Catherine II

Catherine II (en russe : Екатерина II) est née Sophie Frédérique Augusta d'Anhalt-Zerbst (en russe : София Фредерика Августа Цербст-Ангальтская) le 21 avril 1729 ( dans le calendrier grégorien) à Stettin (actuel Szczecin) en Poméranie et morte le 6 novembre 1796 ( dans le calendrier grégorien) à Saint-Pétersbourg. Surnommée « Figchen » puis la « Grande Catherine », elle est impératrice de Russie du 28 juin 1762 ( dans le calendrier grégorien) à sa mort. Sous son règne, la Russie connaît une grande expansion de son territoire européen vers l'Ouest et le Sud (plus de 500 000 km2), et cela à la faveur du partage de la Pologne et d'une série de victoires contre l'Empire ottoman.

« Catherine la Grande » redirige ici. Pour les autres significations, voir Catherine II (homonymie).

Pour les articles homonymes, voir Catherine de Russie.

Catherine II
(ru) Екатерина II

Catherine II la Grande dans les années 1780.
Titre
Impératrice de Russie
[n 1]
(34 ans, 4 mois et 9 jours)
Couronnement 11 septembre 1762 ( dans le calendrier grégorien)
Prédécesseur Pierre III
Successeur Paul Ier
Impératrice consort de Russie
[n 2]
(6 mois et 3 jours)
Monarque Pierre III
Prédécesseur Marfa Samuilovna Skavronskaya
Successeur Maria Feodorovna
Biographie
Dynastie Maison Romanov
Maison d'Ascanie
Nom de naissance Sophie-Frédérique-Augusta d'Anhalt-Zerbst
Date de naissance
Lieu de naissance Stettin (Prusse)
Date de décès
(à 67 ans)
Lieu de décès Saint-Pétersbourg (Russie)
Sépulture Cathédrale Pierre-et-Paul de Saint-Pétersbourg
Père Christian-Auguste d'Anhalt-Zerbst
Mère Jeanne-Élisabeth de Holstein-Gottorp
Conjoint Pierre III
Enfants Paul Ier de Russie
Profession Impératrice de toutes les Russies
Religion Christianisme orthodoxe russe


Monarques de Russie

Enfance et éducation

La future Catherine II, née Sophie Frédérique Augusta d’Anhalt-Zerbst le 21 avril 1729 ( dans le calendrier grégorien), est l’aînée des enfants de Christian-Auguste d'Anhalt-Zerbst et de son épouse Jeanne-Élisabeth de Holstein-Gottorp. Lors de sa naissance, ses parents déplorent qu’elle ne soit pas un garçon.

Son père était militaire pour le roi de Prusse et, dès 1729, commandant de Stettin, résidant dans le Château ducal de Stettin où sa fille est née, et ensuite élevée. En 1741 il devint gouverneur de la province de la Poméranie ultérieure et à partir de 1742 prince souverain d'Anhalt-Zerbst.

De son éducation protestante, austère, rigide, entourée de peu d’affection, une femme demeure en la personne d'une huguenote française, Babette Cardel, qui dirige son éducation et lui enseigne avec la langue française, manières et grâces de la société dont elle est issue. Elle lui donne en même temps le goût de la littérature française de son époque. Très vite, la princesse se tourne vers des activités spirituelles, ainsi que vers la lecture et les études.

Introduite par sa mère dans les plus hautes cours d’Allemagne, elle se fait remarquer par son charisme. La mère de Sophie, suivant les affaires de Russie, voit le futur Pierre III bien disposé à succéder à sa tante Élisabeth Petrovna, et permet une union avec Sophie. Prenant soin d’envoyer des portraits de sa fille à la cour, ses manœuvres portent leurs fruits et, en , elle et sa fille sont conviées en Russie. Les intentions de l'impératrice sont claires, Sophie sera la future épouse de Pierre, pourtant son prestige est faible, et ce n’est ni l’or ni une alliance puissante qui pousse au choix de Sophie. Mais après les difficultés de succession créées par des revendications du trône de divers partis, l'impératrice Élisabeth est décidée à ne pas avoir de complications diplomatiques ou de revendications extravagantes. De plus, Sophie est jeune et inexpérimentée en politique : elle ne représente apparemment aucun danger pour le trône de Russie.

