Élisabeth Farnèse

Élisabeth Farnèse, connue aussi comme Isabel de Farnesio ou Isabella Farnese (Parme, - Aranjuez, ), fut reine d'Espagne de 1714 à 1746, influençant de manière importante la politique du royaume.

Élisabeth Farnèse

Élisabeth Farnèse, reine d'Espagne par Jean Ranc (1723).
Fonctions
Reine consort d'Espagne

(21 ans, 10 mois et 3 jours)
Prédécesseur Louise-Élisabeth d'Orléans
Successeur Marie-Barbara de Portugal

(9 ans et 21 jours)
Prédécesseur Marie-Louise de Savoie
Successeur Louise-Élisabeth d'Orléans
Biographie
Dynastie Maison Farnèse
Nom de naissance Elisabetta Farnese
Date de naissance
Lieu de naissance Parme (Duché de Parme et de Plaisance)
Date de décès
Lieu de décès Aranjuez (Espagne)
Sépulture Palais royal de la Granja de San Ildefonso
Père Édouard Farnèse
Mère Dorothée Sophie de Neubourg
Conjoint Philippe V
Enfants Charles III
François d'Espagne
Marie-Anne-Victoire d'Espagne
Philippe d'Espagne
Marie-Thérèse d'Espagne
Louis Antoine d'Espagne
Marie-Antoinette d'Espagne


Reines d'Espagne

Biographie

Jeunesse

Élisabeth est la fille d'Édouard Farnèse, prince héréditaire de Parme décédé peu après sa naissance et de Dorothée-Sophie de Neubourg. Veuve ambitieuse, belle-sœur de l'empereur Léopold Ier et du roi Charles II d'Espagne, la duchesse Dorothée-Sophie conserva la couronne parmesane en se remariant avec son jeune beau-frère François II de Parme. De leur côté les Farnèse voulaient conserver l'alliance brillante qu'avait constituée le mariage du prince héréditaire avec les Wittelsbach et ne pas rendre la dot de la jeune veuve. François II sera pour Élisabeth un oncle et un beau-père plein de tendresse et de bon conseil. Sa mère lui imposa une éducation rigide à la limite de la maltraitance psychologique, la reléguant dans une mansarde sans contact avec la cour.

Si son corps était admirablement bien fait, Élisabeth Farnèse avait perdu sa beauté après avoir été, comme nombre de ses contemporains, victime de la variole lors de son enfance. Elle était dotée d'un caractère très ferme, décidé et ambitieux, qu'elle tenait de sa mère. Les auteurs de l’époque firent l’éloge de sa perspicacité et de son intelligence.

Reine d'Espagne, une alliance inespérée

Élisabeth Farnèse à l'époque de son mariage par Miguel Jacinto Meléndez (1714).

Comme toute princesse, elle entra dans le jeu diplomatique de sa Maison, mais plutôt comme pièce d’échange.

Grâce à l’esprit de persuasion de l’abbé Giulio Alberoni, ambassadeur du duc de Parme à Madrid, et aux intrigues de la Camarera Mayor du roi d’Espagne, Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins, Élisabeth épousa en 1714 Philippe V d'Espagne, récemment veuf de Marie-Louise de Savoie, fille de Victor-Amédée II de Savoie et d'Anne-Marie d'Orléans.

Les noces furent célébrées à Parme le 25 août. Comme gage de sympathie envers l’Espagne, le pape Clément XI conféra à la jeune reine la Rose d'or.

La nouvelle souveraine de l'Espagne fut accompagnée vers son nouveau pays par l'abbé Alberoni. Après avoir embarqué à Livourne, elle dut, à cause du mauvais temps, débarquer à Marseille où elle reçut l'autorisation de Louis XIV de France, grand-père de son mari, de voyager par terre.

