Marie-Thérèse Rodet Geoffrin

Marie-Thérèse Rodet Geoffrin, née le à Paris, où elle est morte le [1], est une salonnière française.

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Biographie

Fille d’un valet de chambre de Marie Anne de Bavière, dauphine de France, Marie-Thérèse Rodet était une femme d’esprit issue de la petite bourgeoisie. Son père, malgré sa charge de valet de garde-robe, ne put faire grande fortune car la Dauphine vivait en recluse à Versailles et mourut jeune. Néanmoins, revenu à Paris, il put faire construire un hôtel pour 30 000 livres et placer à bon escient 100 000 livres de rentes. Elle était sans grande instruction. Sa mère mourant jeune, elle fut élevée par sa grand-mère, madame Chemineau, qui ne lui donna pas d'éducation formelle, mais lui apprit l'art de la conversation.

Sa grand-mère la fit épouser à quatorze ans[2] le lieutenant-colonel de la Milice de Paris, Pierre François Geoffrin, issu comme elle de famille bourgeoise, mais qui était riche (richesse acquise dans l'industrie et non de son premier mariage comme le racontent certaines chroniques), car directeur de la Manufacture royale de glaces de miroirs[3] du faubourg Saint-Antoine. La jeunesse de Marie-Thérèse Rodet était celle d’une bourgeoise destinée à une existence terne lorsqu’elle caressa le rêve, en apparence fort prétentieux, de lancer un salon, rêve qu’elle finit par transformer en réalité vers 1727-1730. Comme elle avait, elle aussi, quelque fortune, elle se donna le plaisir de recevoir gens de lettres, ministres et ambassadeurs et commença à se faire bien voir dans le monde. Néanmoins Monsieur Geoffrin n'appréciait que très modérément ces dépenses.

Elle forma son esprit en côtoyant les personnalités fréquentant le salon de Madame de TencinFontenelle l’avait introduite, et dont elle recueillit les hôtes à la mort de cette dernière en 1749, alors qu’elle avait dépassé sa cinquantième année. Le décès de son mari la même année lui donna une totale liberté pour développer son salon grâce aux revenus de la manufacture des glaces. Nouveauté à l'époque, elle l'ouvre alors aux artistes, hommes d'affaires, à l’aristocratie et aux étrangers en poste ou de passage à Paris[4].

Plaque au no 374 de la rue Saint-Honoré.

De 1749 à 1777, elle a organisé dans son hôtel parisien de la rue Saint-Honoré (no 374, où une plaque lui rend hommage), vis-à-vis les Capucins, un salon bihebdomadaire, offrant à ses hôtes une table abondamment et délicatement servie, recevant des artistes le lundi et les savants, les gens de lettres et philosophes, tel d’Alembert, le mercredi.

Hôtel de Mme Geoffrin.

Dans cette demeure où elle logeait sa fille, Marie-Thérèse de La Ferté-Imbault (1715-1791), marquise par son mariage, en 1733, avec Philippe Charles d'Estampes, marquis de La Ferté-Imbault, très instruite[5] et préférant les philosophes anciens[6], snobant sa mère par son titre de noblesse et se battant avec elle à propos de la gestion de la manufacture des glaces), Marie-Thérèse Geoffrin trouvait le moyen d’offrir l’hospitalité à ceux de ses amis dont elle savait les ressources limitées. Une table médiocre, sa rivale Madame du Deffand n'hésitant pas à placer le bon mot : « Voilà bien du bruit pour une omelette au lard ! ». Point de luxe dans les appartements ; du moins point de ce luxe clinquant et doré, élégant à coup sûr, mais un peu tapageur que Madame de Pompadour avait mis à la mode. De bons meubles, bien simples, des fauteuils confortables – de véritables « commodités de la conversation » – où l’on était à l’aise, de la lumière à flots le soir, la simplicité de ses goûts était extrême, et dans ses toilettes on retrouva jusqu’à la fin de sa vie, cette modestie dans l’air, dans le maintien, dans les manières qui cadrait à merveille avec la sévérité de son intérieur. Il y avait pourtant, au fond de tout cela, de la fierté et quelque désir de gloriole. Si elle ne s’entourait pas du luxe criard au milieu duquel vivaient les fermiers généraux, les gardes du trésor royal dans les hôtels somptueux qu’à grands frais, ils faisaient élever, elle sentait, elle comprenait toutes les jouissances de ce luxe, elle poussait même jusqu’au raffinement les délicatesses de ce sentiment, préférant à tout l’éclat alors à la mode ce qui pouvait flatter son goût pour les arts dont elle était une fervente admiratrice. Si les meubles et les tentures de ses appartements pouvaient paraître simples, les murs étaient couverts de tableaux choisis avec goût parmi les œuvres anciennes, de toiles de peintres de son temps dont elle discernait à merveille le talent et à qui elle faisait des commandes importantes ; les consoles supportaient de belles pièces de cette porcelaine de Meissen, en Saxe, alors si recherchée, que la fabrique de Vincennes récemment transférée à Sèvres sous le patronage de Mme de Pompadour s’efforçait d’égaler pour les surpasser un jour ; et c’est précisément ce goût prononcé pour les arts qui l’avait déterminée à instituer pour les artistes le dîner du lundi.

