Requiem (Fauré)

La Messe de requiem en ré mineur (ou simplement Requiem) op. 48 de Gabriel Fauré, écrite en pleine maturité de ce compositeur, est l'une de ses œuvres les plus connues.

Pour les articles homonymes, voir Requiem (homonymie).

L'histoire de sa composition s'étend de 1887 à 1901[jmn 1]. Elle fut créée le en l'église de la Madeleine[1]. Cette messe pour les défunts est considérée comme un des chefs-d'œuvre de Fauré et l'un des plus beaux Requiem du XIXe siècle. L'ouvrage, dont l'écriture est très personnelle, contient plusieurs morceaux que l'on peut ranger parmi les plus beaux et les plus émouvants de la musique chorale occidentale[s2 1].

Histoire

Motif de composition

Plaque commémorative au 154, boulevard Malesherbes à Paris. Musicien déjà réputé, Fauré s'installa dans ce quartier chic[as 1].

Par analogie avec le Requiem (1868) de Johannes Brahms, qui est souvent comparé avec celui de Fauré, on crut que sa composition était liée au décès de ses parents. En réalité, le Libera me date pour l'essentiel de l'automne 1877[s2 2], dix ans avant la mort de sa mère. Hélène Fauré comptait encore ses dernières semaines de vie, lorsque son fils commença à composer la messe des morts[as 1]. Fauré lui-même démentit plus tard ce lien en déclarant : « Mon Requiem a été composé pour rien… pour le plaisir, si j’ose dire ! Il a été exécuté pour la première fois à la Madeleine, à l’occasion des obsèques d’un paroissien quelconque. »[c 1],[s2 3]

En fait, Gabriel Fauré, maître de chœur à la Madeleine[ch 1], n'était pas satisfait par la tendance de son siècle à composer des Requiem théâtraux, romantiques, avec grand orchestre symphonique[ms 1]. Il détestait en particulier le Requiem (1837) d'Hector Berlioz[ms 2]. D'autre part, ce XIXe siècle s'illustrait de l'évolution de l'opéra, lequel pénétrait dans la pratique de la liturgie de l'église. Il était habituel que l'organiste joue sa mélodie préférée, qui était issue de l'opéra et à la mode. Chose symbolique, en 1864, la fanfare du jubilé du Puy-en-Velay ne fut autre qu'une mélodie de l'opéra Norma de Vincenzo Bellini[2]. L'exécution de la musique de l'opéra dans l'église se continua jusqu'à ce que le nouveau pape saint Pie X l'interdise (motu proprio Inter pastoralis officii sollicitudines, 1903). Il fallait que Fauré compose un Requiem, qui s'adaptait tant aux oreilles contemporaines qu'à la liturgie de l'église[as 2].

Version d'église

Deuxième page du manuscrit autographe de Fauré, Introït (Bibliothèque nationale de France, département de la musique, manuscrit 410 [manuscrit en ligne]).

Une trace du Requiem, le répons Libera me, remonte en 1877. Il s'agissait d'une pièce pour baryton et orgue[ms 3],[s2 4]. D' à , Fauré créa une première version de l'œuvre, présentée à son ami Paul Poujaud comme « petit Requiem. »[c 2]. Cette première mouture se composait de l'Introït (1887), du Kyrie (1887), du Sanctus (1888), du Pie Jesu (1887)[dh 1] ni d'Agnus Dei (1888) et d’In paradisum (1887)[1].

À peine la composition avait-elle été terminée, l'œuvre originelle fut entendue pour la première fois le , à l'église de la Madeleine[1]. C'était lors d'une messe du « bout de l'an » (ici pour le premier anniversaire du décès de Joseph-Michel Le Soufaché, architecte célèbre[as 1]). Le soprano solo était un enfant du chœur Louis Aubert, futur élève de Fauré au conservatoire[as 1]. L'orchestration n'était pas encore complétée[1],[jmn 2]. Une petite histoire rapporte ce dialogue avec le curé à la fin de l'office : « Qu'est-ce donc que cette messe des morts que vous venez de faire chanter ? — Mais, monsieur le curé, c'est un Requiem de ma composition ! — Monsieur Fauré, nous n'avons pas besoin de toutes ces nouveautés ; le répertoire de la Madeleine est bien assez riche, contentez-vous-en ! »[3],[s2 5]. Un manque d'audace assez courant. Mais il indiquait aussi que, dans ce cas au moins, l'Église ne souhaitait plus autant qu'à certaines époques être un moteur de la création musicale. Habituelles divergences entre une autorité (ici ecclésiastique) et un musicien, pas toujours docile, que l'institution s'était pourtant choisi... Parallèlement, Fauré trouva bientôt son collaborateur parmi les chanteurs, pour terminer l'orchestration.[jmn 2].

Il manquait encore l′Offertoire, qui fut complété entre 1889[dh 2] et 1891[1]. En ce qui concerne le Libera me, son achèvement n'arriva qu'en 1890 ou 1891[as 1]. L'exécution de ce dernier eut lieu le à l'église Saint-Gervais par un baryton de l'opéra national de Paris Louis Ballard[s2 4]. C'est dans cet état de composition et d'orchestration, en tant que version dite « de 1893 » ou « version pour orchestre de chambre », qu'elle fut exécutée à la Madeleine sous la direction de Fauré, le , lors de la commémoration du centenaire du trépas de Louis XVI[s2 6],[ms 2]. L'œuvre fut exécutée jusqu'à la fin du siècle une douzaine de fois, parfois à l'extérieur de la Madeleine, mais toujours sous la baguette du compositeur[jmn 3]. Néanmoins, une fois complétée, celle-ci commença à intéresser Julien Hamelle, maison d'édition de Fauré[4].

