Mithra

Mithra ou Mithras est originellement un dieu indo-iranien, fils d'Anahita. Son culte connut un important développement dans la Rome antique aux IIe et IIIe siècles de notre ère.

Pour la divinité hindoue, voir Mitra (mythologie).

Pour les articles homonymes, voir Mithra.

Mithra sacrifiant le Taureau (100-200 apr. J.-C.), collection Borghése, achat par le Louvre en 1807 exposé dans la Galerie du Temps au Louvre-Lens

Origine

Mithra est une divinité indo-iranienne. Plusieurs documents hittites attestent son existence dès le IIe millénaire av. J.-C. Il fait l'objet, dans la Perse antique, d'un culte important qui commence à être un peu mieux connu[1]. Les travaux de Georges Dumézil ont montré que les dieux Mitra et Varuna (Contrat et Serment) forment un couple dans le panthéon indo-iranien. Ils sont les représentants de la fonction souveraine et à Mitra-Contrat revient la souveraineté juridique, Varuna disposant de la souveraineté magique. Tous deux ont pour fonction de veiller sur la vérité et sur le cours du monde[2].

Une révolution religieuse dont la date n'est pas connue a eu lieu en Iran et a transformé en démons certains dieux. Mitra devient alors le yazata- (« dieu ») Mithra et Varuna devient le « Seigneur Sage », Ahura Mazda, le dieu suprême du mazdéisme[2]. Une seconde réforme religieuse, celle de Zarathustra survenue au cours du Ier millénaire av. J.-C., a orienté la religion mazdéenne vers le monothéisme au bénéfice d'Ahura Mazda entouré d'un certain nombre d'entités comme Mitra « Bonne pensée »[2], ce dernier n'étant plus attesté que par quelques formules[2].

Le culte

Mithra, né du rocher (env. 186 apr. J.-C.), Thermes de Dioclétien)

Le mithraïsme se développe à Rome probablement à partir de la seconde moitié du Ier siècle de notre ère, sans qu'on connaisse exactement les conditions de son introduction dans l'empire. Selon l'historien Plutarque - et des historiens modernes valident cette thèse - il serait arrivé en Italie à l'occasion des expéditions de Pompée en Orient contre Mithridate, et contre les pirates de Cilicie[3]. Toutefois il semblerait que son introduction ait été un peu plus tardive et diverses hypothèses existent à ce sujet[4],[5].

Mithra était particulièrement populaire dans les armées, essentiellement chez les soldats et les centurions, bien que quelques légats aient comptés parmi ses dévots. Beaucoup d'esclaves et d'affranchis faisaient également partie de ses fidèles. Sénateurs et chevaliers semblent par contre avoir été assez réservés à son endroit ; cependant, dans un temple de Mithra à Rome, des inscriptions datant du IIe siècle nomment deux supérieurs de la communauté mithriaque, tous deux chevaliers[6]. Les femmes étaient probablement exclues de son culte[7]. Celui-ci s'est principalement répandu en Italie, en Grande Bretagne et sur les rives du Rhin et du Danube. En revanche il semble n'avoir connu qu'un essor limité et tardif dans la partie orientale de l'Empire romain[8]. Dès la diffusion du christianisme, le culte de Mithra apparaît comme un concurrent majeur aux yeux des auteurs chrétiens et comme une cible privilégiée dans les textes polémiques et quand l'empire adopte officiellement le christianisme, il fait l'objet de persécutions à la fin du IVe siècle[9].

On possède peu d'éléments sur le contenu du mithraïsme et les valeurs qu'il véhiculait. À l'heure actuelle, on estime que les notions d'amitié et de loyauté étaient primordiales. Seules deux scènes de la geste de Mithra sont actuellement bien connues et identifiées : sa naissance et la tauroctonie.

Mithra et le taureau, fresque de Marino.

Mithra, qui s'est créé lui-même à partir de la roche (ce qui explique l'emploi à son sujet de l'adjectif pétrogène), est à la fois primogenitus et autogenitus. Cette scène est représentée sur de nombreuses statues.

La tauroctonie est sans conteste la scène la plus représentée dans les sanctuaires du dieu, qu'il s'agisse de sculptures, de bas-reliefs ou de fresques. Il semble qu'après avoir chassé le taureau, Mithra l'ait rattrapé et tué. Le sacrifice du taureau serait à l'origine de la vie, le sang de l'animal fertilisant la terre.

