Cohorte de la Légion d'honneur

La cohorte de la Légion d'honneur était une division administrative et territoriale de la France, visant à organiser l'ordre de la Légion d'honneur, lors de sa création, sur l'ensemble du territoire de la première République française puis du Premier Empire.

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Historique

Décret du 29 floréal an X (19 mai 1802) portant création de la Légion d'honneur.

Devenu Premier Consul, Napoléon Bonaparte entreprend de réorganiser le pays sur des bases nouvelles nées de la Révolution tout en conservant certains fondements de l'Ancien Régime. C'est dans ce contexte que s'inscrit la création d'une récompense, la Légion d'honneur destinée à regrouper l'élite de la Nation : « Il faut créer un ordre qui soit le signe de la vertu, de l'honneur, de l'héroïsme, une distinction qui serve à la fois à la bravoure militaire et au mérite civil »[1].

La Légion d'honneur créée, il fallut ensuite l'organiser. Le décret du 29 floréal an X régla l'organisation primitive de la Légion d'honneur : elle fut composée d’un grand conseil d’administration composée de 7 membres[2] et divisée, territorialement en quinze (puis seize) cohortes auxquelles étaient affectés des biens nationaux portant 200 000 francs de rentes. L'arrêté du 13 messidor an X (2 juillet 1802) complêta l'organisation et l'administration de la Légion d'honneur en découpant le territoire de la France en seize cohortes.

L'Empereur supprima cette expérience dès qu'elle se l'estima inefficace et ruineuse. Il renonça à une idée qui lui était chère au profit d'une utilisation plus pratique des terres domaniales. Cette réforme se fit en trois étapes : le décret du 11 pluviôse an XIII tout d'abord qui ordonna la vente de tous les biens non nécessaires pour constituer un revenu de 100 000 francs à la cohorte (on se souvient que le revenu primitif était de 200 000 francs), puis le décret du 15 ventôse an XIII autorisa l'aliénation libre des biens des cohortes, enfin le décret du 28 février 1809 qui supprima l'administration des cohortes et en transféra les biens à la caisse d'amortissement qui les transforma en rentes.

Rôle

Le projet reprenait l'optique des anciens ordres hospitaliers, car sur le territoire de chaque cohorte devaient se trouver « un hospice et des logements pour recueillir, soit les membres de la Légion que leur vieillesse, leurs infirmités ou leurs blessures auraient mis dans l’impossibilité de servir l’État, soit les militaires qui, après avoir été blessés dans la guerre de la liberté, se trouveraient dans le besoin (Titre I - Article 9) ». L'article 2 de la loi du 29 floréal avait fixé à quinze le nombre des cohortes, mais, la 27e division militaire ayant été immédiatement composée et la réunion des départements du Piémont étant décidée, on dut en former une seizième cohorte, quoique la réunion ne fut légalement prononcée que le 11 septembre (24 fructidor).

Chaque cohorte avait une vie communautaire puisque tous les légionnaires faisant partie des conseils de l'ordre de chacune des quinze cohortes, devaient se réunir deux fois par mois au moins au siège de la cohorte, et tous les légionnaires gradés ou non devaient au moins une fois par an se réunir au siège de la cohorte sous la présidence du chef de cohorte, dans une assemblée où l'on reçevait le serment des nouveaux légionnaires et où on entendait l'éloge de ceux qui avait disparu.

La cohorte jouait également un rôle de médiateur entre l'usager et l'administration tout puissante : ainsi, les vieux soldats paysans mais légionnaires, qui subissaient les tracasseries de fonctionnaires médiocres, pouvaient rencontrer en petit comité un prestigieux maréchal d'Empire ou un amiral ayant accès direct auprès du Premier Consul, puis de l'Empereur lui-même. Pierre-Louis Roederer disait d'ailleurs au Corps Législatif dans la discussion sur la Légion d'Honneur le 15 floréal an X : « C'est une institution politique qui place dans la société des intermédiaires par lesquels les actes du pouvoir sont traduits à l'opinion avec fidélité et bienveillance et par lesquels l'opinion peut remonter jusqu'au pouvoir ».

La Légion d'honneur possédait 10 millions de bien-fonds et pouvait donc régir ses vastes domaines selon un mode expérimental[3]. Les cohortes se devaient de favoriser l'acclimatation des arbres utiles ou de plantes potagères ou médicinales ; elles devraientt également provoquer le dessèchement des marais, boiser les landes, fertiliser les dunes, importer des races étrangères d'animaux de labour ou de bêtes de somme, créer des haras particuliers nécessaires à la remonte de la cavalerie et de l'artillerie.

Le résultat de cette politique agricole fut d'augmenter les revenus des cohortes grâce auxquels on pouvait entretenir les hôpitaux et les fondations destinés aux légionnaires âgés ou malades, tout en créant également une école d'agriculture.

Composition

La première République française et son territoire en 1800.