Version pour orchestre symphonique

Même après cet achèvement, Gabriel Fauré ne cessa pas de raffiner la partie d'orchestre, selon son dessein musical. Car, sans violons ni bois, son orchestration était si étrange que l'éditeur Hamelle avait refusé la publication de la version de 1893[ch 2]. Puis le manuscrit autographe fut confié à Jean Roger-Ducasse, élève de Fauré, pour réaliser une réduction pour piano[jmn 3]. Toutefois apparut subitement une réorchestration de l'oeuvre, en 1900, destinée aux concerts. Il est toujours très difficile d'identifier l'auteur de cette version. Son origine reste floue. Non seulement son manuscrit original disparut mais Fauré lui-même n'en fit aucune mention. Le seul témoignage était le contrat avec Julien Hamelle, signé le [jmn 3]. Toutes les circonstances suggèrent que l'auteur de la version symphonique serait Roger-Ducasse[dh 3]. À moins que des documents contradictoires soient trouvés, reste l'hypothèse suivante : Roger-Ducasse fournit spontanément son édition enrichie, au lieu de perfectionner la réduction pour piano. Sans difficulté, il réussit à convaincre l'éditeur Hamelle, qui préférait de grands orchestres, selon la mode de l'époque[dh 4]. Hamelle recommanda à Fauré d'accorder son autorisation pour l'usage de cette version en concert[jmn 3].

Quoi qu'il en soit, la version symphonique fut, avant sa publication en , présentée le au Palais du Trocadéro sous la direction de Paul Taffanel[ch 3], au cours du quatrième « Concert officiel » de l'Exposition universelle de 1900. Taffanel dirigea le chœur et l'orchestre de la Société des concerts du Conservatoire à Paris, avec Amélie Torrès (soprano), Jean Vallier (baryton) et Eugène Gigout[ch 4] (orgue)[ch 5].

Puis, Eugène Ysaÿe dirigea cette version à Bruxelles le [ch 6]. Amélie Torrès reprit le solo[ch 7] alors que Jean Vallier fut exclu[ms 1]. À Nancy, sous la direction de Guy Ropartz, l'œuvre fut exécutée le . Ces concerts furent suivis d'un autre à Marseille dirigé par Paul Viardot le . Cette année-là, celle-ci entra donc très rapidement dans le programme des concerts, grâce auxquels elle gagna une bonne popularité[ch 8],[dh 2].

En 1916, à son ancien élève, Camille Saint-Saëns accorda cette distinction : « Ton Pie Jesu est le SEUL Pie Jesu, comme l'Ave verum corps de Mozart est le SEUL Ave verum[5]. »

Après avoir dirigé lui-même cette version, Fauré sélectionna son successeur, en lui offrant une partition d'orchestre[jmn 2]. Nadia Boulanger commença son exécution en 1920, avant la démission de son professeur, frappé par une irréversible surdité. Dans cette solitude, le compositeur déclara à René Fauchois, par lettre datée du , son sentiment sur la foi, avec lequel il précisa l'idée principale de l'œuvre : « la confiance dans le repos éternel »[as 3].

À la suite du décès de Fauré, le gouvernement français décréta ses obsèques nationales . Celles-ci eurent lieu, le , à l'église de la Madeleine, si étroitement liée au compositeur et à son Requiem. Ce dernier y fut exécuté sous la direction de Philippe Gaubert, en qualité de chef de l'orchestre de la Société des concerts du Conservatoire. Henri Dallier, successeur de Fauré à la Madeleine, joua l'orgue. Charles Panzéra et Jane Laval étaient les solistes. Nadia Boulanger, quant à elle, lut le testament de feu son professeur[6].

Diffusion

Programme de la première audition à Barcelone, le , dirigée par Gabriel Fauré lui-même, dans lequel les sept pièces étaient détaillées. On comprend que le Requiem pouvait justifier un concert pendant le Carême, au Grand théâtre du Liceu.

Le Requiem de Fauré se fit connaître rapidement en France et dans les pays voisins. Plus tard, l'œuvre traversa l'océan Atlantique. Le , Louis Bailly dirigea ce Requiem en collaboration avec l'Institut Curtis qui fournissait le chœur et l'orchestre, au Philadelphia Museum of Art. Il le fit exécuter de nouveau, le , cette fois-ci au Carnegie Hall à New York[7]. Une source mentionnait cependant en 1937 un concert plus ancien du , avec l'orgue, l'orchestre à cordes et le chœur, à la First Baptist Church à Newton près de Boston[7].

Une large diffusion de l'œuvre dans les pays anglo-saxons (dont deux capitales) fut effectuée par Nadia Boulanger. La première exécution du Requiem en Angleterre se tint en au Queen's Hall à Londres. Plusieurs critiques manifestèrent leur admiration avec enthousiasme[jb 1]. Le premier concert de Boulanger aux États-Unis eut lieu en à la cathédrale nationale de Washington[jb 2], et elle continua à diriger l'œuvre de son professeur, avec ses propres messages de consolation, durant toute la Seconde Guerre mondiale, à Boston et ailleurs. En réponse à une demande de l'association des Amis de la musique à Toledo, un concert du Requiem eut lieu le , à la mémoire des soldats de cette commune morts au front[jb 3]. Ainsi, le Requiem de Fauré réunissait les pays pendant cette période difficile[jb 2].

Successeurs

Conçue avec l'intention de renouveler le répertoire des obsèques à la Madeleine[jmn 3], la version d'église pourrait répondre à la réforme liturgique de Pie X. Cette immense refonte de la liturgie débuta en 1903. Le Saint-Siège l'aurait appréciée, si l'œuvre avait satisfait l'article III du motu proprio, qui n'autorisait aucune modification des textes sacrés.

