Wisigoths

Les Wisigoths (« Goths sages » ou, comme dans le mot allemand et néerlandais Westgoten, « Goths de l'ouest ») ou Tervinges (« peuple de la forêt ») étaient un peuple germanique issu des Goths. Les Wisigoths sont ceux qui, migrant depuis la région de la mer Noire, s'installèrent vers 270-275 dans la province romaine abandonnée de Dacie (actuelle Roumanie), au sein de l'Empire romain, alors que les Ostrogoths s'installèrent, pour leur part, en Sarmatie (actuelle Ukraine). Les Wisigoths migrèrent à nouveau vers l'ouest dès 376 et vécurent au sein de l'Empire romain d'Occident, en Hispanie et en Aquitaine. Les Ostrogoths, eux, migrèrent aussi vers l'ouest, mais plus tard que les Wisigoths, et vécurent en Italie. Wisigoths et Ostrogoths sont classés dans la branche ostique des peuples germaniques. Après la chute de l'Empire romain d'Occident (476), les Wisigoths ont continué pendant près de 250 ans à jouer un rôle important en Europe occidentale. C'est l'un des peuples barbares les plus prestigieux d'Europe, tant par sa longue histoire et ses origines mythiques, que par les traces qu'il laissa longtemps dans les esprits.

Wisigoths

Les aigles représentés sur ces fibules du VIe siècle, et trouvés à Tierra de Barros (Badajoz), étaient un symbole populaire parmi les Goths en Espagne.

Période IIIe - VIIIe de notre ère
Ethnie Germains
Langue(s) langues germaniques
Religion paganisme, puis arianisme
Région d'origine nord de la mer Noire, Dacie, puis Europe occidentale, notamment Espagne et Sud de la Gaule
Rois/monarques Ariaric, Alaric Ier, Athaulf, Théodoric Ier

Alors qu'ils occupent l'ancienne province romaine de Dacie depuis la fin du IIIe siècle, les Wisigoths adoptent peu à peu l'arianisme, à partir de l'année 341, c'est-à-dire une forme du christianisme qui affirme que Jésus-Christ n'est pas Dieu, mais un être distinct créé directement par ce dernier. Cette croyance est en opposition avec l'orthodoxie chrétienne, majoritaire dans l'empire romain quand les Wisigoths s'y installent. Officiellement, les Wisigoths restent fidèles à cette foi, qualifiée d'« hérésie » par l'Église trinitaire, jusqu'en 589, lorsque le roi Récarède Ier (en espagnol : Recaredo) choisit de se convertir publiquement, faisant ainsi joindre officiellement l'Église trinitaire au royaume wisigothique d'Espagne. Toutefois, même après cette date, un parti arien demeure fort actif et influent, notamment dans la noblesse jusqu'au début du VIIIe siècle dans les derniers jours du royaume.

Étymologie

Évolution des Ostrogoths et des Wisigoths, Ier – Ve siècles.
Migrations wisigothes.

Le terme de « wisigoth » est une invention du VIe siècle. Cassiodore, un Romain au service de Théodoric le Grand, inventa le terme Visigothi en combinant les termes Visi et gothi pour faire pendant à celui d’Ostrogothi, termes qu'il considérait comme signifiant respectivement « Goths de l'Ouest » et « Goths de l'Est ». Cassiodore utilise le terme de « Goths » pour se référer uniquement aux Ostrogoths, qu'il a servis, et réserve le terme géographique « Wisigoths » pour les Goths gallo-espagnols. Cet usage, cependant, a été adopté par les Wisigoths eux-mêmes dans leurs communications avec l'Empire byzantin et était encore en usage au VIIe siècle.

Les Wisigoths sont appelés Wesi ou Wisi par Trebellius Pollio, Claudien, et Sidoine Apollinaire. Le mot wesi signifie en gothique « est… quelque chose » (du verbe wisan conjugué à la 3e personne du singulier, à l'indicatif). Le mot wisi est relié à l'adjectif weis ou wiss et signifie « avisé, instruit ». La contraction de ces deux termes désignerait « le peuple avisé, instruit ».

Ainsi, le terme Wisigoth ne signifie pas plus « Goth de l'Ouest », comme l'affirme Jordanès[1], que celui d'Ostrogoth ne veut dire « Goth de l'Est ». Si, à partir du Ve siècle, les Wisigoths s'installent effectivement à l'ouest (en Hispanie) et les Ostrogoths à l'est (dans l'Empire byzantin puis en Italie), leurs situations respectives auraient alors été inversées par rapport à celle qui prévalait avant le commencement des grandes migrations du siècle précédent, lorsque les deux peuples se trouvaient sur les rives du Pont-Euxin.