L'organisation au début, est de type militaire : chaque cohorte est dirigée par un général et composée de 7 Grands officiers, 20 commandants, 30 officiers et 350 légionnaires. Chacun porte serment et reçoit un traitement prélevé sur les biens de la cohorte :

La cohorte regroupait tous les légionnaires d'une région française composée de 6 à 9 départements, sous la direction d'un conseil de 9 membres comprenant :

Les chefs des cohortes étaient tous maréchaux de l'Empire sauf ceux des 10e et 13e cohortes qui sont respectivement l'amiral Decrès et l'amiral Bruix.

Les 16 cohortes

Cohorte Chef-lieu Chef de la cohorte Chancelier Trésorier Revenus bruts[4] de la cohorte
(en francs)
Départements
composant la cohorte
Population de la cohorte
(en nb d'habitants)
1re cohorteFontainebleau, puis CrosneLouis-Alexandre BerthierClaude François Lefeuvre, commissaire ordonnateur des guerresMartin-Roch-Xavier Estève, trésorier de l'Empereur300 000Aube, Marne, Oise, Seine, Seine-et-Oise, Seine-et-Marne2 241 240
2e cohorteAbbaye Saint-Vaast, à ArrasAdolphe Édouard Casimir Joseph MortierFrançois-Joseph Lefebvre-Cayet, député au Corps législatifJacques Louis Nicolas Vaillant, ex-constituant, maire d'Arras300 000Aisne, Ardennes, Jemmapes, Nord, Pas-de-Calais, Somme2 677 104
3e cohorteAbbaye Saint-Pierre de GandJean-Baptiste BessièresFrançois Joseph Beyts, procureur général impérial près la cour d'appel de BruxellesJoseph Sébastien Dellafaille, député au Corps législatif300 000Lys, Escaut, Dyle, Deux-Nèthes, Ourthe, Sambre-et-Meuse2 142 325
4e cohortechâteau de BrühlNicolas Jean-de-Dieu SoultJoseph de Salm-Reifferscheidt-Dyck, député au Corps législatifLouis Maximilien Rigal, député au Corps législatif529 851Meuse-Inférieure, Forêts, Roer, Sarre, Rhin-et-Moselle, Mont-Tonnerre2 035 093
5e cohorteChâteau de SaverneFrançois Joseph LefebvreAntoine Augustin Engelmann, conseiller de préfecture du Bas-RhinJean François Philibert Rossée, député au Corps législatif263 093Bas-Rhin, Haut-Rhin, Meurthe, Vosges, Moselle, Meuse, Haute-Marne2 248 776
6e cohorteAncien Palais des États de Bourgogne, à DijonLouis Nicolas DavoutMartin Lejéas-Carpentier, député au Corps législatifNicolas Edme Viesse de Marmont, père du duc de Raguse268 322Doubs, Jura, Haute-Saône, Nièvre, Côte-d'Or, Saône-et-Loire, Léman, Yonne2 306 809
7e cohorteArchevêché de Vienne (Isère)Michel NeyAndré Horace François de Barral de Rochechinard, général de brigadeN. Plantain maire de Valence462 146Rhône, Loire, Haute-Loire, Isère, Mont-Blanc, Ain, Puy-de-Dôme, Allier2 582 754
8e cohorteAncien archevêché d'AixJean-Baptiste BernadotteJoseph Gaspard Emmanuel Mathieu Pézenas, militaireAntoine-Ignace Anthoine négociant, maire de Marseille632 500Basses-Alpes, Hautes-Alpes, Bouches-du-Rhône, Var, Drôme, Vaucluse, Alpes-Maritimes, Golo, Liamone1 493 063
9e cohorteAncien évêché de BéziersJean LannesMarie Henri François Élisabeth de Carrion de Nisas, tribunJean-Pascal Rouyer, général de brigade177 837Ardèche, Cantal, Gard, Lozère, Hérault, Tarn, Aveyron1 785 767
10e cohorteHôtel Saint-Jean puis ancien collège de l'Esquile de ToulouseDenis DecrèsFrançois Lagrange, ancien président du Corps législatifGuillaume Desazars, premier président de la Cour d'appel de Toulouse111 133Aude, Haute-Garonne, Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Ariège, Gers1 738 092
11e cohorteAncien évêché et séminaire d'AgenBon Adrien Jeannot de MonceyJean Chrysostome Lacuée, premier président de la cour d'appel d'AgenXavier de Sevin, chevalier de Malte174 049Landes, Gironde, Lot-et-Garonne, Lot, Dordogne, Corrèze2 062 960
12e cohorteAbbaye de Saint-MaixentJoachim MuratPiter Deurbroucq[5], négociant, députéCharles Jean Louis Aymé, officier du génie414 049Deux-Sèvres, Vendée, Vienne, Charente, Charente-Inférieure, Loire-Inférieure1 806 802
13e cohorteChâteau de Craon et le Couvent des dominicains[Où ?]Étienne Eustache BruixJoseph Anne Robert Malherbe, ex-tribunGuy Lorin maire de Rennes250 000Morbihan, Finistère, Côtes-du-Nord, Ille-et-Vilaine, Mayenne, Maine-et-Loire2 513 032
14e cohorteAbbaye du Bec, près de BernayAndré MassénaLouis-Jacques Savary, député au Corps législatifLézurier (l'aîné), président du tribunal de commerce de Rouen251 677Manche, Calvados, Orne, Eure, Seine-Inférieure, Eure-et-Loir2 649 458
15e cohorteChâteau de ChambordCharles Pierre François AugereauPierre Jean Alexandre de Tascher de La Pagerie, chevalier de Saint-LouisHenri de Fontenay, député au Corps législatif329 900Indre-et-Loire, Loir-et-Cher, Cher, Indre, Loiret, Sarthe, Creuse, Haute-Vienne2 039 699
16e cohortePavillon de chasse de StupinigiJean-Baptiste JourdanGiuseppe Angelo Saluzzo di Menusiglio[6], officier général, de l'Académie de TurinIgnace Laugier, maire de Turin500 000Doire, Éridan, Marengo, Sésia, Stura, Tanaronon communiqué
Chefs-lieux des cohortes de la Légion d'Honneur.