Malgré cette interdiction, la structure créée par Fauré fut suivie, plus tard, de deux œuvres de compositeurs français, d'une part le Requiem (1938) de Joseph-Guy Ropartz. Maurice Duruflé aussi acheva son célèbre Requiem (1947). Né en 1902 et souvent organiste du Requiem de Fauré (surtout pour deux enregistrements sortis en 1948 et 1952), il composa le sien, sous influence de l'Édition Vaticane.

Au contraire, d'autres musiciens du XXe siècle n'hésitèrent pas à critiquer les caractéristiques de cette œuvre. Ainsi, Olivier Messiaen puis Pierre Boulez, deux grands compositeurs français, dont les esthétiques étaient très différentes de la sienne, ne l'apprécièrent jamais[as 3].

Œuvre

Structure

Cette œuvre dure « environ 30 minutes ou 35 au plus » selon le compositeur[ch 9] et est en sept parties :

Cette liste se caractérise de l'absence de Dies iræ, une partie dramatique. En fait, Fauré profita du Requiem selon le rite parisien, entièrement adopté par Eustache Du Caurroy († 1609). Le rite omettait la Dies iræ mais employait le motet Pie Jesu [8]. Et Théodore Dubois, son supérieur à la Madeleine, avait adopté cette structure[9] tandis que Fauré connaissait le motet Pie Jesu de Louis Niedermeyer[10], qui était le fondateur et enseignant de l'école Niedermeyer de Paris où Fauré était élève.

Le compositeur fit la fusion entre l'Agnus Dei et la communion Lux æterna. Surtout, il transforma les deux antiennes des obsèques en grégorien, In paradisum et Chorus angelorum, en une pièce contemporaine.

Les pièces avaient été intitulées, soit par leurs premiers mots (incipit) en grec (Kyrie) ou en latin (Sanctus, Pie Jesu, Agnus Dei, Libera me et In paradisum), soit selon les termes liturgiques en français (Introït et Offertoire).

Versions et orchestrations

La version originale, datant de , relève d'un stade inachevé, en cinq parties. Son orchestration se caractérisait, en excluant les bois et les violons, de son ton particulier, assez sombre[s2 7] :

Première page d'In paradisum (1888, bibliothèque nationale de France, département de la musique, manuscrit 413 ; les violons et les bassons furent ajoutés tardivement.) [manuscrit en ligne]

La première version complète de l'œuvre peut être datée de l'année 1893. En plus de nouveaux mouvements (Offertoire et Libera me), Fauré ajoutait successivement les instruments et voix suivants[dh 5] :

Mais cette version modeste et liturgique ne fut pas acceptée par l'édition Julien Hamelle[ch 2]. Sans être publiée, la version 1893 tomba dans l'oubli. Ce qui est connu depuis sa publication est une version symphonique destinée au concert. De nos jours, cette édition peut être attribuée à Jean Roger-Ducasse mais à identifier[jmn 3]. Alors que la partie de voix demeure identique, cette version se caractérise de plus de vents, de cuivres et de cordes[jmn 5] :

  • chœur à 4 (6) voix (SATTBB)
  • soprano solo (désormais soit garçon, soit femme)
  • baryton solo
  • 2 flûtes
  • 2 clarinettes
  • 2 bassons
  • 4 cors
  • 2 trompettes
  • 3 trombones
  • timbales
  • harpe
  • violons (partie unique)
  • altos
  • violoncelles
  • contrebasses
  • orgue

Caractéristiques remarquables

L'œuvre de Gabriel Fauré ne ressemble, certes, à aucun Requiem de l'époque. Toutefois, il la composa sous influence des musiques anciennes, enseignées à l'école Niedermeyer de Paris[ms 4] : « Par musique d'église, nous entendons tous les chants qui retentissent dans le sanctuaire : musique sacrée, plain-chant, orgue. Pour le plain-chant, nous disons Saint-Grégoire (sic), pour la musique sacrée, nous disons Palestrina,[12]...» (Louis Niedermeyer, 1857).

Prières chantées

Mot incompréhensible « pour le plaisir[c 1] », quand on s'aperçut que le manuscrit autographe BNF 412 est remarqué d'un nombre considérable de modifications sur son Agnus Dei . D'ailleurs, le compositeur précisait : « un baryton basse tranquille, un peu chantre [ch 9]». En consultant la partition, on constate que cette qualification règle toute l'œuvre. Fauré lui-même le soulignait : « elle est d'un caractère DOUX comme moi-même !! dans son ensemble[ch 9] ». Il est exact que 368 mesures sur 577, soit 64%, sont exécutées en p, pp ou ppp. En outre, toutes les pièces se commencent et se terminent en p. D'autre part, tous les textes sont des prières pour le défunt, à l'exception du Sanctus, louange dans la messe[20],[21]. La Dies iræ renoncée ou exclue, mais son dernier verset Pie Jesu, qui est la prière de conclusion, conservé. D'où, même si Fauré développait les dynamiques musicales d'un tiers de mesures, l'ouvrage demeure calme[s2 3]. Pourtant, le reste, deux tiers, est loin d'être peu musical. Fauré était capable de maîtriser les formes anciennes telle la richesse de prose, au lieu des dynamiques. Mais afin de satisfaire les oreilles de l'époque, il poursuivait ses propres modes, et non en modes grégoriens[22],[as 2]. L'analyse de la partition confirme que, tout comme le gregorien, l'ouvrage était conçu en tant que prières chantées.

