Culte de Mithra

Le mithraïsme — parfois mithriacisme ou mithrach[k]isme — ou culte de Mithra (en persan : مهرپرستی ) est un culte à mystères apparu probablement pendant le IIe siècle av. J.-C. en Perse. Durant les siècles suivants il se propage dans tout l'Empire romain et atteint son apogée durant le IIIe siècle. Ce culte est particulièrement bien reçu et implanté chez les soldats romains.

À la fin du IVe siècle, l'empereur Théodose entreprend d'éradiquer les religions autres que le christianisme. À la suite d'un décret de 391 les temples non-chrétiens sont détruits ou transformés en églises ; ce décret constitue l'arrêt de mort du mithraïsme.

Mithra sacrifiant le Taureau (100-200 apr. J.-C.), collection Borghese, achat par le Louvre en 1807 exposé dans la Galerie du Temps au Louvre-Lens
Mithra et le taureau, fresque de la ville de Marino.

Principes du mithraïsme

Les informations, plutôt fragmentaires, disponibles sur le culte de Mithra et sa pratique pendant le Bas-Empire romain le situent parmi les « cultes à mystères » de type initiatique. Sa transmission est orale selon un rituel transmis d'initié à initié et non sur des écritures sacrées. Ceci explique que faute de documentation écrite, l'étude du culte de Mithra repose principalement sur l'analyse et l'interprétation de l'iconographie qui décore les lieux de culte présumés : les mithræa.

Le mithræum

Le culte de Mithra s'exerce dans des temples nommés mithræa (au singulier, mithræum). Ces endroits sont au départ des grottes naturelles. Plus tard les constructions artificielles les imitent, obscures et dépourvues de fenêtres, elles sont exiguës ; la plupart n'accueillent pas plus de quarante personnes.

Le mithræum type comporte trois parties :

  • l'antichambre ;
  • le spelæum ou spelunca (la grotte), grande salle rectangulaire décorée de peintures et deux grandes banquettes le long de chaque mur pour les repas sacrés ;
  • le sanctuaire, au fond de la grotte, dans lequel se trouve l'autel et l'image — peinture, bas-relief ou statue — de Mithra donnant la mort au taureau.

Des mithræa ont été découverts dans beaucoup de provinces de l'Empire romain. La plus grande concentration de mithræa se trouve dans la capitale, Rome, mais on en a découvert dans des lieux éloignés tels que le nord de l'Angleterre, la Palestine ou encore sur la frontière orientale de l'Empire à Doura Europos. Leur diffusion géographique dans l'Empire semble correspondre à des installations militaires et des casernes mais on connaît quelques exemples d'implantation sans rapport avec le contexte militaire, comme le site de Notre-Dame d'Avinionet à Mandelieu-la-Napoule[1].

Certains furent postérieurement convertis en cryptes sous des églises chrétiennes.

Mythologie et iconographie

En l'absence de textes sur le mithraïsme, écrits par les adeptes eux-mêmes, les principales sources d'information exploitables sont les images sacrées trouvées dans les mithræa.

Récit mythique

Selon un récit reconstruit à partir des images et de quelques témoignages écrits, le dieu Mithra naît d'une pierre (la petra generatrix) près d'une source sacrée, sous un arbre lui aussi sacré. Au moment de sa naissance il porte le bonnet phrygien, une torche et un couteau.

Adoré par les pasteurs dès sa naissance, il boit l'eau de la source sacrée. Avec son couteau, il coupe le fruit de l'arbre sacré, et avec les feuilles de cet arbre se confectionne des vêtements. Il rencontre le taureau primordial alors que celui-ci paît dans les montagnes. Il le saisit par les cornes et le monte, mais, dans son galop sauvage, la bête le fait tomber. Mithra continue à s'accrocher aux cornes de l'animal, et le taureau le traîne pendant longtemps, jusqu'à ce que l'animal n'en puisse plus. Le dieu l'attache alors par les pattes arrière et le charge sur ses épaules. Ce voyage de Mithra avec le taureau sur ses épaules se nomme transitus.

Quand Mithra arrive dans la grotte, un corbeau envoyé par le Soleil lui annonce qu'il devait faire un sacrifice, et le dieu, soumettant le taureau, lui enfonce le couteau dans le flanc. De la colonne vertébrale du taureau sort du blé, et de son sang coule du vin. Sa semence, recueillie par la lune, produit des animaux utiles aux hommes. Arrivent alors le chien qui mange le grain, le scorpion qui serre les testicules du taureau avec ses pinces, et le serpent.

