Jacques Chaban-Delmas
Jacques Chaban-Delmas, souvent surnommé « Chaban », né Jacques Delmas[alpha 1] le à Paris 13e et mort le à Paris 7e, est un résistant, général de brigade et homme d'État français. Il est Premier ministre du au .
Pour les articles homonymes, voir Delmas.
« Chaban » redirige ici. Pour le château éponyme, voir château de Chaban.
Cet article concerne l'homme politique. Pour le joueur de rugby à XV, voir Jacques Delmas.
Jacques Chaban-Delmas | ||
Jacques Chaban-Delmas en 1969. | ||
Fonctions | ||
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Premier ministre français | ||
– (3 ans et 15 jours) |
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Président | Georges Pompidou | |
Gouvernement | Jacques Chaban-Delmas | |
Législature | IVe (Cinquième République) | |
Coalition | UDR – FNRI – CDP | |
Prédécesseur | Maurice Couve de Murville | |
Successeur | Pierre Messmer | |
Président de l'Assemblée nationale | ||
– (2 ans, 2 mois et 10 jours) |
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Législature | VIIIe (Cinquième République) | |
Prédécesseur | Louis Mermaz | |
Successeur | Laurent Fabius | |
– (3 ans, 1 mois et 18 jours) |
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Législature | VIe (Cinquième République) | |
Prédécesseur | Edgar Faure | |
Successeur | Louis Mermaz | |
– (10 ans, 6 mois et 11 jours) |
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Législature | Ire, IIe, IIIe et IVe (Cinquième République) | |
Prédécesseur | André Le Troquer (IVe République) |
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Successeur | Achille Peretti | |
Ministre de la Défense nationale et des Forces armées | ||
– (6 mois et 8 jours) |
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Président | René Coty (IVe République) | |
Gouvernement | Félix Gaillard | |
Prédécesseur | André Morice | |
Successeur | Pierre de Chevigné | |
Ministre d'État | ||
– (1 an, 3 mois et 23 jours) |
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Président | René Coty | |
Gouvernement | Guy Mollet | |
Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme | ||
– (5 mois et 2 jours) |
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Président | René Coty | |
Gouvernement | Pierre Mendès France | |
Prédécesseur | Maurice Bourgès-Maunoury | |
Successeur | Édouard Corniglion-Molinier | |
– (1 mois et 26 jours) |
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Président | René Coty | |
Gouvernement | Pierre Mendès France | |
Prédécesseur | Jacques Chastellain | |
Successeur | Maurice Bourgès-Maunoury | |
Maire de Bordeaux | ||
– (47 ans et 8 mois) |
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Prédécesseur | Jean-Fernand Audeguil | |
Successeur | Alain Juppé | |
Député | ||
– (24 ans et 19 jours) |
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Élection | ||
Réélection | ||
Circonscription | 2e de la Gironde (1973-1986 ; 1988-1997) Gironde (1986-1988) |
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Législature | Ve, VIe, VIIe, VIIIe, IXe et Xe (Cinquième République) | |
Groupe politique | UDR (1973-1976) RPR (1976-1997) |
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Prédécesseur | Jacques Valade | |
Successeur | Alain Juppé | |
– (22 ans, 7 mois et 22 jours) |
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Élection | ||
Réélection | ||
Circonscription | Gironde (1946-1958) 2e de la Gironde (1958-1969) |
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Législature | Ire, IIe et IIIe (Quatrième République) Ire, IIe, IIIe et IVe (Cinquième République) |
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Groupe politique | RRRS, RPF, RS, UNR, UNR-UDT, UD-Ve, UDR | |
Prédécesseur | Aucun | |
Successeur | Jacques Chabrat | |
Biographie | ||
Nom de naissance | Jacques Michel Pierre Delmas | |
Surnom | Chaban Le Duc d'Aquitaine |
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Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Paris 13e (France) | |
Date de décès | (à 85 ans) | |
Lieu de décès | Paris 7e (France) | |
Nature du décès | Infarctus du myocarde | |
Sépulture | Ascain, France | |
Nationalité | Française | |
Parti politique | PRRS (1940-1947) RPF (1947-1955) RS (1955-1958) UNR (1958-1968) UDR (1968-1976) RPR (1976-2000) |
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Diplômé de | Faculté de droit de l'université de Paris École libre des sciences politiques |
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Profession | Journaliste Inspecteur des finances Général de brigade |
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Religion | Catholicisme | |
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Premiers ministres français Président de l'Assemblée nationale française Ministre français de la Défense Ministre français des Travaux publics Maires de Bordeaux |
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Considéré comme l’un des « barons du gaullisme », il est notamment maire de Bordeaux de 1947 à 1995, ministre sous la IVe République et président de l’Assemblée nationale à trois reprises entre 1958 et 1988.
Chef du gouvernement sous la présidence de Georges Pompidou, il préconise une « Nouvelle société », d'inspiration centriste et sociale. Candidat gaulliste à l’élection présidentielle de 1974 à la suite de la mort de Georges Pompidou, il subit la concurrence du libéral Valéry Giscard d'Estaing et se voit éliminé dès le premier tour ; cet échec sera à l’origine du terme « chabanisation », un néologisme désignant la marginalisation rapide du favori d'un scrutin électoral.
Biographie
Origines
Fils de Pierre Delmas (1887-1980), ingénieur-conseil chez Delahaye[1] et de Georgette Barrouin (1895-1985)[2], professeur de musique à Bordeaux, il naît au 76 boulevard de l’Hôpital à Paris. Ses parents se séparent en 1927 et sa mère se remarie en 1928 avec Maurice Legendre, pilote de chasse pendant la Première Guerre mondiale, devenu marchand de meubles[3].
Élève médiocre au lycée Lakanal, à Sceaux, il y découvre le rugby et sa tradition éducative. Il étudie ensuite à la faculté de droit de Paris et est diplômé de l'École libre des sciences politiques (Sciences Po), licencié en droit et diplômé d'études supérieures d'économie politique et de droit public en 1937 avec Michel Debré et Jean-Marcel Jeanneney[4]. En 1933, il entre en tant que journaliste financier au quotidien L'Information économique et financière.
En 1938-1939, pour son service militaire au 37e régiment d'infanterie de Bitche en Moselle, il fait les EOR, est reçu premier et sort major de la promotion du maréchal Joffre à Saint-Cyr en . Au moment de la défaite de , il est sous-lieutenant au 75e bataillon alpin de forteresse dans le massif de l'Authion au nord de Nice[5].
Vichy et la Résistance
Il a 25 ans en . Démobilisé le 3 août 1940, il ne parvient pas à gagner Londres[6]. Ne supportant pas l'humiliation de la défaite, il passe en zone libre, où il rencontre le colonel Groussard qui le met en contact avec le réseau de résistance Hector, organisation de résistance du Nord de la France commandée par le colonel Alfred Heurtaux en [7], d’abord sous le nom de Lakanal, en souvenir de son lycée à Sceaux[6]. Il se lie avec Maurice Bourgès-Maunoury, Henri Sacquet et Félix Gaillard. De 1941 à 1942, il travaille comme contractuel, puis en préparant et en réussissant en mars 1943 le concours de l’Inspection des finances[6], au cabinet du secrétariat d'État à la Production industrielle, dirigé par Pierre Pucheu puis par François Lehideux sous Darlan, puis Jean Bichelonne, dans le deuxième gouvernement de Pierre Laval, dont les services parisiens étaient installés dans un hôtel particulier du XVIIIe siècle, rue de Grenelle dans le 7e arrondissement parisien. À la fin de l’année 1942, après la chute du réseau due à des arrestations, il entre directement en contact avec les représentants de Londres et se livre à un travail de renseignement dans les services du ministère de l'Industrie. Il poursuit son activité de renseignement avec l'Organisation civile et militaire (OCM), qui succède à Hector en fusionnant avec d'autres organismes résistants [8].Comme haut fonctionnaire, il est sous les ordres de l'inspecteur des Finances Raymond Panié[9], qui sait [réf. nécessaire] que, sous le pseudonyme de Chaban — ce nom de résistant choisi en , un an avant la Libération, a pour origine un écriteau indiquant le château de Chaban[10],[11] —, il fournit des renseignements économiques à la France libre. Chaban représente le chef du service des relations extérieures aux conférences qui réunissent les représentants des services responsables de l'économie en zone occupée. En février 1944, aux côtés de Guillain de Bénouville, François Bloch-Lainé, René Courtin, André Debray et Michel Debré, Chaban est nommé au Comité financier de la Résistance (COFI), que Jacques Bingen et Georges Bidault viennent de créer pour financer l'action de l'armée des ombres[12],[13],[14].
