Histoire de l'Ukraine

L’histoire de l’Ukraine comprend celle de l'État indépendant (1918-1920 et depuis 1991) mais aussi celle du territoire ukrainien avant l'indépendance.

Préhistoire

Proto-histoire et Antiquité

Après les populations préhistoriques que les Grecs désignaient comme « Pélasges », les principaux groupements venus peupler ce qui est aujourd’hui l’Ukraine, durant le IIe millénaire av. J.-C., furent des Indo-Européens de langue iranienne septentrionale : les Cimmériens, les Scythes et les Sarmates, qui furent rejoints et influencés par les Grecs en Crimée. Un royaume Scythe hellénisé, la Bosphoranie, se forma au IIIe siècle avant notre ère, autour du « lac Méotide » ; sa brillante capitale était Panticapée (Kertch). Au Ier siècle de notre ère, celui-ci devient un état-client des Romains, devenus par la suite les « Byzantins ».

À partir du IIIe siècle de notre ère les Goths et d’autres peuples nomades se succédèrent durant le Ier millénaire : la culture matérielle de ces peuples (artisanat, rites funéraires, etc.) se retrouve dans les sites archéologiques de la culture de Tcherniakhov. Parmi ces peuples, les Antes sont d’un intérêt particulier pour les Ukrainiens, car on pense que les Antes sont une civilisation proto-slave. Beaucoup d’objets trypiliens datent de cette époque. Du IIe siècle au XIIIe siècle, des peuples turcophones ou finno-ougriens se succèdent d’est en ouest le long de la mer Noire : Huns, Avars, Bulgares, Khazars, Magyars, Pétchénègues, Polovtses, Tatars et Mongols. Pendant ce temps, des tribus slaves occupent pacifiquement l’Ukraine occidentale, centrale et septentrionale à partir du VIe siècle : elles ont joué un rôle important dans la fondation de Kiev par les Scandinaves.

État de Kiev

Au VIIIe siècle le commerce varègue (des Vikings orientaux) de la Baltique à la mer Noire fédère les différentes tribus slaves et, au IXe siècle, Kiev est prise aux Khazars par le varègue Oleh le Sage, fondateur d’un "État des rameurs" ou Rodslagen, en proto-slave Rous’ : c’est l’âge d’or de sa capitale, Kiev. Le territoire de la Rous’ couvrait le Nord de l’actuelle Ukraine ainsi que la Biélorussie et l’Ouest de la Russie. De Rous’ viennent la dénomination des "Russes", mais aussi celle des "Ruthènes" ou "Russins" désignant les Ukrainiens occidentaux. Le nom d’"Ukraine", qui signifie "pays frontalier" en russe, est venu avec l’expansion de la Moscovie, bien plus tard.

Au XIe siècle, la Rus' de Kiev était géographiquement le plus vaste État d’Europe. En 988, sous le règne de Volodymyr le Grand, un missionnaire grec, Cyrille, convertit l’aristocratie kiévienne (surtout varègue) et la majorité de la population au christianisme. Sous le règne de Iaroslav le Sage, le prestige de l’État kiévien atteint son apogée : il s’étend de la Baltique à la mer Noire et du confluent de l’Oka avec la Volga jusqu’aux Carpates septentrionales. Yaroslav fut un grand bâtisseur, c’est lui qui fit construire la célèbre cathédrale Sainte-Sophie à Kiev, et un grand législateur. Le droit, l’éducation, l’architecture et l’art kiévien connaissent un apogée sous son règne.

La succession au trône de Kiev n’est pas héréditaire en ligne directe : le pouvoir va au membre le plus âgé de la famille princière. Le territoire est divisé en apanages dévolus par le prince aux familles de boyards, hiérarchisés selon leur étendue, et qui vont au membre le plus âgé de chaque dynastie. Le décès de cet aîné entraîne de nombreux conflits et, à terme, favorise la fragmentation de l’État. Kiev fut saccagée par le prince de Vladimir (1169). Les convoitises extérieures en profitent : Kiev est pillée par les Coumans, puis par les Tatars et Mongols en 1240. Par conséquent, les principautés russes et ruthènes durent reconnaître la souveraineté des Mongols. Les autorités mongole et tatare étaient très cruelles, notamment en matière pénale, et, durant ces siècles de soumission, le peuple a souvent fui vers d’autres pays comme la Pologne, la Hongrie, la Moldavie ou la Crimée gréco-arménienne.

