Ion Antonescu
Ion Antonescu , né à Pitești le et mort le à Jilava, est un militaire et homme d'État roumain.
Ion Antonescu | |
Ion Antonescu en 1941. | |
Fonctions | |
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Président du Conseil des ministres de Roumanie[n 1] | |
– (3 ans, 11 mois et 18 jours) |
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Monarque | Carol II Michel Ier |
Prédécesseur | Ion Gigurtu |
Successeur | Constantin Sănătescu |
Ministre de la Guerre | |
– (3 mois et 2 jours) |
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Prédécesseur | Constantin Ilasievici (ro) |
Successeur | Gheorghe Argeșanu |
– (4 mois et 22 jours) |
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Prédécesseur | Constantin Nicolaescu (ro) |
Successeur | Iosif Iacobici (ro) |
Ministre des Affaires étrangères (intérim) | |
– | |
Prédécesseur | Prince Mihail Sturdza |
Successeur | Mihai Antonescu |
Biographie | |
Nom de naissance | Ion Victor Antonescu |
Date de naissance | |
Lieu de naissance | Pitești (Roumanie) |
Date de décès | (à 63 ans) |
Lieu de décès | Prison Jilava (Roumanie) |
Nature du décès | exécution par arme à feu |
Nationalité | Roumaine |
Parti politique | indépendant |
Profession | militaire |
Religion | christianisme orthodoxe |
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Présidents du Conseil des ministres de Roumanie | |
Il est chef du gouvernement roumain avec le titre de « chef de l'État du royaume de Roumanie » de 1940 à 1944. Appelé Conducător (« guide ») et classé à l'extrême droite de l'échiquier politique, il engage son pays aux côtés de l'Allemagne nazie dans la Seconde Guerre mondiale, en étroite coordination avec l'ambassadeur allemand à Bucarest, Manfred von Killinger.
Destitué lors du passage de la Roumanie du côté Allié, il est livré à l'URSS à la demande de Joseph Staline puis, après un an de détention, ramené en Roumanie où il est jugé, condamné à mort et fusillé pour crimes de guerre.
Biographie
Enfance
Né dans la ville de Pitești, au nord-ouest de Bucarest, Ion Antonescu est le descendant d'une famille de la classe moyenne. Il est particulièrement proche de sa mère, Liţa Baranga. Son père, officier, l'envoie à l'école d'infanterie et de cavalerie de Craiova. Pendant son enfance, ses parents divorcent et son père épouse une femme d'origine juive avec laquelle Ion Antonescu entretient de mauvaises relations, ce qui a été a posteriori interprété comme une possible racine de son antisémitisme ultérieur[1].
Carrière militaire
Après l'École supérieure de guerre de Bucarest, Antonescu devient officier de l'armée de terre pendant la deuxième guerre des Balkans et la Première Guerre mondiale, où la Roumanie combat aux côtés de la France et du Royaume-Uni. Il s'y distingue par son courage au combat, son énergie (il est surnommé « le chien rouge ») et son sens de la logistique. Il devient alors chef de la section opérations du Grand quartier général.
Il se distingue de nouveau dans la guerre contre la Hongrie[2] et participe à l'occupation de Budapest. Devenu lieutenant-colonel, il est décoré de la plus grande distinction roumaine de guerre, l'ordre Michel le Brave IIIe classe (décret royal no 5454/).
Entre 1922 et 1926, il est attaché militaire à Paris, puis à Londres. Il est ensuite commandant de l'École supérieure de Guerre (1927-1930), puis chef du Grand État-Major (1933-1934).
Le , il est promu général de division et, trois jours plus tard, ministre de la Guerre dans le « gouvernement de 44 jours », conduit par Octavian Goga, qui inaugure en Roumanie les premières persécutions contre les Juifs.
Le roi Carol II (ou Charles II) décide alors d'imposer sa « dictature carliste » et de lutter par les armes contre l'extrême droite, incarnée par la Garde de fer. Ion Antonescu adresse au roi un mémoire vexatoire, ce qui lui vaut d'être aussitôt destitué disciplinairement et assigné à résidence au monastère de Bistrița, dans les Carpates.
Au début de la Seconde Guerre mondiale, le royaume de Roumanie, gouverné par Carol II, pro-allié, reste neutre. Le , la France et le Royaume-Uni garantissent les frontières roumaines.
En , alors que la Pologne, conformément au pacte germano-soviétique, est envahie par l'Allemagne et par l'URSS, la Roumanie accueille les troupes polonaises survivantes (environ 85 000 hommes), le gouvernement et le Trésor polonais. Les 26 navires du Service maritime roumain et la flotte roumaine les transportent jusqu'à Alexandrie, en Égypte, où les Britanniques les intègrent dans leurs troupes.
Avec l'effondrement de la France et des Britanniques, qui battent retraite en , la Roumanie, considérée comme hostile à l'Axe, est dépecée par l'Allemagne nazie et ses alliés. Joseph Staline, soutenu par Hitler, adresse un ultimatum au gouvernement roumain pour qu'il lui cède une part de son territoire. L'URSS occupe et annexe alors, en , la Bessarabie, le territoire de Herţa et le Nord de la Bucovine. La Hongrie et la Bulgarie annexent respectivement la Transylvanie du Nord et la Dobroudja du Sud en . La Roumanie perd ainsi, sans s'être défendue, 40 % de son territoire durant l'été 1940 et devient un État satellite du Troisième Reich, qui s'en approprie les ressources pétrolières et minières en évinçant les investisseurs anglo-saxons et français[n 2].
