Religion grecque antique
La religion grecque antique désigne un ensemble de croyances, de rites et de pratiques religieuses de l'Antiquité grecque.
Développée pendant environ un millénaire dans tout le monde grec, elle se présente sous des traits divers suivant les lieux et les époques. La religion grecque antique se déroule en général dans le contexte de la cité grecque (polis), qui détermine plusieurs de ses aspects : les particularités locales sont très affirmées, chaque cité ayant son panthéon de divinités, ses sanctuaires et rites, parfois sa propre mythologie. On peut donc parler d'une religion athénienne, d'une religion spartiate, etc. La religion est donc très imbriquée dans le cadre politique et social de la cité, qui l'organise et en fait un élément fort de son identité, et c'est pour cela qu'il est souvent difficile de tracer les contours du religieux dans le monde grec. Néanmoins, au-delà de ces particularismes, elle présente des éléments d'unité, puisque les divinités vénérées par les cités sont généralement issues d'un fond commun à tout le monde grec, les rituels répondent à des croyances, gestes et principes similaires, les sanctuaires sont organisés de la même manière. Des sanctuaires et cultes panhelléniques (Olympie et Delphes notamment) constituent dès les temps archaïques des éléments d'unité du monde grec dont le fondement est religieux. La religion est donc un élément marquant de la culture grecque antique, et de l'identité des Grecs, que ce soit au niveau de leurs différentes communautés ou pour les distinguer des autres peuples.
La religion grecque ne repose pas sur un ensemble de croyances fixes exposées dans des textes sacrés, mais plutôt sur des traditions rituelles s'appuyant plus ou moins sur des récits mythologiques, présentant de nombreux visages à partir de caractéristiques communes. La piété grecque s'exprime avant tout par l'accomplissement de rites suivant des principes qui se veulent ancestraux, inscrits dans une relation d'échange avec le monde divin, les humains effectuant des offrandes en espérant bénéficier de la bienveillance et des faveurs des divinités. Celles-ci comprennent un ensemble de dieux et déesses identifiés en bonne partie par leurs fonctions ou des puissances, en premier lieu le groupe des douze divinités « olympiennes » dirigé par le grand dieu souverain Zeus, qui se retrouve dans tout le monde grec sous des formes diverses mettant en avant un de leurs aspects en particulier. Une foule de divinités secondaires complète ce tableau. Les Grecs vouent également un culte aux héros et héroïnes, défunts légendaires, qui jouent un rôle important dans les religions locales. Au fil du temps se développent également des cultes pour des humains éminents, de leur vivant ou après leur mort, avant tout des monarques (rois hellénistiques et empereurs romains).
Les rituels pratiqués par les anciens Grecs forment un ensemble complexe de pratiques répondant à diverses finalités, mais avant tout motivées par l'entretien de la relation d'échanges avec le monde divin. Ils ont en général lieu dans des sanctuaires, espaces sacrés où se trouvent les éléments essentiels à la conduite du culte, en premier lieu l'autel sacrificiel. Le sacrifice animal est en effet le plus important des rites des cités grecques, aboutissant au partage des restes de l'animal entre hommes et dieux, et aussi entre ceux qui participent au rituel, affirmant ainsi la cohésion des communautés des cités. Il s'accompagne de rites de purification, de prières formulant les demandes adressées aux dieux, et d'autres formes d'offrandes non sanglantes, qui peuvent être pratiquées de façon isolée ou conjointement aux autres alimentaires ou non, comme les ex-voto, parmi lesquels se trouvent des œuvres d'art de premier ordre. Des temples sont souvent — mais pas systématiquement — érigés dans les sanctuaires pour servir de résidence à la divinité, dont la présence est marquée par une statue de culte, ainsi que d'autres constructions liées au culte divin. Les fêtes religieuses, qui sont un temps fort de la vie des communautés, combinent plusieurs de ces rites, souvent sous un aspect plus spectaculaire que d'ordinaire. Les concours, qu'ils soient athlétiques, poétiques, théâtraux ou autres, ont lieu lors de ces festivités. La divination, notamment l'oracle, est un élément majeur de communication avec le monde divin. Les Grecs pratiquent également des cultes électifs, plus personnels, à caractère initiatique, notamment les mystères, qui servent notamment à répondre à leur espérance en un meilleur sort après la mort. Cette finalité se retrouve également lors des rites funéraires, mais d'une manière générale la piété des Grecs ne semble pas particulièrement portée vers les préoccupations liées à la mort, mais plutôt sur les bienfaits qu'ils peuvent obtenir des dieux de leur vivant.
Définitions et contours
Les termes du sujet
Il n'y a pas de mot pour désigner la « religion » en grec ancien[1]. Le terme qui a le sens de « religion » en grec moderne, threskeia, désigne durant l'Antiquité le culte des dieux[2], ou les rites, la piété, et il est surtout diffusé à l'époque romaine impériale[3],[4]. L'expression antique la plus proche du sens moderne de « religion » est selon W. Burkert theon timai, « les honneurs qui reviennent aux dieux », qui se rencontre dans des textes poétiques[5]. Cette absence a pu être expliquée par le fait que la religion « était si intégrée à leur vie que les Grecs n'avaient pas de terme spécifique pour la désigner[6] » ou que « le phénomène religieux est manifestement chez (les anciens Grecs) quelque chose de plus diffus, de moins homogène et de moins identifiable qu'il ne l'est pour nous, lorsque nous nous référons du moins aux paradigmes des grandes religions modernes » reposant sur une figure fondatrice, un livre sacré, une orthodoxie et une orthopraxie, éléments inconnus de la religion grecque antique[7]. Celle-ci est donc une reconstitution moderne, qui a émergé dans le milieu scientifique à partir de la fin du XIXe siècle[8]. En sachant que la définition de ce qu'est la religion est en général considérée comme impossible, ou du moins qu'il n'existe pas de consensus à son sujet : aussi ce qui est considéré comme « religieux » peut varier d'un spécialiste à l'autre[9]. P. Veyne y voit même un « faux concept », « agrégat de croyances et pratiques très diverses qui varient d'une religion historique à l'autre, un fourre-tout » qui peut potentiellement comprendre une très grande variété d'éléments[10].
La Grèce antique correspond aux civilisations s'étant développées en Grèce continentale, dans et autour de la mer Égée durant l'Antiquité. Les Grecs antiques ayant fondé des cités et royaumes au-delà de leur région d'origine, en Asie Mineure, en Sicile et en Italie, sur le pourtour de la mer Noire, en Afrique du Nord et en Asie occidentale, les historiens préfèrent souvent parler de « monde grec » pour désigner cet ensemble et ne pas mettre à l'écart ces régions participant souvent activement à la civilisation grecque. Le cadre chronologique est potentiellement très vaste : il peut remonter aussi loin que le début de la civilisation minoenne au début du IIe millénaire av. J.‑C., et se prolonger jusqu'à l'époque de l'apparition de l'Empire byzantin durant l'Antiquité tardive[11]. En pratique, les études sur la religion grecque se concentrent essentiellement aux époques archaïque et classique, en gros de 700 à 300 av. J.-C.[12]. Cela est expliqué par le fait que la religion de cette période se présente comme relativement cohérente dans le monde grec, du moins celui des cités (c'est la période de la « religion de la polis »), sur cette période malgré les éléments de diversité[13],[14],[15]. Il y a de plus dans ces études un fort tropisme athénien, en raison du poids prépondérant de cette cité dans les sources[12],[16]. L'époque hellénistique présente de nombreux éléments de continuité avec les phases antérieures, mais est souvent vue comme présentant trop de spécificités, nécessitant un traitement à part[15]. Au plus loin, la religion grecque antique se prolonge jusqu'au triomphe du christianisme[17].
Se remarque également une tendance dans les études sur la religion grecque à « combiner des sources de différents endroits (Italie du Sud et Sicile, Grèce continentale, îles de la mer Égée, Asie Mineure) et périodes (du septième siècle avant notre ère au troisième siècle de notre ère) afin de compiler une image composite de l'activité rituelle. Cette méthodologie nivelle les différences qui ont dû exister aux différentes époques et lieux ; car les formes de l'activité religieuse, que ce soit dans les systèmes polythéistes ou monothéistes, ne sont jamais statiques[18]. » De ce fait, la grande diversité du monde grec antique fait que par bien des aspects il est difficile de parler d'une religion grecque générale. En particulier les rituels, les panthéons, les mythes connaissent des variations d'un lieu à un autre. Les spécificités locales (les caractères « topiques » des dieux et des cultes) sont une donnée majeure de l'univers religieux de la Grèce antique, qui disparaît pourtant derrière les généralisations[19]. D'un autre côté, les anciens Grecs semblent avoir reconnu le fait que les cultes étaient un élément qui les liait malgré les nombreuses divisions qui les traversaient. Cela ressort en particulier d'un passage d'Hérodote souvent cité comme révélateur du sentiment d'appartenance à une culture grecque : « le corps hellénique étant d’un même sang, parlant la même langue, ayant les mêmes dieux, les mêmes temples, les mêmes sacrifices, les mêmes usages, les mêmes mœurs[20],[21]. »
Quant au caractère « antique » de cette religion, il implique que les réalités des anciens Grecs soient difficiles à approcher pour un esprit moderne, et cela se ressent particulièrement dans le domaine du religieux. Les différences tant dans les mentalités que dans les pratiques par rapport aux religions modernes, ou du moins celles des périodes suivantes (surtout à partir du triomphe du monothéisme), sont souvent mises en avant comme un obstacle à la compréhension et à la reconstitution de la religion grecque antique. Un « dépaysement » est nécessaire pour l'approcher[22]. Selon J. Kindt : « la religion grecque n'a pas les caractéristiques définissant la plupart des religions modernes. Il n'y avait pas église officielle, pas de dogme et (à quelques exceptions près) pas de sacerdoce dans le sens d'un groupe de personnes spécialement formées et engagées fournissant des services religieux. Les savants classicistes ont souvent souligné le « caractère étranger » des croyances et pratiques religieuses grecques. C'est une autre façon de dire que les concepts analytiques modernes dérivés des grandes religions monothéistes de notre temps sont insuffisants pour « donner du sens » à la religion grecque. L'étude de la religion grecque nécessite son propre cadre d'interprétation[23]. »
Historiographie
L'étude de la religion grecque antique peut remonter aussi haut que les ouvrages des auteurs chrétiens antiques critiquant le paganisme, ses faux dieux et ses rites scandaleux[24]. Les approches romantiques du XIXe siècle reposent sur l'idée que la religion est une allégorie de la nature, et les mythes renvoient à des sagas nationales des peuples grecs, approche délaissée par la suite. L'étude des mythes, et des croyances auxquelles ils renverraient, occupent le premier plan durant ces périodes[25]. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que la religion devienne un objet d'étude à part entière pour les savants, avec l'intégration de l'analyse des rituels. Cela se produit dans le contexte plus large d'un développement d'une histoire des religions antiques, notamment à la suite d'Albrecht Dieterich[26].
Se développent alors des recherches combinant des approches évolutionnistes, anthropologiques, dans la lignée de personnalités aussi différentes que les anthropologues James George Frazer et William Robertson Smith, ou le sociologue Émile Durkheim, la psychanalyse de Sigmund Freud jouant aussi un rôle marquant à cette époque[27],[28],[8]. Dans le monde anglo-saxon, l'école des « ritualistes de Cambridge », autour de Jane Harrison, met comme son nom l'indique l'emphase sur les rituels, dans une approche évolutionniste qui les pousse à essayer de reconstituer la religion grecque primitive[27],[29]. Le suédois Martin P. Nilsson est ensuite la grande figure de l'étude de la religion et des mythes grecs antiques, jusqu'aux années 1960[26],[30]. En France, une approche plus politique dérive de Fustel de Coulanges, et Louis Gernet développe une approche anthropologique novatrice[29], qui démontre les rapports entre la religion et la société grecques, approche qui s'est imposée depuis[31].
Les interprétations des rituels connaissent un nouveau développement dans les années 1970 et 1980 dans la mouvance des travaux de l'allemand Walter Burkert, dont l'influence est considérable, notamment son approche du sacrifice dans Homo necans (1972), puis sa somme Griechische Religion der archaischen und klassischen Epoche (1977) qui s'impose pour longtemps comme l'étude de référence sur la religion grecque[32],[29]. En France se forme une autre approche autour de Jean-Pierre Vernant et Marcel Detienne, surnommée « école de Paris », ces deux auteurs proposant une approche concurrente du rite sacrificiel dans La cuisine du sacrifice en pays grec (1979). Ce courant s'appuie sur une approche structuraliste, qui conduit à proposer de nouvelles interprétations des mythes et des panthéons grecs[32],[33],[29],[34].
Les années 1980-1990 voient la mise en place progressive d'un nouveau paradigme dominant. Dérivé des approches précédentes, il met la cité grecque, polis, au centre de ses travaux, et est souvent désigné comme la « religion de la polis » (« polis religion ») à la suite de C. Sourvinou-Inwood. C'est de cette approche dont relève également un des manuels de référence sur la religion grecque, La religion grecque de Louise Bruit-Zaidman et Pauline Schmitt-Pantel (1989). Ces travaux accordent une grande importance aux différents rituels accomplis dans les cités[35],[36],[37]. Parallèlement, d'autres recherches se sont intéressées aux notions et à la pensée religieuses (Jean Rudhardt notamment)[36].
Parmi les tendances en cours au début du XXIe siècle av. J.-C., se trouvent les études sur le genre, notamment la place des femmes dans la religion, un regain d'intérêt pour la magie, en plus d'approches renouvelant les études sur le sacrifice, les mythes et les dieux[38]. Une autre posture vise à remettre au premier plan les analyses sur les croyances et la théologie, proposant notamment un renouveau de l'étude des concepts religieux antiques, et des rites tels que le sacrifice et la prière[35],[39]. Dans les pays anglo-saxons, les questions de transferts culturels entre le monde grec et les régions voisines du monde antique, et les comparaisons entre leurs religions connaissent également un nouveau développement[40]. Les nouvelles sources offertes par l'archéologie et l'épigraphie permettent d'éclairer ces nouvelles approches[36].
Sources
En raison de l'ampleur chronologique et géographique du sujet, et du fait qu'il couvre potentiellement de nombreux aspects de la vie des anciens Grecs, les sources mobilisables sont très variées.
Les sources littéraires constituent la catégorie la plus importante par la quantité d'informations qu'elles apportent[41]. On n'y trouve pas de texte sacré, mais plusieurs d'entre eux font une grande place à la religion. Cela inclut la poésie épique archaïque (Homère, Hésiode), les poètes lyriques tel que Pindare, l'histoire avec Hérodote, la tragédie et la comédie athéniennes, les écrits des philosophes (Platon, Aristote notamment), les discours des orateurs attiques, la littérature exégétique d'époque hellénistique comme la Bibliothèque du Pseudo-Apollodore, et des écrits d'auteurs grecs d'époque romaine, notamment Plutarque et Pausanias dont la Périégèse est une source inestimable pour connaître les sanctuaires et les rites de la Grèce antique[42].
Les sources épigraphiques comprennent avant tout des inscriptions sur pierre, aussi sur métal et autres supports. Elles « livrent des calendriers religieux, des descriptions de rituels et de fêtes, des comptes de gestion de sanctuaire, des règlements d’associations religieuses, des dédicaces et des remerciements aux divinités, des comptes rendus d’oracles, des imprécations, des textes mystiques ... »[43]. Il s'agit donc de sources très diverses concernant tous les aspects de la vie religieuse. Les « lois sacrées » sont un type de source épigraphique important pour approcher l'activité et la mentalité religieuses antiques. Leur contenu peut être très divers : la conduite des rituels et fêtes, leur financement, les règles de pureté à respecter avant d'entrer dans des sanctuaires, la gestion de ceux-ci, notamment les conditions de désignation et le rôle des prêtres et prêtresses, les peines infligées en cas de vol d'un bien sacré, etc.[44] À la différence des textes littéraires, ce corpus s'enrichit constamment[45].
Les sources archéologiques et artistiques comprennent des nécropoles, des temples, des autels, des statues, vases et autres objets d'art, du matériel à usage rituel. L'archéologie permet notamment de restituer le contexte physique des cultes grecs antiques, tandis que l'étude des images à partir des œuvres d'art offre un aperçu de la mythologie et aussi de certains rituels[46],[47]. Dès le début du XXe siècle, les chantiers de fouilles des principaux sanctuaires grecs sont ouverts, et le sont encore : Délos et Delphes par des équipes françaises, Olympie et Samos par des équipes allemandes, Corinthe et Argos par des Américains, les Grecs participant aussi à plusieurs chantiers majeurs, notamment l'Acropole d'Athènes[48]. L'intégration des sources archéologiques dans les études sur la religion grecque a longtemps été en retrait, face à la prééminence des textes, mais les travaux les ont mobilisées de plus en plus[45]. L'archéologie permet notamment d'approcher les évolutions des espaces sacrés au moment de la constitution des cités[49].
Histoire
La religion grecque des cités de l'époque classique (v. 480-323 av. J.-C.) est généralement placée au cœur des études sur la religion grecque antique et son histoire, l'époque archaïque (v. 776-480 av. J.-C.) qui la précède jouant un rôle formatif[50], et les deux sont souvent étudiées ensemble, sous l'angle de la « religion de la polis »[15]. La question des continuités avec les phases antérieures de l'âge du Bronze (minoenne et mycénienne, couvrant en gros le IIe millénaire av. J.‑C.) est un sujet important, mais les religions de ces périodes sont généralement traitées à part, notamment en raison de leur modèle socio-politique palatial qui est très différent de celui des périodes suivantes qui sont caractérisées par la cité[51]. L'étude de la religion de l'époque hellénistique (323-31 av. J.-C.), qui voit l'extension du monde grec vers l'Orient, est marquée par les problématiques sur son « universalisme » en raison des échanges culturels qui ont lieu[52], aussi un déclin des cultes traditionnels[53]. Désormais les continuités avec l'époque classique sont plus mises en avant, sans que les périodes soient pour autant étudiées ensemble[15]. Quant à l'époque romaine impériale, du moins celle du Haut-Empire (v. 27 av. J.-C.-192/235 ap. J.-C.), elle présente de fortes similitudes avec l'époque hellénistique sur le plan religieux. L'Antiquité tardive voit quant à elle le triomphe du christianisme, qui provoque la disparition des cultes polythéistes antiques.
La religion est souvent considérée comme un des domaines dans lesquels les continuités entre les différentes phases de l'histoire de la civilisation grecque antique sont les plus évidentes ; prenant l'exemple de Dionysos, attesté dans les tablettes mycéniennes puis durant toutes les phases suivantes de l'histoire grecque, et sous différentes facettes, jusqu'à l'époque de la domination romaine, S. Hornblower y voit un symbole « de la ténacité de la civilisation grecque, qu'Alexandre avait emportée sur les bords de l'Oxus mais qui à bien des égards portait encore les marques de ses origines archaïques et même préhistoriques[54]. » Au-delà de ces considérations générales, l'évolution de la religion dans le temps est complexe à étudier : le changement se produit sur un temps assez long, avec des modalités différentes selon les lieux, les sources sont rares et permettent surtout d'appréhender les évolutions à Athènes, et les études des chercheurs ont plus tendance à s'intéresser aux structures qu'aux évolutions[55], ce qui fait que les descriptions de la religion grecque antique présentent souvent un tableau statique autour des périodes archaïque et classique et même à l'intérieur de celles-ci, malgré le fait que des changements s'y produisent[56]. Les questionnements sur les continuités et changements religieux renvoient à celles sur les évolutions culturelles, les dynamiques internes aux sociétés et aussi les transferts culturels entre les différentes régions du monde grec et du monde antique, qui sont souvent bien plus complexes qu'une simple relation à sens unique entre une source d'influence et un récepteur passif[57].
Préhistoire et âge du Bronze
La religion des phases préhistoriques est difficile à identifier et caractériser. Les sources concernant l'univers mental de l'époque sont généralement des sépultures. Elles fournissent des informations sur les traitements des morts, très divers selon les régions et les époques. Des réalisations artisanales comme des figurines pourraient renvoyer à un contexte religieux. Mais cela est souvent incertain, car plusieurs explications sont généralement possibles. Les spécialistes de ces époques préfèrent d'ailleurs ranger ces phénomènes dans la catégorie du « symbolique » ou du « rituel », qui englobent plus que ce que l'on considère couramment comme religieux[58].
La Grèce néolithique (v. 7000/6500-33/3200 av. J.-C.) a de toute manière livré peu de documentation rituelle ou symbolique. Aucun bâtiment pouvant avoir eu une fonction rituelle n'a été identifié sur les sites de la période, le seul dépôt ayant eu une telle fonction étant celui de Makriyalos en Macédoine occidentale (v. 5500 et 4500 av. J.-C.) où semblent s'être déroulées des fêtes communautaires. L'analyse des figurines néolithiques est très discutée : il est courant d'identifier des représentations féminines comme des déesses-mères, mais cela est loin d'être assuré[59].
Pour l'âge du Bronze ancien (v. 33/3200-2000 av. J.-C.) la documentation la mieux connue sur les pratiques rituelles est celle des îles des Cyclades, notamment Kavos sur Kéros, où ont été mises au jour de nombreuses figurines et de la vaisselle brisées, apparemment apportées depuis des îles voisines. Les figurines et statues cycladiques de forme humaine pourraient là encore représenter des divinités, mais il n'y a aucun argument décisif en ce sens. Des dépôts d'objets ayant peut-être une origine rituelle ont également été identifiés sur des sites de plein air en Crète, notamment sur des sites de sommet où des activités cultuelles sont assurément pratiquées durant les périodes postérieures (Mont Iouchtas, Atsipádes), et un sanctuaire est peut-être érigé à Myrtos. Le développement de constructions ayant une fonction cérémonielle se repère sur les principaux sites crétois de la période, en premier lieu Cnossos, aussi à Phaistos et Aghia Triada, annonçant l'essor de la civilisation minoenne[60]. Malgré ces connaissances très limitées, certains (en particulier W. Burkert) trouvent dans la documentation de ces périodes des précurseurs des rites et croyances grecs des époques historiques, avec l'apparition de rites sacrificiels, de fêtes au caractère agraire, de pratiques initiatiques, ou encore le premier développement de certains lieux de cultes amenés à conserver un caractère sacré durant les millénaires suivants[61].
L'âge du Bronze voit le développement de plusieurs aires culturelles dans la moitié sud du monde égéen : la culture minoenne en Crète, la culture cycladique dans les Cyclades et la culture helladique en Grèce continentale. C'est à partir de cette dernière que se développe la civilisation mycénienne, la plus ancienne connue à être assurément de langue grecque comme l'indiquent les tablettes en linéaire B provenant des palais de cette période. Mais la date d'arrivée précise des premiers locuteurs de langue grecque en Grèce n'est pas déterminée. Les propositions les plus courantes situent leur arrivée vers la fin de l'âge du Bronze ancien, donc vers 2300-2100 av. J.-C. D'autres situent cet événement avant, vers la fin du Néolithique et le début de l'âge du Bronze, donc autour de 3300-3000 av. J.-C., et d'autres encore remontent jusqu'au début du Néolithique, vers 7000-6500 av. J.-C[62]. Quoi qu'il en soit on admet que la Grèce était peuplée durant l'âge du Bronze par d'autres populations que celles qui parlaient grec. Il est possible qu'une partie d'entre elles soient de langue indo-européenne, en revanche en Crète minoenne les indications plaident plutôt pour des langues sans parenté connue (ce qu'indique aussi l'étéocrétois d'époque archaïque)[63]. La religion des textes mycéniens et de la Grèce antique renvoie en partie à un fond indo-européen, comme l'indique le fait que Zeus est la variante grecque du « Ciel père » (*Dyeus Pater) indo-européen ou que des termes du vocabulaire religieux tels que hieros « sacré » renvoient aussi au fond indo-européen. Les « proto-Grecs » arrivent sans doute aussi avec des mythes[64]. Mais d'une manière générale la religion grecque se fond assez mal dans les reconstitutions proposées (et très discutées) d'une hypothétique religion indo-européenne « originelle », ce qui s'expliquerait par l'importance des influences égéennes pré-grecques, anatoliennes et proche-orientales : comme le constate W. Burkert, « la religion grecque n'est pas le fruit d'une origine unique[65]. » Il est néanmoins difficile de savoir ce qui a survécu des religions des peuples implantés auparavant, notamment des traditions de la Crète minoenne, parce qu'elles sont trop mal connues, et il ne faut pas forcément surestimer leur poids[66]. Les influences extérieures ne doivent pas non plus être surestimées, sans être pour autant négligées. Par ses différents aspects, le Zeus des périodes historiques doit manifestement plus aux dieux de l'Orage anatoliens et proche-orientaux qu'au dieu céleste indo-européen dont il reprend le nom[67].
Le début du IIe millénaire av. J.‑C. voit le développement des palais minoens (Cnossos, Phaistos, Malia, Zakros), qui caractérisent cette civilisation et servent de centres autour desquels sont organisées les entités politiques. Plus que des sièges du pouvoir, il s'agit probablement de centres cérémoniels ayant eu au moins en partie une fonction religieuse. L'élite dirigeant ces palais participe sans doute au développement de sites rituels extra-urbains, à nouveau sur des sites de hauteurs, aussi dans des grottes et près de sources (Kato Symi), sites naturels amenés à conserver une importance rituelle aux périodes suivantes[68]. Aucun bâtiment caractérisable comme un temple isolé n'est connu. Une unité du palais de Phaistos pourrait avoir une fonction de lieu de culte. On suppose souvent qu'une sorte de « roi » organise le culte officiel autour des palais. Mais les sources sont limitées. Le début de l'écriture en Crète, avec l'apparition du linéaire A et des hiéroglyphes crétois, n'est d'aucun secours pour l'histoire religieuse puisque ces textes ne sont pas traduits. Si on se tourne du côté des images, les références à la religion semblent courantes qu'il s'agisse de sceaux, bagues gravées, peintures ou la statuaire, ou de documents isolés mais importants comme le sarcophage d'Aghia Triada (qui date probablement de l'époque mycénienne) sur lequel est représenté un rite funéraire. Mais leur interprétation est généralement difficile. Il existe des représentations de sacrifices sur des sceaux, de processions et festivités sur les murs du palais de Cnossos. Pour ce qui concerne les divinités, depuis longtemps une « grande déesse » minoenne, aux aspects célestes comme chthoniens, a été identifiée par ces images religieuses. Elle serait symbolisée par la double-hache qui est courante dans l'iconographie minoenne. La question de la présence d'un grand dieu masculin à ses côtés est discutée. La place du taureau semble importante dans l'univers symbolique minoen et les rituels[69].
L'époque mycénienne est la dernière phase « palatiale » de l'histoire grecque. À compter de 1450-1400 av. J.-C. et jusqu'aux environs de 1200 av. J.-C., les palais mycéniens (Cnossos, Pylos, Mycènes, Thèbes) produisent des tablettes en linéaire B, qui sont déchiffrées car cette langue transcrit du grec. Beaucoup concernent des livraisons d'offrande à destination de sanctuaires situés sur le territoire dominé par ces royaumes. On y découvre les noms de plusieurs dieux qui sont bien connus aux périodes postérieures : Zeus y apparaît sous le nom Di-we, Poséïdon sous celui de po-si-da-ja, Dionysos di-wo-nu-so, etc. Apparaissent aussi : Hermès, Artémis, Héra, Arès, Athéna, aussi des divinités moins importantes par la suite telles qu'Ilithyie, Iphimédie, Enyalius. L'identité d'autres divinités apparaissant dans ces textes est discutée : Déméter et Apollon y figurent peut-être sous d'autres noms. Les autres noms divins qui apparaissent ne sont pas connus aux périodes suivantes, ainsi un fils de Zeus nommé Drimios. Les divinités féminines sont souvent appelées Potnia, « Dame » ou « Maîtresse », avec un épithète : « Dame du Labyrinthe », « Dame du grain », « Dame des chevaux », etc. La nature des textes ne permet pas d'en savoir plus sur les fonctions de ces dieux et plus largement les croyances de l'époque. Les images sur des sceaux ou des peintures représentent des scènes de culte, mais les liens avec les textes ne sont pas aisés à tracer. Les dieux semblent représentés sous un aspect anthropomorphique. Ces divinités sont vénérées dans des sanctuaires, parfois en groupe, et reçoivent des offrandes en grain, bétail et objets précieux fournies par l'administration palatiale, qui prend donc en charge le culte. Les prêtres semblent placés sous la supervision des administrateurs du palais. Divers rituels plus importants sont nommés dans les textes, certains semblent accomplis par le personnage le plus important du royaume, le wanax (« roi »). L'archéologie n'a pas identifié beaucoup de lieux de culte, et aucun temple à proprement parler, les propositions d'identification de sanctuaires concernant des parties de bâtiments plus vastes, notamment les palais. La religion telle qu'elle apparaît dans les tablettes et les découvertes archéologiques de l'époque est donc dirigée par le palais, renvoyant aux institutions politiques de l'époque. La question de savoir si les continuités avec la religion grecque antique priment sur les ruptures est très débattue, les sources sur la religion mycénienne restant trop limitées pour trancher[70].
Âges obscurs et homériques
La civilisation mycénienne s'effondre pour des raisons non élucidées dans le courant du XIIe siècle av. J.-C., son écriture et son administration disparaissent, laissant la place à un monde moins hiérarchisé et centralisé, bien moins documenté aussi. On parle souvent d'« âges obscurs » pour cette période qui marque le début de l'âge du Fer. Il est cependant excessif de la présenter essentiellement sous un jour sombre, car elle est marquée par de profondes réorganisations affectant toute la société, y compris l'univers religieux. En cela elle voit l'amorce de la constitution de la civilisation grecque antique sur des bases sociales et politiques nouvelles, en particulier durant le VIIIe siècle av. J.-C., couramment présenté comme un moment de « renaissance » de la Grèce[71],[72].
Dans ce contexte, la question des continuités religieuses entre la période mycénienne et les périodes les mieux connues de la Grèce antique sont discutées[73]. La connaissance limitée de l'univers religieux mycénien réduit les perspectives d'aboutir à des conclusions assurées, ce qui n'est pas connu pouvant être invoqué pour plaider aussi bien en faveur de la continuité que de la rupture. Il en va ainsi de l'interprétation de la survivance entre les deux époques d'une partie des divinités des textes mycéniens, et de la disparition des autres. Pour certains la continuité des noms d'un nombre notable de divinités, parmi lesquelles se trouvent certaines des plus importantes, suffit à privilégier la continuité[74]. D'autres en revanche soulignent que la conservation des noms divins ne signifie pas qu'ils aient des fonctions et valeurs identiques aux deux périodes. Selon eux plaider la continuité relève de la spéculation alors que le contexte social et culturel est profondément bouleversé, ce qui ne peut pas ne pas avoir affecté les croyances religieuses et oriente plus en faveur de la rupture[75].
En dehors des sépultures qui sont une nouvelle fois la principale source d'informations archéologiques, qui indiquent une progression marquée de la pratique de l'incinération à partir de la fin de l'époque mycénienne, les seuls éléments tangibles sur les pratiques religieuses sont à rechercher sur les lieux de cultes. Ceux-ci sont alors essentiellement en plein air, sans construction en dur, et seuls les dépôts cultuels permettent de les identifier. Les âges obscurs voient l'apparition de tels dépôts sur les futurs grands sanctuaires panhelléniques d'Olympie, Delphes et Délos. D'autres sanctuaires majeurs deviennent des lieux de culte importants durant cette époque, comme les temples d'Hera d'Argos et de Samos, celui de Thermos, celui d’Éleusis, etc. Certains de ces lieux de culte sont situés sur d'anciens sites mycéniens, mais la documentation ne permet généralement pas de dire s'ils avaient déjà un caractère sacré durant l'âge du Bronze. À Mycènes et Tyrinthe ce sont les anciens palais qui sont devenus des lieux de culte. Il y a donc des phénomènes de réappropriation d'anciens lieux importants, de retour sur des sites occupés anciennement et signalés par des ruines, mais pas forcément de continuité du culte. Les plus sceptiques considèrent du reste que la présence de cultes sur un même lieu durant deux phases séparées par un abandon n'indique pas que la même divinité y soit vénérée. Quoi qu'il en soit, il est évident que l'apparition des premiers temples à la fin des âges obscurs, d'abord des édifices en bois puis en pierre, crée une rupture avec le passé. Au VIIIe siècle av. J.-C. l'essor du culte s'accélère, ce qui est visible par leur architecture de plus en plus monumentale et la présence de dépôts d'offrandes bien plus riches que par le passé. Cela est lié aux bouleversements sociopolitiques de l'époque, qui voit l'apparition de la cité, phénomène dans lequel les sanctuaires jouent un rôle crucial car ce sont des éléments majeurs dans l'appropriation du territoire par la communauté civique qui y vit[76],[77],[78]. Un autre phénomène religieux important visible au VIIIe siècle av. J.-C. est le développement des cultes héroïques, à l'emplacement d'anciens tombeaux monumentaux de l'âge du Bronze où sont déposées des offrandes. Cela est peut-être à relier aux récits épiques mettant en scène des héros ancestraux, comme ceux des poèmes homériques qui sont également constitués à cette période. Là encore le phénomène semble lié à l'affirmation de la cité, ici par le biais de figures ancestrales prestigieuses, mais d'autres relient cela à l'idéologie de l'aristocratie de l'époque[79].