Le mithraïsme est un culte à mystères. Le fidèle devait subir une initiation pour être pleinement accepté parmi les plus fervents fidèles. Ce type de culte, contrairement à ce que l'on a longtemps cru, n'est pas d'origine « orientale » mais grecque[10]. Les initiés portaient chacun un grade bien précis : corbeau (corax), fiancé ou jeune marié (nymphus), soldat (miles), lion (leo), Perse (Perses), Héliodrome (Heliodromus) et Père (pater). Ces grades sont principalement attestés en Italie, notamment par de nombreuses inscriptions et par la mosaïque du sanctuaire de "Sette Sfere" à Ostie[11], ainsi que grâce au témoignage de saint Jérôme[12].

Les sanctuaires

Un mithraeum trouvé dans les ruines d’Ostia Antica, Italie

Le sanctuaire dédié à Mithra porte actuellement le nom de mithraeum ou mithrée. Dans l'Antiquité, on les appelait généralement spelaeum (grotte) en Italie, ou templum (temple, sanctuaire) dans les provinces[13]. Ces sanctuaires étaient parfois installés à l'intérieur de grottes naturelles. Cependant la plupart de ces temples étaient construits artificiellement et se contentaient de reproduire la forme d'une grotte : ils étaient généralement au moins partiellement souterrains. La grotte est sans conteste un lieu important pour les fidèles de Mithra, puisque le dieu serait né dans l'une d'elles[14].

Les plafonds de certains sanctuaires représentent le ciel étoilé. Cela a amené plusieurs chercheurs à interpréter le culte de Mithra à partir de l'astronomie et l'astrologie[15]. Cependant ces interprétations sont généralement mises en question à l'heure actuelle[16].

Les sanctuaires dédiés à Mithra ont été détruits par les chrétiens vers la fin du IVe siècle ; un décret de l'empereur romain Théodose en 392 a donné le départ des persécutions religieuses contre les fidèles du dieu Mithra[17].

À Rome, la basilique Saint-Clément-du-Latran possède dans ses sous-sols des vestiges d'un temple mithraïque.

En France on a trouvé des sanctuaires dédiés à Mithra à Angers[18], Biesheim, Bordeaux[19], Bourg-Saint-Andéol[20] ,[21], Lucciana[22], Metz (quartier du Sablon), Nuits-Saint-Georges (site des Bolards), Sarrebourg (lieu-dit « le Rebberg ») Septeuil, Strasbourg et en Corse[23].

Reconstruction d'un mithraeum avec une mosaïque illustrant les degrés d'initiation

En Belgique, un sanctuaire mithriaque à Tirlemont[24],[25] est aujourd'hui attesté. En outre, des bronzes mithriaques ont été découverts à Angleur près de Liège par hasard, à la fin de 1881 ou au début de 1882, par un ouvrier briquetier. Ils sont exposés au musée Le Grand Curtius de Liège[26]. Ces bronzes exceptionnels, presque uniques, appartenaient à la décoration d'un sanctuaire probablement proche mais encore non identifié.

En Allemagne, près de Trèves : des vestiges d'un temple dédié à Mithra ont été découverts en 1928[27].

En Espagne (Galice) : restes de mithraeum près de la cathédrale de Lugo.

En Algérie, un sanctuaire dédié à Mithra se trouve dans la cité, aujourd'hui en ruines, de Tiddis (wilaya de Constantine)[28].

Au Maroc, deux inscriptions relatives au culte de Mithra attestent de la présence possible d'un sanctuaire à Volubilis[29].

En Angleterre, le Mithraeum de Londres découvert en 1954 et restauré en 2017 ouvre ses portes au public en novembre 2017.

En Suisse, à Martigny, anciennement Octodure, un mithraeum, érigé vraisemblablement au IIe siècle a été découvert en 1993 et est encore visible dans un endroit aménagé sous un immeuble.

