Thallium
Le thallium est l'élément chimique de numéro atomique 81, de symbole Tl. Il appartient au groupe 13 du tableau périodique ainsi qu'à la famille des métaux pauvres.
Histoire
Le thallium a été découvert par le chimiste anglais William Crookes en 1861 en Angleterre alors que celui-ci étudiait par spectroscopie la lumière émise par un minerai de sélénium chauffé. Claude-Auguste Lamy est le premier à isoler, la même année à Lille, 14 grammes de thallium métallique[8].
Son nom thallium, en latin scientifique, provient du grec θαλλός thallos « bourgeon », du fait de sa ligne spectrale d'émission vert brillant (le même étymon a donné en français le mot thalle « branche verte »).
Isotopes
Le thallium possède 37 isotopes connus, de nombre de masse variant entre 176 et 212, et 42 isomères nucléaires. Parmi ces isotopes, seuls deux, 203Tl et 205Tl, sont stables et constituent la totalité du thallium naturel (si l'on excepte les traces de radioisotopes naturels à faible durée de vie, issus des chaînes de désintégration des isotopes de l'uranium et du thorium), dans un ratio 30/70. La masse atomique standard attribuée au thallium est de 204,383 3(2) u.
Caractéristiques notables
C'est un métal gris, malléable, très tendre (se coupe au couteau) qui ressemble au plomb et se ternit comme lui lorsqu'il est exposé à l'air.
Il est présent dans les nodules sous-marins de manganèse.
Utilisations
- Thermomètre : formant avec le mercure, un eutectique restant liquide jusqu'à −60 °C, le mélange Hg (91,5 %)-Tl (8,5 %) est utilisé dans les thermomètres pour régions très froides.
- Fenêtre infrarouge : les halogénures de thallium (chlorure, bromure et iodure) sont transparents au rayonnement infrarouge et servent à fabriquer des fenêtres d'entrée pour les détecteurs infrarouge.
- Éclairage : il est utilisé dans certaines lampes à halogénures métalliques sous forme d'iodure de thallium qui donne une émission lumineuse verte.
- Le thallium 201 est un isotope radioactif se fixant notamment sur le muscle cardiaque et qui est donc utilisé en scintigraphie cardiaque pour l'étude de la perfusion ou de la viabilité myocardique.
- Dans les caméras de télévision, on utilise des sels de thallium dans les capteurs de type vidicon et plumbicon.
- Il est aussi utilisé dans les détecteurs d'infrarouge, notamment le sulfure Tl2S.
- En minéralogie, dans la liqueur de Clérici, pour séparer différents minéraux[9].
Toxicité, écotoxicité
Le thallium comme ses voisins, mercure et plomb, fait partie des métaux lourds et est hautement toxique comme eux. C'est également un neurotoxique central cumulatif pour le système nerveux central des mammifères.
Des sels de thallium sont présents dans certains insecticides et ont été autrefois utilisés dans la mort aux rats. Ils peuvent aussi être utilisés en tant que poison car, réduit en poudre, la plupart sont inodores, incolores et la dose létale se situe à 1 gramme de thallium (moins de 5 mmol). Ainsi, pur à l'état métallique, le simple fait de le toucher est déjà extrêmement dangereux.
L'usage du thallium comme insecticide ou mort aux rats tend à disparaître depuis que son effet toxique pour l'homme a été démontré.
Chez les animaux, ce métal est rapidement bioassimilable, comme le montre sa toxicité élevée.
Le thallium semble également bioaccumulable par certains végétaux, dont les arbres[10]. On a par exemple mesuré la composition isotopique en thallium, Zn, Cd, Pb, K, Ca, Mg et Mn et leur répartition dans les cernes du pin sylvestre (Pinus sylvestris L.) autour d'une usine de première fusion du zinc à Olkusz (Sud-Pologne)[10].
Des taux élevés de thallium (jusqu'à 0,8 mg/kg) mesurés dans le bois des pins montrent que les conifères tendent à bioaccumuler ce métal, et il y montre un comportement atypique. Alors que le zinc et le cadmium des cernes étaient significativement corrélés à leur déposition sur le sol, une corrélation moins nette, mais plutôt positive entre le taux de thallium dans le sol et le taux mesuré dans les cernes du bois a été mise en évidence. Les taux de thallium dans les cernes du bois ne reflétaient cependant pas l'anamnèse (évolution dans le temps) des dépôts (rétrospectivement modélisés). Ceci pourrait être expliqué par d'autres apports (par les feuilles ou l'écorce) que par les racines, par des capacités d'absorption racinaire variant dans le temps (selon météo, activité mycorhizienne…) ou par des effets inégaux de translocation latérale du thallium de l'aubier vers le bois (hypothèse retenue par les chercheurs). Des effets similaires sont signalés chez plusieurs essences d'arbres avec l'arsenic qui est un homologue chimique du phosphore, Le thallium étant, lui, un homologue du potassium). La composition isotopique du plomb () des arbres et du sol sous-jacent montre l'influence prédominante d'une contamination venant de la fonderie(). Par ailleurs, l'analyse des taux d'éléments nutritifs (Ca, Mg et Mn) du bois a reflété les changements environnementaux liés aux dépôts acides[10].
Le comportement atypique du thallium dans l'arbre conduit à penser que la mesure de son taux (comme pour l'arsenic) dans les cernes, considérés comme « archives des dépôts d'intrants dans l'environnement », semble inappropriée.
