Tantale fils de Zeus

Dans la mythologie grecque, Tantale[1] (en grec ancien : Τάνταλος / Tántalos) est un mortel, ami des dieux[2]. Fils de Zeus[1],[3] et de la nymphe Ploutô[3], il est roi de Phrygie[3]. Certaines traditions en font le fils de Tmolos[3] et d'Omphale[3], et un roi de Lydie[1],[3]. Il est l'époux de Dioné, fille d'Atlas, et le père de Pélops[4], de Niobé[5] et de Brotéas[6].

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Pour avoir offensé les dieux, ceux-ci le châtient en le condamnant au supplice. Plusieurs versions de la faute commise par Tantale et de son châtiment sont connues[7].

Par antonomase, un tantale est une personne qui désire ardemment quelque chose qui lui est inaccessible[8].

Mythe

Le festin donné aux dieux par Tantale, Hugues Taraval,1767.

Les dieux honoraient Tantale de leur amitié et le recevaient à leur table divine. Mais il trahit leur amitié, de diverses manières, selon les auteurs.

D'après un scholiaste de l'Odyssée[9], Tantale, qui passait son temps à banqueter avec de jeunes gens de son âge, aurait dérobé du nectar et de l'ambroisie pour en donner à ses compagnons. Zeus l'aurait alors chassé du banquet divin, l'aurait suspendu à une haute montagne, attaché par les mains, puis aurait renversé le mont Sipyle sur l'endroit où il avait été enseveli[7]. De l'aveu du scholiaste[7], cette version est celle d'Asclépiade de Tragilos[10]. Pindare[11] présente une version voisine d'après laquelle Tantale aurait volé du nectar et de l'ambroisie pour donner ces mets divins aux mortels : les dieux l'auraient alors puni en plaçant au-dessus de sa tête un énorme rocher en équilibre instable, menaçant de tomber à tout moment.

Selon Diodore de Sicile[12], Tantale, que les dieux admettaient à leur table commune et à leurs entretiens intimes, aurait révélé aux mortels des secrets divins[7]. Il en est de même pour Hygin[13] qui précise que les dieux punirent Tantale en le condamnant à rester debout, le corps à demi plongé dans l'eau, tenaillé par la faim et la soif, tout en étant menacé de la chute du rocher.

Sisyphe, Ixion et Tantale. Gravure de Charles Grignion, 1790.

D'après une scholie de l’Odyssée[14], Pandarée aurait dérobé dans un sanctuaire de Zeus, en Crète, un chien animé en or fabriqué par Héphaïstos et l'aurait confié en dépôt à Tantale. Zeus et Hermès l'auraient réclamé à Tantale qui leur aurait juré ne pas l'avoir. Zeus aurait retourné sur Tantale le mont Sipyle[7]. Une autre scholie de l'Odyssée[15] présente une version similaire qui s'achève ainsi : Zeus aurait ordonné à Hermès de rechercher l'automate ; arrivé chez Tantale, Hermès l'aurait interrogé ; Tantale aurait juré, par Zeus et les autres dieux, n'être au courant de rien ; mais Hermès aurait découvert l'automate chez Tantale[7]. Antoninus Liberalis[16] présente une version similaire[17].

Selon Pausanias, Tantale fut enterré au pied de la ville du Mont Sipylos[18].

La légende dit que Tantale offrit aux dieux lors d'un banquet son propre fils Pélops. Les dieux virent tout de suite qu'il s'agissait de viande humaine, sauf Déméter qui avala un bout de l’épaule. Zeus ordonna à Hermès de ramener l'enfant des Enfers et de remplacer son épaule par un morceau d'ivoire. D'autres versions racontent que c'est la Moire Clotho qui ramena Pélops à la vie en faisant bouillir son corps dans sa salive[réf. nécessaire]. Les dieux condamnèrent Tantale à ce qui deviendra célèbre sous le nom de « supplice de Tantale » : passer l'éternité dans le Tartare à souffrir un triple supplice : Homère dans l’Odyssée[19] et Télès dans ses diatribes racontent que Tantale est placé au milieu d’un fleuve et sous des arbres fruitiers, mais le cours du fleuve s'assèche quand il se penche pour en boire, et le vent éloigne les branches de l'arbre quand il tend la main pour en attraper les fruits[20].

Interprétations

Le cannibalisme est un mode de sacrifice largement attesté. Le sacrifice du premier fils du chef l'est aussi, mais on peut supposer que, même admis et considéré comme nécessaire, ce sacrifice reste un crève-cœur aussi bien pour le proposant (son père) que pour les autres membres de la communauté. Enfin, les sacrifices sont toujours dangereux, surtout pour l'officiant. C'est lui qui portera le poids du malheur si le résultat escompté n'est pas obtenu. On peut supposer que le sacrifice prévu ait mal tourné ; les participants ont refusé le sacrifice et considéré que c'est le père qui commettait une faute en proposant son fils. Et Tantale n'a sans doute pas montré suffisamment de compassion à l'égard de ce fils, ni d'intelligence pour trouver un bouc émissaire. Le mythe marque certainement pour l’histoire en Grèce antique, sinon la fin des sacrifices humains, du moins leur raréfaction en raison d'un caractère abominable reconnu. Seule une demande explicite des dieux justifiera désormais ce rite[21]. Le fait que Déméter ait toutefois mangé pourrait avoir un rapport au culte qui lui était voué par les mystères d'Éleusis, donc aux sacrifices liés au retour du printemps et à la moisson.

Tantale chez Xénophon

Xénophon représente Tantale aux Enfers comme quelqu’un sans cesse tourmenté par la peur de mourir une fois supplémentaire[22].

