Pertes de livres pendant l'Antiquité tardive

Les pertes de livres pendant l'Antiquité tardive (époque entre la fin du IIIe siècle et celle du VIe siècle) représentent une perte irréparable de l'héritage culturel de l'Antiquité classique. Par cette perte de transmission d'une grande partie de la littérature grecque et latine de l'Antiquité, le nombre d'œuvres qui nous sont parvenues aux temps modernes est extrêmement faible. La plupart des textes cependant transmis sont retrouvés dans des copies médiévales, et les fragments originaux de textes antiques ne sont gardés qu'en tout petit nombre.

Pour le monde romain, les travaux d’Henry Bardon permettent de se faire une idée de l’ampleur de cette « littérature latine inconnue[1] », de cette cohorte d’auteurs renommés dans l’Antiquité qui ne sont plus pour nous que des noms[n 1], au mieux réduits à quelques maigres fragments issus de citations et de notices éparses. Le savant s’est attaché à rassembler les sources les concernant, par époque[n 2], et s’est proposé d’en présenter ce que la critique et la philologie actuelles pouvaient en tirer.

Les raisons de ces pertes massives sont variées et débattues. Un début peut être entrevu dans la crise du IIIe siècle de l’Empire. On y mentionne des destructions systématiques d'écrits chrétiens pendant la persécution des chrétiens, ainsi que ceux des écrits païens à la suite de la christianisation de l'Empire romain. D'autres causes peuvent être invoquées : l'effondrement culturel, et les désordres dus aux grandes invasions, surtout en Occident, où de riches collections de livres ont été victimes des combats, et où les élites intellectuelles qui effectuaient encore la tâche de transmission ont disparu. Les changements de support – comme le passage du papyrus au parchemin, ou celui du volumen au codex – ainsi que ceux des canons littéraires et de la scolarité ont formé d'autres barrières. La transmission des œuvres était interrompue si elles n'étaient pas recopiées sur les nouveaux supports, et elles disparaissaient ainsi du canon.

Tandis que dans l’Empire byzantin, la tradition des œuvres de l’Antiquité a été plus ou moins conservée jusqu’à la chute de Constantinople, dans l’Occident latin, seule une petite élite de personnalités aisées et cultivées n’a conservé qu'une petite partie de l’héritage littéraire de l’Antiquité. Dans ce cercle, on peut compter Cassiodore, issu d'une famille sénatoriale, et qui a rassemblé au VIe siècle les restes qui lui étaient encore accessibles de la littérature antique, et qui a fondé la fabrication médiévale de livres par un couvent à Vivarium.

C'est surtout aux VIIe et VIIIe siècles que les manuscrits des textes classiques, et même de certains auteurs chrétiens ont été en partie effacés et réécrits. C'est ce maigre lot de ces plus anciens manuscrits latins encore conservés avec les textes des auteurs classiques que l'on trouve sous la forme de palimpsestes.

La renaissance carolingienne qui suit, dans laquelle la production de manuscrits de textes classiques a ressurgi, n'en est donc que plus importante pour la transmission.

Les raisons pour la fabrication de palimpsestes sont multiples. Tout d'abord, en général, pour des motifs matériels, comme le prix du support, les changements dans l'écriture, ou simplement le changement des centres d'intérêt, mais aussi, en ce qui concerne les textes classiques et hérétiques, des raisons religieuses.

Les conséquences de la perte de grandes parties de la littérature antique ont été considérables. Ce n'est que par l’invention de l'imprimerie au XVe siècle que les textes antiques ont été progressivement mis à la portée de cercles croissants de lecteurs. Bien des accomplissements des temps modernes ont été stimulés directement ou indirectement par ces textes. La richesse des bibliothèques des temps modernes n'a pu se comparer avec celles de l’Antiquité qu'au XIXe siècle.

Richesse de l'Antiquité en livres et transmission

Dans les restes des bibliothèques, soit les découvertes de papyrus depuis 1900, on connaît environ 2 000 noms d'auteurs grecs d'avant 500. Seuls 253 nous ont fait parvenir au moins une partie de leurs œuvres. Pour la littérature romaine, on connaît 772 noms d'auteurs, dont 276 sont totalement perdus, 352 sont fragmentaires, et seulement 144 ont transmis un ou plusieurs livres[2],[3]. Ceci a conduit à l'estimation fréquemment rencontrée que moins de 10 % de la littérature antique nous a été transmise[n 3], une statistique qui fut revue à la baisse, Hermann Strasburger (en) en se basant sur les titres des œuvres et du nombre de livres associés, déclare que seul « un quarantième » (2,5 %) du corpus des historiens grecs fut conservé[4]. Il se peut même que ce chiffre diminue à moins de 1 % pour certains historiens[réf. nécessaire], car il est possible que la littérature antique ait été plus importante, en prenant en considération, par exemple, que la bibliothèque d'Alexandrie possédait au minimum 490 000 rouleaux d'écritures[5]. Aussi, il faut considérer que les textes antiques qui nous sont parvenus ne sont pas toujours complets, certaines œuvres n'étant qu'à l'état de fragments. Les presque 3000 noms d'auteurs représentent déjà un minimum, celui cité par les textes transmis. À part bien des auteurs chrétiens, il s'agit surtout d'auteurs classiques scolaires, et non de toute la collection des livres antiques. Rapportés à l'ensemble de la période antique, les auteurs chrétiens n'occupent de toute manière qu'une part minoritaire.

Une évaluation de la collection antique de titres et de livres n'est possible qu'indirectement, par l'histoire des bibliothèques. La bibliothèque la plus connue de l'Antiquité, la Bibliothèque d'Alexandrie, s'est enrichie entre 235 av. J.C. et 47 av. J.-C. de 490 000 à 700 000 rouleaux, principalement en grec[n 4]. Un rouleau correspondait à peu près à un titre (v. Histoire du livre). La production de titres du monde grec s'élevait donc à 1100 titres par an[n 5]. Extrapolé à l'année 350 ap. J.-C., ceci donnerait une collection d'environ un million de titres[n 6]. Les courbes statistiques portées sur la figure témoignent de la fracture notable dans l'histoire de la transmission des textes, connue ou estimée, entre l’Antiquité et les temps modernes. Selon la figure, les bibliothèques européennes ne sont devenues comparables en volume à celles de l’Antiquité qu'au XIXe siècle.

Graphique des contenus de bibliothèques depuis l'Antiquité (coordonnées semi-logarithmiques)
Les courbes statistiques portées sur la figure témoignent de la fracture notable dans l'histoire de la transmission des textes, connue ou estimée, entre l’Antiquité et les temps modernes. Selon la figure, les bibliothèques européennes ne sont devenues comparables en volume à celles de l’Antiquité qu'au XIXe siècle.

Le volume de la littérature latine est plus difficile à évaluer, mais peut avoir atteint un ordre de grandeur similaire[n 7]. Comme les plus triviales des œuvres de province n'avaient probablement pas accès aux grandes bibliothèques[n 8], le nombre total de titres peut aussi avoir significativement dépassé le million. En supposant, comme souvent, que chaque titre ait atteint une diffusion de 10 à 100 exemplaires[n 9], ceci aboutirait à un nombre de rouleaux ou de livres dans l'ordre de grandeur de quelques dizaines de millions. De tous ces millions de livres existant avant 350, aucun n'est parvenu à une bibliothèque. Toutes les sources antéchrétiennes, c'est-à-dire d'avant 350, ont été transmises vraisemblablement seulement sous la forme d'éditions chrétiennes, établies depuis les IIIe et IVe siècles (en Occident surtout au IVe siècle)[n 10].

