Arsenic

L'arsenic est l'élément chimique de numéro atomique 33, noté par le symbole As. Le corps simple correspondant est un solide cristallin argenté.

Arsenic

Échantillon d'arsenic.
GermaniumArsenicSélénium
P
 
 
33
As
 
               
               
                                   
                                   
                                                               
                                                               
   
                                           
As
Sb
Tableau completTableau étendu
Position dans le tableau périodique
Symbole As
Nom Arsenic
Numéro atomique 33
Groupe 15
Période 4e période
Bloc Bloc p
Famille d'éléments Métalloïde
Configuration électronique [Ar] 3d10 4s2 4p3
Électrons par niveau d’énergie 2, 8, 18, 5
Propriétés atomiques de l'élément
Masse atomique 74,921595 ± 0,000006 u
Rayon atomique (calc) 115 pm (114 pm)
Rayon de covalence 119 ± 4 pm[1]
Rayon de van der Waals 185 pm
État d’oxydation ±3, 5
Électronégativité (Pauling) 2,18
Oxyde Acide faible
Énergies d’ionisation[2]
1re : 9,7886 eV 2e : 18,5892 eV
3e : 28,351 eV 4e : 50,13 eV
5e : 62,63 eV 6e : 127,6 eV
Isotopes les plus stables
Iso AN Période MD Ed PD
MeV
75As100 %stable avec 42 neutrons
Propriétés physiques du corps simple
État ordinaire Solide
Allotrope à l'état standard Arsenic gris (rhomboédrique)
Autres allotropes Arsenic jaune (cubique centré), arsenic noir (orthorhombique)
Masse volumique 5,72 g·cm-3 (gris);
1,97 g·cm-3 (jaune);
4,75,1 g·cm-3 (noir)[3]
Système cristallin Rhomboédrique
Dureté 3,5
Couleur gris métallique
Point de fusion 817 °C (28 bar),
pas de fusion à la pression normale[3]
Point d’ébullition 613 °C (sublimation)[3]
Énergie de fusion 369,9 kJ·mol-1
Énergie de vaporisation 34,76 kJ·mol-1
Volume molaire 12,95×10-6 m3·mol-1
Pression de vapeur 7,5×10-3 mmHg (280 °C);

7,5×10-2 mmHg (323 °C);
0,75 mmHg (373 °C);
7,5 mmHg (433 °C);
75 mmHg (508 °C);
750 mmHg (601 °C)[4]

Chaleur massique 330 J·kg-1·K-1
Conductivité électrique 3,45×106 S·m-1
Conductivité thermique 50 W·m-1·K-1
Divers
No CAS 7440-38-2[5]
No ECHA 100.028.316
No CE 231-148-6
Précautions
SGH[3]

Danger
H410, P261, P273, P311, P301+P310 et P501
SIMDUT[6]

D1A, D2A,
Transport[3]
60
   1558   

60
   1562   
Classification du CIRC
Groupe 1 : Cancérogène pour l'homme[7]

Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Cet article concerne l'élément chimique nommé arsenicum en latin, le corps simple et ses composés ou combinaisons. Pour les autres significations, voir Arsenic (homonymie).

Cet article possède un paronyme, voir Ärsenik.

L'arsenic (du groupe V (pnictogènes que sont : N, P, As, l'Sb, Bi et Mc)) a des propriétés intermédiaires entre celles des métaux et des non-métaux, comme l'antimoine dont il est proche. Il est généralement considéré comme un métalloïde. C'est un élément hautement toxique, et un polluant réglementé depuis 2005 en Europe (par une directive de 2005)[8].

Le groupe des pnictogènes montre une tendance croissante à former des sulfures stables plutôt que des oxydes. De même, les ions à base d'As, Sb et Bi sont précipités par le sulfure d'hydrogène en solution.

L’arsenic est chimiquement très semblable au phosphore, élément non métal qui le précède dans le même groupe. On dit qu'il est son « analogue chimique ». Il présente aussi une grande analogie avec l'antimoine semi-métallique plus lourd qui le suit dans le groupe.

Cette matière connue de haute Antiquité est aussi un perturbateur endocrinien.

Isotopes

L'arsenic possède 33 isotopes connus, de nombre de masse variant de 60 à 92, ainsi qu'au moins 10 isomères nucléaires. Seul un de ces isotopes, 75As, est stable, faisant donc de l'arsenic un élément monoisotopique. Cet isotope étant également le seul présent dans la nature, l'arsenic est donc également un élément mononucléidique. Sa masse atomique est de 74,921 60(2) u.

Les radioisotopes de l'arsenic les plus stables sont 73As, avec une demi-vie de 80 jours, suivi de 74As (17,7 jours) et 76As (1 jour). 78As a une demi-vie de 90 minutes, mais tous les autres isotopes ont une demi-vie inférieure à 1 heure, et la plupart inférieure à 1 minute.

Occurrences dans les milieux naturels, géologie et minéralogie

L'arsenic corps simple polymorphe existe à l'état natif au moins sous deux variétés allotropiques, qui sont autant d'espèces minérales définies de la catégorie élément natif, soient l'arsenic natif et l'arsénolamprite. De grandes masses d'arsenic natif, accumulées lentement par l'effet des eaux acides d'infiltrations minières, ont été trouvées dans les anciennes mines de Sainte-Marie-aux-Mines.

Il existe assez communément dans la nature des arséniures et sulfo-arséniures de fer, de nickel ou de cobalt, qui attestent des combinaisons faciles de l'élément arsenic avec le soufre et nombre de métaux. L'arsenic est souvent associé à l'antimoine, comme le prouve le stibarsen. Il est en particulier assez souvent associé aux métaux précieux comme l'or et l'argent.

C'est un élément perturbateur occasionnellement retrouvé dans les gisements aurifères. Il est considéré comme un ennemi par les métallurgistes. Plusieurs compagnies minières le fuient, mais les plus courageuses et tenaces en sont récompensées[pas clair]. L'emploi de main-d'œuvre extrêmement compétente peut compenser l'apport négatif de cet élément. Une expertise dans l'extraction profonde de tellures aux côtés de géologues de haut niveau s'avère un atout non négligeable pour la compagnie exploitant le gisement.

Échantillon de minerai d'arsenic natif provenant de St. Andreasberg, Harz, et conservé par le Mineralogisches Museum der Universität Bonn.

Il est également présent, sous diverses formes ioniques ou de composés de combinaisons solubles, dans les eaux minérales, à l'état de traces ou de quantités parfois non négligeables. Ainsi les eaux du Mont Dore étaient qualifiées d'arsenicales.

Forme rare (macrocristaux) de l'arsenic, provenant de la mine de Ronna, à Kladno, dans le centre de la Bohème en République Tchèque).

Le clarke s'élève à 5 g par tonne[9]. L’arsenic n'est donc pas un élément très rare. Il est présent dans de nombreux autres minéraux, particulièrement les arséniures, les arséniates, quelques sulfosels (alloclasite, cobaltite, énargite, lautite, luzonite, pearcéite, proustite...).

Gisements exploitables

Le minerai principal est toutefois le composé minéral mispickel, une arsénopyrite de fer où le soufre et l'arsenic peuvent se substituer. L'extraction du mispickel (FeAs et FeS2) semble ancienne : un chauffage en cornue cylindrique, avec ajout de fonte, s'imposait. L'arsenic corps simple volatil s'élevait dans le cylindre supérieur.

FeAs solide arséniure de fer, associé dans le mispickel + FeS2 pyrite associée au mispickel chauffé → As vapeur volatile captée puis dépôt sur surface froide + FeS masse solide plus dense

Une distillation sur charbon actif permettait de purifier la matière arsenic.

Accessoirement, il est possible de considérer le réalgar AsS (« arsenic rouge ») et l'orpiment As2S3 arsenic jaune ») comme d'autres minerais.

Flux naturels

Il s'agit d'un oligoélément à très faible dose, mais d'un poison toxique puissant à doses plus élevées.

Le cycle de l’arsenic est mal connu, mais on estime que les bactéries terrestres produisent environ 26 000 tonnes par an d’arsenic méthylé volatil aboutissant à l’océan. S’y ajoutent 17 000 tonnes par an émises par les volcans et 2 000 tonnes par an environ issues de l’érosion éolienne des sols. Les sédiments marins en piègent une partie, qui durant un certain temps restera toutefois biodisponible. Ces flux sont à comparer à la production par les activités humaines, qui étaient estimées dans les années 1990 à environ 30 000 tonnes par an dans le monde.

Une faible quantité d’arsenic est présente dans tous les organismes marins. Pour des raisons encore mal comprises, les invertébrés et en particulier les mollusques bivalves (moules, huîtres, coquilles Saint-Jacques) de pleine mer sont souvent plus contaminés (10 à 30 μg·L-1 en général) que ceux qui vivent dans les estuaires. Des pics de pollution marine peuvent être constatés, par exemple autour des sites de munitions immergées en mer Baltique.

Des taux élevés (par exemple 2 739 μg·L-1 chez le polychète Tharyx marioni sont constatés dans les zones très polluées. Chez les poissons, des concentrations de 5 à 100 μg·L-1 sont courantes, plus faibles chez les espèces consommant du plancton (bar, maquereau, hareng) (5 à 20 μg·L-1) et plus élevées chez les poissons du sommet du réseau trophique (130 et 230 μg·L-1 respectivement pour le congre et la roussette).
Les teneurs des poissons plats (plie, sole, flet) variaient de 10 à 60 μg·L-1 en France dans les années 1990[10].

