Lucien Bonaparte

Lucien Bonaparte[1],[2] (Ajaccio, Viterbe, ) est le troisième[3] fils de Charles-Marie Bonaparte et de Maria-Létizia Ramolino et le deuxième frère de Napoléon Bonaparte. Homme politique français, il est député puis président du Conseil des Cinq-Cents en 1799, ministre de l'Intérieur (1799 – 1800) puis tribun (1802). Il est prince romain de Canino, prince français en 1815, puis prince (romain) de Musignano en 1824 et prince (romain) Bonaparte en 1837. Il a douze enfants de son second mariage, dont Charles-Lucien Bonaparte (18031857), Louis-Lucien Bonaparte (18131891) et Pierre Bonaparte (18151881).

Pour les articles homonymes, voir Maison Bonaparte.

Lucien Bonaparte

Lucien Bonaparte par François-Xavier Fabre
Fonctions
Ministre français de l'Intérieur

(10 mois et 14 jours)
Prédécesseur Pierre-Simon de Laplace
Successeur Jean-Antoine Chaptal
Président du Conseil des Cinq-Cents

(20 jours)
Législature Directoire
Prédécesseur Jean-Pierre Chazal
Successeur Antoine Boulay de la Meurthe, Pierre Daunou et Jean-Ignace Jacqueminot
Député de Corse au Conseil des Cinq-Cents

(1 an, 6 mois et 22 jours)
Élection Avril 1798
Biographie
Nom de naissance Luciano Buonaparte
Date de naissance
Lieu de naissance Ajaccio
Royaume de France
Date de décès
Lieu de décès Viterbe
 États pontificaux
Nationalité Français
Parti politique Jacobinisme
Bonapartisme
Conjoint Christine Boyer,
Alexandrine de Bleschamp

Biographie

Jeunesse

Comme tous les garçons Bonaparte, il naît en Corse mais poursuit ses études sur le continent, à Autun, puis à Brienne où il rejoint son frère aîné Napoléon, mais il renonce à la carrière des armes pour celle de l'Église et entre au séminaire d'Aix-en-Provence. Revenu en Corse, il continue dans cette voie quand la Révolution française vient bouleverser sa vie.

Il a 15 ans et s'enthousiasme pour les idées nouvelles. Secrétaire particulier de Pascal Paoli, Lucien, devenu jacobin, se brouille avec ce dernier en 1793, à la mort de Louis XVI. Il ourdit alors contre lui un complot qui échoue et qui provoque le bannissement de Corse de toute la famille Bonaparte.

En 1794, il a 19 ans : réfugié à Saint-Maximin, il y épouse Christine Boyer, la fille de son aubergiste, s'inscrit au Club des Jacobins où il prend le nom de Brutus, en hommage au personnage de la Rome antique assassin de Jules César pour « sauver la République » . Il se lie d'amitié avec Maximilien de Robespierre et se retrouve en prison à la chute de ce dernier. Soutenu par son frère devenu général, il obtient un poste de commissaire des guerres à l'armée du Nord, une fois l'agitation de thermidor retombée.

Vie politique

Portrait par Robert Lefèvre.

Il vient à Paris, fréquente Barras. Dans le sillage de ce dernier, il entame une carrière politique indépendante de son frère Napoléon, s'appuyant sur ses réseaux jacobins et corses. Il devient député aux Conseil des Cinq-Cents pour la Corse en 1798.

Il est, en tant que député, membre de la commission chargée de proposer une loi répressive des délits de la presse, antécédent historique à la liberté de la presse, ladite presse étant, à l'époque, placée sous la surveillance de la police par la loi du 19 fructidor de l'an V.

Puis il devient le président du Conseil fin jusqu'au 18 brumaire qu'il avait activement préparé avec notamment Sieyès, Cambacérès et Talleyrand. Il sauve son frère de l'échec lors du coup d'État en réclamant la dissolution du Conseil : lire l'article consacré au coup d'État.

