Arméniens

Les Arméniens (en arménien : Հայեր (Hayer)) sont un peuple originaire du Caucase et du Haut-plateau arménien. Ils constituent la principale population de l'Arménie (environ 3 millions) et de la république indépendante de facto d'Artsakh (150 000). Les Arméniens forment également une diaspora de 5 millions de personnes autour du monde, dont la grande partie s'est formée principalement à la suite du génocide arménien. Ils furent les premiers à accepter le christianisme en tant que religion nationale créant et conservant une branche distincte de cette religion, l'Église apostolique arménienne. Le christianisme est adopté comme religion d'État du royaume d'Arménie en 301 ap. J.-C.

Cet article concerne le peuple arménien. Pour la langue arménienne, voir Arménien.

Arméniens
Հայեր Hayer
Haïk, le fondateur légendaire de la nation arménienne. Peinture par Mkrtum Hovnatanian (avant 1846).

Populations significatives par région
Arménie 3 229 900[1]
Russie 1 130 491[2]
États-Unis 1 000 000[3]
France 750 000[4]
Iran 620 000[5]
Géorgie 248 900[6]
Syrie 190 000[7]
Liban 140 000[8]
Haut-Karabagh[9] 130 000
Argentine 130 000[10]
Ukraine 100 000[11]
Jordanie 70 000[12]
Ouzbékistan 70 000
Irak 60 000[13] (sans les Hémichis)[10]
Allemagne 42 000[10]
Canada 40 505[3]
Brésil 40 000[10]
Grèce 35 000[14]
Australie 15 791[15]
Turkménistan 30 000[16]
Hongrie 30 000[17]
Biélorussie 25 000[10]
Kazakhstan 25 000[10]
Turquie 60 000-20 000[10]
Uruguay 19 000[10]
Royaume-Uni 18 000[10]
Bulgarie 10 832[18]
Belgique 10 000[10]
République tchèque 10 000[10]
Venezuela 2 500[10]
Autres régions 100 000[4]
Population totale 8-10 000 000[19] (2010)
Autres
Langues Arménien
Religions Christianisme, surtout apostolique arménien, ainsi que arménien catholique, arménien évangélique et protestants divers, en particulier dans la diaspora. Petite minorité musulmane, principalement les Hémichis.
Ethnies liées Hémichis, Tcherkessogaï

Les Arméniens parlent deux dialectes différents mais intercompréhensibles : l'arménien oriental utilisé en Arménie, en Artsakh, dans le Caucase et en Iran, et l'arménien occidental utilisé dans l'Arménie occidentale historique et, après le génocide arménien, principalement dans les communautés arméniennes de la diaspora. L'alphabet arménien est un système d'écriture unique qui a été inventé en 405 après J.-C. par Mesrop Mashtots.

Situé à la croisée des chemins entre l'Europe et l'Asie, aux carrefours culturels, historiques et religieux, le peuple arménien a élaboré une culture singulière et résiliente. La danse et la musique arméniennes sont parmi les plus anciennes au monde et sont encore pratiquées aujourd'hui. La cuisine est une riche combinaison de divers arômes originaires du haut-plateau arménien, avec une utilisation importante des herbes fines et des herbes sauvages, ainsi qu'une ancienne tradition viticole.

Étymologie

Les plus anciennes attestations de l'exonyme Arménie datent du VIe siècle av. J.-C. Dans son inscription trilingue de Behistun datée de , Darius Ier le Grand de Perse désigne Urartu/Urashtu (en babylonien) comme Armina (en vieux persan) et Harminuya (en élamite). En grec, Armenios (Αρμένιοι) est attesté à peu près à la même époque, la référence la plus ancienne étant peut-être un fragment attribué à Hécate de Milet ()[20]. Xénophon, un général grec servant dans certaines des expéditions persanes, décrit de nombreux aspects de la vie et de l'hospitalité des villages arméniens vers .