De son côté, Sophie, qui a alors 14 ans, comprend ce qui se joue. Loin d’être ignorante du prestige et du pouvoir qui s’attacheraient à son futur statut, elle balaye les hésitations naissantes de sa mère vis-à-vis de cette union. À leur arrivée en Russie, Sophie et sa mère sont accueillies par toute une grande procession jusqu’à Moscou. Elles rencontrent alors l'impératrice, ainsi que Pierre, son neveu et héritier désigné (car porteur du sang des Romanov). Dans ses Mémoires, Catherine parle de la grandeur d’Élisabeth, mais ne dit mot sur l’impression que lui laisse son futur époux.

L’ascension vers le statut de grande-duchesse se fait presque sans heurt (excepté une maladie qui la rapproche d’Élisabeth) lors de sa conversion en grande pompe à la religion orthodoxe le . Elle s’exprime clairement en russe devant un peuple qui l’adopte bientôt. À cette date, elle prend officiellement le nom de Catherine Alexeïvna.

Elle se fiance à Pierre le lendemain, devenant « grande-duchesse et altesse impériale ». Conseillée dans ses lectures par divers intellectuels de passage, elle demande le catalogue de l’Académie des sciences où elle commande Plutarque, Montesquieu et d’autres auteurs.

Mariage avec Pierre III de Russie

Pierre III de Russie (1761).

Catherine a alors 15 ans. Son fiancé, longtemps éloigné d’elle par une pleurésie, revient décharné et d’un aspect qui effraye la jeune Catherine... sans ébranler sa volonté de l'épouser[réf. nécessaire].

Le mariage des deux adolescents a lieu à Saint-Pétersbourg le 21 août 1745 ( dans le calendrier grégorien) ; il est célébré au cours d'une somptueuse cérémonie, suivie de dix jours de fête. Questionnée le lendemain sur sa nuit de noces, Catherine ne trouve rien à dire. Diverses hypothèses présentent Pierre III comme sexuellement immature, innocent, ou encore impuissant à cause d’un phimosis[1], à l’inverse de Catherine autour de laquelle flottent des rumeurs sur sa sexualité précoce[2][source insuffisante].

Catherine, convertie à l'orthodoxie, n'eut pas un mariage heureux, d'autant qu'elle prenait le parti de l'opposition et lisait Machiavel, Tacite, Voltaire et Montesquieu, si bien qu'elle était en résidence surveillée au palais de Peterhof et que son mari menaçait de l'enfermer et de mettre sa maîtresse sur le trône à ses côtés[3].

Catherine n'avait toujours pas d'enfant après huit ans de mariage. L'impératrice Élisabeth Ire, elle-même sans enfant, voulait absolument que sa nièce par alliance ait un héritier. Elle lui suggéra de prendre un amant : le prince Lev Alexandrovitch Narychkine (1733-1799) ou le comte Sergei Saltykov. Catherine choisit Saltykov et joua ensuite sur l'ambiguïté que le géniteur de son fils Paul Ier né en 1754 pouvait aussi bien être son mari que son amant d'alors[4].

Très à l'écoute des événements qui se déroulaient dans son nouveau pays, Catherine, qui possédait l'affection du peuple russe, réussit à faire détrôner son époux avec la complicité du comte Grigori Orlov (qui avait pris la suite de Saltykov) et de quatre officiers de la garde impériale, frères d'Orlov lors du coup d'État du 28 juin 1762 ( dans le calendrier grégorien).

L'empereur fut jeté en prison (on avait sans doute l'intention de l'exiler par la suite) et mis à mort, probablement étranglé par Alexeï Orlov, « ce qui a fait dire à Germaine de Staël que la Russie était un despotisme tempéré par la strangulation »[5]. Meurtre prémédité ou non, Catherine fit publier aux chancelleries des pays étrangers que l'empereur avait succombé à une colique hémorroïdale[6]. Elle régna alors sous le nom de Catherine II d'une manière exclusive.

Impératrice de Russie

Affaires extérieures

Portrait de l'impératrice Catherine II de Russie par Johann Baptist von Lampi, (Musée de la Révolution française).

