Ex-voto

Un ex-voto est une offrande faite à un dieu en demande d'une grâce ou en remerciement d'une grâce obtenue à l'issue d'un vœu (votum) formulé en ce sens. Ces objets peuvent prendre de multiples formes et être réalisés dans de nombreux matériaux. Dans l'Antiquité romaine, il s'agit majoritairement de petites statuettes ou de plaques anatomiques, d'inscriptions sur tôles de bronze commémorant le vœu contracté et rappelant l'identité du contractant ; dans la religion chrétienne, il s'agit principalement de crucifix, de plaquettes de métal estampé, de tableaux, de petites inscriptions sur plaques de marbre, mais aussi, selon les régions et les sujets des prières, d'objets en lien avec la grâce accordée : maquettes de bateaux, t-shirts de sportifs, volants d'automobiles, médailles militaires, etc.

Ex-voto dans le sanctuaire de Notre-Dame de Bétharram (France).
Ex-voto dans une église de Tarbes.
Ex-voto de l’église Saint-Victor de Guyancourt contre l’épidémie de choléra qui frappa la commune de Guyancourt en 1850.
Ex-voto entourant la cloche de l'église Saint-Antoine des Hauts-Buttés.
Ex-voto dans l'église Notre-Dame-de-la Pitié à Roquebrune-sur-Argens.

Locution latine, ex voto signifie « d'après le vœu » conformément à ce qui a été souhaité »). Se dit aussi, par dénigrement, d'un mauvais tableau dont le sujet est pieux.

Origines du terme

Étymologiquement, ex-voto est un emprunt à la langue latine attesté pour la première fois en 1643 chez Saint-Amant (Saint-Amant, Poésies)[1]. Le terme est composé du latin ex à la suite de », « selon ») et de voto (venant de votum, « vœu »), dérivé de vovere votum faire un vœu ») et il est issu de l’expression ex voto suscepto signifiant « en conséquence d’un vœu souscrit »[1]. Les dictionnaires en proposent tous une définition similaire[2], à quelques variantes près : « objet placé dans un lieu vénéré en accomplissement d’un vœu ou en signe de reconnaissance ». Les encyclopédies liturgiques (tel le Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie dans les articles « ex-voto » et « donarium ») renvoient aux termes officiels de la législation canonique : Donarium, donaria, donaria votiva et tabellæ votivæ.

Fonction et typologie cultuelle

Trois formes de gestes

On distingue principalement deux aspects primordiaux pour la compréhension du geste votif. Dans un premier cas, l'objet est destiné à appuyer une demande auprès d’une divinité, dans le second, à remercier d’une grâce obtenue. On dit ainsi du premier qu'il est une offrande propitiatoire, et du second qu'il est gratulatoire. Une dernière forme d’offrande est parfois attestée ; elle consiste à déposer un ex-voto, uniquement afin de se rappeler à la mémoire de la divinité invoquée, en l'attente d'un vœu formulé mais encore inaccompli, elle est ainsi surérogatoire.

Une relation d'échange

Ces différents gestes traduisent la principale nature de l’ex-voto : celle qui fait de lui l'objet d'un contrat, au cours duquel il y a échange, don et contre-don, entre la divinité et le fidèle contractant. Mais le dépôt de ces objets est caractérisé par la création d’un lien sacralisé entre le dédicant et la divinité tutélaire ainsi que par l’engagement spirituel ou la gratitude du dédicant. L’ex-voto n’a d’autre valeur que celle qui lui est accordé par le sens qu’on lui donne. Qu’il soit une fine sculpture de marbre ou un simple tesson, il n’est jamais que symbole et n’a d’autre singularité que celle qui tient à sa fonction ; la qualité, les performances artisanales et techniques n’interviennent pas dans son statut exclusivement sociologique. Il est constitutif de l’être humain d’échanger, et en matière de vœux, tout peut être offert, de ce fait, l’ex-voto est difficilement saisissable typologiquement et sociologiquement puisqu’il est l’universalité du processus social de l’échange ; qu’il soit propitiatoire, gratulatoire, ou encore surérogatoire.

Historique et aire de diffusion

Religions antiques et polythéismes méditerranéens

La notion d’ex-voto est originellement en corrélation avec celle de divinité ; il serait ainsi possible d’en faire remonter la notion dès les ères néolithiques ou dans les civilisations égyptienne et mésopotamienne. Cependant, les premiers dépôts votifs attestés sont localisés à Chypre aux environs du Ier millénaire av. J.‑C. En droite filiation, semble-t-il, de l’usage qu’en firent les Grecs, les Étrusques et le monde romain usèrent abondamment de l’ex-voto dans son acception théurgicale.