C'est durant la seconde moitié du VIIIe siècle av. J.-C. que sont forgés (manifestement à partir de matériaux plus anciens) les poèmes épiques d'Homère (Iliade et Odyssée) et d'Hésiode (Théogonie), qui sont d'une importance cruciale pour l'histoire religieuse grecque antique puisqu'ils donnent la vision dominante des dieux grecs à apparence humaine, leur organisation et de leurs caractères, leurs rapports avec les hommes, et l'idée d'un destin qui s'impose à tous[80], vision qui ne devait être combattue qu'à la marge, en particulier dans certains cercles philosophiques[81]. Les poèmes homériques décrivent de nombreux rituels religieux : sacrifices, offrandes, hymnes, prières, libations, serment, danses, divination, fêtes, cérémonies funéraires, etc. Ils sont souvent au cœur de la communication entre hommes et dieux, qui se veut réciproque, même si les dieux n'accèdent pas forcément aux demandes des mortels. Bien qu'on discute quant à savoir dans quelle mesure ces textes décrivent une réalité de leur époque de composition ou bien en présentent des versions romancées voire imaginaires, ils sont une source majeure pour la connaissance de la religion grecque antique[82]. Ils sont restés une référence et un modèle durant toute l'Antiquité grecque, sans pour autant avoir un statut de textes sacrés puisqu'ils sont constamment discutés et critiqués, et que des versions alternatives à leurs récits sont proposées[83].
Époques archaïque et classique
Le début de la Grèce historique est souvent situé en 776 av. J.-C., date supposée des premiers jeux olympiques[84]. Le VIIIe siècle av. J.-C., à cheval entre les siècles obscurs et l'époque archaïque, est en tout cas une phase d'accélérations des changements, décisive dans la mise en place du monde grec antique : l'écriture alphabétique grecque est apparue autour de 800 av. J.-C., et son usage se diffuse rapidement ; les cités-États grecques (poleis) se constituent progressivement ; certaines d'entre elles (en particulier celles d'Eubée, de Ionie, Corinthe) établissent des relations avec les autres régions du monde méditerranéen, et initient le processus de colonisation grecque. Plus largement l'univers culturel et intellectuel connaît des transformations importantes. L'époque archaïque (au plus large, de 776 à 480 av. J.-C.) peut être vue comme la phase de formation et d'expansion des cités[85],[86], alors que l'époque classique (480 à 323 av. J.-C.) est leur apogée, au moins sur le plan politique et militaire, marquée par la rivalité entre Sparte et Athènes et l'essor culturel de cette dernière, qui est de loin la mieux documentée des cités de cette période[87],[88].
La religion de ces périodes peut être définie comme la religion des cités grecques ou « religion de la polis ». C'est sous cette forme historique que la religion grecque antique est décrite la plupart du temps, ce qui résulte en bonne partie à l'abondance de la documentation, qu'elle soit littéraire, épigraphique, artistique ou architecturale. Le changement renvoie au fait que les structures politiques sont bien différentes de celles d'avant. L'autre caractéristique qui la singularise par rapport aux époques précédentes est architecturale : le temple, qui prend une importance majeure dans les sanctuaires[51], modèle qui doit peut-être quelque chose aux influences extérieures (égyptienne et/ou proche-orientale)[89],[90].
Cette question des influences extérieures sur l'univers religieux grec est très débattue. Ont depuis longtemps été mises en avant des similitudes fondamentales entre la religion grecque et celles pratiquées bien avant en Orient, qui les distingueraient des religions connues pour les périodes anciennes dans d'autres parties du Monde : une conception similaire du divin et des divinités, des rituels marqués par l’importance du sacrifice, de l’autel, du temple, aussi la prière, la divination sous des formes voisines, les rites de purification, l’habitude d’émettre des règles religieuses et rituelles s’appliquant aux sanctuaires, à leur personnel, et aux fidèles[91]. Des emprunts sont visibles dans l'art « orientalisant » du début de l'époque archaïque, voire dans l'architecture religieuse, mais pour ce qui concerne les croyances et pratiques religieuses grecques, il est plus problématique de déterminer avec certitude de telles choses. Il est souvent considéré qu'on trouve divers éléments d'origine égyptienne ou proche-orientale dans les épopées d'Homère et Hésiode (sa Théogonie présentant quelques similitudes frappantes avec des textes de la mythologie hittite), et aussi dans l'architecture sacrée voire dans les rituels[92],[93],[94],[40]. Quoi qu'il en soit, le phénomène s'analyse mieux s'il est considéré comme une réception et non une influence ou une dépendance : pour le comprendre il convient de se placer du point de vue des Grecs et des éléments qu'ils reprennent, de ceux qu'ils laissent de côté, et des différences[95]. De fait, le contexte de la mise en place de la cité explique en bonne partie les évolutions de la période, y compris la manière avec laquelle les Grecs reçoivent et s'approprient les éléments « orientaux » identifiés dans ces transferts culturels[96].
La religion et le cadre sociopolitique de la polis sont intimement liés[97]. Selon les mots de C. Sourvinou-Inwood, la cité-État « articulait la religion et était elle-même articulée par celle-ci (...) Le rituel renforce la solidarité de groupe et ce processus est d'une importance fondamentale dans l'établissement et la perpétuation des identités civiques et culturelles, ainsi que religieuses »[98]. C'est donc une religion communautaire, dans laquelle le collectif prime sur l'individu, où les rituels et lieux de culte servent aussi à conforter le sentiment d'appartenance au groupe. C'est la cité (par le biais de ses magistrats) qui prend en charge la conduite des rituels majeurs, dont les fêtes civiques, la construction des sanctuaires et leur entretien, et les spécialistes religieux (prêtres, devins) n'ont pas d'autorité particulière à la différence de ce qui se passe dans d'autres civilisations antiques. La situation la mieux connue, de loin, est celle d'Athènes, où se repère également l'importance des niveaux inférieurs à la cité, ceux des dèmes, des phratries et tribus, aussi des foyers, qui sont doutes des unités de culte. Ils peuvent être vues comme des subdivisions de la cité, qui a un rôle-pivot. Cela n'empêche pas l'existence de cultes à des niveaux supérieurs, comme celui des groupes ethniques (Ioniens, Doriens) ou même de tous les Grecs voire au-delà avec les sanctuaires panhelléniques tels que Delphes et Olympie qui prennent une grande importance, avec leurs concours[99].
Le monde divin des époques archaïque et classique est organisé autour de panthéons ayant manifestement une logique d'organisation propre. Au niveau panhellénique les poèmes d'Homère et d'Hésiode fournissent le socle du modèle traditionnel, et on distingue progressivement un groupe de douze divinités « olympiennes », qui se retrouvent dans tous les endroits du monde grec, et sont pour beaucoup sont déjà mentionnées dans les textes mycéniens. Mais l'importance du contexte local fait que chaque cité a son propre panthéon, reposant souvent sur les grands dieux panhelléniques, et comprenant aussi des divinités qui n'apparaissent pas dans les poèmes. Le fait que chaque grand dieu ait différents aspects, dépendant du lieu ou de la fonction, implique une diversité non négligeable permise par la possibilité de configurer de bien des manières le monde divin. Les cultes des nymphes, des héros et héroïnes sont également révélateurs de l'importance des cultes locaux[100].
Parmi les évolutions perceptibles durant ces siècles, pour l'époque classique se repère l'essor des cultes à mystères, notamment ceux d'Éleusis, des cultes dionysiaques (« bacchiques ») et orphiques. Le monde grec accueille des divinités venues de l'extérieur telles que la phrygienne Cybèle, le syrien Adonis, la thrace Bendis. Les évolutions se font aussi à l'intérieur du monde grec, Athènes accueillant ainsi le culte du dieu arcadien Pan. Ces nouveaux cultes présenteraient la particularité de mettre en avant une seule divinité, avec laquelle un individu a un rapport plus direct[101]. Les causes derrières ces évolutions sont débattues : dans le contexte athénien, on a souvent voulu les relier aux conséquences de la guerre du Péloponnèse sur l'univers mental, le conflit créant une « crise » puisqu'il aurait affaibli la cohésion du corps social et entraîné la défiance envers les dieux patrons traditionnels. Mais même si c'était admissible cela ne vaudrait que pour ce cadre géographique[102]. Le IVe siècle av. J.-C. voit aussi le développement du culte des personnifications divines, notamment la Fortune, Tychè, mais aussi la Paix, Eiréné, la Concorde, Homonoia, etc.[103],[104]. Les philosophes (dont l'émergence peut également être reliée au cadre de la cité-État, propice aux débats d'idées) proposent de nouvelles approches du religieux, certes sans incidence sur la pratique de la majorité, mais amenées à être influentes dans les milieux des élites intellectuelles de l'Antiquité. Les penseurs Ioniens de l'époque archaïque (Thalès, Anaximandre, Anaximène) sont les premiers à tenter d'expliquer le monde par des principes naturels. Par la suite d'autres écoles développent une approche propre, comme les Pythagoriciens. Pour l'époque classique, la pensée de Platon en particulier présente de forts aspects religieux : il propose des réflexions sur l'univers et le divin, sur la religion civique, amenées à exercer une influence considérable sur les théologies postérieures[105].
Époques hellénistique et romaine
La fin de l'époque classique est marquée par les conquêtes d'Alexandre le Grand, qui aboutissent à une extension considérable de l'horizon du monde grec, vers l'est en Asie, et en Égypte. L'époque hellénistique (323-31 av. J.-C.) voit la domination politique passer aux grands royaumes dirigés par des dynasties gréco-macédoniennes (Lagides en Égypte, Séleucides au Proche-Orient, Antigonides en Macédoine, Attalides à Pergame). Leurs rois participent à la fondation de nouvelles cités grecques, qui poursuivent donc leur existence même si elles ont pour la plupart perdu leur indépendance. Tout cela concourt à instaurer la primauté de la culture grecque dans le monde méditerranéen et à étendre son influence bien au-delà (l'« hellénisation »). Le monde grec s'étend alors bien au-delà de la Grèce et de l'Asie Mineure, puisqu'en plus des colonies d'époque archaïque il se développe dans les cités grecques d'Asie et en Égypte (notamment autour d'Alexandrie), certaines étant d'anciennes cités autochtones hellénisées[106],[88]. Les royaumes et cités hellénistiques sont chacun à leur tour annexés par la République romaine (en gros entre 220 et 31 av. J.-C.), puis s'ouvre la période de l'Empire romain, unifiant le monde grec sous la domination des monarques romains. La culture grecque dispose d'un prestige sans égal à cette période, notamment chez les Romains, et les cités grecques continuent de prospérer et de se répandre[107],[108].
Les périodes hellénistique et romaine ont souvent été vues comme des phases de déclin de la religion traditionnelle, ouvrant la voie à des nouvelles tendances comblant mieux les attentes des populations : les cultes à mystères et orientaux, vus comme des reflets d'un âge d'anxiété, de tourments, le culte impérial, l'essor du culte de la « Bonne Fortune », ou bien de l'ouverture au monde et du cosmopolitisme qu'auraient engendrées les conquêtes d'Alexandre. Ces idées ont été mises à mal lorsqu'il est apparu évident que le modèle de la polis n'a pas connu de crise durant ces périodes, puisqu'il reste central et dynamique[53]. Les études récentes ont donc insisté sur la vitalité des cités et de leurs cultes durant ces époques[109]. Cela explique la forte impression de continuité qui peut ressortir par rapport à l'époque classique[110],[111]. Les grands lieux de cultes panhelléniques, Olympie et Délos, conservent leur importance tout le long de la période, avec leurs concours et les oracles du second[112]. Mais les évolutions propres de la religion des cités à ces époques justifient qu'elles soient traitées à part, dans le cadre d'un « long âge hellénistique » (A. Chaniotis), dans les régions de la partie orientale de la Méditerranée de l'époque hellénistique et du Haut Empire romain (jusqu'aux Antonins inclus)[113].
Le pluralisme religieux est important dans le monde hellénistique, qui met bien plus de Grecs que par le passé en relation directe avec des cultes étrangers. Cela affecte aussi les anciennes cités de Grèce et d'Asie Mineure qui s'ouvrent à ces influences. Cela concerne notamment le culte de la déesse égyptienne Isis, qui se voit ériger un lieu de culte jusqu'au Pirée, et du dieu Sarapis, de même origine[114]. Ces mises en contact génèrent aussi des frictions, voire des rejets comme c'est le cas en Judée (révolte des Maccabées), mais des attitudes similaires se voient ailleurs, où le discours religieux semble employé pour contrer la mainmise culturelle grecque. Ailleurs encore la coexistence semble plus harmonieuse et on décèle des formes de syncrétisme ou du moins de juxtaposition de cultes grecs et non grecs (notamment en Bactriane)[115].
Des divinités issues du fond grec connaissent aussi un essor durant cette période, comme le dieu-guérisseur Asclépios. Dans la continuité des développements de l'époque classique, plusieurs de ces nouveaux cultes ont pour point commun de se développer dans le cadre de pratiques privées et non civiques, des individus choisissant de vénérer une divinité en particulier, et s'associant à d'autres à cette fin[116],[117]. Les cultes à mystères restent populaires, notamment ceux d'Éleusis, qui attirent les élites romaines. Ceux de Samothrace jouissent également d'une large audience, de même que ceux qui apparaissent à Andania en Messénie[118]. Les oracles d'Apollon d'Asie Mineure, Didymes et Claros, gagnent aussi en popularité durant ces périodes[119].
Un autre phénomène nouveau de la période est le développement du culte des monarques, dans le sillage des tentatives d'Alexandre le Grand de se voir octroyer des honneurs divins. Cela suscite des résistances, mais les cultes aux souverains hellénistiques sont progressivement adoptés dans les cités grecques, qui les intègrent à leur calendrier cultuel, et la situation se prolonge à l'époque romaine avec le culte impérial qui rencontre un grand succès dans le monde grec[120],[121],[122].
L'influence culturelle grecque dans le monde romain (d'où le fait qu'on le désigne aussi comme « gréco-romain ») est considérable. L'influence religieuse grecque est importante en Italie dès avant la période de conquête romaine. Mais cela touche plus aux apparences, notamment à la représentation plastique des dieux, ou à la conception des divinités chez les lettrés de langue latine qui reprend celle des lettrés grecs, et concerne moins les cultes romains, qui ne semblent pas avoir été particulièrement touchés par l'influence grecque[123],[124]. Le pouvoir romain participe activement à la restauration des temples grecs, ou à la construction de nouveaux, en particulier sous Hadrien qui stimule la dernière grande phase de constructions dans les sanctuaires grecs antiques, au IIe siècle, dans laquelle le culte aux empereurs joue un rôle important[125].
Dans la culture des élites et les lettres, le passé classique a déjà un statut de référence, visible à l'époque romaine impériale avec les orateurs de la seconde sophistique, et la religion occupe une place importante dans cette culture. Cette période, qui correspond à l'apogée de la pax romana (autour du IIe siècle), une phase de prospérité qui est propice à la construction d'importants sanctuaires dans la tradition grecque (Nymphée d'Olympie, Asclépiéion de Pergame, Sebastéion d'Aphrodisias). Une forme de tourisme se développe, dans laquelle les lieux de culte ont la part belle, immortalisée par la Description de la Grèce de Pausanias qui est une source majeure sur l'aspect des sanctuaires et les rituels du monde grec antique. Cette période est aussi caractérisée par des croyances religieuses plus personnelles voire humanistes[126]. Les réflexions philosophiques prennent en effet à cette période une coloration religieuse plus affirmée, notamment dans les cercles platoniciens (« médio-platonisme »), annonçant la pensée de l'Antiquité tardive[127].
La fin des cultes polythéistes
C'est dans ce contexte que se produit l'essor du christianisme[128], plus marqué dans le monde grec qu'ailleurs, et qui est en partie influencé par l'hellénisme[129] bien qu'il soit issu du judaïsme (il prend largement appui sur les communautés juives des cités grecques). Il pose rapidement un défi à la religion et la pensée polythéistes, comme le fait également, mais dans une moindre mesure, le gnosticisme qui lui est lié. Le néoplatonisme émerge au IIIe siècle alors que le monde romain est secoué par une crise et que ces nouveaux courants religieux affirment leur dynamisme, et débat avec eux. La pensée religieuse et philosophique prend alors un tournant qui se veut plus rationnel, transcendantal, tend au monothéisme, s'interroge sur la foi et la destinée individuelle. Toutes ces nouvelles approches s'intègrent plus difficilement dans le cadre traditionnel de la religion grecque antique, et le christianisme s'y oppose frontalement. Les évolutions politiques de la période, marquées par un renforcement du centralisme autour de l'administration impériale et par un déclin progressif des institutions civiques, jouent contre les cultes traditionnels, alors que l’Église chrétienne propose un nouveau modèle de communauté, reposant sur l'universalisme[130].
Il ne faut pas pour autant considérer que les cultes polythéistes soient figés durant l'Antiquité tardive, car ils ont connu leurs propres évolutions, en réaction ou non au christianisme. Ainsi le sacrifice sanglant est supplanté par le sacrifice d'encens, les pratiques privées telles que les prières personnelles semblent connaître un essor, de même que le culte du génie, la magie, la divination, la théurgie, etc. Mais au milieu du Ve siècle le christianisme est probablement devenu majoritaire et le polythéisme décline clairement[131]. Le fait qu'il ait perdu les faveurs des empereurs romains à compter du règne de Constantin, au début du IVe siècle, marque un tournant puisque l'élite se détourne progressivement des cultes polythéistes pour le christianisme, par opportunisme ou non. Les empereurs prennent des mesures visant à supprimer la religion grecque antique : proscription des sacrifices sanglants et des cultes polythéistes, le dernier oracle de Delphes et les derniers jeux olympiques (antiques) dateraient de 393 ; Justinien ordonne l'obligation de baptême en 529, ainsi que la fermeture des écoles de philosophie. Les sanctuaires polythéistes sont parfois convertis en églises, à l'image de ce qui arrive au Parthénon d'Athènes vers 600[132].
La christianisation passe en effet par une réappropriation de l'espace, par la construction d'églises, de cimetières, de lieux de culte aux saints et aux martyrs. Elle voit aussi l'affirmation de nouvelles figures qui prennent une grande place dans la société, l'évêque et le moine, alors que l'empereur se dote d'une fonction de garant de l'orthodoxie. Elle concurrence directement des pratiques polythéistes, comme l'indique le fait que le rôle des dieux guérisseurs est repris par les miracles des saints et moines itinérants, ces derniers rivalisant aussi avec les devins et magiciens populaires en milieu rural. Elle se marque aussi par la construction d'hospices. Parfois surviennent des épisodes de violence et de destructions de lieux de culte et statues polythéistes, mais ils semblent plutôt rares (et non cautionnés par les autorités), les temples étant en général déconsacrés, abandonnés et ensuite utilisés comme carrières de pierre. Puis le christianisme s'impose définitivement par la christianisation progressive de tous les aspects de la vie quotidienne et privée (naissance, mariage, mort, calendrier liturgique), et le développement d'images religieuses chrétiennes une fois que celles célébrant les divinités polythéistes ont été expulsées des espaces publics[133]. Le nouvel environnement religieux qui se met en place (qui ne concerne pas que le christianisme, mais aussi le judaïsme, le manichéisme et par bien des aspects le néoplatonisme) est radicalement différent du précédent, puisqu'il repose sur la croyance en un Dieu suprême, un espoir de salut, des écrits sacrés, une orthodoxie religieuse avec le rôle majeur des débats théologiques, des autorités religieuses cherchant à éduquer et contrôler les croyants, la constitution de communautés religieuses. L'Antiquité tardive voit plus généralement le passage d'une société dans laquelle la référence principale est politique, la polis (qui disparaît à la fin de la période), à une société dans laquelle l'appartenance religieuse devient un élément d'identité, aussi la transition entre une religion marquée avant tout par le localisme et le cosmos, à une religion avant tout tournée vers le salut[134].
La fin des cultes polythéistes est difficile à tracer après la disparition des cultes publics. Des rituels aux relents « païens » sont encore dénoncés par des écrivains chrétiens durant l'époque byzantine, mais il n'est pas assuré qu'il s'agisse de continuités des cultes et croyances polythéistes, car il pourrait s'agir de pratiques populaires ne trouvant pas grâce aux yeux de l'élite et dénoncées comme non-chrétiennes pour les condamner. Il en va de même pour les accusations de promotion du paganisme proférée à l'encontre de ceux qui étudient d'un peu trop près les philosophes antiques[135].
Croyances et pensée religieuses
Les anciens Grecs entretiennent des rapports avec une multitude de divinités, régis par un ensemble de principes que révèlent notamment l'étude de leur vocabulaire religieux, et celle des différentes pratiques religieuses assurant les contacts et les échanges avec le monde divin.
Leurs croyances se passent de dogme et d'une orthodoxie, et de textes sacrés : « plutôt que de présupposer un corpus de vérité révélée, le culte grec reflétait l'expression cumulative des conceptions des Grecs sur l'ordre général de l'existence et leur besoin d'interagir avec les êtres divins qui avaient créé et contrôlaient cet ordre[136]. » L'absence d'une orthodoxie n'empêche donc pas qu'un ensemble de croyances soient partagées par les anciens Grecs, mais le problème reste de bien les identifier car elles sont rarement exposées dans des textes. Concernant le rituel majeur du culte grec, M. Detienne explique que « le système sacrificiel échappe très largement à la pensée claire et explicite ; il relève d'un savoir partagé dont les Grecs n'éprouvent le besoin de formuler les différents termes qu'à travers les exégèses déployées dans les milieux marginaux où s'élèvent et se font entendre les voies de la protestation », qui permettent de dessiner en filigrane les contours de ce « système secret et implicite[137]. »
Les mythes sont une source essentielle pour approcher les conceptions religieuses antiques, mais pas les seuls, puisque la pensée religieuse se trouve dans des textes littéraires, des discours d'orateurs, des inscriptions telles que les lois sacrées, etc. Il est souvent reconnu qu'il existe des formes de croyances de « faible intensité » dans la mentalité grecque antique, bien qu'il soit difficile voire impossible d'y trouver une forme de croyance similaire à celles des religions monothéistes car elles sont trop différentes[138]. Mais comme ailleurs il faut envisager que la piété soit d'une intensité différente suivant les personnes et que les rapports aux dieux et aux cultes soient très divers[139].
Il est courant d'opposer les pratiques et les croyances religieuses. Dans les études sur la religion grecque, l'absence de dogme et de croyances faisant autorité est couramment tenue comme un indicateur du fait que les pratiques, les rites, priment sur les croyances, voire que raisonner en partant des questionnements sur la foi et la piété reviendrait à transposer une pensée moderne sur celle des Anciens. Cela explique la place secondaire qu'occupent les croyances dans de nombreuses études[140]. Une tendance récente cherche à les remettre en avant afin de mieux comprendre les « théologies » de la Grèce antique[35],[39],[141]. En tout état de cause, quand bien même les rites sont le point de départ de la réflexion, les questionnements sur les croyances sont au moins essentiels pour comprendre comment les anciens Grecs donnent du sens aux rituels qu'ils accomplissent[142]. En allant plus loin, les deux sont intimement liés : « la croyance et la pratique peuvent en théorie être séparées ; mais elles peuvent aussi être liées causalement. La croyance renseigne sur la pratique tout autant que la pratique renseigne sur la croyance[143]. »
Nature des divinités
Les Grecs anciens sont polythéistes. Ils vénèrent une multitude de dieux, qu'ils conçoivent comme des êtres leur ressemblant, aussi bien par le physique (anthropomorphisme) que le comportement et les attitudes, mais plus grands, plus beaux qu'eux, et surtout immortels[144]. Ces dieux ne sont pas présentés comme étant fondamentalement aimants envers les hommes, ils peuvent être des facteurs d'ordre comme de désordre, sont souvent amoraux dans les mythes, et n'ont pas un sens de la justice à toute épreuve[145]. La différence entre dieux et hommes ne s'explique donc pas par des critères moraux : « les dieux ne valent pas mieux que les hommes, ils sont juste plus puissants » (P. Veyne)[146].
Ainsi que l'explique G. Bellinger : « pour les Grecs, les dieux ne sont pas extérieurs au monde, ils n'ont pas créé l'univers ni les hommes, mais ont été eux-mêmes créés. Ils n'ont pas toujours existé ; ils ne sont pas éternels (sans commencement ni fin), mais seulement immortels (naissance sans mort). Cette immortalité se traduit par un mode de vie particulier. Ils se nourrissent d'ambroisie (substance délicieuse, neuf fois plus douce que le miel, disait-on), de nectar (breuvage) et de la fumée des sacrifices. Dans leurs veines ne coule pas le sang des mortels mais un autre liquide, l'ichor. Ils sont soumis au destin et interviennent constamment dans les affaires humaines. Nés les uns des autres et fort nombreux, les dieux forment une famille, une société même, fortement hiérarchisée[147]. »
Identités, fonctions et organisation
Les dieux sont distingués les uns des autres par leur nom, et aussi par une épithète, l'épiclèse[148]. En effet un même dieu, généralement un des grands dieux qui est vénéré en plusieurs endroits du monde grec, peut se présenter sous différents aspects, qui sont distingués par d'autres éléments d'identification, notamment un lieu de culte et une fonction[149],[150],[151]. Le premier élément renvoie au localisme très prononcé dans la religion grecque : il y a un Zeus d'Olympie et un Zeus de Dodone, un Apollon de Délos et un Apollon Pythien de Delphes, etc.[152]. Le second élément reflète le fait que les dieux grecs personnifient des puissances et des qualités spécifiques[153]. La pensée religieuse grecque « distingue divers types de pouvoirs surnaturels avec leur dynamique propre, leur mode d’action, leurs domaines et leurs limites[154]. » Ainsi Apollon Agyieus protège les rues, Zeus Herkéios protège le foyer, Athéna Hygeia protège la santé, Zeus Kéraunos est son aspect lié à la foudre, Héra est vénérée à Stymphale sous ses aspects de Pais « jeune fille », Teleia « épouse » et Khéra « veuve »[148], etc. Les divinités sont aussi à l'origine des savoirs et des sentiments liés à leurs fonctions qu'ont les humains : l'amour est inspiré par Aphrodite et Éros, la créativité artistique par Apollon et les Muses, les connaissances agricoles par Déméter, le savoir médical par les dieux guérisseurs, etc.[155].
L'école de Paris considère la « puissance » comme le fondement de l'identité d'une divinité. Cela revient à refuser la notion de personnalité divine. Cette dernière est au contraire mise en avant par W. Burkert, et elle ressortirait notamment dans les représentations littéraires et artistiques des dieux. J. Bremmer considère que les deux possibilités ne s'excluent pas[153]. Dans la première approche en particulier, un élément important pour l'analyse des fonctions des divinités grecques est leur polyvalence : il n'y a pas de répartition rigide des rôles, les aspects d'une même divinité pouvant être multiples, sans pour autant les rendre interchangeables ; ils dépendent de leurs relations avec les autres divinités dans un contexte précis. Ainsi Aphrodite qui est généralement présentée comme la divinité de l'amour et du mariage a aussi des aspects guerriers et politiques[156]. Il convient alors de tenir compte en permanence à la fois de leur unité et de leur diversité[157].
Un facteur de confusion est le fait qu'une divinité au nom similaire soit vénérée dans de nombreux endroits (elle est « panhellénique ») et se présente donc sous de multiples aspects, y compris au sein d'une même cité, car chaque sanctuaire abrite le culte d'une divinité distincte. Mais cela n'empêche pas pour autant de déceler des similarités formant un noyau commun[150],[158]. Cette assimilation de divinités similaires dans une même divinité panhellénique n'est cependant pas systématique : ainsi la déesse crétoise Britomartis est à la fois considérée comme elle-même mais aussi comme une variante locale d'Artémis tout en préservant son nom, les divinités Damia et Auxesia sont semblables à Déméter et Koré, mais pas assez pour être assimilées à ces dernières et préservent leur identité[158].
Parmi les autres éléments permettant de singulariser une divinité se trouvent ses relations de parenté avec d'autres figures divines et parfois humaines, par exemple le lien entre Apollon et Artémis et leur mère Léto. Ils forment une grande famille de dieux, plus largement une société divine[150]. Ces relations familiales et l'origine des dieux, ainsi que leurs actions, sont rapportés dans des mythes qui donnent du contenu à leur personnalité et fonctions, les poèmes d'Homère et d'Hésiode occupant une position fondatrice pour cette approche, parce qu'ils ont « assurément fixé dans la conscience grecque une image hautement anthropomorphique et plus ou moins stable d'une société divine, un modèle extrêmement influent tout au long de l'Antiquité malgré son incompatibilité fréquente avec les pratiques et croyances rituelles[159]. » L'art, parce qu'il diffuse des représentations standardisées des dieux, permet aux fidèles de se familiariser avec eux, et aussi avec leurs attributs divins qui les symbolisent et renvoient souvent à leurs fonctions (le foudre de Zeus, le trident de Poséidon, la chouette d'Athéna). Enfin, l'aspect rituel joue un grand rôle : la place qu'une divinité occupe dans le calendrier cultuel, les rituels pratiqués en son honneur, notamment les grandes festivités, et le sens qu'ils expriment dans l'édifice social, jouent un rôle crucial pour l'image qu'ont d'elles les fidèles[160].
Les Grecs organisent les dieux dans des groupes, les panthéons. Le plus connu est le groupe des douze divinités « olympiennes », appelées ainsi parce qu'elles résident au mont Olympe autour de Zeus, qui sont les plus importantes divinités vénérées dans le monde grec aux époques archaïque et classique. Mais il existe bien d'autres combinaisons, rendues possibles par la grande diversité du système polythéiste, chaque cité ayant son propre panthéon, avec des divinités panhelléniques et d'autres qui sont inconnues ailleurs. Des cultes tels que l'orphisme ont également leur propre panthéon[158],[161]. À la suite de Jean-Pierre Vernant et de son école, il a été mis en avant le fait que ces panthéons sont plutôt à analyser dans leurs structures, les relations entre les dieux qui les composent, plutôt que comme des agrégats de divinités prises isolément. Les dieux sont classés en fonction de leurs pouvoirs et puissances, et cette classification renvoie au sens que veut lui donner la société qui la crée : il est ainsi possible de distinguer au sein d'un panthéon des complémentarités et des oppositions entre divinités, des hiérarchies, une logique d'organisation hiérarchique, ou fonctionnelle autour du mariage et des techniques[162],[163].
Ces panthéons renvoient au fait que les dieux sont intimement liés à la vie civique et à l'identité des cités grecques : une cité a son propre panthéon, sa divinité tutélaire (« poliade »), entretient les sanctuaires et les prêtres et prêtresses de ses divinités, organise leurs cultes et les fêtes les honorant, fournit des offrandes, et fait en sorte d'éviter en son sein toute situation d'impureté et d'impiété vis-à-vis des dieux, qui rejaillirait de façon néfaste sur toute la communauté[164]. Un citoyen continue à honorer les dieux de sa cité d'origine quand il est à l'étranger (c'est-à-dire une autre cité grecque ou un pays extérieur au monde grec), car ils font partie de son identité, tout en respectant les divinités locales, car elles sont puissantes au lieu où il se trouve[165].
Une opposition traditionnelle dans la recherche met d'un côté les divinités olympiennes ou célestes (« ouraniennes »), et de l’autre, les divinités chthoniennes, liées à la terre et au monde infernal[166]. Elle ressort dans certains textes antiques, par exemple Isocrate (Philippe, 117). Suivant une opinion ancienne, cette opposition se traduirait par le fait que les premiers reçoivent des sacrifices sur des autels élevés, et les seconds sur des autels enterrés, mais les travaux récents ont démontré que cette division en deux types de sacrifices n'était pas pertinente[167]. Plus généralement, l'opposition entre les deux pôles céleste et chthonien, rarement évoquée dans la littérature grecque antique, n'est qu'une opposition parmi d'autres qui sont susceptibles de traverser le monde divin grec. Son importance ne doit donc pas être surestimée, et elle serait même inexistante selon certains chercheurs[168],[169],[170],[171].
Le polythéisme est un système ouvert : il ne nie pas l'existence des divinités étrangères, ou du moins extérieures à la cité, et ne dénonce pas leurs cultes comme erronés. Cela crée une certaine prédisposition à l'éclectisme et à l'assimilation : quand ils sont confrontés à une divinité inconnue vénérée par un peuple étranger, l'attitude la plus courante des anciens Grecs est de l'identifier à une de leurs divinités, et dans certains cas d'adopter son culte[172],[165]. Cette possibilité d'introduction de nouveaux dieux, d'origine grecque ou non, dans une cité, indique la capacité d'évolution de la religion civique, qui n'est pas figée. Elle répond aussi à des attentes religieuses, renvoie à des connexions établies entre les régions impliquées, des processus de transferts culturels, aussi d'hybridation puisque les divinités non-grecques sont généralement hellénisées, en particulier dans leurs représentations, tout en gardant des éléments qui font que leur origine persiste dans l'esprit des fidèles[173].
Divinités majeures et secondaires
Les principaux dieux grecs antiques sont ceux compris dans le groupe des douze dieux que la recherche moderne caractérise souvent d'« olympiennes », comprenant deux générations de dieux, dominé par Zeus, et qui doivent leur nom au fait qu'ils résident en principe sur le mont Olympe. Il se fixe entre l'époque archaïque et le début de l'époque classique comme un groupe de douze divinités, alors que les poèmes épiques contribuent à diffuser leur image et leurs relations au sein d'une société divine[158].
- Aphrodite, déesse de l'amour, de la beauté, aussi des aspects guerriers ;
- Apollon, dieu des arts et du Soleil, divinité oraculaire ;
- Arès, dieu de la guerre ;
- Artémis, déesse du monde sauvage, de la chasse ;
- Athéna, déesse de la guerre et de la sagesse ;
- Déméter, déesse agraire ;
- Dionysos, dieu de la vigne et du vin, du théâtre, de l'allégresse ;
- Héphaïstos, dieu du feu et des forgerons ;
- Héra, déesse du mariage et de la fécondité ;
- Hermès, dieu des voyages, du commerce, des voleurs, messager des dieux ;
- Poséidon, dieu de la mer, des tremblements de terre ;
- Zeus, dieu du ciel et de la foudre, roi des dieux, protecteur de l'ordre social.