Galicie-Volhynie

La principauté de Galicie succéda à l’État de la Ruthénie sur le territoire de l’Ukraine occidentale d’aujourd’hui. Elle fut la plus puissante des principautés ruthènes, englobant bientôt la Volhynie (ou Vladimirie) et la future Moldavie. Durant cette période (XIIIe-XIVe siècle), chaque principauté ruthène mena sa propre politique : celles du Nord-Est (Tchernihiv, Pereïaslavl) se rapprochèrent des principautés russes telles Novgorod ou Moscou, tandis que celles du centre (Kiev et Tourov) cherchèrent l’alliance lituanienne.

C'est en 1253 que le pape accorda au prince Daniel de Galicie (Danylo Halytskyï) la couronne royale qu’il détint jusqu’à sa mort en 1264. Mais le royaume de Galicie-Volhynie devint finalement lui aussi un vassal de l’Empire mongol, tout en continuant à rechercher l’appui des autres Européens (Polonais, Lituaniens).

Période lituano-polonaise au nord-ouest, turco-tatare au sud-est

Les contours du royaume polono-lituanien avec ses vassaux en 1619 superposé aux frontières actuelles. Rose: Pologne. Rose pâle: Borussie ou Prusse orientale. Vert: Lituanie. Jaune: Livonie. Jaune pâle: Courlande.

Durant le XIVe siècle, les Polonais et les Lituaniens combattirent les Mongols et finalement toute l’Ukraine du nord-ouest passa sous l’autorité de la Pologne-Lituanie, qui annexe Kiev en 1362. Les Tatars se maintiennent dans la steppe pontique au nord de la mer Noire et en Crimée ; toutefois, de 1382 à 1484, le Grand Duché de Lituanie atteignit la mer Noire du côté d’Oçaq (ou Otchakiv, vers l’actuelle Odessa)[1]. La Lituanie prit le contrôle de la Volhynie au nord-ouest de l’Ukraine (y compris les régions autour de Kiev). Quant à la Pologne, elle prit le contrôle de la Galicie ; plus au sud la principauté de Moldavie était sa vassale (plusieurs citadelles et régions alors moldaves sont aujourd’hui ukrainiennes). Dans ces régions du nord-ouest, outre les Ukrainiens que l’on nommait à l’époque Russyns, Ruthènes ou Petits-Russiens, le pays comptait des Polonais, des Moldaves, des Allemands, des Arméniens, des Juifs et des Russes. À mesure que les Tatars perdaient du terrain, nombre de villes et villages furent fondés. La noblesse d’Ukraine occidentale fut souvent « polonisée ». La législation polonaise est introduite en Ukraine occidentale en 1434. Si la Pologne mène une politique relativement tolérante vis-à-vis de l’orthodoxie, elle favorise le catholicisme qui progresse dans les territoires occidentaux de l'actuelle Ukraine.

L’influence polonaise pénètre plus lentement dans les territoires relevant du grand-duché de Lituanie. L’orthodoxie y garde sa prédominance. Pourtant, les rapports de force au sein de l’État polono-lituanien tournent à l’avantage des Polonais. L’Union de Lublin (janvier 1569) consacre le triomphe de la Pologne. La Lituanie perd la plus grande partie de ses possessions ukrainiennes (Podlachie, Volhynie, Podolie, région de Bratslav et de Kiev). La noblesse de ces régions se polonise et se convertit au catholicisme. Une partie du haut-clergé orthodoxe est tentée par le rapprochement avec Rome. Le métropolite de Kiev et une partie du haut-clergé, en réaction contre les interventions réformatrices du patriarche de Constantinople, se rallie à Rome lors du concile de Brešč (Brest-Litovsk) en 1596. L'Union de l'Église de la Rus' de Kiev avec Rome forma l'Église grecque-catholique ukrainienne faisant partie des uniates.

C’est durant cette domination lituano-polonaise, à partir du XVe siècle, que se formèrent les Cosaques, des paysans ruthènes orthodoxes qui refusaient la servitude et l’assimilation aux Polonais catholiques. Le royaume de Pologne les tolère et les utilise contre les Tatars, puis, à partir du XVIe siècle, contre les Turcs ottomans, devenus suzerains des Tatars de Crimée.

Le clivage entre le nord-ouest, orthodoxe mais d'influence polonaise et lituanienne, c'est-à-dire occidentale, et le sud-est soumis aux Tatars et aux Ottomans, puis conquis et colonisé par l'Empire russe, se retrouve jusqu'à aujourd'hui dans la structure politique du pays : le nord-ouest vote plutôt pour les pro-européens et se méfie de l'influence russe, tandis que le sud-est votre plutôt pour les pro-russes, se méfie de l'influence occidentale (souvent assimilée au fascisme depuis la Seconde Guerre mondiale) et peut même se soulever contre le pouvoir de Kiev lorsque ce dernier se rapproche de l'Ouest[2].