Le nombre de textes antiques transmis (hors fouilles) n'a pas encore été déterminé exactement. L'ordre de grandeur devrait être de 3000 dont 1000 en latin. La plus grande partie se présente en fragments. L'ensemble des textes non-chrétiens transmis occupe un volume, qui, en latin du moins, devrait tenir dans 100 codex. La perte de la collection des titres antiques est donc énorme, et pourrait être de l'ordre de 1 à 1000 : seulement 0,1 % ou 1 titre sur 1000 aurait survécu. Ce nombre sort de la comparaison d'un inventaire total de quelques millions aux quelques milliers de titres transmis, ou – indépendamment – par comparaison de la dernière bibliothèque de l'Antiquité, celle de Constantinople, qui a été incendiée en 475 avec 120 000 livres (Codex Theodosianus 14,9,2 ; Jean Zonaras 14,2.), avec la première bibliothèque médiévale, celle de Cassiodore en Occident, qui possédait en 576 environ 100 codex[n 11].

La perte de livres

Collections antiques

Dans l’Antiquité, il y avait un grand nombre de bibliothèques. On connaît des bibliothèques municipales publiques et d'autres privées contenant de 20 000 à 50 000 rouleaux, aussi bien à Rome (29 publiques en 350) qu'en province. Pendant la visite de César à Alexandrie, ce n'est sans doute pas la grande bibliothèque qui a été incendiée, mais plutôt un entrepôt du port avec 40 000 rouleaux, que l'on peut penser avoir été la production annuelle[n 12] pour l’exportation[n 13]. Assurément, Alexandrie est encore longtemps restée un centre de livres et d'érudits. La bibliothèque d'Alexandrie comprenait déjà aux temps hellénistiques plus de 490 000 rouleaux[6], dont 200 000 en parchemin. Ce n’est qu'à la fin de l’Empire que quelques villes ont pu atteindre ce niveau, car une bibliothèque était un signe de statut.

On ne connaît pas les effectifs des collections des grandes bibliothèques de Rome. L'archéologie conclut, à partir de la taille totale des niches murales jouant le rôle d'étagères à livres, à au moins 100 000 rouleaux pour la Bibliothèque Palatine et la Bibliothèque Ulpia. Mais vraisemblablement, on n'utilisait ces niches que pour les manuscrits les plus précieux. Même la bibliothèque de Pergame au IIIe siècle av. J.-C. conservait la plupart de ses collections dans des bâtiments de stockage. De la taille des bâtiments, on peut juger que les bibliothèques principales de Rome offraient de la place pour un million de rouleaux, comme celles d'Alexandrie ou d'Athènes (voir supra). Dans ces conditions de répartition géographique de la littérature antique, des événements isolés comme la perte d'une bibliothèque ne représentaient pas un réel problème pour la transmission.

Causes possibles de pertes

Page de l'un des plus anciens livres transmis, le Vergilius vaticanus (vers 400), écriture d'apparat pour les poèmes de Virgile. Le bon état montre que des livres d'avant 300 auraient pu se conserver jusqu'à aujourd'hui.

C'est surtout dans les représentations d'ensemble que la thèse de la recopie/pourrissement a été avancée : vers 400, une recopie des rouleaux de papyrus sur des codex de parchemin aurait été faite. Aux temps dominés par les chrétiens, et peut-être même auparavant, l'intérêt envers les rouleaux non-chrétiens se serait dilué. Ils n'auraient donc plus été recopiés, et auraient pourri dans les bibliothèques au cours du Moyen Âge, tandis que les codex de parchemin plus résistants auraient survécu[7].

Il n'est pas facile de trouver, même dans la littérature spécialisée, des estimations de la grandeur des pertes. La présentation globale de l'histoire de la transmission par Reynolds et Wilson 1991 (Scribes and Scholars) ne donne aucune indication sur la taille des bibliothèques de Cassiodore ou d'Isidore de Séville. On évoque aujourd'hui des textes perdus, qui auraient été cités encore vers 600, sans préciser s'il s'agit là des œuvres originales ou déjà d'extraits encore présents, comme cela a été prouvé pour Isidore[n 14]. On suppose de façon assez répandue que la christianisation a été, à côté ou même avant les destructions des invasions, un facteur décisif pour les pertes en littérature antique[n 15].

Les papyrologues mettent en doute l'hypothèse d'une moins grande durabilité des papyrus. Roberts et Skeat, qui ont étudié en 1983 le thème de « la naissance du codex », ont établi que le papyrus, dans des conditions de stockage normales, ne cède rien en durabilité au parchemin :

« La durabilité des deux matériaux dans des conditions normales ne présente aucun doute. On pourrait citer à ce sujet la multiplicité de papyrus trouvés, qui démontre une conservation à long terme des écrits, mais ce n'est plus nécessaire, car le mythe selon lequel le papyrus n'est pas durable a été récemment dissipé, avec autorité – et souhaitons-le, définitivement – par Lewis[8],[9],[n 16]. »

Les études plus récentes partent donc d'une longue durabilité du papyrus[n 17]. Vers 200, on pouvait lire dans une bibliothèque de Rome un rouleau de papyrus âgé de 300 ans, datant de la fondation des bibliothèques romaines. La matière devait certainement avoir pu durer plus de 400 ans. Mais après 800, les nombreux rouleaux antiques n'existaient plus, de ce que l'on peut déduire des catalogues et des activités des copistes de ce temps. Tant dans l'Occident latin que dans l'Orient grec, on ne pouvait en 800 trouver que des codex écrits après 400[n 18].

En outre, les Codices Latini Antiquiores (C.L.A.) contiennent au moins 7 codex en papyrus, qui ont survécu dans des bibliothèques depuis une époque comprise entre 433 et 600 jusqu'aujourd'hui, au moins en partie. L'un d'entre eux, CLA #1507, daté vers 550, est à Vienne, et a encore 103 pages. Si celui-ci a pu durer 1500 ans, les nombreux autres auraient dû pouvoir durer au moins 400 ans. La perte ne peut donc pas être expliquée par un manque de durabilité du papyrus, en rouleaux ou codex.

En ce qui concerne la recopie sur codex, il semble qu'après 400, il y a eu soudain beaucoup moins d'ouvrages, et ceux-ci n'étaient plus produits que sous la forme de codex en parchemin. Les rouleaux trouvés à Oxyrhynque (environ 34 % de l'ensemble en papyrus, les 66 % restants étant des documents administratifs ou privés)[10] montrent une intense production de livres aux IIe siècle et IIIe siècle (655 et 489 pièces), et une chute massive aux IVe siècle et Ve siècle (119 et 92 pièces), ainsi qu'une très faible production ultérieure (41, 5, et 2 pièces après le VIIe siècle où la ville disparaissait). Il faut évidemment laisser ouverte la possibilité de la conséquence d'une baisse de la population.

Les CLA présentent une image semblable pour l'Europe latine. Selon cet inventaire, nous n'avons plus hérité dans l'Europe latine, hors Italie, que de 150 codex datant entre 400 et 700, dont 100 en France. Cela est confirmé par la paléographie ultérieure, après l'intervalle étudié par les CLA. Les collections des grandes bibliothèques monacales vers 900, à Lorsch, à Bobbio, à Reichenau, qui contenaient chacune environ 700 codex, ont presque toutes leur origine après 750 et témoignent ainsi de la Renaissance carolingienne. Pour beaucoup de livres de l'Antiquité, les plus anciennes copies conservées aujourd'hui datent de cette époque. Vraisemblablement, on copiait alors des livres du Ve siècle, que l'on ne trouve plus aujourd'hui. Les CLA recensent, pour la période allant jusqu'à 800 seulement, 56 livres classiques transmis, et parmi ceux-ci seulement 31 du Ve siècle (pour la répartition géographique, se référer à l'article CLA).

La recopie sur parchemin peut aussi être expliquée par le fait que cette faible production n'entraînait plus de demande pour le papyrus à bon marché, et que l'on a préféré le parchemin, matériau auparavant plus noble, mais devenu facilement disponible à cette époque. Il y a eu une « sélection par la demande », comme le formule Lorena de Faveri[11]. Le papyrus n'a plus été utilisé qu'exceptionnellement pour des livres ou autres documents, et on ne le trouvait presque plus dans le domaine latin à partir de 600.