Général de brigade
À l'extrême fin de l'été 1943, après plusieurs entretiens avec son ami Maurice Bourgès-Maunoury tout juste revenu en France comme délégué militaire régional, Jacques Delmas rejoint la Délégation militaire du CFLN en France. À partir du mois d'octobre 1943, devenu « Chaban », il fit fonction, à Paris, d'adjoint au délégué militaire national (DMN), le commandant Louis Mangin. Sur instruction de ce dernier, il travailla un temps avec André Boulloche, délégué militaire pour la Région parisienne[14]. En mai 1944, les responsabilités de Jacques Chaban-Delmas dans la Résistance étaient stratégiques : « Chaban-Delmas se tenait au centre de tout. Perspicace et habile, ayant seul les moyens de communiquer avec l’extérieur, il contrôlait les propositions et, moyennant de longues et rudes palabres, contiendrait les impulsions du CNR et des comités », écrivait de Gaulle dans ses Mémoires de guerre. En effet, responsable de la coordination militaire sur tout le territoire, il était le lien entre les FFI et le Haut commandement interallié auprès de Pierre Koenig et de veiller à leur application. Interlocuteur du Comité d'action militaire COMAC, institué par le CNR, il s'efforce de préparer la participation des forces paramilitaires de la Résistance à la libération du territoire[6].
En , il est nommé délégué militaire national par Socrate (Lazare Rachline), envoyé personnel du général de Gaulle. Devant peser dans les négociations, Socrate le recommande — alors qu'il n'est que lieutenant — au grade de général de brigade au général de Gaulle et au Gouvernement provisoire, qui entérinent. Il est le plus jeune général nommé depuis François Séverin Marceau, général à 24 ans à la Révolution, même s'il ne commande aucune troupe.
Il quitte Paris pour Londres le 25 juillet 1944 afin de rendre compte au Commandement allié des possibilités militaires de la Résistance. Avec le soutien d'Alexandre Parodi, délégué général, il s'oppose à la stratégie insurrectionnelle du COMAC. Il demande instamment que le plan d'opérations qui prévoyait la chute de Paris soit modifié de manière à éviter à la capitale destructions et massacres. Il repart de Londres le 13 août 1944 nanti des ordres du général Koenig. Amené au Mans par les Américains le 14 août, il arrive à Paris deux jours plus tard, à bicyclette. Il agit pendant l'insurrection parisienne de façon à permettre à la Résistance d'exercer une action d'un grand retentissement, tout en prévenant tout débordement de violence. Il accueille le général Leclerc à Arpajon le 24 août, et entre avec lui dans Paris [8].
Le 25 août 1944, il accompagna donc Philippe Leclerc de Hauteclocque à la Libération de Paris et rencontra pour la première fois de Gaulle à la gare Montparnasse. Chaban-Delmas raconta cet instant de sa vie de la façon suivante : « Je n’avais jamais vu de Gaulle… On est à la gare Montparnasse, état-major de campagne de Leclerc. Tout d’un coup, un gars arrive de derrière les guichets : « Le général de Gaulle ! » […]. À ce moment, le Général me toise de haut en bas. Un silence se fait ; ça dure des secondes, autant dire une éternité… Je vois alors passer dans le regard du Général une succession de sentiments. D’abord, la surprise. Et puis, la prise de conscience et la rogne, la colère. Comment a-t-on pu faire nommer, promouvoir ce gamin ? Et puis, un attendrissement extraordinaire, au point que son regard s’est embué. Il s’était bien passé dix secondes. Alors, il m’a tendu la main, a pris la mienne et l’a gardée longtemps dans la sienne. Et il m’a dit : "C’est bien, Chaban !". Moi, j’étais récompensé. »[6]. Il est fait chevalier de la Légion d'honneur et compagnon de la Libération.
Il est l'un des quatre généraux de brigade FFI, avec Pierre de Bénouville (1914-2001), Maurice Chevance-Bertin (1910-1996) et Alfred Malleret-Joinville (1911-1960). Un « Additif à l'annuaire des officiers généraux de 1946 », daté du 11 juin 1946, précise : « Ces officiers ont reçu le titre de général de brigade en raison de leurs fonctions dans la Résistance et pour la durée de leur mission. Ce titre a été transformé en celui de général honoraire après la libération de la France[15] ».
En novembre 1944, il est nommé au cabinet du ministre de la Guerre, André Diethelm, pour une mission d’inspection de l’armée (chef de l’Inspection générale de l’armée), puis est affecté en tant qu’inspecteur des finances dans le civil en août 1945, nommé secrétaire général du ministère de l’Information (auprès de Jacques Soustelle puis d’André Malraux). Fonctionnaire « insoumis », il quitte le ministère début 1946, en désaccord avec la politique sur la presse sous l’Occupation et démissionne[6].
Jacques Chaban-Delmas | ||
Jacques Chaban-Delmas (1944). | ||
Origine | France | |
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Arme | Armée de terre | |
Grade | Général de brigade | |
Années de service | 1938 – 1945 | |
Commandement | Délégué militaire national | |
Distinctions | Commandeur de l'ordre national de la Légion d'honneur Compagnon de la Libération Croix de guerre 1939-1945 Médaille de la Résistance française |
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Débuts en politique
Quand il franchit le Rubicon en mai 1946, le projet de Constitution, auquel de Gaulle est opposé, est rejeté par référendum. Il ne peut postuler pour la nouvelle Assemblée constituante, en place pour six mois, mais prend rang pour l'assemblée qui doit être élue en novembre 1946[16].
Il hésite entre Charente, Charente-Maritime et Gironde, trois départements où les radicaux, pour cause de divisions, n'avaient pas obtenu de siège en 1945. Lorrain Cruse a un faible pour la Charente-Maritime à cause des voix protestantes. Félix Gaillard préfère la Charente. Il reste donc la Gironde pour Chaban ; il indique à ce sujet : « J'étais avant tout un citadin. Plus grand serait le poids urbain dans le département où j'allais tenter ma chance, plus je serais à l'aise. » Bref, c'est un Parisien qui débarque à Bordeaux dans une traction- avant décapotable prêtée par un industriel parisien mécène du rugby.Il choisit d’entrer en politique à Bordeaux, comme « parachuté »[17].
Son ami Maurice Bourgès-Maunoury, radical et futur président du Conseil, est nommé commissaire de la République à Bordeaux en 1945. Ce dernier ne peut empêcher les radicaux du cru qui voient d'un mauvais œil ce parachuté.Ils contestent la bénédiction d'Edouard Herriot, le pape du radicalisme. Ils proposent la candidature de l'Amiral Muselier qui a été le premier officier général à rallier Charles de Gaulle à Londres dès le 30 juin 1940 [18].Les premiers contacts politiques sont tendus, les premières réunions violentes. Il obtient l'investiture et deux sièges pour son parti. Mais il reconnaîtra, trente ans plus tard : « J'eusse dû y perdre sur le champ la naïveté que j'ai conservée longtemps »[17].
Jacques Chaban-Delmas se fait élire pour la première fois député de Bordeaux le 10 novembre 1946 sous l’étiquette radicale avec le soutien de De Gaulle et d'Herriot. Le 17 juin 1951, il réussit à préserver la double étiquette radicale (RGR) et gaulliste (RPF) en gagnant contre Henri Teitgen (MRP), mais les partis refusant la double appartenance, il choisit le camp gaulliste au même titre que beaucoup d’élus MRP issus de la Résistance (dont Maurice Schumann et Edmond Michelet) ont dû choisir le gaullisme [6]. Le 20 juin 1946, à la suite du second « discours de Bayeux », il fonde, avec René Capitant, Louis Vallon et Pierre Clostermann, l'Union gaulliste pour la IVe République, qui fusionne, le , dans le Rassemblement du peuple français (RPF), constitué autour du général de Gaulle. Il en devient l’une des figures comme membre du conseil de direction et du bureau politique. Il est directeur de publication des journaux du RPF, L'Étincelle (de 1947 à 1955), Le Rassemblement (de 1948 à 1954), Liberté de l'Esprit (de 1949 à 1954).
Il est président de l'Intergroupe d'Action pour une vraie démocratie à l'Assemblée nationale le 20 août 1947, puis du groupe d'action démocratique et républicaine à l'Assemblée nationale le 9 décembre 1948, et enfin président du groupe RPF à l'Assemblée nationale[19]. Après l'échec du RPF, il fonde et dirige, de 1953 à 1958, un autre mouvement gaulliste, l’Union des républicains d'action sociale, devenue le Centre national des républicains sociaux, et de son groupe à l’Assemblée nationale, dont la stratégie est de combattre le « système » de l’intérieur. Il est le directeur de publication du journal de ce parti politique, Le Télégramme de Paris, de 1953 à 1958[20].