Le ministre des Affaires étrangères Nikita Panine exerça une influence considérable. Il dépensa des sommes importantes pour créer l’accord du Nord entre la Russie, la Prusse, la Pologne, la Suède et peut-être le Royaume-Uni pour contrer l'alliance franco-autrichienne. Quand il apparut que ce plan ne pouvait réussir, Panine fut limogé en 1781. En 1764, Catherine plaça Stanislas Auguste Poniatowski, qui fut son amant, sur le trône polonais. Ensuite, la Russie annexa de grandes parties de la Pologne dans les partitions de 1772, 1793 et 1795. En 1772, elle conclut avec la Prusse et l'Autriche un traité qui démembrait la Pologne et donnait à la Russie les gouvernements de Polotsk et de Moguilev, et le traité de Kutchuk-Kaïnardji, conclu en 1774 avec l'Empire ottoman, lui assura plusieurs provinces méridionales et lui ouvrit la mer Noire.

Catherine fit de la Russie un pouvoir dominant au Moyen-Orient après la première guerre contre l'Empire ottoman. Elle essaya de faire subir à ce dernier le même sort qu'à la Pologne, mais avec moins de succès : son projet visait in fine à reconstruire l'Empire byzantin et de le donner à son petit-fils Constantin. Cet empire, qui aurait pour capitale Constantinople, est destiné à englober la Grèce, la Thrace, la Macédoine et la Bulgarie, tandis que les principautés danubiennes formeraient un « royaume de Dacie », promis à son favori Grigori Potemkine. Le reste des Balkans, c'est-à-dire la Bosnie, la Serbie et l'Albanie, serait donné en compensation à l'Autriche. Venise obtiendrait la Morée, la Crète et Chypre[7]. Elle enleva aux Turcs la Crimée et les forteresses d'Azov, de Taganrog, de Kınburun et d'Izmaïl. Elle annexa la Crimée, en 1783, neuf années après que celle-ci eut obtenu son indépendance. L'empire ottoman déclencha une seconde guerre en 1787 qui se termina en 1792 par le traité de Jassy.

Elle agit comme médiatrice pendant la guerre de succession bavaroise de 1778-79 entre la Prusse et l'Autriche. En 1780, elle monta la Ligue de neutralité armée afin de défendre les vaisseaux indépendants de la Grande-Bretagne pendant la guerre d'indépendance des États-Unis.

Entre 1788 et 1790, la Russie fut engagée dans la guerre contre la Suède dont le cousin de Catherine, Gustave III, tentait de reprendre les territoires perdus en 1720. Après la bataille de Svensksund (de nos jours Ruotsinsalmi en Finlande) des 9 et , un traité de paix fut signé : la paix de Värälä.

Elle avait ajouté 518 000 km2 au territoire de la Russie. A la fin de son règne, elle possède un empire d'une grande étendue, elle a annexé une grande partie de la Pologne (environ un tiers) et a permis à la Russie de prendre possession de la Crimée au détriment des Turcs.

Politique intérieure

Instructions de l'impératrice à la commission appelée à rédiger le nouveau code de lois, 1769

En même temps qu'elle étendait ainsi les limites de son empire, Catherine imprimait une activité nouvelle à l'agriculture et à l'industrie, fondée sur la pensée des Lumières. Catherine fit établir un canevas pour réformer les lois. Une commission législative représentant toutes les classes, sauf les serfs, fut instituée mais dissoute avant d'être effective, sans doute freinée par la guerre des Paysans russes (1773-1775), une insurrection menée par Emelian Pougatchev. De cette commission, il reste peu de traces. Cependant, Catherine avait rédigé un ouvrage intitulé « Instructions adressées par Sa Majesté l'impératrice de toutes les Russies établies pour travailler à l'exécution d'un projet d'un nouveau code de lois », plus connu sous le nom de « Nakaz », dans lequel sont réunies les lignes directrices de la codification.

5 kopecks représentant l'aigle bicéphale et le monogramme de Catherine II (1791).