Domaines thématiques touchés

Le savoir scientifico-technique dans l'Antiquité tardive était certainement si développé et compliqué qu'une tradition orale n'était plus possible. Dans la mesure où ce savoir était lié à des noms et des concepts non-chrétiens, il pouvait se poser en concurrence du christianisme. Dans la culture romaine non-chrétienne, les représentations pornographiques en tout genre étaient bien plus répandues que maintenant dans la vie de tous les jours[n 19], ce qui était méprisé par la chrétienté. Vers 200, l'écrivain chrétien Tertullien a maudit non seulement les philosophes, mais aussi les spectateurs, et les a envoyés au diable[12]. Isidore de Séville, plus tard, met en garde explicitement contre les poètes non-chrétiens[13], et met les spectateurs au même niveau que les prostituées, les criminels et les bandits[14] ; Ilona Opelt traite dans sa thèse d'habilitation très détaillée du thème des injures apologétiques chrétiennes[15]. La littérature classique était en outre pleine d'allusions à des dieux et héros non-chrétiens.

Parmi les pertes démontrables dans le domaine latin, on peut regretter avant tout les travaux d'histoire de la République, les poèmes de toutes sortes, ainsi particulièrement des tragédies. Déjà, pendant la période impériale, les livres d'auteurs dissidents, comme Cremutius Cordus, ont été supprimés. Le dixième livre de l'Institutio oratoria de Quintilien commente vers la fin du Ier siècle ap. J.-C. de nombreux ouvrages littéraires, dont une partie appréciable nous est parvenue, mais dont toute une partie est perdue. Les commentaires concernent la littérature de fiction dominante, particulièrement bien établie à cette époque.

Arrière-plan

La façade reconstruite de la Bibliothèque de Celsus à Éphèse. Ce bâtiment, fondation privée, comprenait environ 12 000 rouleaux, qui ont été détruits par un incendie à la fin du IIIe siècle.

Au sein de l'histoire de la transmission, la période de 350 à 800 est décisive. Au Haut Moyen Âge, on pensait que le pape Grégoire le Grand (540-604) avait fait incendier la grande Bibliothèque Palatine de Rome[16]. Selon les recherches modernes, il est exclu que le pape Grégoire ait fait disparaître la bibliothèque, puisque la perte avait dû avoir lieu déjà avant son pontificat. La Bibliothèque Palatine de Rome, fondée par Auguste, sans doute la plus grande de Rome, est disparue de l'histoire sans laisser aucune trace de son destin[n 20]. Depuis les années 1950, la recherche a seulement permis d'établir que cette perte avait eu lieu avant 500. Cette constatation a été encore étayée par les conclusions des CLA dans les années 1970.

Dans la recherche allemande à connotation laïque vers 1900 (période où l’Allemagne jouait un rôle majeur dans la recherche sur l’Antiquité), l'anéantissement de la littérature antique était une des raisons invoquées pour stigmatiser le Moyen Âge en employant une expression très péjorative forgée à la Renaissance et au siècle des Lumières : « l'époque obscure »[n 21]. Elle a aussi été utilisée comme argument anticatholique dans le combat pour la séparation de l'Église et de l’État à la fin du XIXe siècle.

Les causes des pertes de livres sont restées débattues au cours du XIXe siècle. D'une part, il y avait une orientation historique orientée du côté protestant et laïc, dominée par des intentions anti-catholiques[non neutre], qui attribuait les pertes de livres avant tout à la christianisation ; d'autre part il y avait une recherche historique ecclésiale, à laquelle on prêtait des intentions apologétiques, quand elle attribuait les pertes de livres avant tout à la chute de la culture du monde romain. Sur la base de la situation des sources, il n'était pas possible d'atteindre aucun consensus contraignant pour la recherche.

La discussion scientifique sur les raisons du déclin de l'Empire romain d'Occident est ainsi perpétuée depuis 200 ans sans qu'un consensus soit en vue. Encore que les invasions barbares aient joué un rôle non négligeable dans ce déclin, les chercheurs sur l'Antiquité de tradition plutôt dirigée par les sciences de la culture relient la fin de l'Antiquité avec l'effacement de sa tradition non-chrétienne vers la fin de l'Antiquité (529 ?). La perte de la littérature a eu dans ce domaine des conséquences considérables.

La chute de Rome a été ressentie par beaucoup de ses contemporains comme apocalyptique. Dans l'Ancien Testament, il fallait que le peuple juif tombe dans une misère insupportable, avant que Dieu envoie ses troupes célestes pour établir le Royaume de Dieu sur terre[n 22]. Également, selon le Nouveau Testament, il doit se produire d'abord une grande catastrophe avant que vienne le Paradis sur terre, et que s'accomplisse l'histoire de l’Humanité. C'est la prophétie de l'Apocalypse de Jean. La croyance en une fin du monde catastrophique et proche se montre dans l'eschatologie et le millénarisme.

Même si les histoires de martyrs paraissent exagérées, on sait que l'État romain, depuis l'empereur Dèce (249–251), a fait persécuter par intermittence la chrétienté naissante[17],[18]. Les chrétiens retournèrent ensuite ces mesures contre les religions de l'Antiquité. Pour la plupart de ces réactions chrétiennes, on trouve un épisode préalable de persécution des chrétiens[19].

Le « paganisme » de l’Antiquité tardive était une multiplicité polythéiste de communautés religieuses antiques. Les cultes gréco-romains ont été répandus jusqu'au IIIe siècle[20], mais ils étaient cependant déjà concurrencés par les religions dites « orientales », parmi lesquelles les cultes de Mithra, de Cybèle et d'Isis, mais aussi par un manichéisme syncrétique. En plus, il faut compter les croyances populaires locales. Il n'y avait aucun antagonisme entre ces religions, parce que chacun pouvait participer librement à tous les cultes qu'il souhaitait. C'est surtout dans les querelles avec le christianisme que les intellectuels croyants en des religions non-chrétiennes ont été marqués par des idées hellénistiques[21],[22].

Bien que l'on trouve des exemples de cohabitation pacifique entre chrétiens et non-chrétiens dans l'Empire, ce n'est que dans les tout derniers temps que la violence des batailles de religion a été de nouveau soulignée[n 23]. Les conflits religieux avaient souvent des motivations d'ordre social, et étaient attisés par les autorités institutionnelles ou spirituelles chrétiennes. La chrétienté à ses débuts avait un effet d'attirance surtout sur des couches sociales inférieures, peu formées littérairement[23]. La politique religieuse officielle dépendait de l’empereur régnant, comme Théodose Ier, qui est intervenu au nom de l'État surtout en matière de disputes internes à l'Église, mais qui légitima les conflits de religion par des lois isolées. La disparition des religions de l'Antiquité a été un long processus[n 24]. Un travail sur la christianisation de l’Empire romain résume ainsi :

« Forcer au silence, incendier et détruire ont souvent été des formes de la démonstration théologique. Et dès que cette leçon était apprise, les moines et évêques, comme les généraux et l'empereur, ont chassé l'ennemi de leur champ de vision. Nous ne pouvons pas rapporter les événements que nous ne pouvons plus réitérer[24]. »

La perte des livres : avant 500

Les livres antiques n'étaient certainement plus là à partir de 800. Probablement, ils ont disparu dès 500.

La thèse sur le christianisme qui sélectionne les textes à conserver est une thèse notamment reprise par Michel Onfray, opposant la dichotomie Platon/Épicure, le premier qui inspira un dogme déiste, très bien transmis, le second plutôt méprisé, est très fragmentaire[25].
Le Codex Amiatinus (vers 700, contenant la Bible). Représentation d'une bibliothèque du haut Moyen Âge (Armarium), contenant environ dix codex.

