftsgeschichte, vol. 7, 1909.
  16. Voir article de Beaugrin-Gressier Canaux de navigation dans le « Dictionnaire des finances », publié sous la direction de Léon Say, Tome I, Paris, Berger-Levrault et Cie éditeurs, 1889, page 850 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  17. Décret du 25 août 1792 relatif à la suppression sans indemnité de tous les droits féodaux ou censuels, de toutes les redevances seigneuriales annuelles, des péages, des droits de bacs et voitures d’eau, etc. (art. 7, 8 et 9), in Louis Rondonneau, Manuel rural et forestier, ou recueil des lois, arrêtés, décrets, réglemens..., Paris, Bavoux libraire, 1819.
  18. Anne Conchon, Le péage en France au XVIIIe siècle, les privilèges à l’épreuve de la réforme, Paris, Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2002, chapitre XII « La Révolution : suppression et redéfinition du péage » et « Conclusion générale ».
  19. Voir Anne Conchon (bibliographie).
  20. Loi du 30 janvier 1791 relative à la construction du canal projetté par le fieur Brulée, in Collection générale des loix, proclamations, instructions, et autres actes du pouvoir exécutif..., Assemblée nationale constituante, Tome troisième - 1re partie, Paris, Imprimerie royale, 1792, no 490, p. 373 (sur le site Gallica de la BNF).
    Voir également Girard, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux..., Tome premier, Paris, Carilian Gœury, 1831, page 16 à 20.
  21. Rapport fait au nom du comité d’agriculture et de commerce du projet de canal de navigation de Somme-Voires…. préfenté à l’Assemblée nationale par le sieur Mourgue et compagnie, Paris, imprimerie nationale, 1791.
    Loi du 6 mai 1792 relative à la formation d'un canal de navigation depuis Sommevoire, département de la Haute-Marne, jufqu'à la rivière d'Aube, au-deffus de Magnicourt, département de l'Aube, in Collection générale des loix, proclamations, instructions, et autres actes du pouvoir exécutif, Assemblée nationale constituante, Tome neuvième, Paris, Imprimerie royale, 1793, no 1680, p. 40 (sur le site Gallica de la BNF).
  22. Loi du 22 août 1791 relative aux rivières d’Étampes, Effonne et Remard, & aux moyens d'en faciliter la navigation, in Collection générale des loix, proclamations, instructions, et autres actes du pouvoir exécutif, Assemblée nationale constituante, Tome septième, Paris, Imprimerie royale, 1792, no 1230, p. 267 (sur le site Gallica de la BNF).
  23. Sur Guyénot de Châteaubourg, voir Anne Conchon, Entre identité individuelle et détermination sociale : Le cas de Guyénot de Châteaubourg (1743-1824) , in revue Genèses, 2002-2 (no 47), pp. 42-61 (sur le site Cairn info).
    Voir également [Collectif] (sous la direction de Louis Bergeron et Guy Chaussinand-Nogaret), Grands notables du Premier Empire, volume 7 (Georges Clause : Aube – Marne ; Georges Viard : Haute-Marne), Paris, édition du CNRS, 1981 (ISBN 2-222-02847-7), pp. 155-157.
  24. Décret de la Convention nationale du 18 décembre 1792, l'an 1er de la république Françoife, qui autorife le citoyen Auboüin et compagnie, à ouvrir un canal de navigation pour joindre la Vilaine à la Rance, par les rivières de l'Ille & du Linon, in Collection générale des loix, proclamations, instructions, et autres actes du pouvoir exécutif, Assemblée nationale constituante, Tome douzième, Paris, Imprimerie royale, An IIe de la République, no 260, p. 388 (sur le site Gallica de la BNF).
  25. Décret de la Convention nationale, du 26 juillet 1793, l'An fecond de la République françaife, qui autorife le citoyen Clavaux & Société à ouvrir un Canal de navigation pour joindre les rivières d’Eure & de Loir, in Collection générale des loix, proclamations, instructions, et autres actes du pouvoir exécutif, Assemblée nationale constituante, Tome quinzième, Paris, Imprimerie royale, An IIe de la République, no 1447, p. 258 (sur le site Gallica de la BNF).
  26. Courtin, Travaux des ponts-et-chaussées depuis 1800 ou Tableau des constructions neuves, Paris, Goeury, 1812, page 138 et suiv.
  27. Loi 25 ventôse an IX (16 mars 1801) qui autorise le gouvernement à traiter pour l’achèvement des canaux d’Aigues-mortes et de la Radelle. Voir également des extraits du traité du 27 floréal an IX (17 mai 1801) passé avec les compagnies concessionnaires in Dutens (Bibliographie) volume 1, page 179 à 184.
  28. Loi du 30 floréal An 10 concernant l’établissement d’un droit de navigation intérieure, in A.-A. Carette, Lois annotées, ou lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil d’État… (1re série, 1789 – 1830), Paris, Pouleur, 1843.
  29. Loi du 24 fructidor An V (10 septembre 1797) qui ordonne à la perception d'une taxe pour l'entretien des grandes routes (sur le site Legilux.
  30. Loi de finance du 9 vendémiaire an VI (30 septembre 1797) relative aux fonds nécessaires pour les dépenses générales, ordinaires et extraordinaires - art. LXXXIX (sur le site Legilux). Ce texte prévoit la possibilité d’affermer à des particuliers la perception de la taxe d’entretien à des barrières de péage en contrepartie de l'entretien de la portion de route correspondante. En dehors des « grandes routes », l’ouverture [construction] et l’entretien « des chemins de communication » pourront être concédés à des particuliers pour une durée déterminée.
  31. Loi du 24 avril 1806 relative au budget de l’État pour l’an 14 et 1806, Titre VII Du remplacement de la taxe d’entretien des Routes par une Taxe fur le sel… - art. 59, in Recueil des lois de la République Française, Tome IV - cahier X, Bruxelles, G Huyghe imprimeur libraire, p. 106 et suiv.
  32. La loi du 14 floréal an X (4 mai 1802) – Titre IV Enregistrement, droits sur les bacs et sur les ponts » habilite le gouvernement, pour une durée de dix ans, à concéder la construction de ponts à des particuliers qui se rémunéreront par un péage. Ainsi, le gouvernement peut dorénavant agir de lui-même au moyen d'un texte réglementaire (ordonnance, décret) au lieu d'un texte législatif comme auparavant. Les négociations financières avec les concessionnaires postulant s’en trouvent facilitées.
  33. Voir Revue encyclopédique, mai 1829, note (1) bas de page 307.
  34. Notice sur le canal de Saint-Maur in Hachette, Correspondance sur l'École Royale Polytechnique à l'usage des élèves de cette école, tome troisième, Paris, Ve Courcier imprimeur-libraire, 1816, page 207.
  35. Loi du 20 mai 1818 qui autorise la ville de Paris à emprunter sept millions pour l'achèvement du canal de l'Ourcq suivie du traité entre la ville de Paris et la compagnie et complétée de l'ordonnance du Roi, en date du 10 juin 1818, qui approuve le traité passé le 19 avril 1818 entre le préfet de la Seine et les sieurs comte de Saint Didier et Vassal, portant concession pour quatre-vingt-dix-neuf ans du canal, de Saint-Denis et du canal de l’Ourcq, ainsi que les articles supplémentaires au traité, souscrits le 13 mai de la même année. Voir également Girard, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux..., Tome premier, Paris, Carilian Gœury, 1831, page 172 à 174.
  36. Voir Eric Szulman (bibliographie).
  37. J.-B. Marragon, Rapport et projet de décret sur la navigation générale et intérieure de la République, présentés à la Convention nationale, dans sa séance du 24 fructidor an III, au nom des Comités d'agriculture et des arts et des travaux publics, Paris, Imprimerie nationale, an IV.
  38. Moniteur, 10 nivôse an 7 (30 décembre 1798), pp. 409-10. Des enquêtes antérieures, comme en 1793, avaient également utilisé les ingénieurs des Ponts & chaussées pour prendre des renseignements (Perrot, L'âge d'or de la statistique régionale française (an IV-1804), Paris, 1977, p. 16, 17, 25, 44 et 48). L'ouvrage de Jean Antoine Favre, Essai sur la théorie des torrens et des rivières, Paris, 1797, p. 249, a peut-être été l'inspiration immédiate de François de Neufchâteau.
  39. Archives parlementaires de 1787 à 1860…, deuxième série (1800 à 1860), Tome XVI (du 8 janvier au 31 mars 1816), Paris, librairie administrative de Paul Dupont, 1869, page 712 et suiv. Des extraits de son intervention et de son mémoire complémentaire sont repris dans l’introduction de son ouvrage Des canaux navigables considérés d'une manière générale… paru en 1822. (NB : André Guillerme reprend des extraits de l’introduction de cet ouvrage, sans citer son auteur, dans son article Genèse d'une catégorie dans la pensée de l'ingénieur sous la Restauration, in revue Flux, année 1991, volume 7, no 6, pages 9-10).
  40. Jean-Baptiste Say, Des canaux de navigation dans l’état actuel de la France, Paris, Déterville, avril 1818.
  41. Comte Alexandre de Laborde, De l'esprit d'association dans tous les intérêts de la communauté ou essai sur le complément du bien-être et de la richesse en France par le complément des institutions, Paris, Gide fils libraire, 1818.
  42. Projet de loi relatif à la fixation des dépenses de 1819, rapport du comte Chaptal, Chambre des Pairs ; « Depuis quatre ans, uniquement occupés de pourvoir aux engagemens que nous avions contractes , nous avons été forcés d’ajourner les dépenses que réclamaient impérieusement les besoins de l’administration intérieure : les travaux commencés ont été suspendus ; les routes et les canaux ont été imparfaitement réparés… Forcés, pendant plusieurs années, à solder scrupuleusement les engagemens que vous aviez contractés, vous n’avez pu consacrer à des travaux utiles que de bien faibles moyens ; vous avez cru devoir renvoyer a des tems plus opportuns les constructions et même la continuation des ouvrages entrepris ; vous vous êtes sagement bornés à réparer et à entretenir. Aujourd’hui, Messieurs, libérés de toute obligation envers les étrangers, il vous est enfin permis de vous livrer à des améliorations dans l’intérieur ; et, de tous les objets d’une utilité générale, les travaux publics vous paraitront les plus importants : les routes et les canaux animent toutes les parties du corps social ; en multipliant les moyens de circulation, on facilite les communications, on diminue les frais de transport, on perfectionne la civilisation, on porte l’industrie dans les pays les plus reculés, on rend commune, à tous les habitants du Royaume, la jouissance de tous les produits du sol et du commerce. » (Le Moniteur universel, 11 juillet 1819, pp. 1-2)
  43. Opinion du M. le comte Berthollet sur le projet de loi relatif à la fixation du budget des recettes de 1819, in Chambre des Pairs, impressions diverses, session de 1818, tome IV, Paris, Imprimerie de P. Didot, 1819 (en particulier page 16 à 19) ; « S'il est important de coordonner toutes les dispositions particulières par un système général [de canaux], il faut qu'on trace un plan bien combiné de tous les canaux qui doivent établir une communication générale avec les canaux déjà existants, et avec les rivières qui sont navigables ou que l'on peut rendre telles… On formerait…le tableau des communications indiquées par l'intérêt général du royaume et par l'intérêt particulier de chaque département, entre les cinq grands bassins qui divisent la France… Alors les travaux pourraient être distribués et confiés à une association générale, ou à des associations particulières. Des compagnies pourraient calculer avec sûreté leurs intérêts, éviter de fausses spéculations et prévenir les pertes qui décréditent une sorte d'entreprise si avantageuse. »
  44. Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France (bibliographie), page 26.
  45. Voir [collectif], Du milieu naturel aux voies navigables. L'action publique face aux enjeux du développement durable. Bassin de la Seine, XVIIIe-XXe siècle, PIREN Seine (Programme Interdisciplinaire de Recherche sur l'Environnement de la Seine), Analyses rétrospectives – rapport d'activité 2003, Université Pierre et Marie Curie, UMR METIS, Paris, 2003, page 8.
  46. Mémoires du baron d'Haussez, dernier ministre de la marine sous la Restauration, publiés par son arrière-petite-fille la duchesse d'Almazan - Introduction et notes par le comte de Circourt et le comte de Puymaigre, Tome 1, Paris, Calmann Lévy éditeur, 1896-1897, p. 383 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF) (NB : l’auteur qualifie, par erreur, Becquey « d’ingénieur en chef [des Ponts et Chaussées] » (cf. page 385) par confusion avec son cousin Joseph Marie Stanislas Becquey-Beaupré).
  47. Voir Mémoires du baron Portal, Paris, d’Amyot éditeur, 1846, pages 81-83, cité par Pierre de Joinville, Le réveil économique de Bordeaux sous la Restauration : l'armateur Balguerie-Stuttenberg et son œuvre, Paris, librairie ancienne Honoré Champion, 1914, pages 119-120 (sur le site Gallica de la BNF), et repris par Dunham (bibliographie).
  48. Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France (bibliographie), pages 3 et 16-17.
  49. AN, F14138592, folio 77.
  50. Rapport au roi sur la navigation intérieure de la France, Paris, 1820, pp. 29-30.
  51. Brisson, « Estimation approximative des dépenses nécessaires à la construction des canaux qui doivent faire partie du système de navigation de première et de deuxième classe de la France, et dont l'exécution n'est pas encore entreprise », Essai sur le système général de navigation intérieure de la France, 1829, p. 119 et suiv.
  52. Voir Brisson 1829 (bibliographie), page 7 et suiv.
  53. Nathalie Montel, L’État aménageur dans la France de la Seconde Restauration, au prisme du Rapport au roi sur la navigation intérieure de 1820, in « Revue d’histoire moderne et contemporaine », 2012/1 (no 59-1), Éditeur Belin (ISBN 978-2-70-116343-7).
  54. Voir Geiger (bibliographie), pp. 99-106.
  55. Augustin César François de Cheppe (Paris, – Paris (IXe ar.) ), fils de Pierre François de Cheppe, instituteur, et de Marie-Elisabeth-Josèphe Rocq, mariés le . Il entre à la direction générale des ponts et chaussées en 1811 comme « commis d’ordre », nommé en 1814 « rédacteur », en 1817 « sous-chef du secrétariat » et « secrétaire particulier du directeur général », en 1822 « chef du personnel » tout en restant secrétaire particulier de Becquey, en 1832 « chef de la division » des Mines. Il est mis à la retraite le 1er mai 1848. En 1851, il est nommé administrateur de la Compagnie des mines de la Loire jusqu’au démembrement de la compagnie en 1854. Chevalier de la Légion d’Honneur en 1831. Maître des requêtes au Conseil d’État en 1838. (Sources. État-civil : Archives de l’état-civil de Paris, cote 5Mi1 86, vue 40/48 & cote V4E 1060, vue 25/31 (acte 977) ; Pierre François Hercule comte de Serre, Correspondance du comte de Serre (1796-1824), Tome quatrième, Paris, A. Valton, 1876, p. 119 note 2 ; cimetière du Père Lachaise, 4e division - allée latérale nord, sépulture « Famille Lecarpentier » (nom de jeune fille de l'épouse de de Cheppe). Parcours professionnel : dossier personnel AN F1411401 ; archives du Conseil d’État AN BB/30/739 ; Annuaire royal du corps des ponts et chaussées ; Annales des ponts et chaussées-partie administrative, lois, ordonnances et autres actes ; Pierre Guillaume, La compagnie des mines de la Loire (1846-1854), PUF, 1966, p. 15 note (6), p. 56 et Tableau I pp. 232-233. Sur la famille de Cheppe : Emmanuel Michel, Biographie du Parlement de Metz, Metz, 1853, p. 91).