Des études linguistiques des racines lexicales donnent donc une autre interprétation de ces deux termes, celui de Goths « instruits » (visi-)[2] et de Goth « brillant » (ostro-). Malgré tout, la signification traditionnelle (« Goths de l'Ouest ») s'est durablement établie notamment en Allemagne, où elle s'est imposée sous la forme de Westgoten[3].

Histoire

Les origines des Goths. Migrations des Wisigoths

Les Goths, selon le récit de Jordanès, seraient venus de Scandinavie. Cette migration se serait probablement passée au Ier siècle. Selon les archéologues des tombes semblent attester de populations de cette origine à l'embouchure de la Vistule (Nord Pologne), et ces populations se seraient fondues dans les groupes locaux pour former les premiers Goths : la culture de Wielbark, entre le Ier et le IVe siècle. Leurs villages n'ont pas de plan apparent. Ils pratiquent l'élevage, des cultures, des activités artisanales et l'extraction du fer. Ils contrôlent la route de l'ambre et entretiennent des relations commerciales avec les romains. Dans leur migration vers la mer Noire, les sources écrites distinguent les Ostrogoths des Wisigoths (identifiés à la culture archéologique de Tcherniakhov sur la mer Noire)[4].

Les Wisigoths sont donc apparus pour la première fois dans l'Histoire en tant que peuple distinct en 235, quand ils entrèrent en Dacie, où ils s'allièrent avec une partie des Daces, les Carpiens. À partir de 238, ils s'attaquent à l'Empire romain et tentent de s'installer dans la péninsule des Balkans. Cette invasion concerna aussi les provinces romaines de Pannonie et d'Illyrie et menaça même l'Italie. Cependant, les Wisigoths furent battus près des frontières modernes de la Serbie et de la Bulgarie, à la bataille de Naissus, en .

Au cours des trois années suivantes, ils furent repoussés au-delà du Danube, en Dacie, par une série de campagnes militaires menées par l’empereur Claude II le Gothique, le futur empereur Aurélien étant le commandant de la cavalerie. En 271, Aurélien dut évacuer la Dacie, transférant l'administration et la majeure partie des colons romains vers une nouvelle province alors créée au sud du Danube : la Dacie aurélienne[6].

Les Wisigoths restent en Dacie jusqu'en 376, lorsqu'un de leurs deux chefs, l'arien Fritigern, fait appel à l'empereur romain Valens et lui demande l'autorisation de pouvoir s'installer sur les berges sud (rive droite) du Danube, afin de se protéger des Huns, établis sur la rive nord (gauche) du fleuve. Valens accorde sa permission et aide même les Wisigoths à traverser le Danube sur la glace. En retour, Fritigern doit fournir des mercenaires pour l'armée romaine.

C'est une période d'hivers très rudes[7] et l'année suivante, les terres occupées par les Wisigoths connaissent la famine, et ils réclament des vivres aux gouverneurs romains de leurs territoires. Comme Valens ne répond pas aux appels à l'aide de Fritigern, celui-ci prend les armes. La guerre qui s'ensuit se termine le lors de la bataille d'Andrinople où Valens est blessé et meurt. Fritigern, victorieux, est reconnu comme roi par son peuple et les Wisigoths deviennent la principale puissance des Balkans.

Le successeur de Valens, Théodose Ier, conclut la paix avec Fritigern en 379. Le traité est respecté jusqu'à la mort de Théodose en 395. Cette même année, Alaric Ier, le plus célèbre des rois Wisigoths, monte sur le trône, alors qu'à l'empereur Théodose succédent ses deux fils : Arcadius en Orient et Honorius en Occident.

Au cours des quinze années suivantes, les conflits sont entrecoupés par des années d'une paix vacillante entre Alaric et les puissants généraux germaniques qui commandent les armées romaines.

Mais, après l'assassinat du général d'origine vandale Stilicon (Stillicho) par Honorius en 408 et le massacre des familles de 30 000 soldats wisigoths servant dans l'armée romaine, Alaric déclare la guerre. Il est bientôt aux portes de Rome, et devant le refus d'Honorius de négocier, les Wisigoths pillent la ville le . Cet événement frappa considérablement les esprits des contemporains, et reste, pour beaucoup, l'événement symbolique marquant la fin de l'Antiquité.