Iconographie

Mithra naissant de la pierre (petram genetricem), musée des Thermes de Dioclétien. Inscription AE 1980, 48.

Certaines peintures montrent Mithra transportant un rocher sur son dos, comme Atlas dans la mythologie grecque, et/ou vêtu d'une cape dont le côté intérieur représente le ciel étoilé. Près d'un mithræum proche du Mur d'Hadrien, a été mise au jour une statue de Mithra en bronze sortant d'un anneau zodiacal en forme d'œuf, elle est aujourd'hui conservée à l'Université de Newcastle.

Une inscription trouvée à Rome suggère que Mithra pourrait s'identifier au dieu primordial de l'orphisme, Phanès, qui surgit de l'œuf cosmique à l'origine du temps, et engendre l'univers. Cette opinion est renforcée par un bas-relief du Musée d'Este, à Modène, où l'on voit Phanès surgissant d'un œuf, entouré des douze signes du Zodiaque, dans une image très similaire à celle conservée à Newcastle.

Une des images centrales du culte de Mithra est la « tauroctonie », qui représente avec des caractéristiques iconographiques constantes le sacrifice rituel du taureau sacré par Mithra: Mithra apparaît coiffé du bonnet phrygien et regarde sa victime avec compassion ; incliné sur le taureau, il l'égorge avec un couteau de sacrifice ; de la blessure du taureau sort du grain ; près du taureau figurent quelques animaux : un scorpion, menace de ses pinces les testicules du taureau ; un serpent ; un chien qui se nourrit du grain qui sort de la blessure. Parfois apparaissent aussi un lion et une coupe. L'image est encadrée de deux porteurs de torches, nommés Cautès et Cautopatès. La scène paraît située dans une espèce de grotte, qui peut être la représentation du mithræum lui-même ou selon d'autres interprétations figurer la représentation du cosmos

Interprétations

  • Selon Franz Cumont, auteur d'une étude sur la religion de Mithra, l'iconographie de Mithra doit être interprétée à la lumière de la mythologie persane. Il la met en rapport avec des textes narrant le sacrifice (tauroctonie) d'un taureau par Ahriman, le dieu de la destruction et de la guerre. Les restes sanglants du taureau donnant naissance plus tard à tous les êtres. Selon l'hypothèse de Cumont, Mithra aurait été ensuite substitué à Ahriman dans le rapport mythique, et serait arrivé sous cette forme en Méditerranée orientale.
  • Selon David Ulansey, l'explication est radicalement différente de l'image de la tauroctonie, puisqu'elle trouve son interprétation dans le symbolisme astrologique. Mithra est un dieu si puissant qu'il est capable de transformer l'ordre même de l'Univers.
Le taureau serait le symbole de la constellation du Taureau. Au début de l'astrologie, en Mésopotamie, entre 4000 et 2000 av. J.-C., le Soleil se situe au niveau du Taureau pendant l'équinoxe de printemps. À cause de la précession des équinoxes, le Soleil se place durant l'équinoxe de printemps dans une constellation différente tous les 2160 ans à peu près, ainsi il passe dans le Bélier vers l'an 2000 av. J.-C., marquant la fin de l'ère astrologique du Taureau.
Le sacrifice du taureau par Mithra symbolise ce changement, causé, selon les croyants, par l'omniprésence de leur dieu. D'où l'explication de la présence des animaux qui figurent sur les images de la tauroctonie : le chien, le serpent, le corbeau, le scorpion, le lion, la coupe et le taureau correspondent à la constellations du Petit Chien, de l'Hydre, du Corbeau, du Scorpion, du Lion, Verseau et Taureau, toutes placées dans l'équateur céleste pendant l'ère du Taureau.
L'hypothèse expliquerait aussi la profusion d'images zodiacales dans l'iconographie mithraïque. La précession des équinoxes fut découverte et étudiée par l'astronome Hipparque au IIe siècle av. J.-C.
Statue de Cautopatès au musée d'Aquitaine
  • Une autre interprétation[Qui ?] considère que le sacrifice du taureau représente la libération de l'énergie de la Nature[réf. nécessaire]. Le serpent, comme dans le symbole de l'Ouroboros, serait une allusion au cycle de la vie ; le chien représente l'Humanité, alimentant symboliquement le sacrifice, et le scorpion est le symbole de la victoire de la mort. Les deux compagnons de Mithra, qui portent les torches et qui s'appellent Cautès et Cautopatès représentent respectivement le lever et le coucher du soleil.