Catherine réorganisa l'administration provinciale, donnant au gouvernement plus de contrôle sur les zones rurales à cause des révoltes paysannes. En 1785, elle édicta une Charte de la noblesse (en) (Жалованная грамота дворянам), qui permettait aux nobles de présenter des pétitions au monarque, qui les exonérait du service militaire et qui leur donnait beaucoup plus de pouvoirs et de droits. La même année, elle publia une Charte des villes (Городовая грамота) qui leur reconnaissait une certaine autonomie locale. Elle encouragea la colonisation de l'Alaska, des Allemands de la Volga et des territoires conquis.

Portrait de Catherine II, par Fiodor Rokotov, 1763.

La Russie était devenue le premier producteur mondial de fer, de fonte et de cuivre. Elle comptait plus de 200 usines, ateliers et manufactures. La production industrielle avait doublé, la valeur du commerce intérieur et extérieur, triplé. Les États occidentaux étaient désormais contraints d'accueillir la Russie dans le « concert européen ».

La volonté de modernisation de Catherine II se heurtait toutefois à une situation de sous-développement économique, politique et culturel de la Russie impériale. À l'heure où l'Angleterre vivait sa révolution industrielle et inventait le capitalisme et où les États-Unis ouvraient l'ère de la démocratie et des libertés individuelles, la Russie restait bloquée dans un système féodal, fondé sur la rente foncière et un véritable esclavage paysan particulièrement peu productif et un pouvoir politique autoritaire régulé par assassinats.

Si la Russie de Catherine II fut l'âge d'or de la noblesse, jamais en revanche dans l'histoire de la Russie les serfs ne se trouvèrent dans une plus grande misère. Soucieuse d'assouplir le servage, elle y renonça face à l'opposition de la noblesse et l'étendit même à l'Ukraine.

Catherine ne semblait pas vouloir admettre la situation réelle de son empire. Ainsi, on raconte (à tort[8], semble-t-il, bien que madame Vigée-Lebrun en parle[réf. nécessaire]) que lors de ses déplacements, les gouverneurs faisaient construire de faux villages modèles peuplés de faux paysans le long des routes où elle passait, afin de lui prouver que la Russie était moderne. On a donné à ces villages le nom de villages Potemkine, du nom du grand stratège russe, amant de l'impératrice.

À la fin de sa vie Catherine put avoir la satisfaction d’avoir semé les graines de l’éducation sur son empire. Avec l’aide d’une commission, elle avait créé des hôpitaux pour enfants trouvés dans lesquels ils étaient éduqués selon un programme établi par l’impératrice. Le corps de cadets, élite militaire, fut réformé pour y inclure une éducation intellectuelle qui forma pendant longtemps des hommes politiques russes. En 1775, apparut la première école pour jeunes filles nobles, l’Institut Smolnyi, inspirée de celle de Madame de Maintenon. Elle mit en place un réseau d’écoles publiques primaires et secondaires dans la majorité des grandes villes de Russie. Elles relancèrent la construction d’écoles privées ajoutant au système d’éducation. Consciente de ne pouvoir élever tous les enfants de Russie, elle se concentra sur les familles nobles et roturières (excluant la campagne et les serfs). La création de bureaux d’assistance sociale fut l’instrument de la création d’écoles et de la prise en charge des enfants. De nombreuses écoles secondaires furent ouvertes dans la capitale et à Moscou. Le nombre d’élèves, de professeurs et d’écoles avait quasiment doublé du début à la fin de son règne, passant de 165 à 302 écoles ; de 394 à 718 professeurs ; de 10 230 à 18 128 garçons ; de 858 à 1 178 filles[9].

Sciences, arts et culture

Portrait de Catherine II de Russie par Dmitri Levitsky, années 1780.

Catherine est tout d’abord une amoureuse des livres. Elle avait une connaissance parfaite de la langue française apprise auprès de sa gouvernante. Enfant délaissée par ses parents, elle vécut une enfance solitaire qui la fit se plonger dans les livres. À son arrivée en Russie, toujours délaissée par Pierre, puis mise quasiment en quarantaine par Élisabeth Ire, elle se plongea dans tous les romans français qui lui tombaient sous la main. Un jour, elle lut une Histoire de l’Allemagne écrite en français. Elle s’aperçut que ce genre d’œuvre lui plaisait plus que la littérature romanesque. Après le passage de certains intellectuels en Russie qui la conseillèrent, elle se plongea dans les œuvres de Plutarque et de Tacite. Puis, ce fut le dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle, une transition entre l’histoire et la philosophie. Son chemin la mène à lire De l’esprit des lois de Montesquieu, où il traite de la séparation des trois pouvoirs et d’un système aristocratique libéral. Ces conceptions, Catherine les remodèlera dans son gouvernement, ne pouvant les appliquer comme telles à la Russie de l’époque.

