Philippe V (roi d'Espagne)
Philippe V, dit el Animoso en espagnol, c'est-à-dire « le Brave », né le à Versailles et mort le à Madrid, est roi des Espagnes et des Indes (1700-1716) à la mort de Charles II d'Espagne, puis titré roi d'Espagne et des Indes (1716-1746) à la suite des décrets de Nueva Planta qui modifient l'organisation territoriale des royaumes hispaniques en abolissant les royaumes de Castille et d'Aragon. Il abdique brièvement en 1724 pendant six mois, au profit de son fils.
Pour les articles homonymes, voir Philippe V, Philippe de France et Philippe de Bourbon.
Deuxième fils de Louis de France, dit « le Grand Dauphin », et petit-fils du roi Louis XIV, Philippe de France est titré duc d'Anjou. Il succède à son grand-oncle maternel Charles II, dernier roi d'Espagne de la dynastie des Habsbourg, et devient lui-même roi d'Espagne, premier de la dynastie des Bourbons (sa descendance adopte ensuite[alpha 1] le nom de Bourbon, que portait leur ancêtre Antoine de Bourbon, devenu roi de Navarre en 1555, car depuis l'avènement d'Henri IV le nom de la famille était légalement devenu de France)[réf. nécessaire]. Son règne, de quarante-cinq ans et deux jours, est le plus long de la monarchie espagnole.
Biographie
Enfance française et enjeux successoraux espagnols
Philippe naît le au château de Versailles. Il est ondoyé le jour de sa naissance dans la chambre de sa mère par Emmanuel-Théodose de La Tour d'Auvergne, cardinal de Bouillon, et par Nicolas Thibault, curé de l'église Saint-Julien de Versailles, en présence du roi Louis XIV et de Philippe de France, duc d'Orléans[2].
Le , le même jour que ses deux frères Louis et Charles, Philippe est baptisé par l'évêque d'Orléans et premier aumônier du roi Pierre du Cambout de Coislin dans la chapelle royale du château de Versailles, en présence de François Hébert, curé de l'église Notre-Dame de Versailles. Son parrain est « Monsieur », Philippe de France, duc d'Orléans, frère du roi, et sa marraine est « Mademoiselle », Élisabeth-Charlotte d'Orléans, future duchesse de Lorraine et de Bar[3].
En 1689, Philippe reçoit le duc de Saint-Aignan comme gouverneur. En 1690, il perd sa mère, la dauphine, Marie-Anne de Bavière.
À la fin des années 1690, le problème de la succession d'Espagne devient aigu : Charles II d'Espagne, surnommé el Hechizado (« l'Ensorcelé »), est malingre et contrefait, de santé très délicate et sans postérité. Avant même sa mort, les grandes puissances européennes tentent de s'entendre pour partager son royaume, ne pouvant se satisfaire que soit conservée l'intégrité de l'héritage espagnol[alpha 2].
Quoique arrière-petit-fils d'Anne d'Autriche et petit-fils de Marie-Thérèse, infantes d'Espagne[alpha 3], le problème de sa participation à la succession espagnole ne se pose tout d'abord pas, car son père et son frère aîné y auraient davantage de droits que lui, si était remise en cause la validité de la renonciation de Marie-Thérèse à ses droits sur la couronne espagnole quand elle avait épousé Louis XIV. D'ailleurs, ce dernier et les autres monarques européens s'étaient accordés pour déclarer que l'héritier du trône d'Espagne serait, dans le cas de la mort sans héritier de Charles II, Joseph-Ferdinand de Bavière. Ce premier Traité de partition, confirmé à La Haye en 1698, accordait à Joseph-Ferdinand les royaumes de la péninsule espagnole (sauf le Guipuscoa), la Sardaigne, les Pays-Bas espagnols et les territoires américains ; à la France revenait le Guipuscoa, Naples et la Sicile ; à l'Autriche, le Milanais. À la mort de Joseph-Ferdinand, en 1699, fut conclu un nouveau Traité de partition, à Londres, en 1700, sans l'accord de l'Espagne. La France, la Hollande et l'Angleterre reconnaissaient comme roi l'archiduc Charles d'Autriche, à qui étaient dévolus les royaumes de la péninsule, les Pays-Bas et les Indes occidentales ; le duc de Lorraine, Léopold Ier (gendre de Monsieur), recevait le Milanais à condition de céder la Lorraine et le Barrois au dauphin, qui recevait par ailleurs Naples, la Sicile et la Toscane. Mais l'archiduc Charles protesta, réclamant la totalité de l'héritage espagnol.
