Saint-Amand Bazard

Saint-Amand Bazard (1791-1832), dit aussi Armand Bazard, est l'un des fondateurs et dirigeants de la Charbonnerie française, il devient ensuite porte-parole et l'un des deux « Père », avec Enfantin, du mouvement saint-simonien.

Biographie

Naissance et famille

Saint-Amand Bazard est né le à Paris. Enfant adultérin, il se retrouve, à 16 ans, livré à lui-même sans ressources[1]. Ses parents sont inconnus, néanmoins Palmyre Bazard est considérée comme étant sa sœur[2],[alpha 1].

En 1813, à 22 ans, Saint-Amand se marie avec Claire Joubert. Claire, et son frère Nicolas, sont les enfants de Pierre-Mathieu Joubert, conventionnel membre de l'Assemblée constituante de 1789[alpha 2], Évêque constitutionnel, qui, en 1792, a renoncé à toute fonction ecclésiastique et s'est marié le . Ce beau-père, ancien curé, exerce différentes fonctions publiques : président de l'administration du département de la Seine, Préfet de la préfecture du Nord, à Lille, du au , administrateur général de l'octroi de la Seine et conseiller du département de la Seine jusqu'à son décès le . Claire et Saint-Amand auront quatre[3] enfants : la fille ainée Marie-Claire-Alexandrine[4] Bazard née à Paris le , mariée avec Alexandre Guyard de Saint-Chéron, rédacteur du Globe le journal du mouvement, le avec une célébration organisée par les saint-simoniens[5],[alpha 3] rue Monsigny à Paris[6] ; Albert né vers 1815 ; Laure, née le  ; et Zaire.

Militaire

Au cours des combats de la bataille de Paris Saint-Amand Bazard se distingue, chaussée de Vincennes le , en reprenant les canons de l'École polytechnique[7]. Récompensé pour ce fait de bravoure, il est nommé capitaine de la garde nationale et décoré de la croix d'honneur. Puis il obtient un emploi de commis à la division de l'octroi de la préfecture de la Seine[8].

Sociétés secrètes

Saint-Amand Bazard, avec ses amis Philippe Buchez, Pierre Dugied et Nicolas Joubert[alpha 4], fonde ou participe à divers groupes rassemblant des étudiants, des jeunes gens du commerce et des collègues commis d'administration à l'octroi[9]. Il devient le Vénérable de la loge des Amis de la Vérité[10], loge maçonnique au fonctionnement ressemblant plutôt à un club républicain, l'objectif étant de débattre et agir, pour renverser les Bourbons, sans s'embarrasser de pratiques considérées comme désuètes. En 1820 il est capitaine de la Compagnie franche des écoles et participe au Bazard français, dont l'échec provoque la fuite vers l'Italie de Philippe Buchez et Nicolas Joubert.

Le , toujours avec les anciens de la loge, Philippe Buchez, Pierre Dugied et Nicolas Joubert, et quelques autres, Bazard fonde une Charbonnerie française, en s'inspirant de la Carbonaria italienne, dont les statuts ont été rapportés d'Italie par Buchez et Joubert[11]. Le groupe traduit le texte et le réécrit en l'expurgeant du religieux et du mystique de l'original napolitain[12]. La direction de la Charbonnerie française est confiée dans un premier temps à Saint-Amand Bazard puis, pour intensifier son influence, à des personnalités[13]. C'est La Fayette qui exerce cette fonction lors de la conspiration avortée de Belfort. Bazard réussit à s'enfuir. Sur la route du retour vers Paris, il rencontre La Fayette, qui avait pris du retard, et lui évite ainsi d'être compromis[14]. Les conspirateurs ayant été infiltrés et certains, comme Philippe Buchez, arrêtés, Bazard est poursuivi et jugé par contumace à la peine de mort[15]. Il entre en clandestinité, mais continuera à publier des articles de manière anonyme.

Saint-simonien

Saint-Amand Bazard sort de l'ombre en signant de son nom un article dans le numéro du du journal Le Producteur, il y participe à la polémique entre les rédacteurs et Benjamin Constant. Son autorité et son sérieux le feront devenir de plus en plus influent, les membres l'écoutent et apprécient ses idées ; sa froideur contraste avec le charisme d'Enfantin. Bazard expose la doctrine de Saint-Simon, notamment dans des réunions où ses qualités d'orateur sont efficaces pour la diffusion des idées et le recrutement de nouveaux adeptes. L'organisation se structure, avec la mise en place d'une stricte hiérarchie. Son emprise sur l'organisation se concrétise en 1828 lorsqu'il devient porte-parole du mouvement. Néanmoins il perd cet avantage, lorsqu'en fin d'année une orientation résolument religieuse du mouvement se dessine sous l'impulsion d'Enfantin. Bazard est réticent, mais il n'a pas les moyens pour s'opposer à la volonté d'Enfantin. Les membres ne les départagent pas, une direction duale est créée. Ils sont nommés co-chefs de la Religion Saint-Simonienne[alpha 5]. Le jour de Noël 1829, Bazard et Enfantin reçoivent d'Olinde Rodrigues le titre de « Pères suprêmes ». Cette orientation provoque un premier départ ; Buchez quitte les saint-simoniens.