  56. « L'obstacle que l'on rencontre le plus ordinairement dans les négociations qui ont pour objet des concessions temporaires et même perpétuelles, consiste dans la difficulté de présenter une appréciation exacte des produits des péages, dont on ne peut connaître la quotité que longtemps après l'achèvement des travaux. » (Becquey, Rapport au roi, 1820, pp. 20-21 et 30).
  57. Ordonnance du roi, du 29 octobre 1817, portant que le Canal de la Somme portera à l’avenir le nom de Canal du duc d’Angoulême, in Bulletin des lois de du royaume de France, 7e série, tome cinquième, Paris, imprimerie royale, février 1818.
  58. Geiger (bibliographie), p. 123.
  59. Geiger (bibliographie), p. 123, citant André Maistre, Le Canal des Deux Mers ; canal royal de Languedoc, 1666-1810, Toulouse, 1968 pp. 205-232.
  60. Voir Canal de Monsieur et Canal d'Anjou sur la base Mérimée-Architecture (base de données sur le patrimoine architectural français) du ministère de la Culture.
  61. Voir Les salines royales de Dieuze, Office de tourisme de Dieuze.
  62. Antoine Picon, De l'utilité des travaux publics en France au XIXe siècle, Neuilly-sur-Seine, Centre de recherche sur la culture technique, 1992, in Culture Technique no 26 - 1992 (sur le site i-revues de l’Institut de l’information scientifique et technique).
  63. Voir Pierre Musso, Télécommunications et philosophie des réseaux - la postérité paradoxale de Saint-Simon, Paris, PUF, 1988, 2e édition.
  64. Stéphane Flachat, Charles Duveyrier, Henri Fournel et Michel Chevalier, Système de la Méditerranée, article Exposition du système de la Méditerranée, in Politique industrielle et système de la Méditerranée : religion Saint-simonienne, Paris, (s.n.), 1832, page 132 (sur le site Gallica de la BNF).
  65. Michel Chevalier, Lettres sur l'Amérique du Nord, 2 volumes, Tome II, page 3, Paris, Gosselin et Cie,1836 (sur le site Internet Archive).
  66. Constantin Pecqueur, Économie sociale - Des intérêts du commerce de l'industrie et de l'agriculture, et de la civilisation en général, sous l’influence des applications de la vapeur, deuxième édition, Tome I, Paris, Desessart éditeur, 1839, page 335 et suiv.
  67. « ...vous [chambres de commerce] devez jeter les yeux sur la situation où nous place le traité de paix qui vient d’être signé… pour en indiquer les résultats les plus probables… nous sommes à la veille de reprendre, avec les peuples qui nous environnent, nos anciennes relations, ou d’en établir de nouvelles.  » (Becquey, Circulaire du 6 juin 1814 aux membres composant les chambres de commerce (demande de documens sur le commerce et l’industrie), in Circulaires, instructions et autres actes émanés du ministère de l’intérieur… de 1797 à 1821, seconde édition, Tome II (1807 à 1815 inclusivement), Paris, imprimerie royale, 1822, page 509.)
  68. AN F14607B.
  69. Circulaire du 28 août 1820 du directeur général des ponts et chaussées et des mines (M. Becquey) à MM. les préfets, in Th. Ravinet, Code des ponts et chaussées et des mines…, Tome deuxième, Paris, Carillian-Goeury libraire, 1829, page 201.
  70. Le Moniteur Universel, 2 septembre 1820, page 1213. Le Journal des débats politiques et littéraires s’en fait l’écho dans son numéro du 3 septembre 1820, 1re page, 2de colonne in fine. Idem dans le Journal de Paris et des départements, 1re page.
  71. Voir Jomard, Analyse du rapport sur la navigation intérieure de la France ; par M. Becquey, conseiller d’État, directeur général des Ponts-et-Chaussée et des Mines, in Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale, 19e année, n° CXCVI octobre 1820, Paris, imprimerie de Madame Huzard, 1820, page 282.
  72. Registres et recueils des procès-verbaux des séances de l'assemblée générales, séance du 20 septembre 1820 (Archives de Paris, cote 2ETP/1/A/4, p. 53). Dans son accusé de réception, la Chambre de commerce prie Becquey de lui adresser « un plus grand nombre d'exemplaires… de son rapport sur la navigation du royaume. »
  73. Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Registres et recueils des procès-verbaux des séances de l'assemblée générale (1803-1977), séance 14 novembre 1821, rapport sur la navigation de la haute et basse Seine (Archives de Paris, cote 2ETP/1/A4).
  74. Annales des mines, 1821, Tome 6, page 3 et suiv.
  75. Affiches, annonces et avis divers de Nantes, département de la Loire-Inférieure, Lundi 11 septembre 1820 (BNF cote : MICR D-15171).
  76. Journal de Paris, dimanche 3 septembre 1820.
  77. Annales de la Haute-Vienne, vendredi 16 mars 1821 (BNF cote : JO-1002).
  78. Lettre signée « le duc de Gaëte » (AN F14138592, folio 79).
  79. AN F14138592, folio 85.
  80. AN F14138592, folio 98.
  81. AN F14138592, folio 100.
  82. Babaud-Laribière, Études historiques et administratives, Tome premier, Confolens, 1863, p. 346.
  83. Pour une histoire du partenariat public-privé, voir Xavier Bezançon, Une approche historique du partenariat public-privé, in « Revue d'économie financière », hors-série, 1995, Partenariat public-privé et développement territorial (doi : 10.3406/ecofi.1995.2555) (sur le site Persée.fr) (NB : par erreur, l'auteur assigne à Louis Becquey l’emploi de directeur de l’École des ponts des chaussées alors qu’il n’y fut jamais nommé. Durant la période où Louis Becquey est à la tête de la Direction générale des ponts & chaussées et des mines, le directeur de l’École des ponts et chaussées est Gaspard Riche de Prony).
  84. « Seuls les États qui ont remboursé leurs anciennes dettes sont en mesure de faire à nouveau appel au crédit. Le remboursement est un signal adressé au marché. Mais ce n’est pas la seule forme de signal que l’on doit lancer : l’État doit aussi rassurer les investisseurs et montrer qu’une nouvelle banqueroute ne peut plus avoir lieu dans l’avenir. L’assainissement des finances et la mise en place d’institutions dans le but d’amortir la dette sont des mesures prises dès le début de la Restauration pour montrer la volonté de l’État d’être un débiteur crédible. » (Jacques-Marie Vaslin, « Le siècle d’or de la rente perpétuelle française », Georges Gallais-Hamonno (dir.), Le marché financier français au XIXe siècle, volume 2, Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris, Paris, Publications de La Sorbonne, 2007, pp. 149-150).
  85. Faute de crédit propre, le gouvernement a dû emprunter auprès des banquiers en les utilisant comme intermédiaires pour puiser dans une épargne que les investisseurs potentiels ne fourniraient pas si le Trésor lui-même tentait de placer directement une émission d'obligations à long terme ou des rentes. Progressivement, les banquiers parisiens de la Haute banque reprirent rapidement le contrôle des activités françaises de prêt auprès de banquiers étrangers, comme les Hope et Baring, et bientôt, sous la direction de la nouvelle maison Rothschild, se mirent également à financer les obligations émises par les autres souverains de l'Europe. « Dans le cas d’un emprunt, une rente est donc constituée. Elle est ensuite vendue dans le public par petites fractions, appelées généralement obligations – encore que le terme d’actions se rencontre parfois – qui donne droit à toucher une partie de la rente. (…) Ainsi n’est-il pas étonnant qu’on ait cherché à attirer le public épargnant susceptible d’acheter de telles obligations, par des avantages supplémentaires [au taux d’intérêt]. Deux moyens s’offraient pour arriver à ce but. Les valeurs à lots étaient anciennes. Dans les tirages semestriels ou annules qui appellent, par tirage au sort, les obligations qui doivent être remboursées et qui constituent proprement l’amortissement, certaines reçoivent outre leur capital, des lots plus ou moins élevés. C’est un attrait qui tient du jeu [(loterie)]. (…) Le système des primes semblait plus moral en ce sens que tout le monde en profitait de manière égale. …le public était peu habitué encore à la valeur mobilière… il était fait appel à un intermédiaire bancaire, qui se présentait sous la forme de syndicats financiers montés pour l’opération en cause. Ces groupes de banquiers, grâce à une clientèle riche, grâce aussi à des réseaux très développés de correspondants, arrivaient à placer la totalité de l’emprunt. » (Geneviève Massa-Gille, Histoire des emprunts de la Ville de Paris (1814-1875), Paris, 1973, pp. 99-100).
  86. Beugnot (bibliographie), Vie de Becquey, p. 177.
  87. • Loi du 10 avril 1818 portant acceptation de l’offre faite par les S.rs Balguerie, Sarget et compagnie de prêter 2 millions de francs pour l’achèvement du pont de Bordeaux, suivie de l’Ordonnance du 22 avril 1818 portant autorisation… de la société anonyme formée à Bordeaux sous le titre de Compagnie du pont de bordeaux.
  88. Loi du 13 mai 1818 relative au port du Havre et Ordonnance du Roi du 15 juillet 1818 autorisant la constitution de la société anonyme dite « Compagnie du port du Havre ».
  89. loi du 15 mars 1801 (24 ventôse An IX) qui autorise l’établissement de trois ponts à Paris, in Recueil des loix de la République française et des actes des autorités constituées depuis le régime constitutionnel de l’an VIII, Tome V, cahier XIII, Bruxelles, G. Huyghe.
  90. Note bas de page 3 : « Ce n’était point une affaire de spéculation ; il n’y avait pas de prime à gagner sur l’émission des actions ; la souscription, pour fournir au Gouvernement les fonds dont il avait besoin pour la construction des trois ponts, était ouverte à la Banque de France, et tous les citoyens étaient indistinctement admis a y prendre part. Mais, il faut bien le dire, les souscripteurs n’abondaient pas, parce que, d’un côté, on n’avait pas grande confiance dans les produits que devait donner cette affaire, et que, d’autre part, on trouvait un emploi plus avantageux de ses fonds, soit en achetant des rentes 5 pour 100, qui ne valaient alors que de 45 à 50 fr., soit en acquérant des immeubles qui ont, depuis cette époque, doublé de valeur. »
    Note bas de page 23 : « Les fondateurs ou premiers souscripteurs n’ont pas même obtenu un intérêt de 7 ½ pour 100 ; car la moyenne des dividendes annuels qu’ils ont reçu, de 1806 à 1820, n’a pas dépassé 61 fr. 75 c. pour une action de 1,000 fr., et la valeur vénale de cette dernière était descendu au-dessous de 900 fr. ; de manière que ceux qui avaient besoin de vendre subissaient une perte de 100 à 150 francs sur leur titre de souscription. »
  91. Corps législatif, séance du 18 ventôse, An IX in Archives parlementaires..., Tome II, première partie : du 29 frimaire an IX au 8 frimaire an X, Paris, librairie administrative Paul Dumont, 1863, page 503.
  92. Ordonnance du 2 août 1829 portant autorisation de la société anonyme pour la construction de trois ponts à Paris, in Bulletin des lois, Paris, imprimerie royale, 1829.
  93. Voir les articles 8 et 10 de la convention de prêt relative au canal Monsieur annexée à la loi du 5 août 1821, les articles 16-al.2 et 22 de la convention de prêt relative au canal du duc d’Angoulême annexée à la loi du 5 août 1821 (valable également pour la navigation sur l’Oise et repris aux articles 15-al. 2 et 21 de la convention de prêt du canal des Ardennes), ainsi que les articles 10 et 11 de la convention de prêt relative au canal de Bourgogne annexée à la loi du 4 avril 1822 (repris dans les conventions de prêt des canaux de Bretagne, d’Arles à Bouc, du Nivernais, du duc de Berry et latéral à la Loire).
  94. Voir Geiger (bibliographie), Chapitre 3, § « A liberal Model for Economic Growth : England and the Spirit of Association » p. 70 et suiv., et § « first Hope for the Spirit of Association : The Projects of 1818 », p. 85 et suiv.
  95. Le canal de la Sensée est concédé à l'entrepreneur belge Augustin Honnorez et financée en partie par les Perier, importants propriétaires de la Compagnie des mines d'Anzin.
  96. AN F14158391.
  97. Geiger (bibliographie), Chapitre 5 « The Report to the King », p. 113 et § « Finances : Ideals and Practicalities », p. 128 et suiv. Pour la citation, voir Becquey, Rapport au Roi, p. 12.
    Sur la récession économique et la crise financière françaises (et européennes) de 1818, voir Gille, La banque et le crédit en France de 1815 à 1848, (Paris, 1959), pp. 293-301 et Marcel Marion, Histoire financière de la France depuis 1715, Tome IV, p. 425. Pour une amélioration des conditions économiques en 1820, voir Ratcliffe, « The Business Elite and the Development of Paris: Intervention in Ports and Entrepots, 1814-1834 », Journal of European Economic History, vol. 14 (1985), pp. 95-142 (Traduction O. Montès in Écrits de Barrie M. Ratcliffe sur les chemins de fer, les saint-simoniens et le développement industriel à Paris, médiathèque Rails & Histoire, cote O RAT 15).
  98. Au premier semestre 1821, le taux de rendement actuariel de la rente 5 % se situe en moyenne à 6,5 % (J. M. Vaslin, « Le siècle d'or de la rente perpétuelle française », Le marché financier français au XIXe siècle, Vol II, Paris, Les Publications de la Sorbonne, 2006).
  99. AN F14138592 folio 113.
  100. AN F14138592, folio 248.
  101. Geiger (bibliographie), pp. 143-144.
  102. J.-B. Say, Œuvres diverses, tome 12, Collection des principaux économistes, Paris, ed. C. Conte, E. Daire et H. Say, 1841-52, note bas de page p. 564.
  103. Voir G. Nieradzik (bibliographie).
  104. Texte repris de l’État des dépenses à faire pour le perfectionnement de la navigation de la France de Dutens d'avril 1820 (cf. supra § Méthode suivie).
  105. « Il est par ailleurs frappant de constater que, à l’exception de la société Rhône-Rhin basée à Strasbourg, les sociétés soumissionnaires [de prêts en 1821/22] se sont toutes faites représenter par une seule personne et avaient leur administration à la même adresse parisienne. » (H. Großkreutz (bibliographie), pp. 226-227).
  106. Geiger (bibliographie), pp. 17, 202 et 220
  107. Louis Fontvieille, Évolution et croissance de l’État français, 1815-1969, Cahiers de l'I.S.M.E.A., série AF, vol. 13, 1976, pp 1781-1782).