Cette liste peut comprendre des légères variantes, car si le nombre de douze dieux est figé, la composition varie légèrement, Hadès, le dieu des Enfers (bien qu'il ne réside pas sur l'Olympe), ou Hestia, la déesse des foyers, pouvant prendre la place d'Arès et/ou de Dionysos[158],[174]. Perséphone, la « jeune fille », Korè, fille de Déméter et compagne d’Hadès, est une autre divinité grecque majeure.
- Procession des douze divinités olympiennes, de gauche à droite : Hestia, Hermès, Aphrodite, Arès, Déméter, Héphaïstos, Héra, Poséidon, Athéna, Zeus, Artémis, Apollon. Bas-relief du Ier siècle av. J.-C. ou du Ier siècle ap. J.-C. Walters Art Museum.
- Apollon citharède versant une libation, coupe attique à fond blanc, v. 460. Av. J.-C. Musée archéologique de Delphes.
- Statue de Hermès portant un pétase, copie romaine à partir d'un original grec. Musée Chiaramonti.
- Zeus s'interpose entre Athéna et Arès, cratère à volutes de Nicosthénès, v. 540-510 av. J.-C. British Museum.
Viennent ensuite un ensemble de divinités souvent caractérisées comme « mineures ». Beaucoup sont spécifiques à des régions ou lieux, comme Despoina en Arcadie ou Daeira à Éleusis[158]. Elles peuvent être connues dans plusieurs régions de la Grèce, mais n'ont pas une personnalité divine particulièrement affirmée, par exemple Ilithyie la déesse de l'accouchement, Hécate qui est associée aux chemins, à la Lune, Prométhée, créateur et bienfaiteur des hommes, Pan le dieu-bouc associé à la nature, etc.[175]. Les divinités liées à la nature et au cosmos comprennent Gaïa (Gê), la Terre et déesse primordiale, des dieux des vents tels que Borée, Hélios le Soleil et Séléné la Lune, Nyx la Nuit. Les Nymphes associées aux rivières et aux sources ont une place importante dans les cultes locaux[176]. Plusieurs groupes de divinités reçoivent un culte, parfois associées à un grand dieu : les Nymphes, les Muses, les Charites, les Cabires, les Érinyes/Euménides (les « Furies ») ; le cercle de Dionysos comprend les Ménades et les Satyres ; d'autres groupes tels que les Titans et les Géants appartiennent aux récits mythologiques[177] D'autres types de divinités sont les abstractions personnifiées et divinisées : Eros l'Amour, Thémis l'Ordre, Métis la Sagesse, Diké la Justice, Niké la Victoire, Tychè la Fortune, Eiréné la Paix, Némésis l'Indignation, Eris la Discorde, etc.[178]
Des figures à la charnière de la figure du héros et de la divinité ont reçu des cultes dont la popularité n'avait pas grand-chose à envier à celle des divinités olympiennes : Héraclès le plus grand et prestigieux des héros grecs, à la fois héros et dieu ; les Dioscures, les « jumeaux divins » Castor et Polykeudes (Pollux en latin) ; Asclépios le héros et dieu-guérisseur[179].
Enfin les Grecs antiques ont accueilli à plusieurs reprises des divinités étrangères, que ce soit dans un culte officiel, civique, ou en dehors, au sein des associations cultuelles : Adonis le dieu mourant venu de Syrie, la déesse-mère phrygienne, Méter/Cybèle, la déesse thrace Bendis, et aux époques hellénistique et romaine les dieux égyptiens Ammon (assimilé à Zeus), Isis et Sarapis (un aspect d'Osiris hellénisé)[180],[158].
- Éros drapé, figurine en terre cuite de Myrina, seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. Musée du Louvre.
- Héraclès au repos, amphore du Peintre d'Andokidès, v. 520 av. J.-C. Staatliche Antikensammlungen de Munich.
Les daimones
Le terme daimon peut désigner une divinité chez des auteurs anciens, mais il en vient à désigner par la suite une classe d'êtres (ou puissances) divins surnaturels, étranges, aux contours flous à la différence des dieux et héros, tantôt bénéfiques, tantôt malfaisants. Seul le Bon démon, Agathos Daimon semble avoir reçu une individualité, un culte et une iconographie. Hésiode donne au terme le sens de « dieu protecteur », sorte d'ange gardien. Les philosophes confèrent d'autres sens à ces êtres, amenés à être déterminants pour la postérité de la figure du « démon » : une sorte de soi divin, assigné à une personne, un « démon intérieur ». Se développe chez les Platoniciens (à la suite de Platon et Xénocrate) et les Stoïciens l'idée de bons et mauvais daimones. Ce type de figure semi-divine se popularise notamment avec l'affirmation du monothéisme (les aspects des « bons démons » se retrouvant chez les anges chrétiens)[181],[182],[183].
Héros et héroïnes
Le héros est un humain défunt, auquel un culte est rendu parce qu'il est considéré qu'il a acquis après sa mort une puissance particulière. C'est une sorte de catégorie intermédiaire entre les hommes et les dieux (on parle parfois de « demi-dieu »). Ce type de culte semble se développer durant les âges obscurs, à partir du Xe siècle av. J.-C., autour de tombeaux plus anciens, et prend tout son essor au VIIIe siècle av. J.-C., manifestement en lien avec les changements sociopolitiques de la période. Ils peuvent concerner des personnages dont l'existence n'est pas assurée, comme les personnages des mythes et épopées (Thésée à Athènes, Cadmos à Thèbes, Ajax à Salamine), ou des humains qui ont bien existé. Dans certains cas, le héros n'est pas identifié par un nom personnel mais une appellation, et les héroïnes sont souvent honorées en groupe et/ou en association à un héros, même s'il en existe qui sont vénérées de façon indépendante (Iphigénie, Aglaure). En pratique ces cultes sont très divers, rendus dans un lieu de culte spécifique appelé hérôon, certains s'approchant des cultes rendus aux défunts, d'autres s'apparentant à des cultes rendus aux dieux (voire similaires dans le cas de figures majeures comme Héraclès), même si en général ils ont moins d'éclat. Ces cultes ont un caractère local très affirmé, peu de héros étant vénéré dans plusieurs endroits. En général, ils concernent des figures vues comme fondatrices, civilisatrices et/ou protectrices pour la cité et ont un rôle majeur dans l'identité civique. Certains héros ont en revanche un rôle néfaste et il faut s'en prévenir par des rites protecteurs[184],[185],[186].
Cultes aux bienfaiteurs et aux monarques
L'habitude de dédier des cultes se développe durant l'époque classique. Le général spartiate Lysandre a été le premier à recevoir un culte de son vivant à Samos en 403, cette pratique se répand au IVe siècle av. J.-C., et devient une des caractéristiques des cultes grecs des époques hellénistique et romaine. Les cités choisissent d'honorer un individu, de son vivant ou après sa mort (auquel cas leur culte rejoint celui des héros), en plaçant une stèle à son nom ou bien sa statue dans un temple, par exemple celles de Callisthène et d'Aristote mises dans le temple d'Apollon à Delphes en 334 et 332. Les honneurs cultuels sont attribués par des cités à des bienfaiteurs (les évergètes) de premier ordre, parfois de façon collective, donc des individus jugés comme particulièrement remarquables et méritants, le plus souvent parce qu'ils ont considérablement financé la vie de la cité et/ou lui ont rendu de grands services par leurs actions diplomatiques ou militaires[187].
Le culte des monarques, rois hellénistiques ou bien empereurs romains, est la manifestation la mieux connue de ce phénomène. Il se développe en particulier à l'exemple d'Alexandre le Grand, qui ne se contente pas de recevoir un culte de la part de cités (à leur initiative), puisqu'il prend activement part à la promotion de son statut divin[188]. Les rois hellénistiques reçoivent à leur tour un culte dans les cités grecques, modelé sur celui des divinités olympiennes, en l'étendant aussi à des reines. En Égypte cette pratique grecque rencontre celle des honneurs traditionnels rendus aux Pharaons[189]. Les cités grecques rendent également des honneurs cultuels à des imperatores romains, tels que Titus Quinctius Flamininus, puis aux empereurs à partir d'Auguste, vénéré conjointement à la déesse Roma, personnification de Rome. Ce culte est généralement initié par les cités, et pas imposé par le pouvoir romain, intégrant la figure de l'empereur divinisé dans les panthéons traditionnels, en le vénérant souvent aux côtés d'un grand dieu grec. Elles érigent alors de nombreux lieux de culte impérial, Sébasteion en grec (Augusteum en latin). Le culte impérial est aussi pratiqué au niveau domestique, a des aspects politiques et religieux, et ne peut être réduit à une pratique opportuniste. La question de savoir si l'empereur vénéré était perçu comme un dieu, un mortel, ou quelque chose entre les deux a beaucoup été débattue. Quoi qu'il en soit le culte impérial s'avère plus dynamique et vivace que celui des rois hellénistiques, bien que certains d'entre eux reçoivent encore un culte à l'époque romaine[190],[120],[191].
Mythes
La mythologie grecque est constituée par un ensemble de récits, qui ont été couchés par écrit ou non, qui sont, « en gros et pour l’essentiel, un ensemble de récits qui concernent les dieux et les héros, c’est-à-dire les deux types de personnages auxquels les cités antiques adressaient un culte » (J.-P. Vernant)[192].
Ils sont documentés sous des formes diverses. Les poésies épiques de l’époque archaïque, à savoir la Théogonie d’Hésiode, et l’Iliade et l’Odyssée d’Homère sont les archétypes, dont la popularité ne s’est jamais démentie. La poésie lyrique archaïque (Pindare) fait aussi référence à des récits mythologiques. Les tragédies athéniennes (Eschyle, Sophocle, Euripide) ont puisé leur inspiration dans des récits mythologiques. Les poètes hellénistiques ont ensuite écrit des récits mythologiques, notamment les Argonautiques d’Apollonios de Rhodes, et à l’époque tardive Nonnos de Panopolis produit à son tour une œuvre mythologique de grande ampleur, les Dionysiaques. Les historiens (notamment Hérodote) relatent aussi des mythes. La Périégèse de Pausanias comprend également de nombreux récits mythologiques. À partir de l’époque hellénistique, des mythographes compilent des informations sur les mythes, afin que leurs lecteurs acquièrent les connaissances de base sur ces récits qui occupent une place importante dans la culture de l’élite (la Bibliothèque du Pseudo-Apollodore). Enfin les mythes platoniciens sont un cas à part, des inventions qui reprennent les structures et fonctions des mythes traditionnels, pour exposer la philosophie de Platon[193].
On peut distinguer trois principaux types de récits mythologiques, ainsi que le fait S. Saïd :
- Des récits des origines. Ce sont des récits qui relatent d’abord les origines du monde, sa création (cosmogonie, « naissance du cosmos »). La Théogonie (« Naissance des dieux ») d’Hésiode est le plus ancien et le plus fondamental des récits de création, mais des cosmogonies alternatives apparaissent sous la plume d’autres auteurs ou dans la tradition orphique. Puis viennent des combats pour la domination du monde divin, et la mise en place de l’ordre du monde tel qu’il est, sous la direction de Zeus (après sa victoire contre son père Cronos), avec en point d’orgue la création des humains (anthropogonie), avec notamment le mythe de Prométhée. D’autres mythes relatent les origines des peuples grecs (Achéens, Doriens, Ioniens et Éoliens) et celles de cités[194].
- Les aventures des dieux olympiens, qui exposent les généalogies des dieux, qui ne sont pas toujours uniformes, leurs attributs et domaines de compétences, et différents épisodes de leur existence qui permettent notamment d’exposer les relations qu’ils entretiennent les uns envers les autres, et avec les humains et les héros[195].
- Les gestes des héros sont un élément majeur de la mythologie grecque, lié au précédent puisque ces personnages sont généralement le produit de l’union d’une divinité et d’un ou d’une humaine (mais il y a des exceptions comme Ulysse ou Œdipe). Héraclès est l’archétype du héros guerrier, modèle représenté également par Bellérophon. Ces personnages sont souvent représentés comme des criminels : Œdipe est un meurtrier et incestueux, Oreste un matricide, Héraclès un infanticide, etc. Les héroïnes ont une place limitée, généralement cantonnée à donner naissance à des héros. Ces récits sont marqués par la présence de cycles légendaires, avec les histoires des familles royales, les Labdacides de Thèbes (Œdipe, Antigone) et les Argéades et Pélopides d’Argos et du Péloponnèse, d’où sont issus les Atrides de Mycènes (Agamemnon, Iphigénie, Oreste), également le récit de l’expédition des Argonautes sous la direction de Jason, et ceux relatant la guerre de Troie[196].
Quelle est la fonction d’un mythe ? Plusieurs définitions et approches ont été proposées. Dans une vision large, pour G. Dumézil, c’est un récit dont le but est « d'exprimer dramatiquement l’idéologie dont vit la société (...) de justifier enfin les règles et les pratiques traditionnelles sans quoi tout en elle se disperserait[197]. » W. Burkert a proposé d’y voir « un conte traditionnel qui, par ailleurs, fait par certains aspects référence à des choses qui ont de l’importance pour la collectivité[198] », ce que J. Bremmer a reformulé en « conte traditionnel ayant une pertinence sociale », ce qui implique qu’ils suivent des schémas traditionnels, même s’ils sont une création (ou une reformulation) récente, qu’ils ont une fonction collective, étant récités en public, et « peuvent être transférés d’une société à une autre[199]. »
Les usages plus précis des mythes sont débattus : ils servent manifestement à divertir leur auditoire ; ils ont aussi un rôle politique puisqu’ils peuvent fournir un récit affirmant l’identité d’un peuple ou d’une cité et être reformulés au gré des évolutions politiques ; certains donnent aussi l'origine de rituels ; certains de leurs personnages et passages peuvent servir de modèles de comportements, de références invoquées dans des discussions. En bref, ils « contribuaient à former la mentalité grecque »[200]. Leurs usages dépassent donc le domaine de la religion, surtout si celle-ci est essentiellement rapportée à ses aspects cultuels, mais il n'en demeure pas moins que les mythes ont une place incontournable dans l'univers religieux grec[201]. Leur caractère plastique, le fait qu’ils soient ouverts, enrichis et évoluent, certains étant attestés sous différentes variantes, s’adaptant à différences contextes, a ouvert la voie à de nombreux types d’interprétations par les spécialistes modernes : allégoriques, ritualistes, psychologiques, structuralistes, etc., qui se renouvellent sans cesse[202].
Piété et rapports entre dieux et hommes
La notion de piété se retrouve en grec ancien dans le terme eusebia[203]. Il s'agit avant tout d'honorer les dieux, ce à quoi renvoie le terme timê, l'« honneur », ou la « part d'honneur » à laquelle un dieu a droit, qui est avant tout le culte qui lui est destiné. Cela ne renvoie donc pas à des notions telles que la dévotion, la foi, l'amour[204]. Les formes que prend la piété, les rituels, peuvent être diverses, tant que cela est en mesure d'honorer et de réjouir (chairein) les dieux comme le veut la tradition : banquet sacrificiel, libation, objet luxueux, prise de guerre, monument, louange, chant, danse, etc.[205].
Obtenir les faveurs divines
La piété grecque s'inscrit dans une logique d'échanges avec le divin, de don et de contre-don[208] : les offrandes sont faites aux dieux pour entrer dans une relation bénéfique avec eux, bénéficier de leur bienveillance, de leur protection, obtenir leurs faveurs et leur témoigner de la reconnaissance pour cela. Socrate dans l’Euthyphron de Platon voit la piété comme un « art commercial » (emporikè tekhnè), « une espèce de troc que les dieux et les hommes feraient les uns avec les autres[209]. » Cette relation à double sens renvoie à la notion difficilement traduisible de charis. Il ne faut pas forcément l'entendre au sens d'une relation transactionnelle ponctuelle (do tu des), mais plutôt dans celui d'une relation durable qui s'entretient continuellement, une réciprocité généralisée[210],[211]. L'attitude des humains envers les dieux rappelle plus celle d'un sujet qui honore son souverain dans le but d'obtenir sa faveur (qu'il s'agisse d'une bienveillance générale ou d'un bienfait spécifique) que celle d'un serviteur qui pourvoit aux besoins de son maître sans en attendre de contrepartie directe[210],[145].
Les questions de morale et de justice ne sont pas d'une grande importance dans la relation entre hommes et dieux. Les dieux ont certes le même sens de la justice que les humains et réparent des torts et transgressions morales, au moins dans la littérature[212],[213]. Mais ce n'est pas forcément au cœur de leurs préoccupations et de leurs actions, et ne semble pas les faire réagir tant que les actes impurs ou amoraux ne les concernent pas directement (notamment la violation de serments passés en leur nom). Ils ne sont de toute manière pas vus comme des modèles de vertu dans les discours traditionnels véhiculés par les épopées[214]. Du reste, les dieux grecs ne sont pas les décideurs du destin (moira) des individus, notion qui en général renvoie au moment et aux circonstances de la mort. Il s'impose à eux comme aux humains. La relation de Zeus au destin a été débattue, essentiellement à partir des épopées homériques : il a pu être argumenté qu'il était parfois présenté comme son maître ; mais en dépit de son statut de dieu suprême, il ne peut apparemment pas s'y opposer, au mieux repousser temporairement une échéance funeste, ou la guider[215]. « En principe (les dieux) sont les maîtres du monde, mais en pratique leurs décrets ne portent que sur l'intervalle qui sépare de leur issue, bonne ou mauvaise, les actes humains et les hasards[216]. »
Quelles faveurs attendent les humains en échange de leurs actes de piété ? Les dieux confèrent sécurité, santé, prospérité, fertilité. On les sollicite en particulier avant des événements cruciaux et/ou potentiellement périlleux : récolte, départ à la guerre, voyage en mer[217]. En analysant le contenu des prières des Grecs, J. Rudhardt a constaté qu'elles s'en tenaient souvent à des demandes vagues de bien-être, des « bonnes choses » (agatha), plutôt modestes pour ne pas exiger trop des dieux (notamment en termes de richesses), car ils risqueraient de ne pas accéder aux demandes excessives. Si quelqu'un souhaite le succès dans une entreprise dans laquelle il se lance, ses propres efforts doivent accompagner la faveur divine : « toute réussite résulte en effet d'une synergie entre l'action humaine et l'action divine[218]. » Dans ce tableau, il n'y a manifestement pas beaucoup de place pour les préoccupations sur l'existence après la mort : les faveurs divines sont pour l'essentiel destinées aux vivants[219],[220]. Dans les cultes civiques, ces mêmes attentes se retrouvent à un niveau collectif : on est pieux pour la prospérité et le bien-être de sa communauté, ses succès à la guerre et dans ses autres entreprises. La vie politique des cités est constamment placée sous les auspices des divinités, qui servent à consolider l'identité de la communauté et la légitimité de ses institutions politiques et sociales[221].
Pourquoi s'adresser à une divinité plutôt qu'à une autre ? Le polythéisme offre une pluralité de choix, et il est improbable qu'un individu ait rendu un culte à tous les dieux vénérés dans son horizon quotidien, en raison du nombre de cultes disponibles, même dans le seul cadre local[222]. Les compétences et attributs de la divinité sont évidemment une donnée majeure, en fonction de la faveur attendue. C'est particulièrement évident dans le cas des divinités guérisseuses, sollicitées en cas de problème de santé. Divers éléments doivent aider à faire le choix parmi ceux possibles dans un groupe de divinités ayant des attributs similaires : des raisons pratiques comme la proximité d'un lieu de culte, donc la composition du panthéon local, aussi des aspects de la divinité qui renvoient plus précisément à son mode d'intervention et qui aident à la distinguer d'une autre qui aurait des compétences voisines[223].
Du respect de la tradition aux sentiments personnels
La piété grecque est également couverte par la notion de rectitude religieuse, hosiotes, qui renvoie au fait d'agir en conformité avec les lois sacrées et les traditions de la communauté[226]. Le respect des rites traditionnels, adoptés par un groupe et établis depuis des temps immémoriaux, est en effet un élément majeur de la piété grecque antique[224]. Il est considéré que les rites ont une origine divine, de même que les secrets des cultes à mystères[227], les dieux en sont les garants et ils ne peuvent être modifiés qu'avec leur approbation (communiquée par le biais de la divination)[228]. Il en résulte que quand un nouveau culte est mis en place, il est souvent présenté comme le rétablissement d'un culte oublié, renouvelé à la suite d'une demande divine et suivant les modalités indiquées par des dieux ou héros, et non comme une innovation sans lien avec la tradition[229].
Mais la piété ne peut être réduite à une simple observation scrupuleuse des pratiques rituelles ancestrales. « Être eusébès [pieux] c’est croire en l’efficacité du système symbolique mis en place par la cité pour gérer les rapports entre les hommes et les dieux et c’est aussi y participer de la façon la plus active possible. » On attend du citoyen d'une cité qu'il participe aux rites civiques, avec le reste de la communauté, et qu'il accomplisse les rites les plus courants, comme ceux rendus à ses ancêtres. La piété se voit aussi dans la générosité envers les sanctuaires et les dieux, plus prononcée chez ceux qui en ont les moyens. Au niveau de la cité (ou d'un autre groupe), elle se voit dans l'entretien et la protection des sanctuaires et des biens des divinités du panthéon officiel, l'accomplissement des festivités[230]. Mais ce n'est pas qu'une question de dépense : une idée répandue est que les dieux préfèrent un sacrifice modeste d'un homme pieux plutôt qu'un sacrifice somptueux d'un homme impie[231].
L'impiété, asebeia, est donc avant tout une absence de respect à l'égard des rites d'une cité. Elle se manifeste de différentes manières qui révèlent en filigrane les contours de la piété : atteinte aux biens sacrés, introduction de nouveaux cultes dérogeant aux traditions ancestrales, non respect des rituels traditionnels destinés aux dieux vénérés par la cité, et aussi certaines opinions vues comme impies, notamment quand elles portent atteinte au groupe (mais cela ne concerne pas l'incroyance qui est tolérée)[230]. Un acte impie n'est pas un acte qui manquerait de foi, notion absente de la mentalité grecque, mais celui qui manquerait de raison, de respect envers les dieux et les traditions[226]. Dans ce contexte, le fait que les pratiques religieuses, de même que certaines croyances, ne soient pas identiques pour tous, notamment en raison de l'existence de traditions locales, n'est pas pensé en termes d'hérésie ou d'orthodoxie[232].
Les atteintes à la piété sont vues comme un mal susceptible de rejaillir sur tout le groupe, ce qui explique qu'on puissent en être exclu pour impiété. Cela ne relève pas de la persécution religieuse à proprement parler[230], et les procès en impiété tel celui de Socrate sont rares[233], mais il n'est pas non plus possible de considérer que les anciens Grecs sont caractérisés par la tolérance religieuse[213].
Le respect distancié semble être l'attitude la plus courante envers les dieux[230]. Une attitude répandue semble être une forme d'espérance : rester pieux permet d'espérer recevoir la protection des dieux, et vaut mieux que les redouter de façon irraisonnée[235]. En effet, la crainte excessive des dieux qui pousse à chercher partout les signes qu'ils enverraient est vue comme une superstition, deisidaimonia[236]. Les humains n'acceptent pas tout de leurs dieux : on connaît plusieurs cas de fidèles déçus par un dieu envers lequel ils estiment avoir été pieux, et qui ne se privent pas de lui faire remarquer son ingratitude. Les échanges sont toujours intéressés, puisque la piété humaine implique en retour une faveur divine. Cela explique aussi pourquoi les auteurs tels qu'Aristophane et Homère n'hésitent pas à moquer les dieux et à les mettre dans des postures ridicules[237].
En revanche l'athéisme à proprement parler, à savoir le fait de mettre en cause l'existence des dieux, est quasiment inexistant : seuls quelques philosophes semblent concernés (Diagoras de Mélos, Théodore l'Athée, voire Évhémère et Protagoras). Et encore ce qui s'exprime dans l'athéisme antique relèverait plus d'un scepticisme vis-à-vis de la nature des dieux telle qu'elle est généralement admise, plutôt que d'une négation de l'existence de la divinité[238]. La question de croire ou pas en l'existence des dieux n'est pas posée dans le polythéisme, l'expression nomizein tous theous, souvent traduite par « croire en les dieux », signifie plutôt que l'on reconnaît les dieux par l'accomplissement des rituels qui leur sont dus, ce qui renvoie à la notion de piété[239].
La place occupée par les sentiments individuels dans la mentalité religieuse grecque antique est difficile à déterminer. Il y a peu de sources sur l'expérience religieuse personnelle[240]. Les témoignages potentiels de relations plus intenses entre une personne et une divinité, qui pourraient être caractérisées comme de la dévotion, sont rares et généralement peu explicites, même si apparaissent ça et là, par exemple dans des tragédies, des cas où des personnes font montre d'un enthousiasme spécial envers une divinité[241]. Des liens plus personnels pourraient se développer dans le cadre de cultes électifs, et certains individus se présentent comme les « serviteurs » d'une divinité à laquelle ils marquent leur soumission. Ce sentiment apparaît dans des inscriptions dès l'époque classique, notamment dans des situations d'urgence, et envers des divinités au caractère protecteur affirmé (comme Asclépios). Cette tendance semble s'affirmer durant l'époque hellénistique (notamment avec le développement de l'eulogie, formule glorificatrice) et l'époque romaine, peut-être sous influence orientale[242]. Le fait que les cultes à mystères et cultes orientaux serviraient à répondre à des attentes spirituelles nouvelles, concernant le salut des individus, a cependant été remis en cause, et reste débattu[243].
Sacré, pureté et impureté
Le concept de « sacré » est couvert par plusieurs termes en grec ancien, en sachant qu'aucun ne correspond strictement à la notion moderne qui repose sur l'opposition entre sacré et profane, pas vraiment pertinente pour l'Antiquité grecque[244],[245] :
- Hieros désigne quelque chose consacré à un dieu, et hiera ce qui est connecté au culte, donc aux rituels comme aux matériaux religieux (y compris les édifices et ce qui est sacrifié). Cet aspect sacré est le garant de leur efficacité rituelle : sans cela ce ne seraient que des objets banals du quotidien, et c'est le fait qu'ils soient consacrés à une divinité qui leur donne cette nature spéciale[246],[245] ;
- Hosios connote l'idée de permission, il désigne une tradition voire une loi religieuse, à laquelle il faut se conformer, un comportement ou une action qu'il est approprié de faire envers les dieux, et même dans les relations humaines. Il est souvent associé à dikaios, « juste », et son opposé, anosios, est un comportement sacrilège[246],[245].
- Hagios « désigne un degré de pureté rituelle qui implique le retrait hors de l’ordre courant », impliquant une notion d'interdit, tenu à l'écart de la souillure, et s'applique surtout à des édifices sacrés[4],[245].
La notion de pureté est une autre des conceptions centrales dans les relations entre hommes et dieux, qui s'articule constamment avec celle de sacré (notamment hagios). « Elle recoupe en partie celle d’une dichotomie du divin entre pôle bienfaisant et pôle malfaisant, elle constitue un des fondements des règles de vie en société, elle figure enfin au premier rang des prescriptions rituelles[248]. » Le fait d'être « pur » (hagnos, katharos) se définit par rapport à son opposé, l'état d'impureté ou de souillure (miasma, agos). Celui-ci s'identifie en particulier par les interdits d'accès à des espaces sacrés figurant dans les lois sacrées : le deuil ou le contact avec un mort, être enceinte ou avoir été en contact avec une femme enceinte, avoir ses règles, allaiter, avoir eu une relation sexuelle, en particulier dans le cadre de la prostitution, le port d'un certain type de vêtement, être un étranger à la cité, etc. Le fait de souiller un sanctuaire par un meurtre, ou de ne pas respecter la protection garantie par le dieu à ceux qui s'y réfugient, sont vus comme des sacrilèges majeurs. Les conditions sont donc potentiellement très variées[249]. Quoi qu'il en soit ce n'est pas un état absolu : on devient impur, et on peut cesser de l'être, tout dépend du contexte. Le sang devient impur s'il est répandu sur le sol, ou sur le cadavre d'une victime de meurtre. Il y a aussi une possibilité de contagion, par exemple un meurtre rejaillit sur toute la communauté de celui qui l'a commis[250],[251]. Le passage d'un certain laps de temps ou un acte purificateur (katharsis : rituel, punition) permettent d'éliminer la souillure[252].
Le sacré et la pureté sont liés à la notion de piété, même s'il est souvent compliqué de tracer une continuité entre eux : un comportement qualifié d’hosios implique de la piété, quelqu'un de pieux respecte les règles de pureté ne serait-ce que parce qu'elles sont cruciales pour les rituels. Ces notions ne se limitent pas à des aspects matériels, comportementaux, mais elles ont aussi des implications morales, qui sont notamment visibles dans les discours des philosophes : pour Platon, un homme bon est « pur » katharos, un homme méchant est impur[253].
Miracles et épiphanies
Plusieurs récits évoquent des « miracles » accomplis par des divinités au profit d'humains, en particulier à l'époque hellénistique. Ils concernent notamment le dieu-guérisseur Asclépios qui soigne des malades qui se croyaient perdus[254]. Ces textes sont souvent inclus dans ceux sur les épiphanies, apparitions de dieux auprès de mortels (y compris sous la forme d'un animal ou d'un phénomène surnaturel comme une grande flamme dans le ciel), en rêve ou lorsqu'ils sont éveillés, parfois à la suite d'invocations qui les rapprochent du domaine de la divination (incubation, rituel de banquet ou d'initiation) et s'accompagnent de miracles et renversements de situation (comme le basculement du sort d'une bataille). Ils sont manifestement inspirés des interventions divines des épopées et des deus ex machina des pièces de théâtre. Ces récits, qui concernent plus spécifiquement certaines divinités (Asclépios, Apollon, les Dioscures, Isis et Sarapis, etc.), servent à mettre en avant la gloire et la vertu d'un dieu (on parle d'« arétalogie », terme forgé à partir d’aretê « vertu »), à promouvoir son culte. Ils ont pour but d'animer la piété de leurs ouailles, puisqu'ils servent à justifier et stimuler la consécration d'offrandes (notamment des statues ou monuments), la fondation de fêtes voire de lieux de cultes là où l'apparition s'est produite. Ils ont aussi des enjeux politiques, car ils confèrent du prestige à ceux qui disent les avoir vécues, dont ils révèlent la piété exceptionnelle et la grâce divine dont ils bénéficient (dans la littérature épique c'est le privilège des héros) et rejaillissent sur leurs cités ou royaumes (le terme d'« épiphane » sert aussi à désigner le caractère illustre, lumineux, des rois hellénistiques et empereurs romains). Les Chrétiens useront des mêmes procédés pour obtenir des conversions[255],[256].
La mort et les morts
Les textes et images provenant de la Grèce antique concernant l'existence après la mort reflètent la coexistence d'une diversité de croyances, entre les inscriptions funéraires, les épopées homériques, la poésie, les croyances des cultes à mystères, les pensées des philosophes.
Depuis Homère se trouve l'idée que l'être humain a une « âme », psychè, qui se sépare de son corps au moment de sa mort[257]. Celle-ci est personnifiée par Thanatos, qui est l'agent de la mort[258]. La séparation entre les vivants et les morts se manifeste par le fait que les seconds vivent aux Enfers, envisagé comme un monde souterrain (ou parfois situé très loin à l'ouest) vers lequel leur âme se rend après leur mort, guidée par Hermès Psychopompe, le « guide des âmes ». On y pénètre en franchissant le Styx sur la barque de Charon, contre le paiement d'une obole, puis en traversant les portes d'Hadès gardées par Cerbère. Ce monde est placé sous la direction du dieu Hadès, accompagné de sa parèdre Perséphone. Les Enfers comprennent différentes parties vers lesquelles sont dirigées les défunts en fonction de leurs mérites : les héros et les plus vertueux vont aux Îles des Bienheureux ou aux Champs-Élysées, où ils poursuivent leur existence dans la félicité, alors que les mauvais s'enfoncent vers le Tartare, lieu sinistre dont on ne peut s'échapper[259],[260].
Chez Homère la vision dominante de la vie après la mort (qui ressemble fortement à celle des textes mésopotamiens et levantins[261]) est morne, lugubre : il n'y a rien à en attendre de bon, aussi ses héros préfèrent l'immortalité par la gloire qui fait qu'on chantera leurs louanges bien après leur mort. Mais parfois il envisage d'autres possibilités : ceux qui ont les faveurs des dieux bénéficient d'une vie agréable, alors que ceux qui ont suscité leur ire sont châtiés éternellement (tels Sisyphe et Tantale). D'autres descriptions du sort des défunts dans l'au-delà présentent une vision différente, dans laquelle ils semblent avoir des conditions d'existence semblables à celles qu'ils ont connues de leur vivant : les vases les représentent accomplissant des loisirs aristocratiques (banquets, chasses, jeux, etc.), ils sont parfois décrits comme engagés dans des disputes juridiques (les Enfers ont leurs juges : Minos, Rhadamante et Éaque), des inscriptions présentent l'idée de festivités et de danses perpétuelles dans l'au-delà. Se retrouve souvent l'idée que les bons sont récompensés et les mauvais châtiés, parfois à l'issue d'un jugement après la mort, en tout cas avec une idée de compensation des actes accomplis de leur vivant (notamment leur piété) et d'une préservation de leurs souvenirs dans l'au-delà. Les lamelles « orphiques » mises au jour dans des tombes indiquent que les défunts ont accompli des rites à destination de Perséphone et Dionysos qui visent à faciliter leur passage vers l'au-delà, mais ne disent pas grand-chose de leur condition d'existence après[262]. Les croyances « orphiques » ou « bacchiques » et celles liées aux mystères d'Éleusis semblent envisager la possibilité d'un sort favorable après la mort, grâce à la pratique de leurs rites[263]. Ce n'est pas une forme de salut à proprement parler, plutôt « une vie d'outre-tombe privilégiée, matériellement plus heureuse que celle des autres, grâce à la protection du dieu dont on était l'initié[264]. » De son côté Platon développe dans plusieurs de ses textes une mythologie de la mort, par exemple le mythe d'Er qui conclut La République, où se retrouve l'idée de jugement après la mort, et aussi celles, plus inhabituelles, de la réincarnation (métempsycose, dont l'origine est souvent attribuée à Pythagore) et donc de l'immortalité de l'âme[265]. Selon P. Veyne, la majorité de la population se fait une idée plutôt vague de l'au-delà, une sorte de « sommeil éternel, c'est-à-dire une demi-vie », qui est du domaine de l'inconnu[266].