Pour les fidèles, le sacrifice du taureau a sans doute un caractère salutaire, et la participation aux mystères garantit l'immortalité.

La fin symbolique de Mithra se termine par un grand banquet où Apollon sur son char va emmener Mithra. Il apporte aux hommes l'espoir d'une vie au-delà de la mort, puisqu'il est accueilli au ciel par Apollon.

Niveaux d'initiation

Dans le culte de Mithra il existe sept niveaux d'initiation[2],[3],[4] qui peuvent être mis en relation avec les sept planètes de l'astronomie de l'époque (la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne), selon cet ordre, d'après l'interprétation de Joseph Campbell et le décor du mithræum des Sept Sphères à Ostie[5].

La majorité des membres arrivent seulement au quatrième rang (Lion). Quelques élus seulement accèdent aux rangs supérieurs.

Les niveaux, connus grâce aux textes de saint Jérôme semblent confirmés par certains écrits et par la décoration du mithræum de Felicissimus à Ostie[5] :

  • Corax corbeau ») ;
  • Cryphius (κρύφιος / Krýphios, « occulte ») : d'autres auteurs interprètent ce rang comme Nymphus époux ») avec comme attributs le diadème et la lampe de Vénus ;
  • Miles soldat »). Attributs : la couronne et l'épée ;
  • Leo lion »). Dans les rituels, ils présentent à Mithra les offrandes des sacrifices. Leurs attributs sont la pelle pour porter le feu, le sistre, la foudre de Jupiter ;
  • Perses Persan »). Attributs : épée courbe, croissant de lune, étoile ;
  • Heliodromus émissaire du soleil »). Attributs : la torche, le fouet guidant l'attelage du char solaire et la couronne solaire ;
  • Pater père »). Attributs : le bonnet phrygien, la faucille, le bâton de commandement et l'anneau.

Cette hiérarchie est symptomatique d'une organisation initiatique. Les passages s'accompagnaient probablement de la transmission de notions métaphysiques sous forme ésotérique.

Pendant les rites, les initiés portent des masques d'animaux relatifs à leur niveau d'initiation.

Le sacrifice d'un taureau peut participer à la célébration d'un nouveau niveau d'initiation d'un adepte. Les rites sont exclusivement réservés aux hommes. Les femmes ne sont pas initiées puisqu’elles étaient considérées comme profanes. Après chaque cérémonie religieuse, les initiés étaient conviés à un banquet.

Attributs des niveaux d'initiation et symboles de la planète/divinité associée, mosaïques du mithræum de Felicissimus, à Ostie

Les rites

Pour la reconstitution des rituels mithraïques, outre l'iconographie retrouvée dans les mithræa, on peut également s'appuyer sur les textes des Pères de l'Église qui critiquent le culte de Mithra.

Le banquet de Mithra, bas-relief, Musée du Louvre

Les femmes sont exclues des mystères de Mithra. Quant aux hommes, il ne semble pas qu'un âge minimum soit requis et que des enfants soient admis. La langue utilisée dans les rituels est le grec, mélangé de quelques formules en persan (certainement incompréhensibles pour la majorité des fidèles). Ultérieurement, le latin s'introduit progressivement.

Le rite principal de la religion mithraïque semble être un banquet rituel, qui aurait pu avoir certaines similitudes (dans son apparence extérieure) avec l'eucharistie du christianisme, ou plutôt avec un repas semblable à un agape. Dans la plupart des traditions initiatiques, on retrouve ce type de réunion festive.[réf. nécessaire] Selon le témoignage du chrétien Justin, les aliments offerts durant le banquet sont du pain et de l'eau[6]; cependant les découvertes archéologiques montrent qu'il s'agirait de viande d'animaux sacrifiés et des libations de vin[7], ou peut être de pain et de vin, comme dans le rite chrétien. [8],[9] Cette cérémonie se célèbre dans la partie centrale du mithræum, dans laquelle deux banquettes en parallèle offrent un espace suffisant pour que les fidèles puissent s'étendre, selon la coutume romaine. Les « Corbeaux » (Corax) remplissent la fonction de serveurs des nourritures sacrées. Le rituel inclut aussi le sacrifice d'un taureau ou d'autres animaux.[réf. nécessaire]

Le rôle de la statue de tauroctonie dans les rites n'est pas très clair : dans certains mithræa, on a découvert des piédestaux tournants, qui peuvent montrer et cacher alternativement l'image divine aux fidèles.