État cosaque, embryon de la nation ukrainienne

Au XVIe siècle, plusieurs soulèvements cosaques eurent lieu contre la noblesse polonaise dont le plus célèbre fut mené par le Hetman cosaque Severyn Nalyvaïko en 1594. L’hetman Petro Sahaïdatchnyi contribua à la création d’un centre culturel à Kiev et chercha à unifier l’armée cosaque avec la noblesse et le clergé ruthènes. En 1648, l’hetman Bohdan Khmelnytskyi se soulève à son tour contre la Pologne. Le 16 mai, allié aux Tatares de Crimée et aux Russes de Moscou, il bat les Polonais à Jovti Vody et le 26 mai à Korsoun. Ce fut le début de la guerre de libération qui ébranla les fondations et la stabilité de l’union lituano-polonaise. Ce soulèvement a finalement abouti à la naissance d’un territoire Cosaque autonome appelé « Ukraine » (« Marches ») dans le bassin du Dniepr, entre la Pologne et la Russie. L’Ukraine de la Rive Gauche a été intégrée à la Russie en tant qu’Hetmanat cosaque par le traité de Pereïaslav en 1654 et la guerre russo-polonaise qui s’est ensuivie. Les Cosaques ont combattu la Pologne, plus tard la Russie pour leur indépendance. Au tournant du XVIIIe siècle, l’Hetmanat était parmi les pays les mieux alphabétisés de toute l’Europe. Il y avait des écoles dans la plupart des villages, les Cosaques ukrainiens étaient connus pour être des personnes très bien éduquées. Les hetmans Bohdan Khmelnytskyï, Petro Sahaïdatchnyï et Ivan Mazeppa savaient parler plusieurs langues[3].

Cosaques, domination russe et autrichienne

En 1708, l’hetman Ivan Mazeppa fait reconnaître l’indépendance par Charles XII de Suède mais dès 1709, le tsar Pierre Ier bat Ivan Mazeppa et les Suédois à Poltava. Les Cosaques deviennent vassaux de la Russie, qui les utilise dans son expansion contre l’Empire Ottoman et la Pologne. Quant au sud de l’Ukraine, il était sous le contrôle du Khanat de Crimée (tatar) et de l’Empire ottoman. En 1772, lors du premier partage de la Pologne, la Galicie (Ukraine de l’ouest) devint autrichienne. En 1793, lors du deuxième partage, Catherine II, impératrice de Russie, supprime l’autonomie des Cosaques, et étend l’Empire russe jusqu’à la mer Noire. Les trois quarts de l’actuelle Ukraine sont dès lors russes. Bucovine et Bessarabie sont encore moldaves, tandis que le comté du Máramaros, l’actuelle Ruthénie transcarpatique est encore hongrois.

L’Assemblée des juges (1844), une des gravures de l’Ukraine pittoresque de Tarass Chevtchenko.

Les intellectuels et écrivains ukrainiens (notamment Tarass Chevtchenko) s’inspirèrent de l’éveil des nations qui diffusait à travers les autres peuples d’Europe soumis à divers Empires, et décidèrent de ranimer la langue ukrainienne, et les traditions culturelles ruthènes afin de constituer un État-Nation. Or l'Empire russe menait une politique générale de russification, allant jusqu’à interdire l’utilisation et l’étude de la langue ukrainienne. Le sort des Ukrainiens était plus positif sous les Autrichiens ou les Moldaves. Au milieu du XIXe siècle, dans le contexte abolitionniste du servage[4] se développa dans la vie intellectuelle russe, aussi bien à Saint-Pétersbourg qu'à Kiev, une ukrainophilie qui allait de pair avec l'amour des paysans (fascination notamment des propriétaires polonais, appelés les chlopomanes : « passionnés du paysan », de son folklore et de la vie quotidienne). En 1892, Kiev compte près d’un demi-million d’habitants, mais c’est une ville russifiée, alors qu’à Lviv (Lemberg) et Tchernivtsi (Czernowitz) des associations culturelles ukrainiennes prospèrent.

L’actuelle Ukraine resta partagée entre les Empires autrichien et russe jusqu’à la Révolution de février 1917.

La première indépendance (1917-1920)

Cartes de l'Ukraine entre 1914 et 1920
Les territoires revendiqués fin 1918 par les républiques ukrainiennes de Lemko, de Ruthénie subcarpathique et d'Ukraine occidentale.
La République populaire ukrainienne, sur le terrain.
Chars français à Odessa pendant l'intervention alliée de 1918-1919.