Corps simple

Propriétés physiques

C’est un corps simple métalloïde qui a trois formes allotropiques : jaune, noir et gris.

La forme allotropique jaune As4 est non métallique et de structure tétraédrique. Elle est obtenue par condensation rapide de vapeur d'arsenic. Elle est l'analogue de P4 et surtout Sb4.

La forme allotropique, parfois qualifiée de semi-métallique, Asnoir est plus stable. Elle est l'analogue avec celle de l'antimoine noire du phosphore noir. Le reflet est nettement métallique, elle est modérément conductrice de la chaleur et de l'électricité. Il s'agit concrètement d'un corps simple chimique, solide cassant de densité avoisinant 5,7 (5,725 pur), de couleur gris de fer à gris métal, doué d'éclat métallique.

L'arsenic chauffé vers 300 °C commence à se sublimer sans fondre. La sublimation est rapide et totale à 613 °C. Les vapeurs se condensent sur les parois ou les surfaces plus froides, en formant petit à petit des rhomboèdres. Le chimiste allemand Mitscherlich a mesuré une densité de vapeur d'As avoisinant 10,37 sous la pression de vapeur non contrainte d'un volume molaire, autant à 564 °C qu'à 860 °C.

Le point du fusion peut être atteint sous de plus grandes pressions ambiantes, de l'ordre de 28 atmosphères, à 817 °C. Il est possible de le fondre par chauffage dans un tube scellé à la lampe à souder, dont la partie inférieure est muni d'un canon de pistolet. Cette forme empêche la déformation du verre sous la pression de vapeur d'arsenic croissante.

Propriétés chimiques

L'arsenic insoluble dans l'eau se ternit à l'air, il se couvre alors de poussières noires. Il est possible de nettoyer poussières et surface altéré à l'eau de chlore.

L'arsenic chauffé dans l'oxygène raréfié, c'est-à-dire le gaz dioxygène à faible pression partielle, sous cloche, est phosphorescent. Si la température s'accroît ou la pression partielle d'oxygène s'élève, l'arsenic brûle avec une flamme verdâtre.

Projeté sur des charbons ardents, l'arsenic se volatilise avec une odeur d'ail forte. La vapeur est très sensible à l'oxydation chimique, et très vite, de l'anhydride arsénieux As2O3, voire de l'acide arsénieux en milieu humide, apparaît sous forme de dépôts.

L'arsenic traité par l'acide nitrique donne de l'acide arsénique présent uniquement en milieu aqueux. Cette réaction oxydante lente est parfois décrite comme une dissolution.

3 As solide cristal + 5 HNO3 aq acide fort concentré + 2 H2O → 3 H3AsO4 aq acide arsénique + 5 NO gaz

Cette réaction avec l'acide nitrique est analogue à celle du corps simple P.

Il est plus aisé d'oxyder le corps simple As en portant l'élément à son état d'oxydation le plus élevé, en solution basique qu'en solution acide.

Projeté en poudre dans un flacon rempli de gaz dichlore, l'arsenic brûle avec une flamme blanche et laisse un dépôt de AsCl3. La réaction a également facilement lieu avec les autres halogènes. Ainsi peuvent être produits directement le bromure AsBr3, les iodures AsI3 et AsI5, voire les fluorures AsF3 et AsF5.

Composés chimiques

Composés inorganiques

L'oxyde d'arsenic ou anhydride arsénieux As2O3 est amphotère, à l'instar de l'oxyde d'antimoine, ce qui atteste, pour les chimistes, un caractère semi-métal de ce métalloïde. Il existe sous trois formes allotropiques. Sa morphologie peut être amorphe ou vitreuse, ou encore cristalline, soit cubique soit monoclinique.

Le trioxyde d'arsenic, anhydride arsénieux, ou encore « arsenic blanc », improprement appelé arsenic, de formule As2O3, est un poison violent. Il est néanmoins indiqué et investigué comme anticancéreux dans certaines leucémies[11],[12] ; ses effets indésirables incluent troubles hydroélectrolytiques, arythmie cardiaque, voire l’arrêt cardiaque pouvant entraîner la mort.
Il est utilisé pour la fabrication de verre ou de cristal, quand il n’a pas été remplacé par le trioxyde d’antimoine, également toxique, mais non soumis à la directive Seveso.

L'acide arsénique ou arséniate As2O5 existe également.

La plupart des composés arsenicaux dérivent notamment de l'acide arsénique (H3AsO4) et des trois ions (acidité faible) : ion dihydrogénoarséniate (H2AsO4-), ion hydrogénoarséniate (HAsO42-), ion arséniate (AsO43-).
Les composés arsenicaux (organiques ou non organiques) sont des molécules surtout utilisées (ou autrefois utilisées car beaucoup sont maintenant interdites) comme biocides (fongicide, herbicide, insecticide, poisons raticides…) ou qui ont été utilisées comme gaz de combat dans les armes chimiques développées durant la Première Guerre mondiale.

De manière assez similaire aux oxydes, il existe trois combinaisons communes avec le soufre : As4S4, As2S3 et As2S5

Les caractéristiques du gaz arsine AsH3 peuvent se rapprocher de la phosphine. Le trihydrure d'arsenic, arsénure d'hydrogène ou arsine, de formule AsH3, est une substance se vaporisant en un gaz incolore, d’odeur alliacée nauséabonde, très toxique qui a été utilisé comme gaz de combat, notamment lors de la Première Guerre mondiale. L'arsine disparaît en solution alcaline. Comme l'arsenic précipite, l'arsine peut être considéré comme un bon réducteur en milieu basique.

Le test de Marsh, qui consiste à verser de l'arsenic dans un mélange d'acide fort et de poudre ou fins copeaux de zinc, la réaction générant un flot de gaz arsine ou hydrogène arsénié, se déposant en miroir d'arsenic sur une surface préchauffée de verre ou de porcelaine s'applique à la réduction d'un composé d'arsenic (ou d'antimoine). Mais le miroir d'arsenic est facilement dissous par une solution d'hypochlorite de sodium, contrairement à celui d'antimoine.

Les autres sels et composés inorganiques sont le plus souvent :

  • des sels trivalents (As (III), As+3 ; formes variées d’arsénites, dérivées du trioxyde d'arsenic en solution aqueuse),
  • des sels pentavalents ((As (V), As+5) ; ou arséniates, dérivés du pentoxyde d'arsenic en solution aqueuse), qui sont produits à base de trioxyde d'arsenic, d'acétoarsénite de cuivre (« Vert de paris », Paris Green), d'arséniate de plomb, ou d'arséniate de calcium.

Composés organiques

Ce sont notamment l’arsénobétaïne et l’arsénocholine, notamment présents dans diverses plantes et organismes marins. Ce sont aussi les métabolites de l’arsenic :

Aux doses habituellement présentes dans la Nature ils sont moins toxiques pour les animaux à sang chaud, mais ils contiennent néanmoins de l'arsenic non dégradable.
En médecine, ils ont remplacé les sels d'arsenic, trop dangereux pour l'homme et les animaux domestiques[14] et souvent maintenant interdits (sauf exceptions dans certains pays comme les États-Unis, durant un certain temps, comme les produits arséniés de traitement du bois, l’arséniate de plomb comme régulateur de croissance pour le raisin, ou l'arséniate de calcium pour les gazons de golfs qui ont été autorisés par l'EPA aux États-Unis après que les autres arsénicaux non organiques eurent été interdits). On les trouve notamment dans certains herbicides très utilisés sur les golfs nord-américains ou pour le défanage du coton avant récolte[13].

L'arsénite de soude n'a été en France interdite sur la vigne comme pesticide (insecticide utilisé contre la pyrale de la vigne, les carpocapses les vers des pommes et des poires, des altises, la pyrale, la cochylis et l’eudémis puis comme fongicide) que le 8 novembre 2001 par le ministère de l'agriculture sous l'égide de Jean Glavany et en 2004 par la Commission européenne[15]. Peu après, des viticulteurs soutenus par la FNSEA réclamaient sa réautorisation pour lutter contre l'esca (aussi dit maladie du bois de vigne, d'abord attribuée à deux basidiomycètes, mais qui serait due à un complexe d'au moins 5 organismes)[16]. Des composés arsénicaux inorganiques interdit en Europe ou aux États-Unis peuvent encore être utilisés comme pesticides dans certains pays, et ils ont de nombreux autres usages dans le monde entier[13].

  • Durant la Seconde Guerre mondiale (octobre 1943), la réglementation s'intéresse à l’arsenic dans les raticides et taupicides, dans lesquels l'arsenic sera peu à peu remplacé par des anticoagulants, de la strychnine, des anti-vitamines K ou des sels de thallium en mélange avec divers ingrédients.
  • En 1973, un décret interdit en France tous les herbicides arsenicaux, mais ils restent très utilisés aux États-Unis.

Histoire

Son nom vient du syriaque ܠܐ ܙܐܦܢܝܐ (al) zarniqa, issu du persan زرنيخ zarnikh signifiant « jaune » puis « orpiment » (sulfure naturel d'arsenic servant à peindre la peau des hommes sur les fresques de la Grèce antique). Le terme est adopté dans la langue grecque sous la forme arsenikon (ἀρσενικόν), qui correspond en étymologie populaire à la forme neutre du grec arsenikos (ἀρσενικός signifiant « qui dompte le mâle » en raison de sa forte toxicité). Le terme grec est lui-même adopté en latin sous la forme arsenicum, qui donne en français arsenic[17]. Le prénom Arsène est tiré de la même racine grecque arsen mâle »).
L'adjectif arsenical au singulier, arsenicale au féminin, arsenicaux au pluriel qualifie un corps ou une matière qui contient de l'arsenic.