Elle s'attarda à Aix-en-Provence puis à Toulouse et fit même un détour par Pau pour y rencontrer sa tante, la reine douairière d'Espagne, veuve de Charles II qui y vivait en exil tandis que son époux Philippe V d'Espagne, bien qu'esclave de ses sens mais moralement scrupuleux, était contraint à une intolérable continence.

Durant le voyage, peut-être inspirée par le futur cardinal, la jeune reine mûrit la décision d’éloigner Marie-Anne de La Trémoille afin d’être la seule à avoir un ascendant sur le roi. Par cette manœuvre, l’Espagne s’affranchit de l’influence française.

Une femme de pouvoir

Philippe V d'Espagne et sa famille (1723).
Le couple des fiancés royaux de France : Louis XV et Marie-Anne.

Au cours des premières années de règne, elle fut très bien conseillée par Alberoni et par son oncle François Farnèse, duc de Parme. Grâce à leurs conseils, elle réussit à dominer le caractère indécis de son mari qui ne contesta jamais aucune de ces décisions, ce qui lui donna un poids important dans la politique de l’Espagne du XVIIIe siècle. C’est au cours de cette période qu’Alberoni fut nommé cardinal et en 1716 Premier ministre.

L’influence de la reine, qui avait des droits sur Parme et Plaisance mais aussi sur la Toscane, porta l'Espagne à ne pas se résigner à perdre ses possessions italiennes par suite de la guerre de Succession d'Espagne. Ayant pris en main la politique espagnole, la reine et le cardinal firent envahir la Sardaigne et la Sicile.

Cependant la quadruple alliance entre la France, l’Autriche, la Grande-Bretagne et les Provinces-Unies mit fin à l'ambition de la reine. L'armée espagnole fut battue par l’armée française, et la flotte, envoyée par le fond par les Anglais au large du cap Passero en Sicile. La paix de La Haye (1720) provoqua le renvoi et l'exil du cardinal Alberoni, l’évacuation de la Sicile et la renonciation aux prétentions sur les anciennes possessions. Le même traité établit cependant que les duchés de Parme et de Plaisance, en cas d’absence d’héritier, passeraient aux mains de son fils aîné Charles. De même, Élisabeth étant également l’héritière légitime des Médicis dont la Maison, comme celle des Farnèse, risquait l'extinction, ses fils auraient pu revendiquer leurs droits sur la Toscane.

Comme il était d'usage, pour confirmer la réconciliation des deux branches de la maison de Bourbon, le roi d'Espagne et le régent de France conclurent des mariages croisés : tandis que le jeune Louis XV de France âgé de onze ans était fiancé à l'infante Marie-Anne-Victoire d'Espagne qui en avait trois, le prince des Asturies qui en avait quatorze épousait Louise-Élisabeth d'Orléans qui en avait douze.

Ces mariages, surtout celui de son jeune beau-fils, contrarient Élisabeth qui voit la couronne d'Espagne s'éloigner de ses propres enfants.

Pour que l'impérieuse reine d'Espagne ne soit pas froissée, l'infant Charles, aîné des fils qu'elle avait donné à Philippe V et âgé de cinq ans, était fiancé à Philippine d'Orléans qui en avait sept. Les petites princesses étaient sur le champ convoyées vers leur nouvelle patrie.

En 1724, Philippe V, fatigué et voulant se consacrer à son salut, abdiqua en faveur de son fils Louis, né de son premier mariage, et se retira, au grand dam de la reine qui devait bien sûr l'y accompagner, au palais de la Granja. Mais la chance favorisa Élisabeth une fois encore, car sept mois plus tard Louis mourut prématurément, ce qui convainquit Philippe de reprendre le pouvoir, permettant ainsi à Élisabeth de diriger à nouveau la politique espagnole, spécialement quand le roi perdit une grande partie de ses facultés mentales.

L'année suivante, le duc de Bourbon, qui avait succédé au duc d'Orléans comme Premier ministre français, rompait les fiançailles de son roi et renvoyait la jeune infante en Espagne. Outré, le roi d'Espagne l'imita et renvoya en France les deux filles du défunt régent.