Les vivants doivent composer avec la mort de leurs proches, qui entraîne une rupture radicale dans la vie de la maisonnée et provoque une souillure : les membres de la maisonnée d'un mort et plus largement tous ceux et tout ce qui est en contact avec lui est impur, et cela ne peut se dissiper qu'au bout d'un certain temps, par des rites de purification concernant aussi bien les proches du défunt que la maison et ses biens, tandis que ceux qui rentrent en contact avec eux doivent aussi se purifier car la pollution se transmet[267],[268]. Les morts préservent leur personnalité dans l'au-delà et des moyens d'action sur les vivants, et c'est pour cela qu'il faut les honorer et les satisfaire. Un homme pieux a pour devoir d'honorer les morts de sa famille, leur assurer une sépulture correcte et des rites funéraires appropriés pour assurer son passage vers le monde infernal, puis de conduire des offrandes aux ancêtres au moins une fois par an. La cité a plus largement un même type de responsabilité envers ses défunts, et aussi celui d'honorer les plus remarquables de ses morts dans le cadre des cultes héroïques. Trois types de morts sont particulièrement redoutés : ceux qui n'ont pas été inhumés, ceux qui sont morts de façon prématurée, et ceux qui ont connu une mort violente. Ils peuvent devenir des fantômes malfaisants tourmentant les vivants, qui donnent lieu à des histoires de maisons hantées. Certains héros malfaisants sont très proches de ce type de spectre vengeur. Les vivants peuvent aussi chercher à rentrer en contact avec les trépassés par le biais de la nécromancie, ou s'en servir comme agents de rituels magiques[269].
Des religions alternatives ?
La Grèce antique a-t-elle connu des courants religieux ou des sortes de sectes dont les idées et pratiques s'opposent à la religion dominante ? Cette question a donné lieu à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle à diverses reconstitutions par les chercheurs de « religions » qui fonctionneraient comme des sortes d'hétérodoxies dans le contexte de la religion antique, voire seraient par plusieurs aspects annonciatrices de l'émergence du christianisme : « religions à mystères », « religions orientales », « orphisme ». Ces courants, marqués par des aspects initiatiques et eschatologiques, ont suscité une grande attention de la part des chercheurs, quitte à leur donner une place plus importante dans les publications scientifiques qu'ils n'en avaient dans l'Antiquité[270]. Les découvertes de nouveaux textes et de nouvelles analyses ont permis de préciser la connaissance de ces cultes ou tendances religieuses. Il apparaît qu'ils sont plus dans un rapport de complémentarité que de contradiction par rapport à la religion de la cité, mais toutes les interrogations sur leurs croyances et rites n'ont pas été levées, tant s'en faut.
La dénomination de « religions à mystères » et « religions orientales », dominante durant la majeure partie du XXe siècle, est à présent l'affaire du passé. W. Burkert a démontré qu'il valait mieux parler de « cultes à mystères », voire de « cultes orientaux » parce qu'il n'y avait pas de croyances séparées, bien que plusieurs de ces rites (les mystères de Déméter et de Dionysos) semblent rattachés à des préoccupations sur la vie après la mort[271]. Plus récemment la dénomination « orientale » a été critiquée parce qu'elle repose sur des stéréotypes occidentaux, et aussi parce que les cultes des divinités venues d'Asie ou d’Égypte, bien qu'ils intègrent des éléments renvoyant à leurs origines, se déroulent sous des formes rituelles très grecques, les mystères n'ayant pas d'équivalent dans leurs régions de provenance[272]. Il est généralement considéré qu'il ne faut pas voir dans ces cultes des rivaux à la religion traditionnelle, ils n'offrent pas une alternative mais plutôt une sorte de variation, une modalité supplémentaire d'expérience et de pratique religieuses[273].
Le courant « orphique » (lui aussi désigné par le passé comme une « religion orphique ») ou « bacchique » (c'est-à-dire de Dionysos) est par bien des aspects insaisissable et énigmatique, ce qui peut s'expliquer par ses aspects ésotériques qui font qu'il est peu documenté, et souvent de façon indirecte. L'orphisme est dénoncé dans des écrits de l'époque classique, qui attestent donc de sa présence, mais pendant longtemps il a été connu par des textes d'époque tardive, notamment des hymnes évoquant une théogonie spécifique, avant la découverte du papyrus de Derveni et de lamelles d'or inscrites placées dans des tombes (surtout en Grande Grèce), qui ont été rattachées à ce courant. L'orphisme désigne un courant qui se revendique à Orphée, barde légendaire surtout connu pour son voyage aux Enfers où il va chercher sa bien-aimée Eurydice, mais la perd sur le chemin du retour pour ne pas s'être retenu de la regarder. Les Anciens lui attribuaient des poèmes qui serviraient de base à des croyances et rites liés à l'obtention d'un sort favorable après la mort, ou du moins à faciliter le passage vers l'au-delà. Ce courant, ou un courant voisin, est aussi caractérisé comme « bacchique » parce que Dionysos y joue un rôle important, suivant un mythe spécifique qui relate sa mort puis sa résurrection. Les rites initiatiques bacchiques permettraient cela, aussi une éthique de vie (notamment le végétarisme). Des spécialistes itinérants des rites orphiques-bacchiques accomplissant des rites de magie et d'exorcisme sont mentionnés dans des textes d'époque classique. Divers groupes répartis dans le monde grec pratiqueraient ces rites initiatiques, se reposant surtout sur le corpus de textes orphiques, cette place centrale du livre étant une originalité dans l'univers religieux grec. Aux époques récentes, la croyance en la réincarnation et la pratique du seul sacrifice d'encens sont d'autres particularités de l'orphisme[274],[275],[276]. C'est dans cette direction que se trouverait le meilleur candidat pour déceler une forme de déviance ou d'opposition à la religion traditionnelle[277],[278]. Néanmoins, il a été souligné que la reconstitution de ce courant est bien incertaine, car elle amalgame des sources de diverses époques et endroits, que les lamelles d'or n'évoquent jamais explicitement Orphée, et qu'il n'est pas assuré que ce soit un corpus cohérent[279]. En tout état de cause, même en acceptant que tous ces textes soient effectivement « orphiques », il est impossible de déterminer l'importance du phénomène dans la société[280].
Le pythagorisme est un courant apparu en Italie du Sud au VIe siècle av. J.-C. autour de Pythagore, qui est à la fois un philosophe, un mathématicien, un maître voire une sorte de fondateur de secte, son courant étant prolongé par ses disciples. Le pythagorisme est documenté par des sources indirectes, surtout Platon et Aristote. Présentant des similitudes avec l'orphisme, il apparaît comme « un étrange mélange où la symbolique des nombres et le savoir arithmétique côtoient les doctrines sur l'immortalité et l'au-delà, ainsi que les règles de vie ascétique[281]. » De fait, les règles de vie et de vertu semblent y supplanter les rites. La croyance en la réincarnation (métempsycose) passe pour être une innovation propagée par ce courant. Le pythagorisme rencontre un certain succès en Italie du Sud, avant de subir une forme de persécution qui se traduit par le massacre de plusieurs de ses membres lors d'épisodes de violence au Ve siècle av. J.-C. Il ne survit que de façon marginale avant d'être revivifié sous de nouvelles formes à l'époque romaine, avec le « néopythagorisme », plus vu comme une philosophie que comme une religion[282],[283].
Des regards neufs sur la religion
La philosophie grecque antique est une forme de pensée individuelle, généralement présentée comme une succession de théories et arguments élaborés par des philosophes, mais c'est aussi et avant tout un mode de vie, une culture de soi[284], « une quête de sagesse, d'un progrès qui est tout à la fois intellectuel, moral et spirituel, d'une vie plénière et plus authentique que favorise une recherche lucide du vrai[285]. » Les rapports entre philosophie et religion s'abordent donc aussi bien par l'étude des spéculations de ces penseurs que par leur manière de vivre (et de mourir), leurs pratiques, en lien avec la religion[284],[286]. Bien qu'elle ne soit qu'une des facettes de la pensée philosophique de la Grèce antique, la réflexion sur la religion y occupe une place importante. Selon G. Most, « la pensée philosophique antique n'avait pas trouvé de meilleure manière que la théologie pour réfléchir sur ses propres limites et aspirations. En réfléchissant sur dieu, l'homme antique réfléchit sur lui-même[287]. »
Les philosophes ont tout d'abord produit un ensemble d'écrits, qui comportent de nombreux témoignages sur les croyances et pratiques religieuses de leur temps, qui en font donc des sources incontournables pour l'étude de la religion grecque antique[288]. Ils ne se sont cependant pas contentés d'être des témoins passifs, et ont produit de nombreuses réflexions sur la religion, introduisant des points de vue radicalement nouveaux débordant des cadres traditionnels et les bousculant souvent[289]. Plutôt que d'y voir une forme d'opposition entre la philosophie et le religieux à la manière de ce qui a pu se produire à l'époque moderne, il s'agit plutôt de tentatives de réformes, voire d'institution de religions nouvelles, autour d'une réflexion théologique, avec une approche personnelle très prononcée, bien que les aspects communautaires ne soient pas laissés de côté. Il s'agit d'entreprises visant à renforcer la religiosité et à la rendre plus acceptable au regard des spéculations philosophiques[290],[291]. Cette volonté de compléter la religion se voit en particulier sur trois questionnements plutôt relégués au second plan dans la pensée religieuse traditionnelle exposée précédemment : le commencement du monde et la cosmologie ; le devenir après la mort ; la morale et l'éthique[292]. Les critiques des philosophes s'est à plusieurs reprises portée contre les mythes traditionnels (surtout dans leur formulation par Homère et Hésiode), vus comme trompeurs sur la nature des dieux (chez Xénophane, Épicure) ou comme de mauvaises sources d'enseignement pour les jeunes (chez le Platon de La République)[293]. La nouvelle vision du monde et d'un divin à l'origine de tout et pas forcément soucieux de chaque être humain que proposent les philosophes s’accommode en particulier mal avec la réciprocité impliquée par la charis, concept fondamental de la religion ordinaire. En revanche la piété eusebia reste vue comme un devoir incontournable, à condition d'être exercée de façon appropriée, en introduisant une approche morale[294].
Des philosophes ont pu proposer des pratiques sociales, un mode de vie religieux. Le philosophe peut être perçu comme un « homme divin » (theios aner, expression employée notamment par les Platoniciens et Stoïciens), un sage dont la vie se veut exemplaire, une sorte de figure religieuse. Les écoles philosophiques institutionnalisées qui perdurent sur plusieurs générations (l'Académie platonicienne, le Lycée aristotélicien, le Jardin épicurien, le Portique stoïcien) empruntent beaucoup d'éléments aux cultes traditionnels, notamment ceux des héros, voire aux associations cultuelles telles que les thiases : la figure du fondateur structure la communauté, en particulier après sa mort, l'école est souvent située au voisinage de son lieu de décès, la date de son anniversaire est souvent commémorée et marquée par des rituels[295].
Enfin, concernant l'influence de la pensée religieuse des philosophes, d'un autre côté « il est douteux que la religion du plus grand nombre, c'est-à-dire celle des non-philosophes, ait été influencée de manière substantielle par des spéculations philosophiques concernant le divin à l'époque classique ou même hellénistique. » Mais d'un autre côté il apparaît que la pensée des philosophes grecs antiques perdure après ces périodes, en premier lieu parce que celle de certains d'entre eux a exercé une forte influence sur le christianisme antique et médiéval, puis parce qu'elle est la base de la philosophie encore enseignée et pratiquée de nos jours, alors que les pratiques religieuses grecques antiques ont pour la plupart abandonnées été abandonnées ou que leurs traces dans les religions actuelles sont peu visibles[296],[297].
Les pensées religieuses des philosophes
Les premiers philosophes (les « présocratiques ») proposent des discours sur l'origine et l'ordre du monde résultant de leurs réflexions personnelles. Ils présentent plusieurs points communs : « on se fonde sur un postulat qu'il existe un « principe », archè, qui permet d'expliquer tout chose », « on comprend (...) qu'il existe un « devenir » régi par ses lois propres, des lois que les hommes ne peuvent influencer, physis », et « le monde qui existe, enfin, est l'« ordre », kosmos (...) si souvent perturbé dans la réalité, (qui) se trouve restauré grâce à un projet intellectuel qui en rend compte[298]. » Le « principe » est généralement considéré comme d'essence divine. Chez les premiers philosophes ioniens, il est identifié à un élément du monde naturel, omniprésent (l'eau chez Thalès, l'« illimité » chez Anaximandre, l'air chez Anaximène), puis chez les suivants le « divin », ou du moins ce qui s'en approche, est moins clairement identifié : une entité unique impossible à connaître et à nommer pour Héraclite, un être parfait à tous les égards pour Parménide[299]. Si leurs discours sur l'origine et l'organisation du cosmos présentent d'évidentes continuités par rapport à ceux d'Homère et d'Hésiode, ils s'en distinguent en présentant l'organisation du monde de façon plus abstraite[300], notamment en tournant le dos à l'anthropomorphisme des dieux, Xénophane portant cette critique le plus loin[301]. C'est aussi à cette période que se développe le pythagorisme évoqué plus haut, qui a des aspects philosophiques, et dont la pensée influence des philosophes postérieurs, dont Platon[283].
La pensée développée par Platon durant sa longue période d'activité, qui a connu de nombreuses évolutions, est fondamentale dans l'histoire de la pensée religieuse tant par son ampleur que par son impact[302]. Un de ses dialogues de jeunesse, Euthyphron, met en scène son maître Socrate débattant avec le personnage qui donne son nom à l’œuvre, un devin, sur les différentes manières de définir la piété[303]. Puis il pousse plus loin la redéfinition du divin entamée par ses prédécesseurs, en proclamant que Dieu est moralement bon, et ne peut donc agir de façon mauvaise, immatériel, et que le philosophe doit chercher à s'en approcher autant que c'est humainement possible. Sa conception de l'univers et de la divinité (il parle aussi bien d'un Dieu au singulier que de dieux au pluriel) est exposée le plus longuement dans le Timée, œuvre incontournable de la religiosité cosmique, qui raconte la création du monde par le démiurge, qui l'organise de façon harmonieuse. Les étoiles y sont conçues comme des êtres divins, dont les mouvements reflètent cette organisation harmonieuse, alors que des daimones occupent une position inférieure[304],[305]. Comme vu précédemment Platon propose également des conceptions originales sur la vie après la mort, reposant notamment sur la croyance en l'immortalité de l'âme et en la réincarnation[306]. Les Lois contiennent quant à elles différentes propositions sur l'organisation et la place des cultes dans la cité, qui font de la religion un fondement de l'ordre social[307].
Aristote s'oppose à son maître en proposant une vision d'un cosmos éternel, sans début ni fin, donc sans démiurge, et de même une espèce humaine présente depuis toujours, comme tous les êtres vivants. Il admet cependant l'idée d'une divinité suprême, qu'il développe dans le livre Lambda (XII) de la Métaphysique : le monde n'est certes pas créé, mais il est mis en mouvement par cet être supérieur, qui provoque le mouvement du ciel, lequel entraîne les mouvements du reste de l'univers. C'est un « Premier moteur », « moteur immobile » parce qu'il meut sans être mû, parfaitement beau, objet de pensée et de désir pour tout le reste du cosmos. Il existe également d'autres êtres divins, qui assurent les autres mouvements de l'univers, comme ceux des planètes. De la même manière que Platon, chez Aristote il faut étudier dieu pour s'approcher le plus possible de la nature divine[308],[309].
Xénocrate, autre disciple de Platon et continuateur de l'école platonicienne, développe une théorie de l'organisation du monde divin, établissant une hiérarchie entre les divinités secondaires, les daimones, qu'il essaye de relier aux divinités de la mythologie et des cultes traditionnels, notamment en ayant recours à l'allégorie[310]. C'est sans doute une manière de tenter de concilier les figures divines que mettent en place les spéculations philosophiques et celles qui sont vénérées au quotidien par la population[311]. Théophraste, disciple d'Aristote, porte en particulier ses réflexions sur la piété, qu'il n'identifie pas à l'accomplissement des rites, mais à une attitude pieuse, au caractère du fidèle, qui s'exprime par ces actes[310]. Avec lui la piété devient une vertu, une façon d'être qui doit se manifester continuellement et pas seulement par des actes ponctuels[312].
Ces réflexions ont donc contribué à l'apparition d'une nouvelle pensée religieuse, dans laquelle « les dieux deviennent l'absolu, le fondement du Bien[313]. » Les deux principaux courants de l'époque hellénistique, l’Épicurisme et le Stoïcisme, poursuivent sur cette voie. Épicure propose une vision de la nature dans laquelle les craintes liées à l'intervention divine et à la mort sont infondées. Il convient certes de rendre hommage aux dieux en participant aux cultes traditionnels, mais on peut aussi chercher à comprendre le divin par l'étude et devenir soi-même divin. Pour les Stoïciens, l'univers entier est la substance de dieu (panthéisme), aussi l'étude du monde physique revient à l'étude de dieu. Ce dieu est un être immanent qui produit l'ordre du monde et son évolution. La piété reste un comportement essentiel pour l'éthique, les Stoïciens cherchant à concilier les mythes et les cultes traditionnels avec leur vision du monde, en passant notamment par des interprétations allégoriques[314]. Les Stoïciens (selon une formulation donnée par l'auteur de langue latine Varron) en viennent à distinguer trois types de dieux, ceux vénérés par les cultes publics, ceux qui apparaissent dans les mythes des poètes, et ceux des philosophes, qui sont selon eux des êtres vertueux qui ne peuvent mal agir[315].
La fin de l'époque hellénistique et l'époque romaine impériale voient la pratique religieuse faire l'objet de plus d'interprétations et d'analyses philosophiques, ce qui donne en retour un aspect plus religieux à la philosophie et aux pratiques intellectuelles des élites (dans le contexte de la seconde sophistique). Elles sont en particulier marquées par les réflexions sur les divinités, les miracles ou les daimones, la quête du divin par les philosophes, aussi des dialogues et controverses avec des penseurs du judaïsme (Philon d'Alexandrie) et surtout du christianisme naissant, qui en porte l'empreinte[316]. La philosophie de cette période a pu être qualifiée de « syncrétique », parce qu'elle mêle des aspects du platonisme, de l'épicurisme, du stoïcisme et du pythagorisme, bien que les écoles restent distinctes[317]. Le médio-platonisme (Eudore, Atticus, Plutarque, voire Celse, etc.) qui se développe alors présente de nombreux aspects religieux. Là encore il s'agit plus généralement de justifier les pratiques de la religion traditionnelle, à savoir le culte des dieux. Une grande importance est accordée au concept de « providence » (pronoia), la manière qu'ont les dieux d'intervenir dans la marche du monde, sur lequel réfléchit notamment Atticus. Dans cette perspective, le cosmos est perçu comme une entité unique assimilant les divinités traditionnelles qui lui sont subordonnées et sont des agents de la providence. Leur vouer un culte revient alors à vénérer à travers eux l'entité suprême, ce qui entraîne une inflexion en direction d'un monothéisme. De la même manière, les humains doivent chercher à être des agents de la providence, afin de s'approcher de la condition divine[318].
Le platonisme reste le courant philosophique majeur durant l'Antiquité tardive, époque de développement du néoplatonisme, dont les principales figures sont Plotin, Porphyre, Jamblique et Proclus[319]. L'aspect théologique de la philosophie est plus marqué que jamais. Dieu est vu comme la source de toutes choses, mais plusieurs de ces philosophes considèrent que l'entité ultime (l'Un de Plotin), principe premier, ne peut être atteinte rationnellement par les humains. Le philosophe qui cherche à remonter vers cette source afin d'atteindre lui-même la divinité fait alors appel à la médiation d'êtres divins de rang inférieurs et daimones, et à différentes œuvres de la pensée empruntées à d'autres courants philosophiques et religieux (mythologie traditionnelle, orphisme, judaïsme, gnosticisme, christianisme, etc.) qui permettent de s'élever spirituellement, aussi à la théurgie, pratique mêlant magie et divination, devant aider à obtenir l'appui des puissances divines[320]. Les courants philosophiques « païens » sont progressivement marginalisés par le triomphe du christianisme, leur fin symbolique étant souvent située au moment de la fermeture de l'Académie d'Athènes par ordre de Justinien en 529[321]. Plusieurs des « Pères de l’Église » avaient alors opéré une synthèse reprenant les éléments jugés acceptables et donc conservables de ces pensées philosophiques en les intégrant dans les croyances chrétiennes, assurant au passage la survie des œuvres philosophiques antiques qui nous sont parvenues[322].
Sanctuaires
Localisations
Les Grecs de l'Antiquité considèrent que certains lieux naturels sont investis de sacralité à la suite d'une décision divine, et dont certains aspects signalent ce caractère. Ce sont par exemple les grottes et sources vouées aux nymphes et à Pan, les sommets consacrés à Zeus et à d'autres divinités célestes, les espaces sauvages, marécages et sources où on rend un culte à Artémis[323], les bois sacrés qui sont depuis des temps immémoriaux des lieux où sont accomplis des rituels[324]. L'exécution de rites dans ce lieu lui confère ensuite son caractère de lieu de culte[325]. Ces sanctuaires dans la nature peuvent conserver leur aspect primitif, mais d'autres sont dotés de constructions et évoluent parfois en un complexe monumental[326].
Des facteurs religieux président aussi à la localisation des sanctuaires urbains. Ainsi le dieu des artisans Héphaïstos a un lieu de culte dans le quartier des forgerons d'Athènes, tandis que la protectrice de la ville, Athéna, a son principal lieu de culte sur l'Acropole, une citadelle fortifiée[327]. Les considérations proprement religieuses présidant au choix de localiser un sanctuaire en ville ou à la campagne reste souvent mal comprises. Les sanctuaires de Poséidon, Héra, Dionysos et Artémis ont tendance à se trouver en dehors des espaces urbains, ce qui s'explique aisément pour la dernière parce qu'elle est liée au monde sauvage[328].
En tout cas un aspect essentiel de ses localisations est leur permanence : un sanctuaire occupe un lieu de façon traditionnelle, il est très difficile de le déplacer et il est en principe entretenu et reconstruit à un emplacement identique, y compris après des catastrophes[329]. Ce sens aigu de la localité explique aussi pourquoi chaque lieu de culte a sa propre divinité, ou du moins sa propre version de celle-ci (identifiée par son épiclèse topique : Apollon de Delphes ou de Délos, Héra d'Argos, etc.), ses propres règles rituelles avec son propre prêtre pour les faire respecter[152].
Le poids de la cité dans la religion grecque implique aussi que les sanctuaires soient souvent localisés en fonction des intérêts de la communauté, en plus des considérations liées à la nature de la divinité vénérée. Ils sont disséminés dans ses différentes composantes (chef-lieu, villages, campagne, confins). Les sanctuaires les plus importants d'une communauté ne se trouvent pas forcément dans son chef-lieu. Les lieux de culte urbains comprennent des grands sanctuaires qui fonctionnent comme un pôle de la vie de la communauté. Au seuil de l'espace urbain, proche des murailles, se trouvent des sanctuaires à fonction protectrice et marquant la séparation entre ville et campagne. Plus loin se trouvent des sanctuaires dans un espace accessible aisément à pied[330]. Les sanctuaires extra-urbains et ruraux à proprement parler, plus éloignés du chef-lieu, ont un rôle important dans l'appropriation du territoire civique par la communauté des citoyens, aspect mis en avant par F. de Polignac qui leur attribue un rôle crucial lors du processus de constitution des cités[78],[331]. Ils peuvent être placés sur des axes de circulation importants. Ceux situés aux confins servent notamment à affirmer les prétentions territoriales face aux voisins et rivaux. Cette catégorie comprend de nombreux sanctuaires majeurs, par exemple celui de l'Isthme de Corinthe. Cependant de nombreux sanctuaires ruraux placés sur des sites naturels spécifiques sont modestes, à l'image de celui consacré à Zeus sur le mont Hymette en Attique, composé d'un enclos encadrant un autel, proches du sommet[332]. Les territoires du monde grec sont donc émaillés de lieux de culte, qui jouent sans doute un rôle crucial dans la relation des anciens Grecs avec leur environnement[333].
Les grands lieux de culte panhelléniques (Delphes, Olympie) ou ethniques restent en revanche en dehors du cadre civique, maintenant une forme de neutralité politique, qui leur permet de jouer le rôle de lieux de rencontre entre acteurs politiques[334],[335]. Par le nombre de constructions qu'on y trouve, les sanctuaires de Delphes et d'Olympie sont de véritables « villes »[336].
Fonctions
Les sanctuaires sont avant tout les lieux où les Grecs et Grecques se rendent pour accomplir des offrandes et faire des prières à une divinité[337],[338]. Certains sanctuaires ont des fonctions plus spécifiques, avant tout ceux consacrés aux divinités liées à la guérison, comme Asclépios, qui servent de lieux de cure, et les grands sanctuaires oraculaires comme Delphes et Dodone où on se rend pour obtenir des messages divins[339].
Mais les sanctuaires sont bien plus que des lieux de culte, car ils remplissent un ensemble de fonctions sociales, politiques et économiques. Ce sont des lieux de réunion pour les communautés, notamment à l'échelle de la cité, en particulier lors des grandes fêtes religieuses. Leur importance pour la vie politique va au-delà de ces cérémonies religieuses, puisqu'ils servent par exemple de lieux d'inscription ou de dépôts des lois, comme à Gortyne. Ce sont aussi des lieux de refuge en raison de leur aspect sacré qui les rend en principe inviolables. Les grands sanctuaires disposent de richesses importantes, dont des domaines fonciers qu'ils peuvent exploiter ou mettre en location, et des richesses financières à partir desquelles ils peuvent développer une activité bancaire, ou bien servir de réserve pour leur cité en cas de difficulté[340].
Les éléments du sanctuaire
L'autel
L'autel sacrificiel est l'élément indispensable pour l'exercice du culte[341],[342],[343]. C'est là qu'on procède aux offrandes à une divinité. Un autel est dédié à une seule divinité, ce qui rend tout sacrifice voué sur celui-ci à une autre divinité inefficace. Il y a donc autant d'autels dans un sanctuaire que de divinités auxquelles on y sacrifie[344]. L'autel est généralement situé dans un espace à ciel ouvert. Il peut prendre différentes formes. Il s'agit souvent d'une table, un autel élevé, bômos, plutôt destiné aux divinités célestes (ouraniennes) suivant l'interprétation traditionnelle[345]. À partir du VIe siècle av. J.-C., c'est plus souvent un bloc de pierre (calcaire ou marbre) de forme rectangulaire, mais il en existe des ronds, à table en pi. Le dessus est constitué d'une table servant au dépôt des offrandes et à la découpe des animaux sacrifiés, et à supporter un foyer. Certains autels sont sculptés et décorés (de volutes par exemple), certains ont des marches, leur taille et leur hauteur variant grandement, jusqu'à atteindre des dimensions monumentales, tels l'autel de Zeus à Némée qui mesure 41,5 mètres de long pour 2,42 de large, ou le grand autel de Pergame avec sa frise sculptée et ses 120 mètres de long. L'autel de Zeus à Olympie, constitué par l'accumulation des cendres des sacrifices et s'élevant à 6,7 mètres de haut, est plus atypique[346],[345],[343],[347], de même que l'autel d'Artémis à Délos fait de cornes de chèvres[348]. Certains autels sont de simples fosses (bothroi), ou des petites structures creuses (escharai), qui seraient plutôt destinées à recevoir du sang d'animal sacrifié et/ou des libations versées pour les divinités chthoniennes et les défunts[349],[350], y compris dans les cultes héroïques[343].
- Autel du sanctuaire d'Athéna Pronaos de Delphes, IIe siècle av. J.-C. Musée archéologique de Delphes.
- Autel dédié à Aphrodite et aux Charites, retrouvé sur l'agora d'Athènes, 193/2 av. J.-C. Musée national archéologique d'Athènes.
Le téménos
Si certains espaces sont par essence sacrés à l'initiative d'une puissance divine, les hommes en définissent eux-mêmes, en délimitant des espaces religieux autour d'un autel, désignés par le terme de téménos. Ce mot est dérivé de temnein « découper », car « ce sont des espaces que l’homme a « découpés » dans l’espace profane pour en faire des sanctuaires[351]. ». Historiquement, la mise en place de ces espaces semble lié à la constitution des nouvelles entités politiques au VIIIe siècle av. J.-C., à commencer par la cité : ces espaces sont délimités de manière à ce qu'ils servent d'espaces de réunion pour la communauté, de façon à attribuer aux dieux un lieu dont ils sont les possesseurs dans l'espace civique[352]. Leur apparition peut être reliée à celle d'un autre espace crucial pour les cités et lui aussi délimité et investi de sacralité, l'agora, qui peut également être traitée comme un téménos[353],[354].
Le téménos peut être délimité physiquement, par des bornes (horoi) ou par le péribole, enceinte sacrée qui prend la forme d'un mur de pierre continu dans certains sanctuaires, parfois simplement une clôture[354]. Une autre manière de marquer les limites de cet espace sont les périrrhantéria, des vasques de pierre apparaissant au VIIe siècle av. J.-C. au moins, qui recueillent l'eau sacrée servant aux visiteurs du sanctuaire à se purifier quand ils y entrent. Elles prennent ensuite la forme de grandes tables avec une cuvette en leur centre. Des stèles portant des « lois sacrées », inscriptions sur les conditions d'accès et les règles à respecter à l'intérieur du temple, marquent aussi les limites du téménos[355].
Tout ce qui se trouve à l'intérieur de l'espace « sacré », hieron, appartient aux dieux. En raison de la protection divine dont il bénéficie, il ne doit donc pas être pillé, asylia (francisé en asylie ; par le truchement du latin le terme se retrouve dans le droit d'asile moderne), et cela s'applique aussi aux personnes qui s'y réfugient. Le vol d'un bien sacré est donc un crime qui a un caractère sacrilège[356]. La sacralité de l'espace implique aussi que son accès soit interdit aux personnes affligées par une « souillure » ou « pollution » qui les met temporairement dans un état d'impureté rituelle, et c'est ce que visent souvent à prévenir les lois sacrées[357]. Ce peut être une relation sexuelle, la participation à des funérailles, l'accouchement, etc. Cela explique par exemple que toutes les tombes aient été retirées de Délos en deux temps par les Athéniens, par le tyran Pisistrate au VIe siècle av. J.-C. puis en 426/425 av. J.-C., l'île entière étant vue comme le téménos d'Apollon. Les personnes mourantes et les femmes sur le point d'accoucher étaient également priées de quitter les lieux pour ne pas le contaminer[358],[359]. Le fait de se purifier par l'eau rituelle des périrrhantéria permet de se débarrasser des impuretés bénignes du quotidien, mais pas des plus graves[360].
Le temple
Le temple a pour fonction d'abriter la statue d'une divinité qui est vénérée dans le sanctuaire : c'est la demeure du dieu, où il réside car sa statue y assure sa présence[346]. Ce n'est pas un lieu accessible aux fidèles : le lieu de réunion lors des sacrifices est localisé autour de l'autel, à ciel ouvert, souvent devant le temple de manière à ce que la statue divine puisse observer le sacrifice qui lui est offert[361]. Le temple sert aussi d'entrepôt pour une partie du trésor de la divinité, généralement ce qu'il y a de plus précieux, et parfois aussi pour les archives de la cité[362]. Ce type d'édifice n'est pas indispensable au culte, et tous les sanctuaires n'en ont pas[346]. Il peut être vu comme une offrande à la divinité, ce qui explique le soin qu'on attache à sa construction et son décor[363].
Les temples apparaissent assez tard dans la civilisation grecque, et se diffusent au VIIIe siècle av. J.-C. Les plus anciens ont une seule pièce, puis le plan-type du temple grec se met en place au VIIe siècle av. J.-C. : c'est un édifice rectangulaire, constitué d'un portique d'entrée (opisthodomos), de la salle principale contenant la statue divine (naos), et éventuellement d'une pièce à l'arrière (pronaos), servant notamment pour le trésor divin. Les temples grecs sont généralement bâtis en pierre, entourés de colonnes formant des allées couvertes les entourant (péristyles). Leur décor répond plus ou moins aux ordres architecturaux qui se développent pour ce type d'édifice (dorique, ionique et corinthien)[364],[365]. À défaut d'être indispensables au culte, ces édifices sont primordiaux dans le développement de l'architecture et de l'art grecs[346], et leur construction mobilise les efforts des cités pour lesquelles ils fonctionnent comme une sorte de « vitrine »[366].
- Plan et représentation du naos du temple d'Apollon à Bassae.
- Les types de colonnes antiques (Grèce et autres régions) et la description des parties d'une colonne.
- L'Érechthéion de l'Acropole d'Athènes.
- Ruines du temple d'Apollon de Corinthe.
- Les temples d'Héra à Poseidonia (Paestum).
- Le temple de la Concorde à Agrigente.
- Ruines du temple de Zeus à Cyrène.