Alors que la Première Guerre mondiale et la Révolution russe détruisaient les Empires russe et autrichien, les Ukrainiens déclarèrent leur indépendance. Ils créèrent dès le la Rada centrale dont Mykhaïlo Hrouchevsky devint président le 27 mars et le restera jusqu’au . Le 20 novembre, la Rada centrale proclame la République populaire ukrainienne, reconnue par la France et la Grande-Bretagne en janvier 1918, et déclare son indépendance le . Cependant, l’offensive des Bolchéviks contraint le gouvernement à quitter Kiev en février 1918.

En mars 1918, par l’armistice de Brest-Litovsk, Lénine livre l’Ukraine aux occupants allemands, qui permettent le retour du gouvernement à Kiev. Mais une période de terribles troubles s’ensuit : corps francs allemands, troupes russes débandées, anarchistes de Nestor Makhno, différentes factions ukrainiennes (pro-alliées, pro-allemandes ou pro-bolchéviques) s’affrontent, pillant villes et villages. Le 29 avril, Mikhaïlo Hrouchevsky est réélu président, mais un coup d’État conservateur proclame Pavlo Skoropadsky hetman de l’État d'Ukraine. Cette période d’Hetmanat sera brève puisqu’elle durera jusqu’en novembre 1918, date à laquelle une insurrection du Directoire bat l'hetman le 18 novembre près de Motovylivka. Volodymyr Vynnytchenko puis Simon Petlioura seront alors les présidents du Directoire de la République populaire ukrainienne jusqu’en octobre 1920. De plus, durant l’année 1919, l’Ukraine fut secouée par de multiples pogroms contre les Juifs.

En même temps et à la suite de la chute de l’Empire austro-hongrois, un comité ukrainien prit le pouvoir en Galicie le et proclama une République populaire d'Ukraine occidentale (ZUNR) 9 novembre à Lviv. Il en alla de même le dans le nord-ouest de la Bukovine et le en Transcarpatie, ainsi qu’autour de Lemko en Galicie occidentale. Mais les Polonais de Galicie et les Roumains de Bucovine proclamèrent simultanément leurs ralliements respectivement à la Pologne renaissante et au royaume de Roumanie, de sorte que le gouvernement de la ZUNR dut s’établir à Ternopil ; les comités ukrainiens de Lemko, de Bukovine et Transcarpatie ne parvinrent pas à contrôler leurs territoires, et l’année suivante, Polonais et Roumains furent admis à faire valoir leurs revendications à la Conférence de paix de Paris, alors que ce droit fut refusé aux Ukrainiens. Pourtant, en dépit de la guerre polono-ukrainienne de Galicie, et de sa non-reconnaissance par les puissances occidentales, le gouvernement de la ZUNR réussit à maintenir son autorité autour de Ternopil, une région de Galicie où il n’y avait que très peu de Polonais et pas de Bolchéviks.

La proclamation de la nouvelle république, qui revendique sa souveraineté sur la Galicie orientale et les Carpates, jusqu'à la ville de Nowy Sącz, à l'ouest, ainsi que la Bucovine, est une surprise pour les Polonais. Les Ukrainiens, habitants de Lviv, approuvent la proclamation avec enthousiasme. L'importante minorité juive la soutient ou reste neutre, tandis que les Polonais préparent leur riposte. Du au de violents combats opposent Ukrainiens et Polonais dans la bataille de Lviv (en).

Le , le secrétariat d’État de la République populaire d’Ukraine occidentale conclut un accord préliminaire avec le Directoire de la République populaire ukrainienne, portant sur l'union des deux états ukrainiens. L'accord fut approuvé par la Rada de la ZUNR le et par le Directoire le , date à laquelle l'union fut officiellement proclamée. Dès lors, la ZUNR prit le nom de province de l'ouest de la République populaire ukrainienne. Mais l’union ne fut pas pleinement établie : les organismes gouvernementaux de la ZUNR continuèrent de fonctionner séparément à Ternopil.

Le , UNR et ZUNR s’unissent, mais en même temps, les Allemands se retirent, et dans le vide ainsi créé se déclenche une confuse guerre de harcèlement de type "chacun contre tous les autres" entre troupes russes tsaristes, dites Blanches (dirigées par le général Dénikine et soutenues par les armées Alliées franco-britanniques), l’armée communiste des Bolchéviks dite Rouge, l’armée nationaliste ukrainienne de Simon Petlioura et les troupes anarchistes dites Noires. À part les deux dernières, principalement composées d’Ukrainiens, toutes ces troupes vivaient sur le pays et affamèrent les villageois ukrainiens à coups de réquisitions répétées. Au cours de cet affrontement généralisé, les Français et les Britanniques occupent Odessa, Sébastopol et d’autres ports, mais l’intervention tourne court à cause du manque de moyens engagés, des mutineries de la mer Noire et de l’hostilité de la population exaspérée par les réquisitions (mars-avril 1919).