À l'âge du Bronze ancien le bronze est souvent composé d'un alliage à base de cuivre et d'arsenic, ce pourquoi les archéologues nomment parfois cette période l'âge du Bronze-Arsenic : employé comme durcissant et pour augmenter la brillance du métal, cet arsenic, selon les cas est une impureté naturelle du minerai de cuivre ou il a été ajouté intentionnellement comme adjuvant. Au Bronze final se substitue à ce bronze arsenié un alliage cuivre-étain permettant de fabriquer des métaux plus résistants et ductiles (âge du Bronze-Étain)[18].

Durant l'Antiquité, l'arsenic est toujours utilisé pour la métallurgie (durcissant de nombreux métaux) mais aussi dans les arts (pigments, peinture) et la médecine sous deux formes inorganiques à l'état naturel, du trisulfure d'arsenic (l'orpiment As2S3) et du quadrisulfure d'arsenic (réalgar As4S4)[19]. Hippocrate les utilise au Ve siècle av. J.-C. pour soigner les ulcères cutanés. Depuis lors, la pharmacopée grecque et chinoise s'en sert pour traiter ou freiner la syphilis, le cancer, la tuberculose ou le paludisme[20].

Au VIIIe siècle, l'alchimiste arabe Jabir Ibn Hayyan est probablement le premier à préparer le trioxide d'arsenic en l'isolant de son composé minéral : cette poudre blanche sans goût et sans odeur la rendra indécelable jusqu'au XXe siècle car elle donne les mêmes symptômes que des intoxications alimentaires, ce qui lui confère le titre de « poison des rois et roi des poisons »[21].

Symbole alchimique de l'arsenic.

On attribue à Albert le Grand d'être le premier à avoir isolé l'élément arsenic en 1250[22].

Au XVIIe siècle l'arsenic va être utilisé comme poison sous le nom de « poudre de succession » par un réseau composé essentiellement de femmes de la noblesse dans le but d'accélérer certains héritages par des meurtres[20].

Le liquide fumant de Cadet (composé As2(CH3)4O préparé en 1760 par le chimiste Louis Claude Cadet de Gassicourt) est le premier composé organométallique à avoir été synthétisé par l'homme[23].

Le vert de Scheele à base d'arséniate de cuivre, inventé par Carl Wilhelm Scheele en 1775, remplace comme pigment vert le carbonate de cuivre. Pigment de peinture, il colore les papiers peints, les jouets d'enfants puis est remplacé par le vert de Schweinfurt tout aussi toxique[24].

La liqueur de Fowler à base d'arsénite de potassium découverte en 1786 par Thomas Fowler est utilisée comme remède et tonique pendant plus de 150 ans.

Les composés à base d'arsenic sont utilisés dans les teintures, l'oxyde d'arsenic jouant le rôle de mordant, pigments de réalgar ou d'orpiment, leur toxicité étant à l'origine  qui se révèle fausse en fait  du bannissement de la couleur verte au théâtre[25].

À partir de 1740 on le retrouve dans les traitements des semences à l'arsenic (tel le vert de Paris utilisé comme insecticide ou raticide) mais sa toxicité entraîne son interdiction dans cette industrie en 1808[26].

En 1908, Paul Ehrlich met au point un composé arsenical, le Salvarsan, considéré comme le premier agent anti-infectieux et chimiothérapeutique.

Il a été utilisé pour augmenter la toxicité de certaines armes chimiques (dont l'Ypérite), sous forme d’arsine notamment, dès la Première Guerre mondiale. La destruction d'armes chimiques après les opérations de désobusage a été source de pollutions durables[27]. Sous forme d’arsine il a été présent dans certaines munitions chimiques de la Première Guerre mondiale et des années qui ont suivi (fabriquées, non utilisées puis démantelées ou jetées en mer). Les arsines sont employées comme arme chimique durant la Première Guerre mondiale, notamment celles chargées dans des obus à « croix bleue ». En France, durant la Première Guerre mondiale, en 1916, l'arsenic est utilisé dans les armes chimiques. Pourtant, pour éviter dans le civil que ces produits soient utilisés comme poison contre des humains, un décret précise que « Article 1er : les composés arsenicaux insolubles destinés à la destruction des parasites de l’agriculture ne peuvent être vendus ni employés en nature. Ils doivent être mélangés avec une substance odorante et colorée en vert, suivant la formule indiquée à l’article ter de l’article ci-après » (décret du 15 décembre 1916).
« Les composés arsenicaux destinés à la destruction des parasites nuisibles à l’agriculture ne peuvent être délivrés ou employés pour cet usage qu’à l’état de mélange avec des dénaturants d’après la formule suivante • produits arsenicaux insolubles 1 000 g • pyridine ou phénol brut ou nitrobenzine : 20 g • vert sulfoconjugué : 2 g », mélange devant être tout à fait homogène. De plus, pour limiter les risques de détournement, le gouvernement impose que tout commerce de préparations arsenicales doit « avoir un registre coté et paraphé par le Maire ou le Commissaire de police. Toute préparation arsenicale doit être inscrite sur ledit registre »[28].

Les peintures anciennes exposées à la lumière dans les musées et qui utilisent des pigments contenant de l'arsenic, tel l'orpiment, voient ce composé photo-oxydé en anhydride sulfureux qui rend la peinture cassante et en trioxyde d'arsenic (employé jadis comme mort aux rats, ce composé n'est pas libéré en quantité suffisante pour être dangereux pour l'homme) qui donne à la toile une teinte blanchâtre, d'où la nécessité de poser des filtres sur les fenêtres des salles des musées actuels[29].

Sous forme d’arséniate de plomb notamment, il a été utilisé comme pesticide, qui a été une source fréquente d’empoisonnement des utilisateurs ou de consommateurs de produits traités. Il continue à polluer l’environnement longtemps après son utilisation, le plomb et l’arsenic n’étant pas biodégradables ni dégradables à échelle humaine de temps.

Utilisations

  • C'est l'agent de l’arsenicage qui consiste à immerger des cuirs et peaux dans une solution d'arséniate de soude pour éliminer les parasites (dermertes, anthrènes) : ces peaux arseniquées n'empêchent pas la prolifération de bactéries de putréfaction[30].
  • Additionné au plomb, avec un peu d'antimoine, à raison de 5 à 8 %, il durcit légèrement la grenaille de plomb des cartouches de chasse (encore autorisées et utilisées en France, hormis dans les zones humides et vers les zones humides où elles sont interdites). Sans cela, les billes de plomb, s'écraserait les unes contre les autres au moment du tir et se déformeraient en perdant de leur énergie cinétique et de leurs qualités balistiques. Il sert aussi de durcisseur au plomb des cartouches munitions de guerre. Dans les deux cas, il freine aussi la formation d’oxyde de plomb.
  • Additionné au mélange plomb-antimoine des électrodes, il améliore le fonctionnement des accumulateurs.
  • Mélangé avec du cuivre et du chrome (CCA) c’est un produit de traitement du bois (qui lui donne une couleur verdâtre). Bien que controversé en raison de sa toxicité, de sa rémanence et du fait qu’il soit partiellement soluble dans l’eau et les pluies, ce traitement reste autorisé dans la plupart des pays.
  • Il est depuis peu utilisé sur les « tambours » des imprimantes dites « lasers » et des photocopieuses, fax. Pur ou sous forme de séléniure, sa sensibilité à la lumière permet de décharger la tension électrostatique qui va retenir le « toner ».
  • Les alliages composés d’arsenic et de gallium (GaAs) ou d’indium (InAs) donnent des matériaux semi-conducteurs (dits III-V par référence aux colonnes de la table des éléments), utilisés pour la fabrication de cellules photovoltaïques, de diodes électroluminescentes (DEL) et de transistors à très haute fréquence.
    Plus chers et de mise en œuvre plus complexe que le silicium, leur marché reste marginal, mais leur rôle est essentiel en opto-électronique, où les performances du silicium sont moins bonnes.
  • Les insecticides anti-fourmis en contiennent souvent (dimethylarsinate de sodium), bien que l'usage de celui-ci soit interdit dans l'Union Européenne.
  • La roxarsone (commercialisée aux États-Unis sous le nom 3-Nitro[31]) est un antibiotique organo-arsenié. Il est utilisé depuis les années 1970, (récemment interdit en Europe, mais encore utilisé dans de nombreux pays, dont aux États-Unis comme additif alimentaire dans l'alimentation animale) pour traiter les maladies causées par les coccidies et pour éviter les « troubles de croissance » des porcs et volailles (hormis dans le Maryland où il est interdit depuis 2013[32]). Selon une étude récente, cet arsenic inorganique serait particulièrement concentré dans les poulets industriels traités aux antibiotiques. Le laboratoire Pfizer a annoncé, en 2011, la suspension de la vente[33], mais malgré les protestations d'associations environnementalistes ou de consommateurs, il est encore en 2013 autorisée par la FDA. Les inventeurs de ce produit affirmaient qu'il serait excrété sous la même forme[34]. Mais on a ensuite montré que les oiseaux peuvent métaboliser l'arsenic organique en une forme inorganique beaucoup plus toxique[34]. De plus, alors que les excréments frais de volaille ne contiennent presque que la forme organique de l'arsenic ; une fois dans le sol, les bactéries le transforment en arsenic inorganique très toxique, retrouvé dans les eaux de ruissellement et les sédiments[35]. Les excréments de volailles traités à la roxarsone épandus comme engrais la péninsule de Delmarva ont libéré assez d'arsenic pour polluer le sol au-delà des normes fédérales de remédiation (sans toutefois à ce jour affecter la nappe)[35]. Une étude de la FDA a montré que les foies de volailles ayant consommé de médicament contenait plus d'arsenic que ceux d'animaux n'en ayant pas consommé[34]. Pourtant, selon Christopher Loder (porte parole de Pfizer), ce laboratoire n'aurait « pas connaissance de preuves démontrant qu'utiliser des roxarsone est source de risque pour l'environnement ».