Cassiodore, aristocrate romain converti au christianisme, a vécu d'environ 490 jusque 583 en Italie. Il fut d'abord sénateur et secrétaire du roi des Ostrogoths Théodoric le Grand. Pendant la guerre des Goths, après un séjour à Constantinople[26], il se retire vers 540 dans ses propriétés en Italie méridionale et fonde le couvent de Vivarium Il parle latin, grec, gothique, collectionne les livres et les traduit du grec au latin. Son but avoué est le sauvetage de la formation classique et, le premier, il fait entrer la recopie des livres dans les devoirs des moines chrétiens.

En raison de sa position fortunée et de ses contacts lointains, même dans le domaine grec, il était dans une excellente position pour obtenir les livres les plus importants encore disponibles dans l'espace méditerranéen[n 25] ». Il décrit dans ses propres textes sa bibliothèque, les livres individuels et donne des citations de textes vraisemblablement ouverts sous ses yeux. Sur la base de ces données, A. Franz d'abord, puis R.A.B. Mynors ont « établi une vue provisoire du contenu de la bibliothèque de Vivarium[n 26]. » Le résultat de cet inventaire est que Cassiodore ne connaissait guère plus de textes antiques que nous actuellement. Il avait la seule bibliothèque conséquente du VIe siècle dont le contenu nous soit quelque peu connu. Sur la base des citations, il possédait environ 100 codex.

Et sa bibliothèque a eu une influence notable dans l'histoire de la transmission de la culture latine occidentale : « En Italie, une mince couche de l'ancienne noblesse sénatoriale, plus ou moins apparentés, représentée par les familles des Symmaque et des Nicomaque Flavien, s'était donné le devoir de conserver les auteurs antiques comme témoins de la grandeur passée de Rome. Un membre de ce cercle, Cassiodore, a pris l'initiative de la transmission de la culture antique par les livres en introduisant un devoir de copiste pour les moines. La bibliothèque qu'il a fondée à Vivarium a eu un effet loin au-delà des Alpes, avec des succursales à Rome et à Bobbio[27]. »

La situation a été similaire pour l'évêque Isidore de Séville, qui a vécu d'environ 560 jusqu'en 636 en Espagne. Il avait la seule bibliothèque du VIIe siècle sur le contenu de laquelle nous avons quelques connaissances. Paul Lehmann a entrepris une recherche correspondante sur les écrits d'Isidore. Il est arrivé au résultat qu'Isidore s'est fondé sur au moins trois livres de Cassiodore. Selon Lehmann : « Il n'a probablement pas lu la plupart des écrits qu'il cite par leur titre et leur auteur[28]. » Isidore a cité 154 titres[29]. Sa bibliothèque était donc probablement significativement plus petite que celle de Cassiodore.

La survie de grandes bibliothèques n'est pas attestée après 475. De petites bibliothèques de monastères n'avaient peut-être qu'une taille de 20 volumes[n 27]. Comme l'écrit l'ouvrage standard très factuel « Histoire des bibliothèques » en 1955, la perte doit avoir eu lieu avant 500 : « Déjà au début du VIe siècle, la grande perte des textes antiques avait eu lieu, et la collection d'auteurs disponibles pour Cassiodore et Isidore n’était pas sensiblement plus large que l'ensemble que nous connaissons[30]. »

La souscription chrétienne

Probablement presque tous les livres transmis contenaient une souscription chrétienne. C'était un bref appendice, qui décrivait quand le livre avait été recopié, et qui l'avait relu pour s'assurer de sa conformité. Ce type de souscription était probablement usuel aussi avant les temps chrétiens, au moins pour les livres de valeur. Il témoignait de l'origine et de l'exactitude de la copie.

Dans les livres de littérature antique qui nous sont parvenus, tous à une exception près ont une souscription de l’époque chrétienne, et sont ainsi attestés du IVe siècle[31]. La seule souscription préchrétienne transmise, de Titus Statilius Maximus (consul en 144) démontre une réelle activité d'amélioration du texte[32],[n 28]. Elle dit : « Moi, Statilius Maximus, ai amélioré [le texte] une deuxième fois, après Tiro, Laetanianus, Dom[itius] et 3 autres anciens. Un excellent discours[n 29]. » Pour les souscriptions de l’époque chrétienne, cet effort de correction philologique a en partie disparu. Reynolds et Wilson doutent alors que la souscription chrétienne ait été une véritable aide pour la littérature classique[n 30]. On ne peut guère y voir des supports pour l’idée que l'édition de textes non-chrétiens suggère quelque opposition à la chrétienté ; il faudrait pouvoir éclaircir la question de la participation des non-chrétiens à cette époque. Les auteurs des souscriptions des familles des Nicomaque Flavien et des Symmaque étaient déjà chrétiens.

Reynolds et Wilson considèrent « la réapparition soudaine des souscriptions dans les textes séculiers vers la fin du IVe siècle » comme plutôt liée à la recopie des rouleaux de papyrus en codex de parchemin[n 31]. Et « La survie de certaines œuvres a été spécialement menacée pendant la phase de recopie de la littérature romaine des rouleaux de papyrus sur les codex de parchemin. Ce processus est achevé environ à la fin du IVe siècle. Les auteurs qui n'ont pas été considérés sont désormais exclus de la transmission[33] », ou autrement dit : « Les auteurs jugés indignes de transmission (pour la littérature classique aux IIIe et IVe siècles) ont été définitivement abandonnés au sort d'une survie éventuelle sur papyrus[11]. »

Reynolds et Wilson ont aussi considéré comme historiquement intéressant le statut social souvent élevé des personnes évoquées dans les souscriptions : « le rang généralement élevé des personnes apparaissant dans les souscriptions laisse penser que c'est dans leurs somptueuses bibliothèques que nos textes se trouvaient, avant de trouver le chemin des cloîtres et des cathédrales qui ont assuré leur survie[34],[n 32] ». Alexander Demandt rend hommage dans ce contexte aux services rendus par les successeurs aristocratiques du « cercle non-chrétien de Symmaque » au sauvetage de la littérature classique de l’Occident latin[35]. Il est en tous cas intéressant de constater que les corrections d'un texte ont été faites apparemment encore des siècles après sa copie[n 33].

Le sommet des guerres de religion : vers 400

Dans la période de 300 à 800, il y a toujours eu des événements dans lesquels des bibliothèques pouvaient être détruites, en particulier par catastrophe naturelle. La dernière bibliothèque connue dans l'Antiquité est la bibliothèque du Palais de Constantinople, qui est détruite par le feu en 475, avec ses 120 000 codex. La première bibliothèque connue ensuite est, 100 ans après, celle de Cassiodore, avec environ 100 codex.

La période autour de 391 a été un sommet des conflits religieux. Parmi les religions répandues, et en concurrence, il y avait notamment le culte de Mithra[36]. Bien que l'attractivité réelle de ces religions ait été largement mise en doute dans l'histoire des religions, elles étaient tellement répandues qu'Ernest Renan jugeait : On peut dire que, si le christianisme eût été arrêté dans sa croissance par quelque maladie mortelle, le monde eût été mithraïste. Les membres de l’élite de l’empire étaient souvent adeptes de ces communautés de religions « orientales », avant de se convertir progressivement[37]. C'est à ce point que Constantin le Grand († 337) permit même après sa conversion en 312, d'honorer publiquement Sol Invictus, dieu pourtant associé avec Mithra. Jusqu'à sa conversion, Saint Augustin (354-430) était un adepte du manichéisme, qui représentait l'eschatologie.

La mathématicienne Hypatie fut cruellement assassinée dans l'église Cæsareum par une meute de chrétiens soulevés contre elle. Tableau de Charles William Mitchell, 1885.