Cependant, pressé par son principal conseiller, le cardinal Portocarrero, et après avoir demandé l'avis du pape Innocent XII, Charles II choisit la solution française. Le , il fait du jeune duc d'Anjou, 16 ans, le second petit-fils de Louis XIV, son légataire universel[alpha 4]. L'espoir de Charles II était que Louis XIV saurait éviter l'éclatement de l'Empire espagnol pour son propre petit-fils. Il meurt peu de temps après, le .
L'arrivée en Espagne
La nouvelle de la mort de Charles II parvient le à Versailles. Le , Louis XIV annonce à la cour qu'il accepte le testament de son « cousin, beau-frère et neveu[alpha 5] ». Il présente alors son petit-fils[alpha 6], âgé de 17 ans, à la cour, par ces mots : « Messieurs, voici le roi d'Espagne ». Puis il déclare à son petit-fils : « Soyez bon Espagnol, c'est présentement votre premier devoir ; mais souvenez-vous que vous êtes né Français pour entretenir l'union entre nos deux nations ; c'est le moyen de les rendre heureuses et de conserver la paix de l'Europe. » Le marquis de Castel dos Rios, ambassadeur d'Espagne, aurait ajouté qu'« il n'y a plus de Pyrénées ».
À la suite de l'événement, toutes les monarchies européennes, sauf l'Empire, reconnaissent le nouveau roi. Celui-ci quitte Versailles le , pourvu d’Instructions en 33 articles, écrites par Louis XIV et résumant sa conception du pouvoir. Il arrive à Madrid le . Mais au bout de quelques mois, les motifs de tensions avec l'empereur Léopold Ier s'accumulent :
- le , le Parlement de Paris rappelle par lettres patentes, que Philippe V conserve ses droits à la couronne de France[5] ;
- toujours en février, Louis XIV, à la demande du conseil de régence espagnol, envoie des troupes occuper des garnisons hollandaises sur la frontière des Pays-Bas espagnols, garnisons installées en vertu d'un traité bilatéral signé en 1698 ;
- des Français s'installent aux postes importants à Madrid et à Bruxelles et orientent de façon nouvelle la politique espagnole.
Dernière inquiétude pour les Habsbourg, Louis XIV pousse Philippe V à épouser en 1701 Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, son frère, le duc de Bourgogne, ayant déjà épousé la sœur de Marie-Louise. Les deux sœurs ayant épousé les deux frères, cela devait dans l'esprit des politiques lier non seulement les deux familles, mais aussi les deux États et leur faire mener conjointement une politique anti-impériale. Louis XIV donne également pour camarera mayor au nouveau couple une amie de madame de Maintenon, la princesse des Ursins.
Dès lors, même si le risque de réunion des couronnes française et espagnole semble minime[alpha 7], les monarchies européennes craignent de voir l'Espagne devenir un protectorat français. L'Angleterre et la Hollande (tous deux sous domination de Guillaume d'Orange), l'Autriche, puis le Portugal déclarent la guerre à la France et à l'Espagne.
La guerre de Succession d'Espagne
La guerre de Succession est non seulement un conflit international entre puissances européennes mais également une grave guerre civile :
- d'un côté, les couronnes de Castille et de Navarre restent fidèles au candidat Bourbon ;
- de l'autre, la majeure partie de la couronne d'Aragon donne son appui au candidat autrichien.
Les combats sont, en Espagne, favorables aux troupes « philippistes », parfois au prix de massacres et de destructions, comme à Xàtiva, incendiée en 1707. Philippe V sauve son trône grâce aux victoires d'Almansa par le maréchal de Berwick en 1707, et de Villaviciosa et Brihuega par le général de Vendôme en 1710.