  108. Archives parlementaires, Tome 31, chambre des députés, session du 16 mai 1821, page 617 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  109. Archives parlementaires, Tome 32, chambre des députés, session du 11 juin 1821, page 94 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  110. Archives parlementaires, Tome 32, chambre des députés, session du 2 juillet 1821, page 499 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  111. Archives parlementaires, Tome 32, chambre des députés, annexe à la session du 4 juillet 1821, page 546 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  112. Le Journal de Paris et des départements se fait l’écho des visites de Becquey en province en 1818 ; 6 juin départ de Paris pour la Manche et le nord (p. 1) ; 18 juin à Rouen (p. 2) ; 26 juin 1818 à Abbeville (p. 3) « Les plans [canal du duc d’Angoulême] sont très-avancés ; une partie est même définitivement approuvée. On espère que la totalité pourra l’être pour la fin de cette année, et qu’une loi semblable à celles rendues pour le pont de Bordeaux, les travaux du Havre, le canal de la Sensée et le canal de l’Ourcq, pourra être proposée à la prochaine session des chambres s’il se présenté une compagnie qui veuille se charger des travaux à des conditions acceptables. (Journal de la Somme) » ; 26 juillet retour d’une visite au Havre et à Fécamp (p. 1) ; 18 septembre à Dijon, puis Auxonne, Dôle, Besançon (p. 2) ; 28 septembre 1818 à Colmar, après une halte à Mulhouse (p. 2) ; 29 septembre à Strasbourg (p. 1) ; 2 octobre à Dieuze, puis Nancy et Metz (p. 1) ; 18 octobre reçu en audience particulière par le roi à la suite de sa tournée dans les départements (p. 1). Et en 1820 ; 3 septembre audience particulière du roi (p. 2) ; 11 septembre à Orléans (p. 2) ; 29 septembre à Bordeaux (p. 3). En 1819, Becquey est en visite à Angoulême (Babaud-Laribière, Études historiques et administratives, Volume 1, Confolens, 1863, p. 323).
  113. Archives parlementaires, Tome 32, chambre des députés, session du 3 juillet 1821, page 519 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  114. Archives parlementaires, Tome 36, chambre des députés, session du 8 avril 1822, page 140 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  115. Archives parlementaires, Tome 36, chambre des députés, session du 22 juin 1822, page 725 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  116. Geiger (bibliographie), p. 252. Sur l’évolution du cours de la rente pendant la Restauration, voir Jacques-Marie Vaslin, « Le siècle d’or de la rente perpétuelle française », Georges Gallais-Hamonno (dir.), Le marché financier français au XIXe siècle, volume 2 - Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris, Paris, Publications de La Sorbonne, 2007.
  117. Helmut Großkreutz (bibliographie), note 1, p. 69.
  118. En 1821 et 1822, certains mêmes orateurs ont pris la parole. En ne les comptant qu'en seule fois pour 1821 et 1822, on arrive au total de quarante sept orateurs.
  119. Reed G. Geiger, Planning the French Canals: Bureaucracy, Politics, and Enterprise Under the Restoration, 1994, p. 196 (bibliographie).
  120. Archives parlementaires, Tome 37, chambre des députés, sessions des 5 (page 192), 8, 9, 10, 11 juillet 1822.
  121. Loi du 5 août 1821 relative à l’achèvement du canal Monsieur ;
  122. Archives parlementaires, Tome 37, p. 294, amendement repris par Corbière, ibidem, p. 317.
  123. Rapport au Roi sur la situation des canaux..., de 1823 à 1829, Paris, imprimerie royale (sur le site Gallica de la BNF).
  124. Loi du 17 avril 1822 relative à la concession des Eaux surabondantes du Canal de Saint-Maur, in Bulletin des lois du royaume de France, 7e série, tome quatorzième, Paris, imprimerie royale, 1822.
  125. AN F14138592, folio 212.
  126. Note et observations générales et particulières sur la situation administrative des compagnies Albert et Bonvié… dans l’affaire du canal du Rhin à la Seine par Épernay, circa 1827 (AN F146957).
  127. A. Lemoine et F. Trouilleux (dir.), Des Ternes aux Batignolles – Promenade historique dans le XVIIe arrondissement, Délégation à l'Action artistique de la ville de Paris, catalogue de l’exposition, mairie du XVIIe arrondissement (1986) – musée Carnavalet (1987), p. 40).
  128. AN F14138592, folio 220.
  129. AN F14138592, folio 108
  130. Le 14 décembre 1821, le ministère Richelieu tombe, mettant fin aux négociations et ouvrant la voie à la dernière phase des négociations sur les canaux de 1821-22.
  131. AN F14138592, folio 63.
  132. Ordonnance du roi du 30 janvier 1822 approuvant le traité relatif à la concession des canaux des Etangs et du canal latéral à l’étang de Mauguio (sur le site Gallica de la BNF). Le traité fait mention de travaux, qui ne figuraient pas au cahier des charges annexé à la loi du 5 août 1821, pour un montant de 1,5 MF.
  133. Le canal Saint-Maur prend le nom de canal Marie-Thérèse le jour de sa mise en service, le 10 octobre 1825 (Voir Rapport au Roi sur la situation des canaux - année 1826, page 81).
  134. Ordonnance du roi du 6 septembre 1825 autorisant le Caisse des dépôts et consignations à faire à l’administration des ponts et chaussées l’avance d’une somme de 800 000 F pour le prolongement de la navigation de la rivière Tarn entre Alby et Gaillac, in Th. Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines…, Tome troisième, Paris, Carilian-Gœury libraire, 1829, page 69.
  135. Loi du 29 juillet 1829 qui modifie le tarif des droits à percevoir sur le canal d’Aire à la Bassée (Pas-de-Calais), et déclare perpétuelle la jouissance du canal.
  136. Pour un historique sommaire de la banque Thuret, voir Archives nationales - fonds : Banque Thuret et Cie, cote 68 AQ.
  137. Les familles Saglio, originaire de Strasbourg, et Paravey, originaire de Gray dont la maison de banque à Paris fait faillite en 1828, sont liées par des relations matrimoniales avec la famille Van Recum, fabricant de tissus, originaire de Hollande installée en Allemagne dans l'ancien comté de Leiningen (de) ; François Joseph Jean Saglio (1765-1813), négociant, est marié à Marie Susanne van Recum (1774-1844) et Pierre François Paravey (1775-1828) est mariée à Maria Magdalena van Recum, toutes deux sœurs de Johann Nepomuk van Recum (de) (1753-1801), entrepreneur d’une fabrique de porcelaine à Grünstadt, et d’André Honesta Pierre Van Recum (1765-1828), député au Corps législatif représentant de Rhin-et-Moselle (Voir Louis Bergeron Les Banquiers rhénans (fin du XVIIIe siècle-début du XIXe siècle), page 41, in Bulletin du Centre Pierre Léon, 1975, no 2, ainsi que la généalogie de la famille Van Recum sur le site Geneanet).
  138. Lévy-Leboyer, Les Banques européennes et l'industrialisation internationale dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, PUF, 1964, p. 673, note 41.
  139. Bertrand Gille, La banque de France et le crédit en France de 1815 à 1848, Paris, PUF, 1959, pages 204 et 205.
  140. Andrea Ferrari (1765-1828), riche héritier immobilier dans la région Gênes et mobilier, fructifie les affaires de son père Raffaele Agostino De Ferrari, doge de la République de Gênes de 1787 à 1789, par des prêts à des particuliers ou des dignitaires d'Europe centrale ou septentrionale et par des investissements spéculatifs à court terme. Andrea Ferrari est le père de Raffaele de Ferrari (1803-1876), duc de Galliera, homme d'affaires et financier.
  141. Archives parlementaires, Tome 31, chambre des députés, session du 26 mai 1821, pages 622 et 623 (Rapport du ministre de l’intérieur sur le projet de loi de 1821) (sur le site Gallica de la BNF).
  142. Article 11 du traité du canal Monsieur (NB : le plus radical ; « Dans toutes les contestations..., le présent traité, ainsi que les règlements à intervenir, seront toujours interprétés dans le sens le plus favorable à la compagnie. »), art. 20 du traité du canal d'Angoulême et art. 19 du canal des Ardennes.
  143. AN F147076
  144. AN F147076, lettre de Becquey à Sartoris, 17 novembre 1821.
  145. Nouvelle biographie universelle…, volume 30, Paris, 1859, p. 433.
  146. AN F1410003.
  147. Capelle, « Lettre circulaire émanant du Ministère des travaux publics, adressée à tous les inspecteurs et ingénieurs de Ponts-et-Chaussées et des Mines, Paris le  », Bibliothèque patrimoniale numérique de l’École nationale supérieure des mines de Paris (Mines ParisTech).
  148. Geiger (bibliographie), § « Beating down the Opposition: Becquey and the General Council », p. 90 et suiv.
  149. Lettre signée par de Prony, Sganzin, Liard, Gayant, Deschamps (membres du Conseil) et Leclerc (insp. div. à La Rochelle), Hageau (insp. div. à Carcassonne), Lamandé (insp. div. à Aurillac), Bouessel (insp. div. à Rennes), Carron (insp. div. à Lyon), [Pierre-Thomas] Drappier (insp. div. à Caen) et une signature illisible (signataires, voir Almanach royal, 1822) (AN F147076, citée par Nathalie Montel (bibliographie)).
  150. « Les concessionnaires pourront se charger eux-mêmes de la confection des travaux en prennant (sic) l’engagement de se conformer aux plans et projets approuvés par la Dion Gale des ponts et chaussées … ils seront autorisés à faire diriger leurs travaux par un ingénieur des ponts et chaussées à leur choix et sous l’approbation du Deur Gal et la surveillance de son administration. » (AN F14138592 folio 116). Les termes de cette note manuscrite ne diffèrent guère de l'intervention de Becquey à la Chambre des députés : « …le gouvernement ne verrait aucune difficulté à ce que la compagnie qui se chargerait de grands ouvrages y employât un ingénieur pour son compte, non pour diriger les travaux, qui seraient toujours sous la direction des ingénieurs attachés à l'administration du canal [(ie la Direction générale des Pont & Chaussées)], mais uniquement pour seconder la compagnie dans la participation qu'elle aurait comme entrepreneur de ces travaux (Becquey, Délibérations sur le projet de loi relatif aux canaux, Chambre des députés, séance du 3 juillet 1821 (Archives parlementaires, Tome 32, p. 526)). Bien des années après, Girard rappelait que « …beaucoup de personnes regardaient alors comme une atteinte portée aux prérogatives du corps des ponts-et-chaussées la faculté laissée aux compagnies de choisir elles-mêmes les ingénieurs qui feraient exécuter les travaux dont elles acquitteraient les dépenses. … c'était aux yeux de ces mêmes personnes introduire une innovation dangereuse qui, enlevant au conseil des ponts-et-chaussées une partie de l'influence que lui réserve l'organisation du corps, menaçait d'atténuer la considération qui lui est due. » (P.-S. Girard, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux, Tome premier, Paris, 1831, p. 175).
  151. Circulaire du 19 août 1822 à MM. les ingénieurs en chef des ponts et chaussées, in Th. Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines…, Tome deuxième, Paris, Carilian-Gœury libraire, 1829, page 372.
  152. Circulaire du 30 août 1822 à MM. les ingénieurs en chef des ponts et chaussées, in Th. Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines…, Tome deuxième, Paris, Carilian-Gœury libraire, 1829, page 375.
  153. Circulaire du 5 juin 1823 à MM. les préfets , in Th. Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines…, Tome deuxième, Paris, Carillian-Gœury libraire, 1829, page 375.
  154. L’ouvrage de Fulton A Treatise on the Improvement of Canal Navigation (London, 1796), traduit par l'ingénieur militaire François de Récicourt Recherches sur les moyens de perfectionner les canaux de navigation (Paris, 1799), a véritablement déclenché le mouvement français en faveur de la petite navigation.
  155. Rapport au roi (bibliographie), pp. 8-9 « Chez nos voisins [Anglais], et en prenant les écluses pour point de comparaison, la largeur des canaux de grande navigation est précisément double de celle des autres. Ainsi des bateaux qui suivent sur les canaux de petite navigation marchent accouplés lorsqu'ils les quittent pour entrer dans les canaux d'une double dimension. »
  156. Geiger (bibliographie), pp. 126-127.
  157. Voir Dutens 1819 (bibliographie), page 22 et tableau page 91.
  158. Dupérier, membre de la chambre de commerce de Paris, De la navigation intérieure – Des tarifs et des droits divers sur les voies navigables en France. Rachat des actions de jouissance, 30 décembre 1843, in Journal des économistes, volume 7, 1844, pages 251 et 250. Article repris, avec quelques corrections et commentaires de l’éditeur en note de bas de page, par le Journal du génie civil, des sciences et des arts, tome quatorzième, Paris, bureau du journal, 1846, page 373 et suiv.
  159. H. de Lagrené, Les Travaux publics de la France, Tome troisième « Rivières et canaux, eaux des villes… », Paris, J. Rothschild éditeur, 1883, page 15 (sur le site Gallica de la BNF).
  160. Pedro Arbulu, Jacques-Marie Vaslin, « Le financement des infrastructures par la Bourse de Paris au XIXe siècle », Revue d'économie financière, no 51, 1999 - Le financement des infrastructures, pp. 27-44 (NB : par erreur, les auteur compte parmi le secteur des canaux la Société des Trois vieux ponts sur la Seine (1804-1847) qui s'est vu confier la concession des péages sur ces ponts parisiens).
  161. Sur la définition de la Haute banque, voir Nicolas Stoskopf, Qu'est-ce que la haute banque parisienne au XIXe siècle ?, 2009. Cet article reprend une communication faite à la Journée d’études sur l’histoire de la haute banque, 16 novembre 2000, Fondation pour l’histoire de la haute banque (sur le site Archive ouverte HAL).
  162. Gille, La banque et le crédit en France de 1815 à 1848, Paris, PUF, 1959, p. 205.
  163. « Cette participation dans les produits étant accompagnée de la faculté de former une société anonyme, transmet aux traités les avantages si désirables des associations particulières, celui de rallier les intérêts particuliers à la prospérité publique et de lui créer les plus louables garanties pour l'avenir. » (Huerne de Pommeuse, projets de loi relatifs à la construction de divers canaux, Chambre des députés, séance du 17 avril 1822 (Archives parlementaires, tome 36, p. 367)).
  164. Geiger (bibliographie), p. 152.
  165. Voir Jacques Bresson, Des fonds publics français et étrangers et des opérations de la Bourse de Paris, sixième édition, Paris, Bachelier, 1830, page 66 (sur le site Gallica de la BNF).
  166. F. Braudel et E. Labrousse (dir), Histoire économique et sociale de la France, Tome 3, 1er volume « 1789 - années 1880 », p. 367.
  167. Pedro Arbulu, Le marché parisien des actions au XIXe siècle, in Georges Gallais-Hamonno (dir.), « Le marché financier français au XIXe siècle », Volume 2. Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris, Paris, Publications de la Sorbonne, 2007 (ISBN 978-2-85944-574-4). Voir également Arbulu Pedro, Vaslin Jacques-Marie, Le financement des infrastructures par la Bourse de Paris au XIXe siècle, in Revue d'économie financière, no 51, 1999, « Le financement des infrastructures », p. 27-44 [doi : 10.3406/ecofi.1999.3367] (sur le site Persee.fr).
  168. Voir G. Nieradzik (bibliographie) pages 486 et suiv. à partir de l’ouvrage de H. Großkreutz, Privatkapital und Kanalbau in Frankreich 1814-1848. Eine Fallstudie zur Rolle des banken in der französischen Industriealisierung, Berlin, Duncker und Humblot, 1977.
  169. Lettre du 28 aout 1822 de Becquey au préfet du Pas-de-Calais (AN F1421641).
  170. Lettre du 28 aout 1822 de Becquey à MM Loque et Desjardin, concessionnaires (AN F1421641).
  171. Lettre de Becquey du 13 juin 1818 aux ingénieurs en chef des Ponts & Chaussées, et Lettre de Becquey du 12 juillet 1823 aux ingénieurs accompagnant une note de Vicat, in Th. Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines…, Tome deuxième, Paris, Carilian-Gœury libraire, 1829, pages 122 et 479.