Empoisonnements connus au thallium
- Cet élément chimique a été utilisé par William Bechtel réserviste du SDECE pour empoisonner le combattant nationaliste camerounais Félix Moumié à Genève en 1960[11]. L'agent (qui s'est fait passer pour un journaliste) aurait versé une première dose mortelle dans son apéritif (un Pernod[12]), que Moumié n'a pas bu en début de repas trouvant qu'il avait mauvais goût, incitant l'agent à en verser une seconde dans la nourriture. Moumié, à la fin du repas, finit par boire le verre empoisonné en disant : « On va pas leur laisser l'apéritif qu'on n'a pas bu », prenant ainsi une double dose de thallium. Il aurait ensuite compris rapidement qu'il avait été empoisonné.
- Selon l'ex-ministre des Affaires étrangères irakien Hamed Jabori, Boumédiène a été empoisonné par les services irakiens avec du thallium.
- Lors de l'empoisonnement supposé d'Alexandre Litvinenko en 2006, on a d'abord soupçonné le thallium[13] avant de trouver des traces de polonium 210 dans ses urines.
Traitement des intoxications au thallium
Le bleu de Prusse pris par voie orale absorbe le césium et le thallium dans le tube digestif, puis est éliminé dans les selles qu’il colore en bleu très foncé. Le césium et le thallium ainsi complexés par le bleu de Prusse sont alors insolubles et non disponibles pour les plantes et les autres organismes vivants.
Notes et références
- (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC Press Inc, , 90e éd., 2804 p., Relié (ISBN 978-1-420-09084-0)
- (en) Beatriz Cordero, Verónica Gómez, Ana E. Platero-Prats, Marc Revés, Jorge Echeverría, Eduard Cremades, Flavia Barragán et Santiago Alvarez, « Covalent radii revisited », Dalton Transactions, , p. 2832 - 2838 (DOI 10.1039/b801115j)
- (en) David R. Lide, CRC Handbook of Chemistry and Physics, CRC, , 89e éd., p. 10-203
- (en) Thomas R. Dulski, A manual for the chemical analysis of metals, vol. 25, ASTM International, , 251 p. (ISBN 0803120664, lire en ligne), p. 73
- Base de données Chemical Abstracts interrogée via SciFinder Web le 15 décembre 2009 (résultats de la recherche)
- Entrée « Thallium, powder » dans la base de données de produits chimiques GESTIS de la IFA (organisme allemand responsable de la sécurité et de la santé au travail) (allemand, anglais), accès le 30 juin 2018 (JavaScript nécessaire)
- « Thallium » dans la base de données de produits chimiques Reptox de la CSST (organisme québécois responsable de la sécurité et de la santé au travail), consulté le 25 avril 2009
- Claude-Auguste Lamy, « De l'existence d'un nouveau métal, le thallium », Comptes Rendus, , p. 1255–1258 (lire en ligne)
- « Thallium », sur universalis.fr.
- Aleš Vaněk, Vladislav Chrastný, c, Leslaw Teper, Jerzy Cabala, Vít Penížek et Michael Komárek, Distribution of thallium and accompanying metals in tree rings of Scots pine (Pinus sylvestris L.) from a smelter-affected area ; Journal of Geochemical Exploration, volume 108, Issue 1, January 2011, Pages 73-80. DOI:10.1016/j.gexplo.2010.10.006, (en) (Abstract)
- Histoire des services secrets français - l'heure des combats (1940 - 1960) (épisode 1), documentaire diffusé le 6 février 2011 sur France 5. Vers la fin du reportage (47 min 30 s) Raymond Muelle, alias lieutenant-colonel Jeanpierre, un ancien du Service Action du SDECE en témoigne.
- L'assassinat de Félix Moumié
- « Un ex-agent russe empoisonné? », sur lexpress.fr, (consulté le )
Voir aussi
Liens externes
- (en) « Technical data for Thallium » (consulté le ), avec en sous-pages les données connues pour chaque isotope
Bibliographie
- Tremel, A., Masson, P., Garraud, H., Donard, O. F. X., Baize, D., & Mench, M. (1997). Thallium in French agrosystems—II. Concentration of thallium in field-grown rape and some other plant species. Environmental Pollution, 97(1-2), 161-168
(résumé).
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1 | H | He | |||||||||||||||||||||||||||||||
2 | Li | Be | B | C | N | O | F | Ne | |||||||||||||||||||||||||
3 | Na | Mg | Al | Si | P | S | Cl | Ar | |||||||||||||||||||||||||
4 | K | Ca | Sc | Ti | V | Cr | Mn | Fe | Co | Ni | Cu | Zn | Ga | Ge | As | Se | Br | Kr | |||||||||||||||
5 | Rb | Sr | Y | Zr | Nb | Mo | Tc | Ru | Rh | Pd | Ag | Cd | In | Sn | Sb | Te | I | Xe | |||||||||||||||
6 | Cs | Ba | La | Ce | Pr | Nd | Pm | Sm | Eu | Gd | Tb | Dy | Ho | Er | Tm | Yb | Lu | Hf | Ta | W | Re | Os | Ir | Pt | Au | Hg | Tl | Pb | Bi | Po | At | Rn | |
7 | Fr | Ra | Ac | Th | Pa | U | Np | Pu | Am | Cm | Bk | Cf | Es | Fm | Md | No | Lr | Rf | Db | Sg | Bh | Hs | Mt | Ds | Rg | Cn | Nh | Fl | Mc | Lv | Ts | Og | |
8 | 119 | 120 | * | ||||||||||||||||||||||||||||||
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