À un certain moment de l'évolution du mithraïsme, le rite du « taurobole », ou le baptême des fidèles avec le sang d'un taureau, a été pratiqué à l'instar d'autres religions orientales.

D'autres rites sont en relation avec la cérémonie d'initiation. À chaque niveau d'initiation correspond un rituel.

Grâce à Tertullien, on connaît le rite de l'initiation du « Soldat » (Miles) : le candidat est « baptisé » (probablement par immersion), marqué au front avec un fer chaud et enfin éprouvé par le « rite de la couronne » ; le néophyte doit laisser tomber la couronne dont on l'avait coiffé, en proclamant que c'est Mithra qui est sa couronne. Cependant, ce marquage charnel pourrait être une invention des polémistes chrétiens pour souligner le caractère « barbare » de ce culte perse[10].

Histoire du culte de Mithra

Les origines

L'histoire du sacrifice du Taureau Primordial, ainsi que les formules en perse, renvoient directement au premier texte connu, l'épopée de Gilgamesh (2500 av. J.-C.), évoquant alors par une parabole le passage des activités de chasseur-cueilleur à celles d'éleveur-cultivateur. La symbolique du blé sortant du sang de l'animal semble étayer ce rapprochement, ainsi que les animaux qui naissent du sacrifice (redéfinition du rapport aux animaux : le chien pour les animaux domestiqués, le scorpion pour les animaux nuisibles, le serpent pour les animaux fuyant l'Homme)[réf. nécessaire].

Dans la Perse achéménide la religion officielle est le zoroastrisme, qui postule l'existence d'un dieu plus important que les autres, Ahura Mazda. C'est l'unique divinité mentionnée dans les inscriptions conservées de l'époque de Darius Ier (521-485 av. J.-C.). Cependant, il existe une inscription conservée, à Suse, de l'époque d'Artaxerxès II (404-358 av. J.-C.), sur laquelle est représenté Mithra aux côtés de Ahura Mazda et d'une déesse appelée Anahita.

Monnaie représentant le profil de Mithridate VI du Pont, nommé également Eupator

Pour Franz Cumont, il existe un lien entre ce Mithra persan, ses prédécesseurs indo-iraniens, et celui du culte à mystères de l'Empire romain.

Dans les royaumes de Parthie et du Pont, un grand nombre de rois portaient le nom de Mithridate, ce qui peut être en relation étymologique avec Mithra : à l'origine Mithradate ou, Mithra date veut dire en persan, donné par Mithra). Le mot date ou tate signifie donner (comme amertat, en avestique qui devient amordad en persan et signifie l'immortel ou celui qui obtient la vie éternelle). D'un autre côté, à Pergame, en Asie mineure, des sculpteurs grecs produisirent les premiers bas-reliefs représentant l'image du Taurobole. Alors que le culte de Mithra commençait seulement à se diffuser en Hellade, tout cela marque peut-être le chemin de Mithra vers Rome.

La première référence au culte de Mithra dans l'historiographie gréco-romaine se trouve dans l'œuvre de l'historien Plutarque, qui mentionne que les pirates de Cilicie, anciens soldats de Mithridate VI, célébraient des rites secrets en relation avec Mithra en 67 av. J.-C.

Monnaie représentant le profil de Mithridate VI du Pont

Le contexte historique : les religions orientales à Rome

Le culte indo-iranien de Mithra est, parmi les cultes importés d'Orient, le "dernier venu sur la scène romaine[11]", après le culte phrygien de Cybèle (déesse d'Asie mineure, dans la Turquie actuelle, également appelée "Magna Mater", grande déesse), et le culte égyptien de Sarapis et d'Isis (dès le début du IIe siècle avant J.-C.), qui ont connu une grande diffusion à Rome ainsi que plus largement dans de nombreuses provinces de l'Empire romain ; le culte d'Isis a pénétré ainsi - comme ce sera le cas pour le mithraïsme - dans la Gaule, en Germanie, en Belgique. Cependant, selon L. Bricault, alors que Cybèle et Isis sont accueillies dans le culte public romain, et "intégrées" dans la religion officielle, Mithra est perçu par les autorités de l'Empire comme une divinité exotique et non intégrable, comme c'est le cas également pour Sabazios (dieu phrygien ou thrace) et Dolichenus (dieu anatolien, de l'actuelle Turquie) pendant la période du principat (les trois premiers siècles après J.-C.)[11].

