Édicule Guimard
Les édicules Guimard sont des édicules d'accès aux stations du métro de Paris, en France. Ils ont été conçus au début du XXe siècle, par Hector Guimard, dans un style Art nouveau.
Historique
Lors de la création des premières lignes du métro, un concours pour la réalisation d'édicules d'accès aux stations est lancé en 1899 par la Compagnie du chemin de fer métropolitain de Paris (CMP). Ceux-ci doivent être vitrés « sur la plus grande hauteur possible, à partir de un mètre environ du sol ». Ils doivent également être « ornés d'une frise pouvant recevoir des caractères très apparents, éclairés par transparence pendant la nuit, portant l'indication : Chemin de fer métropolitain ». Les dirigeants de la compagnie rejettent les projets retenus dans le cadre du concours d'architecte, les jugeant trop classiques. Celui de Jean Camille Formigé est, en revanche, approuvé par la compagnie mais est rejeté par la ville de Paris, dont il était pourtant l'architecte. Il se charge en revanche de l'architecture des stations aériennes.
C'est le président de la CMP, Adrien Bénard, qui propose un architecte de l'Art nouveau : Hector Guimard. Bien que n'ayant pas concouru, il dessine deux types d'entrées, des édicules et de simples entourages. Composés de fonte moulurée, les éléments sont modulables et permettent de réaliser des édicules de dimensions variables. On compte jusque 167 ouvrages de Guimard en 1913[1], les derniers ayant été installés sur la boucle d'Auteuil de la ligne 10[2].
Dès 1904, pour l'accès aux grandes stations situées devant des monuments comme l'Opéra ou la Madeleine, la CMP fait réaliser des entourages plus classiques en pierre de taille par l'architecte Cassien-Bernard. La création de Guimard, représentative de l'Art nouveau, passe de mode dès l'avènement de l'Art déco dans les années 1920, et plusieurs architectes sont ensuite chargés de réaliser des balustrades en fer forgé d'une esthétique plus dépouillée. Ces nouveaux entourages portent un plan du réseau, qui est également ajouté aux anciens entourages Guimard.
Environ la moitié des édicules Guimard ont été démolis, jusqu'à leur protection dans les années 1960-1970. Il n'en existe plus que 86[3], répartis sur 66 stations[4].
Typologie
Grands édicules
Les grands édicules d'accès ne sont que treize[1], les entourages simples étant très majoritaires. Les plus imposants étaient situés à Étoile et à Bastille, sous la forme de sortes de « pavillon chinois » ou « pagode » de grandes dimensions, symbolisant la première ligne du métropolitain. Victimes du courant moderniste alors en vogue en architecture, tous deux ont disparu, celui de la Bastille ayant été détruit en 1962. Des trois qui subsistent encore, seul celui de la Porte Dauphine (ligne 2) est d'origine. Celui d'Abbesses (ligne 12), était originellement situé à Hôtel de Ville (rue de Lobau) et a été remonté à cet emplacement en 1974. Celui de Châtelet (place Sainte-Opportune) a été reconstitué en 2000 pour le centenaire du métro[1]. Les édicules vitrés plus modestes furent surnommés « libellules[5] ».
Entourages
Les entourages classiques font largement appel à la symbolique florale, et font apparaître la lettre « M » sur les cartouches des principaux accès.
Sur une plaque de lave émaillée, dans une typographie de style Art nouveau créée par Guimard[6], le mot « Métropolitain » est porté par deux longues tiges, dites « brins de muguet[7] ». D'une forme évoquant la lentille du physicien Augustin Fresnel[8], les globes lumineux orange, dits « holophanes » (du nom de leur fabricant, la société Holophane, aux Andelys), sont ajoutés à partir de 1930[9]. Le verre original a été remplacé par des globes en polycarbonate. Seul l'exemplaire de Montréal conservait le verre d'origine[10], les autres ayant été perdus ; quand ce fait a été découvert durant la mise en valeur du Guimard de Montréal, l'un des globes a été redonné à la RATP et l'autre conservé au musée des beaux-arts de Montréal. Dans le cadre du programme Renouveau du métro, l'éclairagiste Benoît Lalloz repense le réflecteur intérieur pour réorienter les flux lumineux[8].
Protection
La première altération date de 1908 quand la CMP supprime les entourages de la station Franklin D. Roosevelt[2].
