Héliogabale

Héliogabale ou Élagabal (Varius Avitus Bassianus) (v. 203 - ) est empereur romain de 218 à 222 sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus.

Pour les articles homonymes, voir Élagabal.

Héliogabale (ou Elagabal)
Empereur romain

Buste d'Héliogabale, musée du Capitole.
Règne
juin 218 (~4 ans)
Période Sévères
Précédé par Macrin et Diaduménien
Suivi de Sévère Alexandre
Biographie
Nom de naissance Varius Avitus Bassianus
Naissance v. 203, Émèse (Syrie)
Décès (~19 ans), Rome
Père Sextus Varius Marcellus
Mère Julia Soæmias Bassiana
Épouse (1) Julia Paula (219-220)
(2) Julia Severa (220-221)
(3) Annia Faustina (221)
(2) Julia Severa (221)
Empereur romain

Il naît, vers 203, à Émèse, en Syrie. C'est le fils de Julia Soæmias et de Varius Marcellus. Par sa mère, il est l'arrière-petit-fils de Julius Bassianus d'Émèse, le petit-neveu par alliance de l'empereur Septime Sévère, qui avait épousé sa grand-tante Julia Domna en secondes noces, et le neveu de Caracalla. Les femmes, qu'on appelait « les princesses syriennes », sont indissociables du destin d'Héliogabale.

Biographie

Accession au trône

Descendant des Bassianides, une grande famille d'Émèse, Varius Avitus Bassianus est dépositaire dès l'âge de treize ans de la charge de grand-prêtre du dieu Élagabal.

Lorsque Caracalla est assassiné, le , à la tête des armées dans une plaine voisine de l'Euphrate, toutes les femmes de la branche syrienne de la famille impériale, chassées de Rome, se replient dans leur fief d'Émèse. Julia Mæsa, sa grand-mère, Julia Soæmias, sa mère, et Julia Mamæa, sa tante et mère du futur empereur Sévère Alexandre, parviennent à convaincre l'armée de proclamer Varius, en raison de sa ressemblance physique avec Caracalla, empereur sous le nom de Marcus Aurelius Antoninus, nom déjà abusivement porté par Caracalla : « [il] s’était arrogé le nom d’Antonin, soit comme une preuve qu’il était issu de cette famille, soit parce qu’il savait que ce nom était tellement cher aux peuples[1]. »

L'empereur Macrin, resté à Antioche, est alors pris de court. Piteux stratège, et ayant dressé l'armée contre lui, il est défait et finalement assassiné en juin 218 : le jeune Varius se retrouve à quatorze ans le seul maître de tout l'Empire romain.

Un empereur faible plutôt que sanguinaire

Si l'on examine soigneusement les récits rapportés par les historiens antiques, on conclut qu'il est, en réalité, plus dépensier que cruel et plus extravagant que méchant ; ses biographes, partiaux, ont en effet fortement exagéré ses vices. Ces écrivains antiques, en racontant sa vie, se montrent plus moralistes qu'historiens. Par des descriptions violemment contrastées, ils opposent un empereur qu'ils décrivent comme totalement pervers à son cousin et successeur, Alexandre Sévère, présenté, avec tout autant d'exagération, comme le parangon de toutes les vertus.

Aureus d'Héliogabale, au revers, Sanctus DEO SOLI : le bétyle d'Élagabal en procession vers Rome sur un char, frappé à Antioche, vers 218-219.

Héliogabale laisse les rênes du gouvernement à sa grand-mère, Julia Mæsa, et à sa mère, Julia Soæmias : « Il fut tellement dévoué à Semiamira sa mère, qu’il ne fit rien dans la république sans la consulter[1]. » C'est cette emprise féminine, plus que la superstition de l'empereur, ses caprices puérils, ses dépenses inconsidérées, qui horripilent les « vieux Romains » et précipitent sa chute. L’ambition de sa mère semble si dévorante qu’elle manque de prudence face aux lois romaines qui relèguent les femmes à l’arrière-plan ; elle impose même sa présence au Sénat. Ce détail, par-dessus tout, choque les contemporains : « lors de la première assemblée du sénat, il fit demander sa mère. À son arrivée elle fut appelée à prendre place à côté des consuls, elle prit part à la signature, c’est-à-dire qu’elle fut témoin de la rédaction du sénatus-consulte : de tous les empereurs il est le seul sous le règne duquel une femme, avec le titre de clarissime, eut accès au sénat pour tenir la place d’un homme[1]. »