L'image divine
L'apparition des représentations divines sous forme de statues de forme humaine (anthropomorphes) se produit dans le monde grec en même temps que celle des temples destinés à les abriter, au VIIIe siècle av. J.-C. Dès lors la statue de la divinité tutélaire du temple est placée dans la pièce principale de l'édifice, sa « demeure » (naos), dans l'axe central de façon à ce qu'elle puisse, une fois les portes du temple ouvertes, être vue de l'extérieur et observer les cultes qui lui sont rendus. Son installation est marquée par des rituels importants, et elle est ensuite entretenue et purifiée régulièrement. Les spécialistes débattent quant à savoir dans quelle mesure cette image était vue comme la divinité elle-même, si elle « habite » la statue, en tout cas la croyance courante est qu'elle réside dans le temple grâce à la présence de sa statue[367]. Elle n'est pas plus que le temple indispensable pour le culte, et fonctionne plus comme un « décor », ce qui explique là aussi le soin apporté à sa réalisation[368]. Très peu de statues divines ont été préservées, mais certaines sont connues par des copies qui en ont été faites. Parmi les plus fameuses se trouve la monumentale statue chryséléphantine de Zeus à Olympie, sculptée par Phidias, une des « sept merveilles du monde »[369].
Les autres constructions
Les sanctuaires grecs peuvent comprendre une vaste gamme de constructions, selon leur importance et leurs fonctions. S'y trouvent souvent des édifices spécifiquement destinés à abriter le trésor des divinités, du moins les objets les plus luxueux, dont l'aspect emprunte à celui des temples. Des portiques à colonnes (stoa) servent de lieu d'accueil et d'abri pour les visiteurs, voire de dortoirs, mais dans les grands sanctuaires des hôtelleries peuvent avoir été bâties. De même il peut exister des bâtiments dédiés aux banquets collectifs ayant lieu lors des grandes festivités, même si la plupart du temps ils se font à ciel ouvert. Les sanctuaires où se déroulent des concours comprennent des édifices dédiés à ceux-ci : palestres, stades, théâtres et édifices annexes. Des fontaines monumentales peuvent aussi être érigées pour les purifications[370].
Dépôts d'offrandes et biens sacrés
Les offrandes des fidèles marquent aussi le paysage des sanctuaires grecs antiques. Les offrandes alimentaires sont périssables et consommées lors des rituels ou peu après, en revanche celles qui sont durables sont conservées quelque part dans l'espace sacré. Les plus luxueuses (notamment celles en métaux précieux) sont déposées dans les trésors, mais les statues et monuments offerts aux divinités sont entreposés à l'extérieur. Dans les plus grands sanctuaires, il y en avait tellement que cela semble avoir donné une impression d'encombrement à leurs visiteurs[371]. Les patrimoines des divinités sont plus larges encore, en particulier dans les grands sanctuaires, puisqu'il comprend des maisons, des champs, des fermes, des bois et des troupeaux, renvoyant au rôle économique des sanctuaires[372]. Les comptes des gestionnaires du sanctuaire d'Apollon de Délos à l'époque hellénistique, inscrits sur des stèles, indiquent ainsi que le dieu est le plus grand propriétaire foncier des Cyclades, disposant de champs et de maisons dans plusieurs îles, qui sont mises en location[373].
Institutions, groupes et acteurs du culte
La religion grecque est couramment présentée comme étant « encastrée » dans la société[56],[374]. Cela veut dire que le cadre de la cité, la polis, est primordial et organise l'activité religieuse, et que cette dernière participe à la consolidation de la cohésion du corps social. Elle s'organise en pratique autour de plusieurs cercles, suivant des modalités similaires : la maison (oikos) qui constitue l'unité de base de la cité, les groupes familiaux élargies, puis les niveaux intermédiaires (comme les dèmes athéniens), et enfin le niveau de la cité[375]. La logique de groupe est donc fondamentale : « c’est au sein des cercles de sociabilité que s’exprime au mieux la religiosité des Grecs, et le modèle politique marque profondément les cadres religieux de son empreinte. Le modèle collectif est dominant et la démarche individuelle emprunte à ce modèle, non l’inverse[376]. » Cela pose également la question de la participation de ceux qui sont exclus de la citoyenneté à cette vie religieuse, à savoir les femmes, les étrangers et les esclaves, qui ont moins accès au divin que les citoyens adultes[377],[6].
De ce fait, la place d'autres logiques sociales de pratiques de la religion est problématique à déceler et discutée : il est difficile de parler de religion « populaire » car il n'y a pas vraiment de coupure significative entre la religion des élites et celle du reste de la population ; les religions personnelle et/ou individuelle, termes qui s'opposeraient au civique, officiel (mais pas forcément une opposition public/privé), sont plus étudiées car elles reflèteraient les préoccupations réelles des individus, leur religion « intérieure », face à celle imposée et donc plus conformiste des cultes civiques ; elle ressortirait notamment des associations religieuses et cultes électifs[378],[379]. Mais il est compliqué de les isoler clairement, car elles se déroulent quand même sous le regard de la collectivité[380].
La question des rapports entre la religion et la société renvoie aussi aux questions de l'influence de l'une sur l'autre : est-ce que la religion joue un rôle actif, créatif, comme cela est souvent supposé dans le processus de constitution de la cité, peut-elle être un facteur de changement social, ou bien est-elle essentiellement le reflet des évolutions socio-politiques, se fondant plus dans la société qu'elle ne la façonne [31]?
La cité et les autres institutions
En l'absence d'institution religieuse séparée, ce sont les communautés de la société grecque antique qui prennent en charge les cultes, et avant tout la plus importante d'entre elles, la cité polis. Mais dans les grandes lignes la religion a une place similaire dans les autres entités autour desquelles s'organisent la vie des Grecs anciens : les ethnè, les subdivisions de la cité (dèmes, phratries et phylai à Athènes), également les associations cultuelles. Elle joue partout un rôle dans l'identité du groupe, assure sa cohésion, mais révèle aussi ses tensions internes et les négociations permanentes pour assurer tant bien que mal l'équilibre en leur sein, et les différentes possibilités d'articulations entre les individus, les identités et les groupes[381].
Les caractères de la vie religieuse de la cité ont été mis en avant par de nombreuses études. Chaque cité a une divinité protectrice, la divinité « poliade », par exemple Poséidon à Corinthe, Héra à Argos, etc. Chaque grand moment de la vie d'une cité est ponctué par des rites religieux. Ainsi la fondation de nouvelles cités durant la colonisation grecque de l'époque archaïque est validée par un oracle, le transfert du feu sacré depuis la cité fondatrice, des sacrifices et prières lors de l'édification de la ville principale. Les réunions des assemblées de citoyens sont également marquées par des sacrifices. Les magistrats de la cité occupent les principales fonctions religieuses, accomplissent des sacrifices et offrandes au nom de celle-ci, et ne doivent pas être atteints par des interdits religieux. La cité édicte une bonne partie des « lois sacrées » régulant les activités des sanctuaires, finance les cultes principaux et les prêtrises qui les supervisent, et à Athènes le trésor civique est entreposé dans le temple principal, le Parthénon. Le fait que le centre de la vie politique de la cité, l'agora, soit aussi un espace sacré avec des lieux de sacrifice, incarne bien cette imbrication entre religieux et politique. L'action religieuse des cités se voit aussi dans leurs rapports avec les sanctuaires panhelléniques : les cités demandent des oracles à Delphes, et font des offrandes aux dieux de ces sanctuaires[382]. Chaque cité a son propre calendrier liturgique, elle organise des fêtes civiques et concours qui sont de grands moments de rassemblement, notamment lors des processions, affirmant la cohésion de la communauté[383].
C. Sourvinou-Inwood a parlé à ce propos de « religion de la polis », en considérant le rôle de la polis comme similaire à celui de l’Église dans le christianisme, à savoir de fournir le cadre fondamental de la vie et des discours religieux dans la Grèce antique[98]. Mais ce n'est pas le cadre unique. En effet, l'existence d'autres niveaux d'encadrement du culte, comme les subdivisions de la cité, les groupes de parenté ou les associations cultuelles, qui ont leurs propres rites et calendriers rituels, a incité à nuancer cette approche. La religion dans la cité grecque présente une organisation à plusieurs étages, allant de la maisonnée jusqu'à la cité elle-même, en passant par les échelons intermédiaires, où sont effectués des rites ayant en gros les mêmes modalités et fonctions, et où sont souvent vénérés les mêmes dieux[384]. La cité intervient effectivement à plusieurs reprises pour contrôler les rites qui se déroulent sur son territoire, et des procès en impiété sont parfois conduits sous son égide. Comme souvent dans ce contexte, il est difficile de démêler ce qui, du point de vue moderne, relève du religieux et du politique. En tout état de cause, il est peu probable que la cité puisse réguler tous les cultes se déroulant sur son territoire[385].
Parmi les autres formes d'organisation encadrant des cultes, se trouvent des groupements de cités ou ethnè ayant pour but de gérer un sanctuaire en commun, parce que son culte les concerne tous. Le cas le plus célèbre est l'amphictyonie qui gère le sanctuaire d'Apollon de Delphes. Les cités ioniennes gèrent leur lieu de culte « ethnique », le Panionion situé au Cap Mycale. Ces organisations plus ou moins formalisées contribuent à forger les identités régionales[386]. Ce genre d'institution se retrouve à l'époque romaine, quand les ligues de cités (koinon), qui avaient un rôle politique à l'époque hellénistique, sont essentiellement devenues des organisations collectives gérant des cultes à l'échelle provinciale, notamment ceux rendus aux empereurs. Le Panhellénion, fondé par Hadrien avec pour centre Athènes, est une organisation ayant pour but de réunir les cités du monde grec[387].
Durant l'époque hellénistique, les rois jouent un rôle central dans le culte, parce qu'ils sont des bienfaiteurs importants et que leur administration organise les cultes dans leur royaume. De plus leur personne prend une dimension divine, qui se voit par l'identification de plusieurs souverains à Dionysos et par la mise en place un culte royal, en particulier celui des Lagides d'Égypte, qui concerne aussi des reines (Arsinoé II notamment) et prend pied dans les cités[388]. Ces dernières préservent largement leur autonomie en matière religieuse, mais elles doivent prendre en considération l'existence de ce niveau supérieur auquel elle rend des hommages souvent intéressés, situation qui se prolonge durant la période de domination romaine avec le culte impérial[387].
L’oikos
L’oikos, ou « maisonnée », est l'unité de base des sociétés grecques antiques, formée de personnes et de biens, autour d'une famille, de son patrimoine et de son activité, comprenant donc aussi des serviteurs et esclaves. C'est le cadre d'un ensemble de cultes prenant place dans la maison, dédiés en particulier à : Zeus Herkéios, protecteur de la maison et garant de l'hospitalité, qui a son autel dans la cour de la résidence ; Zeus Ktésios qui protège les biens matériels de la maison, dont le domaine est dans les espaces de stockage ; Hestia la déesse des foyers ; Apollon Agyieus le protecteur des portes et rues. Les rituels accomplis dans ce cadre, par le père de famille et chef de maisonnée, sorte de prêtre dans sa maison, sont en général simples, surtout des prières et libations[389],[390]. Il a aussi la charge de s'occuper des tombes des défunts de la famille, et d'y accomplir des offrandes annuelles[391].
Les associations cultuelles
Les associations cultuelles (ou « privées ») sont « des groupes qui se donnent comme finalité explicite le culte des héros, des dieux ou des morts[392]. » Elles ont un rôle religieux, mais aussi politique, et permettent de créer et consolider des liens sociaux entre leurs participants. Elles sont surtout connues pour Athènes, où elles se divisent en plusieurs catégories, entre lesquelles les distinctions sont souvent floues : le génos, sorte de clan, où le sacerdoce est exercé par une famille ayant fondé le groupe ; la thiase, terme qui peut avoir plusieurs sens, dont celui d'association cultuelle ; les associations d'orgéons, qui s'occupent des cultes d'héros et d'héroïnes ou de divinités étrangères ; l'éranos qui est guidé par l'idée de réciprocité et d'entraide et a donc un rôle social fort ; le mot koinon peut aussi désigner ce type de groupe[392].
Il est courant d'y voir une approche plus personnelle de la religion, puisqu'il s'agit souvent de cultes électifs, dont les participants choisissent l'objet de leur dévotion. Ces associations permettent ainsi une pratique plus active et intense de la religion, en dehors des cadres communautaires dont elles permettraient de s'affranchir. Les rites impliquent souvent une initiation, notamment dans les cultes dionysiaques. Mais l'opposition avec les rites civiques ne doit pas être portée trop loin, car ces associations privées honorent des dieux admis par la cité, impliquent parfois des prêtres et prêtresses desservants des temples, et n'ont pas grand-chose de contre-culturel, puisqu'ils impliquent jusqu'aux élites des cités[393]. Ces associations semblent plutôt servir à tisser du lien social au sein des groupes établis qu'à affirmer des identités alternatives[394].
Les femmes et le culte
La société grecque est patriarcale et les discours, notamment mythologiques, sont produits très majoritairement par des hommes et peu favorables à la condition féminine. Il a souvent été relevé que les femmes athéniennes, ne disposant pas de la citoyenneté, participent à la vie de leur cité par le biais des rituels religieux collectifs. Elles peuvent aussi commanditer des rites à titre individuel. Il semble qu'elles ne puissent pas procéder elles-mêmes à l'acte sacrificiel, mais ce point est discuté. Il y a en tout cas autant de prêtresses que de prêtres dans les sanctuaires grecs et il n'est pas inhabituel que des femmes aient un rôle important dans des rituels. La Pythie qui délivre les oracles d'Apollon à Delphes est ainsi une figure majeure de la religion dans le monde grec. Par ailleurs, certains rites sont essentiellement voire exclusivement féminins, l'exemple-type étant la fête des Thesmophories à Athènes[395],[396],[397],[398]. Dans la plupart des cas le rôle des femmes dans la religion renvoie avant tout à leurs fonctions domestiques (cuisiner, tisser, nettoyer, s'occuper des enfants, etc.), et dans l'ensemble il semble manifeste qu'elles participent beaucoup moins que les hommes à la vie religieuse[399].
Les prêtres/prêtresses et spécialistes religieux
Le prêtre hiereus / la prêtresse hiereia est responsable d'un sanctuaire spécifique, et non d'un dieu ou d'une cité en particulier. C'est un homme si la divinité vénérée est une déesse, une femme si c'est un dieu[400]. Dans le cas athénien, ce sont à l'origine des charges héréditaires transmises au sein d'une famille éminente, ce type de fonction étant plutôt dévolu à des personnes de l'élite. Par la suite, dans le système démocratique les nouvelles prêtrises sont attribuées par élection ou par tirage au sort. Ailleurs, notamment en Asie Mineure hellénistique, certaines prêtrises sont vendues. La charge peut être attribuée pour une seule année, ou à vie. Il n'est généralement pas attendu que le prêtre/la prêtresse ait une formation préalable, il/elle apprend sa fonction en l'exerçant. Sa fonction principale est de s'occuper du sanctuaire et des propriétés sacrées, de leurs finances, leur purification, surveiller les visiteurs et assurer le respect de la loi sacrée. Le prêtre dirige des sacrifices, mais il n'en a pas le monopole puisqu'au niveau civique les magistrats ayant des attributions religieuses peuvent le faire, et n'importe quel citoyen à titre privé. En quelque sorte il y joue un rôle de maître des cérémonies[401],[402].
Il existe également des spécialistes religieux non officiels, désignés couramment par le terme mantis, souvent traduit par « devin » ou « prophète ». Ils se caractérisent par leur expertise en matière religieuse, et un minimum de charisme personnel. La plupart d'entre eux exercent de façon itinérante contre rétribution, mais certains sont employés par des sanctuaires, la Pythie et les Sybilles des sanctuaires oraculaires pouvant être désignées comme des manteis, ou bien dans des armées où la divination occupe une place importante. Un mantis est en fait souvent plus qu'un expert de la divination, puisqu'il peut aussi accomplir des rites de guérison, de purification ou autre, mais on ne sait pas bien s'il en existe qui se spécialisent dans une discipline particulière. Ils peuvent aussi bien être sollicités par des gens du commun que des rois. D'autres experts de la divination, les chresmologoi, sont spécialisés dans la collecte et l'interprétation d'oracles. Les textes antiques emploient divers autres termes pour désigner des spécialistes religieux, généralement sous un jour défavorable, le magos « mage », goes/goeties « sorcier/sorcière », agyrtes « prêtre mendiant », aussi le/la pharmakeus/pharmakis qui fournit des remèdes et incantations de guérison[401].
Rites et pratiques
Un rituel est, dans une définition minimale, « une activité symbolique dans un contexte religieux », « composée de plusieurs actes simples, les rites » (F. Graf)[403] ou bien, en plus développé, « un ensemble de gestes accomplis par ou au nom d’un individu ou d’une communauté, qui servent à organiser l’espace et le temps, à définir les rapports entre les hommes et les dieux, à mettre en place les catégories humaines et les liens qui les unissent » (L. Bruit Zaidman et P. Schmitt Pantel)[404]. Les anciens Grecs ne connaissaient pas ce concept, le terme le plus proche existant dans leur langue étant telétê, surtout employé pour des rituels exceptionnels, notamment les cultes à mystères. D'autres termes au sens plus large peuvent désigner des rites : hiéra « choses sacrées » et therapeia « service (des dieux) »[405].
Des rituels peuvent être accomplis pour plusieurs raisons, et il est souvent impossible de les réduire à une seule finalité, quoi qu'une fonction globale puisse être distinguée, celle de servir de moyen de communication et d'échanges entre hommes et dieux. Leurs formes sont en principe déterminées par la tradition, les textes athéniens parlant souvent de « ce qui est prescrit par la coutume », ta nomizomena, pour désigner des rites[406], ou de ce qui vient des pères, kata ta patria[407]. Tout manquement aux rituels est une faute commise envers les dieux, car ils en sont les garants, et ils ne peuvent être modifiés qu'avec leur accord, donc à la suite d'une consultation oraculaire. Le déroulement des rites accomplis dans les sanctuaires est fixé par les « lois sacrées » qui sont inscrites à leur entrée[228]. Même s'ils répondent à des structures communes[403], ils peuvent varier grandement selon les lieux, chaque sanctuaire ayant ses propres traditions et règles rituelles[408]. Sans être limités à des gestes et paroles, les rituels grecs sont une expérience sensorielle dans laquelle les choix des objets et matières, le décor, la mise en scène, l'intégration dans le paysage, aussi la musique, les chants, les danses et les odeurs visent à égayer ou apaiser les divinités auxquels ils se destinent[409].
L'étude des rituels occupe une place majeure dans les recherches sur la religion de la Grèce ancienne. Celle-ci a pu être qualifiée de religion « ritualiste », parce que l'observance de ces rites y est considérée comme fondamentale pour la piété d'un groupe et d'un individu, par opposition à l'absence de dogme qui structurerait cette religion, sans pour autant exclure la pensée religieuse et le fait que les rituels renvoient aux rapports entre les hommes et l'univers et les dieux[410]. En tout état de cause, même dans cette approche cela ne revient pas à douter de la profondeur de la piété des anciens Grecs. Selon W. Burkert, « la religion grecque n'est pas fondée sur la parole mais sur la tradition rituelle qui, quelles que soient ses limitations verbales, offre la réelle possibilité d'un engagement de la personne et constitue un facteur vital de première importance dans la vie[411]. » Cela renvoie plus largement aux discussions sur les rapports entre pratiques et croyances religieuses déjà évoquées[412].
Purification
Tout acte religieux commence par un rite de purification (katharmos), par un geste de pureté, propre à éliminer la souillure dont le profane est potentiellement atteint. Il n'est pas forcément lié à une situation d'impureté avérée, puisqu'il s'accomplit avant tout contact avec une divinité, et plus largement avec le sacré. C'est ainsi qu'on se lave les mains avant de présenter une offrande, qu'on se baigne dans la fontaine de Castalie avant de consulter l'oracle d'Apollon. Les rites d'initiation sont également précédés de purifications. Ce type de rite peut aussi se produire dans d'autres circonstances : le lieu de l'assemblée athénienne est purifié avant chaque session, et dans les traditions rituelles ioniennes une cité entière est purifiée régulièrement, lors des Thargélies, par l'expulsion de « boucs-émissaires » (les pharmakoi). Puis viennent les situations de crise comme la maladie, les rites de purification pouvant intervenir dans des rituels de guérison, aussi après des funérailles en raison de l'impureté entraînée par le contact avec un mort. Concrètement, la purification passe avant tout par l'action de se laver ou s'asperger avec de l'eau, aussi par des fumigations (avec du souffre avant tout). Un sacrifice peut aussi avoir une fonction purificatrice, le sang de l'animal immolé servant par exemple à nettoyer celui qui souille un coupable de meurtre. Mais bien souvent c'est passage du temps qui dissipe une souillure dont on est atteint, parfois avec un exil temporaire[413],[414].
Prière
La prière est une demande formulée à l'intention d'une divinité, qui formule ce que veut obtenir un humain de la part de celle-ci. Elle précise donc l'objectif du rituel, sa finalité, à savoir ce que la personne en attend en retour d'une offrande de la part du dieu qui la reçoit, suivant le principe de relation réciproque qui lie les deux (charis). Elle occupe donc une place majeure dans le rituel, puisqu'il peut être considéré que les autres actes sont avant tout là pour attirer l'attention de la divinité sur la demande du fidèle, qu'il écoute la prière et accorde ce qu'elle sollicite de sa part. Cela distingue la prière de l'hymne chanté, qui loue une divinité et vise à lui plaire et à attirer ses faveurs, et joue donc le rôle d'offrande (voir plus bas)[415].
Dans la Grèce antique, la prière se déclame à voix haute, debout, en direction de sa statue de culte quand elle est accomplie dans un sanctuaire, les mains levées, ou en tenant une coupe à libations prêt à verser le liquide offert[416],[417]. La prière (comme l'hymne) est traditionnellement divisée en trois séquences :
- l'invocation, qui nomme la divinité (ou les divinités) à laquelle elle est adressée, avec l'épiclèse qui permet de déterminer plus précisément quel aspect est invoqué ;
- l'argument, qui expose au dieu pour quelle(s) raison(s) il devrait écouter la prière et accéder à la demande formulée, dans le contexte de la logique de réciprocité, notamment la piété de celui qui prie, aussi un rappel des faveurs que le dieu lui a déjà accordées et donc de la force de leur relation ;
- l'expression de la demande précise conclut la prière, permettant à la divinité de savoir ce que souhaite le fidèle de sa part et véhiculant l'espoir de celui-ci de voir sa requête accomplie[418],[417].
Certaines prières sont plus brèves, voire très brèves, notamment dans un contexte privé, et ne suivent donc pas cette séquence[417].
Sacrifices et offrandes
La piété grecque se manifeste par des actes visant à attirer les grâces divines, suivant la logique de don et de contre-don[208] impliquée par la notion de charis[210],[211]. De ce fait les rites de don aux dieux sont une composante essentielle des rituels grecs[419]. Le sacrifice animal, qui est le rituel le plus important dans les cultes des cités grecques, est ainsi avant tout pensé dans le cadre des rapports entre dieux et hommes, car la bête immolée est partagée entre eux et sert aussi de médiateur entre les deux[420],[421]. Platon pose ainsi la question : « sacrifier, n'est-ce pas offrir des dons aux dieux [422]? » Tout don peut-être vu comme une forme de sacrifice[423], et la notion d'« offrande » permet aussi de désigner ces actes[424],[425]. Les Grecs antiques désignaient comme hiera, « consacré », tout ce qui était voué aux dieux, ce qui englobe aussi bien les objets votifs que les animaux destinés à être offerts aux dieux ou aux héros[246],[405]. Le terme le plus courant pour désigner un sacrifice/offrande sanglant ou non est thysia (aussi transcrit thusia), qui sert aussi à qualifier le repas suivant un sacrifice animal ; il dérive du verbe thyein (thuein), qui semble à l'origine désigner le fait de faire brûler une offrande pour les dieux, puis en vient à désigner toute forme d'offrande[426],[427]. Les offrandes peuvent intervenir en diverses occasions : lors de rituels courants des temples, notamment les fêtes, ou bien n'importe quand selon la demande formulée aux dieux ou ce qu'il y a à célébrer et commémorer, dans un sanctuaire, dans le cadre domestique, aussi lors de l'ouverture de réunions politiques, dans le cadre de rites matrimoniaux ou funéraires, etc.
Les sacrifices d'animaux
La forme de sacrifice la plus importante dans le monde grec est « la mise à mort et la consommation d'un animal domestique offert au dieu. » C'est la « quintessence de l'acte sacré chez les Grecs » selon W. Burkert[429], « le plus central des actes religieux pour les Grecs » selon J. Bremmer[430]. Sa forme classique (« normative » selon Bremmer) apparaît en particulier chez Homère (Odyssée III 430-463 pour la description la plus développée)[431]. Elle se déroule en général durant une fête[432]. Après la sélection de l'animal (chèvres, boucs, bovins surtout, aussi des porcs, des oiseaux, des chiens, des poissons ; le choix semble en bonne partie dépendre du dieu destinataire du sacrifice[433]), le rituel sacrificiel à proprement parler se déroule en trois grandes étapes :
- la préparation : l'animal est conduit à l'autel, généralement dans une procession, les participants se purifient et prennent des grains d'orge, l'animal est aspergé d'eau pour qu'il secoue la tête, ce qui marquerait son approbation du sacrifice ; ensuite le sacrificateur lui coupe des poils qu'il jette dans le feu, avant de prononcer la prière précisant le but du rituel, les autres participants jetant alors les grains d'orge vers l'avant ;
- la mise à mort : la victime est égorgée avec un couteau (les plus gros animaux étant assommés avant), acte accompagné de cris de la part des femmes assistant au rituel (ololyge) ; en Attique le sang de l'animal est répandu sur l'autel ;
- le partage de la viande : l'animal est écorché, découpé, puis les morceaux sont partagés, les dieux recevant les parties grasses, notamment des cuisses, brûlées dans le feu de l'autel qu'on asperge aussi de vin, tandis que le premier cercle des participants au sacrifice se partagent les organes internes, splanchna, directement rôtis à la broche sur l'autel ; le reste de la viande est grillé ou bouilli et partagé lors du banquet sacrificiel[434],[435].
- Un bovin conduit en procession vers son lieu de sacrifice. Frise du Parthénon, frise sud, v. 447-433 av. J.-C. British Museum.
- Deux hommes s'apprêtent à sacrifier un porc sur un autel. Kylix athénien à figures rouges, v. 510–500 av. J.-C. Musée du Louvre.
- Homme versant une libation pendant qu'un jeune homme passe sous le feu des broches portant la viande d'un animal sacrifié. Œnochoé à figures rouges, v. 430-425 av. J.-C. Musée du Louvre.
Le rituel sacrificiel doit être savamment mis en scène afin de susciter l'attention des dieux, qui sont attirés par le beau (kallos) et sont donc dans des dispositions plus favorables si on leur voue un beau rituel. Les sacrifices peuvent donc comprendre tout ce qui peut éveiller leurs sens et fait partie de l'offrande : un bel animal à sacrifier, de beaux vêtements portés par les participants, du beau mobilier, de la musique et des chants agréables à entendre, de bonnes odeurs, etc.[436]
L'origine mythologique du sacrifice qui est la plus répandue est celle donnée par Hésiode lors qu'il relate le premier sacrifice accompli par Prométhée (Théogonie, notamment 556-557, aussi dans Les Travaux et les Jours). Suivant l'interprétation de l'école de Paris (M. Detienne, J.-P. Vernant), il le présente comme un acte marquant la séparation entre humains et divinités, par le partage des restes de l'animal immolé, tout en établissant un lien entre les deux[437]. Ce courant insiste donc sur la consommation alimentaire de l'animal sacrifié et la solidarité qu'elle instaure entre les commensaux. Le repas sacrificiel crée non seulement une communion entre humains et dieux, mais aussi entre les humains qui y prennent part. W. Burkert, partant des analyses de K. Meuli, a de son côté plutôt mis l'emphase sur l'acte de mise à mort de l'animal : le sacrifice dériverait de pratiques de chasseurs cherchant à évacuer la culpabilité entraînée par le fait de tuer. Bien d'autres possibilités d'interprétation de la signification du sacrifice existent, et de nouvelles approches comme l'analyse des ossements d'animaux sacrifiés retrouvés dans les sanctuaires permettent de faire progresser les connaissances sur ce sujet vaste et complexe[438],[439].
De plus, il existe une grande variété de formes de sacrifices aux côtés de celle qui est la plus répandue et étudiée. Par exemple, Pausanias décrit un rituel sacrificiel ayant lieu de son temps pour Artémis à Patras durant lequel les participants jettent dans le feu des animaux, qui sont donc consumés sans être consommés[440],[441]. Il a souvent été considéré que l'opposition entre sacrifice par incinération, ou holocauste, et sacrifice sanglant reflétait l'opposition entre cultes aux dieux chthoniens (liés au monde d'en-bas, aux Enfers) et cultes aux dieux olympiens/ouraniens (liés au monde céleste), mais ce n'est pas aussi simple car il y a plusieurs contre-exemples[167],[168].
Quoi qu'il en soit, la présence courante de rituels d'holocauste indique qu'il existe une vaste gamme de variations autour du sacrifice animal, ce qui renvoie à la diversité des rituels en fonction des lieux, également aux évolutions des pratiques dans le temps, puisque l'holocauste semble prendre en importance aux époques hellénistique et romaine. Du reste même dans le cas du sacrifice sanglant s'observent de grandes différences, qui apparaissent notamment dans les lois sacrées, qu'il s'agisse du type d'animal sacrifié, des manières de le tuer, ou des modalités de partage de ses restes. Il y a ainsi de nombreux cas d'holocaustes partiels — ou « moirocaustes » selon la formule de S. Scullion — au cours desquels seule une partie de l'animal est brulée. Rentrent également en compte les autres gestes rituels les accompagnant, notamment les libations, etc. autant de phénomènes qui posent des problèmes d'interprétation et imposent d'aller au-delà du sacrifice animal standard[442],[443].
Les sacrifices non sanglants et végétaux
Les offrandes alimentaires destinées aux dieux et autres êtres surnaturels ne se limitent pas aux sacrifices d'animaux, puisqu'on peut leur offrir tout ce qui est propre à l'alimentation humaine. Ainsi les paysans offrent les prémices (les premiers produits d'une de leurs productions) font des « offrandes saisonnières » à partir de ce qu'ils produisent : épis de blé et d'orge, fruits (raisins, figues, olives), vin, lait, etc.[444] Les textes évoquent des « pancarpies », mélanges de fruits accompagnés d'orge, de libations, de laine, et des « panspermies », mélanges de légumes et graines cuits en bouillie dans une marmite. On offre aussi des pains et des gâteaux. Ces offrandes sont présentées sur l'autel de la divinité puis partagées entre les participants au rituel, comme on le fait pour la viande de l'animal immolé[445]. Dans certains cas, comme celui du sanctuaire de Déméter à Phigalie en Arcadie évoqué par Pausanias, la tradition veut qu'on n'immole aucun animal à la déesse et qu'on lui fasse uniquement des offrandes alimentaires non sanglantes[446]. Pour Théophraste, de modestes sacrifices végétaux, moins couteux que les sacrifices animaux, sont préférables à ces derniers et permettent d'atteindre son idéal de piété continue[447]. Mais généralement les sacrifices alimentaires non sanglants, notamment les dons de céréales et de vin, accompagnent les sacrifices animaux classiques[448], et ne constituent donc pas un système à part[449].
Les libations sont une catégorie importante d'offrande : on offre une boisson à une divinité, un héros ou un défunt en la versant sur son autel, sur le sol, ou sur une tombe. Il s'agit en général de vin, d'huile vierge ou aromatique, de miel ou liquides miellés, voire d'eau[446]. Cet acte est désigné avant tout par deux termes qui font référence à deux manières différentes de l'accomplir : spondé, plutôt associé aux libations en vin, mais pas systématiquement, dans lequel le versement est contrôlé, se faisant d'abord d'une jarre (œnochoé) vers une coupe (phiale) avant le versement définitif ; choé, la « libation totale », en général non alcoolique, qui consiste à vider complètement un grand récipient. La libation occupe une place importante au moment de réciter une prière, dans le sacrifice animal, dans les rites aux héros, défunts et divinités chthoniennes[450],[451].
Les offrandes odoriférantes sont également importantes, pour procurer du plaisir olfactif aux divinités, voire aussi, plus prosaïquement, afin de couvrir les odeurs de sang lors des sacrifices animaux. Les huiles parfumées peuvent être versées dans un feu pour produire une odeur agréable, ou bien offertes telles qu'elles à une divinité[446]. L'encens occupe une place importante dans les offrandes : un des gestes rituels les plus courants est de jeter des grains d'encens dans des flammes[452], sur l'autel ou dans un encensoir. Il peut avoir plusieurs fonctions : « purifier et former un écran protecteur ; attirer l'attention des dieux ; adresser un message, porter une prière ; réjouir et apaiser les dieux, voire les nourrir. » Il peut certes s'agir d'encens à proprement parler, importé depuis la lointaine « Arabie heureuse » et très couteux, mais le plus souvent il semble qu'on brûle des substances confectionnées à partir de variétés endémiques à la Grèce (pistachier lentisque, genévrier)[453].
Ces « petites » offrandes sont certes bien moins étudiées que le sacrifice sanglant, mais leur place dans les rites est loin d'être négligeable. Elles peuvent constituer un rite d'offrande indépendant, et occupent sans doute une place majeure dans la dévotion quotidienne. Ce sont aussi les gestes rituels qui survivent à la disparition des cultes polythéistes, qui s'accompagne de la fin du sacrifice animal[454].
