Bataille de Poltava

La bataille de Poltava (ou Pultawa) oppose le 28 juin 1709 ( dans le calendrier grégorien), dans le cadre de la grande guerre du Nord, l'armée de Pierre Ier de Russie et celle de Charles XII de Suède, soutenue par quelques cosaques de l'hetman Ivan Mazepa.

Bataille de Poltava
La Bataille de Poltava par Pierre-Denis Martin (1726).
Informations générales
Date 8 juillet 1709
Lieu Poltava (Ukraine)
Issue Victoire russe décisive
Belligérants
Royaume de Suède
Hetmanat cosaque
Zaporoguie
Tsarat de Russie
Hetmanat cosaque
Kalmouks
Commandants
Charles XII
Carl Gustav Rehnskiöld
Adam Ludwig Lewenhaupt
Ivan Mazepa
Kost Hordiyenko (en)
Pierre Ier
Boris Cheremetiev
Alexandre Menchikov
Christian Felix Bauer
Ivan Skoropadsky (en)
Forces en présence
24 700 soldats suédois
6 000 cosaques
34 canons
51 730 soldats russes
23 000 cosaques et kalmouks
103 canons
Pertes
6 9009 224 morts
2 8002 977 prisonniers
4 635 morts ou blessés

Grande guerre du Nord

Batailles

Coordonnées 49° 37′ 53″ nord, 34° 33′ 10″ est
Géolocalisation sur la carte : Europe
Géolocalisation sur la carte : Ukraine

L'armée russe remporte une victoire décisive qui fait perdre à la Suède son rang de grande puissance militaire.

Contexte

La grande guerre du Nord

Les premières campagnes de la Grande guerre du Nord (1700-1709).

Le , les troupes saxonnes d'Auguste II, électeur de Saxe et roi de Pologne, franchissent la Daugava et viennent assiéger la ville de Riga, en Livonie suédoise. Ce premier siège de Riga marque le début de la Grande guerre du Nord. Au même moment, Frédéric IV, roi du Danemark, envoie une armée envahir le duché de Holstein-Gottorp, allié de longue date de la Suède. Le tsarat de Russie reste neutre jusqu'à la fin de l'été, mais au mois de septembre, le tsar Pierre Ier envahit l'Ingrie suédoise et assiège la ville de Narva. Ces trois princes ont conclu une alliance secrète dirigée contre la Suède pour l'attaquer sur trois fronts afin de récupérer les territoires perdus lors de précédents conflits contre l'empire suédois[1],[2].

Le roi de Suède Charles XII commence par éliminer la menace danoise en débarquant à Humlebæk, sur l'île de Seeland, le . Il contraint Frédéric IV à se retirer du conflit par la paix de Travendal, signée le [3],[4]. Les Russes doivent ensuite évacuer l'Ingrie après leur défaite catastrophique à la bataille de Narva, le [5]. L'année suivante, Charles XII écrase les troupes saxonnes, polonaises et russes à la bataille de Daugava le , puis il envahit la Pologne afin de détrôner Auguste II. Les défaites saxonnes à Kliszów, Pułtusk et Toruń aboutissent à la déposition d'Auguste II par la Confédération de Varsovie (en), ce qui permet à Charles XII de faire élire à sa place Stanislas Leszczynski[6].

Tandis que Charles XII affronte les Saxons et les Polonais, Pierre Ier réorganise ses troupes et reprend l'offensive en Ingrie et en Livonie. Les Russes remportent plusieurs victoires à Errastfer, Hummelshof et Nöteborg. En 1703, ils prennent le contrôle de l'Ingrie et de la forteresse suédoise de Nyenskans où le tsar fonde la ville de Saint-Pétersbourg[7]. Il s'empare encore de Tartu et de Narva, mais l'armée de Courlande du général Adam Ludwig Lewenhaupt parvient à interrompre l'avancée russe grâce aux victoires de Saladen, Jakobstadt et Gemauerthof[8].

Entre 1704 et 1706, la Pologne est le théâtre d'une lutte russo-suédoise dans laquelle Pierre Ier s'efforce de rétablir Auguste II sur le trône. Les victoires suédoises à Varsovie, Hrodna (en), Fraustadt et Kletsk (en) permettent à Charles XII de repousser les troupes russes hors de Pologne[9]. Ses armées envahissent ensuite la Saxe et contraignent Auguste II à signer le traité d'Altranstädt (en), le , par lequel il reconnaît Stanislas Leszczynski comme roi de Pologne. Les troupes de Charles XII restent stationnées en Saxe durant l'année qui suit en préparation d'une grande campagne contre la Russie[10].