Vers la fin de 1919 et la première moitié de 1920, les Bolcheviks finissent par l’emporter sur les autres belligérants, et la partie ex-russe de l’Ukraine, avec Kiev pour capitale, est intégrée à l’URSS créée en 1922, tandis que la partie ex-autrichienne, avec Lviv pour ville principale, est intégrée à la Pologne en 1921. La petite Ukraine transcarpatique, jadis hongroise et brièvement indépendante en novembre 1918, vota son rattachement à la Tchécoslovaquie et quant à la Bucovine, sa minorité ukrainienne se résigna à son rattachement à la Roumanie : ces deux régions évitèrent ainsi la « soviétisation », des réquisitions, la collectivisation et les famines qui suivirent, dont la Holodomor. La ZUNR continua d’exister en exil (à Berlin) jusqu’en 1923.

L'Ukraine soviétique

Le 30 décembre 1922, l’URSS naissait du traité qui réunissait la RSFSR, la Biélorussie, l’Ukraine et la Transcaucasie[5]. Dans le conflit qui opposa les communistes du centre (Moscou) et les partis communistes nationaux, c’est le centre qui l’emporta et imposa une fédération. Quand Joseph Staline lança le premier plan quinquennal en 1928, l’Ukraine devint l’une des sources indispensables de son financement. Les années d’industrialisation furent marquées par la construction de la plus grande centrale hydraulique de l’Europe sur le Dniepr (le DnieproGuES), ce qui contribua à l’électrification de la République, ainsi qu’une importante mise en valeur du grand bassin minier et métallurgique, le Donbass.

Le drapeau soviétique de la RSS d’Ukraine.

Malgré une brève période d’ukrainisation à la fin des années 1920, se traduisant par le retour à la langue d’origine dans les publications, la réouverture des écoles et des universités avec un enseignement en ukrainien et la promotion des cadres nationaux, Staline ne ménagea pas pour autant ses efforts pour réprimer le moindre signe d’un réveil national ukrainien, interprété comme un rejet du pouvoir stalinien et une menace à l’intégrité territoriale de l’Union soviétique.

Victimes de l’Holodomor à Kharkiv en 1933.
La formation territoriale de l'Ukraine moderne.

La catastrophe démographique des Ukrainiens commença en 1922 avec une première famine à la suite de la guerre civile russe puis la tristement célèbre famine de 1933 que les Ukrainiens appellent Holodomor. Provoquée par la collectivisation des terres, elle fit jusqu’à huit millions de morts en Ukraine et dans d'autres régions de l’URSS. Ce fut l’avant-dernière grande famine d’Europe avant la troisième et dernière, celle de 1947 également en Ukraine soviétique. Le régime stalinien a aussi procédé à d’innombrables déportations vers le Goulag et assassinats, surtout d’intellectuels ukrainiens. Ce fut notamment le cas pendant les Grandes Purges de 1937-1938 qui coûtent la vie à des milliers d’Ukrainiens.

Après l’invasion de la Pologne en septembre 1939 par les troupes allemandes puis soviétiques, l'Union soviétique annexa les régions polonaises à majorité ukrainienne ; les régions à minorités ukrainiennes de Roumanie suivirent en juin 1940. Tous ces gains territoriaux furent incorporés à la République socialiste soviétique d'Ukraine en août 1940, à l'exception du centre de la Bessarabie qui fut constitué en République socialiste soviétique moldave. Les nouvelles régions incorporées sont mises au pas : la presse contrôlée, les églises opprimées, les « contre-révolutionnaires » arrêtés : 345 000 personnes sont déportées, 30 000 exécutées. Les Polonais forment la moitié des personnes déportées, les Juifs un tiers, le reste sont des Ukrainiens[6]. Les massacres et déportations d'avril-mai 1940 touchent également les populations d'Ukraine occidentale[6].