En 1713, les puissances européennes sont épuisées par la guerre et, alors que l'archiduc Charles vient d'être élu empereur, craignent que les Habsbourg obtiennent un pouvoir trop important, retirent leurs troupes et font la paix à Utrecht. Philippe V est confirmé dans ses droits à la couronne d'Espagne. Cependant, le traité lui imposera de renoncer au trône de France pour lui et ses descendants. La couronne d'Espagne lui reste et il est reconnu comme roi légitime par tous les pays[alpha 8]. Mais cette reconnaissance se fait au prix de pertes territoriales, notamment Gibraltar, Minorque et des territoires en Italie. L'Espagne reste sous influence française, par l'intermédiaire de Jean Orry, chargé des finances, qui mène une politique de centralisation administrative à la française.
- La guerre de succession d'Espagne, 1701-1705.
- Carte de la guerre de succession d'Espagne en 1706.
- Carte de la guerre de succession d'Espagne de 1707 à 1709.
- Carte de la guerre de succession d'Espagne de 1710 à 1715.
Une politique extérieure mouvementée (1715-1746)
La reconquête de l'Italie
Jusqu'en 1736, la restauration de l'influence espagnole dans la Italie constitue l'axe principal de la politique extérieure du roi. Sous l'influence de sa nouvelle épouse Élisabeth Farnèse et de son Premier ministre Giulio Alberoni, Philippe V développe une ambitieuse politique, qui se concrétise par l'invasion de la Sardaigne autrichienne en 1717, puis de la Sicile des Savoie en 1718. En réaction, la Quadruple-Alliance[6], à laquelle se joint le duché de Savoie, entre en guerre contre l'Espagne. Cette dernière est vaincue : par le traité de La Haye de 1720, Philippe V doit éloigner Alberoni, mais il obtient cependant la reconnaissance des droits dynastiques sur les duchés italiens pour son second fils, l'infant Charles.
L'Espagne se rapproche alors de la France par une politique de triple mariage, conclue par un traité de fiançailles signé à Paris le : le roi de France Louis XV, onze ans, est promis à l'infante Marie-Anne-Victoire d'Espagne, sa cousine de trois ans ; l'héritier du trône espagnol Louis et l'héritier des duchés italiens Charles sont promis à deux filles du régent Philippe d'Orléans, respectivement Louise-Élisabeth et Philippine-Élisabeth. Le prince Louis épouse effectivement Louise-Élisabeth en 1722, et, deux ans après, Philippe V abdique en sa faveur, mais le nouveau roi d'Espagne meurt de la variole, après seulement sept mois de règne, contraignant son père à reprendre la couronne[7].
Le , les Français rompent les fiançailles de Louis XV avec l'infante Marie-Anne-Victoire[alpha 9], et en représailles la reine Louise-Élisabeth, veuve de Louis Ier d'Espagne, et Philippine-Élisabeth, la fiancée de Charles, sont renvoyées en France. Élisabeth Farnèse décide alors de traiter avec l'Autriche qui est le principal obstacle à l'expansion espagnole dans la péninsule italienne. Elle propose de fiancer ses fils aux filles de l'empereur Charles VI : l'infant Charles avec l'archiduchesse Marie-Thérèse et Philippe, son second fils, avec l'archiduchesse Marie-Anne. L'alliance entre les deux puissances est confirmée par le traité de Vienne du , qui prévoit la renonciation définitive de Charles VI au trône d'Espagne au profit de Philippe V et son soutien à une tentative pour libérer Gibraltar de l'occupation britannique. Mais la guerre anglo-espagnole (1727-1729) se conclut par le maintien de la souveraineté britannique sur le rocher et, au cours des négociations de paix, Charles VI abandonne le principe du mariage de ses filles avec les infants espagnols.