La campagne suédoise contre la Russie

Charles XII quitte la Saxe en à la tête d'une armée bien équipée d'environ 33 000 hommes, principalement des nouvelles recrues. La Suède et ses provinces baltiques restent défendues par environ 65 000 hommes[11]. Le roi laisse 8 000 soldats en Pologne sous la direction du major général Ernst Detlof von Krassow (en) pour appuyer Stanislas. Ils sont censés rejoindre l'armée suédoise l'année suivante, accompagnés de renforts recrutés en Pologne. Charles XII ne révèle à personne ses plans, pas même à son bras droit, le feld-maréchal Carl Gustav Rehnskiöld. Ses troupes prennent la direction de Moscou, où Pierre Ier rassemble ses forces. En comptant ses troupes irrégulières, le tsar dispose d'environ 100 000 hommes stationnés en Pologne, en Ingrie, en Livonie et en Petite Russie[11],[12]. Charles XII ordonne au général Lewenhaupt de rejoindre son armée dans sa marche sur Moscou. Son armée de Courlande, forte de 12 000 hommes, est aussi chargée de rassembler de quoi approvisionner l'armée principale. En attendant de faire sa jonction avec Lewenhaupt, l'armée royale progresse lentement en direction de la frontière russe. Plus tard dans l'année, l'avant-garde suédoise tombe sur une armée russe en traversant la Vabič près de la ville de Holowczyn. La bataille de Holowczyn, le , dure huit heures et se solde par un succès suédois face aux troupes russes menées par Boris Cheremetiev et Alexandre Menchikov. En dépit de leur victoire, les Suédois ne retirent aucun avantage stratégique de cet affrontement, car leurs adversaires ne subissent qu'un nombre limité de pertes[13],[14].

L'armée suédoise passe les neuf mois qui suivent dans la région de Mahiliow à attendre les renforts de Lewenhaupt. Ce dernier est intercepté par une armée russe de 30 000 hommes dirigée par le tsar en personne[15]. La bataille de Lesnaya, le , demeure indécise, les deux camps subissant de lourdes pertes. Lewenhaupt ordonne d'incendier la caravane de ravitaillement pour éviter qu'elle ne tombe aux mains des Russes et poursuit sa marche pour rejoindre l'armée royale. Il y parvient le , mais avec seulement 6 500 hommes et sans les provisions qu'il était censé apporter[16],[17]. Le ravitaillement vient à manquer, d'autant que Pierre Ier pratique la politique de la terre brûlée pour empêcher les Suédois de vivre sur le pays. Le roi décide, après avoir délibéré avec Rehnskiöld, le chancelier Carl Piper et le quartier-maître général Axel Gyllenkrok, de prendre la direction du sud et de la Sévérie, où l'armée doit passer l'hiver, se réapprovisionner et recevoir des renforts grâce à l'alliance entre Charles XII et le hetman cosaque Ivan Mazepa[13],[14].

En apprenant le ralliement de Mazepa aux Suédois, Pierre Ier envoie Menchikov en campagne punitive contre les cosaques. Il s'empare de leur capitale Batouryn qui est incendiée et les fidèles de Mazepa sont massacrés. Les cosaques opposés à Mazepa élisent un nouveau hetman, Ivan Skoropadsky (en), le . Privé d'une grande partie de ses soutiens, Mazepa, incapable d'apporter aux Suédois les renforts et l'approvisionnement promis, les rallie à la tête de quelques milliers de cosaques seulement. L'hiver 1708-1709, particulièrement froid dans toute l'Europe, entraîne la mort de milliers de soldats suédois et russes. Au début du mois de décembre, l'armée suédoise bivouaque dans la région de Hadiatch, non loin de la forteresse de Veprik (de) qui bloque toute progression. Charles XII décide de la prendre d'assaut le . La garnison russe finit par capituler, mais les Suédois subissent de lourdes pertes[18],[19]. Ils ne reprennent leur progression qu'à la fin du mois de février et se dirigent vers le sud pour rejoindre une position facile à défendre entre la Vorskla et la Psel, deux affluents du Dniepr. L'objectif de Charles XII est alors d'établir des relations avec les Tatars de Crimée, les Ottomans et les Polonais. Au début du mois de mars, 4 000 zaporogues menés par Kost Hordiyenko (en) rejoignent son armée et les Suédois commencent à construire des ponts sur la basse Vorskla en vue d'opérations communes avec les Zaporogues. Pierre Ier réagit en envoyant des régiments de dragons mener des expéditions punitives. Plusieurs villages et navires zaporogues sont incendiés au mois d'avril et le 15 mai, le sitch zaporogue, défendu par 2 000 hommes, est pris d'assaut et incendié par les Russes[20],[21],[22],[23].