  172. Voir P. J. Fargès-Méricourt, Relation du voyage de sa majesté Charles X en Alsace, Strasbourg, librairie de F. G. Levrault, 1829, page 156 et suiv.
  173. A. L. Dunham (bibliographie) page 28.
  174. Par exemple, le 23 avril 1822, le préfet pose la première pierre des écluse de Ham sur la canal d'Angoulême (Journal du commerce, 24 mai 1822, 2e page).
  175. Rapport du 20 février 1831 d'Eustache (François, Jonas (1778-1838)), inspecteur divisionnaire des ponts et chaussées, au comité des ponts et chaussées (AN F1415490). Le comité délibérait sur les affaires intéressant le personnel du corps et spécialement sur les affaires disciplinaires. Le rapport vise à clarifier la situation administrative des ingénieurs mis à disposition des compagnies ; ils seraient placés dans la réserve et non plus en activité.
  176. Becquey, Chambre des députés, séance du 3 juillet 1821 (Archives parlementaires, 32, p. 526).
  177. Le Moniteur universel, 5 septembre 1819.
  178. P.-S. Girard, Mémoires sur le canal de l'Ourcq et la distribution de ses eaux, Tome premier, Paris, 1831, p. 175.
  179. Frédéric Graber, « Du faiseur de projet au projet régulier dans les Travaux Publics (XVIIIe – XIXe siècles) : pour une histoire des projets », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2011/3 (n° 58-3), p. 7-33).
  180. A. L. Dunham (bibliographie) pages 29 et 36.
  181. Lettre du directeur général des ponts et chaussées et des mines (M. Becquey) du 31 octobre 1821 à MM. les préfets, in Ravinet, Codes des ponts et chaussées et des mines, Tome deuxième, Paris, Carilian Gœury libraire, 1829, page 301.
  182. « L'enseignement d'économie politique » à l'École des Ponts et Chaussées « n'existait pas avant 1847 ». Les ingénieurs, bien sûr, avaient des idées sur l'économie politique. À la fin des années 1820, les critiques sur le retard dans l’ouverture des canaux et les nouveaux crédits appelés pour la poursuite du Plan Becquey furent l’occasion de débats sur l’utilité des canaux. Dans son cours publié à la fin de la Restauration, J. B. Say abordait cette question. « Les solutions suggérées ne s’embarrassaient jamais de justifications précises, elles étaient d’ailleurs souvent contradictoires… À partir de 1830, on se mit à citer J. B. Say dans certains calculs économiques, comme pour s’abriter quand on avait vaguement le sentiment de manquer de rigueur. Les ingénieurs plus exigeants se référaient davantage aux économistes anglais… » (François Etner, Histoire du calcul économique en France, Paris, Economica, 1987) (sur le site Gallica de la BNF) (NB : par erreur l'auteur, page 125, qualifie Louis Becquey d'« ingénieur d’origine » par confusion avec Joseph Marie Stanislas Becquey-Beaupré, cousin du premier). Lors du débat du projet de loi relatif à la modification de la concession du chemin de fer de Paris- Orléans, le député Galos s’interrogeait : « Enfin n’y a-t-il pas quelques réformes essentielles à introduire dans le corps des ponts et chaussées, pour que ses études soient tout à la fois économiques et scientifiques, et offrent plus de garanties, d’exactitude et de précision ? » (Le Moniteur universel, 4 juillet 1839, p. 5.
  183. André Guillerme, Bâtir la ville. Révolutions industrielles dans les matériaux de construction (France - Grande-Bretagne [1760-1840]), collection milieux - Champ vallon, Paris, Presses universitaires de France, 1995, pages 73 et 136-137 (ISBN 2-87673-203-3).
  184. L’administration des Ponts & Chaussées est chargée du service administratif des ateliers de déserteurs condamnés, mis à sa disposition pour être employés aux travaux publics. Il lui revient de payer une partie des frais de journées de travail de ces condamnés (Voir lettre du 15 mai 1807 du ministre de la guerre aux commandants d’armes et autres officiers des divers ateliers des condamnés aux travaux publics… et le décret du 18 juin 1809 relative à la remise du service administratif des déserteurs à la disposition de l’administration des ponts et chaussées, in Th. Ravinet, Code des ponts et chaussées et des mines…, Tome premier, Paris, Carilian et Gœury libraire, 1829, pages 333 et 446).
  185. Vue de l'entrée de S.A.R. Madame, duchesse de Berry, dans le canal du duc d'Angoulême, lors de l'ouverture faite par elle de la navigation entre la haute et la basse Somme par l'écluse d'Amiens à laquelle S.A.R. permit dès ce moment (le 31 août 1825) que l'on donnât le nom l’écluse Caroline
  186. Chambre de commerce et d’industrie de Paris, Registres et recueils des procès-verbaux des séances de l'assemblée générale (1803-1977), séance du 5 avril 1826, rapport de Boigues sur l'approvisionnement de la capitale en « charbon de terre » qui fait suite au rapport de Perier sur la navigation du Nord (Archives de Paris, cote 2ETP/1/A4).
  187. Ordonnance portant qu’il sera procédé à une nouvelle adjudication de la concession du canal de la Corrèze et de la Vézère, in Th. Ravinet, Code des ponts et chaussées et des mines..., tome quatrième, supplément, Paris, Carilian-Goeury libraire, 1836, page 540.
  188. Le « plan Becquey » prévoit un canal de la Haute-Loire, de Digoin jusqu’à l’embouchure du Furand (Furan). Cette ligne a été scindée entre, d’une part, le canal de Digoin à Roanne et, d’autre part, le chemin de fer de Roanne à Andrézieux.
  189. D'après H. Großkreutz (bibliographie), page 20.
  190. Voir résumé détaillé du krach de 1825 et ses conséquences bancaires, monétaires et industrielles.
  191. Voir Charles-H. Pouthas, Les projets de réforme administrative sous la Restauration, in Revue d'histoire moderne, Tome 1, Paris, 1926, page 351 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF). Également Rusolf von Thadden, Restauration und napoleonisches Erbe. Der Verwaltungszentralismus als politisches Problem in Frankreich (1814-1830), Wiesbaden, Steiner Verlag, 1972 ; traduit en français sous le titre : La centralisation contestée : l’administration napoléonienne, enjeu politique de la Restauration (1814-1830), Arles, Actes Sud, 1989. De même Grégoire Bigot « L’administration napoléonienne est-elle compatible avec l’esprit libéral de la Charte ? », Jus Politicum, n° 13.
  192. Rapport au Roi sur la situation au 31 mars 1828 des canaux, page 8 (sur le site Gallica de la BNF).
  193. Archives parlementaires de 1787 à 1860, deuxième série, Tome LV, Paris, Paul Dupont, 1884, chambre des députés, session du 9 juillet 1829, page 710 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
  194. M.-C. Lamandé, Opinion de M. Lamandé, député de la Sarthe, dans la discussion sur le budget des ponts et chaussées, Paris, Imprimerie royale, 1828, p.28. Opuscule qui fait suite à son intervention relative à la défense de l’administration des Ponts & Chaussées lors de la séance à la Chambre des députés du 10 juillet 1828 débattant sur la loi de dépense pour 1829 du Ministère de l’Intérieur (Archives parlementaires, Tome 55 (17 juin 1828 - 10 juillet 1828), pp. 755-756).
  195. Augoyat, « Discussion administrative », in Discussions et documens sur les canaux, sur les routes et sur les chemins de fer de la France (Extraits du Bulletin universel des sciences et de l'industrie, VIe section, cahiers de janvier, février, etc.), Paris, Firmin Didot, 1830, pp. 104-105.
  196. Rapport de M. Tarbé de Vauxclairs sur la situation des canaux lu à la commission des routes, canaux, etc. - séance du lundi 1er décembre 1828 (voir tableau page 28), in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829.
  197. Minard, Tableau comparatif de l’estimation et de la dépense de quelques canaux anglais, Annales des ponts et chaussées, 1re série, 1832, 1er semestre, Paris, 1832, Carilian-Gœury, pp. 140-141.
  198. Lamé, Clapeyron, Stéphane et Eugène Flachat, Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France, Paris, imprimerie d’Éverat, septembre 1832, p. 59, note (1).
  199. Rapport lu par M. le comte Molé…, séance du 6 octobre et séance du 1er décembre 1828, in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829, page 67 et suiv. & page 305 et suiv.
  200. Critiques reprisent dans l’opuscule d’Artaud (Nicolas Louis Marie), Des Canaux exécutés par le Gouvernement depuis 1821 et 1822, Paris, 1828.
  201. Ce rapport fait suite à une violente critique de Molé des lois de 1821 et 1822 (AN F14138591). Molé ne tenait pas Becquey en haute estime : « Lainé fit donner l’importante et agréable direction [des ponts et chaussées] que je quittais à sons sous-secrétaire d’État de l’Intérieur, M. Becquey, un des hommes de France les moins capables de la remplir. » in marquis de Noailles, Le Comte Molé, 1781-1855 ; sa vie-ses mémoires, 3 vol., Paris, librairie Edouard Champion, 1922-24, Tome 3, p. 106.
  202. Observations de M. Sartoris sur les deux rapports de M. le comte Molé à la commission des routes et canaux, in Journal du génie civil, Tome II, Paris, 1829, page 315 et suiv.
  203. Ministère de l’intérieur – direction générale des ponts et chaussées et des mines (Avis officiel du 11 avril 1829), in Journal du Génie civil, Paris, chez Alexandre Corréard, 1829, page 549.
  204. Ordonnance du Roi du 10 mai 1829 relative à la distribution des fonds affectés aux travaux des ponts-et-chaussées, et au mode d’adjudication de ces travaux, in J. B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens…, Tome vingt-neuvième, année 1829, Paris, Ve Charles-Béchet libraire, 1830. Texte suivi d’une circulaire du 15 juillet 1829 signée Becquey à l’attention des préfets (Voir Journal du génie civil, Tome V, Paris, 1829, page 387).
  205. Ordonnance du roi du 28 février 1831 portant que toute proposition de Travaux publics concernant les routes et canaux devra être l’objet d'une enquête préalable, in Bulletin des lois, IXe série, Tome second, IIe partie, Paris, imprimerie royale, 1831, p. 209.
    Voir, Frédéric Graber, « Enquêtes publiques, 1820-1830. Définir l’utilité publique pour justifier le sacrifice dans un monde de projets », Revue d’histoire moderne & contemporaine, 2016/3 (n° 63-3), p. 31-63.
  206. Ordonnance du roi du 19 mai 1830 qui supprime la Direction générale des ponts et chaussées
  207. Rapport au Roi du 19 octobre 1830, ordonnance du même jour relative à l’organisation des ponts et chaussées, et arrêtés de mise à la retraite et de nomination.
  208. Baude, « Documents généraux sur les routes, les canaux, les chemins de fer, etc. », Bulletin des sciences géographiques…, Tome XXI, Paris, bureau du Bulletin, 1830, page 15 à 116.
  209. Bérard, Observations présentées par M. Bérard sur le rapport de la commission du budget de 1832, Paris, Firmin Didot, 1832, pp. 56-57.
  210. Loi du 7 juillet 1833 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, in J. B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens…, Tome trente-troisième, année 1833, Paris, Bousquet, 1834.
  211. Loi du 3 mai 1841 sur l’expropriation pour cause d’utilité publique, in J. B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens…, Tome quarante-unième, année 1841, Paris, 1841.
  212. Circulaire du 25 août 1833 du directeur général des ponts et chaussées et des mines portant envoi d’un nouveau cahier des clauses et conditions générale imposées aux entrepreneurs in Ravinet, Code des Ponts et chaussées et des mines, Tome cinquième, Paris, 1836, p. 536 et suiv.
  213. Loi du 27 juin 1833 sur les travaux publics à continuer ou à entreprendre, art. 3., in J. B. Duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens…, Tome trente-troisième, année 1833, Paris, Bousquet, 1834.
  214. Loi du 12 juillet 1837 qui ouvre des crédits pour les canaux entrepris en vertu des lois de 1821 et 1822, et pour les études relatives au système de navigation intérieur de la France, in Bulletin des lois et ordonnances publiées depuis la révolution de juillet 1830, Tome II, années 1835 à 1838, Paris, Paul Dumont, 1850.
  215. Loi du 9 août 1839 qui ouvre un crédit pour la continuation des travaux relatifs aux canaux entrepris en vertu des lois de 1821 et 1822, in Collection complète des lois, décret, ordonnances…, Tome trente-neuvième, 1839.
  216. Situation des travaux au 31 décembre 1841, Paris, Ministère des travaux publics, imprimerie royale, avril 1842, page 105 et suiv., § « Canaux ».
  217. Décret du 28 mars 1852 qui ouvre au Ministère des Travaux publics des Crédits supplémentaires et extraordinaires en particulier pour des dépenses relatives au solde des créances dans l’achèvement du canal du Nivernais (Voir IIe section « Travaux extraordinaires » – art. 6).
  218. Voir François Aulagnier, Observations sur les tarifs, l’administration et la confection de nos canaux, Paris, imp. de madame de Lacombe, 1837 (l'auteur se présente comme actionnaire des sociétés de canaux [NB : il est actionnaire de la société du canal de Bourgogne - Voir Yves Leclercq, Le réseau impossible. La résistance au système des grandes compagnies ferroviaires et la politique économique en France, 1820-1852, Paris-Genève, librairie Droz, 1987, page 117.]).
  219. Loi du 9 juillet 1836 relative aux droits de navigation intérieure, in J. B. duvergier, Collection complète des lois, décrets, ordonnances, réglemens…, Tome trente-sixième, année 1836, Paris, 1836.
  220. Ordonnance du 27 octobre 1837, relative aux droits de navigation intérieure établis par l’article 1er de la loi du 9 juillet 1836, in Th. Ravinet, Code des Ponts et Chaussées et des mines…. Jusqu’au 1er août 1840, Tome septième, 2e supplément, Paris, chez l’auteur, 1840.
  221. • Ordonnance du 17 avril 1844 relative à la perception des droits de navigation sur le canal du Rhône au Rhin (sans le consentement de la compagnie) ;
    • Ordonnance du 23 mars et 20 septembre 1845 portant prorogation des tarifs des droits de navigation actuellement perçus par les canaux de Bretagne, le canal latéral à la Loire, et les canaux du Berry et du Nivernais (sans le consentement de la compagnie des Quatre Canaux) ;
    • Ordonnance du 4 juin et 6 novembre 1845 portant prorogation des tarifs des droits de navigation actuellement perçus sur les canaux de la Somme et des Ardennes (avec le consentement de la compagnie) ;
    • Ordonnance du 19 novembre 1845 qui approuve un nouveau tarif pour la perception des droits de navigation sur le canal d’Arles à Bouc (avec consentement de la compagnie).
    Les compagnies du canal du Rhône au Rhin et des Quatre Canaux contestent devant le Conseil d’État les ordonnances de 1844 et 1845 prises à leur encontre ; le contentieux y est toujours pendant en 1853, date du rachat.
  222. Maurice Lévy-Leboyer, Les banques européennes et l'industrialisation internationale dans la première moitié du XIXe siècle, Paris, Presses universitaires de France, 1964, page 673.
  223. Francis Démier, « Économistes libéraux et "services publics" dans la France du premier XIXe siècle », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. no 52-3, no 3, 2005, pp. 33-50 (voir pp.45-47).
