Ion Iliescu
Ion Iliescu, né le à Oltenița, est un homme d'État roumain.
Ion Iliescu | ||
Ion Iliescu en 2004. | ||
Fonctions | ||
---|---|---|
Président de la Roumanie | ||
– (4 ans) |
||
Premier ministre | Adrian Năstase | |
Prédécesseur | Emil Constantinescu | |
Successeur | Traian Băsescu | |
[N 1] – (6 ans, 11 mois et 7 jours) |
||
Élection | ||
Réélection | ||
Vice-président | Vice-président du Conseil du Front de salut national : Dumitru Mazilu Cazimir Ionescu Károly Király Vice-président du Conseil provisoire d'unité nationale : Ion Caraitru Cazimir Ionescu Károly Király Radu Câmpeanu Ion Mânzatu |
|
Premier ministre | Petre Roman Theodor Stolojan Nicolae Văcăroiu |
|
Prédécesseur | Nicolae Ceaușescu | |
Successeur | Emil Constantinescu | |
Biographie | ||
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Oltenița (Roumanie) | |
Nationalité | roumaine | |
Parti politique | PCR (1953-1989) FSN (1989-1992) FDSN (1992-1993) PDSR (1993-2001) PSD (depuis 2001) |
|
Profession | Ingénieur en hydro-électricité | |
|
||
|
||
Présidents de la Roumanie | ||
Après une carrière au sein du régime communiste, il est écarté du pouvoir par Nicolae Ceaușescu, à la chute duquel il fonde le Front de salut national. Il est président de la Roumanie de 1989 à 1996 — date à laquelle il est battu par Emil Constantinescu — puis de 2000 à 2004.
Dans les années 2010, la justice le poursuit pour crimes contre l'humanité en raison de son rôle dans les événements ayant suivi la révolution de 1989.
Biographie
Période communiste
Ion Iliescu a 15 ans lorsque le régime fasciste roumain est renversé et que l'Armée rouge soviétique entre dans le pays, où elle reste jusqu'en 1958. Buandière à l'hôpital Filantropia de Bucarest, Marița Iliescu (seconde épouse de son père Alexandru qui était cheminot) avait participé à la logistique des Brigades internationales pendant la guerre d'Espagne et avait ainsi connu le chef de la brigade roumaine, Valter Roman (père du futur Premier ministre Petre Roman)[1]. Elena Șerbănescu, fiancée et future épouse d'Ion Iliescu, rencontrée trois ans plus tard, était alors membre d'une courroie de transmission du PCR, l'Union des associations des écoliers de Roumanie, dont il devint peu après secrétaire du Comité national. Les deux fiancés purent ainsi obtenir en 1949 une bourse d'étude de la toute nouvelle République populaire roumaine pour apprendre le russe et aller étudier la chimie et l'hydrophysique respectivement à l'Institut Mendeleïev et à la faculté d'hydroénergétique de Moscou. Ils en reviennent et se marient en 1951[2].
Quoi qu'il en soit, Iliescu est immédiatement accepté lorsqu'il adhère au Parti communiste roumain et en 1965, à 35 ans, il est déjà au Comité central comme chef de la section de l'Enseignement et de la Santé, véritable responsable des deux ministères respectifs. Il dirige ensuite le județ de Iași où il cumule les mandats de député de ce parti unique à la Grande assemblée nationale, de premier secrétaire du Comité exécutif du parti (soit l'équivalent d'un préfet français) et de président du Comité exécutif du « conseil populaire » (soit équivalent d'un président d'assemblée départementale en France). Il est membre du Comité central du PCR de 1969 à 1984[3].