Certains ont associé le nom de l'Arménie à l'État d'Armani (Armanum, Armi) au début de l'âge du bronze ou à l'État d'Arme (Shupria) à la fin de l'âge du bronze. Ces liens ne sont pas concluants car on ignore quelles langues étaient parlées dans ces royaumes. En outre, s'il est admis que l'Arme était située à l'ouest immédiat du lac de Van (et donc dans la région de la Grande Arménie), l'emplacement de l'ancien site de l'Armani est sujet à débat. Certains chercheurs modernes l'ont placé dans la même zone qu'Arme, près de l'actuel Samsat [21] et ont suggéré qu'il était peuplé, au moins partiellement, par un des premiers peuples indo-européens. On a également spéculé que la terre d'Ermenen (située dans ou près de Minni), mentionnée par le pharaon égyptien Thoutmosis III en , pourrait être une référence à l'Arménie.

Les Arméniens se font appeler Hay (en arménien : հայ, prononcé [ˈhaj] ; au pluriel : հայեր, [haˈjɛɾ]). Le nom est traditionnellement dérivé de Hayk (Arménien : Հայկ), le légendaire patriarche des Arméniens et arrière-arrière-petit-fils de Noé, qui, selon Movses Khorenatsi (Moïse de Khorène), a vaincu Bêl, géant de Babylon en et a établi son peuple autour du mont Ararat et sur le haut-plateau arménien. Il est également postulé que le nom de Hay vient de, ou est lié à, l'un des deux états vassaux confédérés hittites - Hayasa-Azzi (-). En définitive, le nom Hay pourrait dériver des mots proto-indo-européens póti (signifiant « seigneur » ou « maître »)[22] ou *h₂éyos/*áyos (signifiant « métal »)[23].

Khorenatsi a écrit que le mot arménien provient du nom Armenak ou Aram (le descendant de Hayk). Khorenatsi désigne à la fois l'Arménie et les Arméniens sous le nom de Hayk' (en arménien : Հայք) (à ne pas confondre avec le patriarche Hayk mentionné ci-dessus).

Origines

Les Arméniens sont considérés comme une branche du vaste rameau indo-européen. Certains spécialistes rattachent les Arméniens aux Hittites, même si Hérodote semble envisager une proximité avec les Grecs. Cette hypothèse se distinguerait des autres : ils feraient partie de la branche thraco-phrygienne et se seraient déplacés d'Europe vers l'Asie mineure à la fin du IIe millénaire av. J.‑C. Un rameau proto-arménien se serait séparé des Phrygiens et se serait déplacé vers l'est jusqu'à l'Euphrate dans la région de la ville actuelle de Malatya ; les proto-Arméniens auraient pénétré en « Arménie historique » à la charnière des VIIe – VIe siècles av. J.-C. Enfin, les théories critiquées de Colin Renfrew sur les Indo-européens affirment que l'Anatolie, selon lui le berceau des Arméniens, est le lieu d'origine de l'ensemble des Indo-européens.

Histoire

L'histoire de l'Arménie et des Arméniens est constituée de périodes d'indépendance interrompue par les conquêtes d'autres peuples. Le premier État arménien est établi vers le début du VIe siècle av. J.-C., sous suzeraineté perse. À son apogée sous l'Artaxiade Tigrane II, le royaume arménien s'étend du Caucase jusqu'à ce qui est maintenant la Turquie centrale, le Liban et l'Iran du nord-ouest. Le règne de Tigrane II le Grand est la seule période de l'histoire arménienne durant laquelle l'Arménie est perçue comme une rivale sérieuse par ses puissants voisins. Par la suite, l'Arménie fait brièvement partie de l'Empire romain.

Vers l'an 301, sous les Arsacides, l'Arménie devient la première nation à adopter le christianisme en tant que religion d'État, déclenchant ainsi une nouvelle ère dans l'histoire du peuple arménien[24]. Pour affirmer l'identité nationale arménienne, Mesrop Machtots invente l'alphabet arménien en 405 ; cet alphabet est encore utilisé aujourd'hui. Dès lors, l'âge d'or de la culture arménienne commence ; plusieurs livres étrangers sont traduits en arménien, devenant donc plus accessibles. L'Arménie perd sa souveraineté à la suite de son rattachement aux empires byzantin et perse en 428.