  224. Voir Guy Antonetti (dir.), Les ministres des Finances de la Révolution française au Second Empire. Dictionnaire biographique 1790-1814, Paris, Comité pour l’histoire économique et financière de la France, 2007, notice relative à Lacave-Laplagne.
  225. Loi du 29 mai 1845 relative au rachat des actions de jouissance des cannaux exécutés par voie d’emprunt, en vertu des lois de 1821 et de 1822. in Recueil général des lois et ordonnances…, Tome quinzième, année 1845, Paris, 1845. Voir également article « Les canaux et les chemins de fer - du rachat des actions de jouissance des canaux de 1821-22 » in Journal des chemins de fer, vol. 4, samedi 22 février 1845, p. 94.
  226. Voir débats parlementaires in Annales du Parlement français…, session de 1845 (du 26 décembre 1844 au 21 juillet 1845), Tome 7, Paris, librairie Firmin Didot frères, 1846, page 287 et suiv.
  227. Exposé des motifs et projets de lois relatifs au rachat des actions de jouissance de la compagnie des Quatre-canaux et de la compagnie du canal du Rhône au Rhin, présentés par M. Achille Fould, ministre des finances et par M. Bineau, ministre des travaux publics (addition à la séance du samedi 16 novembre 1850), in Compte rendu des séances de l’Assemblée nationale législative, Tome dixième, du 30 juillet au 15 décembre 1850, Paris, typographie Panckoucke, 1850.
  228. Voir Note no 18 (datée du 21 mars 1837) Motifs à l’appui de la régie intéressée des canaux appartenant à l’État, et proposition relative à quatre de ces canaux, in François Bartholony, « Appendice à l'écrit "Du meilleur système à adopter pour l'exécution des travaux publics et notamment des grandes lignes de chemins de fer" », Paris, A. Blondeau 1839, page 210 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF).
    Dans le projet de 1847, ce sont 10 canaux qui seraient affermés ; Bourgogne, Rhône au Rhin, Centre, latéral à la Loire, Berry, Nivernais, Arles à Bouc, Ille et Rance, Nantes à Brest et Blavet (Voir Yves Leclercq, Le réseau impossible (1820-1852), Paris, librairie Droz, 1987, page 118).
  229. Note manuscrite de Legrand du 27 juin 1847 adressée au ministre des Travaux publics, rédigée à la hâte ; « Pressé par le temps (car on vous donne à peine quelques jours pour examiner une affaire aussi grave) je ne pourrai pas donner à ma pensée tous les développements qu’elle comporte mais j’en pourrai dire assez, je l’espère, pour vous faire partager la conviction profonde dont je suis pénétré. » (AN F147076). Des extraits de cette note sont repris et commentés par Yves Leclercq, Le réseau impossible (1820-1852), Paris, 1987, pp. 119-120. La rédaction de la présentation du projet d'affermage de Bartholony et Delahante dans l'Exposé des motifs et projets de lois relatifs au rachat des actions de jouissance de la compagnie des Quatre-canaux et de la compagnie du canal du Rhône au Rhin... précité, présenté en novembre 1850 par Fould et Bineau, reprend les termes de la rédaction de la note manuscrite de Legrand.
  230. En septembre 1845, sous l'égide de Bartholony et de Gustave Delahante s'est formé le trust de la Compagnie des Mines de la Loire par la fusion de la Compagnie Générale des Mines de la Loire et la nouvelle Compagnie des Houillères de Saint-Étienne.
  231. À l'origine, le canal de Berry débutait à Digoin pour joindre Tours en passant par le Bec d'Allier (Voir le Rapport au Roi (bibliographie), page 40). Ultérieurement, le tronçon entre Digoin et le Bec d'Allier fut intégré au canal latéral à la Loire.
  232. Extraits de la note manuscrite de Legrand du 27 juin 1847 adressée au ministre des Travaux publics (AN F147076).
  233. Voir Yves Leclercq, op. cit., page 121.
  234. Rapport fait par M. Berryer, au nom de la commission chargée d’examiner les projets de lois relatifs au rachat des actions de jouissance de compagnie des Quatre-Canaux, et de la compagnie du canal du Rhône au Rhin, in Compte rendu des séances de l’Assemblée nationale législative, addition à la séance du vendredi 4 juillet 1851, Tome quinzième, du 17 juin au 31 juillet 1851, Paris, Typographie Panckoucke, 1851.
  235. Projet de cahier des charge d’affermage des canaux en annexe du rapport fait par M. Berryer, au nom de la commission chargée d’examiner les projets de lois relatifs au rachat des actions de jouissance de compagnie des Quatre-Canaux, et de la compagnie du canal du Rhône au Rhin, in Compte rendu des séances de l’Assemblée nationale législative, addition à la séance du vendredi 4 juillet 1851, Tome quinzième, du 17 juin au 31 juillet 1851, Paris, Typographie Panckoucke, 1851.
  236. Décrets du 21 janvier 1852 relatifs au rachat des droits attribués à la compagnie du canal du Rhône au Rhin, à la compagnie du canal de Bourgogne, à la compagnie des Quatre-Canaux, in Journal du palais – Lois, décrets…, Tome V, Paris, 1852.
  237. Paul de Richemont (baron), Rapport fait au nom de la commission chargée d’examiner les projets de lois tendant au rachat des droits attribués aux Compagnies du canal du Rhône au Rhin, du canal de Bourgogne, et des Quatre-Canaux, par les lois des 5 août 1821 et 14 août 1822, représentés par les actions de jouissance émises par ces compagnies, Corps législatif, session 1853, annexe au procès-verbal de la séance du 11 mars 1853, in Procès-verbaux des séances du Corps législatif, session 1853, Tome premier (du 15 février au 14 mars 1853), Paris, imprimerie du Sénat et du Corps législatif, 1853, page 485 et suiv.
    Lois du 3 mai 1853 relatives au rachat des droits attribués à la compagnie du canal du Rhône au Rhin, à la compagnie du canal de Bourgogne, à la compagnie des Quatre-Canaux, in C.-M. Galisset, Corps du droit français ou recueil complet des lois, décrets, ordonnances… publiés depuis 1789 jusqu’à nos jours, Tome onzième, Paris, Cosse imprimeur-éditeur, 1853, page 79.
  238. Louis Girard, La Politique des travaux publics du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1952, page 102.
  239. Voir lettre du 5 janvier 1860 de l’empereur Napoléon III au ministre d’État (ministre de l’Agriculture, du Commerce et des Travaux Publics) (in Le Moniteur Universel du 15 janvier 1860, 1re page et Annales des Mines, partie administrative, ou Recueil de lois, décrets..., Paris Dunod éditeur, 1861, tome IX, page 1) qui anticipe la signature du traité franco-anglais le 23 janvier 1860, ratifié en mai et entré en vigueur en 1861. S'agissant des voies de communication, la lettre de l'Empereur appelle la réponse de Rouher dans son Rapport... sur les voies de communication propres à faciliter le transport de la houille sur les lieux de consommation du 27 février 1860 (Annales des mines, op. cit., page 40)
  240. Rigaud, Rapport au nom de la commission et lois du 28 juillet et du 1er août 1860 relatives au rachat pour cause d’utilité publique de l’écluse d’Iwuy sur l’Escaut, des canaux de Roanne à Digoin, d’Orléans et du Loing, de la Somme et de Manicamp, des Ardennes, de l’Oise (navigation et canal latéral), de la Sensée, d’Aire à la Bassée et de Briare, in J. B. Duverger, Collection complète des lois, décrets, ordonnances…, Tome soixantième, année 1860, Paris, 1860, note 1 bas de page 370 et suiv.
  241. Voir G. Nieradzik (bibliographie), page 474 ; montant calculé par l’auteur sur la base d’un taux d’actualisation de 4 %.
  242. Voir :
  243. Décret du 9 août 1864 relatif à l’établissement à Saint-Maur, par la ville de Paris, d’une usine hydraulique destinée à opérer une prise d’eau dans la Marne pour les besoins des quartiers hauts de Paris et du bois de Vincennes, in Annales des ponts et chaussées, 4e, Paris, Dunod, 1864.
  244. Voir A. Plocque, Des cours d'eau navigable et flottables, deuxième partie, Paris, Durand Pedone, 1875, page 113, no 265, Dalloz, Jurisprudence générale. Recueil périodique et critique..., Paris, Bureau de la jurisprudence générale, 1868, page 115 et suiv. et arrêt de conflit du 28 mars 1866 in Annales des ponts et chaussées, 4e, Paris, Dunod, 1867.
  245. Antoine Beyer, Les grands jalons de l’histoire des voies navigables françaises, revue du comité d’histoire du MEDDE, Paris, 2016 (disponible sur le site Archive ouverte HAL).
  246. Voir également H. Großkreutz (bibliographie), passim.
  247. Geiger (bibliographie), pp. 250 et 258-259.
  248. H. Großkreutz (bibliographie), pages 49 et 51.
  249. Rouchaud (D) et Sauvant (A), Volume et partage modal du transport de marchandises en France de 1845 à nos jours, Notes de synthèse du Service économique et statistique (revue, aujourd'hui disparue, publiée par le service statistique ministériel (SSM) de l’ex ministère de l’Équipement), no 148, Paris, août 2003 (disponible sur TEMIS, base du Centre de Ressources documentaire Développement Durable - CRDD).
  250. Report of William Cubitt, February 1825, to the chairman and committee of the Liverpool and Manchester Railway Company Aux président, vice-président et membres du comité de la Cie du Railway de Liverpool et Manchester. Rapport de M. Cubitt, ingénieur civil. Ipswich 22 février 1825 ». Ce rapport est joint à un courrier du de William Smith, président de la Thames Tunnel Company, à Becquey (AN F1411173)).
  251. la traduction n’est pas exactement fidèle au texte originel « an iron railway with locomotive steam engines are a practical, eligible, and expeditious means for the transit of goods and merchandise and probably will become so for passengers in very many cases. », qui peut être traduit par « un chemin de fer avec des locomotives à vapeur est un moyen pratique, valable et rapide pour l'acheminement des biens et des marchandises et le deviendra probablement pour les passagers dans de très nombreux cas. »
  252. Projet de Discours de Mr Becquey à la Chambre des [députés] en réponse au mémoire présenté par les propriétaires du canal de Givors contre l'établissement du chemin de fer de St Etienne à Lyon, s.d. [1826] (AN F149031). Le discours de Becquey à La Chambre des députés, lors de la séance du 29 avril 1826, diffère de ce projet (Voir Archives parlementaires, Tome quarante-sept (7 avril-13 mai 1826), p. 532.
  253. John Phillips, A General History of Inland Navigation…, London, Taylor, MDCCXCIII.
    Cordier, Histoire de la navigation intérieure, et particulièrement de celle de l’Angleterre et de la France…, Tome premier, Paris, Firmin-Didot, 1819, pages 265-305, page 352.
  254. Cordier, Essais sur la construction des routes, des ponts suspendus, des barrages, etc., extraits de divers ouvrages anglais. Traduits par M. J. Cordier, Tome 1er, Lille, Reboux-Leroy, 1823, page clij « Discours préliminaire - Art. 8. Des Routes en fer » (ouvrage qui rend compte de ses voyages en Grande-Bretagne en 1816, 1822 et 1823 - cf. page clxiv).
  255. Les deux types de « route en fer » selon Cordier :
    • les premières, constituées de « bandes plates [rails], avec rebords qui guident les roues » (page clv) et parcourues par des « voitures à vapeur », sont utilisées soit pour le « transport de matériaux de construction d’un grand ouvrage » (page clvj) (ponts, routes (page clx)) bien que « pour le transport de matériaux, un cheval tire aussi bien qu’une machine » (page clviij), et dans ce cas elles forment des routes provisoires et amovibles transportées par canaux d’un chantier à l’autre (page clx) (ces routes se louent et se vendent), soit pour l’exploitation d’une mine, et dans ce cas elles forment des « routes permanentes » (page clvj) ; « les voitures à vapeur ne sont employées en Angleterre que sur les mines de charbon » (page clix) ;
    • les secondes sont constituées de « bandes saillantes » sur lesquelles circulent des chariots munis de « roues portant alors des rebords ou gorges destinées à les maintenir et à les diriger » (page clv) et sont parcourues par « une machine à vapeur mobile, portée sur un chariot pour tirer les voitures chargées et remplacer les chevaux » (page clvij [xlvij, par erreur typographique]). L’un des rails est muni d’une crémaillère latérale sur laquelle s’engrènent les dents de la roue motrice de la machine (type locomotive Blenkinsop) [NB 1 : si l’auteur ne donne pas l’usage de ces routes en fer à bandes saillantes, a contrario des premières à bandes plates, elles ne servent pas pour l'exploitation d'une mine [carreau de mine, galerie souterraine] ni pour des travaux de construction mais vraisemblablement pour relier une mine à un canal voisin, ou la mer. En tout état de cause, sa description de « routes de fer » ne diffère pas de la description de « chemins de fer » par Héron de Villefosse présentées quatre ans auparavant (1819) (cf. infra), qui lui-même s’inspirait, pour partie, de Gallois (1818)] [NB 2 : L’auteur, ingénieur des mines qui a voyagé en Angleterre en 1816, 1818 et 1822 (page clxiv), fait référence à la locomotive à crémaillère de Blenkinsop (1812), directeur de la houillère de Brandling à Middleton (en) (Leeds) appartenant à Ch. J. Brandling (en), d’une conception déjà ancienne et dépassée par les locomotives à adhérence totale d’Hedley « Puffing Billy » (1814) et « Wylam Dilly (en) » (1815) aux houillères de Wylam (en) (Northumberland), propriétés de Christopher Blackett (en) et équipées dès le milieu du XVIIIe siècle d'un « Wagonway (en) » (ou « Plateway (en) », chemin de fer à rail plats en forme de "L" (cf. infra) conçus par J. Curr (en) et promus par B. Outram (en)), reprises et développées par G. Stephenson (1815-1825) à Killingworth (en) (Newcastle) (cf. infra)].
  256. Ch.-J. Minard, Projet de chemins de fer et de canal pour le transport des pavés à Paris, Paris, E. Thunot, 1822 (Bibliothèque numérique patrimoniale des ponts et chaussées) ; projet d'un canal concédé, de 36 km de long entre Chevreuse et Paris, pour alimenter en eaux la capitale et transporter les pavés extraits de carrières des coteaux de l’Yvette à Gif, « Lozert » (Lozère), Sceaux et Orsay. Les pavés sont amenés par chariots, tractés par un cheval, au canal par des chemins de fer (dont la voie est formée de « coulisses [rail] ») établis le long des coteaux, et descendus dans la vallée au moyen de plans inclinés, pour une longueur cumulée de 12,5 km.
  257. « Il a été question de faire un canal de la haute Loire au Rhône en passant par St Etienne… Le nombre d’écluse serait tel qu’il faudrait quatre fois plus de temps pour aller par ce canal que par des voitures... Des ingénieurs des mines ont proposé de remplacer le canal par un chemin de fer, projet qui a été adopté et dont l’exécution a même été commencée par les intéressés. Un chemin de fer à l’avantage d’offrir un transport doux, de n’avoir pas d’écluses qu’il faille franchir et d’être d’une construction plus économique qu’un chenal, le transport sur les chemins de fer est plus dispendieux en général que les canaux ; mais dans certaines circonstances ils peuvent être préférables. » (Notes prises aux leçons de M. Brisson à l’École des ponts et chaussées par M. Partiot, Navigation Intérieure, 3e leçon, 19 janvier 1825, MS 3178, ENPC.