Progressivement, il s'attire la méfiance de Ceaușescu en critiquant ses choix (durcissement du régime depuis le 11e congrès du PCR, rigueur économique extrême imposée à la population pour payer la dette extérieure contractée dans la décennie précédente en vue d'une industrialisation massive, et adoption d'une forme de « national-communisme » appelée « protochronisme »[N 2]). Ceaușescu écarte donc Iliescu des instances dirigeantes sous prétexte d'« incompétence face à la modernisation ». Dans les six dernières années du régime, Iliescu dirige une maison d'édition du parti[3] et se trouve marginalisé, sans pour autant être inquiété physiquement, ni soumis à la surveillance et aux restrictions qui marquaient le quotidien de la population. Il reste un membre de la nomenklatura, conserve ses amis, et il semblerait qu'après la visite de Mikhaïl Gorbatchev à Bucarest en 1986, et face au refus de Ceaușescu d'assouplir sa politique, il ait commencé à constituer un réseau clandestin informel de « gorbatcheviens », formé par des cadres du Parti communiste mécontents et inquiets de la politique du régime[N 3].
Révolution de 1989
En , alors que le peuple est dans la rue notamment à Timișoara et Bucarest, Iliescu est sur le devant de la scène, à la télévision, dès les premiers jours de la révolution, et la position de chef, qu'il partage avec Petre Roman, est reconnue rapidement par le petit cercle des meneurs du coup d'État qui renverse Nicolae Ceaușescu[5].
En tant que chef des autorités provisoires, il déclare à la télévision souhaiter pour la Roumanie un avenir de « socialisme scientifique » et de « démocratie originale », en restant dans la sphère d'influence de l'Union soviétique. Ses déclarations sont interprétées comme suggérant l'adoption de réformes du style glasnost et perestroïka à la manière de Gorbatchev, plutôt que le remplacement complet du système politique existant. Il souhaite publiquement une version de « socialisme humain » qui « préserve le pays des excès du capitalisme débridé ». Mais Gorbatchev est affaibli comme le montrera le putsch de Moscou, et la société roumaine, nomenklatura comprise, ne veut plus entendre parler du communisme et de ses contraintes. La nomenklatura abolit le Parti communiste, constitue le Front de salut national (en roumain : Frontul Salvării Naționale, FSN) qui forme un organe dirigeant la Roumanie dans les premières semaines qui suivent la libération, gère les immenses biens du PCR (fermes de production, lieux de loisirs, biens immobiliers...) et permet le retour des partis politiques roumains historiques (Parti national libéral et le Parti national paysan chrétien-démocrate) ainsi que la constitution d'autres partis (Parti écologiste roumain, Union démocrate magyare de Roumanie...). Ion Iliescu est élu président du FSN. Le Conseil du Front de salut national doit organiser les élections législatives libres du et se dissoudre après celles-ci. Mais le Front de salut national est finalement transformé en parti et remporte ces élections, et le Conseil du FSN est renommé en Conseil provisoire d'unité nationale, alors qu'Ion Iliescu remporte l'élection présidentielle avec 85 % des voix, avec le slogan « L'un des nôtres, pour notre tranquillité » (en roumain : Unul dintre noi, pentru liniștea noastră) qui résume parfaitement les principaux thèmes de sa campagne : « pas de lustration » (réclamée par les autres partis), « personne ne sera inquiété pour ses faits et gestes sous la dictature », « on tourne la page », et « on tente notre propre formule de libéralisme, à l'abri des excès du capitalisme »[6].
Il reste de nombreux mystères concernant son rôle dans les évènements de , désignés dans les médias roumains sous les noms de « coup d'État », de « libération » et, le plus souvent, de « révolution » (officiel), qui, tous trois, expriment des facettes de la même réalité. Iliescu fera l'objet d'enquêtes sur ses responsabilités dans la mort de manifestants en 1989 (pour avoir déclaré à la télévision que « Nicolae Ceaușescu a des partisans armés qu'il faut combattre », afin de poser le FSN en défenseur de la révolution, ce qui mena de nombreux Roumains y compris militaires à se tirer dessus mutuellement, chacun pensant défendre la liberté)[7] et en 1990 (pour avoir manipulé les syndicats des mineurs armés de battes, de pelles et de pioches, en leur faisant croire que « les intellectuels dissidents et les étudiants voulaient livrer le pays aux capitalistes étrangers et le dépecer au profit des nationalistes hongrois », et en les amenant par milliers à Bucarest pour tabasser ses opposants)[8].