pièce début fin mesure en p mesure en pp mesure en ppp mesure au total  % (p, pp et ppp)
Iff > (mesure 1, accompagnement) / pp (mesure 2, chœur)pp341859163%
IIpppp362659571%
IIIp (accompagnement) / pp (chœur)pp940-6279%
IVpppp1710-3871%
V[p][jmn 8] / p (mesure 7, ténors et accompagnement)p3813-9454%
VIppp5114-13648%[s2 8]
VIIpppp331096185%
(édition révisée et restituée par Jean-Michel Nectoux, 1998)

En qualité de maître de chœur (1877 - 1896), Fauré composa l'œuvre. Cela explique un autre caractère : la composition de voix est si peu polyphonique[dh 2] que les Paroles sont bien entendues dans ce Requiem, y compris IV Pie Jesu en solo. Le rôle des instruments est orner la voix avec soin, en manière de polyphonie. Plus précisément , il s'agit du contrepoint duquel Fauré bénéficiait[23].

pièce mesure polyphonique de voix solo (A) monodie (B) homophonie (C) (A) + (B) + (C) orchestre seul
I--334376 (100%)15
II2139-2261 (74%)13
III2-48452 (96%)8
V7-382967 (91%)20
VI-393259130 (100%)6
VII10-341347 (82%)4
(même édition)

Évolution des études

Découverte des manuscrits autographes de la version de 1893

En dépit d'une bonne célébrité, l'origine du Requiem restait obscure. Notamment, il manquait de manuscrits du compositeur. En réalité, la bibliothèque nationale de France conserve toujours, après le décès de Fauré en 1924, quatre partitions autographes[dh 7]. Ces manuscrits 410 - 413, hormis le Pie Jesu, furent redécouverts par le compositeur britannique John Rutter qui préparait son propre Requiem[24]. Il s'agit des autographes en faveur de la première audition, parmi lesquels deux partitions avaient été datées des 6 et . Le compositeur les utilisait jusqu'en 1893 environ, en améliorant ces matériaux.

Cette découverte fit avancer les recherches. D'abord, ces autographes sont un témoin du prototype du Requiem, assez modeste. Puis, il devint évident que l'œuvre fut progressivement enrichie par le compositeur. Les manuscrits conservent ensuite l'état de l'œuvre achevée et complétée vers 1893. Cependant, on s'aperçoit que son orchestration se distingue de celle de la version de concert de 1900. Aussi se demande-t-on si la version symphonique eût été sortie par Fauré lui-même[s2 6]. Ainsi, la réorchestration des instruments à vent est considérablement différente de celle de 1893[s2 6].

En constatant une incohérence entre la partie de voix et celle d'orchestre, Jean-Michel Nectoux aussi cherchait cette version hypothétique. C'était Joachim Havard de la Montagne, maître à la Madeleine, qui decouvrit en 1969 des partitions d'orchestre du prototype, desquelles l'auteur était un membre du chœur. Fauré copia la plupart des parties pour les cors et trompettes (BNF manscrit 17717[25]). Ce musicien, un certain Manier, était donc un collaborateur de la partie d'orchestre. Par ailleurs, on y trouve un morceau de l'Offertoire, en tant que baryton solo[26]. En résumé, ces documents anciens permettent de rétablir la version complétée vers 1893.

Le premier enregistrement de cette version fut effectué en 1984 par John Rutter. Ce disque fut récompensé l'année suivante par le Gramophone Classical Music Awards. Puis, pour l'événement du centenaire de la première audition, Philippe Herreweghe dirigea celle-ci, le à la Madeleine[s2 9].

Si John Rutter fit ensuite publier son édition en 1989 chez Oxford University Press, sa rédaction était critiquée par les spécialistes, en raison de son amateurisme[dh 8]. De surcroît, ce musicien ne consulta que les manuscrits 410 - 413[dh 9]. Comme cette version d'église demeure authentique et que la composition de l'orchestre de chambre adapte à la célébration liturgique, une meilleure édition était attendue. Nectoux répondit à ce besoin en sortant son édition critique. Toutes les partitions requises furent publiées en 1994 et 1995 chez l'édition Hamelle[27]. Roger Delage avait participé à cette rédaction importante[s2 9].

Historique

La publication de l'ouvrage eut le vent en poupe. L'édition Julien Hamelle vendit, en un siècle, 130 000 exemplaires de version de piano[jmn 2], ce qui reste un véritable témoignage. Supprimée dans le catalogue en 1998, cette édition était, en fait, loin d'être convenable[dh 10].

Les études récentes identifièrent de nombreuses causes. D'abord, l'œuvre était destinée à la liturgie[jmn 3]. Pour Hamelle, qui craignait l'échec de publication, il fallut encore plusieurs années d'évolution, dans la partie d'orchestre. Après avoir succédé à Théodore Dubois en 1896 à la Madeleine, ce nouveau responsable disposait moins de temps libre. Il ne put donc pas finaliser la rédaction, avec le projet de l'opéra Prométhée, dont la présentation était prévue aux arènes modernes de Béziers en [jmn 3]. Toutefois, Fauré avait perdu l'un de ses amis qui était capable de l'aider, Léon Boëllmann († 1897)[ch 11]. Enfin, en , le compositeur promit la disponibilité du manuscrit en état de publication, fixée pour le [ch 11]. La réduction au piano fut confiée, au dernier moment, à Roger Ducasse.