Le mithraïsme dans l'Empire romain

  • Les légionnaires ayant exercé aux frontières orientales de l'Empire sont probablement ceux qui ont introduit le mithraïsme dans le Haut-Empire romain. Les premières preuves matérielles du culte de Mithra datent des années 71 et 72 de l'ère chrétienne : il s'agit d'inscriptions faites par des soldats romains de la garnison de Carnuntum, dans la province de Pannonie Supérieure, probablement allés en Orient, dans le cadre des campagnes de guerre contre les Parthes et dans les émeutes de Jérusalem.
  • Vers l'année 80, l'auteur romain Stace mentionne la scène de la tauroctonie dans sa Thébaïde (I, 719–720).
  • Plutarque, dans sa Vie de Pompée, dit clairement que le culte de Mithra était déjà connu à son époque.
  • À la fin du IIe siècle le mithraïsme est largement diffusé dans l'armée romaine, comme chez les bureaucrates, les marchands et jusque chez les esclaves. L'épigraphie a recensé (en 2006) dans l'Empire et sur l'ensemble de la période 210 dédicants, dont 81 % sont des militaires[12].
  • La majeure partie des preuves archéologiques provient des frontières germaniques de l'Empire. De petits objets de culte en relation avec Mithra ont été exhumés lors de fouilles effectuées sur un périmètre géographique très étendu (depuis la Roumanie jusqu'au Mur d'Hadrien).

Les empereurs du IIIe siècle sont en général des protecteurs du mithraïsme : depuis l'époque de Commode, qui s'initie au culte, les adeptes du mithraïsme proviennent de toutes les classes sociales.

À la fin du IIIe siècle un syncrétisme s'opère entre le mithraïsme et certains cultes solaires de provenance orientale, qui cristallisent dans la nouvelle religion du Sol Invictus : le « soleil invaincu ». Cette religion est officialisée dans l'Empire en 274 par l'empereur Aurélien qui érige à Rome un splendide temple dédié à la nouvelle divinité, et crée un corps de clergé d'État pour assurer le culte (son dirigeant est dénommé le pontifex solis invicti). Aurélien attribue au Sol Invictus ses victoires en Orient. Ce syncrétisme n'efface pas cependant le mithraïsme antérieur qui continue à exister comme culte non officiel : nombre des sénateurs de l'époque pratiquent en même temps le mithraïsme et la religion du Sol Invictus.

Persécutions religieuses contre le mithraïsme au IVe siècle

Malgré une tentative de réhabilitation et de réforme des cultes païens entreprise par Julien durant son court règne (361-363), le christianisme est imposé comme religion officielle et unique de l'Empire au IVe siècle par Théodose (379-394) ; dès lors, il ne tolère plus la coexistence avec le mithraïsme. Un décret de l'empereur Théodose interdit formellement le mithraïsme dès 391. Sous le règne de l'usurpateur Eugène (392-394), il y eut quelques tentatives de restauration du culte de Mithra, sans beaucoup de succès. Sa pratique clandestine se maintiendra toutefois pendant quelques décennies, et, dans quelques régions des Alpes, jusqu'au début du Ve siècle.

Des fouilles archéologiques révélant l'existence de temples de Mithra ont montré que ces édifices avaient fait l'objet d'entreprises de destruction volontaires de la part des chrétiens, pour qui le culte de Mithra - religion monothéiste - faisait concurrence au christianisme. Des statues de Mithra ont ainsi été retrouvées avec le visage martelé (à Angers)[7]. Le temple de Mithra de Bordeaux a été saccagé et détruit à la fin du IVe siècle ; toutes les statues ont été retrouvées brisées ; "l'absence de tauroctone conduit à supposer qu'il a pu être dérobé, ou réduit à l'état fragmentaire et dispersé[13]". "Les monnaies retrouvées dans plusieurs sanctuaires [et permettant de les dater] indiquent que leur destruction parfois violente se situe à l'extrême fin du IVe siècle[11]". La relative rareté et le mauvais état de conservation des vestiges sont ainsi imputables à des opérations de dégradation consécutives au décret de l'empereur Théodose.