Alors que Constantin le Grand ne fit, à ce que l'on peut savoir, démolir qu'un petit nombre de temples, le non-chrétien converti Firmicus Maternus recommandait vers 350 au fils de Constantin, dans son écrit apologétique « L'erreur des cultes sans dieu », l'éradication de toutes les religions antiques, ainsi que la destruction de leurs temples. En 391 l'empereur Théodose Ier édicte une loi selon laquelle tous les temples non chrétiens doivent être fermés. Dans les conceptions de l’époque, les temples formaient l'essentiel des bâtiments de culture non-ecclésiale, comme une bibliothèque dédiée aux dieux, ou le Musée, dédié aux Muses. Dans ce contexte, l'édit de Théodose est interprété par beaucoup de chercheurs comme une tentative d'annihiler aussi toutes les bibliothèques non-chrétiennes[38],[n 34]. La recherche historique moderne considère l'édit de l'empereur de manière plus différenciée, apparemment, Théodose Ier n'a jamais ordonné la destruction des temples[n 35].

Sous Honorius, il y a en 399 une dispense pour la protection des œuvres d'art officielles, qui ont été détruites par les chrétiens avec le soutien bienveillant des « autorités »[n 36]. Une dispense semblable prévoyait d'éviter la violence pour la destruction des sanctuaires ruraux Codex Theodosianus 16,10,16 du 10 juillet 399. En 408, une loi pour tout l’empire ordonne la destruction de toutes les œuvres d'art non-chrétiennes restées jusqu'alors : « Si quelque portrait se tient encore dans des temples ou des chapelles, et si, où que ce soit, il a reçu aujourd'hui ou dans le passé l'adoration des païens, il doit être abattu. Codex Theodosianus 16, 10, 19[39] ».

En ce qui concerne le Sérapéum d'Alexandrie, qui représentait la bibliothèque municipale d'Alexandrie[n 37], il est rapporté qu'il a été détruit en 391 par les chrétiens, après que les non-chrétiens se furent retranchés dans le bâtiment, et eurent été tués, pour résistance à l'exécution de la loi. Du Musée d'Alexandrie, qui contenait la célèbre grande bibliothèque, et qui est attesté comme bâtiment jusque environ 380[n 38], il n'y a après 400 plus une trace. Au Ve siècle, le terrain est décrit comme un terrain vague. Jean Philopon, chrétien et important commentateur d'Aristote, évoque en 520 la « grande Bibliothèque » qui avait été en son temps la fierté d'Alexandrie[40]. Pendant les fouilles de 2003, on est tombé sur des fondations.

Un certain Asclépiades était en 490 l'un des rares savants non-chrétiens d'Alexandrie. Lui et son cercle se considéraient comme les derniers prêtres d'Osiris et utilisaient des hiéroglyphes pour leurs actes rituels. Haas[41] part du point de vue que ce cercle ne savait plus lire les hiéroglyphes. Car le fils d'Asclépiades, Horapollon, a fait le seul travail de l'Antiquité tardive sur la signification des hiéroglyphes. Il y manque toute indication sur leur fonction phonétique. Seules leurs fonctions allégorico-mystiques, parfois fantaisistes, sont décrites. Les hiéroglyphes ont été utilisés jusqu'au IVe siècle, et il y avait alors certainement des livres correspondants disponibles. Mais même un spécialiste déclaré semble donc ne plus avoir possédé un tel livre dans sa bibliothèque privée, dans ce centre intellectuel qu'était Alexandrie.

Les Res gestae d'Ammien Marcellin (~330 – ~395), la source la plus importante pour cette période, évoquent la poursuite et l'exécution de personnes apparemment lettrées, auxquelles on reprochait la possession de livres au contenu interdit. Leurs codex et leurs rouleaux étaient brûlés en public. Pour les livres, il doit s'être apparemment agi de « textes de magie ». Ammien pensait plutôt que c'étaient avant tout des œuvres des « artes liberales », des sciences classiques de l'Antiquité. À la suite de quoi, dans les « provinces orientales », selon Ammien, « les propriétaires auraient fait brûler leurs bibliothèques entières, de peur de tels destins[n 39].

Ammien critique par ailleurs l'amour superficiel des amusements de la classe supérieure romaine, et rajoute : « Les bibliothèques étaient fermées pour toujours, comme des caveaux[n 40]. » Ceci a été interprété au XIXe siècle et pour la plus grande partie du XXe siècle comme si les grandes bibliothèques publiques de Rome avaient été fermées. Récemment, beaucoup supposent que cette assertion aurait pu ne concerner que les bibliothèques et les amusements de la noblesse romaine[n 41]

Un peu plus tard, vers 415, le savant chrétien Paul Orose visite Alexandrie. Il décrit qu'il a vu lui-même dans quelques temples les étagères à livres vides. Celles-ci auraient été « pillées par nos propres gens à notre époque – cette assertion est sûrement vraie[n 42]. ». À Rome aussi, les grandes bibliothèques semblent avoir été fermées ou vides à partir de 400. Même en supposant que les bâtiments de la bibliothèque Trajane soient restés debout en 455[n 43], il n'y a aucun indice que celle-ci ou d'autres ait encore été ouverte ou ait encore contenu des livres.

Décadence et transformation de la cité antique

Beaucoup de villes de l’Empire romain, et particulièrement en Gaule (quoique moins dans la partie méridionale) et en Grande-Bretagne ont pratiquement disparu au Ve siècle à la suite des invasions sur l'ensemble de l'empire. Trèves, jusqu'au début du Ve siècle le siège de la Préfecture des Gaules, a été par exemple de nombreuses fois pillée et incendiée. Une œuvre locale, comme la Chronica Gallica de 452 a néanmoins pu survivre. Les nouveaux potentats germains en Occident ont essayé de poursuivre les structures antiques en d'autres lieux (Espagne, Italie, une partie de l'Afrique du Nord et la Gaule méridionale). Ammien Marcellin rapporte dans son ouvrage historique que beaucoup d'officiers romains d'origine germanique étaient intéressés par la culture classique et y étaient souvent formés. Encore vers la fin du Ve siècle, le gallo-romain instruit Sidoine Apollinaire louait pour sa culture l'officier germain et romain Arbogast le jeune, qui avait défendu Trèves contre les envahisseurs germains.

Dans certains domaines de l'Empire, la cité antique a été très largement restructurée. L'entretien des bâtiments publics, y compris les bibliothèques publiques, s'appuyait dans l'Antiquité très largement sur les bénévoles, la plupart du temps de riches citoyens. Mais dès le IIIe siècle, il y a des plaintes, de ce que de plus en plus de citoyens ne sont plus prêts à soutenir certaines institutions, ou ne prennent plus bénévolement certaines charges. Les honneurs que cela rapportait ne compensaient plus apparemment le poids d'une fonction publique. Jusqu'au VIe siècle, les vieilles structures disparaissent presque totalement un peu partout. Les villes s'organisent alors plutôt sous l'autorité de l'évêque[42]. L'entrée dans le clergé offrait tout particulièrement l'occasion d'une libération des contraintes financières. Constantin le Grand a encore essayé d'enrayer par la loi cette fuite[n 44], mais il préférait déjà pour les villes des élites chrétiennes locales[n 45]. Dans le cadre de l'évergétisme, les empereurs chrétiens édictaient pour les villes des privilèges, ou des élévations de leur statut, à l'occasion de l'expulsion de communautés non-chrétiennes, ou de la preuve d'une conversion complète, ce qui amenait des allégements d'impôts, qui jouaient un rôle important. Ce processus atteint son sommet vers la fin du IVe siècle, avec la conséquence que les élites urbaines ne pouvaient conserver leur statut social sans baptême que dans leurs domaines, puisque la pratique du culte dans les temples publics était fondamentalement punie de mort depuis Théodose Ier. En privé, les activités cultuelles non-chrétiennes pouvaient encore continuer à être pratiquées sans danger. Mais outre les bienfaits spirituels, les avantages matériels devaient rendre la conversion attractive pour bien des familles nobles[n 46].

