Carême

Le carême est un temps liturgique de dévotion à Dieu associée à une alternance de jours de jeûne complet et de jours d'abstinence (jours maigres) d'une durée de quarante jours que le catholicisme a instituée au IVe siècle en référence aux quarante jours de jeûne de Jésus-Christ dans le désert. Cet épisode est relaté par les trois évangiles synoptiques : Mc 1,12-13, Mt 4,1-11 et Lc 4,1-13. Le carême précède Pâques, la plus importante des fêtes chrétiennes.

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L'une des toiles de la Passion traditionnellement déployées dans les églises pendant le carême. Tableau d'Oswalt Kreusel (1593), abbaye de Millstatt, Autriche.

Le jeûne est allégé les dimanches et le jour de l'Annonciation mais il n'est pas interrompu. Le carême se termine par une période de jeûne et de célébrations plus intenses, la Semaine sainte.

Le carême est un temps de préparation à la commémoration de la Passion et de la Résurrection du Christ. Dans les Laures, la Sainte Quarantaine est une période de jeûne dans la réclusion au désert et la solitude tandis que la Semaine sainte est un moment de jeûne tout différent dans la célébration communautaire des offices liturgiques[1].

La période de carême doit être, pour les fidèles, une période d'approfondissement, de prière et de détachement des biens matériels en préparation de la fête de Pâques ; en ce sens, pendant ces quarante jours l'alimentation devrait être plus frugale et en particulier les aliments animaux restreints. Selon le comput de l'Église latine, le carême dure quarante jours du mercredi des cendres au repas de la Cène du jeudi Saint. Dans les Églises de rite byzantin, le carême est précédé d'une période de préparation appelée petit carême, laquelle se termine au dimanche de Carnaval. Le carême proprement dit, appelé grand carême, dure du Lundi Pur au vendredi précédant le Samedi de Lazare et le dimanche des Rameaux. Les Églises de rite byzantin pratiquent également un second carême : le « carême de Noël », du 15 novembre au 24 décembre[2], ainsi que d'autres périodes plus courtes de jeûne qu'on appelle parfois abusivement « carême ». Pour les distinguer, les Églises d'Orient appellent grand carême le carême de Pâques qui précède l'entrée du Christ à Jérusalem.

Origines et histoire

Le nom carême provient de la contraction du mot latin quadragesima, qui signifie « quarantième ». On appelle aussi le carême la Sainte Quarantaine. La durée de quarante jours commémore à la fois les quarante jours et quarante nuits du jeûne de Moïse avant la remise des Tables de la Loi et les quarante jours de la tentation du Christ dans le désert entre son baptême et le début de sa vie publique, lors desquels il fut tenté par Satan, d'après les Évangiles synoptiques.

Les disciples de Jésus ne jeûnaient pas, alors que les pharisiens et les disciples de Jean le Baptiste pratiquaient le jeûne (Matthieu, IX, 14) : « Alors les disciples de Jean vinrent auprès de Jésus, et dirent : Pourquoi nous et les pharisiens jeûnons-nous, tandis que tes disciples ne jeûnent point[3] ? ».

Les jours qui ont précédé la pâque et la mort de Jésus, ni Jésus ni ses disciples n'ont jeûné. Les récits des Évangiles indiquent qu’à Béthanie, seulement quelques jours avant sa mort, ses disciples et lui se sont rendus chez des gens, où ils ont pris des repas. Jésus a en outre mangé le repas de la Pâque la nuit précédant sa passion. —r Matthieu 26:6, 7 ; Luc 22:15 ; Jean 12:2. C'est durant le Concile de Laodicée (348? - 381?) que fut prescrite la xérophagie, c'est-à-dire l'usage exclusif du pain et des fruits secs pendant le temps qui correspondait au carême.

La pratique du carême remonte au IVe siècle.

Au VIIe siècle, le carême fut établi dans son calendrier actuel. À cette époque, le jeûne consistait à ne prendre qu'un repas quotidien en fin de journée et à s'abstenir de toute nourriture les jours du Vendredi et du Samedi saints.

Dans le rite latin, les trois dimanches précédant le carême  la Septuagésime, la Sexagésime et la Quinquagésime  étaient eux-mêmes inclus dans la préparation de Pâques. Cependant, les prescriptions de jeûne se relâchèrent très vite et, dès le XIIIe siècle, le repas de midi était autorisé et complété d'une collation le soir.

Une présentation plus complexe sur les origines et l'histoire du carême se trouve sur la page Année liturgique du rite de Jérusalem.

Carême de l'Église catholique

Le carême commence le mercredi des Cendres et prend fin le Samedi saint, la veille de Pâques. L'Église catholique demande, aux fidèles, un temps de jeûne et de pénitence, qui se doit être aussi un combat spirituel, comme cela est clairement expliqué dans une des prières du mercredi des Cendres ainsi traduite du latin par les bénédictins de l'abbaye de Solesmes:

« Accorde nous, Seigneur, d'inaugurer saintement, dans le jeûne, les exercices de la milice chrétienne. Ainsi, dans les combats que nous allons livrer aux esprits du Mal, serons nous munis des armes de la pénitence. »

Les fidèles doivent jeûner au minimum les jours du mercredi des Cendres et du Vendredi saint. Le mercredi des Cendres est précédé par le Mardi gras et le carnaval, qui signifie « ôter la viande » (carnelevamen) en latin. Mais la pratique réelle du jeûne est difficile à mesurer. Les catholiques sont également invités à marquer le carême en se privant d'une chose qu'ils aiment, pas nécessairement de la nourriture. En outre, la tradition de manger maigre  c'est-à-dire de s'abstenir de viande et de plat à base de graisse animale  le vendredi se perpétue[4].