Héliogabale prend la route de Rome avec une procession qui transporte une pierre noire tombée du ciel sur un char d'or tiré par des chevaux blancs, qu'il conduit à reculons jusqu'au Palatin atteint durant l'été 219[2]. « Il fit construire et consacra à Héliogabale un temple sur le mont Palatin auprès du palais impérial ; il y fit transporter tous les objets de la vénération des Romains : la statue de Junon, le feu de Vesta, le Palladium et les boucliers sacrés. […] Il disait en outre que les religions des Juifs et des Samaritains, ainsi que le culte du Christ, seraient transportés en ce lieu, pour que les mystères de toutes les croyances fussent réunis dans le sacerdoce d’Héliogabale[1]. » Les religions nouvelles d'Isis, de Sérapis, ou de Cybèle, de Mithra ou des chrétiens comptent leurs fidèles à Rome, sans menacer pour autant le vieux panthéon romain. Mais Héliogabale semble vouloir imposer son dieu comme unique, au-delà de son assimilation à Jupiter. Les Romains sont scandalisés lorsqu'il enlève la grande Vestale Aquilia Severa pour l'épouser, en désir de syncrétisme symbolique, « pour que naissent des enfants divins », dit-il au Sénat. Mais, peu porté sur la gent féminine, Héliogabale ne consomme pas le mariage et s'en sépare rapidement[3]. Ensuite, ses « mariages » homosexuels, notamment avec deux « colosses » grecs prénommés Hiéroclès et Zotikos, choquent les historiens romains[4]. La fin de son règne est rythmée par des orgies homosexuelles avec des prostitués mâles (exolètes) recrutés pour l'occasion, à en croire l'Histoire Auguste[5] et Aurélius Victor[6].

Prodigue et démagogue, il offre des fêtes au cirque et des combats d'animaux, il jette au peuple des objets précieux. Il reçoit, au milieu des histrions et des gitons, des convives à qui il offre des raffinements de table dignes de Cléopâtre, parfois agrémentés de surprises redoutables, quand les convives se réveillent de l'orgie dans une cage avec des lions ou des ours apprivoisés.

Chute

Statue de Julia Aquilia Severa (musée archéologique d'Athènes) vraisemblablement victime de la damnatio memoriæ de son mari.

Après trois années de règne, Héliogabale bénéficie encore du soutien de l'armée. Il le perd par maladresse. En juin 221, sa grand-mère, Julia Mæsa, pressentant que les vices de son petit-fils finiraient de les perdre lui et sa famille, le convainc d'adopter son cousin Alexianus Bassianus, sous le nom de Sévère Alexandre, et de l'associer au pouvoir avec le titre de « césar »[7]. Ce jeune homme est l’antithèse d'Héliogabale : sévère, avisé, vertueux, patient et sage. Il parvient à se rendre populaire auprès de la seule force qui compte réellement dans l'Empire, l'armée.

Aussi, quand les soldats apprennent qu'Héliogabale cherche à se débarrasser de son cousin et associé, ils commencent à lui être hostiles. Héliogabale veut alors faire arrêter les meneurs mais une foule furieuse envahit le palais impérial et massacre l'empereur. Son corps est traîné à travers les rues de Rome, puis la populace tente de jeter le cadavre aux égouts, mais, comme les conduits sont trop étroits, le cadavre de l'empereur est finalement jeté dans le Tibre depuis le pont Æmilius ()[8].

Son cousin, Sévère Alexandre, devient empereur, et la pierre noire retourne à Émèse.

Politique religieuse

Par son souci de promouvoir un culte unique  en l'occurrence le culte solaire  à un moment où il était nécessaire de restaurer l'unité de l'empire, la politique religieuse d'Héliogabale peut se rapprocher du « césaropapisme », qui est ensuite celle des empereurs païens puis chrétiens du Bas-Empire. D'ailleurs, cinquante ans après, l'empereur Aurélien vise à peu près le même objectif en instituant Sol Invictus comme divinité de l'Empire.

L'empereur Héliogabale laissa les chrétiens en paix. Il est en effet fort vraisemblable qu'il ait entendu parler de la religion chrétienne dont les disciples étaient nombreux en Syrie ; Anicet, pape de 155 à 166, était comme lui originaire d'Émèse.

