Aurelius Victor

Sextus Aurelius Victor Afer[1][2], aussi dit simplement, Victor Afer[3] ou Aurelius Victor (v. 320 – v. 390), est un historien et un haut fonctionnaire impérial romain originaire de la province romaine d'Afrique[4]. Il fut gouverneur de Pannonie sous le règne de l'empereur Julien, et devint préfet de la ville de Rome en 389[5].

Biographie

La carrière d'Aurelius Victor est globalement connue grâce à Ammien Marcellin (livre XXI des Res Gestae) ainsi qu'une inscription (CIL VI, 1186 = ILS 2945). Aurelius Victor est né aux environs de 327-332[6] en Afrique, d'une famille originaire de Leptis Magna, se présentant comme compatriote de Sévère Alexandre[5]. Son père, un colonus victime des acturii (spoliateurs) faisait partie des riches campagnes de la province, pas encore décadentes[7]. Il dû être avocat car il connaît le vocabulaire[8]. Sa carrière fut civile, il n'apprécie pas l'armée[9]. D'origine modeste, il fait partie de l'entourage de Julien et est gouverneur de Pannonie seconde, avec le statut de clarissimat dans l'ordre sénatorial[10],[4]. Il est toutefois destitué par Valens et Valentinien Ier qui remplacèrent les gouverneurs[11]. On perd sa trace pour une trentaine d'années, impossible de connaître son cursus dans ce laps. Mais grâce à Ammien Marcellin et une inscription du forum de Trajan, on sait qu'en 389 à la charge importante de préfet de la Ville (praefectus Urbi), une fonction réservée aux grandes familles aristocratiques romaines, pour un provincial roturier comme Aurelius, c'est assez rare[12],[13]. Ammien Marcellin l'évoque dans son 21e livre des Res Gestae, qu'il écrivit en 390, les deux hommes se sont peut-être connus. La biographie d'Aurelius Victor reste inconnue ensuite[14].

Œuvre

Le Corpus Aurelianum

On lui a attribué un ensemble ordinairement désigné Corpus tripertitum ou Corpus Aurelianum, narrant l'histoire de Rome depuis la légende de Saturne et Énée jusqu'à l'empereur Constance II, et comprenant trois œuvres : Origo gentis Romanae (Histoire du peuple romain), le De viris illustribus urbis Romae, suite de 86 biographies des grandes figures de la monarchie et de la République romaine, et un Liber de Caesaribus. Seule cette dernière œuvre est effectivement de lui[15]. On ignore les auteurs des deux premiers traités ainsi que le compilateur, qui dû faire des interpolations. C'est probablement un païen érudit voulant réaffirmer l'histoire face au christianisme[16]. Le compilateur fit fusionner trois traités qui n'ont pas de point commun mais permettent un large panorama de l'histoire romaine. Les dates de la constitution du corpus sont également incertaines, plusieurs hypothèses ont même évoqué l'époque médiévale, mais on évoque la fin du IVe siècle, en raison du style et de la présence des abrégés historiques (Histoire Auguste, Eutrope, Chronographe de 354) ou bien vers 580, avec le témoignage imprécis de Jean le Lydien[17], des hypothèses vont même au IXe siècle[18].

L'établissement du texte est compliqué, seuls deux manuscrits nous ont transmis le corpus : le Codex Bruxellensis (Bibliothèque Royale 9755-9763) ou Codex Pulmanni (P), copié au XVe siècle, il appartint à plusieurs jésuites, fut recouvré à Bruxelles par Theodor Mommsen en 1850 et le Codex Oxoniensis (O), Bibliothèque Bodléienne, Canon. Lat. 131., copié au XVe siècle et qui appartint au cardinal Bessarion. Le savant Jean Matal fin XVIe siècle signala posséder un manuscrit du corpus que nous avons perdu (sigla M), surnommé Codex Metelli, il en transmis plusieurs leçons[19]. À noter que le De viris illustribus urbis Romae fut transmis par une autre tradition manuscrite, probablement issue du corpus tripartite, une tradition défectueuse car marquée par une lacune sur ses dernières biographies.

Le Livre des Césars

Le nom complet d'après les manuscrits est Aurelii Victoris Historiae abbreuiatae ab Augusto Octauiano, id est a fine Titi Liuii, usque ad consulatum decimum Constantii Augusti et Iuliani Caesaris tertium. La partie id est a fine Titi Liuii est une interpolation, Aurelius Victor n'a pas pris la suite de Tite-Live[20]. Son Liber de Caesaribus est une série de 42 biographies impériales (d'Auguste à Constance II) rédigée vers 360 et qui s'inspire, par le souci moralisant, de Salluste, Tacite et Suétone. De carrière exclusivement civile, Aurélius Victor emploie volontiers un discours critique envers l'armée et les personnages du cursus militaire. Son originalité par rapport aux abréviateurs Eutrope et Florus est d'avoir voulu faire un traité de morale et de politique destiné aux hommes de pouvoir, et d'avoir le goût du pittoresque[21].