Hymnes, musique et danses
Les rituels étant pensés comme des réjouissances visant à satisfaire les divinités en leur présentant autant de belles choses que possible, ils peuvent être accompagnés de chants, de musique et de danses qui, dans un contexte rituel, sont pensées comme des offrandes. Ainsi comme vu plus haut les hymnes se différencient des prières par le fait que leur but n'est pas d'exposer aux divinités destinataires le but du rituel exécuté, mais d'agrémenter ce rituel afin de plaire à celles-ci, en chantant leurs louanges, et ainsi s'attirer leurs faveurs pour qu'elles donnent suite à la demande formulée dans la prière[415]. Une catégorie d'hymnes est spécifiquement destinée à être récitée lors de rituels, les hymnes cultuels, en premier lieu les dithyrambes récités en l'honneur de Dionysos et les péans destinés à l'origine à Apollon et aux dieux guérisseurs. Ils sont notamment connus par des inscriptions trouvées dans des sanctuaires (Delphes, Épidaure). D'autres sont plutôt composés pour des compétitions poétiques (qui sont elles-mêmes une partie d'une fête religieuse), notamment les Hymnes homériques[455]. Les hymnes aux dieux et les concours poétiques ont joué un grand rôle dans l'essor de la poésie grecque[456]. La musique joue également un rôle important dans le culte pour accompagner les hymnes. Ainsi une inscription de 128 av. J.-C. trouvée à Delphes présente des hymnes accompagnés de partitions musicales. Tout cela sert à attirer l'oreille des dieux, à leur procurer du plaisir, à manifester la piété de ceux qui accomplissent le sacrifice. Des musiciens sont spécialisés dans l'exécution de ces hymnes, et certaines anecdotes indiquent que le succès de la demande formulée lors du sacrifice peut dépendre de leurs talents[457]. Les instruments employés sont surtout la flûte, la cithare et la lyre. L'exécution de danses accompagnant ces chants et musiques participe également de cette volonté de plaire aux dieux, en particulier lors des fêtes[458].
Les offrandes votives
Les offrandes votives faites aux divinités à la suite d'un vœu, dans la dynamique de don/contre-don, entreposées dans leurs sanctuaires (anathémata), se distinguent des autres types de sacrifices par leur caractère permanent, non périssable. Elles visent aussi à préserver le souvenir du geste d'offrande, et sont souvent accompagnées d'une inscription de dédicace, ou bien consignées dans les inventaires des sanctuaires qui gardent la trace de la piété du donateur. Les fouilles archéologiques ont permis la mise au jour d'une très grande quantité d’ex-voto en tout genre, et les offrandes sont à l'origine de la commande d'un bon nombre de réalisations artistiques, mineures comme majeures, qui nous sont parvenues de la Grèce antique. Ces dons s'entassent dans les sanctuaires dont ils constituent un élément caractéristique, jusqu'à causer leur encombrement. Ils témoignent aussi bien d'une piété personnelle que d'une piété officielle. Les offrandes les plus impressionnantes aux époques archaïque et classique sont celles des cités, qui dédicacent des objets en métaux précieux à leurs divinités tutélaires, et surtout les monuments de leur sanctuaire dont elles financent la réalisation, en premier lieu les temples et leur décor. Lors des grandes victoires, elles se tournent aussi vers les sanctuaires panhelléniques (Delphes, Olympie notamment) où elles vouent leurs propres monuments, disposant parfois de trésors qui contiennent les offrandes qu'elles ont faites ; elles offrent notamment des trophées de guerre (les dépouilles opimes). Le particularisme, même dans le domaine religieux, éclate alors au grand jour car on ne célèbre pas seulement les victoires sur l'ennemi commun mais aussi, et peut-être surtout, les victoires d'une cité sur une autre : Sparte célébrant sa victoire sur Athènes dressera à Delphes son ex-voto en face de celui d'Athènes, ou Thèbes en face de celui de Sparte, également à Delphes. Du côté des individus, les hommes politiques, généraux et vainqueurs de concours sont d'importants donateurs, mais les gens du commun font également des offrandes avec leurs propres moyens. Si les plus riches peuvent offrir des monuments, des statues et des objets précieux, on offre aussi des objets servant aux rites sacrificiels (récipients, broches), des figurines en céramique ou métal, des vêtements et étoffes, des ornements, etc. en fonction de ses moyens. Certaines offrandes renvoient plus directement à l'objet de la demande : les sanctuaires des dieux guérisseurs ont ainsi livré des figurines représentant les membres malades des donateurs qui demandent ou ont obtenu la guérison, ainsi que des stèles comportant les histoires de personne ayant été guéries. L'offrande de chevelure est également courante, ainsi que diverses formes de dons marquant un renoncement et un abandon, comme le fait de laisser un objet représentatif de son métier au moment où on cesse de travailler[459],[460],[371]. À l'époque hellénistique, les rois deviennent les principaux donateurs[461], puis les généraux romains reprennent ce rôle à leur compte[462], avant les empereurs. Durant ces mêmes époques se développe également l'évergétisme privé des notables qui se porte en partie vers les sanctuaires[463].
Les fêtes
Les fêtes religieuses sont des rituels complexes, qui se produisent périodiquement et suspendent le rythme quotidien. Elles sont généralement désignées par le terme heortai[464] (sg. heortê), « associé à la bonne chère, à la bonne compagnie et au divertissement[465] », Démocrite considérant qu'« une vie sans heortai est comme une route sans auberge[465]. »
Calendriers cultuels et temps sacré
Une fête se produit à des intervalles réguliers, généralement une fois dans l'année. Les calendriers antiques sont avant tout des calendriers cultuels, détaillant le déroulement des rituels, marqués par les fêtes, les plus importantes donnant souvent leur nom au mois durant lequel elles se déroulent, par exemple à Athènes le mois d'Anthesterion durant lequel se déroulent les Anthestéries. Les noms divins sont une autre source de noms de mois, de même que ceux des monarques à partir de l'époque hellénistique. Chaque cité a donc son propre calendrier, marqué par ses principales fêtes et ses autres rituels. Il en va de même pour ses subdivisions, ainsi les dèmes athéniens qui ont chacun leur propre calendrier[466],[467].
Les fêtes constituent une coupure dans le rythme quotidien, un moment à part, durant lequel le sacré est au premier plan dans la vie de la cité. On arrête de travailler pour jouer son rôle dans le déroulement des festivités[468]. Cela se manifeste aussi par l'instauration d'une trêve, qui concerne aussi bien les rivalités internes à la cité que les conflits externes, et toute infraction à cela est un outrage religieux. Durant les fêtes panhelléniques les guerres sont interrompues, notamment pour permettre les déplacements de ceux qui se rendent dans les sanctuaires où elles se déroulent[469]. La tenue des Karneia de Sparte est la raison pour laquelle les soldats de cette cité ne sont pas arrivés à temps pour prendre part à la bataille de Marathon, et se sont présentés en petit nombre pour faire face aux Perses aux Thermopyles[470].
Processions, sacrifices et mise en scène
Expression de la piété d'une collectivité (cité, dème, association cultuelle, royaume), les fêtes intègrent les divers éléments qui sont présents dans les pratiques d'offrandes habituelles, mais elles le font en plus grand : elles sont spectaculaires, aussi bien pour les divinités auxquelles elles sont destinées et qu'elles doivent contenter plus que d'ordinaire, que pour leurs participants dont elles manifestent la cohésion en tant que groupe[206].
La fête est un moment durant lequel la communauté se donne à voir, aussi on prend soin de bien s'apprêter : de beaux vêtements, des couronnes et d'autres objets font qu'on a une apparence différente de celle des autres jours[471]. C'est aussi le moment pour les notables d'affirmer leur rôle prépondérant dans la communauté, en contribuant à l'organisation et au financement des fêtes et des spectacles qui y ont lieu, par les liturgies dans l'Athènes classique[472], et l'« évergétisme » aux époques hellénistique et romaine[473],[474].
La pompè, « escorte », « cortège » ou « procession » (qui se retrouve également dans les rites matrimoniaux et funéraires) est une composante essentielle des grandes fêtes. Les groupes des différents participants à la fête s'y forment, portant des objets sacrés (corbeilles, récipients en céramiques, rameaux, chariots, etc.) qui sont amenés à jouer un rôle dans les rituels. Ils parcourent un espace qu'ils marquent symboliquement, la procession confirmant le caractère sacré des lieux traversés (une « voie sacrée »). La frise du Parthénon (v. 442-438 av. J.-C.) représentant la procession des Panathénées, les grandes fêtes célébrées en l'honneur d'Athéna à Athènes, permet d'approcher l'organisation d'une pompè : on offre à cette occasion une nouvelle robe à la déesse, vêtement transporté par le prêtre d'Érecthée qui dirige le cortège, rejoint par deux files conduisant les animaux à sacrifier et les objets rituels, où se retrouvent des musiciens, des chars, des jeunes hommes et jeunes filles, les tisseuses de la robe de la déesse, etc. toute la communauté civique qui se retrouve et manifeste son unité et son identité, traversant les grands lieux de la cité (le cimetière du Céramique, l'agora, puis l'Acropole)[475],[476].
La fête est le moment privilégié de déroulement du sacrifice animal[432]. C'est un temps fort des festivités, et les plus importantes célébrations donnent lieu à de nombreuses immolations, notamment le sacrifice de cent bêtes, hécatombe (Hécatombaia). Le repas sacrificiel qui s'ensuit est un véritable banquet réunissant les membres du groupe qui organise la fête, jusqu'à toute la population de la cité lors des principales fêtes, qui donnent lieu aux plus importantes réjouissances[476]. Parfois les banquets se tiennent en présence des dieux, pour lesquels un lit et une table sont dressés, lors du rituel appelé théoxénie, qui à Delphes est une fête majeure[477]. Des salles de banquet sont aménagées spécifiquement pour les fêtes, même les repas collectifs ont la plupart du temps lieu en plein air. C'est en particulier autour de son organisation que ce jouent les aspects politiques de la fête : durant l'époque classique les banquets sont financés directement par la cité ou les liturgies, puis à partir de l'époque hellénistique les évergètes jouent le rôle majeur[478].
Plus généralement, les fêtes sont l'occasion de collecter des offrandes, et d'accomplir tous types de rituels visant à réjouir les dieux, notamment tout ce qui a caractère de spectacle, en particulier les danses et les chants. Certaines processions peuvent être l'occasion de porter des masques représentant des figures fantastiques ou des animaux, ou, dans certains cultes à dominante féminine (comme les Thesmophories athéniennes), des phallus géants ou postiches[479].
Les concours
Un autre élément caractéristique des grandes fêtes religieuses grecques est le déroulement d'un concours, agon. Les Grecs ont un esprit de compétition très affirmé, et peuvent organiser des concours pour toutes sortes de choses : « le sport et la beauté physique, l'artisanat et l'art, le chant et la danse, le théâtre et le débat[480]. » Les concours musicaux, poétiques et théâtraux sont très importants, organisés sous les auspices d'Apollon et de Dionysos, notamment lors des Grandes Dionysies athéniennes qui ont vu les premières représentations des grandes œuvres théâtrales de l'époque classique[481]. Mais les concours sportifs sont de loin les plus populaires. Homère les évoque dans le cadre des funérailles de Patrocle, ce qui a laissé penser à certains spécialistes que ce type de concours était lié à l'origine à des rites funéraires ou des cultes héroïques, mais d'autres leur cherchent plutôt une origine agraire, ou initiatique. À l'époque classique se sont affirmés les grands concours panhelléniques qui forment un circuit et dont les vainqueurs ont un prestige immense : les « Jeux olympiques » à Olympie, les « Jeux pythiques » à Delphes, les « Jeux isthmiques » à l'Isthme de Corinthe, et les Jeux de Némée. D'autres concours sportifs ont lieu dans d'autres cités, par exemple lors des Panathénées athéniennes, ou les Héraia de Samos, mais ils sont moins réputés[482],[483],[484]. Durant l'époque hellénistique et l'époque romaine, les concours se multiplient et deviennent une caractéristique de l'hellénisme, adoptée par les Romains. Les plus importants sont généralement instaurés sous le patronage des monarques et dans le cadre de leur culte (Ptolémaia d'Alexandrie, Niképhoria de Pergame, nombreux concours fondés par ou en l'honneur des empereurs romains, comme les Nea Actia de Nicopolis d'Épire) et confèrent des revenus et honneurs considérables (jeux « isélastiques »), mais il s'en trouve jusque dans des petites cités. La christianisation met fin aux concours antiques[485].
Oracles et divination
La divination (mantikè) consiste en l'interprétation de signes envoyés par les dieux, à travers lesquels ils « offrent aux hommes directives et directions, parfois sous forme cryptée[486]. » Son but n'est pas simplement la prédiction du futur, mais « la clarification d'un point spécifique, présent, futur ou passé[487]. » Elle peut être suscitée volontairement par des humains, par le biais d'un rituel sollicitant l'avis de la divinité, ou bien être délivrée spontanément par celle-ci[227]. Il est courant de distinguer deux formes principales de divination : la divination inductive, reposant sur l'interprétation des signes envoyés par les dieux, et la divination inspirée, dans laquelle le message est transmis par le biais d'un médium, un prophète ou (plus souvent) une prophétesse[488].
La divination inductive recourt généralement aux services d'un devin, mantis, spécialiste dans l'art de décoder les messages divins, et qui peut être spécialisé dans un certain type de signes. Les devins sont souvent accusés de charlatanisme, cette forme de divination étant tenue en moins bonne estime que l'autre. Le signe peut être un événement spectaculaire et inhabituel : une éclipse du Soleil ou de la Lune, un tremblement de terre, une statue divine qui se met à suer, etc. Les animaux sont tenus pour être souvent employés par les dieux pour véhiculer leur message : des animaux guident les hommes pour leur indiquer où ériger un sanctuaire, le vol des oiseaux est dirigé par un dieu qui souhaite transmettre un message à ceux qui l'observent (ornithomancie), et un animal sacrifié sera observé avec minutie pour voir s'il ne porte pas de message divin, que ce soit son comportement de son vivant ou bien les aspects de son cadavre après sa mort (hiéromancie) ou la manière dont les parties de son corps incinérées se consument (empyromancie). La divination par tirage au sort (cléromancie) est également répandue. Plus largement, on peut trouver un message divin dans toute chose un tant soit peu inhabituelle qui se produit, qui paraît être un hasard mais ne l'est pas (clédonomancie) : un éternuement, une rencontre fortuite, une coïncidence frappante, etc.[489]. L'astrologie se développe dans le monde grec surtout à partir de l'époque hellénistique, largement sous l'influence des pratiques babyloniennes, avant tout sous la forme des horoscopes[490].
La divination inspirée est vue comme la forme supérieure de divination. L'oniromancie, la divination par le rêve, joue un rôle important dans les récits littéraires, mais aussi dans la vie courante. Il existe des sanctuaires où se pratique l'incubation, c'est-à-dire qu'une personne va y dormir dans l'espoir de recevoir un message divin en rêve ; c'est notamment le cas de sanctuaires héroïques, et de ceux du dieu-héros guérisseur Asclépios[491]. L'oracle passe par l’enthousiasmos, dérivé du mot entheos, « au-dedans d'un dieu », un état psychique anormal durant lequel un dieu parle à travers une personne[492] ou du moins lui transmet la vérité, les Anciens débattant de la nature du phénomène, « possession » ou « inspiration »[493]. Le plus connu est l'oracle de Delphes, délivré par la Pythie, mais ils s'en trouvait beaucoup d'autres : Apollon est le dieu des oracles par excellence, puisqu'il dispose en plus de Delphes d'oracles de premier plan à Didymes et Claros en Asie Mineure ou Cumes en Italie ; Zeus délivre des oracles à Dodone, et des héros à plusieurs endroits (Amphiaraos à Oropos, Trophonios à Lébadée). Les oracles sont documentés par des recueils antiques, des inscriptions, et des lamelles oraculaires provenant de Dodone. Les questions posées concernent généralement des rituels, ou bien des préoccupations ordinaires des fidèles : enfantement, opportunité de mariage, de carrière, santé, et plus largement la manière d'obtenir la faveur divine. Les questionnements politiques et militaires sont surtout attestés à Delphes durant les époques archaïque et classique[494]. S'ils n'ont pas été accusés de charlatanisme (les dieux ne pouvaient être considérés comme des menteurs), en revanche l'ambiguïté des messages oraculaires, souvent formulés de façon cryptique et laissant plusieurs possibilités d'interprétation (auquel cas l'éventuelle erreur revient à l'humain qui la fait), revient souvent dans les textes littéraires, encore qu'il faille tenir compte du fait qu'un certain nombre d'oracles parvenus par ce biais sont des faux forgés a posteriori à partir d'événements dont on connaissait déjà l'issue[495].
La divination est assez peu documentée pour l'époque hellénistique, alors qu'elle l'est un peu plus pour l'époque romaine, notamment parce qu'elle intéresse les auteurs de la seconde sophistique. Des questions plus théologiques et philosophiques, sur la nature des divinités par exemples, sont posées dans les grands centres oraculaires d'Asie Mineure. L'astrologie connaît une vogue. La christianisation se traduit par la fermeture des grands centres oraculaires, et l'évolution des pratiques ; les Chrétiens adoptent par exemple la pratique de l'incubation[496].
Cultes à mystères
Les cultes à mystères (mysteria « secret » ; on trouve aussi teletê ou orgia pour désigner ces rites[497]) sont rendus à des divinités et sont caractérisés comme leur nom l'indique par le secret. En effet, ils sont destinés à n'être connus que de ceux qui ont reçu une initiation, qui doivent ensuite garder le secret sur leur contenu, ce qu'ils semblent avoir fait d'une manière générale, puisque leur déroulement n'est pas documenté ou très peu[498]. Ils semblent surtout se développer à compter de 600 av. J.-C[499].. Ils pourraient être dérivés d'anciens rites de type initiatique, liés notamment au passage à l'âge adulte, qui prennent par endroits un caractère secret leur donnant leur aspect mystérieux, alors que d'autres rites similaires restent publics ailleurs (en Crète)[500],[501]. Les cultes à mystères ont souvent été présentés comme des antithèses des rites publics civiques, mais en fait il s'agit plus d'un développement particulier qui prend place dans le cadre religieux aux côtés des cultes publics[502],[503]. À l'issue d'une initiation qui semble pensée comme un parcours riche en émotions, « le bénéfice attendu est le bonheur (olbos) qu'apporte l'expérience religieuse d'une rencontre avec le divin, et, pour certains des mystères concernés, un statut privilégié dans l'autre monde, après la mort[503]. »
L'exemple le mieux connu (et qui semble avoir servi de modèle du genre dans l'Antiquité) est celui des mystères d'Éleusis, dans la cité d'Athènes, destinés à Déméter et à sa fille Korè (Perséphone). Un mythe rapporté dans l’Hymne homérique à Déméter explique leur origine. Korè est enlevée par Hadès, et Déméter part à sa recherche. Alors qu'elle est au comble de la détresse elle est recueillie par la famille royale d’Éleusis, qui ignore qui elle est vraiment. Elle devient alors la nourrice de leur fils Démophon, à qui elle tente d'octroyer l'immortalité en le passant sous une flamme, mais un jour qu'elle fait cela elle est arrêtée par la reine qui pense qu'elle veut le brûler. C'est alors que la déesse révèle son identité et demande qu'on lui érige un temple à Éleusis. Plus tard elle retrouve sa fille, qui obtient la possibilité de résider deux tiers de l'année auprès d'elle, mais doit retourner un tiers de l'année aux Enfers. Ce sont les retrouvailles entre la mère et la fille qui sont célébrées à Éleusis. Les mystères d’Éleusis ont lieu au début de l'automne, vers le moment des semailles. Ils débutent par une procession des initiés, puis se poursuivent par un sacrifice public à Athènes, avant que le cortège ne se dirige vers Éleusis où se déroulent des rites publics et secrets. Ces mystères ont un caractère agraire, qui tient notamment à la nature de Déméter, déesse du grain, mais ils sont aussi liés au monde des morts, manifestement par le biais de Korè, et de son époux Hadès qui est également vénéré à Éleusis. Les initiés aux mystères d’Éleusis espèrent manifestement voir leur sort dans l'au-delà être favorable[504],[505],[506].
Les autres cultes à mystères majeurs de l'époque classique sont ceux dédiés aux divinités appelées Cabires (ou Grand Dieux), qui ont lieu à Samothrace, et semblent plutôt destinés à assurer la protection en mer. Ces mêmes divinités, dont la nature reste obscure, font aussi l'objet de cultes à mystères à Lemnos et à Thèbes[507],[508]. Les cultes à mystères de Lycosoura en Arcadie sont voués à Déméter et à sa fille, ici appelée Despoina, qui occupe la position la plus importante[509]. Durant l'époque hellénistique et l'époque romaine se développent les cultes à mystères d'Andania, en Messénie, établis en 92/1 av. J.-C., destinés à un groupe de divinités comprenant Déméter, Hagne (la variante locale de Korè), Apollon Karneios et les Grands Dieux[510],[511].
L'expression de mystères prise dans son acception la plus large peut inclure d'autres types de rites secrets, notamment des cultes ayant un caractère mystique, mettant les pratiquants en relation directe avec la divinité, tels les cultes à Dionysos (bacchique) et à Cybèle, ou encore des cultes plus ésotériques, comprenant une mythologie propre, avec l'orphisme, voire aux époques tardives les courants gnostiques et l'hermétisme[270].
Magie
La magie, mageia, doit son nom aux « mages » perses décrits dans des textes grecs, et elle sert en général à qualifier durant l'époque classique les pratiques vues comme douteuses des « sorciers/sorcières » goes/goeties, considérés comme des charlatans, et des rites dénoncés parce qu'ils se passent en dehors du cadre de la religion de la cité et peuvent menacer son ordre[512],[513],[514]. En revanche durant l'époque hellénistique le terme désigne un savoir occulte mêlant rites et incantations complexes[513]. Durant les époques tardives la magie connaît une forme de réappréciation dans les cercles néoplatoniciens et l'hermétisme[513] Puis à partir du IVe siècle elle fait l'objet d'une législation répressive, et est souvent assimilée à de la superstition ou de la mauvaise religion, ce qui permet de la dénoncer et de s'en servir pour discréditer ses adversaires[515].
L'assyriologue J. Bottéro a proposé une définition de la magie, comme « un système de faits sociaux fondé sur la croyance en l’efficacité immédiate d'un certain nombre de comportements, de procédés et d'éléments, qu'on utilisait en vue de créer des effets essentiellement bénéfiques, mais dont les relations a leurs causes étaient, de notre point de vue, parfaitement irrationnelles », en sachant que les pratiques magiques sont proches d'autres et se confondent souvent avec elles : l'exorcisme, la sorcellerie, la théurgie[516]. Les relations entre magie et religion sont débattues, et on a pu chercher à les distinguer nettement et les opposer, ce qui ne s'est pas avéré pertinent[512],[514]. Selon R. Parker, la magie était « pour ses utilisateurs (...) un outil à employer dans une situation difficile. C'était une variété d'action religieuse plus que d'expérience religieuse[517]. »
Les objectifs de pratiques magiques peuvent être divisés en deux catégories. Un premier type vise à protéger une personne, et/ou à la guérir d'un mal qui la touche, notamment d'une maladie. Cela passe par la confection d'amulettes, réalisées dans des matériaux qui ont des propriétés magiques, dont le pouvoir est activé par des rituels et incantations, et aussi des rituels de purification, d'exorcisme, ou encore la demande d'intervention des dieux guérisseurs[518]. L'autre type vise à faire du mal à une autre personne, pour le bénéfice de celui qui en est à l'origine. Elle est surtout documentée dans le monde grec par les textes de « ligatures », katadesmoi (souvent désignées par le terme latin équivalent, defixio ou défixion), appelés ainsi parce que leurs formules magiques de sortilèges ont pour but de « lier » un autre individu, à le placer sous contrôle. Ces textes sont généralement inscrits sur des lamelles de plomb, inhumées dans des tombes ou des puits[514], et concernent avant tout des affaires juridiques (priver de la parole un adversaire lors d'un procès), le sport (blesser un rival), et l'amour/érotisme (qu'il s'agisse d'attirer un être aimé en le plaçant sous son contrôle ou d'éloigner un rival)[519]. Les autres formes de sortilèges sont des incantations, l'usage de drogues ou poisons, de poupées d'envoûtement percées d'aiguilles ou brûlées[513]. Des « papyrus magiques » d'époque tardive, écrits en grec et provenant d’Égypte, comprennent des formules complexes, avec des invocations de divinité et démons, et témoignent d'influences des pratiques magiques égyptiennes et proche-orientales (juives, mésopotamiennes)[520],[515].
La théurgie est une forme de magie ésotérique, mêlée de divination, qui se développe durant l'époque romaine, en particulier dans les milieux néoplatoniciens, qui la voient comme un moyen d'unir l'âme humaine au divin. Elle comprend une vaste gamme de pratiques, visant par exemple à guérir, faire pleuvoir, ou animer des statues divines. Elle est notamment associée aux Oracles chaldaïques, un recueil d'oracles préservé de façon fragmentaires[521].
Rites funéraires
Si les croyances sur le destin des défunts après leur mort semblent avoir été diverses et souvent assez floues, les rites funéraires de la Grèce ancienne sont plutôt uniformes. Les anciens Grecs sont convaincus qu'il faut accomplir des rites appropriés pour au moins s'assurer que les morts ne viennent pas les tourmenter, ce qui explique que l'absence de sépulture pour un mort soit à leurs yeux un scandale ou une infamie. Les rites funéraires se déroulent en plusieurs étapes. La prothesis, présentation du corps, commence par le lavage du corps du défunt, par les femmes de sa maisonnée, puis son habillage, avant l'exposition du cadavre dans la demeure familiale. Des lamentations sont accomplies par les femmes de la famille, et/ou des pleureuses professionnelles qui ont été embauchées. Après ces rites qui semblent avoir duré une journée, le corps est conduit vers sa sépulture lors de l’ekphora, rite d'enlèvement du cadavre, dans une procession accompagnée de nouvelles lamentations. Le corps peut ensuite être inhumé tel quel ou incinéré avant, les deux traditions étant attestées dans la Grèce antique. Cela s'accompagne d'offrandes funéraires : des aliments, parfois des sacrifices d'animaux, mais aussi l'inhumation ou la crémation d'objets accompagnant le défunt (armes, bijoux), et une obole pour payer le batelier qui le conduira aux Enfers. Les rites s'achèvent par un banquet sur le lieu d'inhumation, perideipnon[522],[523]. Les rites funéraires sont constamment marqués par le fait que la mort est un facteur d'impureté : les morts et leur famille sont frappés de souillure, qui est susceptible de se transmettre à tous ceux qui entrent en contact avec eux, qui doivent donc se purifier ; à la fin des rites funéraires, la résidence du défunt doit être purifiée par un rituel[267],[268]. Les familles ont souvent leur propre lot dans un cimetière, une stèle ou pierre tombale peut servir à marquer l'emplacement d'une tombe. La famille se doit d'entretenir ce lieu, et d'accomplir des offrandes (surtout des libations) au moins une fois dans l'année afin de préserver de bonnes relations avec leurs ancêtres trépassés, à Athènes lors des Genesia, fête en l'honneur des défunts[524],[525].
Variations régionales et locales
Le sens de la localité est très fort dans la Grèce antique : les dieux sont souvent distingués en fonction de leur lieu de culte, les mythes ne se racontent pas tout à fait de la même manière selon les régions, les rituels également se déclinent suivant les coutumes locales, et les calendriers cultuels varient d'un lieu à un autre. Les sanctuaires ont leurs propres règles, aucune autorité supérieure ne venant unifier les lois sacrées même si elles présentent quelques principes constants (interdiction des actes sexuels dans les lieux sacrés, des sacrifices humains)[19],[152],[526].
Il en résulte notamment des variations locales importantes, et il est souvent reconnu qu'il est difficile de parler d'une religion grecque unique, malgré le fond religieux commun incontestable qui unit les régions de culture grecque. Mais en dehors du cas athénien les religions locales ne sont pas suffisamment bien documentées pour pouvoir être reconstituées de façon consistante quoi qu'on décèle un peu partout des spécificités[527]. Les études régionales/locales se sont cependant développées progressivement et permettent de mieux apprécier la diversité de l'univers religieux du monde grec antique au-delà d'Athènes qui constitue en général le contexte principal des études sur la religion grecque, ou encore de se dégager des approches généralisantes qui sont par bien des aspects insatisfaisantes (comme les études de l'univers divin en procédant d'un dieu à l'autre). Il est donc aussi possible de se placer à l'échelle des cités, des régions ou des royaumes, donc de tenter d'analyser une religion spartiate, une religion macédonienne, etc., quoi que la perspective d'une écriture d'une géographie de la religion grecque antique soit encore très lointaine[528].
Sparte
La religion de Sparte à l'époque classique est relativement bien documentée par rapport à celle des autres cités contemporaines, évidemment exception faite de sa grande rivale athénienne, et a fait l'objet de plusieurs études qui ont permis de mettre en avant ses aspects principaux, dont ses spécificités et ses similitudes par rapport aux religions pratiquées ailleurs[529].
Parmi les divinités attestées à Sparte pour l'époque classique, un premier groupe qui peut être distingué préside aux rites initiatiques : Hélène (originellement une déesse à Sparte, son statut d'héroïne semblant être une évolution tardive) qui est la protectrice des jeunes filles et de leur mariage ; la déesse Orthia, qui préside des rites de passage à l'âge adulte, notamment un rituel de flagellation des jeunes hommes (diamastigosis) ; Apollon semble patronner des relations homosexuelles initiatiques. Les divinités associées aux activités pacifiques sont Zeus, dont les deux formes principales sont Zeus Lakédaimon, « Lacédémonien », et Zeus Ouranos, « Céleste », et Athéna qui lui est souvent associée, aussi Apollon et les Dioscures. Enfin comme attendu pour cette cité martiale les divinités liées à la guerre sont un autre groupe important, auxquels des sacrifices sont faits durant les campagnes militaires : Zeus Agêtor (« Conducteur de l'armée »), Artémis Agrotera, divinité de la chasse et des espaces giboyeux, sans doute aussi liée aux champs de bataille, à laquelle on sacrifiait avant une bataille ; les troupes en campagne avaient aussi l'habitude de sacrifier aux divinités des lieux où elles combattaient et de s'assurer par la divination de leur assentiment à l'engagement du combat[530] ; Aphrodite est vénérée à Sparte sous sa forme guerrière[531]. Le territoire spartiate comprend également un important sanctuaire dédié à Poséidon sur le cap Ténare, et ce Poséidon Tainaros a aussi un temple à Sparte[532]. Les Spartiates ont divinisé des abstractions d'états du corps (pathèmata) qu'il importe selon eux de contrôler, dont le choix est révélateur de l'éthique spartiate valorisant la maîtrise de soi : la Peur, la Pudeur (ou Retenue), le Sommeil, la Mort, le Rire, l'Amour, la Faim[533],[534].
Comme bien d'autres cités les Spartiates vénèrent des héros, dont les cultes sont surtout attestés pour l'époque romaine, ce qui rend incertain le tableau pour l'époque classique. Xénophon évoque le fait que les rois de la cité reçoivent des honneurs héroïques à titre posthume[535]. Ce dernier point met en lumière une caractéristique spartiate : la place de ses deux rois, institution originale de la cité, qui sont les principaux acteurs du culte, et même les seuls prêtres attestés à Sparte pour l'époque classique[536]. Ce sont des figures charismatiques, dont les funérailles sont un moment important de réunion de la communauté spartiate, et leur héroïsation participe à légitimer du système politique et social[537],[538]. D'une manière générale, les Spartiates accordent une grande considération à leurs morts, qu'ils soient héroïsés ou pas. Ils sont classés en fonction de leurs mérites qui leur donne droit à des funérailles plus ou moins importantes, et sont vus comme des figures protectrices à honorer[539].
Le calendrier rituel spartiate est dominé par trois fêtes principales, toutes en l'honneur d'Apollon, surtout connues par des descriptions postérieures à l'époque classique, bien qu'attestées pour celle-ci : les Hyacinthies qui marquent le renouvellement du monde, en principe à l'équinoxe de printemps ; les Gymnopédies, commémoration de batailles, en juillet-août ; les Karneia, rituel de fertilité commémorant l'arrivée dans le Péloponnèse des Doriens et des premiers rois Héraclides, ancêtres légendaires des Spartiates[540],[541].
Les cultes de l'époque romaine sont documentés par des inscriptions ainsi que la description laissée par Pausanias le Périégète[542]. Cette dernière indique que le territoire spartiate est alors couvert de sanctuaires, aussi bien dans le chef-lieu que dans ses confins, ce qui est manifestement le produit d'un processus pluriséculaire visant à renforcer la protection surnaturelle de la cité[543]. Sparte joue sur son prestige passé et attire de nombreux touristes, qui viennent notamment assister aux grandes fêtes traditionnelles (Karneia, Gymnopédies, Hyacinthies), et elle célèbre ses généraux des guerres médiques, Léonidas et Pausanias, lors des Leonidea. Divers cultes aux aspects héroïques ayant pour objet des figures illustres de l'histoire spartiate sont attestés, peut-être des inventions de l'époque participant à susciter l'intérêt touristique pour la cité[544]. Le culte d'Orthia, qui est alors assimilée à Artémis, semble toujours populaire, le rite de flagellation suscitant l'intérêt des visiteurs, mais les inscriptions parlent plus de ceux de Zeus, des Dioscures, de Déméter d’Éleusis vénérée sur le Taygète, et surtout du culte impérial. Les familles de notables contrôlent les charges de prêtrise et financent les cultes, ce qui est une caractéristique générale de la vie des cités grecques à cette période. Des fêtes avec des concours athlétiques, musicaux et poétiques apparaissent également : les Kaisarea, sans doute en l'honneur d'Auguste, puis les Ourania en l'honneur de Zeus Ouranos, aussi les Olympia Commodea en l'honneur de Commode[545].
