Celse (philosophe)

Celse, philosophe romain du IIe siècle écrivant en langue grecque, est l’auteur d’un ouvrage analytique et articulé, Discours véritable (en grec ancien : Λόγος Ἀληθής), rédigé vers 178. Il s’agissait d’un ouvrage dans lequel il attaquait le christianisme naissant par les armes du raisonnement et du ridicule. Le texte original est perdu, mais la majeure partie nous est parvenue par les extraits étendus cités par son grand contradicteur Origène dans son ouvrage Contre Celse, réfutation du Discours véritable.

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La personne et la vie de Celse

« De la personne et de la vie de Celse nous ne savons que ce qu'il nous confie lui-même au cours de son ouvrage », Le Discours véritable contre les chrétiens, « et ce que nous en rapporte, avec beaucoup d'incertitude, son réfutateur, Origène[1] ».

« Au cours de son ouvrage, Celse nous apprend qu'il a voyagé en Palestine, en Phénicie, en Égypte[1] ».

« Origène identifie, par simple conjecture, l'auteur du Discours véritable avec le Celse auteur d'un livre contre les magiciens, auquel Lucien de Samosate dédia, vers 180, son spirituel traité sur Alexandre d'Abonotique », Alexandre ou le faux Prophète. « Origène nous déclare (dans son Contre Celse, I, 8) que les autres ouvrages de son adversaire [Celse] prouvent qu'il était épicurien » ; cependant, dans d'autres passages, Origène ne semble plus certain d'avoir affaire à un philosophe disciple d'Epicure[2]. Louis Rougier incline à penser que le « Celse d'Origène » et le « Celse ami de Lucien » sont une seule et même personne, dans la mesure où il est peu probable que deux auteurs homonymes et contemporains se soient tous deux acharnés à « dépister l'imposture » avec la même « salubrité intellectuelle ». Selon L. Rougier, Celse, qui apparaît surtout dans son Discours véritable comme un platonicien, a pu être aussi épicurien : « en philosophie, Celse, comme la plupart de ses contemporains, est un éclectique[3] ». En revanche, Michel Fédou serait tenté de considérer que l'auteur du Discours véritable et l'épicurien ami de Lucien de Samosate sont deux personnes distinctes : le premier, en effet « reflétait avant tout les tendances du Moyen Platonisme au IIe siècle de notre ère »[4].

Le « Discours véritable »

Le « Discours véritable », parfois appelé plus explicitement par les éditeurs « Discours contre les chrétiens », est l’un des plus anciens ouvrages de critique contre le christianisme. À son époque, peu de personnes semblent s’être intéressées en détail à cette religion issue du judaïsme, divisée en nombreuses sectes et ayant mauvaise réputation, si l'on en croit son introduction.

Celse n’y oppose pas les religions grecque ou romaine traditionnelles telles quelles, mais une religion syncrétique fondée sur un être suprême dont les dieux des panthéons païens ne sont que des représentations, et associée à l’enseignement des grands philosophes grecs, donc ce n’est pas le monothéisme en soi qu’il reproche aux chrétiens (et aux juifs) mais plutôt de s’approprier l’« Être Suprême » à leur seul profit.

Si Celse ne prête que peu de crédit aux ragots sur les messes secrètes, il pense que cette religion représente un danger religieux, politique et social :

  • Du point de vue religieux, il récuse les prétentions chrétiennes (et juives) à être la seule vraie religion. Il conteste le statut divin de Jésus de Nazareth et affirme que ce n’est qu’un simple mortel, chef spirituel d'une secte, dont l’histoire a été enjolivée par les chrétiens en s’inspirant entre autres de mythes païens. Il effectue une critique des principaux récits fondateurs bibliques, et de la théologie chrétienne ;
  • En matière philosophique et morale, il récuse toute supériorité morale du christianisme sur les religions païennes, déclarant que la morale chrétienne n'a pas de réelle originalité, qu'elle est copiée de la morale préexistante des philosophes, mais présentée de façon vulgaire et stupide ;
  • Au-delà des aspects religieux et philosophique, c’est surtout son aspect politique et social qui, pour Celse, représente le vrai danger du christianisme. Le christianisme a été persécuté par l’Empire romain pour des raisons politiques, les chrétiens refusant d’accomplir certains devoirs civiques[5] et de se plier aux actes de la « religion civile » du culte de l'Empereur.

Dans son ouvrage, Celse affirme que les chrétiens sont en fait des révolutionnaires refusant la discipline citoyenne et mettant ainsi en danger non seulement l’Empire, mais toute civilisation elle-même si elle se généralisait. Il prédit que l’Empire tomberait ainsi aux mains des Barbares. De même, il reproche aux chrétiens d’être, de leur propre aveu, prêts à séduire les empereurs romains, voire les éventuels vainqueurs de ces derniers[6].

Extraits

« Il est une race nouvelle d’hommes nés d’hier, sans patrie ni traditions, ligués contre toutes les institutions religieuses et civiles, poursuivis par la justice, universellement notés d’infamie, mais se faisant gloire de l’exécration commune : ce sont les chrétiens […].