Élisabeth se tourna alors vers l'Autriche. L'empereur n'ayant pas de fils, sa fille aînée Marie-Thérèse était censée recueillir les possessions des Habsbourg ; elle avait également deux sœurs cadettes susceptibles d'épouser des fils d'Élisabeth. Cette politique fit long feu.

En 1729, l'infante Marie-Anne-Victoire est mariée au roi Joseph Ier de Portugal.

L'infant Charles, roi de Naples et de Sicile.

En 1731, l'infant Charles, fils aîné d'Élisabeth, âgé de 15 ans, fut appelé auprès du grand-duc de Toscane, Jean-Gaston de Médicis, qui voulait en faire son héritier.

Au cours de la guerre de Succession de Pologne, soutenu par sa grand-mère Dorothée-Sophie qui s'était fait nommer régente à la mort du dernier duc de Parme, l'infant Charles réussit à prendre possession des duchés de Parme et de Plaisance (1732) puis des royaumes de Naples et de Sicile.

C'est à partir de la prise de Naples en 1734, à l’issue de la bataille de Velletri, que remonte le transfert des biens des Farnèse de Parme à Naples.

Après 1734, les droits qui avaient été attribués à Charles par les précédents traités revinrent à Élisabeth qui fut nommée « légitime reine et duchesse de Parme et de Plaisance ».

Cependant, le traité de Vienne qui réorganisa l'Europe à l'issue du conflit, confia la Toscane, Parme et Plaisance au duc François III de Lorraine, lequel, contraint par la France, renonçait à ses terres patrimoniales pour pouvoir épouser l'archiduchesse Marie-Thérèse d'Autriche, fille aînée et héritière de l'empereur.

Charles conservait Naples et la Sicile. En 1738, il épousait Marie-Amélie de Saxe, fille du roi de Pologne, qui domina son mari comme Élisabeth dominait le sien.

La France cherchait à conserver l'alliance de l'Espagne et Louis XV de France mariait en 1739 sa fille aînée Élisabeth de France, à l'infant Philippe, fils cadet du roi et d'Élisabeth tandis que l'infante Marie-Thérèse d'Espagne était promise au dauphin Louis.

L'année suivante éclata la guerre de Succession d'Autriche qui remit tout en cause.

Reine douairière

La famille royale en 1743 par Louis Michel van Loo.

Malgré la ratification de la Pragmatique Sanction, l'Espagne et la France s'unirent aux adversaires de l'Autriche.

Philippe V mourut en 1746, Ferdinand VI d'Espagne, quatrième fils de Philippe et de Marie-Louise-Gabrielle de Savoie, monta sur le trône et Élisabeth perdit son influence. Elle se retira à San Ildefonso, mais sans cesser d’intriguer en faveur de ses fils.

En 1745, furent célébrées les noces de l'infante Marie-Thérèse et du dauphin mais la jeune femme mourut des suites de ses couches l'année suivante.

Si la mort empêchait Marie-Thérèse de devenir reine de France, elle ne ruinait en rien les ambitions de sa mère.

Il restait à celle-ci sa plus jeune fille Marie-Antoinette qu'elle proposa pour succéder à sa sœur ; mais le jeune dauphin, inconsolable, refusa ce marché. En fait, c'est Louis XV qui s'y opposa[réf. nécessaire].

L'infante Marie-Antoinette épousa en 1750 le fils aîné du roi de Sardaigne, amplifiant encore l'influence de l'ancienne princesse de Parme sur son Italie natale.

La fin de la guerre de Succession d'Autriche, par le traité d'Aix-la-Chapelle de 1748, vit l’échange de territoires entre certaines puissances et un autre des fils d'Élisabeth, Philippe de Bourbon, gendre de Louis XV de France qui, comme son père et son frère, était dominé par son épouse, reçut la couronne ducale de Parme et Plaisance.