Elle se pose en véritable fondatrice de l'Académie des trois arts nobles, en lui octroyant des privilèges et un règlement en [10].

Par ses commandes importantes de service de table, elle favorise le développement de la Manufacture impériale de porcelaines[11].

Dans l’objectif de développer la culture dans sa nation, elle invite constamment les philosophes français à la Cour. Mais la réputation du pays effraie et les refus s’enchaînent.

Elle se présenta comme un mécène pour les arts, la littérature et l'éducation, se fondant sur l’Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.

Elle réussit à convaincre le mathématicien Leonhard Euler de revenir de Berlin[12].

En 1767, elle invite le juriste et physiocrate Lemercier de la Rivière à venir à Saint-Pétersbourg pour la conseiller sur les réformes à entreprendre. Après un long voyage, le séjour se transforme rapidement en échec car le physiocrate et la tsarine ne s'entendent pas sur les objectifs et la durée du séjour. Catherine II voyait en lui « une caution intellectuelle et philosophique » et n'entend pas se soumettre aux principes de la physiocratie[13].

Voltaire, qui entretient une relation épistolaire avec l’impératrice, est un fervent défenseur de celle-ci en France. En raison de l’intérêt qu’elle porte aux réflexions des philosophes, il voit en elle un monarque éclairé et ouvert d’esprit comme devrait l’être celui de France. Mais, réaliste, il ne vint jamais en Russie. Les autres correspondants de l'impératrice sont Melchior Grimm, Diderot et Madame Geoffrin qui recevait tous ces philosophes dans son salon de la rue Saint-Honoré. Melchior Grimm, correspondant de Catherine II avec plus de 430 lettres, fut aussi bien un correspondant philosophique qu’un grand confident pour elle. Grimm sera ensuite ministre de Catherine II à Hambourg. En France, il lui sert d’intermédiaire dans ses achats d’œuvres d’art, de livres, mais aussi de moyens de propagande en France. Il fut un fervent défenseur de la Russie en France et était entretenu par Catherine.

Quant à Diderot, elle lui rachète sa bibliothèque en 1765, la laissant à sa disposition à vie, et lui versa une pension substantielle en tant que bibliothécaire. Il s'installa à Saint-Pétersbourg auprès de Catherine II pendant cinq mois, d' à . Il venait tous les jours, pendant trois heures, s’entretenir avec elle. Bien que ses idées ne fussent pas applicables en Russie, elle le questionnait longuement sur ses conceptions. Il écrivit à son intention des textes où il répondait aux interrogations de l‘impératrice. À la fin de sa vie, après avoir émis des critiques sur la Russie, ses relations furent moins chaleureuses mais continuèrent toutefois[14]. Elle acheta aussi la bibliothèque de Voltaire en 1778.

Par l'entremise de l'ambassadeur de France, le comte de Ségur, elle fit venir de Paris de nombreuses troupes de théâtre et d'opéra, dont celle de Floridor, qu'elle faisait jouer notamment dans son théâtre de l'Ermitage.

Quand Alexandre Radichtchev publia son Voyage de Pétersbourg à Moscou en 1790, présentant les conditions de vie déplorable des serfs, ce fut elle qui en découvrit le caractère « révolutionnaire », dénonça et poursuivit son auteur. Radichtchev fut condamné à mort, puis une fois sa peine commuée, exilé en Sibérie. C'est qu’entre-temps la Révolution française avait éclaté et qu'il n'était plus question pour l'impératrice de laisser les pernicieuses idées françaises envahir la Russie. Tous les empereurs russes seront désormais confrontés à ce dilemme : ouvrir la Russie à l'Occident sans perdre la « russité » et introduire des idées subversives qui menaceraient l'autocratie russe[12].