En 1830, lors de la Révolution de Juillet Saint-Amand Bazard est missionné pour aller demander une dictature provisoire à La Fayette afin de faire passer les réformes économiques saint-simoniennes. Son refus ne tarit pas les ressources des Saint-Simoniens qui voient arriver de nouveaux adeptes. Le rachat du journal Le Globe, en permet d'accroître la propagande; le nouveau Le Globe, paru le , a comme sous-titre Journal de la doctrine de Saint-Simon. Un nouveau tournant a lieu à l'approche de l'été. En août le sous-titre du Globe devient Journal de la religion saint-simonienne. Le religieux et le mystique dominent, la lutte est ouverte entre Bazard et Enfantin. Ce dernier devient le seul « Père Suprême »[16].

Depuis l'origine les deux leaders sont en confrontation. Les premières années, l'autorité était plutôt du côté de Saint-Amand Bazard avec des mots d'ordre comme l’abolition de l’exploitation de l’homme par l’homme paru dans l’Exposition de la doctrine, ouvrage issu des conférences faites par Bazard au nom de tous. L'évolution religieuse a fait glisser l'avantage vers Enfantin. Pour conserver son autorité, Bazard s'est aventuré dans un champ où il est dominé dans le domaine de l'inventivité intellectuelle. La pression exercée par Enfantin est de plus en plus forte, les orientations qu'il met en pratique dans sa maison rue Monsigny, notamment celles concernant le « mysticisme sensuel », provoquent la rupture[17].

Retraite et décès

Saint-Amand Bazard, affaibli par un accident vasculaire cérébral, survenu pendant le psychodrame, impliquant son épouse Claire, provoqué par Enfantin[18], indique publiquement, le , qu'il se retire de la direction du mouvement. Ce schisme provoque le départ de ses partisans, mais il ne réussira pas à les fédérer pour reprendre la main sur les saint-simoniens. Il meurt à Courtry le .

Publications

Articles du journal Le Producteur (1825-1826)

  • « Des partisans du passé : et de ceux de la liberté de conscience », Le Producteur : journal de l'industrie, des sciences et des beaux-arts, t. 1, , p. 399-411 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Considérations sur les mœurs littéraires de notre époque, à l'occasion d'un article inséré dans le dernier numéro de la Revue Encyclopédique », Le Producteur, t. 2, no 9, , p. 561-566 (lire en ligne, consulté le ).
  • « De l'esprit critique », Le Producteur, t. 3, , p. 110-134 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Quelques réflexions : sur un ouvrage de M. de Lamennais et sur un article du mémorial catholique », Le Producteur, t. 3, , p. 319-324 (lire en ligne, consulté le ).
  • « De la nécessité d'une nouvelle doctrine générale », Le Producteur, t. 3, , p. 526-560 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Examen d'une disertation sur le mot Encyclopédie, par M. Guizot », Le Producteur, , p. 112-122 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Considération sur l'histoire », Le Producteur, , p. 390-415 (lire en ligne, consulté le ).
  • « Du catholique et de M. d'Eckstein », Le Producteur, , p. 517 (lire en ligne, consulté le ).

Co-auteur textes fondamentaux « église » saint-simonienne

Correspondance

  • lettres présentes dans le fonds Enfantin[alpha 6].

Notes et références

Notes

  1. « Palmyre Bazard sœur de Saint-Amand Bazard, membre de la Famille saint-simonienne vers 1831 »[2].
  2. Député du bailliage d'Angoulême, Liste alphabétique des membres de l'Assemblée constituante de 1789.
  3. La première cérémonie de mariage organisée par les saint-simoniens avait eu lieu le .
  4. Nicolas Joubert est le frère de sa femme Claire.
  5. Ce sont les autorités policières qui parleront de secte. Au sens de l'époque, moins fort qu'aujourd'hui.
  6. Voir, en bas de page; le lien vers le site de la Bibliothèque Nationale française (Bnf), Fonds Enfantin ou fonds saint-simonien de la bibliothèque de l'Arsenal.