Les sources épigraphiques, qui témoignent en permanence depuis le premier millénaire av. J.C. des formes urbaines de réjouissances, telles les représentations de théâtre, de musique ou de sport se tarissent à cette époque[n 47]. Les lycées grecs et autres lieux d'action des professeurs et philosophes non-chrétiens ont été abandonnés, en partie parce qu'il s'y pratiquait le nudisme masculin, qui favorisait l'homosexualité, aux yeux des chrétiens. L'auteur chrétien Théodoret de Cyr a écrit l'un des derniers textes de l'Antiquité contre les non-chrétiens (vers 430), où il représente que ces manifestations ont été remplacées par des offres alternatives chrétiennes[n 48].

« Vraiment, leurs temples sont tellement détruits que l'on ne peut plus se représenter leur emplacement de jadis, car les matériaux de construction ont été utilisés depuis pour la construction des sanctuaires des martyrs. […] Regardez, au lieu des fêtes de Pandios, de Diasos et de Dionysios et de vos autres fêtes, on célèbre des cérémonies publiques en l'honneur de Pierre, de Paul et de Thomas ! Au lieu de pratiquer des usages obscènes, nous chantons maintenant de purs hymnes de louange[43]. »

St Jean Chrysostome se moque de la même manière dans un écrit apologético-polémique.

La Notitia Dignitatum, un catalogue des postes administratifs officiels de l’Empire romain vers 400, ne présente aucune indication du fait qu'un officiel soit responsable des bibliothèques. Par ailleurs, à partir d'autres documents et inscriptions funéraires, nous savons que la responsabilité d'une ou plusieurs bibliothèques était considéré avant 300 comme un office important et considéré. S'il y avait eu après 400 des grandes bibliothèques, leur administration aurait été de grande importance. Car l'administrateur aurait décidé de quels livres pouvaient ou non être consultables, après la christianisation.

L'anéantissement des livres de magie

La littérature antique était aussi répandue dans de petites et très petites bibliothèques privées (comme celle de la Villa des Papyri avec plus de 1800 rouleaux). La perte des grandes bibliothèques publiques ne pouvait donc atteindre qu'au plus la moitié de l’inventaire total. La disparition complète des millions de livres édités avant 350 doit avoir été un processus long. À part les descriptions de condamnations de livres selon Ammien et St Jean Chrysostome, on sait que les prétendus « livres de magie » ont aussi été pourchassés. Cette sorte de littérature était plutôt rare au début du premier millénaire (au plus 0,3 % à Oxyrhynque). Depuis la reconnaissance officielle du Christianisme au IVe siècle, elle a fait significativement l'objet de poursuites. Comme Ammien rapporte l'autodafé de livres scientifiques classiques dans le cadre de la poursuite des livres de magie, il est possible que d'autres littératures non-chrétiennes aient aussi été éliminées dans ce contexte.

Un grand travail d'aspect plutôt apologétique chrétien[n 49] de Speyer a été consacré au thème de la destruction des livres antiques. Sous la rubrique « L'anéantissement de la littérature païenne », Speyer a trouvé des indications de livres antichrétiens, de livres de rituels païens, de littérature lascive tout comme de livres de magie. D'après Speyer, les écrits de la littérature et de la science antiques n'ont jamais été détruits intentionnellement. Les livres de magie, probablement des rituels d'imprécations ou de sortilèges, étaient d'ailleurs déjà pourchassés dans les temps préchrétiens. Les gens instruits comme Pline l'Ancien considéraient la magie comme une simple duperie[n 50]. Mais dans l'opinion commune, la magie a toujours été plus ou moins répandue.

Ce n'est que par la lecture qu'on pouvait décider si un livre contenait de la magie ou de la science. Même là, il fallait quelque formation pour faire la différence à bon escient, et ce ne sont pas tous les chrétiens engagés dans la destruction des livres qui avaient le savoir nécessaire. Un livre non chrétien pouvait être incriminé de magie parce qu'il était dédié à un non-chrétien célèbre, ou à une divinité, ou tout simplement parce qu'il mentionnait en passant un savant passant pour magicien. Le reproche de magie était très largement conçu, et était utilisé contre les religions antiques dans leur ensemble[44].

Les « magiciens » d'Éphèse convertis par St Paul, à l'autodafé de leurs livres. Illustration de la Bible par Gustave Doré, vers 1866

Selon Speyer, la destruction des livres de magie par les chrétiens remonte à un passage des Actes des Apôtres[45]. Il y est raconté comment Paul chassait les démons pour guérir les malades. Il y avait plus de succès que les « fils d'un grand-prêtre juif, Skeva », que l'on désignait comme « exorcistes juifs ambulants »[46]. Après le triomphe de Paul dans la ville d'Éphèse : « Plusieurs de ceux qui avaient cru venaient confesser et déclarer ce qu’ils avaient fait. Et un certain nombre de ceux qui avaient exercé les arts magiques, ayant apporté leurs livres, les brûlèrent devant tout le monde : on en estima la valeur à cinquante mille pièces d’argent[47]. » Dans ce passage, on ne peut que supposer d'après le contexte qu'il s'agit de livres de sortilèges[n 51]. Le grand nombre des livres ainsi anéantis rend improbable qu'il se soit agi uniquement de livres de magie dans le sens où nous l'entendons aujourd'hui.

À part ce passage de la Bible, ce n'est qu'au IVe siècle que l’on retrouve des preuves de destructions par le feu de livres de magie dans le cadre des conversions au christianisme. D'environ 350 jusqu'au Moyen Âge, on décrit comment les livres de magie ont été recherchés et détruits. Entre 350 et 400, les possesseurs de ce genre de livres étaient aussi punis de mort :

« À cette époque, on a agi avec la plus grande fermeté à l'égard des possesseurs de livres de magie. Nous apprenons de Jean Chrysostome que des soldats ont perquisitionné avec soin sa ville natale d'Antioche sur l’Oronte, à la recherche d'écrits magiques. Comme il se promenait lui-même à l'époque avec un ami le long de l’Oronte, ils ont vu un objet flotter sur le fleuve. Ils l'ont retiré, et ont vu qu'ils tenaient entre leurs mains un livre de magie interdit. Au même moment, des soldats se montrent à proximité. Mais ils réussissent encore à cacher le livre sous leurs vêtements, et à le rejeter dans le fleuve un peu plus tard. Ils avaient échappé à un danger de mort. Comme Chrysostome le raconte plus loin, le possesseur d'un livre de magie l’avait jeté dans le fleuve par peur de ses poursuivants. On l'a observé, convaincu de magie et condamné à mort[48]. »

Outre Ammien, il y a encore d'autres sources, selon lesquelles on procédait alors à des perquisitions dans les maisons pour y trouver des livres non-chrétiens[49]. Environ 100 ans plus tard, (entre 487 et 492), il y a un nouveau rapport de perquisitions dans les maisons. Des étudiants de Beyrouth avaient trouvé chez un « Jean, surnommé le "marcheur", de Thèbes, en Égypte » des livres de magie. Après les avoir brûlés, ils le forcent à indiquer les noms d'autres possesseurs. Là dessus, les étudiants, « soutenus par l'évêque et les autorités civiles », entreprennent une vaste action de perquisition. Ils trouvent chez d'autres étudiants et quelques personnes de réputation ce genre de livres et les brûlent devant l'église[n 52].

Dans une loi impériale, depuis 409, les « mathématiciens » ont l’obligation de « brûler leurs livres sous les yeux des évêques, sinon ils seront bannis de Rome et de toutes les communes[n 53]. » Il était habituel dans l'Antiquité tardive d'assimiler les mathématiciens avec les astrologues ; cependant on pouvait dans l’Antiquité ranger sous le vocable Mathématiques une partie considérable des sciences classiques. Mais ce n'est que dans la langue vulgaire que l'on mettait dans cet ensemble les astrologues (diseurs d'horoscopes)[n 54].