Voir La christianisation de l'Empire romain.

Émergence du christianisme dans l'Empire romain

Au sein de l'Empire romain, le culte de Mithra aurait contribué, selon l'historien Pierre Grimal, « à préparer les voies au christianisme, non seulement en répandant le monothéisme qui, jusqu'à lui, demeurait une doctrine essentiellement philosophique non partagée par la masse du peuple, mais aussi en popularisant la démonologie orientale et en opposant au principe du Bien représenté par Mithra, les puissances du Mal en lutte contre lui »[14].

Dans une formule restée célèbre, Ernest Renan affirme que « si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithriaste »[15],[16]. Franz Cumont affirme quant à lui : « Il sembla un instant que le monde dût devenir mithriaste »[16]. Certains auteurs jugent ces assertions trop exagérées[16].

Incidence sur le manichéisme

Le Culte de Mithra jouera un rôle non négligeable dans le développement du manichéisme, religion qui fut également en forte compétition avec le christianisme.[réf. nécessaire]

Disparition avec le zoroastrisme

L'avènement du zoroastrisme (vers 558 av. J.-C.) qui domine en Iran (jusqu'en 651 ap. J.-C.) signe la fin du culte de Mithra dans sa région d'origine[17].
Cette religion fut fondée par Zarathoustra :

« Jeune homme, il [Zarathoustra] décida de devenir prêtre (zoatar), mais il s'opposa vite à l'antique culte iranien de Mithra, caractérisé par de cruels sacrifices [de taureaux].(...) Il combattit les sacrifices animaux, du fait de sa conviction qu'eux aussi possédaient une âme. »

 Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger.

Dans l’Ahunavaiti Gatha, Zarathoustra (ou Zoroastre) accuse en effet certains de ses coreligionnaires d'abuser de la vache[18]. Le Dieu Ahura Mazda demande à Zarathoustra de protéger les bovins[18]. Selon Shala Nosrat-Wolff, son influence a persisté dans la conception de la chevalerie iranienne, comme l'illustre les éléments mythiques l'épopée Samak-é ʿAyyar[19].

Diffusion géographique en Europe

Le mithraïsme a rayonné en Europe à partir de Rome ; il semble s'être diffusé dans le cadre de l'Empire romain en Germanie et en Pannonie (en Europe centrale) bien plus qu'en Gaule et dans la péninsule Ibérique[11].

D'autres sanctuaires de Mithra érigés à cette époque, par exemple en Numidie, dans l'Algérie actuelle, au nord de l'Afrique.

