Gagaouzes

Les Gagaouzes (en gagaouze : Gagauzlar) sont un peuple de langue turcique et de confession chrétienne orthodoxe, originaire des Balkans et vivant (depuis 1828) dans le Boudjak, région historique aujourd'hui partagée entre la Moldavie et l'Ukraine.

Cet article concerne le peuple gagaouze. Pour la langue gagaouze, voir Gagaouze.

Gagaouzes

Populations significatives par région
Moldavie (dont Gagaouzie) 126 010 (2014)[1]
Ukraine 31 900
Turquie 15 000
Russie 13 700
Kazakhstan 700
Bulgarie 500
Population totale 240 000
Autres
Régions d’origine Balkans
Langues Gagaouze et russe[2]
Religions Christianisme orthodoxe
Ethnies liées Peuples turcs
Carte de répartition

Dénominations

Les dénominations traditionnelles, Gökoğuzlar en turc et Гаговцы / Gagovtsy en russe, jugées l'une obsolète, l'autre péjorative, ont été remplacées depuis 1991 par l'ethnonyme revendiqué par les Gagaouzes eux-mêmes, par la voix de leur premier président Stepan Topal, à savoir Gagauzlar en turc et Гагау́зы / Gagaouzy en russe, provenant de la forme roumaine Găgăuzi[3].

Histoire

Les Gagaouzes apparaissent dans l'histoire sous le nom de Gök-Oğuz au cours du XIIIe siècle dans les Balkans, autour de Serrès et de Varna. Ils pourraient être issus d'Oğuzes turcophones, mercenaires du Second Empire bulgare, qui n'ont pas été islamisés, mais sont passés du tengrisme au christianisme, peut-être en même temps que la minorité dominante de l'aristocratie proto-bulgare, en 864, ou peut-être plus tard. Les Oğuzlar, en turc « taureaux » étaient à l'origine répartis en neuf clans, les Tokuz Oğuzlar (« Neuf Oghouzes »), divisés en 24 tribus issues des six fils d'Oğuz Khân. Chacun des six fils : Kün (« Soleil »), Ay (« Lune »), Yildiz (« Étoile »), Kök ou Gök (« Ciel »), Dağ (« Montagne ») et Dengiz (« Mer »), dirigeait un groupe de quatre clans qui se référaient chacun à un totem clanique (rapace, animal sacré, nourriture particulière ou signe sacré). Les Gagaouzes se référaient au ciel d'où leur nom originel de Gök Oğuz (Oghouzes bleus ou célestes). Au cours des siècles, les autres tribus oghouzes passent de leur tengrisme ancestral au manichéisme, au nestorianisme, au bouddhisme et enfin, pour la plupart, à l'islam. On a aussi relié les Gagaouzes aux Bardariotes[4].

Au XIXe siècle, en 1828, le tsar russe, Alexandre Ier et le sultan ottoman, Mahmoud II font un échange de populations de part et d'autre des bouches du Danube : des Bulgares et la plupart des Gagaouzes quittent la Bulgarie encore ottomane pour venir cultiver les terres du Boudjak annexé en 1812 par l'Empire russe, à la place des Turcs et surtout des Tatars musulmans, qui y vivaient auparavant d'élevage extensif, et qui sont déplacés en Dobrogée (en bulgare « Dobroudja », en roumain « Dobrogea »), dans l'actuelle Roumanie et autour de Varna dans l'actuelle Bulgarie.

Des études ont montré que les Gagaouzes sont génétiquement plus proches des populations balkaniques que des populations turcophones du Proche-Orient et d'Asie centrale[5],[6], ce qui est cohérent avec leurs origines géographiques[7].

Dans les républiques socialistes soviétiques de Moldavie et d'Ukraine, les Gagaouzes n'avaient pas de territoire autonome propre, mais ils profitèrent de la dislocation de l'URSS en 1991 pour s'en proclamer un, et réclamer leur indépendance par la voix de leur leader de l'époque, Stepan Topal ; l'Ukraine nouvellement indépendante ayant menacé de les expulser des raions de Bolhrad et Taroutyne, ils y renoncèrent et depuis, la Gagaouzie n'existe qu'en Moldavie, en tant que région autonome[3].

Situation actuelle

Sur cette carte austro-hongroise de 1878 les « turcs chrétiens » (seconde case) figurent à l'Est de Serrès en Macédoine.
Drapeau non officiel des Gagaouzes de tous pays, inspiré du loup göktürk.
Gagaouzes au XXIe siècle.