En 529, l’empereur Justinien fait fermer l'académie d'Athènes. En 546, il publie une interdiction d'enseigner pour les non-chrétiens, et ordonne la poursuite des « grammairiens, rhéteurs, médecins et juristes », ainsi qu'en 562 l'autodafé public des « livres païens[50] ». Il est possible que ces livres aient été saisis au cours des poursuites. Un nouvel acte pour l'anéantissement des livres dans l'Empire romain résume :

« Les autodafés de livres sont devenus une forme saillante de la violence religieuse dans l'Empire romain de la fin de l'Antiquité. La violence légitimée par la religion, dont l'incendie des livres ne formait qu'un exemple, était comprise comme une action qui satisfaisait fondamentalement Dieu, et apportait donc un bénéfice spirituel au persécuteur. Comme l'incendie des livres satisfaisait Dieu, il était largement accompli, et même par des personnes qui agissaient en tant que représentants de la chrétienté, même dans les cercles de l’Église. En faisant cela, les évêques, les moines et même les laïcs engagés religieusement adaptaient à leurs besoins un rituel antique, qui servait à la fois la double intention de la pénitence et de la purification. […] L'intensité de ces agissements à cette époque fait apparaître un processus progressif de transformation[51]. »

La formation et la transmission

Représentation d'un Romain étudiant un rouleau de papyrus dans sa bibliothèque privée.

Le monde antique avait vraisemblablement un assez haut degré d'alphabétisation. Pline a écrit son Encyclopédie explicitement pour les paysans. Les trouvailles de papyrus en Égypte confirment qu'apparemment même les pauvres paysans de province savaient lire et écrire. Une pierre tombale trouvée en Bavière, érigée par un esclave pour un de ses compagnons d'esclavage, montre même l'alphabétisation des esclaves ruraux dans les provinces[52]. Pour les esclaves urbains, c'était attesté depuis plus longtemps.

Dès la fin du IVe siècle les non-chrétiens ont été progressivement écartés du système éducatif. L'empereur Julien avait encore essayé en 362 par l'édit des rhéteurs[n 55], d'exclure de fait les chrétiens de l'enseignement. Cette intervention étatique se retourna plus tard contre les non-chrétiens.

L'empire d'Occident

La perte des papyrus antiques ainsi que de l’accès officiel à la littérature a eu une conséquence immédiate sur le niveau d'éducation de l'ensemble de la population dans l'empire d'Occident. À la fin de ce processus, l'alphabétisation disparaît largement, et les informations historiques sont plus que fragmentaires. En ce qui concerne la transmission, Herbert Hunger émet le jugement suivant sur l’époque : « La victoire finale de la christianisation est pire [que la germanisation] pour la culture romaine[53]. »

La conservation des traditions non-chrétiennes s'est concentrée sur une aristocratie sénatoriale dépouillée de son pouvoir, comme les membres du cercle de Symmaque. Alexander Demandt écrit : « Une grande partie de la littérature latine a été sauvée par des parents ou des serviteurs de ces familles sénatoriales[35]. »

Au début du VIe siècle, le savant Boèce travaillait à la cour de Théodoric le Grand en Italie gothique orientale. Il traduisait et commentait des travaux d'Aristote et l'Isagogè de Porphyre, et fut le premier chrétien à écrire des manuels d'Arts libéraux. Accusé de trahison, il fut exécuté, et n'a pas pu accomplir son grand projet de traduction de Platon et d'Aristote pour l'Occident latin. Néanmoins, ses traductions sont restées jusqu'au XIIe siècle les seuls écrits d'Aristote disponibles pour le monde latinisant. Comme les connaissances en grec avaient quasiment disparu en Occident depuis le haut Moyen Âge, c'est grâce à lui que le Moyen Âge latin a conservé une partie de la philosophie grecque antique.

La position chrétienne face à la littérature païenne

La position des chrétiens face à la littérature non-chrétienne a évolué au cours du temps. On cite beaucoup le rêve angoissant de St Jérôme. Le Père de l’Église écrit que tout jeune, il a renoncé à toutes les possessions et les joies de ce monde, mais qu'il ne pouvait pourtant pas se séparer de sa bibliothèque classique. Là dessus, il eut une vision :

« D'un coup, je fus saisi en esprit et traîné devant le Juge. Et là, la lumière était si claire, et ceux qui m'entouraient si brillants, que je me jetai à terre, et n'osais pas regarder le spectacle. Quand on me demanda qui j'étais, et quoi, je répondis : "Je suis un chrétien". Mais le Président dit : "Menteur ! tu es un disciple de Cicéron, et non du Christ. "Car là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. (Mt, 6, 21)" Au même moment je devins muet, et, sous les coups de lanières – car Il avait ordonné de me fouetter – le feu de ma conscience me tourmenta encore plus, tandis que je me rappelais le verset de la Bible : "Qui te louera dans le séjour des morts ? (Ps. 6, 6)". Cependant, à la fin, je me mis à pleurer et m'accuser, et je dis : "Fais-moi grâce, ô Seigneur, fais-moi grâce." Même sous le bruit du fouet, on pouvait entendre mon cri. Finalement, les spectateurs tombèrent aux genoux du Président, et Le prièrent d'avoir pitié de ma jeunesse, et de me laisser le temps d'expier mes erreurs. Il pourrait bien, disaient-ils, continuer la torture si jamais je recommençais à lire les œuvres des païens. Sous la pression de cet instant terrible, j'aurais été prêt à faire des promesses encore plus importantes. Alors, je prêtai serment sur Son Nom et dis : « Seigneur ! Si je possède jamais quelque livre de ce monde, ou si j'en lis un, alors je T'aurai menti[54].  »

Poêle rococo du XVIIIe siècle avec une représentation d'œuvres d'hérétiques chrétiens depuis l'Antiquité aux débuts des temps modernes. La banderole porte : Bibliotheca Vulcano consecrata (Bibliothèque consacrée à Vulcain)

Le Père de l'Église St Augustin (354-430) argumenta en faveur de la conservation de la littérature non-chrétienne, qu'il avait lui-même longuement étudiée dans sa jeunesse, mais ne voulait par principe la voir qu'enfermée dans une bibliothèque ; elle ne devait ni être répandue, ni enseignée. Il se prononça contre l'enseignement de « l'ars grammatica » en pure technique, car seuls les écrits ecclésiaux devaient être utilisés[55].

Le pape Grégoire le Grand (540–604), issu d'une famille aristocratique romaine, reçut une éducation classique et excella, selon Grégoire de Tours, dans la grammaire, la dialectique et la rhétorique. À la suite de son ascension ecclésiale, il évita cependant les citations classiques dans ses écrits. Il permit aux évêques d'enseigner l'Ecriture Sainte, mais pas la grammaire, indigne de leur statut, et dont il craignait l'usage désacralisant; il adressa des réprimandes personnelles à ceux qui contrevinrent à ses directives.[n 56].

Isidore de Séville a aussi ordonné que la lecture des écrits classiques soit uniquement permise à des étudiants très formés. Manitius écrit : Chez Cassiodore, on se sent dépaysé : la mystique, la superstition et l'appétit pour les miracles recouvrent maintenant les représentations qui étaient auparavant si logiques et réalistes[56].

À la suite de cette politique culturelle, même le clergé ne put maintenir le niveau d'alphabétisation. Cassiodore a écrit un manuel de grammaire ancienne; E.A. Lowe en tire le jugement suivant : « À partir des règles d'orthographe et de grammaire qu'il donne, on peut mesurer l'abaissement de l'érudition déjà en son temps[57]. » Pour l’Occident latin, « le VIe siècle est la phase la plus noire du déclin culturel de l'époque, pendant laquelle la recopie des textes classiques a tellement diminué, que l'on est passé dangereusement près d'une rupture de la continuité de la culture païenne. Ces siècles obscurs ont menacé irrévocablement la transmission des textes classiques[58]. »

Les lettres de St Boniface, dans lesquelles il se plaint de la misère intellectuelle du clergé en son temps montrent également cette chute, qui, selon Laudage et al.[59] remonte au Ve siècle. Au temps d'Isidore, une loi est passée, qui excluait les analphabètes de l’épiscopat, l'office le plus élevé au sein de l’Église d'alors. Selon les lettres d'Alcuin, qui s'efforçait de relever le niveau de formation dans l'empire carolingien, cette loi n'avait pratiquement pas eu d'effet.