En 885, les Arméniens rétablissent une entité souveraine sous l'égide d'Achot Ier de la dynastie bagratide. Après l'occupation de l'Arménie par les Byzantins en 1045 puis par les Turcs seldjoukides en 1064, une portion considérable de la noblesse et de la population arméniennes quitte l'Arménie pour s'installer en Cilicie, une région dans laquelle des Arméniens étaient déjà présents depuis l'époque romaine. Ainsi, en 1080, le royaume arménien de Cilicie est créé. Il devient le nouveau centre du nationalisme arménien. Les Arméniens développent des relations sociales, culturelles, militaires et religieuses avec les croisés. Ce royaume succombe en 1375 aux invasions mameloukes.

Portrait d'Arménien, Fonds Eugène Trutat, Conservé au Muséum de Toulouse

Au XVIe siècle, l'Arménie orientale est conquise par les Perses séfévides, alors que l'Arménie occidentale tombe sous la tutelle ottomane. En 1828, le territoire correspondant à la république moderne est incorporé dans l'Empire russe, l'Arménie occidentale faisant toujours partie de l'Empire ottoman. Durant ces périodes tumultueuses, les Arméniens ont pu protéger leur identité grâce à l'Église.

Entre 1915 et 1916, les deux-tiers des Arméniens d'Anatolie et du haut-plateau arménien sont déportés et massacrés méthodiquement dans les déserts de Syrie et de Mésopotamie sur l'ordre du gouvernement Jeunes-Turcs de l'Empire ottoman. Ce fait constitue un des premiers génocides du XXe siècle, avec 1 500 000 victimes[25].

Répartition géographique

Arménie

L'origine du peuplement arménien est légendairement associée à la victoire de Haïk, patriarche arménien, face à Bêl de Babylone. Cette présence continue des Arméniens dans cette région du monde, s'est brusquement estompée à la suite des persécutions ottomanes, et du génocide. Aujourd’hui, l’Arménie est réduite à un dixième de son territoire historique et s'étend sur une partie du Caucase. Elle compte une population de 2,9 millions d'habitants, constitués d’Arméniens à 97 %. Des Arméniens sont également présents dans la province de Samtskhé-Djavakhétie en Géorgie et au Haut-Karabagh, territoire actuellement contrôlé par des indépendantistes arméniens. L’ensemble de ces Arméniens, ainsi que ceux d'Iran et de la Russie, parlent le dialecte oriental de la langue arménienne. Le pays est laïc du fait des décennies de domination soviétique. La quasi-totalité de ses citoyens demeure cependant chrétienne.

Diaspora

Depuis plusieurs siècles, de petites communautés existent hors de l'Arménie. Une communauté s'est ainsi installée en Terre sainte, et un des quatre quartiers de Jérusalem s'appelle le quartier arménien[26]. On retrouve également des traces de communautés arméniennes en Inde et en Birmanie, ainsi que dans d'autres régions de l'Asie du Sud-Est (dont les frères Sarkies, qui ont fondé une chaîne d'hôtels, dont les plus connus sont le Strand de Rangoun, le Raffles de Singapour et le Majapahit de Surabaya). La diaspora moderne, elle, s'est créée à la suite du génocide arménien.

Les Arméniens de la diaspora parlent le dialecte occidental de la langue arménienne, sans que le dialecte oriental leur soit incompréhensible. L'arménien oriental s'utilise plutôt en Iran, en Russie et dans d'autres pays de l'ancienne URSS comme la Géorgie et l'Ukraine.