Le siège de Poltava

Au milieu du printemps, les troupes suédoises se dirigent vers la Vorskla et prennent position le long de la rivière jusqu'à Poltava et les villages voisins. L'objectif de Charles XII est d'assiéger la forteresse de Poltava pour forcer Pierre Ier à l'affronter directement[24]. La garnison de Poltava se compose principalement de troupes russes, la trahison de Mazepa ayant réduit à néant la confiance du tsar vis-à-vis de l'ancienne garnison cosaque. Pierre Ier nomme à la tête de cette garnison Alexeï Stépanovitch Kelin le [25]. En arrivant devant Poltava, Charles XII envoie 200 hommes encercler la ville et ordonne à Gyllenkrok de dresser un plan des lieux et de mettre sur pied un plan d'attaque. Les régiments suédois occupent les villages voisins et Gyllenkrok ordonne de creuser des tranchées avec l'accord du roi le . Ce travail avance lentement, car les Suédois manquent de pelles et sont affaiblis, si bien que le gros repose sur les cosaques de Mazepa. Les assiégeants manquent de pièces d'artillerie et de munitions pour espérer ouvrir une brèche dans les défenses de Poltava. Durant les six semaines que dure le siège, les unités de cavalerie des deux camps s'affrontent au cours de plusieurs escarmouches pour le contrôle des villages voisins et de leurs réserves. Les Suédois subissent des pertes quotidiennes face aux tireurs et aux canons de la forteresse. Les tentatives de saper les fortifications russes échouent, tandis qu'un projet d'assaut frontal doit être abandonné, faute de munitions d'artillerie[26],[27],[28],[29].

Sur l'autre rive de la Vorskla, une armée russe supérieure en nombre commence à édifier des fortifications temporaires et creuser des tranchées en vue de faire sa jonction avec la garnison de Poltava. Gyllenkrok réagit en fortifiant lui aussi la rive ouest de la Vorskla au sud, à l'est et à l'ouest de Poltava. Les Russes s'efforcent de faire parvenir des renforts et du ravitaillement aux défenseurs de la forteresse et la situation dégénère en guerre de tranchées sur un front long de neuf kilomètres. Des unités suédoises sont stationnées sur les terres hautes près de la rivière pour réagir aux percées russes par de rapides contre-attaques, mais la vallée est inondée et la Vorskla sort de son lit début juin après de fortes pluies. Pierre Ier arrive sur les lieux le avec des troupes fraîches. Les chefs de l'armée russe envoient des éclaireurs à la recherche de l'endroit idéal pour faire traverser la rivière à leurs hommes. Ils décident le d'organiser une grande opération en attaquant en même temps plusieurs postes suédois le long de la Vorskla[30] ,[31].

La bataille

En juillet 1709, Charles dispose d'environ 27 000 hommes tandis que les forces de Pierre le Grand comptent 45 000 hommes. Charles XII, blessé pendant le siège, a dû céder le commandement au maréchal Carl Gustaf Rehnskiöld et au général Adam Ludwig Lewenhaupt. Les deux hommes ne s'entendent pas et leurs subordonnés ne sont pas au courant du changement de commandement, causant une forte désorganisation durant la bataille. Les troupes cosaques ne participeront pas à la bataille.

La bataille commence le 8 juillet avant l'aube. Les Suédois avancent vers les positions fortifiées des Russes et parviennent à enlever les premières redoutes sans rencontrer de résistance. Mais à la suite d'une erreur de commandement les 2 500 hommes du général Roos (en) se retrouvent isolés dans les lignes russes et doivent se rendre après avoir épuisé leurs munitions.

Peu après, les 25 000 hommes de l'infanterie russe sortent de leurs retranchements et forment deux lignes soutenues par l'artillerie qui font face aux 4 000 hommes du commandant Lewenhaupt. Celui-ci donne l'ordre à ses troupes de passer à l'attaque. L'infanterie suédoise parvient à faire reculer l'infanterie russe malgré des pertes sévères. Mais la ligne suédoise, faute d'effectifs, est trop courte et est prise à revers sur sa gauche par la cavalerie russe qui la désorganise complètement et encercle plusieurs régiments suédois. Les tentatives de la cavalerie suédoise de repousser les assaillants échouent et les Suédois ne peuvent échapper que par petits groupes.