Sous la IVe République, Jacques Chaban-Delmas est favorable au retour au pouvoir de De Gaulle et à une révision constitutionnelle (notamment dans une intervention le 28 octobre 1947). Toutefois, il soutient le gouvernement de Georges Bidault (MRP) en 1949 puis exerce des responsabilités gouvernementales comme ministre des travaux publics de Pierre Mendès France[6]. Il souligne que l'Assemblée dans sa composition ne représente plus l'opinion publique et considère qu'elle devrait se séparer pour rendre la parole aux électeurs[Quoi ?], comme le préconise le général de Gaulle depuis la fondation du RPF[21]. Le 23 juin 1948, Jacques Chaban-Delmas conteste l’intrusion de la politique dans la gestion des affaires publiques à l’occasion de la discussion sur le statut de la SNECMA (futur Safran). Il s’oppose à la ratification de la CECA le 13 décembre 1951 et à la manière de construire l’Europe (il aurait préféré des négociations globales) mais le 27 novembre 1953, il parvient à ne pas renverser le gouvernement de Joseph Laniel malgré l’opposition de son groupe à la CED[6].
Européen convaincu, Jacques Chaban-Delmas, milita pour la création de la Conférence européenne des pouvoirs locaux, aujourd'hui Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l'Europe (CPLRE), organe de représentation des collectivités locales et régionales et en fut président du au . Le Congrès devenait alors l'une des institutions du Conseil de l'Europe. Il est plusieurs fois ministre sous la Quatrième République. Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme sous Pierre Mendès France, Jacques Chaban-Delmas démissionne le , en compagnie du général Koenig et de Maurice Lemaire[22]. La raison de leur démission trouve son explication dans les conclusions arrêtées par le gouvernement Mendès France concernant le « compromis » dessiné par ce dernier à propos du traité de la Communauté européenne de défense (CED). Ils font savoir, par ce geste, qu'il leur est impossible de s'associer à ces conclusions[23]. Le 13 octobre 1955, il précipite la chute du gouvernement d’Edgar Faure (radical) sur la question algérienne, voulant une intégration des populations musulmanes dans la communauté nationale. Cet événement entraîne la dissolution de l’Assemblée nationale et la constitution d’un « Front républicain » auquel participent Pierre Mendès France, François Mitterrand et Jacques Chaban-Delmas[6].
Il est également ministre d’État du gouvernement Guy Mollet puis ministre de la Défense nationale et des Forces armées du gouvernement Félix Gaillard. À ce titre, il inaugure le Centre d'instruction à la pacification et à la contre-guérilla de Philippeville, dans le Constantinois (Algérie), le ; il en confie la direction au colonel Marcel Bigeard que Chaban-Delmas considérait dans Mémoires pour demain (1997) comme « l’homme qu’il fallait pour faire subir aux officiers subalternes un véritable électrochoc psychologique qui changerait à jamais leur façon d’envisager les choses ». Ce centre a été notamment au cœur de la polémique sur la torture en Algérie en raison de son programme d’enseignement[24]. En tant que ministre de la Défense, il fait partie du lobby qui pousse le CEA, sous la direction de Francis Perrin, de prendre la décision de fabriquer la première bombe nucléaire française, donnant à la France son statut de puissance nucléaire, en profitant des faiblesses du régime de la Quatrième République[6]. Pourtant partisan du retour au pouvoir de De Gaulle, Jacques Chaban-Delmas n’est pas ministre dans le dernier gouvernement de la IVe République dirigé par de Gaulle. Il crée et organise l’un des mouvements politiques à l’origine de la future UNR[6].
Chaban-Delmas définit ainsi sa position sous la IVe République : « J’accompagnai de Gaulle dans sa traversée du désert et j’étais un marginal engagé dans les structures de la IVe République […] un des acteurs du mouvement gaulliste et […] un participant aux délices et aux poisons d’un système que le Général dénonçait »[25].
Maire de Bordeaux
Maire de Bordeaux durant près de 48 ans, Jacques Chaban-Delmas mène plusieurs projets pour la ville. En , la municipalité bordelaise se rend propriétaire d’un vaste espace inondable au nord de Bordeaux de 1 000 hectares à aménager pour favoriser le rééquilibrage de la ville au nord. Le marais est asséché et un lac artificiel de 160 hectares est construit. Il s’agit du Bordeaux-Lac.
Le Grand Parc est un quartier d’urbanisation qui s’inscrit dans la politique de construction de grands ensembles menée en France après la guerre. Plus localement, il participe au projet d’extension de la ville de Bordeaux sur les terrains marécageux du Nord (assèchement des terrains marécageux). Les plans de la ville prévoient la construction d'une cité HLM de 4 000 logements. Les travaux entrepris en 1959 par la Société bordelaise d’urbanisme et de construction et l’office d’HLM Aquitanis aboutissent en 1975. La cité accueille des rapatriés d’Algérie, des habitants de Mériadeck dont la restructuration est en cours et des fonctionnaires mutés. Les 4 000 logements de « la cité du Grand Parc » s’organisent autour d’une grande zone de verdure centrale qui accueille la majorité des équipements associés.
Jacques Chaban-Delmas est également l'un des principaux moteurs politiques qui conduisent à la construction et à l'inauguration en 1963 du campus de Bordeaux de l'école d'ingénieurs Arts et Métiers ParisTech. Il s'agit du premier établissement de cette école ouvert après celui de Paris (1912). Depuis lors, Jacques Chaban-Delmas est membre d'honneur, d'abord à vie, puis à titre posthume, de la société des ingénieurs Arts et Métiers[26].
Au milieu du XXe siècle, l’université de Bordeaux (et les universités françaises en général) voit ses effectifs augmenter fortement. Les locaux situés en centre-ville deviennent trop petits et la plupart des facultés déménagent vers un nouveau campus : le domaine universitaire de Talence Pessac Gradignan (sciences en 1960, droit en 1966-67, lettres en 1971)[27].
Le , en compagnie du président de la SNCF Philippe Essig et du directeur régional Marc Cauty, Jacques Chaban-Delmas inaugure les nouvelles installations modernisées de la gare de Bordeaux-Saint-Jean, devant permettre l'accueil du futur TGV Atlantique[28].
Un épisode électoral témoigne de la popularité de Jacques Chaban-Delmas, surnommé « le Duc d'Aquitaine » dans son fief[29]. En raison de la mort de son suppléant devenu député avec son arrivée à la tête du gouvernement, une élection partielle est organisée dans sa circonscription de Bordeaux le 20 septembre 1970. Jean-Jacques Servan-Schreiber, dirigeant historique du Parti radical tout juste élu député à Nancy, se présente contre le Premier ministre en souhaitant faire de cette partielle en Gironde une élection nationale. Après avoir encouragé la candidature de Robert Badinter ou d'Alain Savary, il se présente lui-même contre Jacques Chaban-Delmas, mais échoue dès le premier tour, le chef du gouvernement étant réélu avec 68,6 % contre 16,6 % pour le candidat radical[6].
Première présidence de l'Assemblée nationale
Jacques Chaban-Delmas est élu président de l'Assemblée nationale le , devenant ainsi le premier président de la chambre basse de la Ve République. Il est réélu en 1962, 1967 et 1968. Il présente sa candidature face à Paul Reynaud, qui faisait figure de candidat du général de Gaulle.
Deux jours après son élection à la présidence de la chambre basse, il prononce une allocation dans laquelle il déclare vouloir préserver le lien entre la représentation nationale et le peuple : « L’Assemblée dans son ensemble, comme chacun de vous, mes chers collègues, en particulier, devra veiller à conserver le contact avec les réalités nationales, régionales et locales et faire percevoir clairement l’accomplissement de sa mission, en un mot, obtenir et conserver l’estime de l’opinion publique sans laquelle le régime parlementaire, et, avec lui, la Ve République, seraient assurément promis à leur perte. À cet égard et sans que les partis politiques aient à disparaître, car ils ont à jouer un rôle nécessaire mais sans rapport avec le précédent, rien ne doit rappeler le trop fameux « régime des partis » et nous devons être les premiers à en fournir la preuve. De nombreux sujets essentiels sont, en effet, à placer au-dessus des rivalités et des querelles tant de partis que de personnes et les autres sujets doivent voir s’établir entre la majorité et l’opposition des rapports constructifs échappant aux délimitations trop rigides et stériles. »[6].