Catherine fut aussi écrivain. Elle composa tout d’abord le Nakaz ou Grande Instruction[15], un Code qui résume ses vues sur la politique de la Russie, puis l’Antidote, œuvre où elle répond, en quelque sorte, au Voyage en Sibérie, critique virulente de la Russie écrite en 1768 par l’abbé Chappe d’Auteroche. Vinrent ensuite ses Mémoires, une suite de notes et de justifications sur sa politique et sa vie en général, une des sources principales de la connaissance de Catherine.

Catherine II fut donc l’archétype du despote éclairé. C’était une femme de lettres, passionnée d’histoire et de philosophie. Le sujet qu’elle aborda le plus, durant ses longs entretiens avec les philosophes français, fut celui de l’éducation, problème majeur de la Russie, cause de sa non-intégration première à l’Europe. C’est donc poussée par les idées des Lumières qu’elle réforma l’éducation.

Collection de peintures

Pendant ses trente-quatre années de règne, une formidable politique d'acquisition lui a permis de rassembler près de quatre mille tableaux qui forment, au musée de l'Ermitage, une des galeries de peintures les plus admirées d'Europe. Par l'intermédiaire de ses ambassadeurs les plus zélés, elle a pu acquérir quelques-unes des plus prestigieuses collections européennes comme celle du comte de Brühl et de Sir Robert Walpole. Voltaire et surtout Diderot (aidé par le Genevois François Tronchin) favorisèrent, quant à eux, l'acquisition des collections de Pierre Crozat et de Choiseul en 1772[16]. Elle possédait cinq tableaux de Jean Siméon Chardin.

Mort et succession[17]

Catherine II meurt dans son palais de Tsarskoïé-Sélo, le 6 novembre 1796 ( dans le calendrier grégorien) au matin : elle s'effondre dans sa garde-robe. On l'étend sur un matelas, où elle agonise pendant des heures, à même le sol. Les médecins diagnostiquent une « attaque d'apoplexie » (aujourd'hui, on dirait hémorragie cérébrale ou AVC). Elle s'éteint à 67 ans, après avoir régné plus de trente ans sur la Russie[18].

L'impératrice avait prévu de déshériter son fils au profit de son petit-fils Alexandre, mais Paul fouille le bureau de sa mère, met la main sur son testament et le brûle. Devenu empereur, il décide d'ouvrir le tombeau de son père Pierre III, de couronner son squelette et d'enterrer ses parents côte à côte dans la cathédrale Pierre-et-Paul, à Saint-Pétersbourg[19].

Vie privée

Pour introduire la variolisation (technique supposée protéger les personnes variolisées d'une forme grave de la variole), elle montra l'exemple à ses sujets en étant la première[20] à se faire inoculer le virus.

Elle avait un fils, Paul, qu'elle aimait peu, lui préférant ses petits-fils[21]. Il lui succéda, néanmoins, sous le nom de Paul Ier de Russie. Les relations de Catherine avec son fils furent toujours froides et emplies de méfiance. Ne l‘ayant pas élevé, elle n‘a guère d‘affection pour cet enfant qui se réclame de Pierre III. Tout d’abord, Paul considère sa mère comme la grande responsable de la mort de son père Pierre, auquel il voue un véritable culte. Puis, il y a l’enjeu de la succession. Catherine est, bien sûr, consciente que son fils pourrait être utilisé contre elle, afin de la renverser. De son côté, Paul perçoit d’un mauvais œil l’attitude de sa mère envers ses favoris, particulièrement les largesses qu'elle leur accorde. Catherine, après avoir marié en 1776 son fils à une jeune princesse du Wurtemberg, leur enleva, à la manière d'Élisabeth, leurs enfants. Cela provoqua une profonde inimitié du couple envers Catherine.