Contestation et minériades
Membre fondateur du FSN, Iliescu fonde ensuite le FDSN (Front démocratique du salut national), renommé en PDSR (Parti de la démocratie sociale en Roumanie), puis en PSD (Parti social-démocrate). Progressivement, le Front perd son caractère d'union nationale ou de coalition, et devient vulnérable à la critique sur son usage de l'avantage que lui procurait le fait d'avoir été le principal bénéficiaire du changement de régime, en s'engageant pourtant dans des batailles politiques avec des moyens injustifiés par rapport à son statut et à sa représentativité réelle. Iliescu lui-même paraît être hostile à une société civile libre, et semble plus engagé dans une version revue du « centralisme démocratique » communiste.
Du 13 au , les étudiants manifestent contre le régime d'Iliescu à Bucarest. Le 14 au matin, des trains remplis de mineurs arrivent à Bucarest. Selon leurs dires, ils répondaient à l'appel de détresse lancé par Iliescu le 13, et venaient défendre le nouveau gouvernement contre les manifestants. Pendant deux jours, ils ratissent la ville et rossent les étudiants à coups de morceaux de bois. Selon Bîrladeanu, président du Sénat à ce moment-là, ces mineurs auraient été utilisés pour briser l'opposition, manipulés par une Securitate qui n'avait pas encore été démantelée[9]. Ce sont les « minériades ». Une contre-manifestation organisée par le pouvoir fait descendre dans les rues plusieurs dizaines de milliers de travailleurs des principales usines de Bucarest. Selon le rapport officiel, il y a eu six morts, six femmes violées et 746 blessés, mais les manifestants disent qu'ils ont perdu plus de 100 confrères. Après 20 ans, les enquêtes n'ont trouvé que 4 coupables, tous parmi les mineurs.
Élection présidentielle de 1992
Malgré les fortes tensions sociales et les ambiguïtés du nouveau régime, malgré la forte opposition des partis dits « historiques » reconstitués, et malgré un déficit d'image à l'étranger aggravé par le conflit ethnique entre Roumains et Hongrois en Transylvanie, Ion Iliescu est élu démocratiquement à la présidence en 1992, au second tour de scrutin, avec 61 % des voix, face à Emil Constantinescu.
Ion Iliescu ne réussit pas à stopper la scission de son parti, née de profonds désaccords avec son Premier ministre, Petre Roman, fondateur du Parti démocrate (PD). Le déclin économique et le blocage des réformes amplifient le mécontentement populaire.
Élection présidentielle de 1996
En 1996, il perd l'élection présidentielle face à Emil Constantinescu, candidat de la Convention démocratique roumaine (CDR), coalition de centre droit.
Second mandat de président
Ion Iliescu profite de la déception engendrée par la dégradation de la situation économique du pays en vue de l'élection présidentielle de 2000. Le candidat de droite ne parvient pas à participer au second tour de scrutin et Ion Iliescu affronte le candidat nationaliste, fondateur du Parti de la Grande Roumanie, Corneliu Vadim Tudor, contre qui il l'emporte largement. Dans le même temps, le PSD remporte les élections législatives.
En 2004, Ion Iliescu ne peut plus, en raison des dispositions constitutionnelles interdisant à un président de faire plus de deux mandats, se présenter à l'élection présidentielle. Adrian Năstase, candidat du PSD, perd l'élection présidentielle de 2004 face à Traian Băsescu, candidat d'une coalition de centre droit.
Retrait de la vie politique et poursuites pénales
Devant faire face à une opposition « réformiste » au sein du PSD, Ion Iliescu est largement battu lors de l'élection à la présidence du parti par Mircea Geoană, en [10]. Il reste sénateur et devient président honoraire du PSD en 2006.
En 2015, une enquête est ouverte à son encontre pour crimes contre l'humanité : il est accusé d'avoir participé aux crimes du régime communiste, d'avoir participé à la décision d'exécuter le couple Ceaușescu selon une parodie de procédure que son régime réservait à ses opposants, d'avoir provoqué les fusillades de 1989 et d'être à l'origine de la minériade de . Cette décision fait suite à la condamnation de la Roumanie par la Cour européenne des droits de l'homme pour enquêtes « lacunaires et déficientes »[11]. L'enquête est classée sans suite, mais est rouverte en 2016 sur décision de la Haute Cour de cassation, qui retient ensuite d'autres accusations à son encontre[12],[13]. Il est inculpé pour crimes contre l’humanité en , pour l'affaire des fusillades et pour celle de l'assassinat des Ceaușescu[14]. Son procès s'ouvre en [15].