Temples de Mithra en Europe

  • Allemagne
    • Le musée de Dieburg expose des découvertes dans un mithræum, comme les pièces de céramiques utilisées dans la liturgie ;
    • Le musée de Hanau montre la reconstruction d'un mithræum ;
  • Grande-Bretagne
    • La City de Londres possède les fondations d'un mithræum[20], vestige de l'antique Londinium, ce qui en fait l'un des plus vieux monuments de la capitale britannique ;
    • Le musée de l'Université de Newcastle expose les objets trouvés dans les trois sites archéologiques le long du Mur d'Hadrien, et reconstitue un mithræum ;
    • Mithræa à Housesteads, Carrawburgh et Rudchester.
  • Italie
    • le Mithraeum de San Clemente, bien conservé, au-dessus duquel est bâtie la Basilique Saint-Clément-du-Latran, à Rome ;
    • Ostie, le port de Rome, où on a retrouvé les restes de 17 mithræa : l'un d'eux présente des découvertes assez importantes[21]. L'importance du mithraïsme à Rome semble confirmée par les découvertes archéologiques : plus de 74 sculptures, une centaine d'inscriptions et des ruines de temples et de sanctuaires dans toute la ville et sa périphérie. Un des mithræa les plus représentatifs, (doté d'un autel et de bancs de pierre toujours visibles), se trouve être construit sous une maison romaine (ce qui apparemment était une pratique habituelle) ; il est encore visible dans la crypte sur laquelle a été érigée la Basilique Saint-Clément-du-Latran à Rome.
  • France : "La Gaule présente actuellement une vingtaine de mithraea attestés et une soixantaine de sites marqués par le culte"[22].
    • à Bordeaux, en 1986, un chantier de fouilles archéologiques a mis en évidence, cours Victor Hugo, l'existence d'un temple de Mithra. C'est "le plus grand sanctuaire découvert en Gaule" ; "la statuaire, de grande qualité, est présentée aujourd’hui au musée d’Aquitaine"[23].
    • à Nuits-Saint-Georges sur le site des Bolards.
    • à Bourg-Saint-Andéol[24],[25]
    • à Aubeterre-sur-Dronne, sous l'Église monolithe de Saint-Jean
    • à Mandelieu-la-Napoule
    • à Angers : découvert en mai 2010[26], dans le cadre d'opérations de fouilles archéologiques préventives (sur le site de l'ancienne clinique Saint-Louis, et avant la construction d'un immeuble). On a trouvé là notamment un vase portant une inscription : "au dieu invaincu Mithra" ; il semble que ce soit l'élite de la ville, surtout, qui ait pratiqué le culte de Mithra, avant que les chrétiens ne détruisent le temple ; une statue de Mithra a également été retrouvée, le visage martelé, indice de l'animosité des chrétiens à l'égard de ceux qu'ils considèrent comme des "païens" à la fin du IVe siècle. Religion monothéiste, le culte de Mithra faisait concurrence au christianisme.
    • à Strasbourg : en Alsace romaine, à partir du IIIe siècle, le culte de Mithra "connaît un succès foudroyant, au point de supplanter les dieux locaux, moribonds. Le plus important des sanctuaires dédiés à Mithra a été découvert en 1911, à Kœnigshoffen, faubourg occidental de Strasbourg, sur la vieille voie militaire qui reliait Argentorate à Tres Tabernae[27]", lors de la construction de l'église Saint-Paul. De nombreuses tombes, stèles et mausolées jalonnaient la route principale[28]. Des éléments du mithræum de Koenigshoffen se trouvent au musée archéologique de Strasbourg. D’autres temples dédiés à Mithra ont été mis au jour à Mackwiller, en Alsace bossue, et à Biesheim, près de Colmar[27]".
    • En Corse, découverte récente (mois de janvier 2017) par l'Inrap d'un sanctuaire dédié au Dieu Mithra sur le site de la Canonica, sur la commune de Lucciana en Haute-Corse[29],[30].
  • Le Musée d'Art de Cincinnati expose une sculpture d'un mithræum de Rome représentant Mithra tuant le taureau.

Bibliographie

Inscriptions

Études

  • Walter Burkert, Les Cultes à mystères dans l'Antiquité, 2003 ;
  • (de) Manfred Clauss, Mithra: Kult und Mysterien, 1990 ;
  • Franz Cumont :
    • Les Mystères de Mithra, 1913 [(en) lire en ligne],
    • Les Religions orientales dans le paganisme romain, 1929 ;
  • (de) Reinhold Merkelbach, Mithras. Ein persisch-römischer Mysterienkult, 1998 ;
  • (en) David Ulansey, The Origins of the Mithraic mysteries : cosmology and salvation in the ancient world, Oxford, 1989 [présentation en ligne] ;
  • (de) Maarten J. Vermaseren, Mithras. Geschichte eines Kultes, 1965.
  • Robert Turcan, Mithra et le Mithriacisme, Les Belles Lettres, 1993
  • Jean-Christophe Piot, Les Lions de Mithra, 306 p., Gramond-Ritter, Marseille, 2006, (ISBN 2354300018), (ISBN 978-2354300012)