Antonescu au pouvoir
Dès le , à la suite de la défaite de la France, principal soutien géopolitique de la Roumanie, le gouvernement d'Ion Gigurtu libère Antonescu. Après le retrait chaotique des autorités roumaines de Bessarabie et les atrocités soviétiques contre les autochtones moldaves, le roi Carol II, totalement déconsidéré et conspué par l'opinion, nomme Ion Antonescu président du Conseil des ministres le , sous la pression de Horia Sima, chef de la Garde de fer, groupe paramilitaire inspiré par l'intégrisme chrétien, les thèses maurrassiennes et le fascisme italien, violemment antisémite et dont le nom officiel est « Mouvement légionnaire ». Ce mouvement se livre à des attentats et des assassinats ciblés visant les démocrates, les francs-maçons, les juifs, les partis de gauche, les banquiers et les proches du roi[10],[11],[12].
Le lendemain de sa nomination, le , Ion Antonescu et son vice-président du Conseil, Horia Sima, organisent un coup d'État par lequel ils forcent le roi, Carol II, à abdiquer et à quitter le pays (pour le Portugal). Ils proclament alors un nouveau régime, d'inspiration fasciste, qu'ils appellent « État national-légionnaire ». Le , Ion Antonescu s'auto-promeut général de corps d'armée. Le , la Wehrmacht franchit la frontière roumaine avec l'aval d'Ion Antonescu, qui proclame être le « Pétain roumain », ce qui suscite les premiers mouvements de résistance roumains. Horia Sima et Mihai Antonescu (sans lien de parenté) sont vice-présidents du Conseil, mais Ion Antonescu accapare les ministères-clé (Justice, Affaires étrangères, Défense) et les services d'espionnage, où il nomme un anti-légionnaire, Eugen Cristescu (en). Il ne laisse aux Légionnaires de la Garde de fer que les ministères et les fonctions secondaires. Les relations entre les partenaires de l'« État national-légionnaire » sont donc tendues[13].
Relations avec l'Allemagne nazie
Dans un premier temps, Ion Antonescu associe au pouvoir la Garde de fer et promulgue des lois antisémites. Il laisse les Légionnaires assassiner des intellectuels et d'anciens élus des partis démocrates, et perpétrer des pogroms, que Carol II avait empêchés. Mais, au fil des semaines, le partenariat entre les Légionnaires et Ion Antonescu se détériore. Bien qu'admirant le régime nazi, la Garde de fer demeure nationaliste roumaine, et surtout chrétienne. Comme les phalangistes de l'Espagne franquiste, les Légionnaires répugnent à mettre leur pays au service des intérêts allemands, alors qu'Ion Antonescu, voyant l'Allemagne gagner sur tous les fronts et sachant en quel mépris les nazis tenaient les races non germaniques, pense qu'il n'y a aucun avenir pour la Roumanie hors de l'orbite allemande. Seuls l'antisémitisme, l'anticommunisme et l'homophobie rapprochent les deux partenaires, et finalement la Garde de fer tente de renverser Ion Antonescu le . Hitler, qui ne considère pas les Légionnaires comme fiables, choisit d'apporter son soutien à la dictature militaire d'Ion Antonescu, qui fait emprisonner les Légionnaires, notamment leur chef, Horia Sima. Ion Antonescu opte alors pour une alliance avec l'Allemagne nazie, déclarant que son intention est de reprendre les territoires cédés peu auparavant, et considère comme inévitable une guerre avec la Hongrie au sujet de la Transylvanie.
Lorsque l'Allemagne nazie attaque l'URSS, Ion Antonescu fait le choix d'entrer en guerre aux côtés des Allemands pour récupérer la Bessarabie. Une fois celle-ci reprise, il envoie l'armée roumaine en Ukraine et accepte de l'Allemagne, « en échange » des territoires cédés à la Hongrie et à la Bulgarie, une partie de la Podolie ukrainienne avec Odessa, territoire alors appelé « Transnistrie », qui devient une « Sibérie roumaine » où le régime déporte et tue Juifs, Roms, homosexuels, francs-maçons et opposants politiques. Le nombre des victimes sera estimé, au procès d'Ion Antonescu, à 400 000[14]. Mais, en février 1943, l'armée roumaine est décimée à Stalingrad et doit battre en retraite aux côtés de son allié allemand. La Roumanie perd, au cours de cette campagne, plus de 220 000 hommes (120 000 morts, 80 000 prisonniers détenus au Goulag et 18 000 enrôlés dans les divisions roumaines alliées Tudor Vladimirescu et Horia-Closca-Crisan).
Jusqu'en 1942, Ion Antonescu tolère que l'organisation Aliya d'Eugen Meissner et Samuel Leibovici organise l'émigration des Juifs vers la Palestine mandataire, avec comme argument que le « problème juif » sera résolu mais à condition que les émigrants n'emportent ni biens, ni numéraire. Cette politique cesse ensuite, à cause du refus britannique d'accepter l'immigration en Palestine de Juifs roumains au motif qu'ils sont « citoyens d'un pays ennemi » (d'où des épisodes sanglants comme la tragédie du Struma)[15].
Contrairement à son homologue hongrois Miklós Horthy, le dictateur roumain a refusé de livrer les Juifs roumains aux nazis, non pour les protéger mais pour accomplir sa propre extermination notamment à Jassy, à Odessa et en Transnistrie. Les deux dictateurs ont cependant établi des priorités analogues dans leurs « solutions finales » : privés de tout droit, les juifs apatrides étaient anéantis en priorité, tandis que ceux demeurés citoyens hongrois ou roumains avaient plus de chances d'être épargnés, surtout s'ils pouvaient payer. Cependant, de très nombreux juifs étaient devenus apatrides dans les années 1938-41 pour différentes raisons : décrets d'Octavian Goga ou d'Ion Gigurtu en Roumanie, passage de territoires où ils vivaient de la Tchécoslovaquie ou de la Roumanie à la Hongrie, juifs devenus soviétiques après avoir été roumains... Si les Juifs roumains ont eu quelques protecteurs, ce ne furent pas, à l'exception de Constantin Karadja, des fonctionnaires de l'État ou de l'armée, mais des justes isolés comme Viorica Agarici (infirmière et responsable locale de la Croix-Rouge), le pharmacien Beceanu de Jassy ou Traian Popovici (maire de Cernauti). La plupart de ces justes sont restés anonymes car « Yad Vashem » était inconnu dans les pays de l'Est pendant la période communiste (1946–1990) et la plupart d'entre eux sont morts avant que les familles qu'ils avaient sauvées puissent les retrouver : seules 139 personnes ont été honorées par Israël du titre de Juste parmi les nations en Roumanie et Moldavie.