Arcadie
L'Arcadie, région située au centre du Péloponnèse, est divisée entre plusieurs cités qui ont une importance politique secondaire dans l'histoire grecque, et peut-être vue comme un bon exemple des aspects ordinaires de la religion grecque en dehors des principaux centres politiques et religieux. Les fouilles archéologiques et surtout la description laissée au IIe siècle par Pausanias sur ses cultes et mythes fournissent des informations appréciables qui ont fait l'objet de plusieurs études, avant tout par M. Jost[546].
Plusieurs divinités occupent une place majeure dans les cultes arcadiens. Zeus Lykaios, Zeus du mont Lycée, est une divinité de premier plan pour tous les Arcadiens, dont le culte s'étend même au-delà de la région, il y a des aspects atmosphériques comme ailleurs, et plusieurs récits associent à son culte des sacrifices humains, dont la réalité est discutée. L'autre grand dieu arcadien est Pan, le dieu mi-homme mi-bouc, avant tout vu comme le protecteur des bergers et de leurs animaux, reflet du caractère pastoral de l'économie arcadienne. Zeus Lykaios et Pan sont les divinités patronnes de la ligue arcadienne, qui apparaissent sur ses monnaies. La troisième grande figure divine régionale est la déesse Despoina (la « Maîtresse »), fille de Déméter, qui prend donc la place qu'occupe Korè (Perséphone) dans les panthéons les plus courants, mais occupe ici une place plus importante que sa mère. Son sanctuaire principal, à Lycosura, pratique un culte à mystères, différent de celui d’Éleusis, marqué par des rites accompagnés de danses sacrées et de nombreux sacrifices. Parmi les autres spécificités arcadiennes, Artémis est ici présentée comme une fille de Déméter[548]. La mythologie panhellénique place le lieu de naissance d'Hermès en Arcadie, notamment au mont Cyllène, et il y est particulièrement vénéré[549]. D'autres divinités spécifiquement arcadiennes sont attestées, en particulier Aléa qui est assimilée à Athéna mais préserve une personnalité plus ou moins distincte de celle-ci[550].
- Les ruines du temple de Zeus du mont Lycée.
- Statère d'argent à l'effigie de Zeus Lykaios, émis par la ligue arcadienne en 363/2 av. J.-C. Altes Museum de Berlin.
Les différentes sous-régions et cités d'Arcadie présentent à leur niveau leurs propres particularités religieuses, avant tout visibles dans la composition de leur panthéon, comprenant divers aspects des divinités panhelléniques, de concert avec des divinités arcadiennes qui leur sont plus ou moins assimilées. L'Arcadie présente de nombreux épithètes de divinités panhelléniques inconnus ailleurs qui brouillent les questions autour de leurs origines. Plusieurs aspects de Zeus se retrouvent ainsi, en plus de celui du mont Lycée, Aléa-Athéna est la divinité protectrice de Tégée, Poséidon Hippios (associé au cheval) est le dieu tutélaire de Mantinée, Mégalopolis vénére des « Grandes Déesses » (Megalai Theai) qui semblent une création locale, on trouve aussi diverses variantes d'Artémis, Apollon, Déméter, Dionysos, etc.[551]. Les évolutions de l'époque romaine se voient par exemple à Mantinée par la présence des cultes d'Aphrodite Symmachia, qui symbolise la victoire d'Auguste à Actium, et d'Antinoüs, l'amant d'Hadrien divinisé[552]. Asclépios a plusieurs lieux de culte en Arcadie, dont un à Gortyne. Le temple le mieux préservé de la région est situé à son extrémité occidentale, à Bassae, et il est dédié à Apollon, mais selon Pausanias le plus vaste était celui d'Aléa-Athéna à Tégée[553]. Les fouilles archéologiques ont par ailleurs permis de retrouver beaucoup de lieux de culte d'Arcadie ignorés par cet auteur, parce qu'il ne les a pas visités ou bien parce qu'ils n'existent plus à son époque[554].
Parmi les principaux mythes arcadiens, le plus connu dans l'Antiquité, où il circulait sous différentes formes, met en scène le roi arcadien mythique Lykaon, dans plusieurs cas agissant de concert avec ses fils, vouant un bébé en sacrifice à Zeus Lykaios, suscitant la vengeance du dieu, ce qui se manifeste en général par la transformation du roi en loup, aussi le foudroiement de ses fils. Un autre mythe arcadien met en scène Déméter et Poséidon, et se déroule à Thelpousa : le dieu poursuit la déesse de ses assiduités, celle-ci se transforme en jument pour se cacher, mais le dieu se rend compte de la supercherie et se transforme en cheval et parvient à ses fins, suscitant la colère de la déesse. Cela expliquerait pourquoi Poséidon est vénéré en Arcadie sous son aspect équestre (Hippios) et Déméter sous un aspect furieux et destructeur (Erinys), avant de retrouver le calme (Lousia) et son rôle de déesse de la fertilité[555].
Délos
L'île de Délos dans les Cyclades est un des plus importants sanctuaires de la Grèce ancienne, particulièrement bien connu grâce aux fouilles qui y ont été conduites par des équipes françaises, qui y ont dégagé de nombreux bâtiments et collecté une grande quantité d'inscriptions documentant la vie religieuse[557].
La mythologie donne une place particulière à l'île de Délos, personnifiée : alors qu'elle est errante (comme d'autres îles mythologiques), elle est la seule terre à accueillir Léto, mère d'Apollon et Artémis, pour qu'elle y accouche. Héra, en effet, encore une fois trompée par son époux, Zeus, père des jumeaux de Léto, avait interdit à toute terre d'accepter sa « rivale ». Devenue le berceau des deux dieux, on accorda à Délos l'immobilité et l'île devint sacrée[558]. Pour la rendre exempte de toute souillure, l'on décréta qu'il était interdit d'y naître ou d'y mourir. Cela explique que la nécropole des Déliens se trouve sur l'île voisine de Rhénée.
L'île est avant tout le sanctuaire du dieu Apollon, qui n'a pas d'oracle ici à la différence de ses autres lieux de cultes majeurs. Son aspect local semble plutôt lié à la Grâce, sa statue de culte portant dans sa main les Charites (les « trois Grâces »). Sa mère et sa sœur y sont également vénérées, et ensemble ils forment la triade apollinienne qui domine le panthéon local[559] ; Héra a aussi un sanctuaire, sans doute parce qu'il valait mieux l'apaiser après l'affront commis. La mythologie locale présente des figures spécifiques, dont le rôle est cependant très secondaire dans le culte : les Vierges hyperoboréennes qui ont apporté des offrandes à Apollon depuis le pays mythique septentrional d'Hyperborée ; Anios, fils et prêtre d'Apollon, considéré comme une figure fondatrice (archégète)[560].
Comme pour d'autres grands sanctuaires grecs, il a été supposé que Délos soit un lieu de culte important dès l'époque mycénienne, mais cela reste à démontrer. Il prend assurément de l'importance durant l'époque archaïque, servant de lieu de culte ethnique des Ioniens (fonction qu'a également le Panionion du cap Mycale), où sont en particulier actives les cités de Naxos, Kéos et Andros, et également Athènes. Les rapports avec cette cité sont très importants dans l'histoire de Délos. Le rite majeur à ces époques est celui des offrandes hyperboréennes, reproduisant le mythe évoqué ci-dessus, qui voit des offrandes être apportées à travers la Grèce jusqu'à Délos[561].
La vie religieuse de Délos est surtout documentée pour l'époque hellénistique, à partir de la fin du IVe siècle av. J.-C., du point de vue architectural comme épigraphique. Les inscriptions comprennent des dédicaces comme ailleurs, mais aussi des documents administratifs, les « comptes » ou « inventaires » de Délos, fournissant des informations précieuses sur les activités financées par le temple d'Apollon. Ses gestionnaires, les hiéropes, administrent les biens du temple, en tirent des revenus, et entretiennent les cultes de plusieurs sanctuaires. Ses inscriptions cessent quand l'île passe sous contrôle athénien après 167. Le paysage religieux de l'île s'est alors considérablement diversifié. Il a intégré d'autres dieux grecs : Zeus, Hermès, Aphrodite, Déméter, Dionysos, etc. Le plus original est l'importance des cultes aux divinités étrangères, qui renvoie au caractère cosmopolite qu'a acquis l'île à cette période, car elle est aussi un port commercial de premier plan. Sont ainsi attestés les égyptiens Isis et Sarapis, l'arabe Sîn, les syriens Hadad et Atargatis, Poséidon (Baal) de Bérytos, le Dieu Très Haut juif (YHWH), les Lares Compitales d'Italie. L'île comprend de ce fait de nombreux sanctuaires à cette période, de formes et tailles diverses, ceux des divinités étrangères ayant des éléments architecturaux trahissant leurs origines. Le temple d'Apollon est le plus vaste, et le point focal de l'organisation du peuplement de l'île. Les différentes divinités font l'objet de fêtes périodiques, les Apollonia commémorant le dieu tutélaire de l'île, avec des concours gymniques. De riches particuliers, dont des rois, fondent également des fêtes supplémentaires qu'ils financent. L'analyse du nombre d'offrandes indique le déclin de certains cultes anciens (à Léto, à Héra), et l'essor de nouveaux (aux divinités égyptiennes). Les fouilles des maisons ont également permis de trouver des témoignages des dévotions privées (dédicaces, reliefs votifs, amulettes)[562].
- Vue aérienne du site de Délos.
- Vue du sanctuaire d'Apollon.
- Le temple d'Artémis à Délos.
- La terrasse des temples des dieux étrangers.
- Ruines du temple d'Isis.
Délos est mise à sac à deux reprises, en 88 et 69 av. J.-C., ce qui cause un exode de la majorité de sa population et son déclin. Le sanctuaire d'Apollon reste actif mais son culte semble très limité jusqu'à la christianisation de l'île[563].
Alexandrie
Le modèle proposé par Alexandrie d’Égypte, tout en relevant du moule grec, est le produit d'une société différente de celle des cités de l'époque classique : c'est une ville royale hellénistique, dirigée par les rois de la dynastie lagide puis les empereurs romains, qui n'a pas les institutions civiques traditionnelles, et c'est une cité cosmopolite, où coexistent des Grecs, des Égyptiens, et des populations d'autres origines, notamment une importante communauté juive.
Dès la fondation de la ville en 331 av. J.-C., les Grecs prévoient des temples pour leurs dieux, qui sont donc implantés en territoire égyptien. Dionysos occupe la place principale durant l'époque des rois lagides qui sont plusieurs à s'identifier à lui. Déméter rencontre également un important succès ; elle est honorée lors d'une fête appelée Thesmophories sur l'exemple athénien, et le quartier où elle est vénérée a reçu le nom d’Éleusis. Aphrodite prend de l'importance quand elle est associée aux reines, à commencer par Arsinoé II. Les Dioscures et Poséidon (qui protègent les marins), Zeus (dont la statue se trouve au sommet du Phare d'Alexandrie) et Pan sont également populaires. Un sanctuaire célèbre d'Alexandrie est dédié aux Muses : le Mouseion (Musée), surtout connu parce que c'est parmi son domaine que se trouve la Bibliothèque d'Alexandrie. Parmi les divinités autochtones, Isis reçoit un culte important tant de la part des Grecs que des Égyptiens. L'hybridation religieuse se voit surtout dans l'émergence du culte de Sarapis, un dieu d'origine égyptienne, aspect d'Osiris, qui est repensé dans le moule grec, prenant l'aspect de Zeus ou Asclépios, accompagné de Cerbère. Il devient un dieu guérisseur important, dans son sanctuaire de Canope, et aussi un dieu oraculaire à Oxyrhynque. Il est sans doute une sorte de divinité tutélaire de facto d'Alexandrie à l'époque hellénistique, mais il ne reçoit officiellement ce statut qu'à l'époque romaine. Son culte est initialement surtout pratiqué par des Grecs, puis il se diffuse dans toute l’Égypte[564],[565].
Les cultes alexandrins sont également marqués par le développement des cultes royaux. Alexandre le Grand reçoit d'abord un culte, probablement centré autour de son tombeau, en tant que fondateur de la ville ; mais cela renvoie à des formes traditionnelles grecques de cultes aux défunts remarquables. Alexandre reçoit également un culte d'État, associant Grecs et indigènes égyptiens dans tout le royaume lagide, qui pose les bases du culte royal des Lagides à partir de Ptolémée II[566]. Celui-ci instaure d'abord une grande fête, les Ptolémaia, en l'honneur de son défunt père, avec des concours qui ont pour but de supplanter ceux d'Olympie. Puis il divinise ses parents au titre des Theoi Sôtères (« Dieux Sauveurs ») afin de consolider la dynastie et de recueillir la piété des sujets grecs du royaume. Arsinoé II, la sœur-épouse de Ptolémée II, devient ensuite l'objet d'un culte spécifique au titre de Philadelphos (« Qui aime son frère »)[567]. Par la suite les rois lagides se font diviniser de leur vivant, conjointement à leurs reines, qui sont souvent leurs sœurs. Cela leur permet aussi de se présenter aux yeux des Égyptiens comme un pendant du couple divin Osiris-Isis (qui sont également frère et sœur). Les rois et reines lagides reçoivent un culte royal de type égyptien dans les temples autochtones en plus d'un culte royal caractéristique de la religion hellénistique. Certains rois lagides s'identifient à Dionysos qu'ils présentent comme leur ancêtre[568],[569].
La religion égyptienne traditionnelle a également sa place à Alexandrie, les rois lagides n'ayant jamais tenté de créer une religion syncrétique, ou d'helléniser la religion égyptienne. La question de savoir dans quelle mesure les Grecs adoptent les cultes égyptiens et dans quelle mesure les Égyptiens adoptent les cultes grecs est difficile à repérer, mais il est généralement postulé que les Égyptiens n'ont pas été particulièrement hellénisés et ont opposé une forme de résistance à la culture de l'élite dirigeante. Les représentations des divinités égyptiennes témoignent néanmoins d'influences gréco-romaines, qui doivent dans plusieurs cas renvoyer à des évolutions dans la conception de la divinité. C'est en particulier le cas d'Isis, la plus populaire des divinités égyptiennes durant cette période aussi bien auprès des autochtones que des Grecs, qui se présente sous différents aspects la rapprochant par exemple d'Aphrodite ou de Tychè, et prend un caractère universel. Néanmoins la présence de représentations divines dans un style artistique grec n'indique pas forcément une hellénisation de la religion. Les croyances et pratiques funéraires restent globalement stables, la momification se diffuse et est adoptée par des Grecs à Alexandrie. Les cultes polythéistes déclinent à compter du IVe siècle, face à l'essor du christianisme, ce qui se marque par des épisodes violents de destructions de temples, notamment celui de Sarapis à Alexandrie en 391/2[570].
Notes et références
- Kindt 2009, p. 364.
- Burkert 2011, p. 363.
- Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque : Histoires des mots, Paris, Klincksiek, , p. 440.
- (en) Emily Kearns, « Religion, Greek, terms relating to », dans OCD 2012, p. 1264.
- Burkert 2011, p. 360.
- Bremmer 2012, p. 18.
- Motte 1988, p. 164-165.
- Naiden 2013, p. 388-389.
- Régine Azria, « Avant-propos », dans Régine Azria et Daniel Hervieu-Léger (dir.), Dictionnaire des faits religieux, Paris, Presses Universitaires de Frane, , p. VII.
- Veyne 2005, p. 584-585.
- Pierre Cabanes, Le monde grec, Paris, Armand Colin, coll. « 128 », , p. 5-6
- Bremmer 2012, p. 16.
- Brulé 2004, p. 419-420.
- Naiden 2013, p. 389.
- Kearns 2013, p. 280.
- Brulé 2004, p. 416-418.
- Bremmer 2012, p. 142.
- « A second problem is a tendency, in even the best modern scholarship, to combine evidence from different places (South Italy and Sicily, mainland Greece, the Aegean islands, Asia Minor) and time periods (the seventh century BCE through the third century CE) in order to compile a composite picture of ritual activity. This methodology levels the differences that must have existed in various times and places; since the forms of religious activity, whether in polytheistic or monotheistic systems, are never static. » : (en) Michael A. Flower, « Religious Expertise », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 294.
- Brulé 2004, p. 414-416.
- Histoires, VIII.144, traduction Larcher.
- (en) Thomas Harisson, « The Greeks », dans Andrew Erskine (dir.), A companion to Ancient History, Malden et Oxford, Wiley-Blackwell, , p. 216-217.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 1. Un dépaysement nécessaire.
- « Greek religion lacks the defining features of most modern religions. It had no official church, no dogma, and (apart from a few exceptions) no priesthood in the sense of a specially trained and entided group of people providing religious services. Classical scholars have frequendy stressed the 'alien quality' of Greek religious beliefs and practices. This is another way of saying that modern analytical concepts derived from the great monotheistic religions of our times are inadequate to 'make sense' of Greek religion. The study of Greek religion requires its own interpretative framework. » : Kindt 2009, p. 364-365.
- Naiden 2013, p. 388.
- Burkert 2011, p. 14-15.
- Burkert 2011, p. 15.
- Kindt 2009, p. 369.
- Burkert 2011, p. 15-16.
- Kearns 2013, p. 301.
- Bremmer 2012, p. 89.
- Kindt 2009, p. 372.
- Kindt 2009, p. 370.
- Bremmer 2012, p. 89-90.
- Naiden 2013, p. 394.
- Kindt 2009, p. 366-367.
- Kearns 2013, p. 302.
- Naiden 2013, p. 401-402.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Postface.
- Naiden 2013, p. 403-408.
- Naiden 2013, p. 408-415.
- Kindt 2009, p. 367.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 3.1 Les textes littéraires.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 3.2 Les textes épigraphiques.
- (en) Robert Parker, « Sacred laws », dans OCD 2012, p. 1305.
- Kindt 2009, p. 368.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 3.3 L’archéologie.
- Kindt 2009, p. 367-368.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 10.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 124-125.
- Brulé 2004, p. 450-451.
- Kearns 2013, p. 280-281.
- Brulé 2004, p. 451.
- Rives 2010, p. 244-247.
- « The longevity and multifaceted character of Dionysus symbolizes the tenacity of the Greek civilization, which Alexander had taken to the banks of the Oxus but which in many respects still carried the marks of its Archaic and even prehistoric origins. » : (en) Simon Hornblower, « Ancient Greek Civilisation », dans Encyclopedia Britannica (Deluxe Edition CD-ROM 2001), cité par (en) Uwe Walter, « The Classical Age as a Historical Epoch », dans Konrad H. Kinzl, A companion to the classical Greek world, Malden et Oxford, Blackwell, , p. 21.
- Brulé 2004, p. 451-452.
- Bremmer 2012, p. 17.
- Kindt 2009, p. 373-374.
- Sur les précautions méthodologiques, cf. Sophie A. de Beaune, Qu'est-ce que la Préhistoire ?, Gallimard, coll. « Folio histoire », , p. 219-259
- (en) Oliver Dickinson, « The Aegean », dans Colin Renfrew (dir.), The Cambridge World Prehistory, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 1863-1864.
- Dickinson 2014, p. 1866.
- Burkert 2011, p. 25-31.
- (en) Daniel Pullen, « The Early Bronze Age in Greece », dans Cynthia W. Shelmerdine (dir.), The Cambridge companion to the Aegean Bronze Age, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 38-41
- (en) John Chadwick, « Pre-greek Languages », dans OCD 2012, p. 1207.
- Bremmer 2012, p. 143-144.
- Burkert 2011, p. 31-37.
- Bremmer 2012, p. 144-145.
- (en) Carolina López-Ruiz, « Gods: Origins », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 376-377.
- Dickinson 2014, p. 1868-1869.
- (en) B. C. Dietrich et Alan A. D. Peatfield, « Religion, Minoan and Mycenaean », dans OCD 2012, p. 1266-1267. (en) Nanno Marinatos, « Minoan Religion », dans Michele Renee Salzman et Marvin A. Sweeney (dir.), The Cambridge History of Religions in the Ancient World, volume I: From the Bronze Age to the Hellenistic Age, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 239-255.
- (en) B. C. Dietrich et Alan A. D. Peatfield, « Religion, Minoan and Mycenaean », dans OCD 2012, p. 1267. (en) Ian Rutherford, « Mycenaean Religion », dans Michele Renee Salzman et Marvin A. Sweeney (dir.), The Cambridge History of Religions in the Ancient World, volume I: From the Bronze Age to the Hellenistic Age, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 256-279.
- Alain Duplouy, « Les Âges obscurs », dans Sartre, Sartre-Fauriat et Brun 2009, p. 13-16.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 49-63.
- Cf. par exemple (en) Bernard C. Dietrich, Tradition in Greek Religion, Berlin et New York, De Gruyter, , et sa critique par (en) C. Sourvinou-Inwood, « Review: Continuity and Change in Greek Religion », Classical Review, vol. 39, no 1, , p. 51-58.
- Mossé et Schnapp-Gourbeillon 2020, p. 104.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 57.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 57-59 et 77-82.
- Mossé et Schnapp-Gourbeillon 2020, p. 100-104.
- François de Polignac, La naissance de la cité grecque : Cultes, espace, et société, VIIIe – VIIe siècles avant J.-C., Paris, La Découverte,
- Mossé et Schnapp-Gourbeillon 2020, p. 106-107 et 110.
- Burkert 2011, p. 172-177.
- Mossé et Schnapp-Gourbeillon 2020, p. 110.
- (en) Jennifer Strauss Clay, « Homeric Religion », dans Corinne Ondine Pache (dir.), The Cambridge Guide to Homer, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 245-256 et les entrées sur la religion du même ouvrage fournissent une mise au point récente sur ce sujet.
- Mikalson 2010, p. 222-223.
- (en) Simon Hornblower, « Greece, history. Archaic, classical, Hellenistic », dans OCD 2012, p. 628-629
- Patrice Brun, « La Grèce archaïque », dans Sartre, Sartre-Fauriat et Brun 2009, p. 17-20.
- (en) Simon Hornblower, « Greece, history. Archaic, classical, Hellenistic », dans OCD 2012, p. 628-630
- Patrice Brun, « La période classique », dans Sartre, Sartre-Fauriat et Brun 2009, p. 21-23.
- (en) Simon Hornblower, « Greece, history. Archaic, classical, Hellenistic », dans OCD 2012, p. 630-631
- Kearns 2013, p. 281.
- Burkert 2011, p. 80-81.
- Naiden 2013, p. 390-391.
- Bremmer 2012, p. 145.
- Burkert 2011, p. 80-83.
- (en) Scott B. Noegel, « Greek Religion and the Ancient Near East », dans Ogden 2007, p. 22-37.
- Saïd 2008, p. 113-115.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 85-86.
- Brulé 2004, p. 421-422.
- (en) Christiane Sourvinou-Inwood, « What is polis religion ? », dans Richard Buxton, Oxford Readings in Greek Religion, Oxford, Oxford University Press, , p. 13-37 (citation p. 22 : « the Greek polis articulated religion and was itself articulated by it … Ritual reinforces group solidarity and this process is of fundamental importance in establishing and perpetuating civic and cultural, as well as religious, identities. ») et aussi (en) Ead., « Further aspects of polis religion », dans R. Buxton, op. cit., 2000, p. 38-55 et Ead., « Qu’est-ce que la religion de la polis ? », dans Oswyn Murray et Simon Price (dir.), La cité grecque d’Homère à Alexandre, Paris, La Découverte, , p. 335-355.
- Kearns 2013, p. 285-288.
- Kearns 2013, p. 281-284.
- Bremmer 2012, p. 125-140.
- Brulé 2004, p. 437-441.
- Burkert 2011, p. 257-258.
- Mikalson 2010, p. 5.
- Burkert 2011, p. 402-439.
- Maurice Sartre, « L'époque hellénistique », dans Sartre, Sartre-Fauriat et Brun 2009, p. 24-28.
- Maurice Sartre, « Les Grecs au temps de Rome », dans Sartre, Sartre-Fauriat et Brun 2009, p. 29-32.
- (en) Anthony Spawforth, « Greece, history. Roman », dans OCD 2012, p. 631-632
- Rives 2010, p. 250-251.
- Roller 2013, p. 298-301.
- Lössl 2018, p. 36-37.
- Roller 2013, p. 313.
- (en) Angelos Chaniotis, « Staging and feeling the presence of God: Emotion and theatricality in the Greek East », dans Laurent Bricault et Corinne Bonnet (dir.), Panthée: religious transformations in the Roman Empire, Leyde et Boston, Brill, , p. 169–189.
- Mikalson 2010, p. 188.
- Lössl 2018, p. 39-42.
- Mikalson 2010, p. 188-189.
- Roller 2013, p. 301-304.
- Roller 2013, p. 304-306.
- Roller 2013, p. 309-310.
- Spawforth 2006, p. 98-99.
- Mikalson 2010, p. 189-190.
- Roller 2013, p. 309-313.
- Veyne 2005, p. 504-505 n. 4.
- John Scheid, « Nouveau rite et nouvelle piété. Réflexions sur le ritus Graecus », dans Fritz Graf (dir.), Ansichten griechischer Rituale: Geburtstagssymposium für Walter Burkert, Castelen bei Basel, 15. bis 18. März 1996, Berlin et Boston, B. G. Teubner, , p. 168-182 (repris dans Id., Rites et religion à Rome, Paris, CNRS, 2019, p. 95-113).
- Spawforth 2006, p. 40-41.
- Lössl 2018, p. 45-50.
- Lössl 2018, p. 43-45.
- (en) Jill Harries et Gillian Clark, « Christianity », dans OCD 2012, p. 312-315
- Pier Franco Beatrice, « Hellénisme et christianisme aux premiers siècles de notre ère », Kernos, vol. 10, , p. 39-56 (DOI 10.4000/kernos.644, lire en ligne).
- Lössl 2018, p. 50-55.
- Bernard Flusin, « Triomphe du christianisme et définition de l’orthodoxie », dans Cécile Morrisson (dir.), Le Monde byzantin, tome 1 : l'Empire romain d'Orient (330-641), Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », , 2e éd., p. 49-54
- Pedley 2005, p. 207-209.
- Bernard Flusin, « La vie religieuse. Les chrétiens dans le monde – le monachisme », dans Cécile Morrisson (dir.), Le Monde byzantin, tome 1 : l'Empire romain d'Orient (330-641), Presses universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », , 2e éd., p. 223-238. L'exemple de l'Asie Mineure est le mieux connu, par exemple (en) Frank R. Trombley, « Paganism in the Greek World at the End of Antiquity: The Case of Rural Anatolia and Greece », The Harvard Theological Review, vol. 78, nos 3/4, , p. 327-352 ; (en) Peter Talloen, « Asia Minor », dans David K. Pettegrew, William R. Caraher et Thomas W. Davis (dir.), The Oxford Handbook of Early Christian Archaeology, Oxford, Oxford Univeristy Press, , p. 493-513 (not. p. 499-501). Pour les régions européennes : (en) Rebecca Sweetman, « Community, Church, and Conversion in the Prefecture of Illyricum and the Cyclades », dans David K. Pettegrew, William R. Caraher et Thomas W. Davis (dir.), The Oxford Handbook of Early Christian Archaeology, Oxford, Oxford Univeristy Press, , p. 515-536.
- (en) Hervé Inglebert, « Introduction: Late Antique Conceptions of Late Antiquity », dans Scott Fitzgerald Johnson (dir.), The Oxford Handbook of Late Antiquity, Oxford, Oxford University Press, (lire en ligne), p. 16-18 et 23.
- (en) Alexander Kazhdan et Alice-Mary Talbot, « Paganism », dans Alexander Kazhdan (dir.), Oxford Dictionary of Byzantium, vol. 3, New York et Oxford, Oxford University Press, , p. 1551-1552.
- « Rather than presupposing a body of revealed truth, Greek cult reflected the cumulative expression of the Greeks’ conceptions about the general order of existence and their need to interact with the divine beings that created and controlled that order » : Roller 2013, p. 295.
- M. Detienne dans Detienne et Vernant 1979, p. 13
- (en) Thomas Harrison, « Belief vs. Practice », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 24.
- Bruit Zaidman 2001, p. 211-213.
- (en) Thomas Harrison, « Belief vs Practice », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 22-24.
- (en) Thomas Harrison, « Belief vs. Practice », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 21-28.
- Parker 2011, p. 32-34.
- « Belief and practice may in theory be separate; but they may also be ausally related. Belief informs practice just as much as practice informs belief. » : (en) Julia Kindt, Rethinking Greek Religion, Cambridge, Cambridge Unviersity Press, , p. 31
- Brulé 2004, p. 454.
- Bremmer 2012, p. 30.
- Veyne 2005, p. 506.
- Gerhardt J. Bellinger, Encyclopédie des religions, Paris, Le Livre de Poche, , p. 318.
- (en) Herbert Jennings Rose et Simon Hronblower, « Epithets, divine, Greek », dans OCD 2012, p. 528.
- Burkert 2011, p. 255.
- Bremmer 2012, p. 33.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 1.1 Les dieux - Les épithètes.
- Parker 2011, p. x-xi.
- Bremmer 2012, p. 49.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 1.1 Les dieux.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 145-146.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Postface 6. Polythéisme.
- (en) Vinciane Pirenne Delforge et Gabriella Pironti, « Many vs. One », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 38-47.
- (en) Emily Kearns, « Religion, Greek », dans OCD 2012, p. 1263.
- « the poems of Homer and Hesiod (...) certainly fixed in Greek consciousness a highly anthropomorphic and more or less stable picture of a divine society, a pattern extremely influential throughout antiquity despite its frequent incompatibility with ritual practices and beliefs » : (en) Emily Kearns, « Religion, Greek », dans OCD 2012, p. 1262.
- Bremmer 2012, p. 33-34.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 2.1 Les panthéons.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 2.1 Les panthéons - Problèmes de méthode.
- Bremmer 2012, p. 36-37.
- Potter 2005, p. 410.
- Burkert 2011, p. 245.
- Burkert 2011, p. 273-278.
- Burkert 2011, p. 96-97.
- (en) Robert Parker, « Chthonian gods », dans OCD 2012, p. 316.
- Parker 2011, p. 80-84.
- Bremmer 2012, p. 36.
- (en) Susan Deacy, « Gods – Olympians and Chthonians », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 355-367
- Most 2003, p. 301-302.
- (en) Ralph Anderson, « New Gods », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 309-324.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 2.1 Les panthéons • Les douze Olympiens.
- Burkert 2011, p. 236-240.
- Burkert 2011, p. 242-245.
- Burkert 2011, p. 241-242.
- Burkert 2011, p. 255-258.
- Burkert 2011, p. 285-294.
- Burkert 2011, p. 245-249.
- Burkert 2011, p. 249-252.
- (en) Hendrik S. Versnel, « Daimōn », dans OCD 2012, p. 410.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 1.2 Les daimones.
- Burkert 2011, p. 278-285.
- (en) Emily Kearns, « Hero-cult », dans OCD 2012, p. 672.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 5. 1.3 Les héros.
- Potter 2005, p. 416-419.
- Potter 2005, p. 417.
- (en) Courtenay Edward Stevens et Simon Price, « Ruler-cult, Greek », dans OCD 2012, p. 1299.
- (en) Mason Hammond et Simon Price, « Ruler-cult, Roman », dans OCD 2012, p. 1299-1300.
- Rives 2010, p. 252-256.
- Jean-Pierre Vernant, « Grèce. Le problème mythologique », dans Yves Bonnefoy (dir.), Dictionnaire des mythologies et des religions des sociétés traditionnelles et du monde antique, Paris, Flammarion, , p. 473
- Saïd 2008, p. 33-92.
- Saïd 2008, p. 13-21.
- Saïd 2008, p. 21-24.
- Saïd 2008, p. 25-31.
- G. Dumézil, Heur et malheur du guerrier, Paris, Presses Universitaires de France, , p. 11
- « Myth is a traditional tale with secondary, partial reference to something of collective importance » : (en) W. Burkert, Structure and history in Greek mythology and ritual, Berkeley, University of California Press, , p. 23. Traduction en français reprise de Bremmer 2012, p. 90.
- Bremmer 2012, p. 90-91.
- Bremmer 2012, p. 93 et sq..
- Motte 1988, p. 165.
- Saïd 2008, p. 103-133.
- Bremmer 2012, p. 21.
- Bruit Zaidman 2001, p. 11-12.
- Mikalson 2010, p. 23 et 24-25.
- Bruit Zaidman 2001, p. 21.
- Bruit Zaidman 2001, p. 25.
- Bruit Zaidman 2001, p. 25-26.
- Euthyphron 14c, cité par Bruit Zaidman 2001, p. 156 (et n. 54)
- Mikalson 2010, p. 24.
- Parker 2011, p. x.
- Mikalson 2010, p. 22.
- Bremmer 2012, p. 22.
- Veyne 2005, p. 523-526.
- (en) Noel Robertson et B. C. Dietrich, « Fate », dans OCD 2012, p. 569-570.
- Veyne 2005, p. 507.
- Mikalson 2010, p. 24 et 150-160.
- Jean Rudhardt (éd. Philippe Borgeaud et Vinciane Pirenne-Delforge), Les dieux, le féminin, le pouvoir : Enquêtes d'un historien des religions, Genève, Labor et Fides, , p. 170-172.
- Mikalson 2010, p. 178.
- Bremmer 2012, p. 24.
- Mikalson 2010, p. 165-167.
- Bremmer 2012, p. 20-21.
- Brulé 2004, p. 469-470.
- Bremmer 2012, p. 21-22.
- Cité par François Chamoux, La Civilisation grecque : à l'époque archaïque et classique, Paris, 1993, p. 179
- Mikalson 2010, p. 23.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 146.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 1.2 Nature et fonctionnement.
- (en) Emily Kearns, « Old vs. New », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 36-37.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 2. Quelques notions fondamentales • Piété et impiété.
- Veyne 2005, p. 594-595.
- Most 2003, p. 301.
- Most 2003, p. 306-307.
- Veyne 2005, p. 513-514.
- Veyne 2005, p. 527-529.
- Bruit Zaidman 2001, p. 168-169.
- Veyne 2005, p. 512-516.