En 1967, il modifie le règlement de l’Assemblée nationale pour donner aux présidents des groupes politiques un rôle primordial dans la définition de l’ordre du jour. Par ailleurs, en 1969, il souhaite que chaque député puisse bénéficier d’un bureau personnel : ce projet est finalisé en 1974, après l’acquisition du bâtiment du 101 rue de l’Université[6].
Dans L’Ardeur (1975), il explique ainsi ses prérogatives : « Le fauteuil du président est un tonneau de vigie, d’où l’on peut voir se lever les tempêtes […]. Au perchoir, je suis absorbé par la nécessité d’anticiper l’événement. Il faut sentir ce qui va se passer. Cela suppose une bonne connaissance des dossiers et des hommes. »
Enfin, à partir de 1959, Jacques Chaban-Delmas, théorise la notion de « domaine réservé », selon laquelle, dans certains domaines (défense, politique étrangère), le président de la République a la possibilité de travailler directement avec les ministres, échappant de fait au contrôle gouvernemental[30].Il est le directeur de la publication du journal officiel du parti gaulliste pendant 39 ans : Notre République sous l’UNR (1958-1962) et La Lettre de la nation Magazine (1962-1997)[31].
Après avoir fait activement campagne pour le référendum du 27 avril 1969 (notamment à Nantes), Jacques Chaban-Delmas soutient la candidature de Georges Pompidou contre Alain Poher à l’élection présidentielle anticipée[6].
Premier ministre
Le , il est nommé Premier ministre par Georges Pompidou, élu président de la République. Pour Georges Pompidou, la nomination de Jacques Chaban-Delmas constitue la caution des gaullistes historiques (« gaullistes de guerre ») et une certaine ouverture à gauche. Le cabinet du Premier ministre accueille le mendésiste Simon Nora, Jacques Delors (chargé des questions sociales) et Ernest-Antoine Seillière. Le nouveau chef du gouvernement a une excellente connaissance du milieu parlementaire et affiche un souci de préservation des droits du Parlement. Si les barons du gaullisme siègent massivement au gouvernement, celui-ci comprend également des centristes ralliés et une vingtaine de secrétaires d’État nommés à la demande du président[29].
Projet de « Nouvelle société »
Dans son discours de politique générale du 16 septembre 1969, il propose une « Nouvelle société » — présentée comme une variante française des « nouvelles frontières » proposées par John Kennedy au début de la décennie —, qui affiche d’abord son souci du trop faible degré d’industrialisation de la France et de sa trop grande tendance à l’inflation. Le tableau dressé est celui d’une société « bloquée » et d’un « État tentaculaire et inefficace » qui a « peu à peu mis en tutelle la société française tout entière ». Cette situation est due selon Chaban-Delmas à la rencontre entre l’État-providence d’après-guerre et la « vieille tradition colbertiste et jacobine, faisant de l'État une nouvelle providence ». Or, cette route n’aurait pas abouti à l’harmonie sociale (« Nous sommes encore un pays de castes. Des écarts excessifs de revenus, une mobilité sociale insuffisante, maintiennent des cloisons anachroniques entre les groupes sociaux »)[32].
Dans son discours du 16 septembre 1969, Jacques Chaban-Delmas ne cite pas une seule fois Georges Pompidou et une seule fois de Gaulle. Il souhaite que la politique gouvernementale soit conduite depuis Matignon, même s’il utilise une formulation prudente : « C’est aussi parce que j’ai la conviction que nous entrons dans une époque nouvelle, où de grands changements sont possibles, et qu’en accord avec le président de la République, avec gouvernement tout entier et, je l’espère, avec votre appui et votre soutien, j’ai la volonté d’entreprendre ces grands changements ». Une telle volonté agace Pompidou et crée des tensions sur la manière de fonctionner au sein de l’exécutif[6].
Pour justifier le changement qu’il propose, il déclare : « Je suis certain que nous devons aujourd’hui nous engager à fond dans la voie du changement. […] Si nous ne le faisions pas, nous nous exposerions à un avenir qui ne serait guère souriant. […] Notre existence en tant que nation serait elle-même menacée. Nous sommes, en effet, une société fragile, encore déchirée par de vieilles divisions et, faute de pouvoir maintenir notre équilibre dans la routine et la stagnation, nous devons le trouver dans l’innovation et le développement. La seconde raison, la raison positive, c’est que la conquête d’une avenir meilleur pour tous justifie à elle seule tous les efforts, tous les changements. » Il livre une définition personnelle : « Cette nouvelle société, quant à moi, je la vois comme une société prospère, jeune, généreuse et libérée. […] C’est la transformation de notre pays que nous recherchons, c’est la construction d’une nouvelle société, fondée sur la générosité et la liberté[6]. »
Au-delà du slogan, Jacques Chaban-Delmas veut remettre au goût du jour ce que certains appellent le « gaullisme social » et que d’autres considèrent comme une « économie sociale de marché », qui est à la recherche d'un équilibre entre efficacité économique et justice sociale[6].
Pendant ses trois années à la tête du gouvernement, il affiche deux priorités : le renforcement de la politique contractuelle (aidé en cela par son conseiller Jacques Delors) et le maintien de l’ordre (avec la polémique entourant la « loi anticasseurs », votée au printemps 1970). Ces gages données à la fois au centre gauche et à la droite mécontentent finalement les deux camps : l’UDR trouve le gouvernement trop progressiste alors que la gauche est préoccupée par l’alliance socialo-communiste[6].
Jacques Chaban-Delmas se révèle être un bon lanceur d’initiatives sociales auprès des partenaires syndicaux mais reste très médiocre dans ses rapports avec les parlementaires. Jacques Baumel fait remarquer qu’« aucun président de l’Assemblée nationale ne s’est promené aussi peu que lui dans les couloirs »[6].
Ainsi, il propose d’augmenter deux fois plus vite les dépenses pour l’Éducation nationale que pour les autres ministères, de développer l’enseignement technique, de rendre autonomes les universités et l’ORTF, de décentraliser le pouvoir au bénéfice des collectivités locales, de moderniser et rationaliser les administrations, d’assurer une politique de grands travaux aménageant le territoire, d’instaurer un dialogue constant avec les syndicats. Sur le plan social, les lois de l’ère Chaban-Delmas visent à substituer une organisation « contractuelle » à une situation « conflictuelle ». Parmi ses grandes réformes figure la mensualisation des salaires pour tous, qui met fin à la distinction entre les employés payés au mois et les ouvriers payés à l’heure ou au rendement. Le SMIC remplace le SMIG en janvier 1970. Il fait également voter la loi réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, dite loi « Hoguet », qui régit les rapports entre bailleurs et locataires (activités commerciales).
Le 9 juillet 1970, le premier accord national interprofessionnel (ANI) est signé par la CGPME et le CNPF ainsi que par les cinq organisations salariales (CGT, CFDT, CFE-CGC, CFTC et FO) sur la formation et le perfectionnement professionnel. Le 13 juillet 1971, la loi reconnaît l’existence d’un « droit des travailleurs à la négociation collective », instaure les accords d’entreprise et d’établissement sous un régime identique à celui de la convention de branche. La loi dite « Delors » du 16 juillet 1971 reprend l’accord interprofessionnel sur la formation professionnelle de juillet 1970 : elle débouche sur le principe d’un financement privé de la formation professionnelle, institue le congé individuel de formation (CIF) et oblige les entreprises de plus de dix salariés à participer à la formation professionnelle continue de ces derniers ; pour récolter les fonds, les fonds d’assurance formation (FAF) et les associations formation (ASFO) voient le jour[33].
Jacques Chaban-Delmas est aussi à l'origine de la loi sur les fusions et regroupements de communes (1971) et de la loi tendant à réprimer certaines formes nouvelles de délinquance (« loi anticasseurs », 1970). Il porte la loi sur l'actionnariat ouvrier chez Renault (1969), et son gouvernement initie le Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou à la fin de l’année 1969. Cette même année, il supprime les classes du samedi après-midi à l’école primaire ; la semaine est ramenée de 30 à 27 heures et le « tiers-temps pédagogique » est établi[34]. Il signe le décret n° 72-9 relatif à l'enrichissement de la langue française, prévoyant la création de commissions ministérielles de terminologie pour l'enrichissement du vocabulaire français.
Une dévaluation du franc de 12,5 % a lieu le 8 août 1969. Le Premier ministre introduit les stock options dans le droit des sociétés en 1970.
La durée du service militaire est ramenée à un an en 1970[35]. L’année suivante, Jacques Chaban-Delmas prend la décision d'extension du camp militaire du Larzac.