Références

  1. Régnier 2009, p. notice.
  2. Bulciolu 1980, p. 240.
  3. Philippe Régnier
  4. Borel d'Hauterive et Révérend 1851, p. 238.
  5. Ralph P. Locke 1992, p. 117.
  6. d'Eichthal 1917, p. 489.
  7. Flottard 1834, p. 459.
  8. Bellet 2011, p. 2.
  9. Flottard 1834, p. 450.
  10. d'Harmonville 1842, p. 542.
  11. Trélat 1834, p. 282.
  12. de Vaulabelle 1851, p. 149-150.
  13. de Vaulabelle 1851, p. 152.
  14. de Vaulabelle 1851, p. 280.
  15. Quérard 1842, p. 215.
  16. Ralph P. Locke 1992, p. 27.
  17. Krakovitch 1982, p. 321.
  18. Roulin 2005, p. 95.

Voir aussi

Du XIXe siècle

  • Ulysse Trélat, « La Charbonnerie », dans Gilbert Guillaumin (dir.), Paris révolutionnaire, Paris, Guillaumin, (lire en ligne), p. 275-341.
  • J.-T. Flottard, « Une nuit d'étudiant sous la Restauration », dans Gilbert Guillaumin (dir.), Paris révolutionnaire, Paris, Guillaumin, (lire en ligne), p. 449-476.
  • A.-L. d'Harmonville (dir.), « Bazard (Amand) », dans Dictionnaire des dates, des faits, de lieux et des hommes historiques : ou, Les tables de l'histoire, répertoire alphabétique de chronologie universelle, Paris, Alphose Levavasseur, (lire en ligne), p. 542.
  • Joseph-Marie Quérard (dir.), « Bazard (Saint-Amand) », dans La littérature française contemporaine XIXe siècle, Paris, Daguin frères, éditeurs, (lire en ligne), p. 215-216 et 282-283.
  • André Borel d'Hauterive et Albert Révérend, « Guyard de Saint-Chéron », dans Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Europe, Paris, Champion, (lire en ligne), p. 235-238.
  • Achille de Vaulabelle, Chute de l'empire, t. cinquième : Histoire des deux restaurations jusqu'à la chute de Charles X, Paris, Perrotin, , 507 p. (lire en ligne), p. 149-152, 264-271 et 281-283.

Du XXe siècle

  • Eugène d'Eichthal, « Souvenir d'une ex-saint-simonnienne », dans René Stourm (dir.), Séances et travaux de l'Académie des sciences morales et politiques : compte rendu, Paris, Maurice Gauja, (lire en ligne), p. 487-495.
  • François-André Isambert, De la Charbonnerie au Saint-Simonisme : tude sur la jeunesse de Buchez, Paris, Les Éditions de Minuit, , 200 p. (notice BnF no FRBNF33052985, lire en ligne).
  • Maria-Teresa Bulciolu, L'École saint-simonienne et la femme : Notes et documents pour une histoire du rôle de la femme dans la société saint-simonienne, 1828-1833, Goliardica, (lire en ligne), p. 240.
  • Odile Krakovitch, « Maria Teresa Bulciolu. L'École saint-simonienne et la femme. Notes et documents pour une histoire du rôle de la femme dans la société saint-simonienne, 1828-1833. Pisa, Goliardica, 1980. In-8°, 256 pages. [Etudes sur l'égalité.] », Bibliothèque de l'école des chartes, t. 140, no 2, , p. 321-322 (lire en ligne, consulté le ).
  • Ralph P. Locke, Les Saint-Simoniens et la musique, Éditions Mardaga, coll. « Musique musicologie », , 496 p. (ISBN 978-2-87009-491-4, lire en ligne), p. 27.
  • Pierre Musso, Saint-Simon et le saint-simonisme. Collection Que Sais-je ? PUF, 1999.

Du XXIe siècle

  • Jean-Marie Roulin, Corps, littérature, société, 1789-1900 (avec la collaboration de l'unité mixte de recherche LIRE, du CNRS), Université de Saint-Étienne, , 309 p. (ISBN 978-2-86272-384-6, lire en ligne), p. 95.
  • Michelle Zancarini-Fournel, Histoire des femmes en France: XIXe – XXe siècle, Presses universitaires de Rennes, 2005, (ISBN 978-2-75350-198-0).
  • Michel Bellet, « Dossier n°1 : une découverte relative à Bazard », La lettre des études saint-simoniennes, no 24, , p. 2-5 (lire en ligne, consulté le ).

Webographie

Portrait (peinture)

Articles connexes

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