Catherine était connue pour son appétit sexuel et ses nombreux amants[22]. Ainsi, Gabriel-François Doyen, qui comme peintre plut également à son fils Paul, se fait remettre par la Tsarine deux principautés (en fait, deux immenses domaines) et octroyer un blason, « d'azur au chef chargé de deux pals », auquel Louis XV autorise l'ajout d'une fleur de lys[23]. Le premier amant en titre de la souveraine fut Grigori Orlov, et cette relation dura dix ans (1762-1772). Orlov joua auprès de Catherine un rôle à la fois sentimental et politique. C’est lui qui, lors de la grande épidémie de peste de Moscou en 1771, calma la population et lutta, assisté d’un médecin, contre l’extension de l’épidémie. De Grigori Orlov, Catherine II eut deux enfants naturels nés en secret : une fille, Nathalie, née en 1758, adoptée par la famille Alexeev et qui épousa le feld-maréchal de Buxhoeveden, et un fils, Alexeï Grigorievitch Bobrinski (1762-1816). Paul craignit que l'un d’entre eux ne devînt un obstacle à sa future accession au trône. Mais l'impératrice, refusant toujours de se marier, ne remit pas en question la succession de son fils légitime. Cette longue relation avec Grigori Orlov se termina en 1772, quand on rapporta à Catherine toutes les infidélités de son favori. Dans une période de transition, elle eut un amant, Vassiltchikov, un jeune noble qui n’avait comme simple attrait que sa beauté. L’impératrice s’en lassa vite. Elle noua alors une nouvelle relation avec Grigori Potemkine, un officier de la Garde. Homme exubérant aimant les plaisirs de la table autant que ceux de la chair, Potemkine n’en était pas moins un grand intellectuel qui sut plaire à Catherine par ses folies, sa conversation, son humour et sa détermination. Ce favori est sûrement celui qui reçut le plus de Catherine. Elle le couvrit d’honneurs, de médailles, récompenses, terres, richesses et pouvoirs. Mais jamais Catherine n’eut à le regretter : fervent serviteur de la Russie, Potemkine fut un conseiller et un homme politique de premier plan.

Tombeau de marbre blanc de l'impératrice Catherine II de Russie. Sur la droite, le tombeau de son époux l'empereur Pierre III de Russie.

C’est Potemkine lui-même qui s’éloigna du lit de Catherine. Mais il resta toujours présent dans le cœur de l’impératrice en tant qu’ami et, dans sa politique, en tant que conseiller. C’est lui qui, ensuite, s’occupa de fournir des amants à l’impératrice. Le seul mariage secret connu de Catherine II est celui avec Grigori Potemkine[24]. Potemkine établit des règles pour devenir le nouveau favori de l'impératrice : un médecin vérifiait la bonne santé du prétendant, puis une proche de Catherine examinait sa culture et validait ses performances sexuelles (la comtesse Praskovya Bruce (en) puis Anna Protassova firent, ainsi, office d'« essayeuses » ou d'« éprouveuses »[25]).

À Potemkine, succédèrent de nombreux amants, tous jeunes et beaux : Pierre Zavadoski de vingt ans son cadet, puis l’officier Simon Zoritch, bientôt remplacé par Ivan Nikolaïevitch Rimsky-Korsakov, âgé de vingt ans et doté d’un corps d’Adonis, lui-même écarté au bénéfice de Lanskoï, lequel meurt (d’un abus d’aphrodisiaques ? ou plus probablement de diphtérie) quatre ans après le début de ses relations avec Catherine. Le dernier de cette longue liste fut Platon Zoubov, qui restera au côté de l'impératrice jusqu'à la mort de celle-ci.

L’attitude de Catherine envers ses amants fut toujours la même : chaque homme recevait pendant et après ses « services » des honneurs, des propriétés, des milliers de serfs, des cadeaux… Cette scandaleuse façon de faire lui valut une réputation de débauchée (les historiens sont divisés sur l'existence de la Chambre des Plaisirs, cabinet érotique secret que l'impératrice aurait fait aménager dans son palais de Tsarskoïe Selo, constitué de plusieurs pièces et objets érotiques : peintures, meubles, lustres, etc.[26]). S’ajouta à cela l’exaspération (voire la jalousie) de son fils Paul devant les largesses de sa mère pour ses favoris, en regard de la pauvre affection et des médiocres cadeaux que lui-même recevait. Dans cette vie tumultueuse[27], Catherine II sut pourtant faire la part entre les hommes et le pouvoir. Jamais elle ne leur accorda une parcelle de pouvoir qui pût diminuer le sien. Grande intellectuelle, elle avait une idée bien définie de son autorité souveraine[2].

Catherine II ayant admis le bouddhisme parmi les religions d'État, les chefs d'État russes (exception faite de la période soviétique) sont considérés par les bouddhistes du pays comme les réincarnations de la déesse Tara[28].