Méthodes d’analyse

Plusieurs méthodes existent :

  • quantification de l’arsenic total d’un échantillon ;
  • étude de la spéciation de l’échantillon c’est-à-dire des différentes formes chimiques ou organiques d’arsenic présentes et quantification ;
  • analyse de l’arsenic parmi d’autres métaux, via par exemple l’analyse par fluorescence X

Analyse des échantillons d’eau

Une bonne méthode d’analyse doit avant tout minimiser les interférences de manière à être suffisamment sensible pour obtenir de bonnes limites de détection et de quantification. Ces limites doivent être inférieures aux normes nationales en vigueur. De plus la méthode doit être validée en termes de domaine de linéarité, de réplicabilité, de répétabilité et de justesse. Il est également important de connaître le taux de récupération pour ajuster les résultats.

Prélèvement et conservation de l’échantillon

L’analyse de l’arsenic étant généralement une analyse de trace il est indispensable de prélever les échantillons dans des contenants préalablement lavés avec de l’acide nitrique ou de l’acide chlorhydrique et rincés à l’eau déminéralisée. Pour garantir la conservation de l’échantillon, celui-ci devra être acidifié et ne pas être en contact avec l’air.

Techniques courantes en laboratoire

Il existe une large gamme de méthodes pour analyser les échantillons liquides contenant l’arsenic. Le choix de la méthode se fait en fonction des limites de détections désirées et de la concentration attendue. Parmi elles :

  • la colorimétrie : peu précise ;
  • la spectrométrie d'absorption atomique de flamme (FAAS) : très interférée et manque de sensibilité ;
  • la spectrométrie d’absorption atomique avec atomisation électrothermique (GF- AAS). La mesure se base sur l’injection directe de l’échantillon dans un tube graphite, chauffé électriquement avec atomisation électrothermique ;
  • la génération d’hydrure suivie d’une détection par spectroscopie d'absorption atomique (HG-AAS) ou par fluorescence atomique (HG-AFS). Dans un premier temps l’As(V) est réduit en As(III) avec de l’iodure de sodium. L’arsenic est ensuite transformé en un arsine volatil sous l’action du borohydride de sodium (NaBH4) en milieu acide. L’arsine formé est ensuite oxydé en arsenic élémentaire dans une cellule chauffée et dosée par spectrophotométrie d’absorption atomique. ;
  • la spectrométrie d'émission atomique dans un plasma d’argon (ICP-AES) (voir Torche à plasma) ;
  • la spectrométrie de masse par torche à plasma (ICP-MS). L’échantillon est introduit dans un plasma d’argon, cela permet son ionisation, le spectromètre de masse sépare ensuite les ions en fonction du rapport m/z (masse/charge). Cette méthode comporte de nombreux avantages : étant donné qu’il n’y a qu’un seul isotope stable pour m/z = 75, la détermination de l’arsenic est simple. De plus les limites de détection sont très faibles. Par contre, il y a un problème d’interférences isobariques dans les échantillons à concentration élevée en chlorure (présence de ArCl). De plus le coût d’investissement est élevé et l’utilisateur doit être compétent.

Méthodes d’analyse sur site

L’EPA a validé quelques méthodes d’analyse sur site[36].

Les trois premières sont basées sur la génération d’arsine. La mesure se fait par comparaison du changement de couleur de la solution avec les échelles de couleur fournies avec le kit.

  • Peters Engineering As 75 PeCo test kit ;
  • Envitop Ltd. As-Top Water arsenic test kit ;
  • Industrial Test Systems, Inc., QuickT test kit arsenic analysis systems.

Le quatrième kit utilise une méthode voltamétrique.

  • NANO-BAND EXPLORER Portable Water Analyzer.

Des analyseurs portables (il existe aussi des appareils de fluorescence X portables, plus coûteux)

Extraction de l’échantillon

Les échantillons sont généralement préalablement séchés et tamisés. On procède ensuite à leur solubilisation soit par attaque acide sur plaque ou à reflux, soit par attaque acide en micro-onde fermé pour ne rien perdre. Il n’existe cependant pas de méthode normalisée pour l’arsenic dans les sols et sédiments. L’échantillon est alors sous forme liquide et acidifiée.

On peut de même procéder à une analyse directe de l’échantillon sans minéralisation préalable.

Méthodes courantes en laboratoire

  • Mêmes méthodes que pour l’analyse de l’eau après la mise en solution des échantillons.
  • L’activation neutronique instrumentale (INAA) : utilisée comme technique de référence mais nécessitant l’accès à un réacteur nucléaire.
  • La fluorescence X et ses contraintes : préparation des échantillons, étalonnage et prise en compte des effets de matrice.

Spéciation de l’arsenic

Biométhylation : on a montré[37] en microcosmes, mésocosmes[38] et en laboratoire que dans le sol, l'eau, les sédiments ou le tube digestif, les microbes peuvent méthyler ou déméthyler l'arsenic, et transformer des espèces inorganiques de l'arsenic en formes organiques, et inversement[37].

Enjeux : la connaissance de la spéciation de l’arsenic permet de mieux mesurer l’impact et le risque environnemental, car la nature de l'espèce chimique affecte la biodisponibilité, la toxicologie et la mobilité et bioturbation de l’arsenic [39].

Implications analytiques : une analyse physico-chimique complète d'un environnement implique l'identification et quantification de nombreuses espèces. Or celles-ci peuvent assez rapidement évoluer, la stabilité des échantillons est donc importante, du prélèvement à l’analyse. L’extraction de l’arsenic ne doit pas modifier ses formes chimiques. Les techniques d’analyse doivent être sensibles, sélectives et rapides pour éviter la conversion des espèces présentes.

Stabilité de l’échantillon

Elle peut être obtenue en ajoutant un agent chélatant comme l’EDTA (acide éthylène diamine tetra acétique), et en réfrigérant les échantillons (à température ambiante, seules les solutions très concentrées restent stables).

La nature de l’analyse joue aussi sur la stabilité : l’arsenic organique (méthylé) est plus stable que l’arsenic inorganique.

Extraction de l’arsenic

Pour extraire l’arsenic sans modifier ses formes chimiques, il faut un solvant n’interférant pas avec la détection.

Le lessivage des sols permet de se rendre compte de la mobilité de l’arsenic (qui dépend de la composition chimique du sol, du pH, des micro-organismes…). Mais pour extraire rapidement l’arsenic, des solvants forts sont utilisés et ils interfèrent ensuite avec la séparation HPLC.

Techniques de séparation

La chromatographie en phase liquide à haute performance (CLHP) est la technique la plus souvent utilisée. Ainsi on utilisera la chromatographie de paire d’ions pour séparer les espèces neutres des espèces ioniques (cations ou anions), la chromatographie à échange d'ions (échange d’anions pour séparer As(III), As(V), MMA, DMA, de cations pour séparer l’arsénobétaïne, l’oxyde triméthylarsine et Me4As+).

La chromatographie d'exclusion stérique peut également être utilisée en tant que technique préparative.

L’électrophorèse capillaire est peu utilisée à cause des interférences dues à la matrice de l’échantillon. Cette technique est utilisée pour l’analyse de standard ou d’échantillons dont la matrice est simple.

Techniques de détection

Les principales techniques utilisées sont :

  • La spectroscopie d'absorption atomique et l’ICP-AES. Ces techniques sont efficaces pour des échantillons très concentrés mais pas assez sensibles pour l’analyse de trace. Il faut alors les combiner avec la génération d’hydrure. La génération d’hydrure est une réaction rapide qui augmente de 10 à 100 fois la sensibilité. Cela permet aussi de supprimer l’effet de matrice de l’échantillon.
  • ICP-MS. Cette technique est ultrasensible et permet d’analyser différents éléments en même temps. De plus le couplage avec l’HPLC est facile et il est possible de mesurer les ratios isotopiques ce qui rend la détermination des espèces plus précise.
  • La spectrométrie de masse avec une source électrospray. Cela permet une analyse directe ou couplée avec HPLC et ajoute le paramètre identification des espèces arséniées en plus de les quantifier. Cela est particulièrement intéressant pour les molécules organiques complexes.

Toxicologie

Napoléon Bonaparte aurait pu être empoisonné par de l'arsenic, bien qu'une récente étude semble démentir cette hypothèse[40].
Ancienne boite d'insecticide à base de sels d'arsenic.

Facteurs de toxicité

La toxicité de l’arsenic[41] dépend de sa nature chimique : l'arsenic inorganique est beaucoup plus toxique que l'arsenic organique (son niveau de toxicité dépend aussi de son degré d’oxydation : As(0) > As(III) > As(V)[42]).