Guerre contre l'URSS
Le , Ion Antonescu s'autoproclame général d'armée. Le , il participe à l'offensive allemande contre l'URSS, et se nomme lui-même commandant du « groupe des armées général Antonescu ». Il est décoré par l'Allemagne de la croix de fer le , avec rang de chevalier et, le suivant, il se décerne le grade de maréchal et se décore de l'ordre Michel le Brave 2e et 1re classe[14].,[n 3].
« Soldats, je vous l'ordonne, traversez le Prut ! »
Le , le conducător Antonescu donne l'ordre suivant : « Soldats, je vous l'ordonne, traversez le Prut ! ». Il exhorte ses soldats à mener une « guerre sacrée, anti-communiste, juste et nationale ». Les troupes roumaines traversent ainsi le Prut et, aux côtés des Allemands, reprennent la Bessarabie, puis prennent Odessa et Sébastopol. Les Roumains prennent une part essentielle au siège d'Odessa, qui se termine le par le retrait de l'Armée rouge.
Conquérir la Crimée et Odessa « en passant »
Ion Antonescu ordonne à l'armée roumaine de conquérir la Crimée et Odessa « en passant ». Le , les corps IV et V de l'armée roumaine, commandé par le général Nicolae Ciupercă (ro) traversent le Dniestr, entre Tighina et Dubăsari (« l'ordre opératif du grand état-major » no 31 du ). Le plan d'attaque élaboré par Antonescu en personne se révèle désastreux. Odessa est finalement occupée par les armées roumaines au prix de nombreux morts et d'importants dommages.
Le 3 septembre 1941 le général Ciupercă fait à Antonescu un rapport sur la situation de ses troupes, qui, après un mois d'attaques permanentes, sans approvisionnement, dans un terrain hostile, doivent faire face aux attaques des partisans soviétiques. Ciupercă propose d'alléger le dispositif, de consolider l'intendance, de laisser la population ukrainienne s'auto-gérer partiellement et de se concentrer sur les plans d'attaque plus à l'Est. Ion Antonescu rejette le rapport et, le , le général Ciupercă est remplacé par le général Iosif Iacobici (ro), prochain chef du grand état-major (ultérieurement, le plan du général Ciupercă sera adopté discrètement, avec succès)[14].
Parmi les méthodes instituées par Ion Antonescu pour « fouetter le moral des troupes », la directive no 113 du du cabinet militaire impose les punitions corporelles en cas de déshonneur (comme la fuite devant l'ennemi) ou de fautes graves (comme l'ordre de retrait donné par un sous-officier). La punition peut aller jusqu'à 25 coups de fouet en public. Cette directive entend contrer l'action des divisions roumaines alliées « Horia-Cloșca-Crișan » et « Tudor Vladimirescu », qui, par l'infiltration et la propagande, tentaient de rallier les soldats à la cause alliée, et ce d'autant plus facilement que le choix, pour les prisonniers roumains faits par les Soviétiques, entre la captivité en Sibérie et l'engagement dans ces divisions roumaines alliées, a déterminé un grand nombre d'entre eux à choisir la seconde option, qui leur a permis de revenir au pays en vainqueurs. La directive no 113 visait aussi à obliger les hommes à obéir à des ordres inhumains, visant à persécuter ou assassiner des civils. De à , 86 000 hommes sont condamnés en cour martiale pour refus d’obéissance et/ou tentative de passage aux Alliés[14].
Attentat sur le quartier général roumain d'Odessa
Le , six jours après l'entrée des troupes roumaines à Odessa, les partisans soviétiques font sauter le quartier général roumain d’Odessa. Le général Ion Glogojanu (ro), commandant d'Odessa, est tué, ainsi que 16 officiers, 46 sous-officiers et soldats roumains, et quatre officiers mariniers allemands.
Les soldats roumains ne parviennent pas à capturer les auteurs de l'attentat. Le soir même, le général Ion Antonescu, au nom du gouvernement roumain, ordonne des représailles implacables contre la population civile, spécialement les Juifs, parce que, conformément à sa propagande, « tous les Juifs sont communistes »[17],[18]. Aussitôt, le nouveau commandant d'Odessa, le général Trestioreanu, annonce qu'il va prendre des mesures pour « pendre les Juifs et les communistes » sur les places publiques. Durant la nuit 5 000 Juifs sont exécutés, pendus en grappes de trois à cinq victimes à chaque lampadaire sur les boulevards d'Odessa.
Le , les Alliés occidentaux déclarent la guerre à la Roumanie, qui n'était jusqu'alors en guerre que contre l'URSS.
Jusqu'à Stalingrad
Fidèle à ses engagements envers Hitler et l'Allemagne nazie, Ion Antonescu envoie ses troupes bien au-delà de la Bessarabie, à 2 000 km vers l'est, où elles subissent aux côtés des Allemands, le désastre de Stalingrad. En , l'armée roumaine, pour laquelle il n'existe aucun dispositif d'évacuation, est décimée à Stalingrad et doit se mettre en retraite aux côtés de son allié allemand, qui la laisse volontiers en arrière-garde. Elle perd, au cours de cette seule campagne, plus de 220 000 hommes (dont environ 7 000 parmi lesquels le général Mihail Lascăr (ro), se rendent volontairement aux Soviétiques pour intégrer les deux divisions roumaines alliées, « Vladimirescu » et « Horia-Cloșca-Crișan »)[14].