L'Ukraine agrandit ainsi son territoire, mais le régime stalinien était si répressif, que lorsque l'Allemagne nazie envahit l'URSS en 1941, certains Ukrainiens accueillirent la Wehrmacht en libératrice. Un certain nombre d'Ukrainiens s'engagèrent notamment dans les forces de police, la légion ukrainienne, le 201e bataillon Schutzmannschaft, l'Armée de libération de l'Ukraine, l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA), les Hiwis, et la 14e division de la Waffen SS. Plusieurs milliers d’Ukrainiens rejoignirent, eux, les mouvements de résistance des partisans soviétiques menés par Oleksiy Fedorov, Mykola Poupoudrenko et de Sydir Kovpak. Le , l'organisation des nationalistes ukrainiens de Stepan Bandera proclame l'indépendance de l’Ukraine à Lviv, mais les nouveaux occupants ne tolèrent aucun gouvernement ukrainien, ni même une autonomie administrative et arrêtent le leader nationaliste[6]. Des massacres d'envergure ont lieu sur les arrières du front par les Einsatzgruppen contre l'appareil communiste et les communautés juives[6]. L'armée insurrectionnelle ukrainienne (UPA) continuera son combat contre l’armée rouge, jusqu’à son anéantissement en 1954. En 1944, l'Armée rouge libère l’Ukraine des nazis. Les Ukrainiens qui avaient servi les Allemands, et également les membres de l’UPA, furent en 1945, pour la plupart internés au Goulag comme traîtres. À la fin de la guerre, les pertes ukrainiennes s'élèvent à 8 millions de personnes[7] dont 1,377 million de militaires soviétiques de nationalité ukrainienne (15,9 % des pertes totales de l'Armée rouge)[8]. En 1945, à la demande de Staline, pour souligner son rôle dans la défaite des nazis, l’ONU fait de l’Ukraine, en même temps que de l'URSS et de la Biélorussie, l'un des membres fondateurs de cette organisation. L'URSS y disposera ainsi de 3 voix au lieu d’une. En outre, 4 villes ukrainiennes : Odessa, Kertch, Sébastopol et Kiev portent le titre honorifique de ville héros (accordé aux villes d'Union soviétique dont les habitants ont héroïquement combattu la Wehrmacht au cours de la Seconde Guerre mondiale).

En 1945, Staline enlève à la Tchécoslovaquie la Ruthénie transcarpatique jadis hongroise (jusqu’en 1918) et la rattache à la République socialiste soviétique d'Ukraine. En 1948, il enlève à la Roumanie, pourtant devenue communiste, plusieurs îles dont l’île des Serpents en mer Noire, qui sont données à l’Ukraine. Mais pendant tout ce temps, les arrestations et déportations d’Ukrainiens continuent sous les prétextes les plus divers ; toutefois la majorité des survivants sont amnistiés et libérés par Nikita Khrouchtchev après la mort de Staline. Enfin, en 1954, pour marquer le 300e anniversaire du traité de Pereïaslav, Khrouchtchev transféra la Crimée à la RSS d’Ukraine, dont la croissance territoriale est alors achevée.

À partir de 1955, avec la relative période de libéralisation commencée sous Khrouchtchev, les communistes ukrainiens commencèrent à prendre en compte des objectifs nationaux. À cette époque du dégel, dans les années 1960, il y eut un mouvement dissident en Ukraine, mené par des personnalités telles que Viatcheslav Tchornovil, Vassyl Stous, Levko Lukyanenko. Comme dans les autres républiques membres de l’URSS, les mouvements ont été rapidement réprimés, leurs membres condamnés à des peines de Goulag et d’exil. Et c’est pendant la perestroïka de Mikhaïl Gorbatchev que ces objectifs ont pu être concrétisés.

En 1986, dans la ville de Tchernobyl, une catastrophe nucléaire eut lieu dans la centrale de cette ville, qui contamina non seulement l’Ukraine, la Biélorusse et la Russie, mais aussi les autres pays d’Europe. Ce fut la plus grave catastrophe nucléaire du XXe siècle.

Ce n’est qu’en 1989 que la libéralisation du régime soviétique et la libération de tous les détenus politiques permit aux Ukrainiens de s’organiser pour défendre leurs droits. Le Mouvement populaire d'Ukraine « Roukh », le premier parti politique indépendant ukrainien depuis 1919, fut ainsi fondé en 1989. Lors des élections de mars 1990, les partis ukrainiens du bloc démocratique ont alors obtenu environ 25 % des sièges au Parlement. Sous l’influence des députés démocrates, le Parlement adopta, le , la Déclaration sur la souveraineté politique de l’Ukraine. Ce fut le premier pas vers l’indépendance complète de l’Ukraine. Celle-ci fut proclamée le et confirmée par le référendum organisé le 1er décembre 1991 : 90,5 % d’électeurs votèrent pour l’indépendance. La semaine suivante, l’URSS cessa d’exister à la suite de la dissolution décidée lors de la réunion à Minsk des dirigeants russe, ukrainien et biélorusse.