Références

  1. FIXOT (M.), Le site de Notre-Dame d'Avinionet à Mandelieu, ed. du C.N.R.S., Centre de Recherches archéologiques, Valbonne 1990, 249 p.
  2. http://www.glsh.org/mithra/ (LE MYTHE DE MITHRA – UNE RELIGION ET UNE SOCIÉTÉ INITIATIQUE, selon la loge franc-maçonnique France-Suisse francophone)
  3. http://www.ledifice.net/7485-1.html (La bibliothèque maçonnique, Mithra le soleil invaincu, selon l'obédience maçonnique, le culte de Mithra est une religion pour initié seul)
  4. http://www.viewzone.com/mithras.html (Selon l'historien Flavio BARBIERO, le mithraïsme est très proche de la maçonnerie, citation: The comparison with modern Freemasonry is quite appropriate and very helpful for understanding what kind of organization we are talking about. Actually, the two institutions are quite similar in their essential characteristic. Freemasonry's adepts are not requested to profess any particular creed, but only to believe in the existence of a supreme Being, however defined. This Entity is represented in all masonic temples as the Sun, inserted in a triangle, and with a name "Great Architect of the Universe" which is the same given by the Pythagoreans to the Sun [right]. In these temples ceremonies of various kind and rituals are performed that never have a religious character. Religion is explicitly banned from the masonic temples, but in his private life every adept is free to follow whatever creed he likes)
  5. Raymond Chevallier, Ostie antique, ville et port, Les Belles Lettres, 1986, (ISBN 2251333118), p. 246-248
  6. Fritz Graf, "Baptism and Graeco-Roman Mystery Cults", in "Rituals of Purification, Rituals of Initiation", in Ablution, Initiation, and Baptism: Late Antiquity, Early Judaism, and Early Christianity (Walter de {{||}}Gruyter, 2011), p. {{||}}105.
  7. Voir deux émissions sur le site de l'INRAP consacrées à la découverte d'un sanctuaire de Mithra à Angers : celle de Jean Brodeur et Maxime Mortreau, http://www.inrap.fr/un-temple-dedie-au-dieu-mithra-angers-9465, et celle de Maxime Mortreau et Christian Goudineau, Inrap, découverte d'un temple de Mithra à Angers
  8. « Religions orientales à Rome », sur www.cndp.fr (consulté le )
  9. François Savatier, « Le culte de Mithra était présent dans la Corse romaine », sur Pourlascience.fr (consulté le )
  10. Luc Renaut, « Les initiés au culte de Mithra étaient-ils marqués au front ? », sur Mediterranea, (consulté le )
  11. Laurent Bricault, Les "religions orientales" dans les provinces occidentales sou le Principat", https://www.academia.edu/1019433/Les_religions_orientales_dans_les_provinces_occidentales_sous_le_Principat
  12. Mireille Cébeillac-Gervasoni, Maria Letizia Caldelli, Fausto Zevi, Épigraphie latine, Armand Colin, 2006, (ISBN 2200217749), p. 273
  13. "Burdigala. Bilan de deux siècles de recherches et découvertes récentes à Bordeaux", p. 258, http://bib.cervantesvirtual.com/portal/simulacraromae/libro/c13.pdf
  14. Pierre Grimal, La Civilisation romaine, Paris, Arthaud, coll. « Les grandes civilisations », 1984, rééd. 2001, p. 89
  15. Ernest Renan, Histoire des origines du christianisme : Livre VII : Marc Aurèle et la fin du monde antique, ligaran, 652 p. (lire en ligne)
  16. Joseph-Rhéal Laurin, Orientations maîtresses des apologistes chrétiens de 270 à 361, , 487 p. (lire en ligne), p. 31
  17. Encyclopédie des religions, Gerhard J. Bellinger, éd. Livre de Poche.
  18. Clark, P. 13 Zoroastrianism
  19. Shahla Nosrat-Wolff (préf. Hossein Beikbaghban), La chevalerie iranienne : Samak-é 'Ayyâr, Paris, L'Harmattan, coll. « Iran en transition », , 281 p. (ISBN 978-2-343-16005-4)
  20. (en) Temple of Mithras - « The Ancient World in London »
  21. Mireille Cébeillac-Gervasoni, Maria Letizia Caldelli, Fausto Zevi, Épigraphie latine, Armand Colin, 2006, (ISBN 2200217749), p. 272
  22. Philippe Roy, "Mithra et l'Apollon celtique en Gaule", https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00943545/document
  23. http://www.musee-aquitaine-bordeaux.fr/fr/article/le-temple-de-mithra-et-ses-mysteres ; et http://bib.cervantesvirtual.com/portal/simulacraromae/libro/c13.pdf, p. 257-258
  24. Liste des sanctuaires dédiés à Mithra
  25. Lieux sacrés à Bourg-Saint-Andéol
  26. Inrap, découverte d'un temple de Mithra à Angers
  27. http://www.encyclopedie.bseditions.fr/article.php?pArticleId=136&pChapitreId=14912&pSousChapitreId=14916&pArticleLib=Le+culte+de+Mithra+%5BL%92Alsace+romaine-%3EL%92Alsace+romaine%5D
  28. « Quartiers », sur strasbourg.eu (consulté le ).
  29. « Un sanctuaire dédié au dieu Mithra découvert en Corse », sur inrap.fr,
  30. « Lucciana : découverte d'un temple consacré au dieu païen Mithra, une première en Corse », sur francetvinfo.fr, France 3 Corse ViaStella, (consulté le ).

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