Après le coup d'État, il est nommé par les consuls ministre de l'Intérieur du Consulat à partir du . Cependant, ses attributions se superposent avec celles du ministre de la police, Joseph Fouché. Celui-ci, entré en concurrence avec Lucien Bonaparte, parvient à le brouiller avec Napoléon, son frère et Premier Consul. En effet, Fouché exploite habilement les défauts de Lucien : dépenses exorbitantes, multiples maîtresses, favoritisme de concessions publiques, mauvaise gestion, critiques ouvertes du Premier Consul et de son épouse Joséphine de Beauharnais. Puis, le Premier Consul Napoléon Bonaparte écarte, le , son frère Lucien à la demande de son ministre de la Police qui venait de prouver que la brochure Parallèle entre César, Cromwell, Monck et Bonaparte, dont un passage a provoqué des troubles dans l'armée, provenait du ministère de l'intérieur[4].

Le lendemain, Lucien est nommé ambassadeur en Espagne ; pendant un an, il y fait prévaloir l'influence française contre le parti britannique et regagne par là les bonnes grâces du premier consul, bien qu'il ait touché plusieurs pots-de-vin des Espagnols et des Portugais. De retour en France, il est membre du Tribunat en 1802 mais finalement, sa mésentente avec Napoléon le fait s'écarter de la course au pouvoir. Il accepte cependant un mandat au Sénat conservateur.

Sa première femme meurt en couches en 1800, le laissant père de deux enfants. Il se remarie avec une veuve, Alexandrine de Bleschamp veuve Jouberthon, qui vient de lui donner un fils en 1803, Charles-Lucien. Cette union provoque la fureur du futur empereur et oblige Lucien à partir à Rome et à se retirer auprès du pape Pie VII, dont il s'était concilié l'amitié en 1801 en soutenant le Concordat. Refusant de se séparer de sa femme, en 1804, il est tenu à l'écart des honneurs et promotions du sacre impérial, tandis que sa famille est déclarée non-dynaste en France. La mésentente avec Napoléon, qui lui doit pourtant en grande partie le pouvoir, est telle que Lucien, selon Chaptal, aurait demandé à son frère : « Ne crains-tu pas que la France ne se révolte contre l'indigne abus que tu fais du pouvoir ? » ce à quoi Napoléon lui aurait répondu : « Ne crains rien, je la saignerai tellement au blanc qu'elle en sera de longtemps incapable ». De plus, si Lucien voit son deuxième mariage réprouvé par son frère, lui aussi critique le mariage de son frère avec Joséphine. Toujours selon Chaptal, il lui aurait dit : « Et toi aussi, tu as épousé une veuve. Mais la mienne n'est ni vieille ni puante. » La tension est forte entre les deux hommes, notamment en raison de la volonté de Napoléon de mener une politique matrimoniale à l'échelle de sa famille. Lucien dit alors à Roederer à propos de Napoléon : « Je l'honore, je le respecte, je l'admire comme chef de gouvernement, je ne l'aime plus comme un frère.[5] »

Il se fixe près de Viterbe dans la terre de Canino, érigée par le pape en principauté. La réconciliation ne se fait pas avec Napoléon, si bien que Lucien veut partir aux États-Unis. En 1810, il est arrêté au cours de cette traversée par les Britanniques qui le tiennent prisonnier jusqu'en 1814. En exil à Rome à partir de , il est fait prince de Canino le 31 août de cette année par le pape Pie VII[6].

La chapelle Bonaparte dans la Collégiale de Canino

Il apprend en 1815 le retour de Napoléon de l'île d'Elbe et décide immédiatement de rentrer en France. L'empereur accepte de le recevoir, scellant la réconciliation. Il est fait pair de France (, il est ipso facto comte de l'Empire[7]), devient prince français et est couvert d'honneurs tout en demeurant néanmoins exclu de la succession impériale pour cause de mariage non autorisé par l'empereur. La chute définitive de Napoléon après Waterloo l'oblige à retourner à Rome, proscrit sous la Restauration. Fait prince de Musignano le par le pape Léon XII, puis prince Bonaparte par Grégoire XVI en 1837, il meurt en exil le 29 juin 1840 et est enterré dans la Collégiale de Canino.

Ses descendants sont faits « princes Bonaparte » sous Napoléon III et non « princes français » ; un prédicat d'Altesse est accordé au seul aîné d'entre eux[réf. nécessaire].

Les papiers personnels de Lucien Bonaparte et de ses descendants sont conservés aux Archives nationales sous la cote 103AP[8].

Mariages et descendance

Deux enfants (non identifiés) de Lucien, miniature sur émail de Daniel Saint, musée du Louvre.