Au total, 473 000 soldats roumains sont engagés contre l'Union soviétique, ce qui constitue, parmi les forces de l’Axe, le contingent le plus fourni après celui de l'Allemagne[14].
Perte de popularité et chute
N'ayant jamais été élu par le peuple au suffrage universel, ni même été investi par le Parlement comme son homologue français Philippe Pétain, Ion Antonescu ne tient sa légitimité que d'un décret royal. En , alors qu'il s'est s'auto-proclamé le « Pétain roumain », il se fait plébisciter et obtient deux millions de « oui » contre 3 360 « non »[19].
Cependant, sa popularité, si tant est qu'elle ait été sincère, s'effondre lorsque les deux armées roumaines, engagées sur les flancs des forces allemandes, subissent d'importantes pertes au cours de la bataille de Stalingrad. Devant l'avancée de l'Armée rouge, qui entre en Roumanie du Nord-Est en , l'opposition à Ion Antonescu s'organise autour d'un « Bloc national démocratique » regroupant les quatre principaux anciens partis politiques du pays, interdits mais clandestinement encore actifs.
Ion Antonescu est destitué et arrêté avec ses partisans le , lors d'un coup d'État ordonné sur ordre du roi, Michel Ier, en accord avec le « Conseil national de la Résistance » et les dirigeants des partis politiques (dont ceux du Parti communiste roumain, alors libérés de prison)[20]. La Roumanie, déjà partiellement occupée par l'Armée rouge depuis , déclare la guerre à l'Allemagne et à la Hongrie le , engageant 547 000 soldats contre l'Axe, le contingent le plus fourni après ceux de l'URSS, des États-Unis et du Royaume-Uni[14].
Mais les Alliés attendent jusqu'au pour répondre à la demande d'armistice, et, durant cette période, tandis que les Roumains luttent à l'ouest contre la Wehrmacht et l'armée hongroise, l'Armée rouge se comporte toujours, à l'est, en ennemie, continuant à faire des prisonniers alors que les Roumains ont reçu l'ordre de ne pas résister. De plus, durant trois semaines, la Roumanie est bombardée alternativement par l'USAAF depuis Foggia en Italie, par la Luftwaffe depuis Szeged en Hongrie, et par l'Armée de l'air soviétique.
Ion Antonescu est assigné à résidence à Bucarest jusqu'au , lorsqu'un coup d'État communiste renverse le gouvernement issu du Conseil national de résistance. Il est ensuite transféré à Moscou à la demande des Soviétiques.
Procès et exécution
Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, Ion Antonescu est ramené en Roumanie et traduit devant le « Tribunal du peuple » de Bucarest, qui le condamne à mort, le , pour crimes « contre la paix, contre le peuple roumain, les peuples de la Russie soviétique, les Juifs, les Roms et autres crimes de guerre ». Il est reconnu coupable d'avoir provoqué la mort de 500 000 militaires et civils, ainsi que la déportation ou l'exécution de près de 300 000 Juifs roumains ou ukrainiens et de 15 000 Roms.
Il est fusillé aux abords de la prison de Jilava, non loin de Bucarest, le , en même temps que Mihai Antonescu, vice-président du Conseil du royaume de Roumanie de 1941 à 1944, que le général de gendarmerie Constantin Vasiliu (ro), ex-sous-secrétaire d'État et que Gheorghe Alexianu (ro), ex-gouverneur de Transnistrie[21],[22]. Avant le tir, il lève son chapeau en criant « Vive la Roumanie ! » et ses derniers mots après le tir sont, selon le rapport officiel de la Securitate de l'époque : « Vous ne m'avez pas tué, messieurs, tirez encore ! »[23]
Idéologie
Ion Antonescu est souvent l'objet d'opinions divergentes, selon l'aphorisme du « verre à moitié vide ou à moitié plein ». Les cercles politiques nationalistes, représentés par des écrivains comme Paul Goma ou Adrian Păunescu, des hommes politiques, comme Corneliu Vadim Tudor, et quelques historiens minimisent ses responsabilités personnelles. La majorité des historiens dessine un dirigeant qui aurait pu, comme ses homologues finlandais ou bulgares, éviter des crimes qu'il a pourtant ordonnés[24],[25],[26],[27],[28],[29],[30].
S'il apparaît comme un dictateur ayant une idéologie proche du conservatisme et du nationalisme, il avait pourtant longtemps tenté de former un gouvernement d'union nationale rassemblant des partis comme le Parti national paysan[n 4]. Tout en menant une politique globalement xénophobe, il refuse de livrer les Juifs roumains à l'Allemagne et épargne, bien évidemment, les Allemands et les Hongrois de Roumanie, mais aussi les minorités de tradition orthodoxe comme les Serbes, les Bulgares, les Grecs, les Gagaouzes, les Ukrainiens ou les Lipovènes.
À partir de 1935, il justifie la mise en place de mesures discriminatoires et, à partir de , de la « dictature carliste » (dictature anti-fasciste). Sa critique de la démocratie comme facteur de corruption ainsi que son titre de conducător (« guide ») ont été repris à leur compte par les communistes et par Nicolae Ceaușescu, et certains commentateurs expliquent ainsi qu'après la révolution roumaine de 1989 démocratie et état de droit aient été si difficiles à remettre en place[31]. L'attaque contre l'URSS fait sortir le Parti communiste de l'expectative et lui fait rejoindre l'opposition à Antonescu[n 5].