Par conséquent, Philippe V rompt l'alliance avec l'Autriche et conclut avec la Grande-Bretagne et la France, le , le traité de Séville qui garantit à son fils Charles le droit d'occuper le duché de Parme et de Plaisance et le grand-duché de Toscane, au besoin par la force. Justement, le duc Antoine Farnèse meurt le , mais il a nommé comme successeur le « ventre enceint » de son épouse Enrichetta d'Este, ce qui écarte Élisabeth Farnèse de la succession. La duchesse est examinée par un groupe de médecins et de sages-femmes qui la déclarent enceinte de six mois, mais la reine d'Espagne fait constater qu'il s'agit d'une mise en scène. En adhérant, le , au deuxième traité de Vienne, elle obtient de l'empereur, qui a fait occuper le duché par le comte Carlo Stampa, son lieutenant en Italie, la cession de Parme et Plaisance au jeune infant[alpha 10]. Le , le gouvernement du duché est confié à Dorothée-Sophie de Neubourg, grand-mère maternelle et tutrice de l'infant Charles.
Les rivalités avec la Grande-Bretagne
Le règne de Philippe V est également marqué par la rivalité maritime avec la Grande-Bretagne. L'Espagne se bat contre les avantages acquis par les Anglais au traité d'Utrecht, et le règne de Philippe V est émaillé d'incidents maritimes, comme en 1739-1748, lors de la guerre de l'oreille de Jenkins.
Au cours du règne, l'Espagne redevient une grande puissance maritime. La marine tient la Méditerranée occidentale, bien que les Anglais occupent toujours Gibraltar et Minorque.
Les pactes de famille
La France et l'Espagne passent plusieurs accords d'alliance, appelés communément « pactes de famille », dont le but est principalement l'opposition à l'Autriche ou à la Grande-Bretagne :
- le premier pacte de famille est signé le , durant la guerre de Succession de Pologne ;
- le second pacte de famille est conclu le par le traité de l'Escorial, durant la guerre de Succession d'Autriche.
Politique intérieure
La politique du règne de Philippe V est marquée par le modèle « louis-quatorzien » de l'État absolutiste et centralisateur. Les réformes engagées représentèrent un changement radical par rapport au système précédemment mis en place par la maison d'Autriche. Ils marquent une étape fondamentale dans l'élaboration d'un esprit national, notamment par l'imposition du castillan comme langue exclusive dans l'administration et le gouvernement, et la modernisation de l'appareil d'État espagnol.
Mais il faut remarquer que, si Philippe V tenta de se comporter en monarque absolu, il ne le fut jamais véritablement. Il était sujet, depuis l'adolescence, à des crises de dépression, de neurasthénie et de mélancolie — que sa femme Élisabeth Farnèse prétendit soigner en faisant venir le chanteur castrat Farinelli. Philippe V ne put, à plusieurs reprises, assumer personnellement la charge du pouvoir, et il fut alors le jouet de ses ministres ou de courtisans, comme la princesse des Ursins. Le à Guadalajara, il épouse grâce à l'entremise de l'abbé Giulio Alberoni la nièce du duc de Parme, Élisabeth Farnèse, qui fait renvoyer prestement la princesse des Ursins. Philippe V passe alors sous la coupe de son épouse et d'Alberoni, nommé ministre.
Réforme administrative
Le gouvernement fut recomposé de secrétaires d'État, dont les charges étaient occupées par des fonctionnaires nommés par le roi.
Mais l'exemple le plus éclatant de réforme centralisatrice et autoritaire sont les décrets de Nueva Planta, pris entre 1707 et 1716 (décret de 1707 pour l'Aragon et Valence, de 1715 pour Majorque et de 1716 pour la Catalogne), qui sont une série d'ordonnances royales (reales cédulas) établissant la « nouvelle base » (« nueva planta ») des audiences royales contrôlant les territoires des deux couronnes. Les décrets furent précédés de l'abolition des institutions propres à chaque région : abolition des fors des royaumes de la couronne d'Aragon qui avaient pris parti contre lui lors de la guerre, dissolution de l'organisation territoriale des royaumes de la couronne de Castille et annulation des privilèges en vigueur dans ses municipalités. Ces décrets imposaient ensuite un modèle juridique, politique et administratif commun à toutes les provinces d'Espagne[alpha 11].