Dans ces derniers temps, les chrétiens ont trouvé parmi les juifs un nouveau Moïse qui les a séduits mieux encore. Il passe auprès d’eux pour le fils de Dieu et il est l’auteur de leur nouvelle doctrine […]. On sait comment il a fini. Vivant, il n’avait rien pu faire pour lui-même ; mort, dites-vous, il ressuscita et montra les trous de ses mains. Mais qui a vu tout cela ? […]

Soutenez l’empereur de toutes vos forces, partagez avec lui la défense du droit ; combattez pour lui si les circonstances l’exigent ; aidez-le dans le commandement de ses armées. Pour cela, cessez de vous dérober aux devoirs civils et au service militaire ; prenez votre part des fonctions publiques, s’il le faut, pour le salut des lois et la cause de la piété. »

Contre l'anthropocentrisme

Celse dénonce aussi l'anthropocentrisme si cher au christianisme (et dans une moindre mesure, celui du stoïcisme, puisqu'il précise que ce n'est pas seulement au créationnisme juif, tel qu'il lui apparaît, auquel il reproche l'idée que l'homme peut disposer des créatures selon les courbures de son cœur) :

« Ce monde n'a pas été fait en vue de l'homme plutôt qu'en vue du lion, de l'aigle ou du dauphin. Il a été fait de telle sorte qu'il fût parfait et achevé comme il convenait à l’œuvre de Dieu ; et c'est pourquoi toutes les parties qui le composent ne sont pas ajustées à la mesure de l'une d'entre elles, mais chacune concerte à l'effet d'ensemble et en dépend. C'est uniquement de cet ensemble que Dieu prend soin ; c'est lui que la Providence n'abandonne jamais. (…) Dieu ne s'irrite pas plus au sujet des hommes qu'au sujet des singes ou des rats. Il ne menace aucun être. »

« Si donc les oiseaux, pour ne parler que d'eux, nous dévoilent par des signes [leur langage sacré] tout ce que Dieu leur a révélé, il suit de là qu'ils vivent dans une intimité plus étroite que nous avec la Divinité, nous surpassant en cette science et sont plus chers à Dieu que nous. »

Notes et références

  1. Louis Rougier, Celse, ou le conflit de la civilisation antiqueet du christianisme primitif, Éditions du Siècle, 1925, p. 47.
  2. Louis Rougier, Celse, ou le conflit de la civilisation antiqueet du christianisme primitif, Éditions du Siècle, 1925, p. 47-48.
  3. Louis Rougier, Celse, ou le conflit de la civilisation antique et du christianisme primitif, Éditions du Siècle, 1925, p. 52.
  4. Michel Fédou, Christianisme et religions païennes dans le Contre Celse d'Origène, Beauchesne, 1988, p. 39. C'est également l'opinion de C. Moreschini, Apuleio e il Platonismo, Florence, 1978, pour qui Celse appartient, avec Numénius et Atticus, au médio-platonisme.
  5. Voir l'article Martin de Tours.
  6. La chute de l'Empire romain et la conversion des Barbares au christianisme ne contredisent pas cette vision.

Bibliographie

Traductions

  • Celse contre les chrétiens (Discours vrai, 178), trad. Louis Rougier, 1925, Éditions du siècle, Paris. (ISBN 978-2-85984-005-1)
La 22e édition (1997) (ISBN 978-2-86980-022-9)

Études

  • Origène, Contre Celse (248), trad. M. Borret, Cerf, coll. "Sources chrétiennes", 1967-1976, 5 vol.
  • (de) Theodor Keim, Gegen die Christen. (1873) [Celsus' wahres Wort], Reprint Matthes & Seitz, München, 1991 (ISBN 978-3-88221-350-8).
  • Élysée Pélagaud, Étude sur Celse et la première escarmouche entre la philosophie antique et le christianisme naissant, Lyon, H. Georg, 1878, XIX-463 p., in-8°.
  • (en) Édition de K. J. Neumann dans Scriptores Graeci qui Christianam impugnaverunt religionem
  • (en) article dans Hauck-Herzog’s Realencyk. fur prot. Theol.
    Donne une bibliographie assez fournie.
  • (en) W. Moeller, History of the Christian Church, i.169 ff.
  • (en) Adolf von Harnack, Expansion of Christianity, ii. 129 if.
  • (en) James Anthony Froude, Short Studies, iv.
  • Origène (trad. Marcel Borret), Contre Celse, t. 5, Cerf, coll. « Sources chrétiennes » (no 132-136-147-150-227), 1967-1976
    • (de) Origène : Acht Bücher gegen Celsus. Übersetzt von Paul Koetschau. Josef Kösel Verlag. München. 1927.
  • (de) Celsus : Gegen die Christen. Übersetzt von Th. Keim (1873) [Celsus' wahres Wort], Reprint Matthes & Seitz, München 1991 (ISBN 978-3-88221-350-8)
  • (de) Die »Wahre Lehre« des Kelsos. Übersetzt und erklärt von Horacio E. Lona. Reihe : Kommentar zu frühchristlichen Apologeten (KfA, Suppl.-Vol. 1), hrsg. v. N. Brox, K. Niederwimmer, H. E. Lona, F. R. Prostmeier, J. Ulrich. Verlag Herder, Freiburg u.a. 2005, 510 p., (ISBN 978-3-45128-599-8)
  • (en) Celsus the Platonist - Catholic Encyclopedia article
  • Jean Coryn, « Nouvelles remarques sur Celse et le discours vrai », Cahiers du Cercle Ernest Renan, 2e trimestre 1957

Voir aussi

Articles connexes

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