Selon lui, sa « mission historique [était] de faire de l'ordre et de nettoyer le pays de tous les éléments étrangers et nocifs : Juifs, francs-maçons, Roms et autres parasites qui ont corrompu le peuple roumain immaculé ». Comme Adolf Hitler, il considère qu'il faut aussi se débarrasser des homosexuels, des handicapés, des suffragettes, des communistes, des Slaves et du système démocrate et libéral, afin de « purifier et guérir la race »[n 6]. Sa réponse d' à Ion Brătianu, chef du Parti libéral interdit, est explicite : « Les « youpins » ((ro) jidani[32]), avec les Anglais et les Américains, ont dicté la paix […] que vous avez accepté […] avec cette humiliante, indigne et ignoble garantie d'accorder des droits civiques […] à ces cochons de Juifs qui ont sali le pays, compromis l'économie et la pureté de notre race […]. Vous avez causé la décadence morale de la Roumanie en capitulant devant les Juifs et les francs-maçons, par instauration d'un système démocrate-libéral, qui a accordé des droits égaux à tous, même aux femmes[33]. »
Des chercheurs comme Dennis Deletant[n 7] soulignent la nécessité de remettre l'avènement du régime Antonescu dans le contexte tant chronologique (poussée de l'extrême droite nationaliste en Europe après la Grande Dépression) que géographique (les particularités de la Roumanie et de son passé). Un aspect important de ces particularités est que la majorité roumaine a été, durant de longues périodes de l'histoire du pays, en position d'asservissement et de soumission politique à des pouvoirs qui lui étaient étrangers (selon les territoires, Empire grec, Empire bulgare, Empire mongol, royaume de Hongrie, Empire turc, Empire autrichien, Empire russe)[n 8]. La société roumaine était à la fois multiculturelle, inégalitaire au détriment de la majorité autochtone, perméable aux influences extérieures et parcourue de courants identitaires. Antonescu et son régime s'inscrivent ainsi dans ces contradictions, comme en témoignent les décisions et postures suivantes :
- Il s'affichait fermement antisémite, bien que sa première belle-famille fût juive, tout comme son ami d'enfance Wilhelm Filderman, dont la famille, aisée, avait entretenu l'enfant Antonescu et payé sa scolarité[34]. Filderman était président de la fédération des organisations juives de Roumanie. Dans un premier temps, Ion Antonescu lui permit avec l'organisation « Aliyah » dirigée, à Bucarest, par Eugen Meissner et Samuel Leibovici, d'affréter des trains à travers la Bulgarie et des bateaux à travers la mer Noire, pour conduire des Juifs roumains en Turquie, alors neutre, et de là, en Palestine[n 9], mais pour le déporter ensuite en Transnistrie. Filderman n'en réchappa que de justesse et se réfugia à Paris après la guerre.
- Il mit en œuvre la « Shoah en Roumanie », dont le nom de code adopté par Antonescu était « nettoyage du terrain » (Curățirea terenului)[35], mais il refusa de livrer aux nazis les Juifs roumains, même ceux arrêtés en Allemagne, tandis que l'extermination des Juifs en Transnistrie fut interrompue à la suite du désastre de Stalingrad.
- Sur le plan privé, il s'affichait conservateur, strict, et attaché aux valeurs chrétiennes, mais il fut jugé pour bigamie pour s'être marié avec Maria, née Niculescu, ex-Cimbru, ex-Fueller, sans avoir jamais divorcé de Rachel Mendel-Antonescu, mère de son fils unique, malgré les efforts de sa première belle-mère, Frida Cupferman. Il avait épousé Rachel en secret, au désespoir de sa famille et de celle de la jeune fille, qui s'étaient liguées pour briser leur idylle, ce qui a été a posteriori interprété comme une seconde possible racine de son antisémitisme[36].
Joseph Goebbels rapporte dans son journal personnel, le : « Antonescu est au gouvernement avec l'aide des francs-maçons et des ennemis de l'Allemagne. Nos minorités [allemandes en Transylvanie] ont la vie dure. Le Reich a fait un tel effort pour rien. »[37]
En somme, Ion Antonescu apparaît comme un opportuniste qui a profité dans sa jeunesse, à l'époque de la Roumanie social-démocrate et pluraliste, des avantages de ce temps-là, puis, ultérieurement, à l'âge mûr, de la vague d'ultra-nationalisme et de l'antisémitisme montant en Europe et en Roumanie. Que ce soit par opportunisme ou par idéologie, Antonescu souhaitait « nettoyer la Roumanie de tous les Juifs » mais en « pleine souveraineté », sans interférence allemande. Ce faisant, il plaça nettement le gouvernement et l'armée au rang des bourreaux[38],[39],[40], ce que Traian Popovici dans son livre Confessions appelle « une tache indélébile sur la face de la nation », tache dont Antonescu était conscient mais dont il n'avait cure, comme en témoigne sa fameuse déclaration de l'été 1941 : « Peu m'importe si l'Histoire nous considère comme des barbares » (Îmi este indiferent dacă în istorie vom intra ca barbari)[41].
Tentatives de réhabilitation
Dans la dernière décennie du régime communiste, Nicolae Ceaușescu utilise à son tour la symbolique identitaire de l'« ordre national » pour tenter de légitimer son pouvoir en s'appuyant sur des personnages historiques. Après la chute de Ceaușescu, les maîtres d'œuvre de son « national-communisme », Adrian Păunescu et Corneliu Vadim Tudor, soutiennent la réhabilitation d'Ion Antonescu et créent le Parti de la Grande Roumanie.
Dans un contexte de vide idéologique après l’effondrement du bloc de l'Est, le bilan du régime d'Antonescu et de ses crimes devient un enjeu politique et même économique, en raison des spoliations dont il peut être tenu responsable. Les ex-apparatchiks ex-communistes ne sont pas favorables à des restitutions, car eux aussi sont bénéficiaires de spoliations : celles du régime communiste de Roumanie. Une partie de la presse, comme le journal România Mare ultra-nationaliste mais animé par d'anciens communistes, le présentent comme un héros qui, à l'instar de Philippe Pétain, a fait ce que l’on pouvait faire dans la situation de l'époque et qui a liquidé, en , les « vrais » fascistes, les Légionnaires, après avoir gouverné avec eux[42].