L’État fut organisé en provinces, gouvernées par un Capitaine général (Capitán General) et une Cour de justice, chargés de l'administration et devant répondre directement au gouvernement de Madrid. Pour l'administration économique et financière furent établies, sur le modèle français, les Intendances provinciales (Intendencias provinciales). Les Conseils des territoires disparus ou perdus par la Couronne, c'est-à-dire d'Aragon, de Flandre et d'Italie, furent abolis, et concentrés dans le seul Conseil de Castille ; seuls perdurèrent les Conseils de Navarre et des Indes. Progressivement, les Cortes de Castille intégrèrent les représentants des anciens territoires aragonais ; le pouvoir des Cortes en tant que tel, vu comme un frein au pouvoir royal, diminua.
Réformes économiques
Philippe V fut confronté à la situation économique et financière d'un État ruiné. Il lutta contre la corruption. Dans le domaine fiscal, il s'efforça de ne pas établir de nouveaux impôts afin de rendre plus équitable la charge fiscale.
Dans le domaine économique, il opta pour des positions mercantilistes :
- il favorisa l'agriculture, et interdit l'exportation des grains ;
- il interdit l'importation de produits textiles et créa des manufactures royales ;
- il s'efforça de réorganiser le commerce colonial par la création de compagnies de commerce dotées de privilèges, sur les modèles anglais et néerlandais.
Réforme de l'armée
Comme conséquence des nécessités de la guerre et suivant le modèle français, Philippe V réalisa une profonde réorganisation de l'armée. Il substitua aux anciens tercios une nouvelle organisation militaire en brigades, régiments, bataillons, compagnies et escadrons. On introduisit plusieurs nouveautés, comme les uniformes ou les fusils à baïonnette.
Philippe V s'attaqua également à la reconstruction de la marine espagnole. Il fit construire de nouveaux navires modernes et mieux équipés. Il regroupa également les différentes flottes dans l'Armada Española en 1717. Dans cette œuvre, il s'appuya particulièrement sur l'action de son intendant général de la Marine, José Patiño Rosales.
Philippe V a favorisé et promu le commerce atlantique de l'Espagne avec ses possessions américaines. Au cours de ce commerce atlantique se sont élevées des figures importantes de l'histoire navale de l'Espagne, parmi lesquelles se distingue le corsaire Amaro Pargo. Philippe V bénéficié fréquemment au corsaire dans ses incursions commerciales : il donna un ordre royal au Palais du Pardo à Madrid en , dans lequel il le nomma capitaine d'un navire commercial à destination de Caracas[8]. Le roi intercéda également dans la libération d'Amaro pendant sa détention par la Casa de Contratación de Cadix[9],[10] et l'autorisa à construire un navire à destination de Campeche, qui était armé comme un bateau corsaire[9].
Politique artistique et culturelle
Suivant l'exemple de Louis XIV, qui considérait la culture et les arts comme un moyen de montrer la grandeur royale, Philippe V s'efforça de développer les arts. Il ordonna ainsi la construction du palais royal de la Granja de San Ildefonso, inspiré par le style classique français. Pour décorer la Granja, Philippe V fit l'acquisition de la collection de sculptures de Christine de Suède. Il s'occupa aussi de la reconstruction du palais royal de Madrid, après l'incendie de l'Alcázar, et du palais d'Aranjuez. L'influence italienne fut cependant prépondérante à la cour espagnole, sous l'influence d'Élisabeth Farnèse. Le règne de Philippe V correspond également à l'introduction du style rococo.
Philippe V s'occupa enfin de la fondation d'institutions culturelles chargées d'établir un contrôle sur l'évolution des sciences et des arts, comme l'Académie royale espagnole, approuvée en 1714, dont la tâche consiste à normaliser la langue espagnole, dans l'intention de « fixer les sons et les mots de la langue castillane dans leur plus grande propriété, élégance et pureté »[11], ou encore l'Académie royale d'histoire, chargée d’étudier l’histoire « antique et moderne, politique, civile, ecclésiastique, militaire, de la science, des lettres et des arts, c’est-à-dire, des diverses branches de la vie, de la civilisation et de la culture du peuple espagnol », fondée en 1735. Il faut remarquer que ces fondations se font sur le modèle français[alpha 12].