On peut noter qu'à l'époque de l'assassinat d'Héliogabale, une émeute populaire antichrétienne est rapportée à Rome, au cours de laquelle l'évêque de Rome Calixte aurait perdu la vie. Selon la tradition : écharpé par la foule, il aurait été défenestré, jeté dans un puits puis lapidé[9].

Noms successifs

  • 205 : naissance de Varius Avitus Bassianus.
  • 218 : accession à l'Empire : Imperator Cæsar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus.
  • 220 : ajout du surnom « grand-prêtre du dieu Soleil invincible Elagabal » : Imperator Cæsar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus Sacerdos Amplissimus Dei Invicti Solis Elagabali.
  • 222 : titulature à sa mort : Imperator Cæsar Divi Antonini Magni Filius Divi Severi Pii Nepos Marcus Aurelius Antoninus Pius Felix Augustus, Sacerdos Amplissimus Dei Invicti Solis Elagabali, Pontifex Maximus, Tribuniciæ Potestatis V, Consul IV, Pater Patriæ.

Représentations

Auitus Varius Antoninus Heliogabalus, gravure en médaillon 1710

Bien que subissant la damnatio memoriæ, Élagabal dont les statues ont été renversées et les dédicaces martelées, est connu par un ensemble de représentations ou de dédicaces qui ont échappé à cette entreprise d'effacement de la mémoire :

À Lugdunum

Bien que court, son règne est marqué par la dédicace que les habitants de Lugdunum (aujourd'hui Lyon) lui accordent dans le Sanctuaire fédéral des Trois Gaules. Un bloc de pierre, retrouvé lors de la destruction du pont de la Guillotière à Lyon, mesurant 57 cm × 180 cm × 55 cm, donne une inscription restituée par les archéologues Amable Audin et Pierre Wuilleumier :

«  [I]mp(eratori) Cæs(ari), div[i] / Antonioni Magn[i / fi]l(io), divi Sever(i) n[ep(oti), / [M(arco)] Aurel(io) Anton[i/no] / Pio Felici, Aug(usto), / [pont]if(ici) max(imo), trib(unicia) p[ot(estate) / I[II, co(n)s(uli) III; proco(n)s(uli), pa/tri patriæ, / [c] ives RomaniinTri/[b]us Provinci(is)Galli(i)s / [c] onsistentes public(e) / posuerunt, curantib(us / allectis isdemq(ue) sum/[m]is curatoribus Iulio / [S]aturnino prov(inciæ) Lugud(unensis) / […]ilio Sabino provinc(iæ) / [Belgic]æ, Aventinio Veris/ [simo pr]ovinci(iæ) Aquitanic(æ)[10]. »

« À l'empereur César Marc Aurèle Antonin, fils d'Antonin le Grand divinisé, petit-fils du divin Sévère, pieux, heureux, auguste, grand pontife, revêtu de la 3e puissance tribunitienne, consul pour la 3e fois, proconsul, père de la patrie, les citoyens romains résidant dans les trois provinces de Gaule, ont élevé (cette statue) officiellement, par les soins des allecti et à la fois summi curatores, Julius Saturnius de la province de Lyonnaise, … ilius Sabinus, de la province de Belgique, Aventinius Verissimus, de la province d'Aquitaine[11]. »

Probablement datée des années 220-221, la dédicace mentionne l'existence d'un organisme fédéral qui participe au culte impérial du sanctuaire des Trois Gaules. Les fonds de cette association sont gérés par les allecti, également summi curatores. Les provinces sont énumérées dans leur ordre hiérarchique : Lyonnaise, Belgique, Aquitaine[12].

Un camée

Le cabinet des médailles de Paris possède un camée représentant Héliogabale nu, se présentant dans de « triomphantes dispositions intimes », sur un char tiré par deux femmes nues et à quatre pattes[13]. L'Histoire Auguste mentionne ce fait, que les historiens croyaient grandement exagéré. Ce camée donne foi aux rites naturistes et orgiaques qui se déroulaient au cours du culte du Dieu solaire instauré par l'empereur, où les ébats sexuels semblent avoir tenu une grande place[14].