Annexes

Bibliographie

  • C. L. Gillot, Dictionnaire des constitutions de l'Empire français et du royaume d'Italie : formant un recueil complet de tout ce qui y a trait et rapport, et contenant le texte, 1°, de toutes les lois y relatives; 2°, du décret de réunion de l'État de Gênes à l'Empire français,, vol. 2, L'Impr. de J. Gratiot, (lire en ligne) ;
  • Testu, Almanach impérial pour l'année 1810 : présenté à S.M. l'Empereur et Roi par Testu, Paris, Testu, (lire en ligne) ;
  • A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur, biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, vol. 1, [détail de l’édition] (notice BnF no FRBNF37273876)  ;
  • Charles Gabriel Ernest Tyrbas de Chamberet, Manuel du légionnaire : ou, Recueil des principaux décrets, lois, ordonnances, etc. relatifs à l'ordre de la Légion d'honneur depuis l'époque de sa création jusqu'à nos jours; précédé d'un précis historique sur la légion d'honneur, et suivi des décrets sur les maisons d'éducation de l'Ordre, sur ..., Corréard, , 2e éd., 347 p. (lire en ligne) ;

Notes et références

  1. CRDP de Champagne-Ardenne, « La légion d'honneur », sur crdp-reims.fr, (consulté le )
  2. Bonaparte organisa aussitôt le grand conseil d'administration. Le 16 thermidor an X (4 août 1802), furent nommés membre du grand conseil de la Légion d'honneur, de droit, les trois Consuls : Napoléon Bonaparte, Cambacérès et Lebrun, le Sénat conservateur désigna le général Kellermann, le Tribunat Lucien Bonaparte, le Conseil d'État Joseph Bonaparte. Le Corps législatif n’étant plus en session, Bernard Germain de Lacépède fut désigné comme septième membre. L’une des premières tâches du grand conseil d’administration fut de nommer, le 3 fructidor an XI (21 août 1803), un Grand chancelier (ce fut Lacépède qui resta Grand Chancelier jusqu’à la fin de l’Empire et fut confirmé pendant les Cent-Jours) et un grand-trésorier (Jean François Aimé Dejean, ministre de l'Administration de la Guerre).
  3. Un exemple pris dans la 4e cohorte (La 4e cohorte comprenait la région rhénane, son chef-lieu est au château de Bruhl, elle comprend les départements de la Meuse inférieure, des forêts, du Roer, de la Sarre, du Rhin et Moselle et du Mont-Tonnerre) suffira à en comprendre le fonctionnement. L'agent de la cohorte M. Lamotte-Paisant dresse un rapport au chef de la cohorte, le maréchal Soult, et au chancelier, le prince de Salm-Dyck, dans lequel il expose les orientations nécessaires dans l'exploitation des domaines. « Il faut en diviser l'exploitation, dit-il, en sept branches principales :
    1. Acquisition de bêtes à laine, race d'Espagne,
    2. Acquisition de bêtes à cornes, établissement d'un troupeau de souche,
    3. Défrichements, formation de prairies artificielles,
    4. Plantation d'arbres fruitiers tel que poiriers, pommiers à cidre, pruniers à eau-de-vie, noyers, etc.,
    5. Établissement dans les chefs-lieux de distilleries pour les eaux-de-vie de grains, de pommes de terre et de prunes,
    6. Ensemencement de colza et de navette, établissement de moulins pour la fabrication des huiles,
    7. Ensemencement de lin, chanvre et établissements pour leur préparation, filatures et emplois. »
  4. Quotité du revenu brut des biens affectés à la dotation de chaque cohorte
  5. « Piter Deurbroucq », sur roglo.eu, Base de données généalogique (consulté le )
  6. « Biographie de Giuseppe Angelo Saluzzo di Saluzzo Monesiglio 1734 - Torino 1810, sur www.imss.fi.it »(ArchiveWikiwixArchive.isGoogle • Que faire ?), sur imss.fi.it (consulté le )

Voir aussi

Articles connexes

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