  • L'arsenic est dit inorganique quand il est sous sa forme pure ou qu'il est lié à l’oxygène, au chlore ou au soufre. Il est alors très dangereux, même à faible dose, surtout en cas d’exposition répétée.
  • Il est dit organique quand il est chimiquement lié au carbone ou à l'hydrogène. Sous cette forme il est toxique à forte dose mais nécessaire à faible dose pour le bon fonctionnement de l'organisme. C'est un « ultra oligo-élément » essentiel pour l’être humain, le poulet, la chèvre, le porc et quelques autres espèces. Les besoins pour l’homme ont été évalués entre 10 et 20 µg par jour. Ils sont largement couverts par l’alimentation[43],[44] (ce qui constitue un exemple où s'applique l'adage de Paracelse sur les poisons : « Toutes les choses sont poison, et rien n’est sans poison ; seule la dose détermine ce qui n’est pas un poison. »). Attention ! dans l'organisme (d'un poulet par exemple), une partie de l'arsenic organique peut être transformé en arsenic inorganique ; de même dans le sol.

Effets biochimiques majeurs de l'arsenic

  • Il découple la « chaîne respiratoire » en se substituant au phosphore (dans le phosphate, dans la réaction de formation de l’ATP) ;
  • les protéines coagulent quand la concentration en arsenic inorganique est forte : réaction arsenic/liens sulfures ou réaction arsenic/site actif ;
  • il se complexe avec les groupes sulfhydryles des enzymes ;
  • c'est un perturbateur endocrinien ;
  • il perturbe aussi la différentiation cellulaire[45], ce qui contribue à ses propriétés cancérogènes[46].

Imprégnation de la population

Elle varie beaucoup selon le contexte biogéographique et industriel, le métier, le mode de vie, l'alimentation (cf. consommation de fruits de mer, poissons marins carnivores ou gibier), et le contexte géologique et environnemental.

Du point de vue de la santé publique, l'embryon, le foetus et la femme enceinte sont a priori plus vulnérables en termes de risques.

En France le « Volet périnatal » du programme national de biosurveillance a évalué l’imprégnation des femmes enceintes notamment par l’arsenic (et d'autres métaux et quelques polluants organiques) à l'occasion du suivi d'une cohorte de 4 145 femmes enceintes (« Cohorte Elfe » comprenant des femmes ayant accouché en France en 2011 hors Corse et TOM)[47]. Le dosage urinaire[48] de 990 femmes enceintes arrivant à la maternité a confirmé l'omniprésence de l'arsenic dans l'environnement (et nos organismes) ; dans 70 % des échantillons d’urine analysées (moyenne géométrique : 11,0 μg/L ; et 15,1 μg/g de créatinine, soit un niveau proche des moyennes trouvées chez la femme (enceinte ou non, en France et dans plusieurs pays ou régions d'Europe et d'Australie, par contre il était plus élevé que les niveaux mesurés aux États-Unis et au Canada au sein de la population générale adulte. Ce travail confirme une sur-imprégnation des Français par l’arsenic total (comparativement à l'Amérique du Nord), déjà montré en 2007 par un étude ENNS (Étude nationale nutrition santé mise en œuvre par Santé publique France), qui semble au moins en grande partie lié à une consommation plus élevée de produits de la mer qui sont des sources reconnue d'exposition à l'arsenic)[47].

Toxicocinétique et métabolisation

Son degré d'absorption et de rétention (cinétique) par l'organisme, ainsi que sa modification (métabolisation) dans l'organisme vont fortement dépendre[49] :

  • de sa forme chimique, autrement dit de sa spéciation (espèce chimique) ; organique ou minérale)
  • de sa valence (l'arsenic est souvent trivalent ou pentavalent dans l'environnement industriel)
  • de sa forme physique (vapeur, nanoparticule, aérosol, particules, poussière…) ou de sa granulométrie voire de la forme du fragment s'il s'agit d'un morceau d'arsenic ou de ses composés.
  • de la voie d'incorporation ; sa métabolisation et son élimination ou transfert vers certains organes se feront différemment selon la voie d'incorporation (orale, pulmonaire, percutanée...).
    À titre d'exemple, en moyenne et dans un milieu de travail exposé à ce risque, 80 % environ de l'arsenic ingéré passe dans le sang contre 40 à 60 % de l'arsenic inhalé sous forme de poussières et vapeurs[49]. Une faible contamination percutanée existe aussi[49].

Distribution : elle se fait rapidement, dès que l'arsenic a pénétré l'organisme. Ce dernier se fixe aux protéines et tend à s'accumuler dans le foie, la peau, les phanères et les poumons (où il peut être trouvé longtemps après la contamination alors que sa demi-vie sanguine, triphasique, est de 2-3 heures, 30 heures et 200 heures[49].)

Métabolisation : elle varie selon l'espèce chimique. Par exemple, l'arsenic pentavalent est métabolisé en arsenic trivalent, qui sera méthylé (méthylation oxydative avec formation d'acide monométhylarsonique (MMA). Ce MMA trivalent et hautement toxique sera ensuite transformé en acide diméthylarsinique (DMA) pentavalent et peu toxique.
En termes de médecine du travail, les métabolites recherchées dans les analyses d'urine sont généralement l'Arsénite de cuivre ; l'Arsénite de sodium ; le Pentoxyde de diarsenic ; le Trichlorure d'arsenic et le Trioxyde de diarsenic[49].

Demi-vie des métabolites : Elle varie de 2 à 6 jours (selon l'espèce chimique de départ).

Excrétion : 70 % des composés arséniaux inorganiques absorbés sont éliminés dans les urines. La moitié de l'arsenic est ainsi éliminé en 48 heures et 90 % en six jours[49]. Il l'est sous forme de dérivés monométhylés (et notamment sous forme d'acide monométhylarsonique ; 25 % du total environ), de dérivés diméthylés (acide diméthylarsinique pour 50 % environ ) et sous forme inchangée pour le reste[49].
La bile transfère aussi de l'arsenic vers l'intestin.
Comme dans le cas du plomb et du mercure, le réseau sanguin en exporte aussi vers les phanères (poils, cheveux où il persiste jusqu'à leur chute et au-delà)[49].

Comme pour le plomb ou d'autres toxiques, il existe des différences interindividuelles de métabolisation[49], liées à la santé, l'âge et le sexe de l'individu, sans doute sur des bases au moins en partie génétiques.

Intoxication aiguë

Elle se traduit par des symptômes immédiats, dont des vomissements, des douleurs œsophagiennes et abdominales et des diarrhées sanguinolentes, entraînant le collapsus et la mort.

Intoxication par exposition chronique

L’arsénicisme[30] est l'exposition à de petites doses d'arsenic (via une eau de boisson polluée par exemple[50]). Ses symptômes sont la mélanodermie, l'hyperkératose des mains et des pieds, l'alopécie et une polynévrite douloureuse, la striure des ongles.
Il est un facteur de risque de :

Les premières manifestations visibles sont généralement cutanées, avec une augmentation de la pigmentation. Le cancer survient plus tardivement et peut mettre plus de 10 ans à apparaître.

Selon Manote, l’absorption d’arsenic par la peau ne présenterait paradoxalement apparemment pas de risque pour la santé[56].

L’arsenic est souvent employé comme poison, d’où le titre Arsenic et vieilles dentelles. Certains chercheurs supposent que Napoléon Ier aurait été empoisonné à l’arsenic, en raison de la forte concentration en arsenic dans ses cheveux (l'arsenic tend à s'accumuler dans les phanères du corps), cependant, l'arsenic était aussi utilisé à cette époque comme agent de conservation, d'où les doutes à propos de cet empoisonnement[56] ; diverses affaires judiciaires ont été liées à l'empoisonnement à l'arsenic, notamment l'affaire Marie Lafarge et l'affaire Marie Besnard.

Perturbation endocrinienne

L'arsenic, est aussi un puissant perturbateur endocrinien[57],[58],[59]. Cet effet sur la santé est documenté chez l'homme et sur le modèle animal en laboratoire dès 10 à 50 ppb, et à des doses encore bien plus faibles sur culture cellulaire, ce qui en fait un contaminant préoccupant de l'eau potable et de l'environnement dans certaines régions du monde[57].

Il perturbe les récepteurs stéroïdes des androgènes, de la progestérone, de minéralocorticoïdes et glucocorticoïdes, ainsi que la régulation des gènes à des taux aussi bas que 0,01 microM (environ 0,7 ppb)[57]. De très faibles doses ont renforcé la transcription des gènes dépendant d'un médiateur hormonal, tandis que des doses légèrement plus élevées mais non cytotoxiques l'ont inhibée, in vivo et dans les cultures cellulaires[57]. Ce pourrait être l'une des explications de ses propriétés cancérigènes[57]. Chez le rat les analyses histologiques et moléculaires montrent que l'arsenic inhibe le développement de la prostate à la prépuberté, « en compromettant la maturation structurelle et fonctionnelle de la prostate chez les rats pubertaires aux deux doses évaluées dans cette étude » (au moins dès 0,01 mg de NaAsO2 par litre d'eau de boisson à la prépuberté et dès 10,0 mg/L à la puberté)[60].

Écotoxicologie

Zones de forte teneur en arsenic des eaux souterraines.