Notes et références
Notes
- Président du Conseil du Front de salut national du au , puis président du Conseil provisoire d'unité nationale du au . Enfin, président de la Roumanie du au .
- « National-communisme » est un qualificatif du à l'historienne et analyste politique française Catherine Durandin, de l'IFRI, pour désigner cette politique de Ceaușescu[4]
- Iliescu n'apparaît pas pour autant parmi les six auteurs, tous anciens ministres communistes ou membres du Comité central, de la lettre ouverte à Ceaușescu publiée par le journal Le Monde du 25-26 juin 1989.
Références
- (ro) Valter Roman, Sub cerul Spaniei, Bucarest, Editura Tineretului, .
- (ro) « Nina si Ion Iliescu: iubire de la 18 ani », sur jurnalul.antena3.ro, (consulté le ).
- (ro) Consiliul National pentru Studierea Arhivelor Securitatii, Membrii C.C. al P.C.R. 1945-1989 dicționar, Bucarest, Editura enciclopedică, , 666 p. (lire en ligne), p. 323.
- « Le système Ceausescu. Utopie totalitaire et nationalisme insulaire », Vingtième Siècle : Revue d'histoire, vol. 25, no 1, , p. 85-96.
- Jean-Marie Le Breton et Radu Portocală, Autopsie du coup d'État roumain, Calmann-Levy, , 194 p. (ISBN 978-2-7021-1935-8).
- (ro) « Cu gândul la România », sur vreaupresedinte.gandul.info.
- (ro) Ioel Stoica, « Enigmele Revoluţiei. Procurorii care au redeschis ancheta susţin că Ion Iliescu a exercitat puterea în stat din 22 decembrie 1989 », sur adevarul.ro, (consulté le ).
- (ro) Marius Gîrlașiu, « Iliescu, anchetat pentru sângele vărsat de bâtele minerilor », sur jurnalul.antena3.ro, (consulté le ).
- Jean-Marie le Breton, La fin de Ceausescu, Histoire d'une révolution, Paris, l'Harmattan, , 190 p. (ISBN 978-2-7384-4394-6, lire en ligne) — Le Breton était ambassadeur à Bucarest au moment de la Révolution. Dans cet ouvrage, il raconte ce qu'il a vu et tente de mettre au clair les différentes versions de cette révolution..
- « Roumanie : Iliescu battu à la tête du PSD », sur liberation.fr, .
- « Roumanie : l'ex-président Ion Iliescu rattrapé par son passé », sur leparisien.fr, .
- « Révolution roumaine de 1989 : l'ex-président Iliescu poursuivi pour crimes contre l'humanité », sur europe1.fr, .
- « L’ancien président de la Roumanie Ion Iliescu poursuivi pour crimes contre l’humanité », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
- « L’ancien président roumain Ion Iliescu mis en examen pour crimes contre l’humanité », sur Le Monde.fr, (consulté le ).
- Ouest-France, « Roumanie. L’ex-président Ion Iliescu jugé pour « crimes contre l’humanité » en 1989 », sur Ouest-France.fr, (consulté le )
Liens externes
- Notices d'autorité :
- Fichier d’autorité international virtuel
- International Standard Name Identifier
- CiNii
- Bibliothèque nationale de France (données)
- Système universitaire de documentation
- Bibliothèque du Congrès
- Gemeinsame Normdatei
- Bibliothèque nationale d’Espagne
- Bibliothèque royale des Pays-Bas
- Bibliothèque nationale de Pologne
- Bibliothèque universitaire de Pologne
- Base de bibliothèque norvégienne
- Bibliothèque universitaire de Zagreb
- Bibliothèque nationale tchèque
- Bibliothèque nationale du Brésil
- Bibliothèque nationale de Grèce
- WorldCat Id
- WorldCat
- Portail de la Roumanie
- Portail de la politique