Pendant la Première Guerre mondiale, dans la nuit du au , un bombardement par des avions allemands de type Gotha endommage l'édicule de la station Saint-Paul, menant à sa démolition en 1922 et son remplacement par un entourage en fer forgé[11].
Après la démolition d'édicules majeurs, des voix s'expriment pour protéger le patrimoine de Guimard[2].
Le , un arrêté protège les accès à 6 stations au titre des monuments historiques : Cité, Porte Dauphine, Hôtel de Ville (déplacé depuis à Abbesses), Pigalle, Ternes et Tuileries[4]. D'autres sources[12],[13] datent l'arrêté du , et ajoutent Château d'Eau à la liste des stations protégées.
Le , un autre arrêté inscrit en masse tous les accès Guimard subsistants[14],[15], seul un accès à la ligne 6 de la station Nation étant omis[10][évasif]. Sont ainsi protégés 87 entourages dont 3 édicules[2].
Le , un nouvel arrêté inscrit les accès Guimard subsistants[16].
Autres édicules
À Paris, outre ceux protégés qui servent d'accès à une station, un autre édicule Guimard marque l'entrée de la Maison de la RATP[17], siège social de l'entreprise à côté de la gare de Lyon.
De plus, des reproductions de certains édicules, caractéristiques du métro parisien, ont été offerts par la RATP aux métros d'autres villes :
Ville | Pays | Station | Métro | Année | Remarque | Image |
---|---|---|---|---|---|---|
Chicago | États-Unis | Station Van Buren Street | Metra | 2001 | La RATP reçoit en retour en 2008 l'œuvre Night and Day de Judy Ledgerwood, qu'elle installe sur la station Bir-Hakeim. | |
Lisbonne | Portugal | Station Picoas | Métro de Lisbonne | 1995 | La RATP reçoit en retour Azulejo géométrique de Manuel Cargaleiro, installée dans la station Champs-Élysées - Clemenceau. | |
Mexico | Mexique | Station Bellas Artès | Métro de Mexico | 1998 | La RATP reçoit en retour l'œuvre La Pensée et l'Âme huicholes de Santos de la Torre Santiago, qu'elle installe dans la station Palais-Royal - Musée du Louvre. | |
Montréal | Canada | Station Square-Victoria–OACI | Métro de Montréal | 1967 | Il s'agit de l'ancien édicule de la station Étoile, offert à la suite de son démantèlement à Paris. C'est le seul édicule Guimard original à avoir été offert au métro d'une autre ville, tous les autres étant des copies. La RATP reçoit en retour l'œuvre La Voix lactée de Geneviève Cadieux, installée dans la station Saint-Lazare. | |
Moscou | Russie | Station Kievskaïa | Métro de Moscou | 2007 | La RATP reçoit en retour l'œuvre Ryaba la Poule d'Ivan Loubennikov, qu'elle installe dans la station Madeleine. |
En outre, plusieurs édicules Guimard sont exposés dans des musées :
Ville | Pays | Musée | Année | Remarque | Image |
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New York | États-Unis | Abby Aldrich Rockefeller Sculpture Garden (en) du Museum of Modern Art (MoMA)[18] | 1958 | Il a été offert par la RATP en 1958[19] et provient de la station Raspail[20]. | |
Washington | États-Unis | Sculpture Garden de la National Gallery of Art (NGA) | 2000 | Provenant de la collection privée de Robert P. et Arlene R. Kogod, qui en ont fait don en 2000 à la NGA, cet édicule original du métro de Paris a été démantelé entre les années 1930 et 1960 d'une station inconnue[21]. Il a été installé dans ce jardin en 2003[22] après avoir été prêté dans le cadre de l'exposition Art Nouveau, 1890-1914 qui s'est tenue au Victoria and Albert Museum à Londres (6 avril-30 juillet 2000), à la NGA (8 octobre 2000-28 janvier 2001) et au Musée d'art métropolitain de Tokyo (21 avril-8 juillet 2001)[23]. |
Enfin, le casino Paris Las Vegas en possède plusieurs reproductions à l'échelle 1 dans son décor intérieur.
Notes et références
- Canac et Cabanis 2014, p. 38-53.
- Canac et Cabanis 2014, p. 100.