D'où, le résultat, première publication sortie en , était lourd pour Fauré. Ce dernier écrivit en à Eugène Ysaÿe : « Hélas, ces petites partitions sont bourrées de fautes ! »[c 3]. Il n'hésita pas à intervenir, en faisant quelque soixante-dix corrections sur un exemplaire de la première édition. Ce dossier se retrouva dans les archives du compositeur (manuscrit Rés. Vmb. 49)[jmn 9]. Or, cette édition révisée commettait encore beaucoup d'erreurs[jmn 10]. On peut penser que Fauré eût effectué ce remaniement dans une durée très limitée. À la suite de la publication de la version d'église, l'édition et Jean-Michel Nectoux décidèrent de remanier scientifiquement l'édition 1900. Parmi de nombreuses corrections[jmn 11] :

  • Libera me
    • « Tempo : Moderato (au lieu de Molto moderato dans R [cette version]), conformément à la reprise (mesure 84) et à E [version d'orchestre]. »
    • « mesure 56, Altos, la rédaction la plus logique est la (sur Di-es), et non fa que donnent E et R (cf. progression des accordes mesures 55/56 et analogie avec mesure 64).  »
    • « mesure 85, Ténors, nous restituons la tenue du mi (blanche) oubliée dans E et R (cf. Sopranos). »

Caractéristique

Actuellement, le manque d'autographes empêche d'établir stricto sensu une édition critique pour la version de concert 1900/1901.

Au regard de la nouvelle édition de Nectoux, il s'agit d'une édition quasi critique, car, en présentant leurs sources, ses remaniements sont détaillés à la fin de partition[jmn 12]. De plus sont consultés et respectés les corrections données par Fauré et des manuscrits autographes d'anciennes versions du XIXe siècle[jmn 2].

C'est une édition quasi critique. En effet, les erreurs étaient tellement nombreuses que Nectoux dut renoncer à noter toutes les corrections, afin d'éviter une partition trop lourde[jmn 10]. D'où, un grand nombre de corrections a priori ne sont pas notées[28].

En admettant qu'il s'agisse d'une synthèse jamais exécutée[29] avant le décès de Gabriel Fauré, cette édition est considérée plus correcte que les éditions 1900/1901. Son objectif est approcher plus proprement à ceux que le compositeur concevait, par exemple son texte musical ainsi que ses indications de tempo et de nuances[jmn 1].

Encore de nouvelles éditions semblables sont-elles possibles par d'autres musicologues, jusqu'à ce que les manuscrits autographes soient retrouvés (s'ils restent). Ainsi, chez la maison de Bärenreiter, une autre édition quasi critique fut sortie en 2011, sous la rédaction de Christina M. Stahl et de Michael Stegemann, dans laquelle l'éditeur précisait qu'il ne s'agit pas d'une édition définitive[4].

Liste des documents utilisés pour l'édition

Pour sa nouvelle édition, Jean-Michel Nectoux consultait tous les documents disponibles, en particulier ces sources[jmn 2] :

Liste des publications chez Julien Hamelle

  • 1900 (février) : Jean Roger-Ducasse (éd.), version pour chœur et piano, J. 4531. H., gravée par J. Guidez (Paris) et imprimée par Bigeard et Fils (Paris) (tirage à 200 exemplaires)
  • 1901 (février) 2e édition sans indication : Gabriel Fauré (éd.), version pour chœur et piano, J. 4531. H. (identique), avec la même mention de Copyright 1900 by J. Hamelle (premier tirage à 300 exemplaires)
    — édition entièrement révisée par le compositeur ; le remaniement correspondait au manuscrit BNF Rés. Vmb.49[jmn 1].
  • 1901 (septembre) : Jean Roger-Ducasse ? (éd.), version pour chœur et orchestre symphonique, J. 4650. H., gravée par J. Guidez et imprimée par A. Chaimbaud (Paris)
    — les examens récents indiquent que cette version demeure moins fiable que celle du piano au-dessus[jmn 1],[31].
  • 1994 : Jean-Michel Nectoux et Roger Delage (éd.), Requiem, Op. 48, pour soli, chœur et orchestre de chambre, Version 1893, AL 28 959, 118 p.[27]
  • 1998 : Jean-Michel Nectoux (éd.), Requiem, Op. 48, pour soli, chœur et orchestre symphonique, Version de concert, 1900, CHANT ET PIANO, HA 9 269 / AL 28 946, ISMN979-0-2307-9269-1, 87 p.[27]
    — voir ci-dessous Références bibliographiques

Discographie

On s'aperçoit une forte tendance. La plupart des enregistrements furent effectués dans les pays francophones et anglophones.

Références bibliographiques

Partitions

  • Gabriel Fauré / Jean-Michel Nectoux (éd.), Requiem, Op. 48, pour soli, chœur et orchestre symphonique, Version de concert, 1900, CHANT ET PIANO, éditée par Jean-Michel Nectoux, Julien Hamelle & Cie Éditeurs, Paris 1998, HA 9 269 - AL 28 946, ISMN 979-0-2307-9269-1, 87 p. (édition imprimée en )
  1. p.  vi
  2. p.  80
  3. p.  v
  4. p. 87 ; Nectoux : « In paradisum « mesure 33, chœur, A [manuscrit autographe 1888] comporte une respiration, sans doute à l'usage des enfants de la Madeleine, mais que des adultes éviteront.» » ; au sein de l'Église catholique, la voix des femmes ne fut autorisée qu'en 1955, par l'encyclique Musicæ sacræ disciplina.
  5. p. v, note no 3
  6. p. 34 - 35 et 86
  7. p.  42
  8. p. 42 ; au début, il n'y a pas de signe ; mais théoriquement en p, analogie avec mesure 7 de la partie de ténor et d'accompagnement.
  9. p. vi, note no 6 ; il est possible que Fauré voulût, malgré de nombreuses erreurs, défendre son élève, d'où cette intervention anonyme.
  10. p.  83
  11. p. 86-87
  12. p. 84-87
  13. p.  xi
  14. p.  13
  1. p; 58 : « Hóstias et preces tibi, Dómine, laudis offérimus ; tu súscipe pro animábus illis, quarum hódie memóriam fácimus ; fac eas, Dómine, de morte transíre ad vitam. Quam olim Abrahæ promisisti, et sémini eius. » Il faut remarquer que Fauré n'ait jamais fait l'élision pour le texte latin《 transire ad 》mais《 favorabl' à ce peuple 》《 offr' à ta gloire 》(Cantique de Jean Racine).
  2. p. 25 ; « Sanctus, Sanctus, Sanctus Dóminus Deus Sábaoth. Pleni sunt cæli et terra glólia tua. Hosánna in excélsis. »
  3. p. 59 - 60 : « In paradísum dedúcant te ángeli, in tuo advéntu suscípiant te mártyres, et perdúcant te in civitátem sanctam Ierúsalem. » ; « Chorus angelórum te suscípiat, et cum Lázaro quondam páupere ætérnam hábeas réquiem. »