L'intermède de Louis Ier (1724)
Le , Philippe V confirma par décret qu'il abdiquait en faveur de son fils Louis Ier. Le prince reçut les documents le 15 et les fit publier le lendemain. Les motifs de cette abdication ne sont pas véritablement éclaircis. Certains historiens ont pu avancer qu'il se préparait à monter sur le trône de France, profitant de la mort attendue de Louis XV ; d'autres qu'il était conscient de son incapacité à gouverner à cause de sa maladie. Mais Louis Ier étant trop jeune et insouciant, ce sont ses parents qui continuèrent à s'occuper du gouvernement.
Louis Ier ne régna que sept mois. À sa mort, Philippe V redevint roi, malgré les droits de son deuxième fils, Ferdinand, alors prince des Asturies.
Mort
Philippe V meurt le et, contrairement à la tradition qui, depuis Charles Quint, veut que les monarques espagnols soient enterrés au palais de l'Escurial, est enterré en son palais San Ildefonso.
Son fils lui succède sous le nom de Ferdinand VI d'Espagne.
Il est notable qu'en 1713, Philippe V avait instauré, par la Pragmatique Sanction, la loi salique en Espagne, contrairement à la tradition espagnole qui permettait qu'une fille de roi devienne reine — comme le fut d'ailleurs Isabelle la Catholique, reine de Castille et León de 1474 à 1504. La révocation de ce décret par Ferdinand VII, bien plus tard au XIXe siècle, fut responsable des trois guerres civiles carlistes entre les isabellistes (puis alphonsistes), partisans d'Isabelle II (puis de son fils Alphonse XII) et les carlistes, partisans de son oncle l'infant Charles (puis de ses descendants), de 1833 à 1840, 1846 à 1849 et 1872 à 1876.
Ascendance
Mariage et enfants
Philippe V épouse le à Figueras (à la frontière franco-espagnole, en Catalogne) Marie-Louise de Savoie. De cette union naissent quatre fils : les trois premiers reçoivent des prénoms d'origine française inusités à la cour d'Espagne, le quatrième un prénom remontant à l'époque d'avant les Habsbourg, en hommage au premier roi espagnol canonisé par l'Église[12] (Ferdinand III de Castille) :
- Louis Ier (Madrid, - Madrid, ), roi des Espagnes et des Indes (1724) ;
- Philippe Pierre ( - ) ;
- Philippe Pierre Gabriel ( - ) ;
- Ferdinand VI (Madrid, - Villaviciosa de Odón, ), roi des Espagnes et des Indes (1746-1759).
Philippe V se remarie le à Guadalajara avec Élisabeth Farnèse, nièce du duc de Parme. De cette union naissent :
- Charles III d'Espagne (Madrid, - Madrid, ), duc de Parme et de Plaisance (1731-1736), roi des Deux-Siciles (1735-1759) et roi des Espagnes et des Indes de 1759 à 1788 ;
- François ( - ) ;
- Marie-Anne-Victoire d'Espagne (Madrid, - Lisbonne, ), mariée à Joseph Ier de Portugal et « princesse du Brésil » ;
- Philippe Ier de Parme, (Madrid, - Alexandría, ), duc de Parme, fondateur de la lignée des Bourbon-Parme ;
- Marie-Thérèse d'Espagne (Madrid, - Versailles, ), mariée au dauphin Louis de France, fils de Louis XV ;
- Louis Antoine d'Espagne ( - ), archevêque de Tolède, primat d'Espagne et cardinal jusqu'à l'âge de 8 ans, il devint comte de Chinchon ; en 1776, il épousa Marie-Thérèse Vallabriga (1758-1785) par un mariage inégal ;
- Marie-Antoinette d'Espagne ( - ), mariée en 1750 à Victor-Amédée III de Sardaigne (1726-1796).
Titres
- 1683-1700 : Son Altesse royale le duc d'Anjou ;
- 1700-1724 : Sa Majesté le roi ;
- - : Sa Majesté le roi Philippe V (durant le règne de son fils) ;
- 1724-1746 : Sa Majesté le roi.
- Armoiries comme duc d'Anjou.