  258. B. Brisson, Essai sur le système général de navigation intérieure de la France, Paris, Carillian Gœury, 1829 ; un chemin de fer substituable à un canal pour :
    • raison économique ; la rareté des eaux, plus encore en période de sécheresse, employées préférentiellement aux travaux d’irrigation rend envisageable un chemin de fer plutôt qu’un canal pour la communication entre la Durance et l’Argens, près de Fréjus (page 112-113)
    • raison technique : la multiplicité des écluses, la pente des vallées trop raide et la difficulté à alimenter en eaux les biefs de partage rend la navigation lente et pénible, inconciliable avec les intérêts du commerce ;
      • communication entre la Garonne et la Loire prévoyant un bief de partage à « Vernugeot » (Verneugheol) (page 30) ;
      • communication entre la Creuse et la ligne de communication entre la Garonne et la Loire (supra) prévoyant un bief de partage à l’étang de Flayat (page 75) ;
      • communication de la Haute-Vienne à la Dordogne (page 81) ;
      • communication entre la Dordogne et le canal du Midi (page 105).
    Si la direction des chemins de fer envisagés est identique à celle des canaux auxquels ils se substituent, l’auteur ne donne aucun détail technique notamment sur la manière de franchir les points culminants, à l’exception de la communication entre la Dordogne et le canal du Midi, d’une longueur cumulée de 217 km entre Alby et Béziers, pour laquelle il semble privilégier un tunnel au plan incliné en envisageant deux tunnels (1 800 m à l’est de Réquista et 1 500 m sous les hameaux de Lavaigne). [NB : cette substitution chemin de fer/canal correspond, par exemple, au projet inabouti, de 1825, d'un chemin de fer entre Brive et Tulle en remplacement de la canalisation de la Corrèze (cf. supra), au chemin de fer Le Havre-Paris (1826) en remplacement d'un projet de canal maritime (cf. infra), ou au chemin de fer d'Andrézieux à Roanne, adjugé en 1828, en remplacement de la partie amont du canal de la Haute-Loire (cf. infra)].
  259. Voir O’Reilly et J.-N. Barbier de Vémars, « Annales des arts et manufactures » : [NB : les Annales des arts et manufactures ont paru de 1800 à 1818. La première collection comprend 55 volumes édités de 1800 à 1815 + un 56e volume contenant une table générale. La seconde collection est parue de 1816 à 1818, reprenant parfois des articles de la première collection (Collection complète sur le site HathiTrust - www.hathitrust.org).
  260. Burdin, Considérations générales sur les machines en mouvement, in Journal des mines, Paris, 37e volume, premier semestre 1815, article no 221, mai 1815, en particulier pages 320 et 321.
  261. de Gallois, Des chemins de fer en Angleterre, notamment à Newcastle dans le Northumberland, in Annales des mines. Article qui fait l'objet d'une présentation à l'académie des sciences ; procès-verbaux des séances de l'Académie, Tome VI, An 1816–1819, page 316, séance du lundi 18 mai 1818, « lecture du rapport de M. de Gallois par M. Girard ».
  262. Héron de Villefosse, De la Richesse minérale…, Paris, imprimerie royale, 1819 (sur le site Internet Archive) :
    • Tome second – division technique - Ire et IIe partie ; le volume considérable de houille extraite des mines de Newcastle tient, entre autres facteurs, « de la rapidité des communications, qui sont établies par des chemins de fer, tant à l’intérieur [dans les galeries et sur le carreau de mine] qu’à la surface du sol [pour acheminer la houille extraire vers les fleuves Tyne et Wear], pour transporter du combustible obtenu » (pp. 531 et 534). « Espérons qu’il [cet exemple anglais] procurera les mêmes avantages en France, où rien n’est plus nécessaire pour l’exploitation des mines, que multiplier et de faciliter les communications. » (p. 558). Le transport du minerai s'effectue par « roulage sur voie de fer », soit « saillante » [rail way, rail road (Tome 2 p. 554) ; edge rail, round top rail, ou fish-backed-rail (Tome 3 p. 113)] soit « plate » [tram way, tram road, plate wag (Tome 2 p. 554) ; plate rail, tramway-plate, ou barrow-way-plate (Tome 3 p. 113)].
      • Les mines de Clausthal dans le « Hartz » et de Königsgrube (de), près de Beuthen en Haute-Silésie, sont prises pour exemple des chemins de fer « à l’intérieur » à voie saillante ; « voie de fonte de fer », dite « voie angloise » (p. 280), formée de « pièces de bois sur lesquelles sont fixées des pièces [planes] de fonte de fer » (Clausthal - p. 280 + Atlas Planche 16 fig. 15 à 18), de solives en bois sur lesquelles sont fixés « des barreaux [plans] en fonte de fer » (Königsgrube - p. 534 et suiv. + Atlas planche 30 fig. 6 et fig. 7 a, b et c). Sur ces voies circulent des chariots avec roues à boudin intérieur. Dans des mines en Angleterre, la voie plate est « employée, dans la partie méridionale du même pays [Angleterre], pour le transport de petits chariots... généralement usitée dans l’intérieur des mines » (Tome 2 p. 555), « la voie plate est fort usitée dans la partie méridionale de l’Angleterre tant à la surface du sol [carreau de mine] que dans l’intérieur des mines [galerie]. » (Tome 3 p. 113). Dans cette espèce, « c’est la voie qui porte un rebord propre à contenir les roues » ; sur « chacune des pièces [de bois fixées dans le sol] » est fixée une « pièce de fonte de fer… [qui] porte un rebord [en demi-lune] » (Tome 3 p. 113 + Atlas fig E partie A, C et D et fig. b (Voyez E)). D'autres « pièces de fonte portent deux rebords très-peu élevés… lorsque [le chemin de fer] traverse une route ordinaire… Il en résulte que les voitures ordinaires peuvent passer transversalement sur les pièces [de fonte] sans endommager le chemin de fer. » (Tome 3 p. 114 + Atlas planche 41ter fig. E partie B e et f). Sur ces voies, circulent des chariot avec roues à jante plate ; « celles-ci ne diffèrent des roues ordinaires [voiture sur route] que par leur moindre dimension » (Tome 2 p. 554 + Atlas planche 41ter fig. E' Elévation).
      • les descriptions faites par de Gallois dans son mémoire de 1818 servent à décrire les chemins de fer « à la surface du sol » [pour acheminer le minerai à l'extérieur de la houillère] (Tome 2 page 554 et suiv.). La « voie saillante » est constituée de « bareaux en fonte de fer » [en forme de ventre de poisson] posés sur des « piedestaux en fonte de fer [coussinets] » qui sont fixés sur des « supports en pierre, ou dormans » (Tome 3 p. 112 + Atlas planche 41ter fig. q). Sur ces voies circulent des chariots dont « chacune des roues du chariot est pourvue d’un rebord ou d’une rainure [gorge], et la voie n’en offre point » (Tome 2 p. 554);
    • Tome troisième - division technique - IIIe et IVe partie, (pp. 108 et 109 + Atlas planche 41ter fig. C, d et p) ; description d’un « chariot à vapeur », « machine ambulante » [locomotive], adoptant les derniers perfectionnements mis au point par William Losh (en), propriétaire d'une fonderie, et « George Stevenson ». Une telle locomotive circule sur un chemin de fer horizontal, ou peu incliné (Tome 2 p. 557 5.°) [NB : le brevet Losh-Stephenson, tel que décrit dans la présentation (30 septembre 1816) publiée dans la revue The Repertory of arts, manufactures, and agriculture, n° CLXXX, second series, may 1817, p 321 et suiv., porte sur les moyens d’améliorer l’amortissement des chocs vibratoires subis par la locomotive à vapeur en mouvement ; d’une part, en utilisant un nouveau type de rail dont les extrémités sont biseautées pour amoindrir les chocs au passage du joint entre deux rails et, d’autre part, en disposant au fond de la chaudière de la locomotive des cylindres ouverts à leur extrémité supérieure emplis de vapeur et dont la bielle du piston émergeant vers les bas prend appui sur les paliers des roues (l’élasticité de la vapeur dans la chaudière servait de suspension (en)). Cette locomotive est mise au point à la mine de Killingworth (en) en 1815, comportant six roues forgées (et non moulées) motrices entrainées par une chaîne sans fin sous le châssis. Une autre locomotive identique (« The Duke ») est construite pour la compagnie ferroviaire Kilmarnock and Troon Railway (en). Par la suite, ce type de locomotive « Killingworth » (en) ne comporte plus que quatre roues motrices. Elles furent modifiées en 1816 par l’emploi, sous le châssis, de bielles d’accouplement munies d’un écrou tendeur assorties à un essieu coudé et de suspensions à lames d’acier, mais sans suite. Des locomotives similaires sont construites en 1822 pour les houillères de Hetton (en) et en 1825 pour la compagnie ferroviaire Stockton and Darlington Railway ces dernières innovant par l'emploi d'une bielle d’accouplement extérieure des roues motrices (locomotive type « Locomotion ») (Gustavo Reder (de), Le monde des locomotives à vapeur, Fribourg, Office du livre, 1974)).
    [NB : L'ouvrage De la Richesse minérale se compose de trois volumes et d'un atlas. Le 1er volume a fait l'objet d'une première édition en 1810 consécutive à la publication, entre 1806 et 1808, de mémoires et dessins lorsque l'auteur s'est vu confier des missions d'études et des comptes-rendus des mines et usines dans les pays conquis, notamment en Wesphalie. L'édition complète de 1819 est donc le fruit des études et observations d'Héron de Villefosse élargies aux différentes mines d'Europe continentale sous l'Empire. Pour les mines d'Angleterre, il emprunte à d'autres auteurs, dont de Gallois (1818 cf. supra) s'agissant du roulage de la houille dans les mines de ce pays (Tome 2 p. 554), mais aussi à Winch (en) (1814) pour les aspects géologiques des mines de Newcastle (idem p. 531), à un auteur allemand pour les mines de Cornouailles (idem p. 354) et à Francis Egerton (duc de Bridgewater) (1812) pour les mines de Walkden moor (idem p. 527)].
  263. Anne-Françoise Garçon, Entre l'État et l'usine. L'École des Mines de Saint-Étienne au XIXe siècle, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2004 (ISBN 9782868479587).
  264. L. Cordier, Sur les mines de houille de France et la question s'il est convenable de modifier ou même de révoquer le règlement de douane, qui permet l'importation des houilles étrangères, rapport fait à M. le Comte Laumond le 19 octobre 1814, in Journal des mines, Tome 36, numéro 21, novembre 1814, pages 338 et 340.
  265. Les locomotives sont une nouveauté : [NB : Joseph Andrieux, mécanicien parisien, membre de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale (Voir Chassagne Serge, Une institution originale de la France post-révolutionnaire et impériale : La société d'encouragement pour l'industrie nationale, in « Histoire, économie et société », 1989, 8e année, no 2, pp. 147-165)]. L'article d'Andrieux est annoncé dans un article précédent paru dans le même Bulletin en février 1815 (p. 31). Il est repris, trois ans plus tard, sans addition par Borgnis dans son ouvrage Traité complet de mécanique appliquée aux arts... - Composition des machines, Paris, Bachelier, 1818, page 123 et suiv. + planche X. Cependant, « Ne connaître en 1818 que la machine de Blenkinsop constitue un certain retard dans l'information technique » (J. Payen, La machine locomotive en France, des origines au milieu du XIXe siècle, PUL & CNRS, Lyon-Paris, 1988, page 45). De même, l’article d’Andrieux (1815), sans être cité, comme celui de Gallois (1818) servent à illustrer le cours de Dupin, nommé en 1819 « Professeur de mécanique appliquée aux arts » au Conservatoire des arts et métiers, dans son cours public (débuté en décembre 1820) Géométrie et mêchanique des arts et métiers et des beaux-arts, dont l’édition en trois volumes, entre 1825 et 1826 (traduits en huit langues), n’a pourtant pas fait l’objet d’actualisation sur les parties relatives aux « routes à ornières en fer » (tome 2, page 325 et suiv. + planche) (soit 12 pages reprises de ses Voyages dans la Grande-Bretagne… entre 1816 et 1820, publié en 1825) et aux « machines à vapeur à haute pression (locomotive à vapeur) » (tome 3, page 446 et suiv. + planche) (soit 2 pages reprises d’Andrieux). Finalement, « Qui de ceux concernés par le problème des locomotives l’avaient lu [article d'Andrieux] ? Certainement peu de gens à vrai dire. Voici donc l’exemple d’une publication complète et remarquable qui ne servit absolument à rien, victime sans doute d’une diffusion par trop confidentielle. Toutefois, elle met bien en valeur les mérites d’une curiosité intellectuelle centrée sur la technologie, ceci dès la chute de l’Empereur. » (Jean-Marc Combe, « Les toutes premières locomotives à vapeur et leur impact sur le continent : presse technique et influence sur les concepteurs », in Scientifiques et sociétés pendant la Révolution et l’Empire, 114e congrès national des sociétés savantes, section d'histoire des sciences et des techniques, Paris, 1989, page 569 et suiv. (notice de la BNF)). Lors d'un de ses voyages en Angleterre, Marc Seguin observe la machine à crémaillère de Blenkinsop à l'occasion de son passage à Middleton, début décembre 1825, avant de rendre visite à Stephenson à Newcastle. Mais dans ses notes, sur la locomotive Blenkinsop, Seguin fait référence aux écrits de Tredgold (en) (A practical treatise on rail-roads and carriages, 1825 [la traduction française date de 1826]), ce qui semble indiquer qu’il n’avait pas connaissance de l’article d’Andrieux. « La machine Blenkinsop-Murray n’eut pas d’influence directe sur ses [Marc Seguin] propres créations. » (Jean-Marc Combe, Ibidem.)
    [NB : La locomotive Blenkinsop a inspiré la construction, en 1825, d'une locomobile à usage militaire dont les essais se sont déroulés au bord du canal Saint-Martin à Paris (Article de Belmas (capitaine du génie), Mémoire sur l'usage des machines à vapeur pour les manoeuvres d'eau et les travaux des places, in « Mémorial de l'officier du génie », no 10, 1829, page 216]. L'usage de la locomotive à vapeur prête à débats ; « Ainsi, pour l’Angleterre même, l’application des machines à vapeur aux chemins de fer est une chose encore nouvelle et soumise à la discussion. Plusieurs ingénieurs habiles ont douté long-temps et doutent encore qu’elle soit réellement avantageuse. » (Édouard Biot, « Journal des savans », août 1826 (second article) - premier article, ibidem, janvier 1826). Au mitan des années 1820, les connaissances de l’industrie « ferroviaire » n’avaient pas évolué depuis la fin de l'Empire et les premiers voyages de découverte en Angleterre. Il est symptomatique que l’ouvrage de référence, à cette époque, de Nicholas Wood (en) A Practical Treatise on Rail-roads and Interior Communication in General, publié en 1825, n’ait pas fait l’objet d’une traduction française. Il ne le fut que pour sa seconde édition de 1832, traduite en 1834 (N. Wood, Traité pratique des chemins de fer…, traduit par Montricher, Franqueville et Ruolz, Paris, Carilian-Goeury,1834 + atlas) (sur le site Gallica de la BNF). Depuis l’article de Gallois (1818), « il semble qu’on se soit alors désintéressé des locomotives en France pendant quelques années » (J. Payen, La machine locomotive en France, des origines au milieu du XIXe siècle, PUL & CNRS, Lyon-Paris, 1988, page 46).