Publications

  • On a d'elle quelques écrits, des comédies, un drame d'Oleg.
  • Correspondance avec Voltaire, Grimm, Oimin, etc.
  • Mémoires, 1859.
  • Le Nakaz, Code russe ou instructions adressées par sa majesté l'impératrice de toutes les Russies à la commission établie pour travailler à l'exécution d'un projet d'un nouveau code de lois, 3e édition, Amsterdam 1775.
  • Antidote, ou Examen du Mauvais Livre superbement imprimé intitulé : Voyage en Sibérie, fait par ordre du Roi en 1761. À Amsterdam chez Marc-Michel Rey 1771-1772. L'édition originale fut publiée en deux volumes imprimés à Saint-Pétersbourg en 1770-1771. Quelques pages peu favorables à la Russie de Jean Chappe dans son Voyage en Sibérie lui attirèrent surtout une vive critique sous la forme d'un ouvrage rédigé et publié anonymement par Catherine II de Russie et le comte Ivan Chouvalov, la jeune impératrice répondant à ce qu'elle considéra comme une attaque de son pays en reprenant chapitre par chapitre le livre de l'abbé pour le réfuter. Cette attribution fut combattue par Anguis qui « donne pour collaborateur à la comtesse Daschkof le sculpteur Falconet. »

Postérité

Arts et lettres

Cinéma, télévision et musique

Le personnage de Catherine II a été représentée à l'écran par plusieurs actrices.

Cinéma

Télévision

Documentaire

Musique

Jeux vidéo

  • Catherine II est la dirigeante de la civilisation russe dans les jeux vidéo Civilization IV et Civilization V.
  • Dans Europa Universalis IV, Catherine II a une chance de devenir héritière de Russie par un événement si, entre 1729 et 1800, le dirigeant russe a moins de 3 dans chacune de ses stats et n'a pas d'héritier. Ses stats sont de 6/6/5, ce qui est extrêmement puissant.

Distinctions

Notes et références

Notes

Références

  1. Marina Grey, Les Romanov, Fleurus, , p. 75.
  2. Hélène Carrère d’Encausse, Catherine II, Fayard, 2002.
  3. Saint-Pétersbourg: quatre endroits intimistes et méconnus étroitement liés aux tsars.
  4. (en) Catherine the Great, The Memoirs of Catherine the Great, Random House Publishing Group, , p. 84.
  5. Chantal Grell, Arnaud Ramière de Fortanier, L'éducation des jeunes filles nobles en Europe : XVIIe – XVIIIe siècle, [lire en ligne], p. 157.
  6. Nicolas Brian-Chaninov, Nikolaĭ Bri︠a︡nchaninov, Catherine II, impératrice de Russie (1729-1796), Payot, , p. 102.
  7. Georges Florovsky, Les Voies de la théologie russe, Paris, 1937, trad. et notes de J.C. Roberti, Paris, Desclée de Brouwer, 1991, p. 150.
  8. Voir, par exemple, Charles-Joseph de Ligne, Lettres du prince de Ligne à la marquise de Coigny pendant l'année 1787, Paris, 1886, « Lettre VIII », pp. 57-59.
  9. Jean-Paul Scot, La Russie de Pierre le Grand à nos jours, Armand Colin, Paris 2000.
  10. Anita Davidenkoff, Catherine II & l'Europe, Institut d'études slaves, , p. 43.
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  17. Henri Troyat, Nicolas Ier, Académie Français (ISBN 9-782262-016791), Page 9
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  21. Catherine II la Grande et sa préférence.
  22. La femme derrière la Grande Catherine.
  23. Catherine II de Russie : la croqueuse d’hommes.
  24. Henri Troyat, Catherine La Grande, 1977 ; Paul Mourousi, Catherine de Russie, 1986.
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  27. Catherine II, la tsarine aux mille amants.
  28. Nezavissimaïa Gazeta, « Medvedev le réincarné et le lama miraculé », Courrier international, (ISSN 1768-3076, lire en ligne).
  29. Marie d'Ornellas, « Catherine II, la bien-aimée », sur Le Figaro,

Bibliographie

Articles connexes

Liens externes

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