Aujourd'hui, les Gagaouzes sont présents en Ukraine, et surtout en Moldavie qui regroupe 87 % d'entre eux et où ils bénéficient d'un territoire autonome et d'une représentation permanente au parlement. Dans ces pays, la plupart d'entre eux sont devenus russophones à l'époque soviétique, mais le turc gagaouze, codifié par Mihail Çakir, est toujours pratiqué et enseigné. Les Gagaouzes sont aussi présents, en nombre réduit, en Bulgarie, dans divers pays de l'ex-URSS (où ils ont été dispersés par le marché du travail) et en Turquie (émigration économique).

Le gouvernement turc, afin d'étoffer à Istanbul son « Patriarcat turc orthodoxe » qui n'a qu'une cinquantaine de fidèles, a proposé aux Gagaouzes de s'y rattacher en 1991, pour renforcer cette Église orthodoxe non-canonique, mais turcophone, rivale du Patriarcat œcuménique de Constantinople (environ 3 500 000 fidèles, dont 3 500 en Turquie). Mais Stepan Topal ayant des engagements envers la Russie, et les Gagaouzes de Bulgarie craignant d'être accusés de panturquisme, le clergé gagaouze resta fidèle aux patriarcats orthodoxes russe et bulgare[3].

Les Oğuzes musulmans, ou Turcomans, sont à présent connus sous le nom de Turkmènes ; d'autres, mêlés à des Tatars, se sont fondus dans le peuple Azéri, mais la plupart ont été assimilés par les Turcs de Turquie.

Notes et références

  1. (ro) « Recensamântul Populației si al Locuințelor 2014 », sur recensamint.statistica.md (consulté le ).
  2. Au recensement moldave de 2004 (Recensământul populației 2004), 40.485 gagaouzes de Moldavie, soit un sur deux, ont déclaré avoir le russe comme langue usuelle.
  3. Jean-Baptiste Naudet, « URSS, le rêve turc des Gagaouzes », Le Monde, .
  4. (en) D. E. Nikoğlu, Очерки протоиерея Михаила Чакира в контексте современных исследований по гагаузоведению (lire en ligne)
  5. (en) « The Gagauz, a Linguistic Enclave, are not a Genetic Isolate », sur interscience.wiley.com
  6. (en) "Searching for the origin of Gagauzes: inferences from Y-chromosome analysis". American Journal of Human Biology 21 (3): 326–36. 2009 May-Jun. (PDF)
  7. (en) Alexander Varzari, "Population History of the Dniester-Carpathians: Evidence from Alu Insertion and Y-Chromosome Polymorphisms", Dissertation der Fakultät für Biologie der Ludwig-Maximilians-Universität München, 2006. (PDF)

Voir aussi

Bibliographie

  • Sylvie Gangloff, « L’émancipation politique des Gagaouzes, turcophones chrétiens de Moldavie », in Cahiers d'études sur la Méditerranée orientale et le monde turco-iranien, no 23, 1997, mis en ligne le 2 mars 2005, consulté le 4 mai 2015
  • (tr) Harun Güngör et Mustafa Argunşah, Gagauz Türkleri: tarih, dil, folklor ve halk edebiyatı, Kültür Bakanlığı, Ankara, 2002, 377 p. (ISBN 975-17-3001-5)
  • (en) James Alexander Kapaló, Text, context and performance : Gagauz folk religion in discourse and practice, Brill, Leiden, Boston, 2011, 352 p. (ISBN 978-90-04-19799-2)
  • (ro) Metin Omer, “Agenda politică a unui intellectual din Turcia kemalistă: Hamdullah Suphi Tanrıöver, turcismul şi găgăuzii”, Intelectuali Politici şi Politica Intelectualilor, Cetatea de Scaun, 2016, p. 345-362 (ISBN 978-606-537-300-6).
  • (en) Dimitris Michalopoulos, “The Metropolitan of the Gagauz: Ambassador Tanrıöver and the problem of Romania’s Christian Orthodox Turks”, Turkey & Romania. A history of partnership and collaboration in the Balkans, Istanbul: Union of Turkish World Municipalities and Istanbul University, 2016, p. 567-572 (ISBN 978-605-65863-3-0) . (Voir aussi:http://www.tdbb.org.tr/tdbb/wp-content/uploads/2016/12/ibac_2016_romanya_BASKI.pdf)
  • Marianne Paul-Boncour et Patrick Sinety, Voyage au pays des Gagaouzes, éditions Cartouche, Paris, 2007, 143 p. (ISBN 978-2-9158-4218-0)

Articles connexes

Liens externes

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