Tantale chez Platon

Platon dans son dialogue intitulé Gorgias remarque que l’on ne retrouve que des criminels et meurtriers puissants dans le Tartare[23], et donne pour supplice à Tantale un rocher qui menace sans cesse de l’écraser[24] : Socrate fait dériver le nom même de Tantale du mot Tántalos qui signifie « balancé » en grec ancien. Un rapprochement avec τάλας / tálas, « malheureux », est une étymologie populaire présente dans Cratyle de Platon[25].

Notes et références

  1. Entrée « Tantale » [html], sur Encyclopédie Larousse (en ligne), Larousse (consulté le ).
  2. Marc Richir, L'expérience du penser : phénoménologie, philosophie, mythologie, Grenoble, J. Millon, coll. « Krisis », 1re éd., 473 p., 24 cm (ISBN 2-84137-044-5 et 978-2-84137-044-3, OCLC 416233308, notice BnF no FRBNF35866973, présentation en ligne) [lire en ligne (page consultée le 1er juin 2016)].
  3. Mathieu Aref (préf. de Dominique Briquel), Grèce (Mycéniens = Pélasges) ou la solution d'une énigme, Paris, M. Aref, coll. « Mnémosyne », , 479 p., 24 cm (ISBN 2-9519921-1-4 et 978-2-95199211-5, OCLC 55664766, notice BnF no FRBNF39147593), p. 345 [aperçu (page consultée le 1er juin 2016)].
  4. Entrée « Pélops » [html], sur Encyclopédie Larousse (en ligne), Larousse (consulté le ).
  5. Entrée « Niobé » [html], sur Encyclopédie Larousse (en ligne), Larousse (consulté le ).
  6. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], Livre II (22))
  7. Institut des sciences et techniques de l'Antiquité (éd.) (trad., annotations et commentaires de Jean-Claude Carrière et Bertrand Massonie, publ. par l'Équipe Analyse des formations sociales de l'Antiquité, de Besançon (Centre national de la recherche scientifique, Unité de recherche associée 0338)), La Bibliothèque d'Apollodore, Besançon, Université de Besançon (diff. Paris, Les Belles Lettres), coll. « Annales littéraires de l'Université de Besançon (no 443), Centre de recherches d'histoire ancienne (no 104), Institut Félix-Gaffiot (no 7) et Lire les polythéismes no 3 », , 310 p., 24 cm (ISBN 2-251-60443-X, notice BnF no FRBNF35495084), p. 263 [lire en ligne (page consultée le 1er juin 2016)].
  8. Définitions lexicographiques et étymologiques de « tantale » (sens A) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le 1er juin 2016].
  9. Scholiaste de l'Odyssée, 11, 582.
  10. Danièle Auger et Suzanne Saïd (éd.), Généalogies mythiques : actes du VIIIe Colloque du Centre de recherches mythologiques de l'université de Paris-X (Chantilly, -), Nanterre, Centre de recherches mythologiques de l'université de Paris-X (Nanterre) [diff. Paris, Les Belles Lettres], [1re éd.], 463 p., 22 cm (ISBN 2-251-97803-8 et 978-2-251-97803-1, OCLC 467975778, notice BnF no FRBNF37025861), p. 114, n. 109 [aperçu (page consultée le 1er juin 2016)].
  11. Pindare, Olympiques, I, 55-60 = v. 86-102.
  12. Diodore de Sicile, Bibliothèque historique, IV, 7, 2.
  13. Hygin, Fables [détail des éditions] [(la) lire en ligne], LXXXII.
  14. Scholie de l'Odyssée, 19, 518.
  15. Scholie de l'Odyssée, 20, 60.
  16. Antoninus Liberalis, Métamorphoses, 36.
  17. Alexandre Marcinkowski et Jérôme Wilgaux, « Automates et créatures artificielles d'Héphaïstos : entre science et fiction », Techniques & Culture, nos 43-44 « Mythes : l'origine des manières de faire », , part. 2 Du malentendu à l'invention rêvée »), art. 3 (lire en ligne [html], consulté le ) n. 15 [lire en ligne (page consultée le 1er juin 2016)].
  18. Pausanias, Description de la Grèce [détail des éditions] [lire en ligne], Livre II, (22)
  19. Homère, Odyssée [détail des éditions] [lire en ligne], XI.
  20. Lucien de Samosate 2015, p. 216
  21. voir Agamemnon, descendant de Tantale
  22. Xénophon, Économique, XII, 21.
  23. Platon, Gorgias, 525e.
  24. Platon, Gorgias, 526e.
  25. Platon, Gorgias, 395c-e.

Voir aussi

Sources

Bibliographie

  • Luc Brisson (dir.) (trad. du grec ancien par Catherine Dalimier), Cratyle : Platon, Œuvres complètes, Paris, Éditions Flammarion, (1re éd. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2-08-121810-9). 
  • Xénophon (trad. Pierre Chambry), Anabase. - Banquet. - Économique. - De la chasse. - La République des Lacédémoniens. : La République des Athéniens. : Œuvres complètes, t. II, Garnier-Flammarion, , p. 297-306. 
  • Émile Chambry, Émeline Marquis, Alain Billault et Dominique Goust (trad. du grec ancien par Émile Chambry), Lucien de Samosate : Œuvres complètes, Paris, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », , 1248 p. (ISBN 978-2-221-10902-1), « Les Dipsades », p. 905. 
  • Luc Brisson (dir.) (trad. du grec ancien), Platon, Œuvres complètes, Paris, Éditions Flammarion, (1re éd. 2006), 2204 p. (ISBN 978-2-08-121810-9). 

Articles connexes

Liens externes

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