Il restait à Élisabeth un fils, Louis. D'abord consacré à l'Église, il reçut dès l'âge de huit ans la dignité cardinalice mais renonça à la pourpre peu après la mort de son père. Élisabeth lui destinait le trône de Toscane qui avait été donné au mari de l'archiduchesse Marie-Thérèse d'Autriche, lequel avait été élu empereur sous le nom de François Ier du Saint-Empire.

La guerre de Sept Ans ne combla pas ses vœux. L'infant Louis ne porta jamais la couronne mais contracta sur le tard un mariage que son frère Charles III qualifia d'inégal.

Entre-temps, en 1759, la mort sans héritier de Ferdinand VI porta sur le trône son frère cadet, le roi de Naples et de Sicile devenu Charles III d'Espagne. Après treize années d'inactivité forcée, Élisabeth, devenue la mère du roi mais dont la vue commençait à baisser, était nommée par celui-ci régente en attendant qu'il puisse fouler le sol espagnol.

Élisabeth passa les dernières années de sa vie à Aranjuez où elle dédia son temps en œuvres de charité et devint la protectrice des jésuites.

Les années 1760 virent le mariage de ses petits-enfants : en 1760, Marie-Isabelle de Bourbon-Parme épousa le fils aîné de l'empereur, l'archiduc Joseph, mais mourut deux ans plus tard sans avoir donné de descendance mâle à la Maison de Habsbourg-Lorraine. Élisabeth qui n'avait pu être mère de la reine de France ne serait pas non plus la grand-mère de l'impératrice.

En 1765, elle perdit son fils le duc de Parme tandis que sa petite-fille Marie-Louise de Parme épousait son petit-fils le futur Charles IV d'Espagne. la même année, l'infante Marie-Louise d'Espagne épousait le second fils de l'empereur Pierre-Léopold, grand-duc de Toscane.

Presque aveugle, Élisabeth Farnèse, reine douairière d'Espagne, mourut le .

Frédéric II de Prusse, qui connaissait bien Élisabeth, dit d’elle :

« Le cœur énergique d’un Romain, la fierté d’un Sparte, la ténacité d’un Anglais, l’astuce d’un Italien, la vivacité d’un Français concoururent à créer cette femme particulière ; elle marche audacieusement à la réalisation de ses projets, il n’y a rien qui puisse la surprendre, personne qui puisse l’arrêter ».

Descendance

  1. Charles () duc de Parme puis roi de Naples et de Sicile puis roi d'Espagne, épouse en 1738 Marie-Amélie de Saxe (1724-1760) ;
  2. François ()
  3. Marie-Anne-Victoire d'Espagne () épouse en 1729 Joseph Ier, roi du Portugal ;
  4. Philippe Ier de Parme () épouse en 1739 Élisabeth de France, duc de Parme en 1748 ;
  5. Marie-Thérèse d'Espagne () épouse en 1745 Louis, dauphin de France (1729-1765).
  6. Louis Antoine d'Espagne (), connu comme le « cardinal infant ». Il fut archevêque de Tolède, primat d’Espagne et cardinal de 1735 à 1754 lorsqu’il renonça aux titres ecclésiastiques pour devenir comte de Chinchón. En 1776, il contracta un mariage inégal avec Doña María Teresa de Vallabriga y Rozas. Leurs enfants n’eurent pas de titre.
  7. Marie-Antoinette d'Espagne (), épouse en 1750 Victor-Amédée III, roi de Sardaigne (1726-1796).

Au cinéma

Bibliographie

  • Géraud Poumarède, « Elisabeth Farnèse sous le regard de Saint-Simon », in Gigliola Fragnito (dir.), Elisabetta Farnese, principessa di Parma e regina di Spagna, Rome, Viella, 2009, p. 91-114 ⟨halshs-02335456

Annexes

Articles connexes

Liens externes

  • Portail du XVIIIe siècle
  • Portail de l’Espagne
  • Portail de l'Émilie-Romagne
  • Portail de la monarchie
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.