L'arsenic est un oligo-élément à très faible dose, et certains organismes (champignons ou levures telles que Saccharomyces [61] et bactéries notamment, mais aussi certaines plantes) disposent de mécanismes d'adaptation à sa toxicité à faible dose[62],[63]. Mais dans l'environnement – où il est parfois un contaminant naturel des nappes phréatiques, au Bangladesh par exemple[64]– on le considère comme un polluant au-delà de seuils d'écotoxicité, qui varient selon sa forme chimique et la nature des sols (la teneur du sol en humus et en fer contrôlent fortement sa biodisponibilité)[65],[66]. De plus, la toxicité de l'arsenic est liée à sa biodisponibilité et à sa bioaccumulation, deux facteurs qui dépendent du contexte pédologique, mais aussi de la spéciation de l'arsenic[67]. Comme pour d'autres toxiques tels que le mercure, cette spéciation est dans l'environnement réel très complexe (pour ses deux grandes formes ; organiques et inorganiques), en raison d'interconversions possibles et fréquentes entre les espèces chimiques, contrôlées par des processus à la fois biotiques et abiotiques[68].

Son caractère de perturbateur endocrinien est également démontré sur le modèle animal, mais avec des conséquences et niveaux d'effets mal évalués au niveau écosystémiques.

Carte des risques pour l'arsenic dans les eaux souterraines

Environ un tiers de la population mondiale consomme de l’eau potable provenant des nappes phréatiques. Un nombre approximatif de 300 millions de personnes puisent leur eau dans des nappes phréatiques fortement polluées par de l’arsenic et du fluorure[69]. Ces éléments traces sont le plus souvent d’origine naturelle et proviennent des roches et des sédiments lessivés par l’eau. En 2008, l’Institut Suisse de Recherche de l’Eau Eawag a présenté une nouvelle méthode permettant d'établir des cartes des risques pour les substances toxiques géogènes dans les eaux souterraines[70],[71],[72],[73]. Cela permet de déterminer plus efficacement quelles sources devraient être contrôlées. En 2016, le groupe de recherche a mis ses connaissances en libre accès sur la plate-forme GAP (Groundwater Assessment Platform) (www.gapmaps.org). Celle-ci permet aux spécialistes du monde entier de charger leurs propres données de mesure, de les visualiser, et de créer des cartes des risques pour des régions de leur choix. La plate-forme sert également de forum d’échange de connaissances afin de contribuer au développement de méthodes visant à éliminer les substances toxiques de l’eau.

Origines et biodisponibilité

Elles sont liées au contexte et aux processus biogéochimiques et géochimiques[74] Son origine peut être naturelle, il est alors souvent associé à l'or (Au), à l'argent (Ag), au cuivre (Cu) et au sélénium (Se) en particulier[75],[68]), mais la plupart du temps, sa présence à forte dose dans les sédiments ou le sol a une origine industrielle (mines, métallurgie, production de pesticides) ou agro-industrielle (pesticides arséniés massivement utilisés sur les rizières[68], les vergers[68], les cultures de coton[68], les golfs[76]).

Accès et sortie d'une ancienne mine d'arsenic.
  • De nombreux sols industriels sont pollués par de l'arsenic, de même que la nappe quand elle est présente. En France, par exemple, sur 4 142 sites pollués répertoriés par les données disponibles, « les sols de 488 d'entre eux (soit 12 %) sont pollués par l'arsenic, tandis que la pollution des nappes ne concerne que 257 sites pollués (soit 6 %) » [77].
  • L'arsenic est aussi parfois très présent dans les sols agricoles, voire dans certains jardins et vergers anciens, à la suite de son utilisation massive par plusieurs dizaines de marques de pesticides[66].
    Ainsi, aux États-Unis, une étude faite dans l'État du New Jersey, basée sur les données publiquement disponibles au milieu des années 1990[66] a cherché à évaluer les quantités d'arséniates de plomb et de calcium épandus sur terrains de golf, gazons et champs de l'État du New Jersey. Les quantités épandues ont pu être estimés à 22 226 tonnes pour l'arséniate de plomb et 8 165 tonnes pour l'arséniate de calcium en 80 ans (de 1900 à 1980) ; soit un total cumulé équivalent à environ 6 804 tonnes d'arsenic pur pour cette période, ce qui a pu expliquer les teneurs élevées de plomb et d'arsenic des sols de cet État. Les auteurs de l'étude rappellent cependant que des évaluations de l'exposition humaine nécessitent que des données sur la consommation locale en ces pesticides soient rendues publiques[66].
    Une des molécules actives très utilisées est le méthanearséniate monosodique (n° CAS:2163-80-6) (MSMA, épandu sur le coton pour le défanage chimique en pré-récolte, et sur les terrains de golf notamment). Cette molécule, de même que le méthanearséniate disodique, a remplacé l'arséniate de plomb[78] et l'arséniate de calcium[66] trop toxiques. C'est une molécule à la fois fongicide, désherbante et insecticide, très utilisée aux États-Unis (1 800 tonnes par an) sur les champs de coton[79] et les golfs[76].
  • En Amérique du Nord, il a aussi été localement très utilisé en forêt pour traiter les résineux contre les invasions de scolytes, peut-être maladroitement, car il contribue à attirer les scolytes et à empoisonner leurs prédateurs.
  • Il s'agit parfois d'une séquelle de guerre. On a ainsi trouvé en Belgique en plein champ en lisière d'une zone forestière un site très pollué par le démantèlement après-guerre de munitions chimiques[80]. De même a-t-on trouvé jusqu'à plus de 100 mg·kg-1 d'arsenic dans le sol et jusqu'à plus de 1 000 μg·L-1 en pleine forêt de Verdun sur un ancien site de démantèlement de munitions de la Première Guerre mondiale. Une entreprise y avait brûlé durant la reconstruction le contenu chimique de plus de 200 000 obus chimiques allemands contenant notamment du chlorure de diphénylarsine et du cyanure de diphénylarsine)[81].

Tous ces usages sont sources de pollution durable du sol, de l'eau et des biotopes, dont la gravité pour la santé et les écosystèmes est encore discutée. Parce qu'il a été très utilisé comme pesticide et qu'il ne se dégrade pas, l'arsenic serait devenu le second polluant le plus préoccupant dans les sols aux États-Unis[82].

Chez les animaux

Hautement toxique autant pour l'homme que pour l'animal, que ce soit à forte dose ou à faible dose, l'effet reste le même. L'animal qui l'ingère dans de la nourriture ne fera aucune différence et décédera dans les 12 heures qui suivent.

Chez les végétaux

Des pollutions par l'arsenic sont fréquentes dans les zones minières[83] où il peut venir renforcer la toxicité d'autres contaminants (mercure autour des anciennes mines de ce métal, par exemple[84]). On le trouve aussi à l'intérieur et autour de certaines zones industrielles où il peut polluer les sols et contaminer les cultures alimentaires ainsi que les animaux consommés par l'homme.

Au-delà d'un certain seuil de phytotoxicité[85] l'arsenic, par des processus encore incomplètement compris[86], modifie le métabolisme, inhibe la croissance, puis tue les plantes, monocotylédones comme dicotylédones[85].

Les plantes accumulent à la fois des formes organiques et inorganiques de l'arsenic, mais on ne sait pas encore clairement si elles peuvent ou non transformer des formes inorganiques en formes organiques. On sait qu'une complexation par la phytochélatine est utilisée par un grand nombre d'espèces végétales pour se détoxifier des formes inorganiques et potentiellement d'espèces organiques de l'arsenic[68]. Certains taxons ou variétés ont évolué en développant des résistances aux arséniates. S'il est connu depuis longtemps que l'arsénite et l'arséniate ont une action toxique par réaction avec des groupes-SH et en entrant en compétition avec le phosphate dans le métabolisme cellulaire, on a aussi montré (2002) que le stress oxydant causée par la réduction et l'oxydation cellulaire doit aussi être considéré comme une des explications de la toxicité de ces ions[68].

Au contraire de ce qui se passe pour les animaux, ce sont les formes non organiques de l'arsenic qui sont les plus toxiques pour les plantes, mais avec de fortes différences selon le type de sol[85]. Ces différences selon le sol sont expliquées par une biodisponibilité de l'arsenic liée à sa spéciation chimique et à son degré d'adsorption sur l'argile ou les complexes argilo-humiques ou la matière organique du sol. La marge est parfois très étroite entre la teneur naturelle du fond géochimique et le niveau toxique pour la plupart des plantes[85].
Par exemple, l'arsenic inorganique (métalloïde) est 5 fois plus toxique dans les sables et les limons (moyenne géométrique (MG) des seuils de phytotoxicité signalés par la littérature 40 mg/kg) que dans les sols argileux (où la MG passe à 200 mg/kg)[85], ce qui explique qu'il n'y a pas de norme sol pour l'arsenic, car une norme pour l'arsenic dans les sols devrait être adaptée au type de sol[85], ce qui rendrait difficile son application.