Carême dans les Églises protestantes

Les Églises réformées n'imposent pas de pratiques de pénitence ou de jeûne, l'insistance porte durant cette période sur la prédication et la méditation. Si dans le luthéranisme on trouve parfois la recommandation de l'abstention de viande le Vendredi saint, le protestantisme n'est pas directif, aucune consigne particulière n'ayant été laissée par les Apôtres.

Cette absence d'ascèse particulière, de mortification ou de repentance, provient de la sotériologie différente entre le catholicisme et les spiritualités issues de la Réforme. Pour les protestants, le salut s'obtient par la foi seule sola fide en sorte qu'il n'est pas besoin d'accomplir des œuvres de pénitence en vue d'obtenir le salut.

Isabelle Fievet, ancien aumônier protestant à la prison pour femmes de Rennes et épouse de Didier Fievet, pasteur de l’Église réformée, lors d'une conférences de carême sur France Culture rappelle : « Le carême ne se vit pas en général chez les protestants pour la bonne raison que, la grâce de Dieu étant gratuite, une préparation à Pâques qui passe par des privations ou autres pratiques méritoires ne se justifie pas. C’est même inconcevable pour nous. »

Carême des Églises de rite byzantin

Le théologien orthodoxe Alexandre Schmemann écrit : « Avant tout le carême est un voyage spirituel et sa destination est Pâques[5]. » L'importance et la rigueur du carême dans l'Église orthodoxe est à la mesure de l'importance qu'elle porte à la fête de Pâques[6]. C'est lors de la fête de Pâques que se rassemble le plus grand nombre de fidèles dans les pays de tradition orientale (orthodoxes et catholiques de rite byzantin) ; c'est, bien plus qu'à Noël, le seul jour de fête où viennent même ceux qui ne pratiquent pas habituellement.

Le carême des Églises de rite byzantin est précédé d'une période de préparation, appelée petit carême, qui se termine par le carnaval. Le carême proprement dit, appelé grand carême, commence au lendemain du dimanche de carnaval, le Lundi Pur (48 jours avant Pâques).

Carême-prenant et mi-carême

Les quelques jours qui précèdent le carême sont fêtés par des carnavals dans certaines traditions. Ces carnavals trouvent leur origine dans des célébrations païennes et sont perçus comme la dernière occasion de faire bombance avant la période de jeûne. Ils peuvent s'étaler sur une période de plusieurs jours, qu'on appelait carême-prenant, mais le mardi de carême-Prenant, c'est-à-dire le Mardi gras, est en général le jour où le carnaval bat son plein.

La mi-carême est fêtée le jeudi de la troisième semaine entière des quarante jours de pénitence.

Les jours marquants du carême

Calendrier catholique latin

Calendrier byzantin (orthodoxes et catholiques orientaux)

Grand carême ou Sainte Quarantaine :
Rameaux et Grande semaine :

Musique classique

  • Marc-Antoine Charpentier, Pour le Carême pour 3 voix et basse continue, H 378. 10 Méditations pour le Carême pour 3 voix et basse continue, H 380-389.

Notes et références

  1. Hiéromoine Macaire Simonopétrite, Le Synaxaire, Vies des saints de l'Église orthodoxe, éd. Périvoli, Thessalonique 1990. Notices des saints Sabas le Sanctifié (5 décembre), Euthyme le Grand (20 janvier), Théodose le Cénobiarque (11 janvier).
  2. Archives de sciences sociales des religions, vol. 73 : ,Anthropologie urbaine religieuse, Éditions de l'École des hautes études en sciences sociales, (lire en ligne), p. 51
  3. Traduction française de Louis Segond, La Sainte Bible, Alliance biblique universelle. Novum Testamentum Graece et Latine, edidit Eberhard Nestle : « Tunc accesserunt ad eum discipuli Ioannis, dicentes : Quare nos, et Pharisaei ieiunamus frequenter : discipuli autem tui non ieiunant ? »
  4. Les jours de pénitence, Code de droit canonique. Site du Vatican.
  5. Le Grand Carême, Alexandre Schmemann, Abbaye de Bellefontaine, 1974.
  6. « Toute la liturgie de l'Église est ordonnée autour de Pâques, et, ainsi, l'année liturgique, c'est-à-dire la succession des saisons et des fêtes, devient un voyage, un pèlerinage vers Pâques, vers la Fin qui est en même temps le Commencement : fin de ce qui est vieux, commencement de la vie nouvelle, un passage constant de ce monde au Royaume déjà révélé en Christ » in Le Grand Carême, Alexandre Schmemann, Abbaye de Bellefontaine, 1974.

Annexes

Église catholique

  • Pape François, Vivre le Carême et Pâques, éd. Salvador, 2017, 96 p. (ISBN 2-70-671465-4)
  • Mgr Patrick Chauvet, Roland Meynet, s.j., Armand Veilleux, o.c.s.o., Le Carême, Saint-Léger productions, 2016
  • Benoît XVI, Méditation sur le Carême et Pâques, éd. Salvador, 2007, 87 p. (ISBN 2-70-670483-7)
  • Jacques-Bénigne Bossuet, Sermons : le Carême du Louvre, 1662, Folio, 2001, 384 p. (ISBN 2-07-038757-7)

Église orthodoxe

  • Macaire de Simonos Petra, Mystagogie du Grand Carême : Essai de théologie du Temps liturgique, éd. Apostolia, 2018, 563 p. (ISBN 979-1097454296)
  • Alexandre Schmemann, Le Grand Carême, Alexandre Schmemann, Abbaye de Bellefontaine, 1974

Articles connexes

Liens externes

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