Jouant pendant un quart de siècle le rôle d’amie des intellectuels de son temps, son influence a été immense, comme l’aide qu’elle a apportée à la germination des idées des Lumières. Elle correspond avec le roi Gustave III de Suède, et surtout avec Catherine II de Russie et Stanislas II de Pologne. Femme généreuse, elle a volontiers pris en charge, par exemple, les dettes de jeu de son invité, Stanisław Poniatowski, dont le père, le prince Poniatowski, lui avait confié l’éducation. Des années plus tard, Stanisław a entretenu des relations amicales avec elle et, deux ans après avoir été sacré roi de Pologne, en 1766, il l’a invitée à Varsovie. Lors de son escale à Vienne, elle a été reçue par l’impératrice Marie-Thérèse et Joseph II[7].

Frappée d'hémiplégie quelques mois auparavant, son agonie donne lieu à une bataille épique entre d’Alembert, appuyé par tout le parti encyclopédiste anticlérical, et sa fille, la marquise de la Ferté-Imbault, qui, soutenue par le « parti dévot », fait venir le curé de Saint Roch pour lui donner une mort chrétienne.

Le salon de Madame Geoffrin

Lecture de la tragédie de Voltaire, l’Orphelin de la Chine, dans le salon de Mme Geoffrin en 1755.
Anicet Charles Gabriel Lemonnier, 1812, château de Malmaison.

L’analyse du tableau de Lemonnier représentant le salon de Marie-Thérèse Geoffrin permet de découvrir philosophes, artistes et savants du siècle des Lumières. Ce tableau est commandé en 1812 par Joséphine de Beauharnais pour orner le château de La Malmaison, c'est un faux historique puisque le peintre imagine la réunion de toutes les célébrités qui auraient pu fréquenter le salon.

Une des particularités de cette peinture est d’être accompagnée d’une planche explicative qui reprend en silhouette les personnages figurant sur le tableau et qui, par un système très simple de renvois numérotés, précise l’identité de chacun.

On peut reconnaître Marie-Thérèse Geoffrin, sur le tableau à droite au premier rang, et Julie de Lespinasse, à gauche, qu'elle aidera à ouvrir son propre salon après l'avoir ravie à sa rivale Madame du Deffand. Au fond, le buste de Voltaire semble régner sur l’assistance ; à sa gauche, le ministre Choiseul. On voit également d'Alembert derrière le bureau, Fontenelle, Montesquieu, Diderot et Marmontel tandis que l’acteur Lekain lit la pièce L’Orphelin de la Chine de Voltaire, alors en exil.

Postérité

Elle est célèbre pour avoir subventionné une partie de la publication de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert[8]. Fontenelle témoigna de la manière la plus éclatante la réelle affection qu’il éprouvait pour Mme Geoffrin en l’instituant l’exécutrice de ses volontés testamentaires.

Une des statues réalisée par Jules Franceschi décorant l’hôtel de ville de Paris est à l’effigie de Mme Geoffrin (coin en bas à droite, façade regardant la Seine).

Son portrait par Nattier en 1738 - reproduit supra ? - provenant de sa collection et de ses héritiers a figuré à la vente de "26 chefs-d'oeuvre de la peinture française du XVIIIème siècle" (collection Polo) à Paris le 30/05/1988 (reprod. coul. p. 37 du catalogue): la notice mentionne l'existence de notes autographes de sa main relatives à ce tableau (archives d'Estampes), et d'une copie de format ovale de dimensions inférieures au Musée national de Varsovie.


Correspondance

Madame Geoffrin âgée.

Bibliographie

  • Maison de Chateaubriand (collectif), Madame Geoffrin : une femme d'affaires et d'esprit, Silvana Editoriale Spa, Milan, 2011.
  • Maurice Hamon, Madame Geoffrin, Éditions Fayard, Paris, 2010 (ISBN 978-2213628486)
  • Marietta Martin, Une Française à Varsovie en 1766 : Madame Geoffrin chez le roi de Pologne Stanislas Auguste, Paris, Bibliothèque polonaise de l'Institut d'études slaves, , 90 p. (lire en ligne).
  • Pierre de Ségur, Le royaume de la rue Saint-Honoré : Madame Geoffrin et sa fille, Calmann Lévy, Paris, 1897.

Notes et références

  1. Son enterrement est signalé dans le Journal de Paris no 281 du 8 octobre 1777, p. 4.
  2. Étant mineure, Pierre François Geoffrin, son mari et tuteur, gère sa dot de 200 000 livres.
  3. En 1722, il en possède 13 % .
  4. Maurice Hamon, « Madame Geoffrin : femme d’influence, femme d’affaires au temps des Lumières », Canal Académie, 3 avril 2011.
  5. L'anecdote selon laquelle les premiers habitués du salon (Montesquieu, Fontenelle) la prenaient le soir à part pour lui donner des cours particuliers en cachette est probablement une légende
  6. Elle crée, vers 1775, la Société des Lanturlus (ou Ordre des Lanturlus), salon burlesque et parodique formé de littérateurs antiphilosophiques.
  7. Marietta Martin, Une Française à Varsovie en 1766 : Madame Geoffrin chez le roi de Pologne Stanislas Auguste, Paris, Bibliothèque polonaise de l'Institut d'études slaves, , 90 p. (lire en ligne).
  8. Encyclopædia Universalis, « MADAME, MARIE-THÉRÈSE GEOFFRIN », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )

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