  • Certaines plantes (telles les fougères Pityrogramma calomelanos[87] ou Pteris vittata[88] ou Pteris cretica[89] (proposées pour la phytoremédiation) ont développé une certaine tolérance aux désherbants à base de dérivés organiques d'arsenic ; en réduisant l'arséniate en arsenite, et en translocalisant les toxines vers les parties aériennes (avec stockage vacuolaire)[90]. Ainsi, sur un sol contenant 97 ppm d'arsenic, les feuilles de P. Vittata (plante hyperaccumulatrice) peuvent (après 20 jours de croissance) en bioaccumuler 7 000 ppm[91].
  • Sur certains terrils et crassiers miniers riches en arsenic, certaines souches d'herbacées (« métallotolérantes » ou « métallophytes »), Agrostis tenuis notamment, survivent à des taux d'arsenic qui tueraient la plupart des plantes. Elles survivent à condition qu'il soit sous forme d'arséniate et non d'arsénite [92],[93] et dans ce cas, l'arséniate est la forme la plus lixiviable de l'arsenic.
  • En milieu aride, une Parkinsonia (Parkinsonia Florida) bioconcentre l'arsenic (deux fois mieux - dans ses racines - quand elle a poussé dans un sol sableux que dans un sol limoneux). Comme elle peut être cultivée, elle a été proposée pour la phytoremédiation de l'arsenic en région semi-arides[94].
  • À Löcknitz, Allemagne, où persiste dans le sol une pollution qui est une séquelle de toxiques de combat arséniés manipulés durant la Seconde Guerre mondiale, des chercheurs ont montré que certaines plantes peuvent absorber des quantités significatives d'arsenic sans en mourir, pouvant ensuite contaminer le gibier ou le bétail. C'est le cas par exemple de la houlque laineuse (Holcus lanatus L.), une herbacée commune en Europe. Sur ce même site, des champignons prélevés sur des sols fortement contaminés ont montré des teneurs de 0,12 mg·kg-1[95].
  • Des enjeux de santé environnementale forts existent car certaines plantes[96] dont en particulier le riz[97] peuvent bioaccumuler des quantités significatives d'arsenic[98] quand elles poussent dans de l'eau polluée, ce qui arrive facilement en aval des champs de coton. Les tomates[99], les haricots et de nombreuses autres plantes comestibles sont aussi concernées.
    Certains organismes marins tels que les algues peuvent aussi bioconcentrer des quantités significatives d'arsenic sans en mourir[100]. Le cycle et la spéciation de l'arsenic a été étudié pour certains légumes, dont la carotte[101].

Dans le sol

Pratiquement toutes les formes de vie dans le sol[102] – sauf bactérienne extrêmophiles peut-être – semblent sensibles à l'arsenic, surtout à ses formes inorganiques. Certains champignons microscopiques le captent et pourraient, quand ils sont symbiotes de certaines plantes, faciliter ou au contraire (selon les cas) freiner les transferts d'arsenic du sol aux plantes[103], notamment dans les métallophytes[104], ou au contraire le bloquer hors du système racinaire dans le sol, semble-t-il via une protéine (la glomaline) [105], que certains auteurs préconisent de tester pour dépolluer des sols contaminés par des métaux[105]. C'est ainsi que la houlque laineuse ou quelques autres espèces résistent à des sols pollués par l'arsenic[106].

Une équipe de l'Institut d'Astrobiologie de la NASA a publié un article controversé affirmant que la bactérie extrémophile (GFAJ-1) avait la capacité d'intégrer l'arsenic dans son organisme (y compris dans son ADN) à la place du phosphore qui est son analogue chimique (proche voisin dans le tableau de Mendeleiev) [107]. Cette découverte a cependant été invalide par une étude de 2012 [108], qui a démontré (1) que cette souche ne pouvait survivre sans apport de phosphate, même en présence d'arsenic ; (2) que l'ADN de GFAJ-1 ne contenait que des traces d'arsenate, qui de plus n'étaient pas liées de façon covalente.

  • l'écotoxicité d'un environnement enrichi en arsenic semble pouvoir être réduite par une forte teneur en oxyde de fer ou un apport de zéolite associés à un apport important en matière organique du sol[109].
  • Un ajout de compost amendé avec de la zéolite et/ou de l'oxyde de fer (jusqu'à 20 % p/p) a été testé sur un sol fortement contaminé par l'arsenic (34 470 mg/kg de sol). La biodisponibilité de l'arsenic a ensuite été déterminée selon le taux d'arsenic absorbé par du ray-grass (Lolium perenne L.) récolté sur ce sol (cultivé sous serre). Les taux d'arsenic dans le ray-grass ont ainsi été réduits à mg/kg (poids sec) que ce soit avec 15 % de compost comprenant 5 % d'oxyde de fer ou avec 15 % de compost enrichi de 5 % de zéolite[109]. Dans les deux cas, les plantes ont absorbé moins de 0,01 % de la teneur totale en arsenic du sol. Dans le sol enrichi en ces compost, la fraction soluble de l'arsenic a été réduite de 10 à 37 % et l'arsenic s'est redistribué principalement dans la matrice de fer et d'oxygène des échantillons traités[109].
  • Il est parfois même présent dans les prairies[110], à la suite de retombées aériennes, d'apports d'effluents ou de ruissellement, ou enfin à la suite de l'utilisation antérieure de prairies pour le traitement des bois destinés à faire des piquets ou poteaux. Une étude néozélandaises a ainsi porté sur 50 échantillons de sols de prairies permanentes, collectés près de Levin, en 1989. Ces prairies à raygrass (Lolium perenne) et trèfle rampant ( trifolium repens) avaient été diversement polluées par trois métaux (19 à 835 mg/kg de cuivre, 47 à 739 mg/kg de chrome, et 12 à 790 mg/kg d'arsenic dans les cinq premiers centimètres du sol), à la suite du traitement de bois de pin ( pinus radiata).
    Les analyses de sol ont montré que les teneurs en Cu, Cr, et As restaient corrélées entre elles, et qu'elles diminuaient avec la profondeur (mesures faites à 30 cm)[110].
    Dans des parcelles moyennement à hautement contaminées, du coton enfoui ne se décomposait presque pas, preuve d'une inhibition de l'activité des décomposeurs. Un autre indice était la disparition totale des lombrics (Lumbricus rosea et Aporrectodea rubellus) dans les parcelles moyennement à très contaminées. Ailleurs, on n'a pas mis en évidence d'accumulation particulière de métaux lourds dans les tissus de vers de terre[110].
    Le sol était plus compacté, et donc asphyxiant et moins drainant là où les lombricidés avaient disparu[110].
    Une présence plus importante d'enchytréides (petits vers translucides habituellement associés aux sols asphyxiants, acides et pauvres) et de nématodes a été constatée dans les parcelles faiblement contaminées. La diversité des nématodes était plus grande à faible (0-cm) ou moyenne (5-10 cm) profondeur que dans les parcelles témoins ou celles très contaminées[110].
    La proportion de « ravageurs » augmentait avec la contamination.
    La respiration du sols diminuait sur les sols contaminés[110].
    La contamination réduisait la nitrification, cependant la totalité de l'azote minéral était transformé en nitrates après 14 jours[110].
    L'activité Sulfatase a été l'activité enzymatique la plus réduite par les fortes contaminations. À 100 mg/kg, le Cu, Cr et As n'ont causé qu'une faible inhibition de l'activité biologique globale du sol. Des effets plus délétères sur la vie du sol étaient observés à 400 et 800 mg/kg[110]. Dans le cas présent (où les apports en métaux ont cessé), les effets globaux sur la production fourragère ont semblé ne pas justifier une dépollution des sites[110].
  • Dans des conditions anoxiques et réductrices (remontée de nappe ou inondation notamment), de l'arsenic pur peut être libéré des formes complexées ou organiques[111]. Dans les rizières il semble pouvoir être un facteur de stérilité du riz[112]

Synergies

Elles sont mal connues, mais elles existent.

  • Par exemple, une exposition à l'arsenic seul ne semble pas avoir d'effet mutagène sur l'organisme ; mais si elle est associée à des radiations UV de courte longueur d'onde, l'arsenic agit comme un promoteur de tumeur dans le processus de carcinogénèse[113].

Cinétique environnementale

La cinétique de l'arsenic dans l'environnement varie selon le contexte pédogéologique, l'acidité des eaux lixiviantes, et sa spéciation.

Habituellement, l’arsenic est dispersé et se retrouve en faible quantité dans l’environnement. Les concentrations habituelles sont :

  • dans les sols : entre 2 et 15 mg·L-1,
  • dans l’eau : moins de 10 μg·L-1,
  • dans les aliments : moins de 0,1 mg·kg-1,
  • dans l’air : entre 0,005 et 0,1 mg·m-3.

Les activités minières (extraction du plomb, zinc argent mais aussi du fer[114] sont des sources de pollution par l'arsenic), la lixiviation et le ruissellement[38] sont contrôlés par de nombreux facteurs.
À titre d'exemple[38], en mésocosme de laboratoire de 0,9 m3, incluant 200 litres d'eau, après 4 mois de lixiviation d'un sol pollué par un pesticide arsenical, régulièrement arrosé, 0,6 % de l'arsenic total du sol (40 mg) a été relargué dans l'eau. Sur cette quantité relarguée, 7,5 % étaient en solution dans la colonne d'eau, 44 % étaient dans les sédiments peu profonds et 48,5 % plus profondément enfouis dans le sédiment. Dans la nature, le courant, la bioturbation et la bioconcentration peuvent modifier la cinétique de cet arsenic lessivé. Ici, différentes formes d'arsenic ; arsenite [As (III)], arséniate de [As (V)], acide monométhylarsonique (AMMA) et acide diméthylarsinique (DMAA), ont été recherchés dans l'eau lixiviée et dans l'eau interstitielle des sédiments[38]. Seul l'arséniate a été lessivé dans le sol. Dans l'eau du mésocosme il était l'espèce dissoute prédominante, mais du DMAA et des espèces particulaires ont aussi été détectés. Dans les sédiments superficiels, l'arséniate était ici encore l'espèce la plus abondante avec un peu de DMAA, alors que dans les sédiments profonds l'arsénite était prédominant[38].