Une partie de son information provient d'auteurs antérieurs inconnus et perdus, dont une Histoire impériale, dont l'existence a été déduite par Alexander Enmann par rapprochement de différents textes et qui est désignée sous le nom de Enmanns Kaisergeschichte[22]. Mais l'utilisation de l'EKG n'est pas certain, une étude fut réalisée sur les sources qui ont beaucoup divisés les historiens : pour Auguste à Domitien, il utilisa Suétone, Tacite et d'autres sources et compilations latines, pour Nerva à Héliogabale, c'est Marius Maximus. De Héliogabale à Dioclétien, il s'agit de sources biographiques, de Dioclétien à Constance II, il utilise une source historiographique païenne et pour Constance II, il utilise des sources de première main, comme des rapports et panégyriques. Il utilisa aussi la tradition d'Eutrope mais probablement pas les historiens grecs[23]. Sa documentation dû être variée, l'hypothèse d'une source commune est rejetée[24].

Il est imité par un continuateur anonyme qui compose après 395 un ouvrage connu sous le nom d'Épitomé de Caesaribus[4] et que des éditeurs incluent après Aurelius Victor[25].

Notes et références

  1. Jean-Baptiste de Boyer Argens (marquis d'), Histoire de l'esprit humain ; ou, Memoires secrets et universels de la republique des lettres, Haude et Spener, (lire en ligne)
  2. Encyclopædia Universalis, « AURELIUS VICTOR », sur Encyclopædia Universalis (consulté le )
  3. Les Cahiers de Tunisie, Faculté des lettres et sciences humaines de Tunis., (lire en ligne)
  4. André Chastagnol, L'évolution politique, sociale et économique du monde romain de Dioclétien à Julien: La mise en place du régime du Bas-Empire (284-363), Sedes, coll. « Regards sur l'histoire », 1994 (1re éd. 1985), 394 p. (ISBN 2-7181-3552-2), p. 26
  5. Paul Monceaux, Les africains, éditions cartaginoiseries, , 291 p. (ISBN 978-9973-704-22-1, lire en ligne).
  6. Aurelius Victor 1975, p. XIV. Cette estimation se base sur l'âge moyen d'accès aux charges et au fait qu'il est né du vivant de Constantin.
  7. Aurelius Victor 1975, p. IX-X.
  8. Aurelius Victor 1975, p. X.
  9. Aurelius Victor 1975, p. XI.
  10. Aurelius Victor 1975, p. XII. Se base sur Ammien Marcellin, XXI, 10, 6.
  11. Aurelius Victor 1975, p. XII. D'après Zosime, IV, 1, 2.
  12. Aurelius Victor 1975, p. XIII.
  13. Joseph Hellegouarc'h, traduction de l'Abrégé d'histoire romaine d'Eutrope, Les Belles-Lettres, coll. « CUF Latin », 1999, LXXXV-274 pages, (ISBN 978-2-251-01414-2), p. XVII
  14. Aurelius Victor 1975, p. XV.
  15. Joseph Hellegouarc'h, traduction de l'Abrégé d'histoire romaine d'Eutrope, Les Belles-Lettres, p. XX
  16. Les hommes illustres de la ville de Rome (trad. Paul-Henri Martin), Les Belles Lettres, coll. « Budé », , p. XXIX-XXX
  17. Les origines du peuple romain, Les Belles Lettres, C.U.F., p. 16-19
  18. Aurelius Victor 1975, p. VIII.
  19. Les origines du peuple romain, Les Belles Lettres, C.U.F., p. 7-8
  20. Aurelius Victor 1975, p. VII-VIII.
  21. Aurelius Victor 1975, p. XXV, XXXVI.
  22. André Chastagnol, L'Évolution politique, sociale et économique du monde romain de Dioclétien à Julien: La mise en place du régime du Bas-Empire (284-363), ouvrage précité, p. 19
  23. Aurelius Victor 1975, p. XXXI-XXXIV.
  24. Aurelius Victor 1975, p. XXXV.
  25. Aurelius Victor 1975, p. VII.

Éditions

  • Aurelius Victor, Œuvres complètes, traduction et commentaires par André Dubois et Yves Germain, Clermont-Ferrand, Paléo, 2003, (ISBN 2-84909-012-3), 209 pages
  • Aurelius Victor (trad. Pierre Dufraigne), Livre des Césars, Paris, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », (réimpr. 2003), 213 p. (ISBN 2-251-01018-1)

Bibliographie

  • (en) H. W. Bird, Sextus Aurelius Victor : a historiographical study, 1984, F. Cairns, Liverpool, (ISBN 0-905205-21-9), 175 pages
  • Michel Festy, « À propos du Corpus Aurelianum : à la recherche des leçons du Codex Metelli perdu », Pallas, no 41, , p. 91-136 (lire en ligne)
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