La seconde indépendance (depuis 1991)

La transition (1991-1996)

Le 12 décembre, Leonid Kravtchouk est élu président de la République. Des conflits d’intérêt opposent alors l’Ukraine à la Russie notamment sur le statut de la Crimée et sur le contrôle de la flotte de la mer Noire. En 1994, Leonid Koutchma, ancien Premier ministre, est élu à la présidence de la République et sera réélu en 1999. À partir de ce deuxième mandat, Koutchma sera de plus en plus contesté pour des affaires de corruption, d’enlèvements de journalistes et autres pressions électorales et envers la presse. Son mandat aurait dû s’achever en novembre 2004 avec l’élection présidentielle — mais la Révolution orange et l’annulation du second tour, ont prolongé celui-ci jusqu’au .

Révolution orange (2004-2005)

Le second tour des élections présidentielles de 2004 oppose Viktor Ianoukovytch, fidèle à Koutchma, et l'opposant Viktor Iouchtchenko. C'est la victoire du premier qui est annoncé, mais le second dénonce des fraudes, donnant lieu à un mouvement populaire, la Révolution orange. Après de nouvelles élections, le , Viktor Iouchtchenko prête serment devant le Parlement, devenant ainsi officiellement le troisième président de l’Ukraine post-soviétique. Dès le 24 janvier, Ioulia Tymochenko est nommée Premier ministre par intérim. Le 4 janvier, le gouvernement ukrainien trouve un arrangement avec la Russie sur le prix du gaz naturel. Dorénavant, l’Ukraine paiera environ deux fois plus cher son gaz (95 dollars les 1 000 m3, contre 50 auparavant). Cet accord irrite fortement le Parlement, une coalition se forme pour voter une motion de censure contre le gouvernement. Le 10 janvier, la motion est votée par 250 voix pour et 50 contre, sur les 450 membres du parlementaire, la majorité requise est de 226 voix. Le gouvernement restera en place jusqu’à l’investiture d’un nouveau Premier ministre. Chose qui pourrait n’arriver qu’après les élections législatives, prévu le 26 mars.

Après de longs mois de tractations et de négociations pour former une majorité au parlement et un gouvernement, Viktor Iouchtchenko décide de nommer Viktor Ianoukovytch Premier ministre le (plusieurs heures après la date limite constitutionnelle pour en désigner un), validé par le Parlement le 4. Après des mois de conflits entre Iouchtchenko et Ianoukovytch et de nombreux députés passant de l’opposition à la coalition majoritaire (de façon inconstitutionnelle, selon le président), Iouchtchenko décrète la dissolution du parlement le . La Rada suprême a qualifié cette décision d’anticonstitutionnelle. En 2010, Ianoukovytch, chef de l'opposition, remporte l'élection présidentielle. Il prend ses fonctions de président de la République d'Ukraine le . L'emprisonnement et les conditions de l'emprisonnement de son opposante Ioulia Tymochenko suscitent de vives critiques en Europe occidentale.

Changement de pouvoir de 2013-2014

Fin 2013, alors qu'un accord d'association doit être signé entre l'UE et l'Ukraine, la Russie essaie de faire pression sur Kiev pour le faire changer d'avis, notamment en restreignant certains produits, en revoyant les prix du gaz et en envisageant d’imposer aux citoyens ukrainiens un passeport étranger. Moscou craint en effet que cette union se fasse à son désintérêt, alors que Vladimir Poutine ambitionne en même temps un rapprochement avec les pays anciennement soviétiques. De l'avis de l'analyste politique Vladimir Fessenko : « en mettant ainsi la pression, la Russie ne fait que pousser l'Ukraine dans les bras de l'Europe »[9].

En novembre 2013, l'Ukraine décide finalement, en raison de pressions russes[10], de refuser l'accord avec l'Union européenne et de « relance[r] un dialogue actif avec Moscou »[11]. Ce revirement entraîne d'importantes manifestations pro-européennes à Kiev rassemblant au moins 100 000 personnes, l'occupation de la place Maïdan et de la mairie, avec comme mot d'ordre la démission du président Viktor Ianoukovytch[12].

Dans la semaine du 17 février 2014, les manifestations sont durement réprimées causant la mort d'environ 80 personnes. Le 22 février, le Parlement vote la destitution du président Ianoukovitch, apparemment en fuite à l'est du pays. L'opposante Ioulia Timochenko est libérée et fait sa première apparition publique le soir sur la place de l'indépendance, en fauteuil roulant, après deux années de détention.