Le cas des golfs

Les organoarséniés actuellement utilisés dans les golfs ne sont pas réputés très toxiques pour l’homme ou les animaux à sang chaud, mais leur décomposition dans l'environnement laisse des sous-produits arsenicaux inorganiques hautement toxiques, et éventuellement susceptibles de bioaccumulation ou bioconcentration
L'association golfique USGA a sponsorisé une étude visant à modéliser le devenir dans le sol et l'eau d’infiltration des différentes formes (« espèces ») d'arsenic provenant du méthanearséniate monosodique (MSMA) notamment dans la zone racinaire du gazon. Pour cela un équivalent gazon de golf a été semé et entretenu par l’Université de Floride[115] et des lysimètres ont permis d'y mesurer la quantité d’eau percolant au travers des racines du gazon et dans le sol, ainsi que la quantité de nitrate et de MSMA lessivés au passage, (avec évaluation de l'arsenic total et de sa spéciation). Il était intéressant d'évaluer les flux de nitrates en même temps que ceux d'arsenic, car l'arsenic (sous forme d'arsenite par exemple) agit synergiquement avec l’azote dans certains processus toxiques et d’acidification[116] Les résultats ont confirmé que comme dans les sols naturels ou agricoles, la composition du substrat (proportion de tourbe, argile et sable) influence fortement la mobilité et la lixiviation de l’arsenic[38], différemment selon ses espèces. Quatre produits de dégradation du MSMA étaient attendus. Ils ont été recherchés et trouvés dans les lysimètres ; l'arsénite (AsIII), l'arséniate (ASV), l'acide monométhylarsinique (MMAA) et l’acide diméthylarsinique (DMAA).

Le cas des vignes

Le métier de viticulteur est l'un de ceux qui étaient encore récemment les plus exposés aux pesticides arsénicaux. Ils ont été utilisés durant plus d'un siècle sur la vignes comme insecticides et fongicides. Théoriquement interdit en 1973, leur usage s'est en France prolongé grâce à une dérogation autorisant les vignerons à continuer à les utiliser (jusque’en 2001) pour traiter l’Esca, une maladie fongique incurable du bois des ceps de vigne). Ces pesticides peuvent induire plusieurs types de cancers (carcinome basocellulaire cutané, carcinome spinocellulaire, cancer bronchique primitif, cancer des voies urinaires, adénocarcinome hépatocellulaire et angiosarcome du foie). De même que d'autres groupes de pesticides utilisés en agriculture, ils sont aussi suspectés d’augmenter le risque de maladie de Parkinson et de lymphome non hodgkinien)[117], d'être des perturbateurs endocriniens et facteurs de délétion de la spermatogenèse. Récemment (2018) une étude[117] a évalué qu'en 20 ans (de 1979 à 2000), le nombre d’ouvriers agricoles exposés a diminué de près de 40 % (passant de 101 359 à 61 376) alors que les effectifs des exploitations viticoles chutaient de plus de moitié en France, et alors que la « main d’œuvre familiale » de l’ensemble des exploitations agricoles de France métropolitaine restait stable (3,6 à 4,2 %) sur la période. L’exposition a augmenté parmi la main-d’œuvre familiale et la main-d’œuvre salariée des viticulteurs à but récréatif ou professionnel (10,5 à 19,6 %) et chez celles cultivant la vigne dans un but exclusivement professionnel (20 à 25 %). Les auteurs de l'étude estiment qu'un meilleur suivi post-professionnel est nécessaire, avec « le cas échéant, une reconnaissance en maladie professionnelle »[117].

Risques alimentaires

Il peut nous affecter via une contamination des aliments, ou via la pollution de nappes phréatiques, constatée notamment localement en Amérique du Nord, ou massivement en Asie du Sud-Est dans de grandes zones de culture du riz (Ouest du Bengale, Bangladesh et Viet-nam où au moins 10 millions de personnes sont exposées à des taux d'arsenic dans l'eau dépassant les seuils de toxicité[118].) ; jusqu'à un million de puits creusés dans les dépôts alluviaux du Gange pourraient être contaminés par l'arsenic, avec des taux atteignant localement 1 000 mg/litre au Bangladesh et au Bengale occidental et 3 000 µg/litre au Viêt Nam ; l'irrigation du riz par une eau contaminée peut le contaminer[119],[120],[121],[122],[123].

Un japonais moyen en 2006-2010 ingérait quotidiennement 2,31 μg/kg de poids corporel/jour d'arsenic total (TA) ; et 0,260 μg/kg/jour d'arsenic inorganique (iAs) [à comparer à 0,0928 μg/kg/jour de plomb, un métal souvent associé à l'arsenic dans la nature et l'industrie métallurgique], soit respectivement 138 μg d'arsenic total/personne/jour, et 15,3 μg d'arsenic inorganique /personne/jour), l'apport journalier variant selon le sexe, principalement en raison de la quantité d'aliments ingérés et beaucoup selon l'âge, le lieu de vie et le types de communauté (urbaine / agricole / de pêcheurs), « reflétant probablement la consommation de poisson/algues »[124].

Dans le monde (y compris en Europe) une source fréquente d'arsenic alimentaire est le riz (s'il est consommé abondamment et s'il provient de rizières naturellement riches en arsenic). En mai 2013, l’administration vétérinaire et alimentaire du Danemark (DVFA) a ainsi recommandé de ne pas donner trop de produits à base de riz aux enfants, en raison de leur teneur élevée en arsenic [125], de manière à ne pas dépasser les doses jugées dangereuses pour la santé par l'autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui a en 2009 modifié son évaluation de dose hebdomadaire tolérable (DHT) la portant à 15 microgrammes par kilogramme (µg/kg) de poids corporel dose à partir de laquelle de premiers effets apparaissent pour la santé[126].

Normes

L'arsenic est un oligoélément, mais à très faible dose.

L’OMS, l’EPA (Environmental Protection Agency), Santé Canada, la France (en 2003) ou encore l’UE ont fixé la limite de concentration maximum de l’arsenic dans l’eau à 0,01 mg·L-1 (10 µg/L[127]) tandis que le règlement sur la qualité de l’eau potable du Québec datant de 2001 fixait la limite à 0,025 mg·L-1. Cette limite a été diminuée en 2013 à 0,01 mg·L-1 (10 µg/L[127]). Le Bangladesh et l’Inde où certaines régions sont naturellement, de par leur sous-sol et leurs nappes contaminées en arsenic fixent la limite à 0,05 mg·L-1.

Cette limite ne s'applique pas en France aux eaux minérales[128] mais uniquement à l'eau du robinet et aux eaux de source, de fait l'information sur la quantité d'arsenic n'apparait pas non plus sur l'étiquette informative des bouteilles, afin de ne pas porter préjudice à certaines marques inscrites dans le patrimoine national ou local.

Malgré ces normes, certains pays sont encore aujourd’hui souvent au-dessus des limites d’exposition selon l’OMS. Parmi eux, l’Argentine, l’Australie, le Bangladesh, le Chili, la Chine, les États-Unis, la Hongrie, l’Inde, le Mexique, le Pérou et la Thaïlande. Des effets négatifs sur la santé ont été observés au Bangladesh, en Chine, aux États-Unis et en Inde.

Des biomarqueurs peuvent avoir une valeurs seuil spéciale, dédiée, dite "valeurs de biomonitoring équivalent (BE)", quand elle sera converties en doses externes à partir de modèles pharmacocinétiques, correspondront à une valeur de référence sanitaire établie ; Il existe ainsi des systèmes de conversion (en quelque sorte en équivalent toxique) de l'arsenic organique vers l'arsenic minéral[129]

Recherche et développement

  • 2007, France. Un groupe de chercheurs a mis en évidence que la bactérie Herminiimonas arsenicoxydans était capable, non seulement de transformer l’arsenic en une forme moins toxique, mais aussi capable d’isoler cet arsenic dans une matrice de sucres. (Pour rappel, au Bangladesh et en Chine, la concentration en arsenic dans l’eau dépasse les taux recommandés par l’OMS fixés à 0,01 mg·L-1).
  • 2007, France et États-Unis. Par analogie avec le traitement d'une forme de la leucémie aiguë promyélocytaire, où il induit la dégradation d'une oncoprotéine spécifique[130], le trioxyde d'arsenic As2O3 a été utilisé avec succès sur un modèle animal de lupus érythémateux. Des chercheurs pensent pouvoir étendre son application à d'autres maladies auto-immunes[131].
  • 2008 : Thomas Kulp et ses collègues du US Geological Survey, ont trouvé une nouvelle et unique forme de photosynthèse basée sur l’arsenic. Une « bactérie pourpre » et une cyanobactérie découvertes dans le Lac Mono (lac salé) en Californie peuvent vivre sans consommer d’eau libre, en oxydant l'arsénite (forme dissoute d’arsenic) pour en faire de l'arséniate, et ensuite fabriquer des molécules organiques. Une colonie de ces bactéries a pu être cultivée uniquement en présence d’arsénite. Il est possible que des bactéries de ce type ait fait partie des premières bactéries à peupler la Terre primitive[132]. Cette bactérie pourrait être bioindicatrice de sols très pollués par de l'arsenic.
  • 2010 : La NASA découvre une bactérie dans le lac Mono capable de remplacer une des briques élémentaires de la vie, le phosphore, par l'arsenic. Cette annonce a depuis fait l'objet d'une réfutation [133].

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Voir aussi

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