Serpent monétaire européen
Le Serpent monétaire européen est un dispositif économique actif de 1972 à 1979 qui limite les fluctuations de taux de change entre les pays membres de la Communauté économique européenne. Pour chaque monnaie, un seuil d'intervention à la vente et un seuil d'intervention à l'achat, en fonction du taux de change par rapport à chacune des autres monnaies, étaient définis. Ainsi, une monnaie ne pouvait pas fluctuer par rapport à une autre de plus ou moins 2,25 % autour de sa parité bilatérale.
Pour les articles homonymes, voir SME.
Il ne faut pas confondre ce dispositif avec le Système monétaire européen, dont il est le prédécesseur.
Genèse
La genèse du Serpent Monétaire Européen débute de fait en 1944 avec les accords de Bretton Woods où plusieurs dizaines d'États, la guerre finie, décident que la nouvelle économie mondiale se fera grâce à l'aide des États-Unis et les échanges seront donc basés sur le dollar américain. Cette spécificité de la monnaie américaine va dès lors lui conférer une valeur supranationale et donner un privilège exceptionnel aux États-Unis en leur permettant de payer toutes leurs importations dans la monnaie nationale, alors que les autres pays doivent s'efforcer de gagner suffisamment de devises pour régler leurs importations. Pour obtenir les précieux dollars, les pays n'ont d'autre choix que d'exporter, en particulier les pays de l'Europe de l'Ouest et le Japon, alors que les États-Unis, qui ont la possibilité de financer leurs achats en émettant des dollars, tendent à augmenter leurs importations plus que ne leur permet leur situation réelle, rendant le système de plus en plus fragile.
Alors qu'ils s'étaient engagés à assurer la convertibilité du dollar en or à 35 dollars l'once, les États-Unis renoncent unilatéralement en 1971 à cette convertibilité. Dès lors, le cours du dollar va évoluer librement par rapport aux autres devises donnant cours à un nouveau système de parités flottantes dont est issu le Système monétaire européen. Durant les années 1970, les détenteurs de dollars les vendent pour acheter de l'or et d'autres devises, faisant monter le cours de l'or et chuter celui du dollar.
Les devises les plus recherchées sont celles des pays qui ont su orienter leur appareil productif vers l'exportation, en particulier l'Allemagne de l'Ouest et le Japon, ce qui confère à ces pays une santé économique florissante grâce à une balance commerciale excédentaire. Logiquement, la hausse de leurs devises leur font perdre de la compétitivité économique et leurs exportations sont rendues plus difficiles, menaçant des pans entiers de leurs économies, dont dépendent 20 à 30 % de leurs salariés. Cette pression les oblige à réaliser encore plus d'efforts de productivité et à faire monter en gamme leurs produits vers encore plus de qualité, pour séduire les acheteurs les plus fortunés et les plus exigeants.
Mais cette politique a des limites. Par exemple, pour l'Allemagne de l'Ouest, les principaux pays clients risquent de devenir inaccessibles car leurs monnaies montent moins vite par rapport au dollar, et donc baissent relativement par rapport au Deutsche Mark.
Histoire
En 1972, le Serpent monétaire européen est créé par l'accord de Bâle du . Il est la reconnaissance qu'il existe depuis quinze ans en Europe de l'Ouest une véritable communauté d'intérêts économiques et que ces pays sont, les uns pour les autres, autant d'importants clients que d'importants fournisseurs.
Ces pays se rendent compte qu'ils ne veulent plus prendre le risque de laisser leurs échanges commerciaux à la merci d'un mouvement spéculatif qui prendrait l'un d'entre eux pour cible. Par le pacte signé, les pays s'engagent à flotter de concert en maintenant entre leurs devises des rapports quasi stables (+ ou - 2,25 % d'oscillation maximum). Le message aux spéculateurs est désormais clair : ceux qui voudraient faire monter le Deutsche Mark devront aussi faire monter les autres monnaies qui lui sont rattachées dans le cadre du Serpent monétaire européen.
Cependant, la chute du dollar américain continue de 1972 à 1978, et les devises craquent les unes après les autres. Entrée dans le Serpent en , la livre sterling le quitte dès - elle sera obligée à une dévaluation de 30 % en 1976. La lire italienne quitte le dispositif en . Le franc français sortit deux fois du Serpent, en 1974 et en , car même s'il s'apprécia par rapport au dollar de 5,50 à moins de 4,00, la dérive était encore plus importante par rapport à la devise allemande.
Les problèmes économiques au cours de la période 1977-1978 sont importants : inflation généralisée, crise de l'acier, effondrement du dollar, qui de à perd 12,34 % par rapport à la devise allemande, passant de 2,35 DM à 2,09 DM alors que la balance commerciale américaine accuse un déficit de 31 milliards de dollars pour 1977. Le gouvernement américain ne soutient pas sa monnaie et début 1978, l'instabilité monétaire est généralisée et la situation est telle que même les échanges communautaires sont menacés. Les monnaies européennes les unes après les autres doivent quitter le Serpent monétaire européen.
- Le franc français plonge à nouveau lors de la campagne législative de ;
- La lire italienne connaît de plus en plus de soubresauts avec la participation des communistes dans la coalition gouvernementale ;
- La livre sterling, malgré la dévaluation de 30 % en 1976, est toujours très faible.
La nécessité d'un nouveau système s'impose, autour d'un système monétaire capable d'empêcher l'envol du Deutsche Mark en le lestant avec les monnaies moins performantes de ses principaux partenaires commerciaux. Le , le Britannique Roy Jenkins, alors président de la Commission européenne, propose dans son discours de Florence, de frapper un grand coup en créant une monnaie unique pour les neuf pays et un budget de l'Union européenne qu'il propose de fixer à 10 % de chaque PIB, car il estime qu'aucun progrès ne peut se réaliser par une politique de petits pas.
La nouvelle formule, mise au point après de dures négociations, entre en vigueur le , c'est le Système monétaire européen.
Profitant de l'expérience acquise dans la gestion du Serpent, les deux plus importantes modifications techniques sont les suivantes :
- Les devises du nouveau système prendront comme référence un panier moyen dénommé l'ECU et constitué au prorata économique des devises adhérentes au nouveau système ;
- La fluctuation des devises les unes par rapport aux autres s'étant révélée irréaliste, la nouvelle fluctuation de 1,125 % se fait par rapport au panier : chaque devise se donne pour ambition de flotter par rapport à la moyenne des autres.
Compléments
Articles connexes
Liens externes
- [image] « Serpent monétaire européen » sur le site du CVCE.
- Accords de Bâle, Encyclopædia Universalis.
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