Crise de Crimée

S'ensuit une crise diplomatique concernant la Crimée, où des troupes pro-russes prennent le contrôle de cette région ukrainienne ; un référendum d'auto-détermination est organisé en mars et la Crimée est rattachée à la Russie, même si la légitimité internationale de cette action n'est pas reconnue. Le gouvernement ukrainien d’Oleksandr Tourtchynov accuse la Russie « d'invasion » et d'« occupation armée » tandis que la Russie nie la présence de soldats russes en Crimée et affirme que ces soldats sont des « forces locales d'auto-défense »[13], tout en évoquant la possibilité d'envoi de troupes en Ukraine[13]. Le 11 mars, le parlement de Crimée déclare l'indépendance de la République de Crimée (réunissant la République autonome de Crimée et Sébastopol).

Le 18 mars 2014, à la suite d’un référendum tenu le 16 mars, le gouvernement russe annonce que la République de Crimée (correspondant à l’ancienne République autonome de Crimée) et la ville de Sébastopol, anciennement ukrainiennes, deviennent deux nouveaux sujets fédéraux de la Fédération de Russie.

Accord de libre échange avec l'Union européenne

Le 27 juin 2014, le nouveau président Petro Porochenko, signe un accord de libre échange avec l'Union Européenne à Bruxelles[14].

  • Oblasts sous contrôle nominal de l'Union des républiques populaires.
  • Oblasts revendiqués par l'Union des républiques populaires.
  • Crimée, annexée de facto par la Russie.

Guerre du Donbass

Le soulèvement pro-russe dans l'Est du pays (Donbass), le long de la frontière russe où les russophones et les partisans de l'ancien président Viktor Ianoukovytch sont les plus nombreux, se déroule contre le nouveau pouvoir ukrainien. Il se manifeste notamment par l'apparition en avril 2014 de deux républiques sécessionnistes proclamées par la « Milice populaire du Donbass » : la République populaire de Donetsk et la République populaire de Lougansk, qui s'unissent le 22 mai 2014 en une Union des républiques populaires, reconnue par la république séparatiste géorgienne d'Ossétie du Sud, elle-même reconnue par la Russie. Des affrontements armés ont lieu avec les forces loyalistes ukrainiennes, au cours desquels un avion de ligne malaysien survolant la région est abattu en juillet 2014. Cette situation de guerre civile donne lieu à des tensions entre l'Occident et le régime de Vladimir Poutine, accusé de déstabiliser la région par le gouvernement de Kiev et par la communauté internationale. À la suite du crash de l'avion malaisien, l'Ukraine interdit le survol de l'est de son territoire[15].

Cartes historiques

Notes et références

  1. Paul Robert Magocsi, Ukraine, A Historical Atlas, University of Toronto Press, 1987, p. 8-9
  2. Olga Ostritchouk : Les Ukrainiens face à leur passé, P.I.E. Peter Lang, Bruxelles 2013, (ISBN 978-2-87574-035-9).
  3. Iaroslav Lebedynsky, 2004, Les Cosaques. Une société guerrière entre libertés et pouvoir. Ukraine 1490-1790, Paris, Errance, p. 201-207
  4. Daniel Beauvois, op. cité, p. 83
  5. (ru) Texte intégral du traité de la formation de l’URSS le 29.12.1922
  6. Luc Pauwels, « L'Ukraine et les déchirements de la guerre », La Nouvelle Revue d'histoire, no 84, , p. 47-50
  7. (en) http://www.infoukes.com/history/ww2/page-17.html
  8. (ru) « http://ecsocman.edu.ru/images/pubs/2006/11/21/0000295642/1999_n4_p92-101doc.pdf »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?)
  9. Pierre Avril, « La Russie tente d'empêcher les noces entre l'Ukraine et l'UE », Le Figaro, , p. 5 (lire en ligne).
  10. Jean-Jacques Mével, « Mise en échec, l'UE laisse la porte ouverte à l'Ukraine », in Le Figaro, mardi 26 novembre 2013, page 5.
  11. Arielle Thédrel, « L'Ukraine tourne le dos à l'Union européenne », in Le Figaro, vendredi 22 novembre 2013, page 6.
  12. Au moins 100 000 manifestants à Kiev pour réclamer la démission de Ianoukovitch, Le Monde,
  13. Ukraine: Poutine nie que des forces russes encerclent les bases en Crimée, AFP, 4 mars 2014
  14. « L'Ukraine signe l'accord de libre-échange avec l'UE », L'Humanité, (consulté le )
  15. Sources : voir notes des articles en lien.

Annexes

Articles connexes

Bibliographie

Film documentaire

Liens externes


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