    • 2e) À l'origine, le terme de « locomotive » n’est pas employé mais celui de « chariot à vapeur » (steam carriage) concurremment, à l’époque, avec ceux de « machine à vapeur sur roue », « machine ambulante », « cheval vapeur » (steam-horse), ou encore « voitures à vapeur » et « machine à vapeur mobile, portée sur un chariot » chez Cordier (op. cit.). « On voyait dans les locomotives anglaises avant tout une machine à vapeur améliorée ; qu’elle se déplaçât n’était qu’un détail accessoire. » (Peter J. Wexler, La formation du vocabulaire des chemins de fer en France (1778 - 1842), 1955, Genève, librairie E. Droz, page 99).
    • 3e) C’est à compter du chemin de fer Stockton-Darlington en 1825, première compagnie ferroviaire à utiliser une locomotive à vapeur tout le long des parties planes de sa ligne, que le terme « locomotive » s’impose (les déclivités sont franchies par traction hippomobile ou plan incliné).
    Il est employé pour la première fois, la même année, dans un article de Baillet décrivant « l’essai d’une machine à vapeur locomotive (…) machines à vapeur roulantes ou locomotives » lors d’expériences en janvier 1825 à la mine de Killingworth (en) (Baillet, Remarque sur un chariot à vapeur, in Nouveau bulletin des sciences par la société philomatique de Paris – année 1825, Paris, imprimerie de Plassan, 1825, pages 19-20). Néanmoins, dans ses conclusions, l’auteur exprime des réserves à l’emploi de ce mode de traction ; outre que le prix de la houille est déterminant pour l'emploi d'une locomotive à vapeur (cf. supra Cordier sur le prix de la fonte et du fer pour les « routes en fer »), son utilité est inversement proportionnelle à la vitesse du convoi qu'elle tracte.
    [NB : Arsène Nicolas Baillet du Belloy (1765-1845) est ingénieur des mines, président de la Société Philomatique - biographie sur le site des Annales des mines ]. Les expériences décrites par Baillet sont citées dans l'ouvrage de Tredgold (en), Traité pratique sur les chemins en fer et sur les voitures destinées à les parcourir. Traduit par Duverne, Paris, Bachelier, 1826, note en bas de page 215 (édition originale A Practical Treatise on Railroads and Carriages en 1825). L’article de Baillet est repris anonymement dans une Note sur les machines à vapeur locomotive, in Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, 25e année, n° CCLXII, avril 1826, pages 111 à 115, complétée d’une courte description d’une locomotive Murray, montée sur deux chariots séparés, et d’une locomotive Stephenson, munie de cylindres plongés dans la chaudière (cf. supra) et se déplaçant au moyen de roue à gorge.
    • 4e) C’est en 1827, que l’administration autorise les compagnies Beaunier et Seguin à importer des locomotives anglaises ; la première avait déposé sa demande dès 1821 mais renonce finalement à cette importation pour des raisons financières, la seconde reçoit une locomotive Stephenson à Lyon en 1828.
  266. Par exemple :
  267. Projet présenté par Delavau, ingénieur en chef du cadastre du département des Bouches-du-Rhône, non réalisé par manque de soutien des capitalistes locaux (les tonnages de houille consommée à Marseille ne justifiant pas un tel investissement), malgré les recommandations de l'ingénieur des mines Furgaud s'appuyant sur le mémoire publié en 1818 par Gallois et proposant un autre tacé plus économique (Voir André Thépot, Les ingénieurs des mines du XIXe siècle ; histoire d’un corps technique d’État – Tome I (1810-1914), thèse d’histoire, Paris X Nanterre, Institut d’histoire de l’industrie (IDHI)-éditions Eska, 1998, page 371.)
    Biographie de Louis Martin Delavau sur le site internet Les ingénieurs vérificateurs, géomètres en chef du cadastre. Né à Tours en 1772 dans une famille de riche négociant de cuir. Il suit une scolarité au collège royal de la Flèche de 1785 à 1791. À la fin de ses études, à 19 ans, il intègre le commerce de cuirs de son père. En 1798, il se rend à Paris pour trouver un emploi dans les cuirs. Versé dans la géométrie et les mathématiques, il trouve un emploi au cadastre. Envoyé en Belgique, puis Savoie et Genève, il est affecté dans divers départements de France. Il est alors élevé au grade de géomètre en chef du cadastre dans les Bouches-du-Rhône. Il est membre de la société de statistiques de Marseille en 1834 (Tableau des membres de la société de statistiques de Marseille au 31 décembre 1840, in P.-M. Roux, Répertoire des travaux de la société de statistique de Marseille, tome quatrième, Marseille, imp. Carnaud fils, 1840). Il produit plusieurs ouvrages sur divers thèmes (plan de la ville de Marseille et de la totalité de son territoire, mémoire sur un projet de chemin de fer entre Marseille et Lyon, projet de docks, moyen de fournir à la ville de Marseille les eaux nécessaires à la consommation). Il décède d’apoplexie foudroyante le 8 septembre 1842 à Marseille.
    Jean Baptiste Furgaud (3 juin 1782 (Aubusson) - 23 février 1847 (Guéret)) entre à l'école polytechnique en 1801 puis, à sa sortie, à l'école pratique des ingénieurs des mines en 1803. Nommé ingénieur, il s'occupa de 1807 à 1810 de la fonderie de Conflans (Savoie), puis du service des mines à Alais en 1810, Grenoble de 1811 à 1814. De retour à Alais en 1814 puis à Aix de 1822 à 1824. En 1824, il fut chargé du service des mines pour la Creuse, la Corrèze et la Dordogne en résidence à Guéret et devint ingénieur en chef en mai. Chevalier de la Légion d'Honneur en 1832 (voir son dossier cote LH/1045/57 dans la base LEONOR). S'agissant des mines de Gardanne, voir l'Ordonnance du 17 septembre 1817, portant concession à perpétuité des mines de houilles situées sur le territoire de la commune de Gardanne, département des Bouches-du-Rhône suivie du cahier des charges signé Furgaud.
  268. En 1822, l'administration ordonna l'étude d'un canal latéral au Rhône depuis Lyon jusqu'à Arles. Un projet fut rédigé et obtint en 1824 l'approbation du conseil général des Ponts-et-Chaussées ; mais l'exécution de ce projet a été suspendue.
  269. Paul Masson (sous la dir.), Les Bouches-du-Rhône, encyclopédie départementale publiée par le conseil général..., deuxième partie « Le bilan du XIXe siècle», volume 9 « Le Mouvement économique : le commerce », Paris, H. Champion – Marseille, Archives départementales, 1922, page 726-727). Au nombre des maisons de commerce, figure l’entreprise de roulage lyonnaise de Pierre Galline (Michel Cotte, Innovation et transfert de technologie, le cas des entreprises de Marc Seguin (France 1815-1835) - thèse d’histoire, Paris, EHEES, 1995, 2 volumes, 1995, Annexe V « Chronologie des entreprises des frères Seguin », page 1055).
    La « Compagnie du chemin de fer latérale au Rhône » sollicitait une concession à perpétuité pour un chemin de fer à traction hippomobile reliant Lyon à Arles en cinq jours (Félix Rivet, La navigation à vapeur sur la Saône et le Rhône (1783-1863), Paris, PUF, 1962, page 213).
    Projet combattu par les frères Seguin qui sont engagés, à la même époque, dans la constitution d’une société par actions pour le halage à la vapeur sur le Rhône dont les premiers essais d’un bateau à vapeur interviendront fin 1826 ([Seguin aîné], Observations sur le projet d'établir une grande route en fer latérale au Rhône, 1825 (sur le catalogue de la BNF)).
  270. Balthazar Delorme, De la nécessité d'une route en fer de Lyon à Avignon, et de l'utilité de prolonger le canal de Bouc jusqu'à cette dernière ville, Avignon, 1826.
    Directeur d’une fonderie, Delorme s’intéresse au chemin de fer depuis le milieu des années 1820. Nommé maire d’Avignon en septembre 1832, il bénéficie de sérieux appuis dans l’entourage de Louis-Philippe et de son fils, le duc d’Orléans (Xavier Daumalin, L’atelier de construction ferroviaire. Louis Benet & Cie à La Ciotat (1839-1848), in Revue d'histoire des chemins de fer, 28-29|2003).
    Delorme, riche entrepreneur à Paris, fit construire, en 1808, un passage couvert qui portait son nom et démoli en 1896 (voir tableau déroulant dans article Wikipedia sur les Passages couverts de Paris).
    Voir courte biographie de Balthasar-Toussaint Delorme in Casimir-François-Henri Barjavel, Dictionnaire historique, biographique et bibliographique du département du Vaucluse…, Tome premier, Carpentras, imprimerie de L. Devillario, 1841, page 427.
  271. Charles Dupin (baron), Sur la circulation intérieure de la France, et spécialement sur le canal maritime de la Seine, sur Paris port de mer, et sur le canal de Paris au Rhin, in « Forces productives et commerciales de la France », tome second, Paris, Bachelier libraire, 1827, page 281 et suiv.). Projet présenté à l'Académie des sciences, séance du lundi 17 avril 1829 (Discussion sur le projet d’un canal maritime entre le Hâvre et Paris), in Le Globe, journal littéraire, Paris, samedi 22 avril 1826 (Tome III, no 52, page 273 et suiv.).
  272. Notice d'Hippolyte Margerin in Le Maitron.
  273. Système de communication (voie d’eau et chemin de fer construits ou en projet) d’après H. Fournel en 1829. Il est à noter que, hormis ceux de Bourgogne et latéral à la Loire, les canaux du « plan Becquey » soumissionnés dans le cadre des lois de 1821 et 1822 ne figurent pas sur cette carte
    H. Fournel et H. Margerin, De l'Influence du chemin de fer de Gray à Saint-Dizier sur les usines et les forêts de la Champagne et de la Lorraine, Paris, impr. de Marchand Du Breuil, 1829 (catalogue général de la BNF), repris août 1829 par H. Fournel dans son Mémoire sur le chemin de fer de Gray à Verdun communiqué aux maitres de forges du département de la Haute-Marne (catalogue général de la BNF), et à nouveau en 1832 dans son Mémoire sur le chemin de fer de Gray à Verdun (sur le site Internet Archives) (l’auteur indique avoir présenté ce projet à Becquey, en décembre 1828, qui aurait donné son approbation mais qui ne put se réaliser faute de rassembler les capitaux suffisants - cf. pages 6 à 8 de l’avertissement du Mémoire de 1832. Il s’agit avant tout de sauver et de promouvoir l’économie industrielle de Haute-Marne et de la Champagne. Après sa scolarité à Polytechnique, Fournel est appelé à diriger, pour le compte du maître de forges André, l’établissement métallurgique de Brousseval. La métallurgie champenoise, est paralysée par la divergence entre les intérêts immédiats des maîtres de forges (décidés à substituer la houille au bois et donc partisans de voies de communication à même de l'acheminer depuis les régions minières, Saint-Étienne et Rive-de-Gier notamment) et les propriétaires de bois (soucieux de garder le contrôle de leur débouché local et décidés, par conséquent, à ne rien changer). Mais le projet ferroviaire est largement sous-estimé tant techniquement que financièrement [Voir Lionel Latty, Henri Fournel, 1799-1876, ingénieur du corps des mines, saint-simonien, sa vie, ses œuvres, sa contribution au développement économique, industriel et social de son époque, Thèse de doctorat en Histoire, Nanterre, Université Paris X, 2000, diffusion ANRT, 2 volumes, tome I-page 29-45]). Ses réflexions ferroviaires conduiront Fournel, en 1833 dans son ouvrage Du chemin de fer du Havre à Marseille par la vallée de la Marne (sur le site Gallica de la BNF), à proposer un réseau national combinant voies d’eau et chemin de fer non pas centré sur Paris mais sur la région de Saint-Dizier, posant ainsi le principe de relier non pas des villes entre elles mais des centres industriels (Voir André Thépot, Les ingénieurs des Mines au XIXe siècle. Histoire d'un corps technique d’État, Tome 1 (1810-1914), éditions ESKA/Institut d'histoire de l'industrie, Paris, 1998, Tome I, pages 415-416).
  274. Aucune compagnie ferroviaire britannique (chemin de fer ou tramway), au moment de l'élaboration du plan Becquey (1818-1819) et de son vote (1821-1822) n'utilise une locomotive à vapeur. L'usage de la locomotive à vapeur est circonscrit à la desserte interne de quelques concessions minières qui l'expérimente, depuis le début des années 1810, sur les carreaux de mine, suivant les tentatives inabouties de Richard Trevithick en 1804 (entre la mine de fer de Pen-y-Darren et Abercynon (en) (Pays de Galles)) et en 1808 à Londres. La première compagnie ferroviaire utilisant des locomotives à vapeur le long des parties planes de sa ligne est la Stockton & Darlington Railway en 1825 (les déclivités sont franchies par traction hippomobile ou plan incliné - voir compte rendu de l'inauguration du chemin de fer dans Le Moniteur Universel du 31 octobre 1825, page 1480).
  275. François Caron, Histoire des chemins de fer en France, Tome 1 (1740-1883), Paris, Fayard, 1997, chapitre III « L’intrusion du chemin de fer », page 79 et suiv.
  276. Le Moniteur Universel, , 1re page, 1re colonne, « Paris, le 10 septembre ». L’article du Moniteur est repris in extenso dans Le National, , 3e colonne, P.-Ch. Laurent de Villedeuil, Bibliographie des chemins de fer, Paris, 1907, page 116, Tarbé de Vauxclair, Dictionnaire des travaux publics, civils, militaires et maritimes, Paris, 1835, article « CHEMIN DE FER » in fine, page 125. Voir également « Note sur les chemins de fer, les canaux et les voies de terre (extrait du Moniteur du 11 septembre 1832) », Annales des ponts et chaussées - mémoires et documents… lois ordonnances et autres actes, 1re série, Paris, 1832, p. 261. Voir également Pierre-Charles Laurent de Villedeuil, Bibliographie des chemins de fer, Tome I - fascicules 1-2-3, 1903, Paris, Librairie Générale, page 130, no 226- Etudes de chemin de fer (sur le site Gallica de la BNF).
  277. G. Lamé, É. Clapeyron, S. et E. Flachat, « Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France », Paris, Éverat, septembre 1832 (sur le site Gallica de la BNF).
  278. Michel Chevalier, « Exposition du système de la Méditerranée » (mars 1832), réunion de ses articles parus entre le 20 janvier et le 12 février 1832 dans le journal Le Globe dont il était le directeur (cf. supra).
  279. « N° CCLVIII - Personnel, Mouvemens d’ingénieurs, Études et projets de routes stratégiques, de chemins de fer, de phares, de navigation intérieure, Décisions diverses. 17 juillet 1833. », Annales des ponts et chaussées, Lois, ordonnance et autres actes, 1833, p. 254. L’arrêté du 17 juillet est suivi d’une lettre individuelle du 22 juillet 1833 à chacun des ingénieurs concernés les en informant ; Dausse (AN F1422042), Defontaine (AN F1422061), Kermaingant (AN F1422502), Navier (AN F1422891), Polonceau (AN F1423022) et Vallée (AN F1423332).
  280. « On pourrait peut-être craindre que les chemins de fer ne formassent une concurrence nuisible à nos canaux et n'en diminuassent les produits, mais cette objection tombe dès qu'on fait remarquer que de tous les transports celui par eau est le moins coûteux. Les chemins de fer, en général, serviront principalement au transport des voyageurs, puisque, s'ils sont bien faits, ils sont seuls dans le cas de permettre de circuler avec la plus grande vitesse et le plus d'économie… » (Chambre des députés, séance du 22 mai 1833, in Archives parlementaires, tome 84 (20 mai-10 juin, 1833), p. 133-).