Jean-Michel Nectoux

  • Gabriel Fauré - les voix du clair-obscur, collection Harmoniques, Flammarion, Paris 1990 (ISBN 2-080-66291-0) 616 p.
  • Fauré, collection Solfèges, Éditions du Seuil, Paris 1972 et 1995 (ISBN 2-02-000253-1) (1re édition) (ISBN 2-02-023488-2) (2e) 256 p.
  1. p.  75 ; Nectoux compte « le mystérieux canon de l' Offertoire, le sublime Amen qui vient clore l' Agnus Dei (sic, l'Offertoire), la rentrée des voix d'hommes et des alti (altos) dans l' In Paradisum [Jerusalem, Jerusalem] »
  2. p. 70 ; grâce à une correspondance inédite, qu'un des amis de Fauré avait expédiée à un autre, Nectoux l'identifia. La lettre indique que la composition coïncidait ses premières fiançailles avec Marienne Viardot. Cela ne donne, bien entendu, aucune explication sur le motif de création.
  3. p. 74 - 75 : (Fauré) « Mon Requiem ... on a dit qu'il n'exprimait pas l'effroi de la mort, quelqu'un l'appelé une berceuse de la mort. Mais c'est ainsi que je sens la mort : comme une délivrance heureuse, une aspiration au bonheur d'au-delà, plustôt que comme un passage douloux. On a reproché à la musique de Gounod d'incliner trop à la tendresse humaine. Mais sa nature le prédisposait à sentir ainsi : l'émotion religieuse prend en lui cette forme. Ne faut-il pas accepter la nature de l'artiste ? Quant à mon Requiem, peut-être ai-je aussi, d'instinct, cherche à sortir du convenu, voilà si longtemps que j’accompagne à l’orgue des services d’enterrement ! J’en ai par-dessus la tête. J’ai voulu faire autre chose. » (entretien avec Louis Aguettant le 12 juillet 1902, publié dans Comœdia les 3 - 9 mars 1954)
  4. p.  70
  5. p. 72 ; Nectoux place cette histoire à l'occasion de l'audition du 21 janvier 1893.
  6. p.  72
  7. p.  71
  8. p. 70 : « longue imploration d'un style assez différent des autres parties du Requiem, moins retenu, plus dramatique.  »
  9. p.  73
  10. p. 246 - 247
  11. p.  246
  • Gabriel Fauré - Correspondance présentée et annotée par Jean-Michel Nectoux, collection Harmoniques, Flammarion, Paris 1980 (ISBN 978-2-08-064259-2) 363 p.
  1. p.  138, lettre n° 67
  2. p.  138, lettre n° 66 datée du 15 janvier 1888
  3. p.  245
  • Gabriel Fauré - Correspondance suivie de Lettres à Madame H. - Recueillies, présentées et annotées par Jean-Michel Nectoux, Fayard, Paris 2015 (ISBN 978-2-213-68879-4) [extrait en ligne] 914 p.
  1. p.  20
  2. p. 189 - 190, note n° 6 ; voir aussi note n° 7
  3. p. 194, note n° 2
  4. p. 7, note n° 1
  5. p. 228, note n° 2
  6. p. 232, 236 - 237
  7. p. 230, note n° 3
  8. p. 238, note n° 7
  9. p.  230
  10. p.  237
  11. p. 200, en particulier note n° 5
  • Gabriel Fauré - Catalogue of works, série Gabriel Fauré, Œuvres complètes, tome VII, Bärenreiter, Cassel 2018 (ISBN 978-3-7618-2229-6) 496 p.