Ex-voto de Esumopas Cnustious M.A.N..
Ex-voto en forme de poisson. Constantinople, XIXe siècle. Collections du Musée Benaki, Athènes.

S’il paraît attesté que l’ex-voto n’a pas pris part aux rites religieux gaulois, il sera a contrario parfaitement assimilé en Gaule romaine, particulièrement dans le cadre du culte de l’eau et des divinités guérisseuses[3].

Représenté parfois par l'objet même du vœu, une jambe, un sexe, une oreille, l'ex-voto romain et gallo-romain est parfois revêtu de la formule latine abrégée V.S.L.M. Votum Solvit Libens Merito (Il s'est acquitté de son vœu, de bon gré, comme il se doit). Les ex-voto anatomiques romains constituent des découvertes fréquentes dans les sanctuaires médicaux liés aux divinités de la médecine : Apollon, Asclépios, sanctuaires de source.

Dans le christianisme

Certainement héritées du paganisme, ces coutumes perdureront au sein du haut christianisme. Dans un premier temps combattu par l’Église durant le Haut Moyen Âge, le dépôt d’ex-voto sera normalisé sans être toutefois rattaché à aucun exercice liturgique officialisé. Dans toute la chrétienté, le fait votif sera intégré aux manifestations cultuelles et aux pèlerinages. En aparté des cultes officiels, la religion populaire usera des ex-voto parfois aux frontières de la superstition, voire de la profanation. Le christianisme occidental aura alors un effet catalyseur sur leur usage qui se diffusera dans les colonies (spécifiquement en Amérique latine) ; la religion orthodoxe en étendra, elle, l’usage jusqu’en Asie mineure. Une transmission directe du paganisme au christianisme, si elle n'est pas à exclure dans certains aspects particuliers, reste à démontrer dans tous les usages votifs et spécifiquement en ce qui concerne les ex-voto anthropomorphes.

Ex-voto marins

Ex-voto dans l'église Saint-Martin de Pauillac représentant le bateau de guerre Saint-Clément.

Dans de nombreux pays ayant une façade maritime et des communautés de marins importantes on rencontre des ex-voto à caractère maritime, sous forme de modèles réduits de navires, de dioramas ou de tableaux, qu'on peut classer suivant trois grandes familles :

  • bateaux votifs destinées aux processions, il s'agit souvent de maquettes de grande tailles, installées sur un brancard spécial, porté à l'épaule, destinées aux fêtes religieuses (telles les pardons bretons et les fêtes de saints considérés comme les protecteurs des gens de mer) ;
  • navires votifs offerts par les communautés de marins pour se placer sous la protection divine : ces maquettes, souvent de facture très fidèle à l'original sont suspendues de façon bien visible au centre de la nef de l'église, elles sont particulièrement nombreuses au Danemark et en Scandinavie sous le nom de Kirkskibet (navires d'église ou Church ships en Grande-Bretagne) il s'agit d'offrandes propitiatoires, parfois faites avant d'entreprendre une expédition maritime, mais sans lien avec une épreuve, un danger ou une « fortune de mer » précise ;
  • ex-voto gratulatoires à proprement parler : ils peuvent prendre la forme de modèles réduits de navires (plus fréquents en France sur la façade Manche/Atlantique que sur la façade méditerranéenne), de tableaux, en général légendés de façon précise, ce qui suscite l'intérêt des plongeurs archéologues (fréquents en Italie, en Provence et en Languedoc) ou encore de dioramas et de bateaux en bouteille. Ils sont liés à des vœux faits par des marins (ou parfois des passagers de navires) à l'occasion de périls encourus en mer : tempête, incendie à bord, danger d'échouage, accident personnel lié au métier de marin (chute depuis la mâture, homme à la mer, accidents liés aux machines et chaudières) ou encore fait de guerre, tels que torpillage ou combat naval. Les maquettes réalisées par les matelots sont souvent de facture précise, et constituent autant de documents intéressants pour l'archéologue naval, mais comme noté par le commandant Hayet dans ses livres, les créateurs ont parfois eu tendance à « flatter le modèle » en gratifiant la maquette d'une voilure ou d'une batterie de canons proportionnellement plus importante que sur le navire réel. Il en va de même pour les tableaux, de facture souvent naïve lorsque réalisée à bord, sur de la toile à voile et avec de la peinture tirée des réserves du navire. D'autres tableaux plus académiques étaient souvent réalisés de retour au port d'attache par des peintres professionnels spécialisés. Le commandant Hayet, ancien officier au long cours et mémorialiste de la dernière période de la marine à voile ironise gentiment, dans son livre Us et coutumes à bord des grands voiliers, sur les vœux des matelots et les ex-voto promis qui subissaient de « subtiles adaptations » une fois le péril terminé. Tel matelot qui avait promis une maquette de trois-mâts réalisait en effet un trois mâts... mais gréé en goélette, donc d'une exécution infiniment plus simple qu'un modèle gréé avec de complexes voiles carrées, tel autre qui avait promis un cierge gros comme le grand mât ou la vergue de misaine faisait confectionner un cierge du même diamètre, mais long seulement d'une trentaine de centimètres...
  • Trois expositions relatives aux ex-voto marins ont eu lieu au Musée national de la Marine, la première intitulée Ex-voto marins du Ponant en 1975, la deuxième Ex-voto de Méditerranée en 1978 et la troisième, consacrée aux ex-voto marins dans le monde, s'est déroulée du 11 juin au 18 octobre 1981.