Jacques Chaban-Delmas est également à l’origine de la loi sur la réforme hospitalière instaurant la carte sanitaire afin de mieux faire concorder l'offre et la demande créant le service public hospitalier.
Le 4 juin 1970, il fait voter une loi qui institue l'autorité parentale partagée entre le père et la mère (auparavant seule l'autorité paternelle était reconnue). En décembre 1969, il décrète l'abandon par la France de la filière graphite-gaz pour la filière nucléaire. En juillet 1970, il décide la fusion des trois constructeurs aéronautiques publics français (Sud-Aviation, Nord-Aviation et SEREB) pour former la Société nationale industrielle aérospatiale (SNIAS ou tout simplement « Aérospatiale »). Celle-ci s'associe la même année avec l'allemand Deutsche Airbus pour créer le consortium (sous forme de GIE) Airbus. En 1971, il crée le ministère de l'Environnement et lance le projet de train à grande vitesse (TGV).
Le 1er juillet 1972, la loi Pleven procède à une extension du domaine de la lutte antiraciste, créant un nouveau délit : celui de « provocation à la haine, à la discrimination ou à la violence », puni à l’époque d’un mois à un an d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 francs. Ce texte intègre également de nouvelles dimensions en punissant les discriminations raciales dans les domaines du travail et du logement. Elle modifie la loi du 10 janvier 1936 sur les groupes de combat et milices privées, et permet de dissoudre des groupes incitant à la haine raciale. Enfin, elle reconnaît la faculté aux associations antiracistes de plus de cinq ans de se constituer partie civile. Robert Badinter, alors avocat de la LICRA, se saisira très vite de cette disposition pour plaider contre l’édition non-critique de Mein Kampf par les Nouvelles éditions latines ou encore la publication des Protocoles des Sages de Sion[36].
La dernière loi qu'il fait voter est la loi créant les régions[37]. Par un décret en date du 5 juillet 1972, il instaure un comité interministériel de la sécurité routière[38]. Il négocie le traité de Bruxelles pour l’élargissement de la Communauté économique européenne au Danemark, à l’Irlande, à la Norvège et au Royaume-Uni à compter du 1er janvier 1973 ; seule la Norvège n’y adhère pas après un référendum. Il négocie pour la France l'accord de Bâle du 10 avril 1972, qui crée le Serpent monétaire européen (SME)[39].
Divergences avec Pompidou
Malgré cet activisme, la prééminence présidentielle reste entière : Georges Pompidou, Premier ministre pendant six ans, a une parfaite connaissance des dossiers de la France. La prééminence du président reste totale dans les domaines des Affaires étrangères et de la Défense. La formule de « domaine réservé » s’applique bien mal au couple Chaban-Delmas/Pompidou, le président se passionnant également pour la politique économique et industrielle de la France ou sa politique culturelle. Ainsi, des conseils restreints se tiennent souvent à l’Élysée, et sur des domaines étendus et variés. Les divergences entre le Premier ministre et le président – soutenu par la majorité des députés de l’UDR - s’accumulent. Une partie des députés UDR craint de voir l’électorat conservateur s’éloigner d’eux. Face à des députés UDR hostiles, début mai 1972, Chaban-Delmas aurait demandé à Pompidou ainsi son soutien : « Soutenez-moi ou mettez-moi à la porte » ; Pompidou lui aurait répondu : « Demandez donc un vote à l’Assemblée. On verra bien, vous n’avez rien à perdre. » Le 24 mai 1972, Chaban-Delmas reçoit un vote de confiance massif des députés (368 voix contre 96)[6].
Mais début juillet, Jacques Chaban-Delmas est invité à démissionner par le président de la République, en délicatesse avec la thématique de la nouvelle société et en désaccord courtois sur la nature de l’équilibre des pouvoirs entre les deux têtes de l’exécutif[29]. Il est aussi visé par une campagne de presse virulente, notamment au sujet de sa feuille d'impôt. Chaban explique son sentiment sur cette période de la façon suivante : « Je suis devenu Premier ministre sur un double malentendu : Pompidou me croyait gentil, je le croyais gaulliste »[6].
Georges Pompidou confie à Françoise Giroud, le 5 octobre 1972, une appréciation très sévère sur Chaban-Delmas : « Jamais il n’a pris de décision. Il a fait des feux d’artifice, voilà tout. » (cité par Michèle Cotta)[6]. Le chef de l’État aurait résolu de le remplacer à la tête du gouvernement sur les conseils de Marie-France Garaud et Pierre Juillet, adversaires acharnés de la Nouvelle société qui jouaient un rôle majeur d'éminence grise auprès du chef de l’État. Georges Pompidou écrit par la suite ce portrait critique :
« Jacques Chaban-Delmas se veut jeune, beau, séduisant et sportif. Il refuse de vieillir, se livre pour cela à son sport favori, le tennis, et assure la relève en se mettant au golf. Il aime les femmes, toujours passionné, seul changeant l’objet de sa passion.
Il travaille peu, ne lit pas de papiers, en écrit moins encore, préférant discuter avec ses collaborateurs, et s’en remet essentiellement à eux, qu’il choisit bien, pour ce qui est des affaires publiques s’entend.
Politiquement, il meurt de peur d’être classé à droite ; il veut néanmoins plaire à tout le monde et être aimé.
Et cette légèreté, il l’a parfois manifestée, dans l’exercice de la fonction gouvernementale, de façon grave. Il est avec son ami de toujours, Bourgès-Maunoury, l’homme de Sakiet. Il est aussi celui qui avait, comme ministre de la Défense nationale, engagé avec le ministre bavarois Strauss des négociations pour un accord atomique que le général de Gaulle interrompit net dès son arrivée au pouvoir. Comme Premier ministre, il se méfiait de moi et ne prenait pas d’initiative hasardeuse, sauf, et en demi-secret, dans quelques domaines où il avait des attaches. Il me laissait pratiquement le soin de tout décider, plus que je n’aurais voulu, se contentant de soigner son « image de marque » par quelques beaux discours que lui écrivaient Cannac et Delors et par une cour permanente faite aux journalistes de tout bord. […]
Pourquoi m’en suis-je séparé ? J’en ai donné publiquement des raisons valables et parfaitement exactes, mais il y en avait d’autres. Si je n’avais pas voulu l’humilier en l’empêchant de demander un vote de confiance à l’Assemblée nationale, j’étais bien décidé à changer de Premier ministre aussitôt après la fin de la session, pour les motifs que j’ai dits et pour d’autres, d’ordre privé. […]
Je souhaite enfin, s’il est élu, qu’ayant atteint le but auquel il pense depuis quinze ans au moins, il se dégage non seulement de ses relations intimes et fâcheuses, mais de ses préoccupations purement personnelles pour ne penser qu’à son rôle national, et le remplir avec sérieux, fermeté et conviction[40],[41]. »
Premier homme politique imité par Thierry Le Luron, ce qui lance le jeune homme dans une carrière d’imitateur très célèbre, Jacques Chaban-Delmas a une voix très particulière : « Remonté comme une pendule, avec, de temps en temps, une curieuse inflexion de sa voix dans les aigus, quelques rugissements sonores étonnants », selon la description de Michèle Cotta dans ses Cahiers[6].
Georges Pompidou lui propose d'occuper la présidence de la Commission européenne à partir du . Cette fonction doit alors revenir à un Français et Jacques Chaban-Delmas a notamment négocié le traité de Bruxelles pour l'agrandissement de la Communauté européenne. Le chef de l’État pense que cette responsabilité prestigieuse lui permettra de l'éloigner de la vie politique hexagonale. Mais l'ancien Premier ministre refuse la proposition, François-Xavier Ortoli obtenant le poste[6]
Face au Programme commun conclu entre le PS et le PCF en juillet 1972, l'UDR a peur de perdre les législatives de 1973 et se sépare de son secrétaire général, René Tomasini. Jacques Chaban-Delmas pense alors être l'homme de la situation pour remporter les élections grâce à son bilan à Matignon. Il se porte candidat à la fonction de secrétaire général face à Alain Peyrefitte et à Jean de Préaumont ; mais les cadres du parti choisissent Alain Peyrefitte. Quand ce dernier quitte la fonction en octobre 1973, ayant été nommé ministre dans le gouvernement Messmer II, Jacques Chaban-Delmas se présente à nouveau, face à Alexandre Sanguinetti, qui est choisi. En mars 1974, quand Roger Frey quitte la tête du groupe UDR de l'Assemblée nationale pour prendre la présidence du Conseil constitutionnel, Jacques Chaban-Delmas présente sa candidature face à Claude Labbé : là encore, c’est un échec pour l’ancien chef du gouvernement[6].