Représentations de Héliogabale dans des œuvres modernes

La vie de Héliogabale a notamment inspiré les artistes du mouvement décadent de la fin du XIXe siècle. L'idée que l'on a pu se faire de sa personnalité a pu servir de support aux œuvres suivantes :

Littérature

  • L'Agonie (1889), un roman de l'écrivain français Jean Lombard.
  • Algabal (1892), un recueil de poèmes de Stefan George centré sur la figure d'Élagabal.
  • De berg van licht (1905-1906), roman en trois volumes de l'écrivain néerlandais Louis Couperus.
The Roses of Heliogabalus.
  • Sainte Dorothée, un poème d'Algernon Charles Swinburne, qui évoque le martyre de la sainte sous le règne de l'empereur.
  • Héliogabale ou l'Anarchiste couronné (1934), un essai d'Antonin Artaud.
  • Le carnet arabe (1971), un récit d'un voyage en Orient de Gabriel Matzneff.
  • Le scandaleux Héliogabale, empereur, prêtre et pornocrate. (2006), un roman d'Emma Locatelli.
  • Le divin Héliogabale, César et prêtre de Baal, essai historique de Roland Villeneuve, Guy Trédaniel, Paris, 1984.
  • La dernière prophétie, une série de bande dessinée de Gilles Chaillet dans les tomes 2 (Les dames d'Émèse, 2003) et 3 (Sous le signe de Ba'al, 2004).
  • Alain Burosse, Heliogabale Imperatrix Forever, 2016.

Peinture

Cinéma

Musique

Arbre généalogique des Sévères

Références

  1. Ælius Lampridius, Histoire Auguste ; Vie d’Antonin Héliogabale.
  2. Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique, les armes et les mots, éditions Hachette Littératures, 2008, p. 401-402 et Matthieu Gounelle, Les Météorites, éd. PUF, coll. « Que Sais-je », Paris, 2009 (ISBN 978-2-13-057428-6).
  3. Robert Turcan, Héliogabale et le sacre du Soleil, Albin Michel, 1985.
  4. Dion Cassius, Histoire, LXXIX, 15-1 ; Hérodien, Histoire romaine, V et suiv.
  5. Vie d'Héliogabale, V, 1-3.
  6. De Cæsaribus, XXIII, 2.
  7. Chastagnol, André, « Rencontres entre l'Histoire Auguste et Cicéron (à propos d'Alex. Sev., 6, 2) », Mélanges de l'école française de Rome, Persée - Portail des revues scientifiques en SHS, vol. 99, no 2, , p. 905–919 (DOI 10.3406/mefr.1987.1572, lire en ligne, consulté le ).
  8. Christian Bonnet et Bertrand Lançon, L'Empire romain de 192 à 325 : du Haut-Empire à l'Antiquité tardive, éd. 1997, p. 96 [lire en ligne].
  9. Michel-Yves Perrin dans Yves-Marie Hilaire (dir.), Histoire de la papauté, 2 000 ans de mission et de tribulation, éd. Tallandier/Seuil, 2003, p. 47.
  10. AE 1955, 00210 = AE 1956, 00173.
  11. Anne-Catherine Le Mer, Claire Chomer, Carte archéologique de la Gaule, Lyon 69/2, p. 417.
  12. Gallia, 1954, p. 465.
  13. « Camée, », sur bnf.fr (consulté le ).
  14. Lucien Jerphagnon, Histoire de la Rome antique, les armes et les mots, éditions Hachette Littératures, 2008, p. 403.
  15. Le site officiel.

Voir aussi

Sources antiques

Ouvrages contemporains

Biographie de l'empereur romain par un abbé de Marolles offusqué, qui se répand en excuses dans le préambule. Intéressante et détaillée.
Biographie romancée, écrite en « style artiste » mais bien documentée.
Récit d'un voyage en Orient. Lors de la visite d'Émèse, Matzneff s'attarde beaucoup sur l'empereur. L'ensemble du livre est marqué par la figure du jeune empereur ; en dédicace, on peut lire : « À la mémoire tant ternie d'Héliogabale, grand prêtre d'un autre Soleil, adolescent couronné d'Émèse qui enfiévra l'Empire et qui vécut comme la plupart des hommes n'osent pas rêver. »
  • Antonin Artaud, Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, Denoël et Steele, 1934. rééd. coll. L'imaginaire, Gallimard, 1997 (1979) (ISBN 2-07-028472-7).
Biographie écorchée où les grands principes de l'humain décadent se mêlent à la religion… pour l'unité. Très beau texte d'Artaud, particulièrement mal documenté d'un strict point de vue historique.
Ouvrage rassemblant beaucoup d'informations disponibles jusqu'à 1985 sur cet Empereur comme sur le culte de Sol Invictus Elagabal.

Liens externes

  • Portail de la Rome antiquesection Empire romain
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.