Le royaume wisigoth

Colonne provenant de la Daurade. Toulouse. Royaume des Wisigoths
IVe début Ve siècle
Fragment de mosaïque, tesselles noires, rouges et à fond d'or, provenant de la Daurade. Royaume des Wisigoths
Ve siècle[8]
Trésor funéraire de Pouan, Ve siècle, attribué à un haut dignitaire contemporain de Théodoric Ier (?-451)

Les Wisigoths et leur nouveau roi Athaulf, beau-frère d'Alaric, entrent en Gaule, ruinée par les invasions des années 407 à 409. En 416, les Wisigoths et leur roi Wallia continuent leur migration dans la péninsule Ibérique où ils sont envoyés à la solde de Rome pour combattre les Vandales.

Lorsque la paix avec les Romains est conclue par le fœdus de 416, Honorius accorde aux Wisigoths des terres dans la province Aquitaine seconde (actuellement Bordelais, Charentes et Poitou). La sédentarisation en Aquitaine a lieu après la mort de Wallia. Les Wisigoths pénétrent en Espagne dès 414, comme fédérés de l'Empire romain.

Le royaume des Wisigoths a d'abord Toulouse comme capitale. Le palais, dont on a mis au jour un long mur et des fondations, se trouvait à proximité de l'ancienne église de la Daurade, dont quelques éléments architecturaux et un décor de mosaïque à fond d'or témoignent des productions artistiques sous les rois wisigoths. Les mosaïques à fond d'or étaient pratiquées dans l'Empire romain avant son effondrement comme à Ravenne au Mausolée de Galla Placidia, dans le style paléochrétien, et aussi dans la partie orientale, l'empire byzantin, ensuite (à Ravenne, Basilique Saint-Apollinaire in Classe).

En 451, les Wisigoths participent, sous la direction de Théodoric Ier, à la coalition menée par le romain Aetius, qui vainc Attila et les Huns à la bataille des champs Catalauniques (451). Le vieux roi y perd la vie, et une découverte fortuite en 1848 d'une personne de haut rang inhumée dans ce qui pourrait être le lieu cette bataille, a fait imaginer que l'on avait trouvé là le corps du roi et ses armes. Mais rien ne permet d'étayer cette supposition (en 2020, à l'occasion de l'exposition "Wisigoths", au musée Saint-Raymond[9]).

Couronne votive du Roi Réceswinthe. Trésor de Guarrazar (Espagne)
Croix votive wisigothe. VIIe siècle

Lorsque Clovis les bat à la bataille de Vouillé en 507, ils ne conservent que la Septimanie (correspondant au Languedoc) et une partie de la Provence avec l'aide des Ostrogoths. Les Wisigoths s'installent alors en Hispanie avec leur capitale à Tolède pour toute la suite. En 575, ils conquièrent le royaume des Suèves (situé dans le nord du Portugal et la Galice). En 711, le royaume wisigoth d'Hispanie est détruit sauf le nord par les musulmans ; et Pélage avec les Astures, quelques nobles wisigoths et une population wisigothe fuyant les Maures se réfugie dans les Asturies et commençe la Reconquête[10],[11].

F. Navarro Villoslada (1818-1895) dans son livre Covadonga (1857) écrit : « Avec une telle vie, leur esprit et leur corps ont été revigorés en même temps. Ils n'étaient plus les Wisigoths lâches et efféminés de Witiza, ils étaient les dignes descendants de cette race teutonne venue mêler son sang à celui du Bas Empire pour sauver la civilisation européenne, ils étaient ces fils du Nord que l'on appelait le fléau de Dieu[12] ».

Dans le territoire occupé par les musulmans, les formes d'organisation culturelles et juridiques datant de la fusion des cultures romaine et wisigothique perdurèrent discrètement.

Chronologie

Fibule en forme d'aigle à décor ajouré. Trésor de Pietroasa, Roumanie. H. 26 cm. fin IVe début Ve siècle[13].