  281. Antoine Polonceau, Observations sur le canal proposé de la Seine au Rhin entre Paris et Strasbourg et exposé d'un nouveau projet, Versailles, 2 septembre 1829 (1ère page : « Adressé le 18 octobre 1829 par M. Polonceau à M. le directeur général » (AN F146957).
  282. Lettre de Cordier à Becquey, 7 janvier 1830 (AN F1421971 (dossier Cordier)).
  283. Sur les aspects tarifaires et techniques de la concurrence voie navigable/voie ferrée au XIXe siècle, voir Merger Michèle, La concurrence rail-navigation intérieure en France 1850-1914, in « Histoire, économie et société », 1990, 9e année, no 1, Les transports, p. 65-94.
    Voir également Bazin, Mémoire sur l’état actuel de la navigation intérieure en France, in « Annales des ponts et chaussées », Paris, Carilian-Gœury éditeur, 1867, page 149 et suiv. (sur le site Gallica de la BNF), et P. Léon, Fleuves, canaux et chemins de fer, Paris, Armand Colin, 1903, page 11 et suiv.
  284. D'après H. Großkreutz, page 29.
  285. D'après H. Großkreutz, page 17. Sources : R. von Kaufmann, Die Eisenbahnpolitik Frankreichs, 2 vol. Stuttgart 1896, p. 630 (pour le rail et les voies navigables jusqu'en 1894 [1898 selon la traduction française de l’ouvrage de Kaufmann (Frantz Hamon (sous-chef de bureau au ministère des Finances), La politique française en matière de chemin de fer, Paris, 1900, page 848] ; D. Renouard, Le transport de marchandises par fer, route et eau depuis 1850, Paris 1960, p. 37 (autres valeurs).
  286. Voir A. L. Dunham (bibliographie) pages 26, 29-30.
  287. Stéphane Flachat, Du canal maritime de Paris à Rouen, Paris, 1829, introduction, p. 58.
  288. Lamé, Clapeyron, Stéphane et Eugène Flachat, Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France, Paris, imprimerie d’Éverat, septembre 1832, page 82.
  289. A. Boulé, Conférence sur le but et l’utilité de la canalisation des fleuves, ministère des Travaux Publics, troisième congrès international de navigation intérieure tenu à Francfort-sur-le-Main en 1888, rapports des délégués français…, Paris, 1890, page 104.
  290. René Musset, La canalisation des rivières en France, Annales de Géographie, année 1938, volume 47, no 269, p. 500-504 et A. L. Dunham (bibliographie), page 32.
  291. Geiger (bibliographie), p. 254.
  292. Lamé, Clapeyron, Stéphane et Eugène Flachat, Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France, Paris, imprimerie d’Éverat, septembre 1832, page 59.
  293. N. Daru, Des Chemins de fer et de l'application de la loi du 11 juin 1842, Paris, L. Mathias, 1843, page 8.
  294. Berthault-Ducreux, Comparaison des routes, des voies maritime et fluviale, des canaux et des chemins de fer, 1837, p. 330.
  295. Lamé, Clapeyron et Flachat, Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France, page 59.
  296. Encyclopédie nouvelle, 1837, pages 190 in fine et 191.
  297. H. Fournel, Examen de quelques questions de travaux publics, Paris, 1837, p. 18.
  298. Geiger (bibliographie), pp. 242-243 et 246.
  299. Geiger (bibliographie), pp. 159, 224 et 253.
  300. Minard, « Motifs pour préférer dans les travaux publics des ouvrages moins couteux, quoique moins durables », Journal des économistes, Volume 30, 1850, pp 65-67
  301. Geiger (bibliographies), p. 241.
  302. D'après J.-M. Vaslin, Le siècle d'or de la rente perpétuelle française, in « Le marché financier français au XIXe siècle », Vol. II - Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006.
  303. Lamé, Clapeyron, Stéphane et Eugène Flachat, Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France, Paris, imprimerie d’Éverat, septembre 1832, pp. 34-35.
  304. Article There Is No Free Lunch sur Wikiberal.
  305. Lamé, Clapeyron, Stéphane et Eugène Flachat, Vues politiques et pratiques sur les travaux publics de France, Paris, imprimerie d’Éverat, septembre 1832, pp. 60-61 et 268.
  306. Circulaire du directeur général des ponts et chaussées du 30 septembre 1830 contenant des dispositions nouvelles relatives aux congés, et des observations sur le service des ingénieurs.
  307. Circulaire du directeur général des ponts et chaussées du 24 octobre 1830 contenant communication d'une ordonnance du roi du 11 octobre, qui porte à 4 pour cent la retenue à exercer sur le traitement des ingénieurs, employés, conducteurs....
  308. Circulaire du directeur général des ponts et chaussées et des mines du 22 novembre 1830 portant envoi du rapport au roi et ordonnance de sa majesté du 19 octobre dernier.
  309. Circulaire du directeur général des ponts et chaussées du 9 novembre 1830 pour faire subsituer de coq gaulois à la fleur de lys sur la casquete des cantonniers.
  310. Ordonnance du roi du 8 juin 1832 relative à l'administration des ponts et chaussées et des mines.
  311. Ordonnance du roi du 9 juin 1832 chargeant provisoirement M. Legrand de l’administration des Ponts & Chaussées et des Mines.
  312. Alexandre de Laborde, député de la Seine, affirme que tout ce que le ministre du Commerce promeut est avantageux pour la France, mais que tout ce qu'il réalise lui-même est généralement désastreux (Archives parlementaires, Tome 75, 22 février 1832). En 1838, Milleret qualifie le programme des canaux de 1822 de « conception la moins raisonnable, la plus anti-économique, la moins morale dans quelques-uns de ses résultats, et la plus anti-financière qui ait jamais été mise à exécution dans un pays civilisé. » (J. Milleret, Considérations sur l'établissement des chemins de fer en France, Paris, 1838, p. 18).
  313. « Si jamais une opération a pu discréditer un gouvernement comme entrepreneur, c'est certainement celle faite en 1821 et 1822 par la Restauration, car on y trouve tous les vices accumulés ; mauvaise conception financière, engagements ruineux pour l'Etat, devis et évaluations erronés, inutilité de plusieurs lignes mal choisies, mode d’exécution lent et dispendieux, constructions colossales et de luxe. » (Mellet et Henry, D'une intervention utile du gouvernement dans les travaux publics, Paris, Imp. Ducessois, s.d., pp. 5-6, repris par la Revue mensuelle d'économie politique, 1833, p. 243 et suiv. Mellet et Henry sont les constructeurs du chemin de fer d’Andrézieux à Roanne et promoteurs infructueux de celui de Paris à Pontoise, amorce du Paris-Rouen-Dieppe/Le Havre).
  314. Henri Fournel écrit à juste titre ; « Avant 1830, l'opposition (ce n'est plus un mystère), a fait verge de tout bois pour flageller la Restauration. Dans cet exercice entrepris en grand, les canaux ne pouvaient manquer de jouer leur rôle, et l'administration a subi, de toutes les questions la plus aveugle, la question de la haine qui remontait au pouvoir. … on ne lui a rien épargné, et peut-être raisonne-t-on trop aujourd'hui sous l'impression des boulets de ce siège dans lequel l'attaque des canaux était au moins secondaire. » (in Examen de quelques questions de travaux publics, Paris, 1837, pp. 22-23).
  315. J.-B. Say, Cours complet d'économie politique pratique..., Bruxelles, Dupont libraire-éditeur, 1832, Tome 3, p. 411.
  316. Voir Nathalie Montel :

Sources

Archives

Archives nationale (Pierrefitte)

  • AN F14138591
  • AN F14138592
  • AN F14607B
  • AN F147076
  • AN F146957
  • AN F1421641
  • AN F1421971
  • AN F1411173

Bibliographie

  • [Collectif], Un canal... des canaux..., Paris, Caisse nationale des monuments historiques et des sites-Picard, 1986, (ISBN 2-8582-2069-7) (catalogue de l’exposition à Paris du 7 mars au 8 juin 1986 à la Conciergerie) (compte rendu de lecture par Jean-Marie Yante, Revue belge de philologie et d'histoire, Année 1989, Volume 67, Numéro 2, p. 508-511 – sur le site Persée).
  • Arthur Beugnot (comte), Vie de Becquey, ministre d’État et Directeur général des Ponts et Chaussées et des Mines sous la Restauration, Paris, Firmin Didot frères, imprimeurs de l’Institut, 1852 (biographie écrite peu après la mort de Becquey par le fils du ministre Beugnot dans un style très favorable à l’ancien directeur général).
  • Barnabé Brisson, Essai sur le système général de navigation intérieure de la France, Paris, Carillian Gœury, 1829 (ouvrage posthume « achevé depuis plusieurs années » et publié par l’épouse de Brisson sur les recommandations de Becquey – voir 1re page de l’avertissement de l’éditeur en début d’ouvrage) (sur le site Gallica de la BNF).
  • Anne Conchon, Les transports intérieurs sous la Révolution : une politique de l’espace, in Annales historiques de la Révolution française, 352 | 2008, 5-28 (sur le site Revues.org).
  • Théodule Collette de Baudicour, Souvenirs de famille (1750 - 1881), chez l'auteur (circa 1910 - 1915) (ensemble de cinq cahiers manuscrits écrits par l'auteur retraçant l'histoire de la famille Collette de Baudicour à travers sa correspondance et ses notes journalières. Ces cahiers, à l'exception du troisième disparu, ont fait l'objet, au début des années 2000, d'une transcription dactylographiée par Mme A. P., née Becquey, descendante de Félicie Becquey sœur aînée de Théodule Collette de Baudicour. Un exemplaire des cahiers transcrits a été remis à la fondation Dosne-Thiers).
  • Michel Cotte, Les mutations dans les travaux publics français et les ingénieurs de la Restauration, in Ambienti e Tipologie dell'industrializzazione - Francia e Italia durante otto e novecento (Lieux et typologies de l'industrialisation - France et Italie, XIXe - XXe siècle), Turin les 12 et 13 octobre 1993, Fondazionne Luigi Einaudi di Torino, EHESS de Paris, Centre culturel de Turin, Turin, mars 1995.
  • Francis Démier, La France de la restauration (1814 – 1830) - l’impossible retour du passé, Gallimard, collection Folio histoire, Paris, 2012 (ISBN 978-2-07-039681-8).
  • Arthur Louis Dunham, La révolution industrielle en France (1815-1848), bibliothèque d’histoire économique et sociale, Paris, librairie Marcel Rivière et Cie, 1953.
  • J.-M. Dutens, Mémoires sur les travaux publics de l’Angleterre, suivis d’un mémoire sur l’esprit d’association et sur les différens modes de concession, Paris, Imprimerie royale, 1819.
  • J.-M. Dutens, Histoire de la navigation intérieure de la France, avec une exposition des canaux à entreprendre pour en compléter le système, Paris, A. Sautelet et Cie libraires, 1829 (tome 1 et tome 2) (sur le site Gallica de la BNF) (En page x de la préface du Tome 1, Dutens précise qu’il a commencé son ouvrage « il y a plus de huit années, interrompu pendant long-temps… ». H. Großkreutz indique, page 37 ; « En raison d'une grave maladie de Dutens, la publication de ce plan a été retardée de neuf ans et a été publiée sous une forme légèrement modifiée et adaptée aux nouvelles circonstances. »).
  • Reed G. Geiger, Planning the French Canals: Bureaucracy, Politics, and Enterprise Under the Restoration, Newark, University of Delaware Press, 1994, 338 pp.
  • Ernest Grangez, Précis historique et statistique des voies navigables de France et d’une partie de la Belgique, Paris, librairie centrale de Napoléon Chaix et Cie éditeurs, 1855 (sur le site Gallica de la BNF).
  • Helmut Großkreutz, Privatkapital und Kanalbau in Frankreich 1814-1848 - Eine Fallstudie zur Rolle der Banken in der französischen Industrialisierung, Schriften zur Wirtschafts- und Sozialgeschichte, Band 28, Berlin, Duncker & Humblot, 1977, (ISBN 3-428-03852-5) (Revue française de science politique, Année 1978, informations bibliographiques, page 171 et Jean Vidalenc, compte-rendu, Rouen, sur le site de Universitätsbibliothek Heidelberg) (traduction Olivier Montès, Capitaux privés et construction de canaux en France 1814-1848 : Une étude de cas sur le rôle des banques dans l'industrialisation française 1820-1860, Paris, 2020, Centre de documentation Rails & Histoire, cote O MON 23).
  • Félix Lucas, Exposition universelle à Vienne en 1873. Étude historique et statistique sur les voies de communication de la France, d'après les documents officiels, chapitre III « navigation intérieure », Paris, imprimerie Nationale, 1873 (sur le site Gallica de la BNF).
  • Nathalie Montel, L’État aménageur dans la France de la Seconde Restauration, au prisme du Rapport au roi sur la navigation intérieure de 1820, in « Revue d’histoire moderne et contemporaine », 2012/1 (no 59-1), Éditeur Belin (ISBN 978-2-70-116343-7).
  • Gwenaël Nieradzik, La construction du réseau de canaux français et son financement boursier (1821-1868), in Georges Gallais-Hamonno (dir.), Le marché financier français au XIXe siècle, Volume 2 « Aspects quantitatifs des acteurs et des instruments à la Bourse de Paris », Paris, Publications de la Sorbonne, 2007 (ISBN 978-2-85944-574-4) (article publié par la Revue d'économie financière en 1997, mémoire de DEA de G. Nieradzik, Le rôle de la Bourse dans la construction et l'exploitation des canaux intérieurs au XIXe siècle, université d'Orléans, 1994).
  • Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France, Paris, imprimerie royale, 1820.
    Rapport au Roi sur la navigation intérieure de la France in Annales des Mines.
    (Le Rapport se compose d’un rapport du ministre de l’intérieur, comte Siméon, au roi (16 août 1820), suivi du rapport de Becquey au ministre de l’intérieur (4 août 1820) auquel est annexé le « Tableau de la navigation intérieure de la France » (en trois parties) détaillant le système de navigation à mettre en place et son coût et, en fin d’ouvrage, un état des fleuves et des rivières navigables avec l’indication des lieux où commence le flottage).
  • Georges Reverdy, Les travaux publics en France 1817-1847 - trente années glorieuses, Paris, Presses de l’école nationale des Ponts et Chaussées, 2003 (ISBN 2-85978-383-0).
  • Eric Szulman, La navigation intérieure sous l’Ancien Régime - Naissance d’une politique publique, Rennes, Presses de l’Université de Rennes, 2014 (ISBN 978-2-7535-2942-7).
  • Olivier Tort, La droite française. Aux origines de ses divisions (1814-1830), collection CTHS histoire no 51, Paris, Éditions du Comité des travaux historiques et scientifiques, 2013 (ISBN 978-2-7355-0792-4).
  • Denis Woronoff, Voie anglaise ou voie nationale : l'industrialisation de la France pendant la Restauration, in « Sciences et techniques en perspective », no 35 - Les enfants du siècle : sciences et savants à l'époque romantique (1815 - 1830), Tome 1, actes du colloque international d'histoire des sciences et des techniques à Nantes les 13-15 octobre 1994, Nantes, université de Nantes, 1996 (ISBN 2-86939-103-X).

Voir aussi

Articles connexes

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