Dans des communes de province, des maires mettent Ion Antonescu à l'honneur avec des statues et des rues à son nom. Après l'ordonnance du gouvernement roumain du visant à lutter contre le racisme, la xénophobie et l'antisémitisme, la plupart des statues érigées en hommage à Antonescu sont enlevées de la place publique et les rues à son nom débaptisées[43],[44].
Dans les années 2000, à la demande du fils de Gheorghe Alexianu, ancien gouverneur de Transnistrie, et des cercles nationalistes, la sentence du condamnant le groupe d'Ion Antonescu pour « crimes contre la paix » est attaquée devant la cour d'appel de Bucarest. Le , la cour estime que les documents produits par les plaignants, inconnus lors du premier procès, notamment les protocoles secrets du pacte Hitler-Staline, justifient l'engagement d'Ion Antonescu contre l'URSS en 1941, et que, par conséquent, le « crime contre la paix » n'est pas établi, puisque la Roumanie, comme la Finlande, n'aurait eu aucune raison d'attaquer l'URSS si celle-ci n'avait pas d'abord envahi ses voisins[45]. Pour les autres chefs d'accusation de 1946, la sentence de l'époque est confirmée[n 10],[47]. Après appel du parquet, la Haute Cour de cassation et de justice de Roumanie rejette, le , la demande du visant à casser la sentence du rendue par le Tribunal du peuple de Bucarest[48].
En 2004, le gouvernement roumain ratifie les conclusions de la « Commission internationale d'enquête sur l'Holocauste en Roumanie », nommée par Ion Iliescu, président de la Roumanie, et dirigée par Elie Wiesel, faisant état de la responsabilité objective d'Ion Antonescu dans la mort de 280 000 à 380 000 Juifs de Roumanie ou des territoires occupés par son armée, déportés ou assassinés[49].
En dépit de l'évidence de ses crimes, Ion Antonescu a encore des défenseurs qui considèrent le coup d'État du roi Michel comme une « tragique erreur », affirmant que si le roi avait attendu un mois ou deux de plus pour que ce soit le maréchal lui-même qui demande l'armistice, les Alliés occidentaux se seraient avancés plus profondément vers l'Est de l'Europe, réduisant d'autant la zone d'influence soviétique[50]. Ce point de vue ne tient pas compte de la seconde offensive Iași-Chișinău, qui était déjà en cours depuis trois jours, rendant inéluctable l'invasion rapide de la Roumanie par l'Union soviétique. De plus, la Roumanie n'était pas considérée comme co-belligérant Allié (cas de la Pologne) ni même comme pays ennemi ayant déposé les armes en attendant l'armistice (ce qui fut le cas aussi en Bulgarie), mais comme pays ennemi (cas de la Hongrie et de l'Allemagne nazie), l'exposant ainsi au pire traitement. Dans tous les cas, la Roumanie, comme toute l'Europe de l'Est, avait perdu ses dernières chances d'éviter l'occupation soviétique dès l'hiver 1943, à la conférence de Téhéran, où Winston Churchill qui négociait en position de faiblesse, a du, pour garder la Grèce dans la zone d'influence britannique, renoncer aux prétentions britanniques sur les autres pays est-européens[51],[n 11].
Les défenseurs d'Ion Antonescu affirment aussi que le sort du « Pétain roumain » (comme il se qualifiait lui-même) aurait été injuste en comparaison de celui du maréchal finlandais Carl Mannerheim, qui, après la guerre, a été considéré comme un héros dans son pays[52] ; mais ce point de vue passe sous silence le fait que Mannerheim a limité son offensive contre l'URSS à la Carélie perdue en 1940 sans même tenter de conquérir Mourmansk comme le lui demandaient les Allemands, n'a jamais ordonné à l'armée finlandaise de tuer des civils et a finalement préservé l'indépendance de son pays, tandis qu'Antonescu, loin de se contenter de reprendre aux Soviétiques les provinces roumaines perdues en 1940, a envoyé l'armée roumaine au massacre jusqu'à Stalingrad, a accusé tous les Juifs indistinctement d'être des « agents du bolchévisme, ennemis de la nation », a ordonné à l'armée roumaine de les exterminer[53] et n'a pas préservé son pays de l'invasion soviétique, commencée sous sa gouvernance par la seconde offensive Iași-Chișinău. Ce ne serait donc pas à Carl Mannerheim qu'Ion Antonescu est comparable mais plutôt au maréchal français Philippe Pétain[54].
Décorations
Roumaines :
- Ordre de Michel le Brave 3e à 1re classe
- Ordre de la vertu militaire (en)
- 2e classe ()
- 1re classe ()
Allemandes :
- Croix de fer (1939)
- 2e classe
- 1re classe
- Croix de chevalier de la croix de fer
- Croix de chevalier le en tant que Mareșal al României (« maréchal de la Roumanie »)
- Plaque de bras Crimée en Or
- Insigne de pilote-observateur avec diamants
Finlandaise :
Notes et références
Notes
- Conducător à partir du .
- C'est la fin de la Grande Roumanie, nom donné au royaume de Roumanie dans les années séparant la Première Guerre mondiale et la Seconde Guerre mondiale. Dans le détail, la première perte, en 48 h et dans des conditions dramatiques, a été celle de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord, fin . Des exactions eurent lieu contre la population et dans sa retraite précipitée à la suite de l'ultimatum soviétique, l'armée roumaine perdit énormément de matériel ; de plus elle eut ses premiers morts de la guerre à Hertsa. Ce traumatisme, s'ajoutant à celui d'avoir vu s'effondrer l'allié polonais l'année précédente, détermina Ion Gigurtu (président du Conseil des ministres entre - , qui ignorait l'existence du protocole secret du pacte Hitler-Staline) à déclarer son adhésion à la politique de l'Axe[3], misant sur Adolf Hitler pour résoudre le conflit territorial avec la Hongrie au sujet de la Transylvanie[4],[5]. Lors de son investiture, Gigurtu a déclaré à la radio : « la Roumanie doit faire des sacrifices territoriaux pour justifier son orientation nationale-socialiste et son adhésion totale à l'Axe »[6]. Fin , dans une rencontre entre Hitler et Gigurtu, ce dernier consent à « l'arbitrage » d'Hitler[7],[8],[9]. Le lendemain de cette déclaration, le caricaturiste Dem publia dans le journal Curentul un dessin de deux chiens, l'un ayant la tête de Gigurtu et léchant la crotte d'un autre chien ayant la tête d'Hitler.