- Armoiries comme roi d'Espagne.
Dans la fiction
- Howard Freeman joue son rôle dans Le Joyeux Barbier (1946).
- Lambert Wilson joue son rôle dans L'Échange des princesses (2018).
- Joan Carreras joue son rôle dans la série La Cuisinière de Castamar (2021).
Notes et références
Notes
- Le nom de Bourbon est pris pour la première fois en 1731 par l'infant Charles, qui bat monnaie en se faisant appeler Charles Ier de Bourbon et Farnèse, duc de Parme et de Plaisance[1].
- L'enjeu est effectivement important : si l'Espagne allait aux Bourbons, le dauphin étant l'héritier le plus direct et l'aîné des neveux de Charles II, cela augmenterait l'influence déjà immense de Louis XIV, fils d'Anne d'Autriche (elle-même fille aînée de Philippe III d'Espagne) et époux de Marie-Thérèse d'Autriche (elle-même fille de Philippe IV d'Espagne). Si l'Espagne allait à la maison de Habsbourg d'Autriche, (dont le roi d'Espagne est membre) l'empire de Charles Quint serait reconstitué et la France, de nouveau encerclée (cette théorie de l'encerclement connue son essor à la fin du XIXe siècle lorsque la question de la succession d'Espagne se posa en 1870, et que la famille des Hohenzollern de Prusse proposa son candidat).
- Marie-Thérèse est la fille de Philippe IV, d'un premier mariage avec Élisabeth de France ; elle est donc la demi-sœur du roi Charles II, né d'un second mariage de Philippe IV avec Marie-Anne d'Autriche.
- En cas de mort sans descendance légitime ou d'accession au trône de France du duc d'Anjou, la couronne espagnole devait revenir à son frère cadet, le duc de Berry, puis à l'archiduc Charles, et à défaut au duc de Savoie, au détriment de « Monsieur », duc d'Orléans, dont les droits hérités de sa mère l'infante Anne auraient dû lui assurer d'être placé juste après le duc de Berry et avant l'archiduc Charles. Le frère de Louis XIV protestera contre cette injustice par devant deux notaires le [4].
- Charles II et Louis XIV étaient cousins car la mère de Louis XIV, Anne d'Autriche, et le père de Charles II, Philippe IV, étaient frère et sœur. Charles II était le beau-frère de Louis XIV, car sa sœur Marie-Thérèse avait épousé le roi français. Enfin, Charles II était neveu de Louis XIV pour avoir épousé en premières noces la nièce de ce dernier, Marie Louise d'Orléans, fille de Philippe Ier d'Orléans, frère du roi.
- On peut remarquer que, par ailleurs, Philippe ne parlait pas un mot d'espagnol.
- Le Grand Dauphin est en âge de régner et en parfaite santé, et son fils Louis, grand-frère de Philippe V, est lui aussi marié et en âge de régner.
- Excepté l'Autriche, qui maintient ses réclamations jusqu'en 1725.
- Âgée de sept ans, l'« infante-reine » Marie-Anne-Victoire est trop jeune pour être mère, alors que la France a rapidement besoin d'un dauphin.
- En contrepartie, elle reconnait la Pragmatique Sanction, document qui permet à l'archiduchesse Marie-Thérèse de succéder à son père sur le trône des Habsbourg. La Pragmatique Sanction devait être reconnue par toutes les puissances européennes pour prendre effet. C'est pourquoi Charles VI, déterminé à assurer l'avenir de sa dynastie, fut amené à faire des compromis en vue d'obtenir une approbation générale du document.
- Seules les provinces basques, navarraises et aranaise, qui avaient démontré leur fidélité durant la guerre, purent conserver leurs institutions forales anciennes.
- L'Académie royale espagnole est clairement fondée sur le modèle de l'Académie française.
Références
- (es) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en espagnol intitulé « Felipe V de España » (voir la liste des auteurs).
- Hervé, baron Pinoteau, Christian Papet-Vauban et Jean de Vaulchier, État présent de la maison de Bourbon : pour servir de suite à l’Almanach royal de 1830 et à d’autres publications officielles de la Maison, Paris, Le Léopard d’or, , 5e éd. (1re éd. 1975), 101 p. (ISBN 978-2-86377-239-3), p. 20-21.