- « Guimard s'installe à Moscou », communiqué de presse, RATP, . Version enregistrée par Internet Archive.
- Paul Smith, « Le patrimoine ferroviaire protégé », Association pour l'histoire des chemins de fer en France, 1999, 2001, 2006, 2008, 2011, p. 3. Version enregistrée par Internet Archive.
- Canac et Cabanis 2014, p. 38.
- Canac et Cabanis 2014, p. 51.
- Jean Tricoire, Un siècle de métro en 14 lignes : De Bienvenüe à Météor, [détail des éditions], p. 72.
- Canac et Cabanis 2014, p. 162.
- Canac et Cabanis 2014, p. 43.
- Canac et Cabanis 2014, p. 52.
- Descouturelle, Mignard et Rodriguez 2003, p. 84.
- Descouturelle, Mignard et Rodriguez 2003, p. 116.
- Bernard Marrey et Paul Chemetov, Familièrement inconnues : Architectures, Paris 1848-1914 (catalogue de l'exposition présentée par la direction de l'Architecture, la CNMHS et la section française de l'ICOMOS au Bon Marché à Paris, du au ), Secrétariat d'État à la Culture, , 168 p., p. 165.
- « Édicules Guimard », base Mérimée, ministère français de la Culture.
- Liste des immeubles inscrits sur l'inventaire supplémentaire des monuments historiques au cours de l'année 1978 : Paris, JORF no 2896 complémentaire du , p. 2901, sur Légifrance.
- Liste des immeubles protégés au titre des monuments historiques en 2016, JORF no 65 du , texte no 38, NOR MCCC1707329K, sur Légifrance.
- « Édicule devant la maison de la RATP à Paris - Hector Guimard », sur lartnouveau.com (consulté le )
- (en) « Hector Guimard, Entrance Gate to Paris Subway (Métropolitain) Station, Paris, France, c. 1900 », no 177.1958.a-f, sur moma.org, extrait de (en) Harriet Schoenholz Bee (dir.) et Cassandra Heliczer (dir.), MoMA Highlights : 350 Works from the Museum of Modern Art, New York, New York, Museum of Modern Art, , 2e éd. (ISBN 0-87070-490-7), p. 39.
- (en) Carol Vogel, « Inside Art; Entering In Style », The New York Times, (lire en ligne).
- (en) Anthony Glyn et Susan Glyn, The Companion Guide to Paris, Woodbridge, Companion Guides, , 319 p. (ISBN 1-900639-20-3), p. 8 [lire en ligne].
- (en) « An Entrance to the Paris Métropolitain: Provenance », no 2000.2.1, National Gallery of Art.
- (en) « An Entrance to the Paris Métropolitain: conservation of an original Hector Guimard architectural surround », National Gallery of Arts.
- (en) « National Gallery of Art Acquires Turn-of-Century Paris Metropolitan Entrance: After Exhibition Tour to be Installed in Sculpture Garden », communiqué de presse, National Gallery of Art, .
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Frédéric Descouturelle, André Mignard et Michel Rodriguez (préf. Anne-Marie Idrac), Le Métropolitain d'Hector Guimard, Nancy / Paris, Association des amis du musée de l'École de Nancy / RATP, Somogy, , 149 p. (ISBN 2-85056-669-1).
- Frédéric Descouturelle, André Mignard, Michel Rodriguez et Eve-Marie Zizza-Lalu (dir.) (préf. Pierre Mongin), Guimard : L'art nouveau du métro, Paris, La Vie du rail, , 231 p. (ISBN 978-2-918758-49-5) : refonte intégrale du livre Le métropolitain d'Hector Guimard.
- Frédéric Descouturelle, André Mignard et Michel Rodriguez, « Bonnes feuilles : Guimard, l'Art nouveau du métro », Historail, no 23, , p. 26–35.
- Sybil Canac et Bruno Cabanis, Paris Métro, Issy-les-Moulineaux, Massin, coll. « Les Essentiels du patrimoine », , 191 p. (ISBN 978-2-7072-0879-8).
- Bruno Montamat, « Le métropolitain d'Hector Guimard : Un Art nouveau officiel », Histoire, économie et société, Armand Colin, no 2, , p. 103–127 (DOI 10.3917/hes.212.0103).
Articles connexes
Liens externes
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