Armoiries

Accomplissements littéraires

Parallèlement, Lucien s'intéressait beaucoup à la vie littéraire et écrivit lui-même quelques ouvrages, ce qui lui valut un fauteuil à l'Académie française en 1803 à l'âge de 28 ans. Il en fut radié par l'ordonnance du 21 mars 1816. Il était aussi un assidu du salon de Mme Récamier. Il composa deux poèmes épiques : Charlemagne et La Cyrnéïde ou la Corse sauvée. Il avait été admis à l'Institut, et fut un des premiers protecteurs de Pierre-Jean de Béranger.

Les œuvres de Lucien Bonaparte

  • La Tribu indienne, ou Edouard et Stellina, roman, Paris 1799 (trad. en anglais et en allemand)
  • Charlemagne ou l'Église sauvée, poème épique en 24 chants, Paris 1815 (traduit en anglais)
  • La Cyrnéïde ou la Corse sauvée, 12 chants, Paris 1819
  • Aux citoyens français membres des colléges électoraux, Le Mans 1834
  • La vérité sur les Cent-Jours, Paris 1835
  • Mémoires de Lucien Bonaparte, prince de Canino, écrits par lui-même, Paris 1836
  • Mémoire sur les vases étrusques, Paris 1836
  • Le 18 brumaire, Paris 1845

Notes et références

  1. Il fut déclaré et connu dans la première partie de sa vie sous le patronyme « de Buonaparte », son père Charles Bonaparte portant la particule dès avant son intégration à la noblesse française. Charles Bonaparte imposa la graphie avec le u avant le o bien que sa famille et lui-même aient aussi utilisé le nom Bonaparte sans le u ; ainsi, sur l'acte de mariage de Charles Bonaparte celui-ci est mentionné comme Carlo de Bonaparte. Par ailleurs, la famille Bonaparte parlant italien en Corse, il était appelé Luciano mais dès son enfance et son arrivée en France, on utilisa la forme française Lucien.
  2. Hervé Pinoteau, Vingt-cinq ans d'études dynastiques, Paris, Ed. Christian, 1982, p. 228.
  3. Il est le quatrième fils si on prend en compte un Napoléon mort peu après sa naissance.
  4. Emmanuel de Waresquiel, Fouché, les silences de la pieuvre, Paris, Tallandier/Fayard, , 840 p. (ISBN 978-2-84734-780-7), pages 314/320.
  5. André Castelot, Bonaparte, pages 600/602.
  6. Monument de Canino
  7. Brune sur napoleon-monuments.eu
  8. Archives nationales
  9. Jean-Claude Lachnitt, « Note sur le patronyme et les titres dans la famille Bonaparte », sur "Revue du Souvenir Napoléonien" (site d'Histoire de la Fondation Napoléon) sur napoleon.org, (consulté le ) : « Sous le Second Empire, en application du Décret organique du 18 décembre 1852, fixant les modalités de l'hérédité dynastique, conformément à l'article 4 du Senatus-consulte du 7 novembre 1852, confirmé le 21 juin 1853 par le « Statut réglant la condition et les obligations des membres de la Famille Impériale », se concrétisa la différence entre les membres dynastes de la famille, réduits aux descendants à venir de Napoléon III et, à la suite, à ceux de Jérôme, ex-roi de Westphalie, appartenant seuls à la famille impériale et bénéficiant du prédicat d'Altesse Impériale, et ceux de la descendance de Lucien, non dynastes, membres de la famille (civile) de l'Empereur, portant le titre de prince, sans prédicat, sauf pour ceux ayant rang à la cour nommés, par courtoisie, Altesses. »
  10. Spyridion Pappas, « Un Napoléonide mort pour la Grèce, Paul-Marie Bonaparte : contribution à l'histoire du philhellénisme français (suite et fin) » in Revue d'histoire diplomatique, janvier- p.53 lire en ligne.

Bibliographie

  • A. Lievyns, Jean Maurice Verdot, Pierre Bégat, Fastes de la Légion d'honneur : biographie de tous les décorés accompagnée de l'histoire législative et réglementaire de l'ordre, vol. 1, Bureau de l'administration, (lire en ligne) ;
  • Cédric Lewandowski, Lucien Bonaparte, le prince républicain, Paris, Passés composés, 2019.
  • « Lucien Bonaparte », dans Adolphe Robert et Gaston Cougny, Dictionnaire des parlementaires français, Edgar Bourloton, 1889-1891 [détail de l’édition]

Liens externes

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