En 1973, Jacques Chaban-Delmas est candidat à la présidence de l'Assemblée face à Edgar Faure, qui l'emporte grâce au soutien de l'Élysée[42]. Il est président de la Haute Cour de Justice entre 1973 et 1978[22].
Campagne présidentielle de 1974
Retiré sur ses terres bordelaises depuis 21 mois, Jacques Chaban-Delmas est décidé à se présenter à l’élection présidentielle prévue en 1976. Son parcours de résistant, de gaulliste historique, de président de l’Assemblée nationale et de Premier ministre, ainsi que son projet déjà bien ficelé de nouvelle société sont considérés comme des atouts non négligeables, d’autant plus qu'il apparaît plutôt consensuel sur la forme[6].
Après la mort de Georges Pompidou, malade, le , Jacques Chaban-Delmas se porte candidat à l’élection présidentielle anticipée. Son slogan de campagne (« Chaban pour la France, il l'a déjà prouvé ») met l'accent sur sa carrière de résistant. Il fait alors figure de favori[43].
Cependant, avant et pendant la campagne, il accumule les maladresses. Prévenu qu'un autre candidat de la majorité pourrait se déclarer à sa place, il officialise sa candidature dès le , alors que l'hommage de l'Assemblée nationale au président défunt n'est même pas terminé ; une partie de l'opinion juge le geste inélégant envers l'ancien président. Par ailleurs, sa feuille d'impôts, publiée par Le Canard enchaîné le , révèle qu'il ne paie que 16 808 francs d'impôts pour des revenus déclarés de 250 000 francs ; en effet, l'indemnité parlementaire est alors quasiment nette d'impôts : les revenus de son mandat de maire et de président du conseil général sont exonérés et l'avoir fiscal créé en 1965 correspond à ce qui lui resterait à payer pour ses autres revenus. De plus, l'inculpation des frères Dega le déstabilise : Édouard Dega, inspecteur des impôts, est accusé de favoriser la fraude fiscale de riches contribuables, conseillé par son frère Georges Dega, membre du cabinet de Chaban-Delmas lorsqu'il était président de l'Assemblée nationale et conseiller fiscal personnel de l'homme politique[44]. En outre, sa deuxième femme, Marie-Antoinette Iôn[45], est morte lors d'un accident automobile le ; il se remarie avec Micheline Chavelet un an après, le ; une rumeur se propage sur les causes de l'accident, notamment du fait d'une campagne dans la presse à scandales contre lui[46].
Lâché par trente-neuf parlementaires et quatre ministres de l'UDR, dont Jacques Chirac, qui soutiennent la candidature de Valéry Giscard d'Estaing dans l'« appel des 43 », soutenu froidement par le Premier ministre Pierre Messmer, affaibli par quelques maladresses (en particulier des retournements de position d'André Malraux, qui le soutient, sur un éventuel remplacement du livre par l'audiovisuel à l'école), il voit rapidement ses chances s'effondrer dans les sondages pendant la campagne du premier tour. Françoise Giroud, qui soutient François Mitterrand, dédaigne de l'attaquer et lui réserve ce mot : « On ne tire pas sur une ambulance[47] ».
Au premier tour, avec 15,1 % de suffrages, il arrive en troisième position, largement distancé par Valéry Giscard d'Estaing (32,6 %) et François Mitterrand (43,2 %). En vue du second tour, il apporte au candidat de centre droit son « soutien conditionnel » contre François Mitterrand. Cette défaite entraîne la naissance du néologisme « se faire chabaniser ».
À nouveau président de l'Assemblée nationale
En décembre 1974, lorsque Alexandre Sanguinetti est débarqué de la direction (secrétariat général) de l'UDR par Jacques Chirac, Jacques Chaban-Delmas ne se présente pas en raison de son mauvais résultat à l’élection présidentielle, qui lui a fait perdre la confiance de nombreux cadres de l'UDR. En revanche, il pose à nouveau sa candidature pour la fonction de secrétaire général en juin 1975, face à André Bord, puis en avril 1976, face à Yves Guéna, mais il échoue dans les deux cas.
Lors de la formation du gouvernement Barre, Valéry Giscard d'Estaing lui propose le ministère des Affaires étrangères, mais il doit décliner l'offre sous l'injonction de Jacques Chirac. Jacques Chaban-Delmas ne peut en outre empêcher la création du RPR, qui est totalement dévolu à son fondateur, Jacques Chirac ; il considère que le gaullisme historique n'est plus représenté dans la direction de la nouvelle formation[6].
Il est secrétaire général du Parti populaire européen entre 1976 et 1990[22].
Un renversement d'alliances et l'appui du président Giscard d'Estaing lui permet de récupérer en 1978 le « perchoir », évinçant Edgar Faure, qui l'occupait depuis 1973 et qui avait l'appui de Jacques Chirac, à l'époque très influencé par le tandem Garaud-Juillet. Il avait été convenu entre le président de la République et le maire de Bordeaux que si ce dernier perdait cette élection il entrerait au gouvernement Barre comme ministre de l'Économie et des Finances[6].
Favorable à la construction européenne, il confie à Michèle Cotta à propos des premières élections européennes, qui ont lieu en 1979 : « Je suis sûr qu’il faudrait que les gaullistes fassent campagne en disant : nous sommes les premiers Européens, les seuls, les vrais. Mais cela exclut la possibilité de laisser Michel Debré prendre la tête de la liste RPR[6]. »
En , il se voit confier une mission de renforcement des liens entre Moscou et Paris. Se trouvant à Moscou alors qu'Andreï Sakharov est assigné à résidence, il quitte l'URSS précipitamment afin de signifier le désaccord de la France.
Il soutient Michel Debré à l'élection présidentielle de 1981[48]. Dans une allocution de fin de session, le 17 décembre 1980, Jacques Chaban-Delmas insiste encore sur l’importance des parlementaires : « Il faut que le Parlement redevienne le centre du débat national […], que notre assemblée ne devienne pas une chambre d’enregistrement, ainsi que j’en formulais le vœu il y a près de vingt ans ici même. »[6]. Il quitte la présidence de l’Assemblée nationale après la victoire de la gauche aux élections législatives de 1981.
Après les élections législatives de 1986, Jacques Chaban-Delmas fait partie des favoris pour devenir Premier ministre du premier gouvernement de cohabitation, tout comme Simone Veil, Valéry Giscard d'Estaing et Jacques Chirac.Finalement, ce dernier est nommé chef du gouvernement par le président de la République, François Mitterrand. Il y a des pierres d'achoppement pour former le gouvernement Chirac car François Mitterrand souhaite Jacques Chaban-Delmas comme ministre des Affaires étrangères alors que Jacques Chirac appuie le diplomate Jean-Bernard Raimond[6]. En revanche, le , un accord avec Jacques Chirac lui permet de regagner facilement la présidence de l'Assemblée nationale[49].
Bien qu’ayant désavoué l’alliance RPR-Front national aux élections municipales de 1983 à Dreux, il est réélu à la présidence du conseil régional d'Aquitaine grâce aux voix du Front national à la suite des élections régionales de 1986[50],[51],[52]. Il affirme ne pas avoir mené de négociations avec le FN et que chaque élu est libre de voter comme il l’entend[53]. Le 17 janvier 1988, Jacques Chaban-Delmas, laissant « [s]a rancune à la rivière », apporte un soutien sans réserve à la candidature de Jacques Chirac à l’élection présidentielle[6].
Après la réélection de François Mitterrand, il tente sans succès de convaincre le chef de l’État de ne pas dissoudre l'Assemblée nationale. La chambre basse est finalement dissoute le 14 mai 1988[6]. À la suite des législatives anticipées, Jacques Chaban-Delmas est le candidat des députés de droite à la présidence de l'Assemblée, mais, avec 268 voix contre 301, il doit céder le perchoir à l'ancien Premier ministre socialiste Laurent Fabius. De 1988 à 1997, il préside le Comité d’action pour l’Europe (résurgence du Comité Jean Monnet), qui regroupe les anciens Présidents et Premiers ministres des pays européens[6]. En , il est à nouveau candidat des députés de droite pour la présidence de l'Assemblée face au socialiste Henri Emmanuelli, qui l'emporte pour succéder à Laurent Fabius, devenu premier secrétaire du PS[54]. Cette même année, il devient président du comité d’action pour l’Europe[21].