- Registre des baptêmes (1683) de l'église Saint-Julien de Versailles, Archives départementales des Yvelines.
- Registre des baptêmes (1687) de l'église Notre-Dame de Versailles, Archives départementales des Yvelines.
- Jean-Christian Petitfils, Le Régent, Fayard, (lire en ligne).
- En droit français de l'époque, la couronne n'appartient pas à la personne du roi, elle est au-dessus de la personne royale ; en conséquence de quoi Philippe V n'avait pas le droit de renoncer à la couronne si celle-ci devait lui échoir, et il était en théorie obligé de l'accepter. En pratique il y renoncera en 1712, car c'était une condition sine qua non des négociations de paix imposées par la Grande-Bretagne après onze années de guerre. La renonciation de Philippe V, discutable d'un point de vue juridique mais enregistrée dans les traités d'Utrecht, est l'une des pierres d'achoppement dans la querelle entre orléanisme et légitimisme.
- Appelée ainsi en raison de la coalition anti-espagnole composée de la France, de la Grande-Bretagne, des Provinces-Unies et du Saint-Empire romain germanique.
- Voir infra, « L'intermède de Louis Ier (1724) ».
- El corsario de Dios. Documentos sobre Amaro Rodríguez Felipe (1678-1747)
- Amaro Pargo: documentos de una vida, I. Héroe y forajido
- La evolución de una fortuna indiana: D. Amaro Rodríguez Felipe (Amaro Pargo)
- Présentation historique sur le site officiel de la RAE Orígenes y fines de la RAE « Copie archivée » (version du 29 septembre 2010 sur l'Internet Archive).
- Voir également le tableau La Famille de Philippe V d'Espagne, peint par Jean Ranc en 1723, représentant l'infant Ferdinand ; Philippe V ; Louis, prince des Asturies ; l'infante Marie-Anne-Victoire ; la reine Élisabeth Farnèse ; un portrait de la reine défunte Marie-Louise de Savoie ; l'infant Charles.
Voir aussi
Guerre de succession d'Espagne
- La guerre de succession d'Espagne La fin tragique du grand siècle 1701-1714 Clément Oury Editions Tallandier 2020
- Journal d'un courtisan à la Cour du Roi Soleil Tome 15, La guerre de succession d'Espagne (1702) Marquis de Dangeau Editions Paléo
- A. -M. Augoyat, Siège du château d'Alicante et surprise de Tortose, pendant la guerre de succession en Espagne 1847
- Observations sur la guerre de la succession d'Espagne. Tome 2 Franciade Fleurus Duvivier 1830
- Etude sur la guerre de la succession d'Espagne. Conférences de Verdun Jules Argis (d') 1866
- (es) José Calvo, La guerra de Sucesión, Madrid, Anaya, 1988.
- (es) Janine Fayard, « La Guerra de Sucesión (1700-1714) », dans Jean-Paul Le Flem ; Joseph Pérez ; Jean-Marc Perlorson ; José Mª López Piñero et Janine Fayard, La frustración de un Imperio. Vol. V de la Historia de España, dirigida por Manuel Tuñón de Lara [« La Guerre de Succession (1700-1714) dans La Frustration d’un empire, vol. V de l'Histoire de l'Espagne, dirigée par Manuel Tuñón de Lara »], Barcelona, coll. « Labor », (ISBN 84-335-9425-7).
- (es) Vicente Graullera Sanz, Los notarios de Valencia y la guerra de Sucesión, Valencia, Colegio Notarial de Valencia y Universitat de Valencia, 1987.
- (es) Henry Kamen, La guerra de Sucesión en España, 1700–1715, Barcelona, Ediciones Grijalbo, 1974.
- (es) Virginia León Sanz, Entre Austrias y Borbones. El archiduque Carlos y la Monarquía de España (1700–1714), Madrid, Sigilo, 1993.
- (es) Pedro Voltes, La guerra de Sucesión, Barcelona, Planeta, 1990.
Philippe V
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