Notes et références

  1. Jordanès, Histoire générale des Goths, Vve de Cl. Barbin, , 287 p. (lire en ligne).
  2. « Die gotische Sprache » par Koebler et Streitberg.
  3. C. Gauvard, La France au Moyen Âge, 2002, p. 4.
  4. Musée Saint-Raymond, dossier de presse, 2020.
  5. À gauche : « Cette paire de fibule représente la version précoce du modèle porté par les femmes de culture wisigothique dans le sud de la Gaule au Ve siècle » (cartel du musée Saint-Raymond).
  6. (ro) Selon Alexandru Avram, Mircea Babeş, Lucian Badea, Mircea Petrescu-Dîmboviţa et Alexandru Vulpe (dir.), Istoria românilor : moştenirea timpurilor îndepărtate Histoire des Roumains : l'héritage des temps anciens ») vol.1, éd. Enciclopedică, Bucarest 2001, (ISBN 973-45-0382-0), le roman oriental resta lingua franca des populations rurales et pastorales transhumant sur les deux rives du Danube ; mais selon Eduard-Robert Rössler dans Romänische Studien : untersuchungen zur älteren Geschichte Rumäniens, Leipzig, 1871, développant les théories antérieurs de Franz-Josef Sulzer et de Josef-Karl Eder, c'est la totalité de la population qui aurait été transférée en Dacie aurélienne, de sorte que six siècles plus tard, les Magyars trouvèrent un pays désert (Awarenwüste) lorsqu'ils s'installèrent dans la région : Histoire de la Transylvanie / La Transylvanie de la préhistoire jusqu’à l’arrivée des tribus hongroises.
  7. William V. Harris, « Bois et déboisement dans la Méditerranée antique », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 66, no 1, , p. 105-140 (lire en ligne).
  8. Les lettres qui subsistent VBI pourraient être complétées ainsi VBI ALMA MARIA (voici la Vierge Marie) (Référence : ). Cet usage du fond d'or était pratiqué dans l'Empire romain, avant son effondrement, et fut poursuivit dans les mosaïques byzantines.
  9. Laure Barthet et Jean-Luc Boudartchouk, « Wisigoths. Rois de Toulouse », sur INRAP, (consulté le ).
  10. (es) Juan Ignacio Ruiz de la Peña Solar, « Pelayo » [citation non littérale du texte (soutien de l’argument)], sur Académie Royale d’Histoire.Espagne (consulté le ).
  11. (es) F. Navarro Villoslada, « Covadonga », sur wikisource (consulté le ).
  12. (es) F.Navarro Villoslada, « El Museo universal (1857) sous-titre: Covadonga », sur Wikisource, (consulté le ).
  13. Alexandru Odobescu, Le Trésor de Pétrossa, Étude sur l'orfèvrerie antique, Tome deuxième, Éditions J. Rothschild, Paris, 1889 (réédition : Cultura, Wetteren (Belgique). Musée national d'histoire de Roumanie, Inv. 11431 : Or, argent, grenat, cristal de roche. Sa taille exceptionnelle rapproche cette fibule des grandes broches impériales romaines. (Cartel du musée Saint Raymond, 2020)

Voir aussi

Expositions

Bibliographie

  • Suzanne Teillet, Des Goths à la nation gothique. Les origines de l'idée de nation du Ve au VIIe siècle, Paris, éd. Les Belles Lettres, , 687 p. (ISBN 2-251-32838-6).
  • (en) Arne Soby Christinsen, Cassiodorus, Jordanes and the History of the Goths : Studies in a Migration Myth, Copenhague, Museum Tusculanum Press, , 391 p. (ISBN 978-87-7289-710-3, lire en ligne).
  • Céline Martin, La géographie du pouvoir dans l'Espagne wisigothique, Lille, Presses universitaires du Septentrion, , 407 p. (ISBN 2-85939-815-5, lire en ligne).
  • Georges Labouysse, Les Wisigoths : peuple nomade - peuple souverain (Ier – VIIIe siècle), Portet-sur-Garonne, éd. Loubatières, , 2e éd., 204 p. (ISBN 978-2-86266-432-3).
  • (en) Jocelyn Nigel Hillgarth, The Visigoths in History and Legend, Toronto, Pontifical Institute of Mediaeval Studies, , 252 p. (ISBN 978-0-88844-166-9, présentation en ligne).
  • Christine Delaplace, La fin de l'Empire romain d’Occident : Rome et les Wisigoths de 382 à 531, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », , 376 p. (ISBN 978-2-7535-4295-2, présentation en ligne).
  • (en) Roger Collins, Visigothic Spain : 409-711, Malden et Oxford, Blackwell Publishing, , 263 p. (ISBN 0-631-18185-7, 9780631181859 et 9781405149662, OCLC 52814206)
  • collectif, « Les Wisigoths », Dossiers d'archéologie, n°398, mars-.
  • (es) J. Arce, Esperando a los arabes, los visigodos en Hispania, Madrid, Marcial Pons, 2011.
  • M. Kasanski, J. Lapart, « Quelques documents du Ve siècle après J-C, attribuables aux Wisigoths découverts en Aquitaine », Aquitania, XIII, 1985, p.193-202.
  • Musée Saint-Raymond : Dossier de presse, « Wisigoths : rois de Toulouse », sur Musée Saint-Raymond, (consulté le ).

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du haut Moyen Âge
  • Portail de l’Europe
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.