Notes et références

  1. Estimation 2005. La page « Arménie » du site (en) Nationmaster.com page on Armenia indique 93 % d'Arméniens sur une population estimée à 3 326 448 (juillet 2003), soit 3 093 000.
  2. (ru) Recensement russe de 2002.
  3. (en) Recensement américain de 2000 (indiquant 385 488 personnes d'origine arménienne vivant aux États-Unis. (en) Recensement canadien de 2001 (indiquant 40 505 personnes d'origine arménienne vivant au Canada. Les personnes d'origine mixte sont souvent sous-représentées. (en) L'ambassade arménienne au Canada estime qu'il y a 1 million d'Arméniens aux États-Unis et 100 000 au Canada., tout comme (en) l'Église arménienne d'Amérique. La plupart d'entre eux vivent en Californie.
  4. (en) L'Education for Development Institute maintient un vaste site sur l'Arménie qui inclut des informations sur la diaspora arménienne dans différents pays. Leurs chiffres concordent généralement avec d'autres sources lorsque celles-ci sont disponibles, comme nous n'avons pas d'autres sources vérifiables, nous suivons leur nombre.
  5. (en) Encyclopedia of the Orient
  6. (en) State Department for Statistics of Georgia (2002).
  7. (en) Encyclopedia of the Orient : 160 000 Arméniens apostoliques et 30 000 Arméniens chrétiens.
  8. (en) Encyclopedia of the Orient : 120 000 Arméniens apostoliques et 20 000 Arméniens chrétiens.
  9. Pour le statut international du Haut-Karabagh, cf. l'article « Haut-Karabagh ».
  10. Données sur Armeniandiaspora.com
  11. (en) Recensement ukrainien de 2001
  12. (en) Encyclopedia of the Orient
  13. www.todayszaman.com: Turkish "Foreign Ministry: 89,000 minorities live in Turkey" "Containing detailed statistics about the minority groups in Turkey, the report reveals that 45,000 of approximately 60,000 Armenians reside in İstanbul."
  14. (en) Armenian-Greek Community website
  15. (en) Recensement de 2006
  16. (en) Turkmenistan: Focus on Armenian migrants
  17. Informations démographiques sur la Hongrie
  18. (bg) National Statistical Institute, population en 2001
  19. Miniature Empires: A Historical Dictionary of the Newly Independent States - Page 3 by James B Minahan
  20. Chahin, M., 1912-, The kingdom of Armenia : a history, Curzon, (ISBN 0-7007-1452-9 et 978-0-7007-1452-0, OCLC 46908690, lire en ligne)
  21. « Publications of Alfonso Archi concerning Ebla », dans Ebla and Its Archives, DE GRUYTER (ISBN 978-1-61451-788-7, lire en ligne)
  22. (en) Petrosyan, Armen, « Towards the Origins of the Armenian People. The Problem of Identification of the Proto-Armenians: A Critical Review », Journal of the Society for Armenian Studies. 16: 25–66, (ISSN 0747-9301, lire en ligne)
  23. Hrach Martirosyan, Etymological Dictionary of the Armenian Inherited Lexicon, BRILL, , 1000 p. (ISBN 978-90-474-2683-7, lire en ligne)
  24. Celebration of Armenian Christianity's 1700th Anniversary
  25. Ce chiffre est celui généralement admis par la communauté des historiens ; mais comme leur caractère génocidaire, le bilan des massacres et déportations des Arméniens ne fait cependant pas l'unanimité, les extrêmes allant de quatre cent mille à presque deux millions de victimes arméniennes.
  26. Armenians In the Holyland

Voir aussi

Bibliographie

  • (en) Levon Abrahamian, Armenian identity in a changing world, Mazda Publishers, Costa Mesa, CA, 2006, 406 p. (ISBN 1-568-59185-3)
  • Krikor Beledian, Les Arméniens, Brepols, Turnhout, 1994, 233 p. (ISBN 2-503-50393-4)
  • Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Toulouse, Éd. Privat, (1re éd. 1982), 991 p. [détail de l’édition] (ISBN 978-2-7089-6874-5).
  • Robert Der Merguerian, Les douze piliers de l'identité arménienne, Thaddée, Paris, 2014, 216 p. (ISBN 978-2-919131-18-1)
  • Joseph-André Gatteyrias, L'Arménie et les Arméniens, Librairie Léopold Cerf, rue de Médicis, Paris, 1882 (lire en ligne sur Gallica)
  • Alexis Gurdikyan, Rencontre avec les Arméniens du Monde, Sigest, Alfortville, 2008, 204 p. (ISBN 978-2-917329-04-7)
  • Béatrice Kasbarian-Bricout, Les Arméniens au XXe siècle, L'Harmattan, 1984, 254 p.
  • Béatrice Kasbarian-Bricout, Coutumes et traditions arméniennes, L'Harmattan, 1990, 192 p. (ISBN 2-7384-0631-9)
  • Sèda Mavian, Les Arméniens, 100 après, Ateliers Henry Dougier, coll. « Lignes de vie d'un peuple », 2015, 144 p. (ISBN 9791093594613)
  • Élisée Reclus, Les Arméniens : récit, Magellan & Cie, Paris, 2006 (rééd.), 190 p. (ISBN 978-2-35074-061-4)

Articles connexes

Liens externes

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