À 11 heures, Charles XII donne l'ordre de la retraite et se retire vers le sud avec une partie des forces restantes. Le général Lewenhaupt, qui a réussi à s'échapper avec le reste des troupes suédoises et des éléments cosaques, se dirige vers le Dniepr. Mais il est poursuivi par les troupes russes et doit se rendre trois jours plus tard. Le maréchal Rehnskiöld est fait prisonnier.

Les conséquences

Environ 3 000 soldats suédois sont faits prisonniers et affectés à la construction de Saint-Pétersbourg. Beaucoup périront d'épuisement.

Charles XII et 1 500 hommes parviennent à se réfugier en Moldavie, alors partie de l'Empire ottoman, allié de la Suède. Mais c'est seulement après un séjour de cinq ans de semi-liberté que Charles XII est autorisé à revenir en Suède, pas très longtemps avant de mourir (1718).

En Pologne, Auguste II reprend sa place dès 1709 sur le trône tandis que Stanislas Leszczynski doit s'exiler. L'influence russe devient prédominante dans ce pays.

Célébration

Le 26 juin 1909, le 200e anniversaire de la bataille de Poltava a commencé avec la construction du pont Bolscheochtinski sur la Neva à Saint-Pétersbourg.

Références

  1. Kuvaja 2008, p. 130-133.
  2. Sundberg 2010, p. 209-213.
  3. Sundberg 2010, p. 211-212.
  4. Liljegren 2000, p. 81-82.
  5. von Konow 2001, p. 71.
  6. Sundberg 2010, p. 220-226.
  7. Sundberg 2010, p. 218, 222-223.
  8. Sundberg 2010, p. 225, 228-231.
  9. Sundberg 2010, p. 229-232.
  10. von Konow 2001, p. 96-98.
  11. From 2007, p. 50.
  12. Liljegren 2000, p. 151.
  13. von Konow 2001, p. 101-102.
  14. Åberg 1998, p. 97-99.
  15. From 2007, p. 104.
  16. von Konow 2001, p. 100-101.
  17. Ericson Wolke et Åselius 2003, p. 287-293.
  18. From 2007, p. 251-255.
  19. von Konow 2001, p. 106-109.
  20. von Konow 2001, p. 110-112, 115-118.
  21. Ericson Wolke et Åselius 2003, p. 295-296.
  22. Moltusov 2010, p. 34-35.
  23. Mandzy, Knarrström et Nilsson 2017, p. 33-35, 49-61, 67-71.
  24. Åberg 1998, p. 110-111.
  25. Moltusov 2010, p. 45.
  26. Ullgren 2008, p. 203.
  27. From 2007, p. 268-279.
  28. Åberg 1998, p. 112-117.
  29. Massie 1986, p. 479-480.
  30. Mandzy, Knarrström et Nilsson 2017, p. 74-76.
  31. From 2007, p. 276-279.

Bibliographie

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  • (sv) Peter From, Katastrofen vid Poltava : Karl XII:s ryska fälttåg 1707–1709, Lund, Historiska Media, , 432 p. (ISBN 978-91-85377-70-1).
  • (sv) Jan von Konow, Karolinen Rehnskiöld, fältmarskalk, Stockholm, J. von Konow, , 180 p. (ISBN 91-631-1606-5).
  • (sv) Christer Kuvaja, Karolinska krigare 1660–1721, Helsinki, Schildts, , 275 p. (ISBN 978-951-50-1823-6).
  • (sv) Bengt Liljegren, Karl XII : en biografi, Lund, Historiska Media, , 442 p. (ISBN 91-89442-65-2).
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  • (sv) Ulf Sundberg, Sveriges krig 1630–1814, Hallstavik, Svenskt Militärhistoriskt Bibliotek, , 376 p. (ISBN 978-91-85789-63-4).
  • (sv) Peter Ullgren, Det stora nordiska kriget 1700–1721 : en berättelse om stormakten Sveriges fall, Stockholm, Prisma, , 371 p. (ISBN 978-91-518-5107-5).
  • (sv) Lars Ericson Wolke et Gunnar Åselius, « Poltava 1709 – "Avbräck uti ett fältslag" », dans Svenska slagfält, Stockholm, Wahlström & Widstrand, (ISBN 91-46-21087-3).
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