- L’ordre Michel le Brave, comporte une cape blanche, le transport gratuit en I-ère cl. par le train et les autres moyens de l'État, 25 ha de terrain cultivable et 500 m2 de terrain en zone urbaine[16].
- « Après la répression de la rébellion légionnaire en , Ion Antonescu n'avait pas l'intention de remettre la Garde de fer dans une position de pouvoir. Il exclut de son gouvernement tous les membres du mouvement. Il essaye de nouveau, comme il l'avait fait en , de susciter l'intérêt de Parti national paysan et d'autres partis, pour former un gouvernement d'unité nationale, mais il ne réussit pas. Iuliu Manu, chef reconnu des forces démocratiques, refuse de participer à un gouvernement qui méprisait la démocratie parlementaire et interdisait les pratiques normales des partis politiques. Ainsi, le cabinet qu'Antonescu annonce, le , qu'il est composé principalement de militaires, dont la mission principale est d'assurer l'ordre public et une administration efficace. Avec cette équipe, il commence à jeter les bases de son propre type d'autoritarisme. ». Cf. (ro) « Al Doilea Război Mondial. 1940-1944 », dans Mihai Bărbulescu, Dennis Deletant, Keith Hitchins, Serban Papacostea et Pompiliu Teodor, Istoria României, Bucarest, Corint, (ISBN 973-653-514-2), p. 383.
- Deux divisions roumaines, nommées « Horia-Cloșca-Crișan » et « Tudor Vladimirescu », ont combattu du côté allié en URSS : elles sont l’équivalent roumain de la division Leclerc.
- Il déclare, le : « Nous sommes devant la nécessité pour notre nation de profiter de ce désastre (la guerre) pour se purifier, s'homogénéiser. Nous sommes sans pitié. Je ne pense pas à l'intérêt général du genre humain, je pense à l'intérêt national de notre race, qui nous ordonne de cesser d'être tolérants avec tous ces éléments étrangers qui nous ont exploités, abâtardis, amollis et qui nous ont fait tant de mal ». Cf (ro) ASRI : Fondul Penal, dossier 40 010, vol. 77, p. 29.
- (ro) Dennis Deletant, L'allié oublié d'Hitler : Ion Antonescu et son régime 1940-1944, Bucarest, Humanitas, , 9-10 p. (ISBN 978-973-50-2623-3).
- À cette époque, le jus valachicum (« droit valaque ») n'a cessé de reculer, et l'« ascenseur social » transylvain passait par l'intégration dans la bourgeoisie et la noblesse magyare et l'abandon de l’orthodoxie tandis que dans les principautés roumaines de Moldavie et Valachie, à l’époque phanariote, l'« ascenseur social » nécessitait de s’helléniser voire de se franciser pour intégrer l'aristocratie des boyards ou la bourgeoisie (Neagu Djuvara, Les pays roumains entre Orient et Occident : les Principautés danubiennes au début du XIXe siècle, Publications Orientalistes de France, 1989). Dans ces principautés, la monarchie était élective, et le souverain (voïvode, hospodar ou domnitor selon les époques et les sources) était élu par (et parmi) les nobles, puis agréé par les Ottomans, car jusqu'en 1859 les deux principautés étaient vassales et tributaires de la « Sublime Porte ». Outre le tribut à verser aux Ottomans et à leurs alliés tatars, outre la dîme versée par les églises et monastères moldaves et valaques aux monastères byzantins de l'Athos et au patriarche de Constantinople, le souverain, pour être nommé, régner et se maintenir, devait acheter l'appui des partis de boyards et des puissances voisines, hongroise, habsbourgeoise, russe et surtout turque de sorte que, pour rembourser ses dettes, il devait affermer des offices moldaves et valaques à des financiers phanariotes, arméniens, arvanites, romaniotes, séfarades ou levantins qui exploitaient durement les masses paysannes. Par conséquent, la majorité roumaine a longtemps été moins favorisée socialement, économiquement et culturellement que les minorités, liées aux classes dominantes des principautés roumaines ou des empires voisins et à leur essor économique. La seule minorité encore moins favorisée que la majorité roumaine, était celle des Roms nomades, et de ce fait, la culture roumanophone proprement-dite est restée, tant en Moldavie et Valachie qu’en Transylvanie, une civilisation essentiellement rurale et populaire, caractère sur lequel ont fait levier, au XXe siècle, les propagandes des mouvements nationalistes qui y ont facilement injecté et attisé des aspects de plus en plus xénophobes et antisémites, notamment après la Grande Dépression. Cf. (ro) Constantin C. Giurescu & Dinu C. Giurescu, Istoria Românilor Volume II (1352-1606), Editura Ştiinţifică şi Enciclopedică, Bucureşti, 1976 ; Gilles Veinstein et Mihnea Berindei, L'Empire ottoman et les pays roumains, EHESS, Paris, 1987 ; Jean Nouzille La Moldavie, Histoire tragique d'une région européenne, Éd. Bieler, (ISBN 2-9520012-1-9) ; Joëlle Dalegre Grecs et Ottomans 1453-1923. De la chute de Constantinople à la fin de l’Empire Ottoman L’Harmattan Paris (2002) (ISBN 2747521621) ; Catherine Durandin, Histoire des Roumains, Fayard, 1995.