Retrait de la vie politique
En 1995, à l'âge de 80 ans, Chaban-Delmas décide de ne pas se représenter à la mairie de Bordeaux. Après avoir soutenu la candidature victorieuse de Jacques Chirac à l'élection présidentielle[55], il se range derrière le nouveau Premier ministre, Alain Juppé, pour les élections municipales bordelaises, que ce dernier remporte. Dès lors, il se retire progressivement de la vie politique.
Le , pour le cinquantième anniversaire de sa première élection, Jacques Chaban-Delmas est désigné, par acclamations des députés, président d’honneur de l’Assemblée nationale, un titre attribué à un seul de ses deux cent quarante-cinq homologues jusqu’à maintenant, Édouard Herriot. Cet hommage a été initié par le président de l’Assemblée nationale de l’époque, Philippe Séguin, chabaniste en 1974, qui déclare : « Ces fonctions, il les a marquées de la forte empreinte de sa personnalité. Il les a exercées pleinement, jusqu’à littéralement les incarner. C’est pourquoi, cet après-midi, c’est avant tout à notre ancien président que doit s’adresser l’hommage de notre assemblée. L’hommage de notre respect et de notre affection. »[6].
Le RPR lui propose d'être le dernier de la liste aux élections municipales à Bordeaux en 1995, le suppléant d’Alain Juppé aux élections législatives de 1997, candidat aux élections cantonales de 1998 dans le canton de Bordeaux-2, le dernier de la liste aux élections régionales de 1998 en Aquitaine dans le département de la Gironde, aux élections sénatoriales de 1998 en Gironde ou encore sur la liste conduite par Nicolas Sarkozy aux élections européennes de 1999 ; Jacques Chaban-Delmas décline toutes ces offres[22]. De même, Philippe Séguin lui propose la succession de Robert Fabre au Conseil constitutionnel en 1995, René Monory la succession d'Étienne Dailly également au Conseil constitutionnel en 1997, le gouvernement Juppé une nomination comme personnalité qualifiée au Conseil économique et social pour la période 1997-1999, le gouvernement Jospin la fonction de Médiateur de la République en 1998, mais Jacques Chaban-Delmas refuse les propositions[22].
Il est membre du bureau de l'Association des médaillés de la Résistance française (1947-2000), du bureau de la Société d'entraide des compagnons de la Libération (1948-2000), du bureau de la Fondation Maréchal de Lattre (1954-2000), du bureau de l'Association des Français libres (1958-2000), du bureau de l’Institut Charles-de-Gaulle (1971-2000), du bureau de la Fondation Maréchal Leclerc de Hauteclocque (1975-2000), du bureau de la Fondation Anne-de-Gaulle (1979-2000), du bureau de l’Institut Georges-Pompidou (1989-2000), du bureau de la Fondation Charles-de-Gaulle (1991-2000), du bureau de la Fondation de la France libre (1994-2000) et du bureau de l’Association des amis de Michel Debré (1996-2000) ; il est également membre du Conseil de l’ordre de la Libération (1958-2000) et de la commission nationale de la Médaille de la Résistance française (1962-2000)[22].
Mort et hommages
Le , âgé de 85 ans, il meurt d'une crise cardiaque à son domicile parisien du 1, rue de Lille. À son domicile, un cahier est dressé sur une table pour recevoir les hommages de citoyens tandis que de nombreuses personnalités politiques se succèdent pour le veiller.
Un hommage national a lieu aux Invalides, à la fin d’une messe avec chants basques qui est célébrée par Mgr Jean-Marie Lustiger et l'archevêque de Bordeaux Pierre Eyt[56]. Les compagnons de la Libération sont à gauche du catafalque, derrière la famille arrivée avec les proches et les anciens conseillers, dont Jacques Delors. le président Jacques Chirac déclare : « En précurseur, il avait compris que notre société moderne ne serait pas celle des certitudes acquises une fois pour toutes, des manichéismes, des idéologies en blanc et noir. Il savait que certains grands projets pour réussir doivent dépasser les clivages et rassembler des majorités d'opinion et d'enthousiasme. La Nouvelle Société qu'il appela de ses vœux était une société plus juste, plus solidaire, une société humaniste. Aujourd'hui, en ce début de XXIe siècle, Jacques Chaban-Delmas nous montre le chemin »[29]. Sont présents ceux qui lui succédèrent, aussi bien à l’hôtel de Matignon (Pierre Messmer, Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Michel Rocard, Édith Cresson, Édouard Balladur, Alain Juppé) qu’à l’hôtel de Lassay (Louis Mermaz,Henri Emmanuelli, Philippe Séguin, Raymond Forni), ainsi que Valéry Giscard d'Estaing, Claude Pompidou et Danielle Mitterrand.
L'Assemblée nationale, qui avait fait de lui son président d'honneur, observe, le lundi suivant le décès, une minute de silence en son hommage. Pendant une demi-heure les députés écoutent, debout, les éloges funèbres. Pour le Premier ministre Lionel Jospin, Chaban-Delmas avait eu « toute sa vie la passion de la France ». Pour Alain Juppé, tout à la fois gaulliste, maire de Bordeaux et ancien Premier ministre, il s’agit de saluer un homme « visionnaire et généreux » qui « symbolisait l'histoire de la France ». Raymond Forni déclare : « Le nom de Jacques Chaban-Delmas évoque immédiatement les mots de résistance, conviction, courage, fidélité. Jacques Chaban-Delmas, c'est un peu de la France qui part aujourd'hui. C'est pour moi le plus grand président de l'Assemblée nationale que nous ayons eu[57]. »
L'ancien Premier ministre est inhumé à Ascain, dans les Pyrénées-Atlantiques[58].
En qualité de maire de Bordeaux, il est membre de droit de l'Académie nationale des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux[59].
De son vivant, Jacques Chaban-Delmas s’est vu proposer par Jacques Chirac la dignité de grand-croix de l’ordre national du Mérite en tant qu’ancien Premier ministre pour la promotion du 14 mai 1997[60],[61]. Jacques Chirac lui a également proposé la dignité de grand officier et de grand-croix de la Légion d'honneur pour la promotion du 14 juillet 1997[60], alors qu'il en était commandeur depuis 1958. Mais Jacques Chaban-Delmas estimait que personne ne pouvait prétendre lui remettre une telle décoration, personne n’ayant selon lui un passé comparable au sien[60]. De même, il a refusé la cravate de commandeur des Palmes académiques, du Mérite agricole, du Mérite maritime et des Arts et des Lettres, auquel il pouvait prétendre comme commandeur de la Légion d’honneur[60].
En 1980, une médaille d'art est éditée par la Monnaie de Paris : il s’agit d'une œuvre du graveur J. H. Coëffin ayant pour inscription « Jacques Chaban-Delmas, président de l'Assemblée nationale – Tout est amour ».
Le stade du parc Lescure, qui accueille l'équipe de football des Girondins de Bordeaux et l'équipe de rugby de l'Union Bordeaux Bègles, devient le stade Chaban-Delmas en 2001.
En 2001, un Timbre commémoratif de 0,53 € à l’effigie de Jacques Chaban-Delmas édité par le service philatélique de la Poste[62].
Le est inaugurée l'esplanade Jacques-Chaban-Delmas à Paris. Son nom est également donné à des rues à Bobigny, Agde, Massiac, Combs-la-Ville, Gagny, Albi, Talence, Belfort, Deuil-La-Barre, Marcq-en-Baroeul et à Plougastel-Daoulas. Une allée lui est dédiée à Toulouse, tout comme une avenue à Quimper, un boulevard à Bordeaux[63], ainsi qu'un gymnase à Courbevoie[64].
Un buste de Jacques Chaban-Delmas se trouve dans la salle du conseil municipal de Bordeaux[65].Le a été installée sur la place Pey-Berland, au nord de la cathédrale, face au palais Rohan, une statue en hommage à Jacques Chaban-Delmas. L'œuvre de 3,2 mètres de haut pour 1,100 tonne a été réalisée par Jean Cardot[66].
Le conseil municipal de la ville de Bordeaux décide le de baptiser du nom « Jacques-Chaban-Delmas », le nouveau pont Bacalan-Bastide[67], inauguré le par le président de la République François Hollande.
L'immeuble dans lequel logent les députés, derrière le palais Bourbon, porte le nom de Jacques Chaban-Delmas[68].
Alain Juppé avait le projet de donner le nom de Jacques Chaban-Delmas à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac. Michel Sainte-Marie et la chambre de commerce avaient donné leur accord mais cela n'a pu se réaliser avant sa mort[17].
Il existe une « Association bordelaise des amis de Jacques Chaban-Delmas » depuis 2006[69] et une « Association Chaban aujourd'hui » depuis 2009[70].
