Arvanites
Les Arvanites (grec moderne: Αρβανίτες, albanais: Arbëreshë, roumain: Arnăuți) sont un groupe ethnique de Grèce, aujourd’hui hellénophone mais d'origine Arbëreshë et parlant un dialecte tosque de la famille de l’albanais. Parmi les albanophones installés depuis longtemps en Grèce, le nom d’Arvanites désigne spécifiquement les chrétiens orthodoxes, par opposition aux Tsámides (Τσάμηδες) musulmans.
Origine et répartition
Originaires d’Épire (Albanie et Grèce du Nord-Ouest), les Arvanites ont progressivement migré pendant le Moyen Âge vers le sud-est, et ainsi peuplé notamment l'Attique, le nord de l'île d'Andros, le sud de l’Eubée et de la Béotie, la région de l’isthme de Corinthe, et des îles du golfe Saronique comme Hydra et Salamine. Dans ces régions, ils sont parfois majoritaires (est de l’Attique, nord d’Andros) au XIXe siècle.
Les autres zones de peuplement d’origine albanophone sont la Grèce du Nord-Ouest et la Thrace. Les mêmes vagues de migration auraient donné naissance en Italie à la communauté arberèche. On ne connaît pas avec exactitude la cause de ces migrations, mais il est possible que, s’agissant de populations restées chrétiennes, elles soient liées à la conversion à l’islam de la majorité des Albanais durant la période ottomane et aux difficultés de cohabitation qui en ont découlé en Albanie. La question de leur origine exacte, de leur appartenance nationale et ethnique, est bien sûr discutée, les nationalismes albanais et grec s’affrontant parfois sur la question : pour le premier, il s’agit d’Albanais hellénisés par l’Église orthodoxe ; pour le second, il s’agit de Grecs épirotes ayant adopté la langue albanaise dans sa forme tosque (méridionale) en raison d’une longue cohabitation avec les Albanais depuis l’arrivée de ces derniers en Épire à partir du VIe siècle, sous la poussée des Slaves. Les deux « écoles » ont des arguments valables[1].
Histoire
Les invasions de tribus arvanites sur le territoire grec commencent, selon l’écrivain Theódoros Troupís[2], au XIVe siècle et s’arrêtent aux environs de 1600 ; leur foyer initial était la région d’Arbëria dans le Despotat d'Épire dans la région centrale de l’Albanie actuelle, et la Thessalie, leur lieu d’installation primitif. Les Arvanites ont joué un grand rôle pendant la guerre d’indépendance (parmi les Souliotes et dans les îles d’armateurs comme Hydra et Spetses), et se définissent comme « hellènes » et composante de l’« helleniki ethniki koinonia », la nation grecque moderne. Néanmoins, jusqu’à la fin du XIXe siècle, les voyageurs occidentaux les désignent souvent comme « Albanais »[3]. Au début du XXe siècle, une partie des habitants de la ville d’Éleusis est de langue arvanite.
Langue
Actuellement, la langue (arvanitika ou arvanitique, code de langue IETF AAT, qui a toujours été écrite en alphabet grec) est de moins en moins parlée, comme les autres langues minoritaires de Grèce. Lorsqu’il a été écrit, le parler des Arvanites a, le plus souvent, utilisé les caractères grecs, comme dans le magazine Apollon par exemple.
La communauté albanaise, qui a récemment immigré depuis l’Albanie, est distincte tant des Arvanites (Αρβανίτες) que des Tsámides (Τσάμηδες, parfois connus sous leur nom anglais de « Chams »). Elle comprend :
- les Albanais proprement-dits (Αλβανοί musulmans, catholiques ou orthodoxes) ;
- les Grecs d’Albanie (Βόρεο-Ηπειρότες « Épirotes du Nord » ou « Boréo-Épirotes » orthodoxes).
Métonymie
Par métonymie, les mercenaires chrétiens d'origines ethniques diverses, mais souvent Arvanites, employés par les principautés roumaines vassales de l'Empire ottoman[4] étaient appelés Arnaoutes.
Bibliographie
- Biris, Kostas, Αρβανίτες, οι Δωριείς του νεότερου Ελληνισμού: H ιστορία των Ελλήνων Αρβανιτών [= Arvanites, les Doriens de la Grèce moderne : Histoire des Arvanites], Athènes, 1960 (3e ed. 1998: (ISBN 960-204-031-9)).
- Dede, Maria (1987): Οι Έλληνες Αρβανίτες. ["The Greek Arvanites"]. Ioannina : Ίδρυμα Βορειοηπειρωτικών Ερευνών.
- Nasa Patapiou, « Η κάθοδος των ελληνοαλβανών Στρατιώτες στην Κύπρο (16αι) » [= La migration des Stratioti greco-albanais à Chypre (XVIe siècle)], Επετηρίδα του Κέντρου Επιστημονικών Ερευνών, 1998, 24, p. 161-209.
- Κ. Ν. Sathas, Documents inédits relatifs à l'histoire de la Grèce au Moyen Âge, publiés sous les auspices de la Chambre des députés de Grèce. Tom. VI.
- Pierre Sintès, La raison du mouvement : Territoires et réseaux de migrants albanais en Grèce, Paris, Karthala ; Athènes, École française d’Athènes, 2010.
- "Ανθολογία Αρβανίτικων τραγουδιών της Ελλάδας", Θανάσης Μωραΐτης, 2002, (ISBN 960-85976-7-6).
Notes et références
- Dans une perspective paléolinguistique ou phylogénétique, les linguistes Eqrem Çabej, Eric Hamp, Georgiev, Kortlandt, Walter Porzig ou Sergent considèrent que le proto-albanais, qui appartient à l’ensemble géographique thraco-illyrien des langues indo-européennes, s’est formé vers le VIe siècle à l’intérieur des terres, dans le Kosovo et la Serbie actuelle. Ils expliquent que le proto-albanais a subi un début de romanisation encore sensible dans la langue moderne, et que les emprunts les plus anciens de l’albanais aux langues romanes proviennent du roman oriental balkanique et non de l’illyro-roman qui était la langue romane anciennement parlée en Illyrie à la suite de la romanisation de l’illyrien, que les toponymies albanais ayant conservé leur appellation antique, ont évolué selon des lois phonétiques propres aux langues slaves et que l’albanais a emprunté tout son vocabulaire maritime au latin et au grec. C’est pourquoi ces auteurs pensent que les ancêtres des Albanais ont vécu à l’est de l’actuelle Albanie et que régions côtières de ce pays (thème du Dyrrhacheion) étaient initialement gréco-latines. De nos jours, l’existence en albanais de mots empruntés au roman oriental balkanique et la présence dans les langues aroumaine et roumaine de mots de substrat proches des mots albanais, corrobore cette manière de voir, ce qui n’empêche pas que l’Église grecque a, durant le Moyen Âge, hellénisé des populations albanophones (et autres), comme en atteste par exemple la prédication de l’anachorète Kosmas l'Étolien en Épire, citée par l’ethnologue Kostas Krustallis
- (el) Theódoros Troupís, À la recherche de nos racines, Sérvou, p. 1036.
- J.T. Bent, The Cyclades (préface)
- Les traités de vassalité entre ces États et la « Sublime Porte » interdisant en temps de paix la présence de troupes musulmanes dans ces principautés situées dans le Dar el Ahd ("domaine de l'alliance", en arabe: دار العهد).
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