- Most 2003, p. 304.
- Most 2003, p. 303-304.
- Rives 2010, p. 255.
- Kearns 2013, p. 290-291.
- (en) H. W. Pleket, « Religious history as the history of mentality : the 'believer' as servant of the deity in the Greek world », dans Versnel 1981, p. 152-192.
- Rives 2010, p. 259-260.
- (en) Emily Kearns, « Religion, Greek », dans OCD 2012, p. 1262.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 2. Quelques notions fondamentales • Le sacré.
- (en) Emily Kearns, « Religion, Greek, terms relating to », dans OCD 2012, p. 1263.
- Bruit Zaidman 2005, Chapitre 6. Des dieux redoutables : colères et châtiments • Athéniens et Spartiates au risque du sacrilège..
- Brulé 2004, p. 459.
- Brulé 2004, p. 459 et 460.
- Brulé 2004, p. 460-461.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Introduction 2. Quelques notions fondamentales • Pur et impur.
- Brulé 2004, p. 461-462.
- Brulé 2004, p. 462.
- (en) H. S. Versnel, « Miracles », dans OCD 2012, p. 962.
- (en) A. Henrichs, « Epiphany », dans OCD 2012, p. 526-527.
- (en) Verity Platt, « Epiphany », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 491-504.
- (en) Jill Harries, « Soul », dans OCD 2012, p. 1387.
- (en) C. Sourvinou-Inwood, « Thanatos », dans OCD 2012, p. 1449.
- Burkert 2011, p. 269-272.
- (en) Radcliffe G. Edmonds III, « Imagining the Afterlife », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 556-557.
- Burkert 2011, p. 271.
- (en) Radcliffe G. Edmonds III, « Imagining the Afterlife », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 552-559.
- (en) Emmanuel Voutiras, « Dead or Alive? », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 400-401.
- Veyne 2005, p. 641.
- (en) Radcliffe G. Edmonds III, « Imagining the Afterlife », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 560-561.
- Veyne 2005, p. 643-644.
- Burkert 2011, p. 117.
- Pierre Brulé, « Les funérailles. Les rites funéraires dans le monde grec », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 122.
- (en) Emmanuel Voutiras, « Dead or Alive? », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 397-410.
- (en) Richard Gordon, « Mysteries », dans OCD 2012, p. 990
- Burkert 2011, p. 366-369.
- Rives 2010, p. 257-260.
- Rives 2010, p. 259-260 et 265.
- Burkert 2011, p. 383-396.
- (en) Fritz Graf, « Orphic literature », dans OCD 2012, p. 1050 ; (en) Id., « Orphism », dans OCD 2012, p. 1050-1051.
- Bremmer 2012, p. 129-134.
- Mikalson 2010, p. 182.
- Bremmer 2012, p. 134.
- Par exemple Claude Calame, « Les lamelles funéraires d’or : textes pseudo-orphiques et pratiques rituelles », Kernos, vol. 21, (DOI 10.4000/kernos.1679, lire en ligne, consulté le ).
- Parker 2011, p. 258.
- Burkert 2011, p. 596.
- Burkert 2011, p. 396-401.
- (en) Fritz Graf, « Pythagoras, Pythagoreanism », dans OCD 2012, p. 1245-1246
- Most 2003, p. 305.
- Motte 1988, p. 167.
- Motte 1988, p. 168-169.
- « ancient philosophical thought had found no form better than theology in which to reflect upon its own limits and aspirations. Reflecting on god, ancient man reflected himself » : Most 2003, p. 317.
- Motte 1988, p. 169.
- Burkert 2011, p. 402.
- Motte 1988, p. 169-170 et 174-175.
- Most 2003, p. 306-308.
- Most 2003, p. 308-310.
- Saïd 2008, p. 97-98.
- Burkert 2011, p. 408-409 et 420.
- Most 2003, p. 317-321.
- « it is doubtful whether the religion of the many, i.e. that of the non-philosophers, was influenced in any substantial way by philosophical speculation concerning the divine in the classical or even the hellenistic period. » : (en) Fritz-Gregor Herrmann, « Greek Religion and Philosophy: The God of the Philosopher », dans Ogden 2007, p. 385.
- Most 2003, p. 322.
- Burkert 2011, p. 404.
- Most 2003, p. 310.
- Motte 1988, p. 172-173.
- Burkert 2011, p. 405-406.
- Burkert 2011, p. 421.
- Bruit Zaidman 2001, p. 152-157.
- Most 2003, p. 311-312.
- Burkert 2011, p. 427-429.
- Burkert 2011, p. 397-398.
- Burkert 2011, p. 434-439.
- Most 2003, p. 312-313.
- Burkert 2011, p. 430-432.
- Most 2003, p. 313.
- Burkert 2011, p. 432-433.
- Veyne 2005, p. 598-599.
- Veyne 2005, p. 590.
- Most 2003, p. 313-315.
- Veyne 2005, p. 590-592.
- Lössl 2018, p. 43-50.
- (en) Christopher Stead, Philosophy in Christian Antiquity, Cambridge, , p. 54-62.
- (en) George Boys-Stones « Providence and religion in middle-Platonism », Eidinow, Kindt et Osborne 2016, p. 317-338.
- Stead 1993, p. 63-75.
- Most 2003, p. 315-316.
- (en) D. O'Meara, « Neoplatonism », dans OCD 2012, p. 1007.
- Most 2003, p. 321-322.
- Mikalson 2010, p. 4.
- Burkert 2011, p. 126-127.
- Burkert 2011, p. 124-125.
- Pedley 2005, p. 39.
- Mikalson 2010, p. 4-5.
- Bremmer 2012, p. 55-57.
- Burkert 2011, p. 124.
- Pedley 2005, p. 42-46.
- Pedley 2005, p. 52-56.
- Pedley 2005, p. 46-52.
- Parker 2011, p. xi.
- Pedley 2005, p. 40-41.
- Bremmer 2012, p. 54-55.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 1 3.1 Les constructions dans les sanctuaires.
- Mikalson 2010, p. 2.
- Bremmer 2012, p. 61-62.
- Bremmer 2012, p. 60-61.
- Bremmer 2012, p. 58-60.
- Burkert 2011, p. 128-129.
- Mikalson 2010, p. 5-7.
- (en) Frederick Norman Pryce, John Boardman, Anthony Spawforth et J. Linderski, « Altars », dans OCD 2012, p. 1000.
- Mikalson 2010, p. 7.
- Mikalson 2010, p. 6.
- Burkert 2011, p. 128.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 134.
- Burkert 2011, p. 99.
- Mikalson 2010, p. 5-6.
- Burkert 2011, p. 92-93.
- Brulé 2004, p. 465.
- (en) Irad Malkin, « Temenos », dans OCD 2012, p. 1437-1438.
- (en) Irad Malkin, « Temenos », dans OCD 2012, p. 1438. (en) Richard Allan Tomlinson, « Agora », dans OCD 2012, p. 41.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, 3.1 Le sanctuaire.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 126-127.
- Mikalson 2010, p. 7-8.
- Brulé 2004, p. 466.
- Mikalson 2010, p. 8-9.
- Burkert 2011, p. 127-128.
- Mikalson 2010, p. 9-10.
- (en) John North, « Temple », dans OCD 2012, p. 1438.
- Pedley 2005, p. 63.
- (en) Richard Allan Tomlinson, « Sanctuaries, Greek », dans OCD 2012, p. 1314.
- Pedley 2005, p. 62-68.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 129-132.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 132-134.
- (en) C. Robert Phillips III et Anthony Spawforth, « Statues (cult of) », dans OCD 2012, p. 1397-1398.
- Burkert 2011, p. 134.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 128-129.
- Pedley 2005, p. 74-77.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 136-138.
- Bremmer 2012, p. 59.
- Véronique Chankowski et Michèle Brunet, « 7. Délos - L'économie », sur École française d'Athènes, (consulté le ).
- Kearns 2013, p. 287.
- Brulé 2004, p. 429.
- Brulé 2004, p. 463.
- Brulé 2004, p. 464.
- Brulé 2004, p. 422-427.
- (en) Julia Kindt, « Personal Religion: A Productive Category for the Study of Ancient Greek Religion? », The Journal of Hellenic Studies, vol. 135, , p. 35-50.
- Brulé 2004, p. 463-464.
- (en) Kostas Vlassopoulos, « Religion in Communities », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 2757-271.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 2. 3. Religion et vie politique.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 2. 4. Le système des fêtes : l'exemple d'Athènes.
- Brulé 2004, p. 429-430.
- Parker 2011, p. 57-61.
- (en) Christy Constantakopoulou, « Regional Religious Groups, Amphictionies, and Other Leagues », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 273-289.
- (en) Maud W. Gleason, « Greek Cities Under Roman Rule », dans David S. Potter (dir.), A Companion to the Roman Empire, Malden et Oxford, Blackwell, , p. 232
- Marie-Françoise Baslez et al., L'Orient hellénistique : 323-55 av. J.-C., Atlande, coll. « Clef concours - Histoire ancienne », , p. 110-122.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 2. 2.1 L’oikos.
- Mikalson 2010, p. 124-125.
- Mikalson 2010, p. 125-127.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 2. 2.5 Les associations cultuelles.
- Parker 2011, p. 247-250.
- Rives et 2010 266-267.
- (en) Emily Kearns, « Women in cult », dans OCD 2012, p. 1576.
- (en) Helen King, « Women », dans OCD 2012, p. 1576.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Postface 3. Les femmes.
- Bremmer 2012, p. 105-124.
- Parker 2011, p. 240-242.
- Mikalson 2010, p. 10.
- (en) Michael A. Flower, « Religious Expertise », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 293-307.
- Parker 2011, p. 48-57.
- « On a minimal definition (at least in the context of Greek and Roman cultures), ritual could be seen as symbolic activity in a religious context. A ritual (or ceremony) is composed of several single acts, the rites. » : (en) Fritz Graf, « Ritual », dans OCD 2012, p. 1280.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 1.1 Définition.
- (en) Fritz Graf, « Ritual », dans OCD 2012, p. 1281.
- (en) Fritz Graf, « Ritual », dans OCD 2012, p. 1280-1281.
- Brulé 2004, p. 458.
- (en) Robin Osborne, « Unity vs. Diversity », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 15-18.
- Adeline Grand-Clément et Anne-Caroline Rendu-Loisel, « Sur les traces de la sensibilité des mondes anciens », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 15-19.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 1. 1.1 Définition.
- Burkert 2011, p. 365.
- (en) Thomas Harrison, « Belief vs. Practice », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 22-23.
- Burkert 2011, p. 112-114 et 117-124.
- (en) Robert Parker, « Purification, Greek », dans OCD 2012, p. 1242.
- (en) William D. Furley, « Prayers and Hymns », dans Ogden 2007, p. 118-120.
- (en) William D. Furley, « Prayers and Hymns », dans Ogden 2007, p. 127.
- (en) H. S. Versnel, « Prayer », dans OCD 2012, p. 1206.
- (en) William D. Furley, « Prayers and Hymns », dans Ogden 2007, p. 122-127.
- Brulé 2004, p. 471-472.
- M. Detienne dans Detienne et Vernant 1979, p. 15-16
- Brulé 2004, p. 475.
- Eutyphron 14 c 8-9, Cité par J. -P. Vernant dans Detienne et Vernant 1979, p. 43 n. 1
- Brulé 2004, p. 472.
- Bruit Zaidman 2001, p. 26-27.
- (en) F. S. Naiden, « Sacrifice », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 473.
- Burkert 2011, p. 94 n. 67.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 1 Les rites, les acteurs et les lieux, 1. Les rituels • Aspects techniques du rituel - Quelques éléments de vocabulaire.
- Pierre Brulé, Les Grecs et leur monde, Paris, Gallimard, coll. « Découvertes texto », , p. 56, à partir d'une traduction de Br. Le Guen.
- Burkert 2011, p. 83.
- « In recent decades it has been increasingly recognized that sacrifice was the most central religious act for the Greeks » : (en) Jan N. Bremmer, « Greek Normative Animal Sacrifice », dans Ogden 2007, p. 132.
- (en) Jan N. Bremmer, « Greek Normative Animal Sacrifice », dans Ogden 2007, p. 133.
- Parker 2011, p. 145.
- Bremmer 2012, p. 70-71.
- Burkert 2011, p. 87-88.
- (en) Robert Parker, « Sacrifice, Greek », dans OCD 2012, p. 1306
- Véronique Mehl, « Le sacrifice. Sacrifier pour le plaisir des dieux et des hommes », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 68-69.
- Par exemple J.-P. Vernant dans Detienne et Vernant 1979, p. 40-43
- Bremmer 2012, p. 71-75.
- Anne Jacquemin, « Le sacrifice dans le monde grec et ses interprétations », Archimède : archéologie et histoire ancienne, , p. 107-113 (lire en ligne).
- Burkert 2011, p. 95.
- (en) Robin Osborne, « Unity vs. Diversity », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 14-15.
- Parker 2011, p. 144-150.
- (en) Robin Osborne, « Unity vs. Diversity », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 14-18.
- Burkert 2011, p. 100-101.
- Bruit Zaidman 2001, p. 38-41.
- Amandine Declercq, « Les types de sacrifices », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 62.
- Veyne 2005, p. 597.
- Burkert 2011, p. 102.
- Bruit Zaidman 2001, p. 37-38.
- Burkert 2011, p. 105-109.
- (en) Irad Malkin, « Libation », dans OCD 2012, p. 829
- Burkert 2011, p. 94-95.
- Adeline Grand-Clément, « L'encens », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 59.
- (de) Christoph Auffarth, « Teure Ideologie – billige Praxis: Die ‚kleinen’ Opfer in der römischen Kaiserzeit », dans Eftychia Stavrianopoulou, Axel Michaels et Claus Ambos (éd.), Transformations in Sacrificial Practices: From Antiquity to Modern Times, Berlin, LIT, , p. 147-170.
- (en) William D. Furley, « Prayers and Hymns », dans Ogden 2007, p. 129-131.
- Burkert 2011, p. 149.
- Sylvain Perrot, « Un sacrifice en musique à Delphes en 128 avant notre ère », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 58.
- Burkert 2011, p. 147-149.
- Bruit Zaidman 2001, p. 45-51.
- Burkert 2011, p. 102-105 et 135-138.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 251253.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 330-332.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 367-368.
- Burkert 2011, p. 305.
- Bremmer 2012, p. 66.
- Burkert 2011, p. 305-308.
- (en) Jon D. Mikalson, « Calendar, Greek », dans OCD 2012, p. 263-264
- Burkert 2011, p. 144.
- Bruit Zaidman 2001, p. 23-24.
- Burkert 2011, p. 315.
- Bruit Zaidman 2001, p. 22.
- Bruit Zaidman 2001, p. 24-25.
- Maurice Sartre, « Évergétisme », dans Sartre, Sartre-Fauriat et Brun 2009, p. 225-226.
- Gleason 2006, p. 247-249.
- Burkert 2011, p. 144-145.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 2. 4.2 La procession.
- Burkert 2011, p. 154-155.
- Étienne, Müller et Prost 2014, p. 136.
- Burkert 2011, p. 146-152.
- Burkert 2011, p. 152.
- Burkert 2011, p. 153.
- Burkert 2011, p. 152-154.
- (en) Stephen Instone et Antony Spawforth, « Agōnes », dans OCD 2012, p. 40-41.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Chapitre 2. 4.4 Les concours et Chapitre 3. 2. Olympie et les concours.
- (en) Stephen Instone et Antony Spawforth, « Agōnes », dans OCD 2012, p. 41.
- Burkert 2011, p. 159.
- « the clarification of a specific point, present, future, or past » : (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 145.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 147.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 150-152.
- (en) Roger Beck, « Astrology », dans OCD 2012, p. 187-188.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 153-154.
- Burkert 2011, p. 157.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 154-155.
- (en) Robert Parker, « Oracles », dans OCD 2012, p. 1043.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 148-150.
- (en) Pierre Bonnechere, « Divination », dans Ogden 2007, p. 158.
- Bruit Zaidman 2001, p. 77.
- Bruit Zaidman 2001, p. 73-75.
- Burkert 2011, p. 369.
- Burkert 2011, p. 367-368.
- Bremmer 2012, p. 128.
- Burkert 2011, p. 368.
- Bruit Zaidman 2001, p. 73.
- Mikalson 2010, p. 78-85.
- Burkert 2011, p. 377-383.
- Bruit Zaidman 2001, p. 76-84.
- Burkert 2011, p. 372-377.
- Bremmer 2012, p. 128-129.
- Burkert 2011, p. 370-371.
- Burkert 2011, p. 369-370.
- Roller 2013, p. 305-306.
- Burkert 2011, p. 169.
- (en) Hendrik S. Versnel, « Magic », dans OCD 2012, p. 884.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, Postface 2. La magie.
- (en) Henrik S. Versnel, « Magic », dans OCD 2012, p. 885.
- Jean Bottéro, « Magie A. In Mesopotamien », dans Reallexikion der Assyriologie und Vorderasiatischen Archäologie, Berlin et New York, De Gruyter, 1987-1990, p. 201.
- « Though its practitioners might talk of bringing down the moon, for its users it was an object not of contemplation but of use, a tool to employ in a tight situation. It was a variety of religious action more than of religious experience. » : Parker 2011, p. 262.
- (en) Hendrik S. Versnel, « Magic », dans OCD 2012, p. 884-885.
- Burkert 2011, p. 170-171.
- Burkert 2011, p. 170.
- (en) Anne Sheppard, « Theurgy », dans OCD 2012, p. 1468.
- Burkert 2011, p. 264-265.
- (en) D. Felton, « The Dead », dans Ogden 2007, p. 86-88.
- Burkert 2011, p. 266-268.
- (en) D. Felton, « The Dead », dans Ogden 2007, p. 88-89.
- (en) Robin Osborne, « Unity vs. Diversity », dans Eidinow et Kindt 2015, p. 16-18.
- Brulé 2004, p. 414-418.
- Parker 2011, p. 225-236.
- Avant tout Nicolas Richer, La Religion des Spartiates : Croyances et cultes dans l'Antiquité, Paris, Les Belles Lettres, . Approches synthétiques : (en) Nicolas Richer, « The Religious System at Sparta », dans Ogden 2007, p. 236-252 ; Nicolas Richer, Sparte : Cite des arts, des armes et des lois, Paris, Perrin, , p. 221-245 ; (en) Michael A. Flower, « Spartan Religion », dans Anton Powell (dir.), A Companion to Sparta, Volume II, Malden, Wiley, , p. 425-451.
- Richer 2018, p. 222-233.
- Richer 2018, p. 234-235.
- Richer 2018, p. 234.
- Richer 2018, p. 238-239.
- Flower 2018, p. 443.
- Flower 2018, p. 443-445.
- Richer 2018, p. 226-227.
- Richer 2018, p. 240-241.
- Flower 2018, p. 445-446.
- Richer 2018, p. 242-245.
- Richer 2018, p. 236-237.
- Flower 2018, p. 437-440.
- (en) Anthony Spawforth, « Spartan Cults Under the Roman Empire: Some Notes », dans Jan M. Sanders (dir.), Philolakon: Lakonian Studies in Honour of Hector Catling, Londres, The British School at Athens, p. 227-238. (de) Annette Hupfloher, Kulte im kaiserzeitlichen Sparta : Eine Rekonstruktion anhand der Priesterämter, Berlin, Akademie Verlag, .
- Richer 2018, p. 233-235.
- Flower 2018, p. 444-445.
- Sur ces fêtes et concours et leur contexte de fondation : (en) Paul Cartledge et Anthony Spawforth, Hellenistic and Roman Sparta : A Tale of Two Cities, Londres et New York, Routledge, , 2e éd., p. 176-195.
- Notamment Madeleine Jost, Sanctuaires et cultes d'Arcadie, Paris, J. Vrin, .
- Adeline Grand-Clément, « Les « lois sacrées » et la variété des pratiques cultuelles », dans Ugaglia et Grand-Clément 2017, p. 70.
- (en) Madeleine Jost, « The Religious System in Arcadia », dans Ogden 2007, p. 264-265.
- Larson 2007, p. 144-145.
- (en) Madeleine Jost, « The Religious System in Arcadia », dans Ogden 2007, p. 270-271.
- (en) Madeleine Jost, « The Religious System in Arcadia », dans Ogden 2007, p. 269-273.
- Bruit Zaidman et Schmitt Pantel 2017, 2.6 Le panthéon en situation : l’exemple de la cité de Mantinée.
- Spawforth 2006, p. 156-160.
- Madeleine Jost, « Sanctuaires d’Arcadie trente ans après : bilan des recherches », Bulletin de correspondance hellénique, vol. 142, no 1, (DOI 10.4000/bch.288, lire en ligne, consulté le ).
- (en) Madeleine Jost, « The Religious System in Arcadia », dans Ogden 2007, p. 273-278.
- Bruneau et Ducat 2005, p. 49.
- Philippe Bruneau et Jean Ducat (dir.), Guide de Délos, Athènes et Paris, , 4e éd.. Sur la religion en particulier : Philippe Bruneau, Recherches sur les cultes de Délos à l'époque hellénistique et à l'époque impériale, Paris, de Boccard, . Voir aussi « 4. Délos - Les sanctuaires et les cultes », sur École française d'Athènes, (consulté le ).
- Bruneau et Ducat 2005, p. 49-51.
- Bruneau et Ducat 2005, p. 51-52.
- Bruneau et Ducat 2005, p. 52-53.
- Bruneau et Ducat 2005, p. 53-56.
- Bruneau et Ducat 2005, p. 56-64.
- Bruneau et Ducat 2005, p. 64.
- (en) Françoise Dunand, « The Religious System at Alexandria », dans Ogden 2007, p. 255-261.
- Mikalson 2010, p. 195-197.
- Julien Tondriau, « Esquisse de l'histoire des cultes royaux ptolémaïques », Revue de l'histoire des religions, t. 2, no 137, , p. 210-212 (lire en ligne, consulté le ).
- Édouard Will, Histoire politique du monde hellénistique 323-, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », (ISBN 2-02-060387-X), t. 1, p. 149.
- (en) Françoise Dunand, « The Religious System at Alexandria », dans Ogden 2007, p. 261-262.
- Mikalson 2010, p. 196-198.
- (en) Françoise Dunand, « Traditional Religion in Ptolemaic and Roman Egypt », dans Michele Renee Salzman et Marvin A. Sweeney (dir.), The Cambridge History of Religions in the Ancient World, volume II: From the Hellenistic Age to Late Antiquity, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 165-188.
Bibliographie
Dictionnaires
- Claude Mossé, Dictionnaire de la civilisation grecque, Paris, Complexe, .
- Maurice Sartre, Anne Sartre-Fauriat et Patrice Brun (dir.), Dictionnaire du monde grec antique, Paris, Larousse, coll. « In extenso », (ISBN 978-2-03-584834-5).
- (en) Simon Hornblower, Antony Spawforth et Esther Eidinow (dir.), The Oxford Classical Dictionary, Oxford, Oxford University Press, , 4e éd.
- Lexicon Iconographicum Mythologiae Classicae.
Recueils de sources
- Louise Bruit Zaidman, Les Grecs et leurs dieux : Pratiques et représentations religieuses dans la cité à l’époque classique, Paris, Armand Colin,
- (en) Valerie M. Warrior, Greek Religion : A Sourcebook, Newburyport, Company,
- (en) Emily Kearns, Ancient Greek Religion : A Sourcebook, Malden et Oxford, Wiley-Blackwell,
Histoire de la Grèce antique
- Claude Orrieux et Pauline Schmitt-Pantel, Histoire grecque, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Quadrige »,
- Claude Mossé et Annie Schnapp-Gourbeillon, Précis d'histoire grecque, Paris, Armand Colin, coll. « U »,
- Brigitte Le Guen (dir.), Maria Cecilia D'Ercole et Julien Zurbach, Naissance de la Grèce : De Minos à Solon, 3200 à 510 avant notre ère, Paris, Belin, coll. « Mondes anciens », .
- (en) Ian Morris et Barry B. Powell, The Greeks : History, Culture, and Society, Harlow, Pearson, , 2e éd..
Ouvrages généraux sur la religion
- Louis Gernet et André Boulanger, Le génie grec dans la religion, Paris, Albin Michel, coll. « L'évolution de l'humanité », (1re éd. 1932), 510 p..
- Louis Gernet (préf. Jean-Pierre Vernant), Anthropologie de la Grèce antique, Paris, Flammarion, coll. « Champs », , 286 p. (ISBN 978-2-08-081105-9).
- Jan N. Bremmer (trad. Alexandre Hasnaoui), La Religion grecque, Paris, Les Belles Lettres, (ISBN 978-2-251-44445-1).
- Walter Burkert (trad. Pierre Bonnechere), La Religion grecque à l'époque archaïque et classique, Paris, Picard, (1re éd. 1977)
- Louise Bruit Zaidman et Pauline Schmitt Pantel, La religion grecque dans les cités à l’époque classique, Paris, Armand Colin, coll. « Cursus », , 5e éd. (1re éd. 1989)
- Marie-Thérèse Le Dinahet, La religion des cités grecques - VIIIe – Ier siècle av. J.-C., Paris, Ellipses,
- (en) Robert Price, Religions of the Ancient Greek, Cambridge, Cambridge University Press,
- (en) Jon D. Mikalson, Ancient Greek Religion, Malden et Oxford, Wiley-Blackwell, (1re éd. 2005)
- (en) Robert Parker, On Greek religion, Ithaca, Cornell University Press,
- (en) Daniel Ogden (dir.), A Companion to Greek religion, Malden et Oxford, Blackwell, coll. « Blackwell companions to the ancient world », .
- (en) Esther Eidinow et Julia Kindt (dir.), The Oxford Handbook of Ancient Greek Religion, Oxford, Oxford University Press, .
Croyances et pensée religieuse
- Jean Rudhardt, Notions fondamentales de la pensée religieuse et actes constitutifs du culte dans la Grèce classique, Paris, Picard, (1re éd. 1958)
- (en) Henk Versnel (dir.), Faith, Hope and Worship : Aspects of Religious Mentality in the Ancient World, Leyde, Brill,
- Jacques Jouanna, « Hippocrate de Cos et le sacré », Journal des savants, nos 1-2, , p. 3-22 (lire en ligne, consulté le )
- Ghislaine Jay-Robert, « Essai d’interprétation du sens du substantif Hosiè dans l’Odyssée et dans les Hymnes homériques », Revue des études anciennes, t. 101, nos 1-2, , p. 5-20 (lire en ligne, consulté le ).
- Louis Moulinier, Le pur et l'impur dans la pensée des Grecs, d'Homère à Aristote, Paris, Klincksieck, , 449 p. (présentation en ligne).
- Louise Bruit Zaidman, Le commerce des dieux : eusebia, essai sur la piété en Grèce ancienne, Paris, La Découverte,
- (en) Esther Eidinow, Julia Kindt et Robin Osborne (dir.), Theologies of Ancient Greek religion, Cambridge, Cambridge University Press,
- Paul Veyne, Les Grecs ont-ils cru à leur mythes ?, Paris, Éditions du Seuil, coll. « Points Essais », (1re éd. 1983).
- Paul Veyne, L'empire gréco-romain, Paris, Le Seuil, coll. « Points - Histoire », , « Culte, piété et morale dans le monde gréco-romain », p. 503-656.
Mythologie
- Timothy Gantz, Mythes de la Grèce archaïque, Paris, Belin,
- (de) Fritz Graf, Griechische Mythologie : eine Einführung, Düsseldorf, Patmos Verlag,
- Suzanne Saïd, Approches de la mythologie grecque, Paris, Les Belles Lettres,
- Claude Calame, Qu'est-ce que la mythologie grecque ?, Paris, Gallimard, coll. « Folio Essais »,
Religion et philosophie
- André Motte, « Philosophie et religion dans la Grèce antique. Aperçu thématique et perspectives méthodologiques », Kernos, vol. 1, , p. 163-176 (DOI 10.4000/kernos.109, lire en ligne).
- André Motte, « Religion, poésie et philosophie. Les Grecs et la quête du divin », Revue Philosophique de Louvain, vol. Quatrième série, t. 91, no 91, , p. 366-382 (lire en ligne).
- Simone Weil, La source grecque, Paris, Gallimard, coll. « Espoir », , p. 77 à 136 : « Dieu dans Platon ».
- David Engels, « "Dieu est la vraie mesure de toute chose..." Platon et le culte grec traditionnel », Revue de l'histoire des religions, vol. 226, no 4, , p. 547-581 (lire en ligne).
- Laurent Motte, « L'expression du sacré chez Platon », Revue des Études Grecques, t. 102, nos 485-486, , p. 10-27 (lire en ligne)
- (en) Glenn W. Most, « Philosophy and Religion », dans David Sedley (dir.), The Cambridge Companion to Greek and Roman Philosophy, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 300-322
- (en) Jon D. Mikalson, Greek Popular Religion in Greek Philosophy, Oxford, Oxford University Press,
Sanctuaires et espaces sacrés
- (en) Nanno Marinatos et Robin Hägg (dir.), Greek Sanctuaries : New Approaches, Londres, Routledge, (1re éd. 1993) (ISBN 0-203-74094-7).
- (en) John Pedley, Sanctuaries and the Sacred in the Ancient Greek World, Cambridge, Cambridge University Press, .
- Jean Rudhardt, « La perception grecque du territoire sacré », Mélanges de l’École française de Rome. Antiquité, t. 113, no 1, , p. 175-188 (lire en ligne, consulté le ).
- Roland Étienne, Christel Müller et Francis Prost, Archéologie historique de la Grèce antique, Paris, Ellipses, , 3e éd., « Organisation des espaces sacrés », p. 125-139
- (en) Tony Spawforth, The Complete Greek Temples, Londres, Thames & Hudson,
Cultes et divinités
- Louis Séchan et Pierre Lévêque, Les grandes divinités de la Grèce, Paris, E. de Boccard, , 440 p..
- Marcel Detienne, Les dieux d'Orphée, Paris, Éditions Flammarion, coll. « Folio Histoire », (1re éd. 1989), 240 p. (ISBN 978-2-07-034182-5), p. 174.
- Walter Burkert, Les Cultes à mystères dans l'Antiquité, Les Belles Lettres, coll. « Vérité des mythes », (ISBN 2251324364).
- (en) Martin P. Nilsson, The Minoan-Mycenaean Religion and its survival in Greek Religion, Lund, (présentation en ligne).
- Violaine Sébillote, « Les Labyades : une phratrie à Delphes ? », Cahiers du Centre Gustave Glotz, no 8, , p. 39-49 (lire en ligne, consulté le ).
- (en) Jennifer Larson, Ancient Greek Cults : A Guide, New York, Routledge,
Rites
- Walter Burkert (trad. Hélène Feydy), Homo Necans : Rites sacrificiels et mythes de la Grèce ancienne, Les Belles Lettres, coll. « Vérité des mythes », (1re éd. 1983) (ISBN 2251324372).
- Marcel Detienne et Jean-Pierre Vernant, La Cuisine du sacrifice en pays grec, Gallimard, coll. « Bibliothèque des histoires », (ISBN 207028655X).
- Evelyne Ugaglia et Adeline Grand-Clément (éd.), Rituels grecs : Une expérience sensible, Toulouse, Musée Saint-Raymond, musée des Antiquités de Toulouse,
Périodes
- Pierre Brulé, « La religion, histoire et structure », dans Pierre Brulé et Raymond Descat (dir.), Le monde grec aux temps classiques. Tome 2 Le IVe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, coll. « Nouvelle Clio », , p. 413-479.
- (en) David Potter, « Hellenistic Religion », dans Andrew Erskine (dir.), A Companion to the Hellenistic World, Malden et Oxford, Wiley-Blackwell, , p. 407-430.
- (en) Emily Kearns, « Archaic and Classical Greek Religion », dans Michele Renee Salzman et Marvin A. Sweeney (dir.), The Cambridge History of Religions in the Ancient World, volume I: From the Bronze Age to the Hellenistic Age, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 280-306.
- (en) Lynn E. Roller, « Religions of Greece and Asia Minor », dans Michele Renee Salzman et Marvin A. Sweeney (dir.), The Cambridge History of Religions in the Ancient World, volume II: From the Hellenistic Age to Late Antiquity, Cambridge, Cambridge University Press, , p. 295-320.
- (en) Josef Lössl, « Religion in the Hellenistic and Early Post‐Hellenistic Era », dans Josef Lössl et Nicholas J. Baker-Brian (dir.), A Companion to Religion in Late Antiquity, Malden et Oxford, Wiley, , p. 33-59.
Historiographie
- (en) Julia Kindt, « Religion », dans Barbara Graziosi, Phiroze Vasunia et George Boys-Stones (dir.), The Oxford Handbook of Hellenic Studies, Oxford, Oxford University Press, , p. 364-377
- (en) James B. Rives, « Graeco-Roman Religion in the Roman Empire: Old Assumptions and New Approaches », Currents in Biblical Research, vol. 8, no 2, , p. 240-299 (DOI 10.1177/1476993X09347454)
- (en) F. S. Naiden, « Recent Study of Greek Religion in the Archaic through Hellenistic Periods », Currents in Biblical Research, vol. 11, no 3, , p. 388-427 (DOI 10.1177/1476993X12461203)
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- LIMC-France (LIMC) : corpus numérique d'objets antiques liés à la Mythologie gréco-romaine.
- Le Musée vivant de l'Antiquité, partie « Religion », site pédagogique de l'Académie de Versailles, très complet et qui développe des aspects qui ne sont ici qu'évoqués.
- Présentation des religions antiques
- Andrew Lang, Un côté négligé de la religion grecque, Études traditionnistes, Vol. VI, traduit par Henry Carnoy, Édition J. Maisonneuve, Paris, 1890, p. 46-56.
- Portail de la mythologie grecque
- Portail de la Grèce antique