À l'occasion du centenaire de sa naissance en 2015, l'Assemblée nationale organise une exposition temporaire dans l'hôtel de Lassay[71].
Vie privée et familiale
Mariages et descendance
En 1933, Jacques Delmas entre en tant que journaliste stagiaire à L'Information économique et financière tout en suivant les cours de Sciences Po et de la faculté de droit. Le , il épouse Odile Hamelin, la fille du fondateur du journal. Ils ont trois enfants : Clotilde, née en [72], Christian, astrophysicien né en 1941, et Valérie, née en 1945.
Avant la guerre, Jacques Chaban-Delmas joue au tennis avec Marie-Antoinette Iôn. Ils se retrouvent à Londres en 1943[73]. Au début de l'année 1945, Jacques déserte le domicile conjugal pour aller retrouver Marie-Antoinette Iôn (qui divorce de François Geoffray, cadre dirigeant chez Renault). Il divorce également et se remarie le avec cette « petite blonde plantureuse aux yeux verts, d'origine belgo-roumaine, toujours très coquette. Outre son élégance un peu convenue, on souligne son bon goût classique, la qualité de ses conseils et la sûreté de son jugement sur les êtres »[74]. Ils ont un fils, Jean-Jacques, né le , marié à Diane de Oliveira-Cezar[75], le , avec qui il a deux enfants, Éléonore et Jacques-Olivier ; divorcé, Jean-Jacques se remarie à Joëlle Loubère, avec laquelle il a Guillaume — qui se présentera aux élections municipales de 2020 à Bordeaux sur la liste du maire LR sortant, Nicolas Florian[76] —, puis il se marie en troisième noces avec Corinne Bretonneau le . Marie-Antoinette Iôn disparaît dans un accident de voiture le à Urrugne (Pyrénées-Atlantiques).
Jacques Chaban-Delmas, veuf, se remarie le , alors qu'il est Premier ministre, avec Micheline Chavelet (née en 1929), que son ami François Mitterrand lui a présentée[77]. Il est ainsi le beau-frère de André Schmidt, qui est longtemps son collaborateur, et l’oncle par alliance de Philippe Guilhaume, un temps président d’Antenne2 et de France Régions 3, également son collaborateur à l’Assemblée nationale ; il est aussi le grand-oncle de Virginie Guilhaume[60].
Sports
La carrière sportive de Jacques-Chaban Delmas, sportif de haut niveau, fut mise en avant dans le courant des années 1960 par le biais d'un reportage de l'émission Les Coulisses de l'exploit.
Licencié au CASG Paris, puis au CA Bèglais au poste de trois-quarts aile gauche, Jacques Chaban-Delmas a joué en sélection nationale de rugby à XV en , contre l'équipe du British Empire Service, à Richmond.
Jacques Chaban-Delmas a été licencié à la section tennis du Racing Club de France dès l'avant-guerre. Il pratiqua le sport à haut niveau, et fut notamment finaliste du double messieurs du championnats de France en 1965 (Le National), vainqueur à Roland-Garros des Internationaux de France vétérans en simple et en double en 1961 (avec Roland Journu), puis en double de 1965 à 1970 (avec Pierre Pellizza). Il a joué en double mixte à Roland-Garros avec Myrtil Dubois en 1956 et a participé à plusieurs tournois français réputés tels que la Coupe Marcel Porée en 1955 et 1959, au championnat de France de tennis en salle en 1961 et la Coupe Albert Canet en 1964. En 1960, il prend part à une rencontre interclub France-Angleterre aux côtés d'Henri Cochet[78]. En 1968, il dispute la première édition Open des Internationaux de France en double avec Henri Pellizza. Il a été classé en première série en double et à la tête de la seconde série en simple dans les années 1960[79].
Il participe aussi à des tournois de bridge[80].
Détail des mandats et fonctions
Fonctions gouvernementales
- Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme du gouvernement Pierre Mendès France (du au )
- Ministre du Logement et de la Reconstruction du gouvernement Pierre Mendès France (du au )
- Ministre des Travaux publics, des Transports et du Tourisme du gouvernement Pierre Mendès France (du au )
- Ministre d'État du gouvernement Guy Mollet (du au )
- Ministre de la Défense nationale et des Forces armées du gouvernement Félix Gaillard (du au )
- Premier ministre du au
Mandats électifs
- Député de la Gironde (1946-1997)
- Représentant de la France à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (1949-1959)[22].
- Membre de la Conférence annuelle des parlementaires de l'Otan (1955-1966) [22]
- Sénateur de la Communauté (1959-1961)[81].
- Membre du Parlement européen (1961-1969 et 1973-1979) [22].
- Membre de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie (1967-1969 et 1973-1997)[22].
- Membre de l'Assemblée de l'Union de l'Europe occidentale (1979-1990)[22].
- Membre de l'Assemblée parlementaire de l’OSCE (1990-1997)[22].
- Maire de Bordeaux (1947-1995)
- Président de l'Assemblée nationale (du au , du au , du au ). Président d'honneur depuis le
- Président de la communauté urbaine de Bordeaux (1967-1977, 1983-1995)
- Premier vice-président du conseil de la communauté urbaine de Bordeaux (1977-1983)
- Président du conseil régional d'Aquitaine (1974-1979 et 1985-1988)
Publications
- L'Ardeur (Stock, Paris, 1975) (ISBN 2-234-00367-9) (notice BnF no FRBNF36254654). Autobiographie[82].
- Charles de Gaulle (Éditions no 1, Paris, 1980) (ISBN 2-86391-017-5) (notice BnF no FRBNF34684234).
- La Libération (Éditions no 1, Paris, 1984) (ISBN 2-86391-086-8) (notice BnF no FRBNF34754401).
- Les Compagnons (Albin Michel, 1986) (ISBN 2-226-02530-8) (notice BnF no FRBNF34868940).
- La Dame d'Aquitaine (j'ai lu 1987) (ISBN 2-277-22409-X) (notice BnF no FRBNF35532235).
- Montaigne (Michel Lafon, 1992) (ISBN 2-908-65203-X) (notice BnF no FRBNF35532235). Prix Henri-Malherbe (1993).
- Mémoires pour Demain (Flammarion, 1997) (ISBN 2-08-067358-0) (notice BnF no FRBNF36171462).
En outre, il est l'auteur de nombreuses préfaces, avant-propos, introductions et postfaces[83].
Décorations
- Commandeur de la Légion d'honneur
- Compagnon de la Libération - décret du
- Croix de guerre 1939-1945
- Médaille de la Résistance française, avec rosette
- Commandeur du Mérite
- Commandeur de l'ordre de Léopold II
- Commandeur l'ordre de Virtuti Militari (Pologne)
- Commandeur de l'ordre d'Isabelle la Catholique (Espagne).
- Cordon de l'ordre de l'Étoile yougoslave.
- Chevalier grand-croix de l'ordre du Mérite de la République italienne[84].
Filmographie
Cinéma
Télévision
- 1982-1995:Le Bébête show:Jacques Chaban-Delmas était un canard nommé Bancha (car il siège sur le perchoir, à l'Assemblée).
- 2006 : Le Grand Charles par Julien Boisselier
- 2011 : Mort d'un président par Alain Fromager
- 2011 : Changer la vie par Didier Flamand
- 2013 : Crime d'État par Grégoire Oestermann
Notes et références
Notes
- « Chaban » est un des noms qu'il avait adoptés dans la Résistance, et qui s'est ensuite imposé à lui, jusqu'à le faire ensuite ajouter à son état-civil.
Références
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- Jacques Chaban-Delmas.
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- Bertrand Galimard Flavigny, Ceux qui ont fait la France : 200 personnages clés de l’histoire de France, Leduc Éditions, , p. 417.
- « Jacques Chaban-Delmas ».
- Lachaise et al. 2007, p. 24.
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- Ouvrir la « Page d’accueil », sur le site de la bibliothèque de l’École polytechnique, Palaiseau (consulté le ), sélectionner l’onglet « Catalogues » puis cliquer sur « Famille polytechnicienne », effectuer la recherche sur « Raymond Panié », résultat obtenu : « Panié, Raymond Eugène Désiré (X 1923 ; 1903-2000) ».
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- JM Binot et B. Boyer, L'Argent de la Résistance, Larousse, 2010
- Philippe et Patrick Chastenet, Chaban, Seuil, 1991
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- AFP, « Le Gouvernement français entérine le "compromis" Mendès France sur le traité de la CED », Le Soir, , p. 1.
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- Jacques Chaban-Delmas, Mémoires pour demain, Paris, Flammarion,
- Informations tirées de :
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Voir aussi
Bibliographie
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Liens externes
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