Quelques lieux célèbres pour leurs pratiques votives

Ex-voto provenant de Maennolsheim et conservé au Musée Alsacien. XVIIIe siècle.
Ex-voto de la peste 1528 Basilique Saint Sernin de Toulouse

Notes et références

  1. « Ex-voto », sur cnrtl.fr (consulté le )
  2. Le terme est en principe invariable, comme le veut sa formation ; mais le Trésor de la langue française signale que le pluriel se trouve parfois dans la documentation et donne un exemple de Jules Romains.
  3. C. Bourgeois, Divona. Divinités et ex-voto du culte gallo-romain de l’eau, Paris, De Boccard, 1991.
  4. Sanctuaire Notre-Dame du Beausset vieux et ses 80 ex-voto
  5. Chapelle Notre Dame de la Médaille Miraculeuse, Site officiel
  6. Sanctuaire de Sainte-Anne d’Auray

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • François et Colette Boullet, Ex-voto marins, Éd. maritimes et d'Outre-mer, 1978.
  • Claude Bourgeois, Divona. Divinités et ex-voto du culte gallo-romain de l'eau, Paris, De Boccard, 1991.
  • Claude Bourgeois, Divona II. Monuments et sanctuaires du culte gallo-romain de l'eau, Paris, De Boccard, 1992.
  • Simone Deyts, Les Bois sculptés des Sources de la Seine, supplément à Gallia, Paris, CNRS, 1983.
  • Albert Grenier, Manuel d'archéologie gallo-romaine - Les monuments des eaux (1. Aqueducs et thermes, 2. Villes d'eau et sanctuaires de l'eau), t. IV, Paris, Picard, 1931-1960.
  • Anne-Marie Romeuf & Monique Dumontet, Les ex-voto gallo-romains de Chamalières (Puy-de-Dôme), Paris, DAF, Éd de la Maison des sciences de l'homme, 2000.
  • Pierre-Jean Trombetta, « L'ex-voto au Moyen Âge : un phénomène sous-estimé », Medieval Europe Brugge 1997 : Papers of the "Medieval Europe Brugge 1997" Conference. IV. Religion and Belief in Medieval Europe, Bruges, Instituut voorhet Archeologisch Patrimonium, 1997, pp. 255-264.
  • Collectif, Ex-voto des Alpes-Maritimes, Nice, Art et Culture des Alpes-Maritimes (ACAM), , 64 p. (ISBN 2-906700-15-0) Commentaire biblio|Cahier des Alpes-maritimes n°12 édité par le Conseil Général des Alpes-Maritimes (ACAM) constituant le catalogue de l’exposition présentée en la chapelle Saint-Claude de Cipières de juillet à septembre 1995, présentant une sélection d’objets votifs réunis à l’occasion d’un inventaire systématique. Presses d’Imprimix Nice.
  • Ex-voto marins du Ponant, exposition, Paris, Musée national de la Marine, 1975-1976. Paris : Musée national de la Marine, 1975.
  • Ex-voto marins de Méditerranée, exposition, Paris, Musée national de la Marine, 1978. Paris : Musée national de la Marine, 1978.
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