Notes et références

  1. M. Clauss, The Roman cult of Mithras, New York, 2000, p. 3-8.
  2. Jean Haudry, Les Indo-Européens, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1981 ; rééd. 1985, p. 81 et suiv.
  3. Plutarque, Vie de Pompée, XXIV, 7.
  4. R. Beck, The mysteries of Mithras: a new account of their Genesis, in Journal of Roman studies (en), t. 88, 1998, p. 115-128.
  5. I. Noll, The mysteries of Mithras in the Roman Orient : the problem of origins, in Journal of Mithraic studies, t. 2, 1977, p. 53-68.
  6. John Scheid, "Religion, institutions et société de la Rome antique", p. 808, https://www.college-de-france.fr/media/john-scheid/UPL25206_jscheid.pdf
  7. J. David, The exclusion of women in the Mithraic mysteries: ancient or modern?, in Numen, t. 47/2, 2000, p. 121-141.
  8. M. Clauss, Cultores Mithrae: die Anhängerschaft des Mithras-Kultes, Stuttgart, 1992, p. 235.
  9. « Reportages d'actualité sur l'archéologie. Un temple dédié au dieu Mithra à Angers / Inrap », sur Inrap, (consulté le ).
  10. W. Burkert, Les cultes à mystères dans l'Antiquité, Paris, 1992, p. 14.
  11. M. Beard, J. North, S. Price, Religions de Rome, Paris, 2006, p. 285; M. Clauss, The Roman cult of Mithras, New York, 2000, p. 133-138.
  12. Jérôme, Lettres, CVII (Ad Laetam), 2.
  13. M. Clauss, The Roman cult of Mithras, New York, 1992, p. 42.
  14. H. Lavagne, Importance de la grotte dans le mithriacisme en Occident, in Études mithriaques : actes du 2e congrès international de Téhéran, du 1er au 8 septembre 1975, Téhéran-Liège, 1978, p. 271-278 (Acta Iranica, n° 17).
  15. R. Beck, Planetary gods and planetary orders in the mysteries of Mithras, Leyde, Brill, 1988 (Études préliminaires aux religions orientales dans l’Empire romain, n° 109), et surtout D. Ulansey, The origins of the Mithraic mysteries, Oxford, 1989.
  16. J. Alvar, Romanising oriental gods: myth, salvation and ethics in the cults of Cybele, Isis and Mithras, Leyde, Brill, 2008, p. 98 et 351 ; M. Clauss, Mithras und die Präzession, in Klio, t. 83/1, 2001, p. 219-225.
  17. Maxime Motreau et Christian Goudineau, Inrap, découverte d'un temple de Mithra à Angers
  18. Inrap, découverte d'un temple de Mithra à Angers ; voir également Stéphane Foucart, "Archéologie : un dieu iranien à Angers", Le Monde, 04/06/2010, https://www.lemonde.fr/planete/article/2010/06/04/archeologie-un-dieu-iranien-a-angers_1367781_3244.html#Wvi3KFBttCKcfj9W.99
  19. http://www.musee-aquitaine-bordeaux.fr/fr/article/le-temple-de-mithra-et-ses-mysteres
  20. Liste des sanctuaires dédiés à Mithra
  21. Lieux sacrés à Bourg-Saint-Andéol
  22. « Actualité | Le dieu Mithra découvert en Corse », Inrap, (lire en ligne, consulté le )
  23. Frédéric Lewino, « Les Corses ont autrefois sacrifié au dieu Mithra », sur Le Point,
  24. Marleen Martens, The Mithraeum in Tienen (Belgium): small finds and what they can tell us, in Marleen Martens, Guy de Boe, éd., Roman mithraism: the evidence of the small finds, Bruxelles, 2004, p. 25-48.
  25. Olivier Latteur, Un sanctuaire de Mithra à Tirlemont, in Wavriensia-Racines, t. 58, n°6, (2009), p. 285-295.
  26. Jean-Luc Schütz, Les bronzes mithriaques d'Angleur. Publication de l'Institut archéologique liégeois, 2011. http://www.ialg.be/publications/monographies/bronzes.html
  27. http://www.tertullian.org/rpearse/mithras/display.php?page=cimrm985.
  28. http://www.constantine-hier-aujourdhui.fr/LaVille/tiddis.htm
  29. Louis Chatelain, Deux inscriptions de Volubilis relatives au culte de Mithra, Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, Année 1919

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

  • Jaime Alvar, Romanising Oriental Gods: Myth, Salvation and Ethics in the Cults of Cybele, Isis and Mithras, Leyde-Boston, 2008.
  • Manfred Clauss, Cultores Mithrae: die Anhängerschaft des Mithras-Kultes, Stuttgart, 1992.
  • Manfred Clauss, The Roman Cult of Mithras, New York, 2000.
  • Reinhold Merkelbach, Mithras, 1984. (ISBN 3-445-02329-8)
  • Jean-Christophe Piot, Les Lions de Mithra, 306 p., Marseille, Gramond-Ritter, 2006. (ISBN 978-2354300012)
  • Robert Turcan, Mithra et le mithriacisme (« Que sais-je ? », 1929), Paris, Presses universitaires de France.
  • Robert Turcan, Mithra et le Mithriacisme, 180 p., Les Belles Lettres, collection Histoire, Paris, 1993. (ISBN 2-251-38023-X)
  • Maarten Jozef Vermaseren, Mithra, ce dieu mystérieux, coll. Religions, 291, Bruxelles, éditions Sequoia, 1960, 158p.
  • Maarten Jozef Vermaseren, Corpus inscriptionum et monumentorum religionis Mithriacae, La Haye, Martinus Nijhoff, Vol I, 1956, Vol II, 1960
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