- Le principal obstacle à l'activité d'« Aliyah » ne venait pas des régimes fascistes de Roumanie et de Bulgarie, qui en profitaient pour piller les candidats au départ, mais de l'attitude des Alliés : les Britanniques refusaient les visas pour la Palestine, surtout après avoir déclaré la guerre à la Roumanie en , et les Soviétiques torpillaient les navires de réfugiés même lorsqu'ils étaient sous pavillon neutre et même lorsqu'ils connaissaient parfaitement leurs passagers, comme le démontre la tragédie du Struma.
- Le , mais une Cour d'appel de Bucarest a déclaré nulles certaines décisions du Tribunal du Peuple du condamnant Antonescu et d'autres accusés pour certains de leurs « crimes contre la paix », en s'appuyant sur le fait que l'ultimatum soviétique de 1940 et les exactions et déportations commises ensuite contre la population de Bessarabie[46] auraient justifié la guerre contre l'Union soviétique, si bien que l'article 3 de la Convention de 1933 définissant ce qu'est une agression ne s'applique pas dans son cas. En conséquence, Antonescu et vingt autres personnes ont été déclarés non coupables de « crimes contre la paix à l'encontre des peuples de la Russie soviétique » (comme le stipulait le texte de 1946) et non coupables également en ce qui concerne certains des « crimes de guerre résultant de la collaboration militaire entre la Roumanie et l'Allemagne », sur la constatation que les éléments constitutifs de ces crimes-là étaient absents. La cour a estimé légitime la guerre contre l'URSS pour libérer la Bessarabie et la Bucovine du Nord dans la mesure où il s'agissait d'écarter une menace militaire soviétique imminente, déclarant que, vue sous cet angle, la coopération militaire avec l'Allemagne n'était pas illégitime.
En revanche, la même cour a constaté que la Roumanie, par l'intermédiaire du régime d'Antonescu, a collaboré militairement avec les pouvoirs de l'Axe sans traité militaire, ce qui lui laissait une autonomie relative dans ses décisions, établissant ainsi une responsabilité propre de la Roumanie, distincte de celle de l'Axe. En acceptant le de participer dans le cadre du plan Barbarossa à des opérations militaires jusqu'à Stalingrad et à des annexions hors de son territoire de 1939 (i.e. en Transnistrie), la Roumanie s'est livrée avec l'Axe à une guerre d'agression contre l'Union soviétique, ce qui justifie les conclusions de la cour de 1946 qui avait condamné les 21 accusés sur ce point. La cour a fondé sa décision sur les conclusions du Tribunal de Nuremberg (1946) selon lesquelles la guerre engagée par l'Allemagne nazie était une guerre d'agression. Dans sa référence aux crimes de guerre et aux crimes contre l'humanité, la cour a constaté que l'existence du pacte germano-soviétique ne pouvait pas justifier de tels crimes et que par conséquent la demande de révision qui les concernait était sans fondements. - Ce que les défenseurs d'Antonescu omettent de mentionner est que sort de la Roumanie après-guerre, avec ou sans le maréchal, était scellé depuis la Conférence de Moscou (1944) (dont la conférence de Yalta entérina les décisions). La délimitation des zones d'influence en Europe était sans relation avec l'attitude des différents pays pendant la guerre (la Pologne connut un sort similaire à la Roumanie), et du point de vue géographique, même si les armées occidentales avaient pénétré davantage en Europe centrale, elles n'auraient pas atteint la Roumanie, le plus oriental des « pays de l'Est », qui ne pouvait être que le premier conquis et occupé par les Soviétiques : cf. Alexandru Duțu, Mihai Retegan, Marian Ștefan, « România în al doilea război mondial » (« La Roumanie dans la Seconde Guerre mondiale ») in Magazin istoric, juin 1991, p. 35-39. Par ailleurs, lors de la retraite italienne du Dodécanèse, Harry Hopkins, principal conseiller de Franklin Delano Roosevelt, convainc ce dernier de ne pas participer à la campagne du Dodécanèse : vaincus par les Allemands fin 1943, les Britanniques perdent la possibilité de débarquer dans les Balkans et dès lors le sort militaire de la Roumanie et de ses voisins ne dépend plus que de l'Union soviétique : cf. Pascal Boniface, Le grand livre de la géopolitique : les relations internationales depuis 1945 - Défis, conflits, tendances, problématiques, éd. Eyrolles, Paris 2014. Pour avoir ainsi facilité l'extension de l'Union soviétique en Europe de l'Est, Hopkins a été accusé d'être un agent d'influence soviétique piloté par le NKVD via Ishak Ashmerov : cf. David Roll, The Hopkins Touch: Harry Hopkins and the Forging of the Alliance to Defeat Hitler, Oxford University Press 2013, ch. 6, p. 399 ; Eduard Mark, « Venona's Source 19 and the Trident Conference of May 1943: Diplomacy or Espionage? » in Intelligence & National Security, avril 1998, vol. 13, chap. 2, pp. 1 - 31 ; Verne W. Newton, « A Soviet Agent? Harry Hopkins? » in New York Times du 28 octobre 1990, et John Earl Haynes, Harvey Klehr, « Was Harry Hopkins A Soviet Spy? » in Frontpage.Mag du 16 août 2013 . Enfin, lorsqu'Antonescu fut renversé, les « Cinq de Cambridge », agents soviétiques qui dirigeaient les services de renseignement britanniques, avaient déjà persuadé les puissances Alliées que l'Europe orientale était pour elles une cause perdue d'avance : cf. Gianni Ferraro, Enciclopedia dello spionaggio nella Seconda Guerra Mondiale, editura Sandro Teti, (ISBN 978-88-88249-27-8).
Références
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Voir aussi
Bibliographie
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Articles connexes
Liens externes
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- (ro) « Moldova critică reabilitarea parţială a lui Antonescu », sur www.bbc.co.uk, (consulté le )
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