D'autres

  • Mutien-Omer Houziaux :
    • À la recherche « des » Requiem de Fauré ou l’authenticité musicale en question, Revue de la Société Liégeoise de Musicologie, n° 15 - 16, 2000
    • Les œuvres musicales en latin chanté. À écoute des sonorités gallicanes, Éditions L'Harmattan, Paris 2006 (ISBN 978-2-296-00115-2) 204 p. ; compte-rendu d'Henri Vanhulst [extrait en ligne]
  • Préfaces et apparats critiques des différentes éditions établies par Marc Rigaudière pour l'éditeur Carus Verlag (en 2005 et 2011).
  • Michael Steinberg, Choral Masterworks : A Listener's Guide, p. 131 - 137 Gabriel Fauré : Requiem op. 48, Oxford University Press, Oxford 2005 (ISBN 978-0-19-512644-0) 320 p. [extrait en ligne]
  1. p. 136, note n° 6 ; d'où, Fauré était en colère, après avoir entendu l'exécution opératique du baryton solo Jean Vallier, en 1900 à Trocadéro. Il précisa en octobre : « un baryton-basse tranquille, un peu chantre. »
  2. p.  132
  3. p.  131
  4. p.  133
  5. p.  136
  • Dallas Kern Holoman, Selected Masterworks from the Choral-Orchestral Repertoire - Fauré, Requiem, dans la Nineteeth-century Choral Music, p. 69 - 75, Routledge, New York et Londre 2013 (ISBN 978-0-415-98852-0) [lire en ligne]
  1. p. 70 ; selon une nouvelle hypothèse de Holoman, cette audition ne comportait pas de Pie Jesu.
  2. p.  70
  3. p. 71 ; Holoman soulignait de nombreuses erreurs tant de notes que d'emplois d'archet de cordes. Il est peu probable que Fauré commît ces types de fautes.
  4. p. 70 - 71
  5. p.  69
  6. p. 71 ; la composition de forme a - b - a demeure essentielle dans ce Requiem.
  7. p. 72 ; la BNF accueillit ces partitions en 1925.
  8. p. 72, notamment note n° 69
  9. p.  72
  10. p.  71
  • Jeanice Brooks, The Musical Work of Nadia Boulanger, Performing Past and Future Between the Wars, Cambridge University Press, Cambridge 2013 (ISBN 978-1-107-00914-1) [extrait en ligne]
  1. p.  141
  2. p.  257
  3. p. 257, note n° 25 (et BNF manuscrit Rés. Vm. dos 195)
  • Jacques Bonnaure, Gabriel Fauré, dans la collection de Classica, Actes Sud, Arles 2017 (ISBN 978-2-330-07958-1) 192 p. [extrait en ligne]
  1. p.  37
  2. p. 38 ; avec humeur, Reynaldo Hahn qualifia l'œuvre comme grégorianisant voluptueux.
  3. p.  38
  4. p.  11 ; soutenue par l'État de Napoléon III, l'école était chargée, lorsque Fauré y était élève, de former les maîtres de chapelle. D'où celui-ci était fidèle à sa fonction à la Madeleine.

Tradition historique avant la composition de Fauré

  • Denise Launay, Musique religieuse en France du Concile de Trente à 1804, Société française de musicologie ainsi qu'Éditions Klincksieck, Paris 1993 (ISBN 2-85357-002-9) et (ISBN 2-252-02921-8) 583 p.
  1. p.  76 - 77
  2. p.  78

Liens externes

Notes et références

  1. https://data.bnf.fr/fr/13912052/gabriel_faure_requiem__op__48/
  2. Jules Chaussende, Les chroniques du grand jubilé du Puy en 1864, p. 98, 1864
  3. Témoignage de l'organiste et compositeur Armand Vivet, mort en 1937 selon data.bnf.fr. Ou en 1956 selon l'article Eugène Gigout, sur le site musimem. Cf. Requiem (opus 48) de Fauré
  4. (en)Site de Takte
  5. Lettre de Saint-Saëns, datée du 2 novembre 1916.
  6. Jean-Michel Nectoux, Fauré. Le voci del chiaroscuro, , 639 p. (ISBN 978-88-7063-531-7, lire en ligne), p. 480.
  7. Boston Symphony Orchestra, volume 57, p. 730 (1937)
  8. Charles d'Helfer, Missa pro defunctis (1656)
  9. Data Bnf (y compris Pie Jesu en 1885)
  10. Louis-Alfred Niedermeyer, Vie d'un compositeur moderne : 1802 - 1861, p. 159, 1893
  11. La Madeleine comptait vers 40 garçons.
  12. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle où Fauré composa ce Requiem, les deux mouvements étaient en train de confirmer ces deux premiers sommets de la musique occidentale. D'une part, c'était la restauration du chant grégorien authentique par l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes. D'autre part, le mouvement cécilien, en rivalité avec Solesmes, faisait connaitre les œuvres de Palestrina. À la suite de l'avancement des études, en 1895, le cardinal Giuseppe Sarto, futur pape Pie X, déclara à Venise, que « l'Église a créé la double forme de son chant : la grégorienne, qui a duré environ un millénaire, et la classique polyphonie romaine, dont Palestrina fut l'initiateur... ». (Plus tard, Herbert von Karajan soutint ce dogme, en tant que musicien professionnel. En 1958, il sélectionna des chants grégoriens selon l'édition de Solesmes et la messe du Pape Marcel de Palestrina pour un concert a cappella, en faveur du chœur de l'opéra d'État de Vienne.)
  13. Il s'agissait d'une caractéristique du Grand siècle en France. Sous le règne de Louis XIV, le maître de Chapelle royale était toujours un prêtre ecclésiastique de haut rang, qui célébrait la messe dominicale en grégorien. D'où Henry Du Mont, sous-maître, composait le plain-chant musical, c'est-à-dire chant en notes égales mais en mode majeur et mode mineur (donc à la mode), qui connaissait un grand succès. Son successeur Michel-Richard Delalande composa ses motets souvent en homophonie. En effet, la chapelle provisoire dans le château de Versailles jusqu'en 1710 était trop petite pour que le double-chœur à 8 voix soit développé. Louis XIV se contentait de la puissance d'homophonie. Jean-Baptiste Lully et Marc-Antoine Charpentier, formés en Italie, étaient les exceptions.
  14. Le rythme verbal dans le chant grégorien était connu depuis le congrès pour la restauration du plain-chant et de la musique de l'Église à Paris (1860) auquel assista Camille Saint-Saëns, futur professeur de Fauré. Lors de ce congrès, le chanoine Gontier, ami de Dom Prosper Guéranger, présenta son idée du rythme verbal, en citant le mot musica omnino naturolis de Hermann Contract († 1054). D'où, à Solesmes, Dom Joseph Pothier établissait sa théorie à la base du texte latin dans les années 1880.
  15. À la différence du latin classique à la base de la quantité syllabique, le latin employé à la Renaissance carolingienne se caractérisait de son accent.
  16. L'origine de cette forme de dialogue se trouve auprès du rite byzantin dans les premiers siècle du christianisme, vraisemblablement inspirée par la tradition du théâtre grec antique qui employait le chœur. Ce chœur à 2 voix (femmes et hommes) fut importé auprès de l'Église d'Occident par saint Ambroise de Milan († 397). D'où, à cette époque-là, les basiliques de Milan possédaient certainement deux emplacements séparés de schola cantorum, réservés à la schola des vierges et à celle des clercs. Dans le rite romain, cette manière se conserve dans la liturgie la plus solennelle, en faveur du sommet du vendredi Saint, les Impropères . Il s'agit d'une alternation en grec et en latin. Georg Friedrich Haendel connaissait la solennité de cette façon. Mais il remplaça, dans une œuvre, une voix par une trompette . L'adoption de Fauré était tout à fait traditionnelle.
  17. Composé sans support de notation ni le système do re mi fa, le chant grégorien était simplement constitué de l'échelle et du rythme. Ambitus très limité, de nombreux chants grégoriens ne connaissaient qu'un seul demi-ton. En conséquence, un élan grégorien peut être transcrit en deux formes : par exemple, l'élan ré - mi ½ fa - ré est identique à l'autre transcription la - si ½ do - la. D'où, le demi-ton ½fa est souvent capable de remplacer le ½do et vice versa.
  18. «Il n'est personne qui ne connaisse l'effet magnifique des psaumes chantes en Faux-Bourdons.», Grand Séminaire de Beauvais, Psaumes des dimanches et des fêtes solennelles en Faux-Bourdon, p. viii, 1837
  19. Biographie dans la partition du Cantique de Jean Racine, Julien Hamelle 2002
  20. C'est la raison pour laquelle le violon ne s'utilise, dans la version d'église, qu'en faveur du Sanctus et en solo. La composition de version 1901, par Roger Ducasse, perdit cette caractéristique théologique. Par ailleurs, parmi les cordes, c'est le violoncelle qui adapte à la voix humaine, par fréquence. Même Richrd Wagner les distinguait dans ses opéras (Tannhauser, ̂Lohengrin, Parsifal) : le violon y représente la grâce du Ciel tandis que le violoncelle raconte l'amour, l'émotion des hommes.
  21. Sans doute Fauré ne savait-il pas. Mais, dans le contexte théologique, la composition selon le Requiem ancien et à la française, qu'il adopta, possède une excellente unité, si l'on chante le Sanctus à 2 voix. Car, au sein du sanctuaire d'Israël, l'espace entre deux chérubins est le lieu où Dieu rencontre le peuple fidèle (Livre de l'Exode XXV, 22). C'est pourquoi le roi Ézéchias, qui était si pieux, « pria devant Yahweh, en disant : « Yahweh, Dieu d'Israël, assis entre les Chérubins, » ». (Deuxième Livre des Rois XIX, 15 ; Livre d'Isaïe XXXVII, 14 - 20). Aussi le Sanctus réunit-il, au milieu, toutes les dévotions de ce Requiem.
  22. Alors que le chant grégorien n'emploie, malgré sa beauté, que les touches blanches du piano/orgue (échelle diatonique), Fauré profitait aussi des touches noires (échelle chromatique), qui fonctionnent, soit pour la nuance, soit afin de changer le mode.
  23. « Ennemi de l'emphase, Fauré a mis un contrepoint élégant, une écriture harmonique très personnelle. »(biographie dans la partition du Cantique de Jean Racine, Julien Hamelle 2002 ISMN979-0-2307-9065-9)
  24. Vraisemblablement en 1983 .
  25. (en)Edward R. Phillips, Gabriel Fauré : A Guide to Research, p. 71 - 72 (table de matériaux)
  26. (en)
  27. Catalogue de l'édition
  28. Il s'agit des fautes de rythmes ou des erreurs dans le placement des lettres repères. De surcroît, il fallut que l'éditeur supprime le redoublement des indications de nuances, tels le code cresc. et son signe, qui n'est pas habituel dans les éditions soigneusement préparées. Enfin, dans quelques cas, le musicologue adoptait partiellement des parties de la version d'orchestre, sans indication, en jugeant que ce soient plus corrects (p. vi, note n° 7).
  29. Ce type d'éditions existent toujours, surtout pour le chant grégorien. Ainsi, l'Édition Vaticane publiée au XXe siècle n'était autre que des éditions de synthèse, jamais chantées au Moyen Âge. D'où, depuis 2005, l'abbaye Saint-Pierre de Solesmes sort ses éditions issues des meilleures sources. En ce qui concerne le Requiem de Fauré, Nectoux choisit, lui-aussi, l'édition pour le piano qui était remaniée par Fauré lui-même, et non l'édition d'orchestre, moins fiable.
  30. (en)https://books.google.fr/books?id=732p69PAG74C&pg=PA108 note no 18
  31. (en)Compte-rendu de David Gilbert (1997) sur la publication de version d'église par Nectoux
  32. Jean-Jacques Velly, selon la bibliothèque nationale de France ; mais Jean-Paul Poupart d'après des photos de disque et de couverture (consulté le 2 août 2021).
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