La transmission par les monastères

Un nombre appréciable des moines du Moyen Âge, au moins sur le continent, étaient analphabètes. Même bien des copistes de codex ne faisaient que recopier l'image du texte donné[n 57]. Mais ceci avait aussi l’avantage que les copies de ce temps étaient très fidèles à l’original – on n'osait pas « améliorer » le texte. C'est avant tout grâce à l’activité de copie des moines que la partie encore connue de la littérature antique a été conservée, qui dès lors a été recopiée sur parchemin, matière plus noble. Comme cette matière a été utilisée depuis le Haut Moyen Âge, nous sommes encore aujourd'hui en possession des textes mêmes qui étaient à la disposition de Cassiodore : « La transmission excessivement insuffisante de la culture classique dans ces siècles obscurs donne donc une importance particulière à la Renaissance carolingienne, pendant laquelle les auteurs de l'Antiquité reviennent en lumière, sur la base d'anciens codex qui ont survécu à l'effondrement de l'Empire romain, auteurs qui auraient été vraisemblablement condamnés à la damnatio memoriae pendant les siècles sombres[58]. »

Friedrich Prinz (de) a porté le jugement suivant dans un exposé à l'Académie catholique de Bavière (publié dans Die Zeit), sur le processus de transmission des textes classiques au Moyen Âge :

« C'est un des paradoxes les plus étonnants de l’histoire mondiale de voir que ce sont précisément l'Église et ses monastères, après avoir combattu par profonde conviction religieuse de façon si acharnée et fondamentale la littérature audacieuse et érotique de l'Antiquité païenne, qui sont devenus les transmetteurs les plus importants également des textes de cette nature. Était-ce leur charme vivant et esthétique qui a permis leur survie dans les bibliothèques des monastères, ou était-ce un état d'esprit plus libéral du Moyen Âge vis-à-vis d'une tradition culturelle passée, que le christianisme vainqueur n'avait plus à combattre comme une menace ? De toute manière, on en est arrivé à une reprise avec intérêt de cet antique héritage très profane, que l'on avait essayé de supprimer comme un adversaire diabolique[60].  »

En remontant le temps à partir des XVIe et XVIIe siècles, on arrive pour le milieu du bas Moyen Âge (1250) à un taux d'alphabétisation en Europe continentale d'environ 1 %[n 58]. En gros, cela signifie que 90 % de la population était rurale et analphabète, et que dans les 10 % de la population urbaine, à nouveau seuls 10 % savaient lire et écrire. Mais les différences régionales pouvaient être considérables : en Scandinavie, c'était l'époque des Sagas, avec un très haut degré d'alphabétisation. De 700 à 1500, le Moyen Âge a présenté une alphabétisation croissante. Aux VIe et VIIe siècles, l'alphabétisation a dû être très faible en Occident.

Empire romain d'Orient et byzantin

Dans l’Empire romain d'Orient hellénisé, les lignes de la tradition ont présenté bien moins de ruptures que dans l'Occident latin, que ce soit dans la transmission des textes ou la tradition de l'éducation.

Par la paidéia, la forme classique d'éducation, on se distinguait des Barbares, et on en était fier, même comme chrétien. En 529, l'Académie de Platon à Athènes a été fermée, mais d'autres centres d'éducation d'origine non-chrétienne ont perduré ; mais ils ont perdu aux VIe et VIIe siècles leur importance, et ont en partie été brutalement fermés. À Alexandrie, le centre probablement le plus important d'éducation de l’Antiquité, on est parvenu à un équilibre stable entre la tradition classique et la chrétienté, dans les œuvres de Jean Philopon, Étienne d'Alexandrie, et la grande épopée de Nonnos de Panopolis. Ce n'est qu'à la suite de l’invasion perse (616) et de la conquête arabe qui suivit (641) que l'université s'effondra[61].

Dans l’Empire byzantin, des auteurs qui n'étaient pas pris en compte pour la recopie des rouleaux en codex dans les centres chrétiens à partir des IIIe et IVe siècles, ont survécu au moins sous la forme d'extraits dans les compilations et les références secondaires. Probablement au début du XIe siècle est né le Souda, un lexique rempli de références à de nombreux travaux aujourd'hui disparus. Les auteurs du Souda se sont référés à de telles références secondaires, ou à des lexiques compilés précédemment.

Mais en Orient, il y a eu également des ruptures et des crises, où des collections ont dû s'égarer ; en particulier au VIIe siècle, la grande guerre contre les Perses (603–628) et l'expansion islamique qui suit représentent une interruption marquée[62].

La continuité culturelle présente à Byzance est la raison pour laquelle la littérature classique a continué d'être acceptée même après les troubles de ces temps de lutte[n 59]. Après la période iconoclaste de Byzance, (VIIIe siècle et début du IXe siècle), il n'y a plus que de rares indications fiables sur un rejet de la littérature classique chez les auteurs byzantins. Par exemple, le moine Maxime Planude a expurgé l'édition de 1301 de son Anthologie grecque des épigrammes qui lui paraissaient choquants.

La transmission par les Arabes

Malgré les parfois lourdes batailles dues à l'expansion de l'islam, les temps qui ont suivi ont bénéficié d'une relative continuité culturelle dans les territoires conquis sur l'Empire romain d'Orient, comme la Palestine et la Syrie, contrairement à l’Occident latin : « Comme l'intérêt pour la formation grecque était grand, beaucoup de textes ont été traduits dans les langues des nouveaux pays, et les structures et les bibliothèques ont survécu, ce qui garantissait la qualité de l'éducation[63]. » Quelques textes, par exemple d'Aristote ou de ses élèves ne sont parvenus aux temps modernes que par cette voie. Récemment, la destruction des livres pendant l'Antiquité tardive a été mise en relation dans le monde arabe aussi avec les fondements de la chrétienté[64]. Les progrès en sciences de la nature de l'Europe chrétienne des Xe et XIe siècles sont également dus aux sciences arabes.

Bibliographie

Sources primaires
Monographies
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  • (en) Robert Barnes, « Cloistered Bookworms in the Chicken-Coop of the Muses. The Ancient Library of Alexandria », dans Roy MacLeod, The Library of Alexandria, Londres,
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Notes et références

Notes

  1. L’auteur débute sa préface par cette phrase : « Nous ne connaissons pas la littérature latine. »
  2. Le premier volume traite de l'époque républicaine, le second de l'époque impériale.
  3. « Although much Greek literature has been preserved, the amount actually brought down to modern times is probably less than 10% of all that was written » Bien que beaucoup de la littérature grecque ait été conservée, la quantité effectivement transmise aux temps modernes est probablement moins de 10 % de tout ce qui a été écrit ») (Johnson 1965). Le même livre, 30 ans plus tard, a reçu d'un autre auteur une correction substantielle de ce passage : « Why do we know so little about Greek libraries when such a relatively large amount of classic Greek literature has been preserved? It is estimated that perhaps ten percent of the major Greek classical writings have survived » Pourquoi savons-nous si peu sur les bibliothèques grecques, si une telle partie, relativement grande, de la littérature grecque classique nous a été transmise ? On estime qu'au maximum 10 % des œuvres grecques classiques majeures ont survécu » (c'est nous qui soulignons la différence). (Harris 1995, p. 51)
  4. D'après les inventaires du bibliothécaire en chef Callimaque de Cyrène †(240-235 av. J.C.) jusqu'à la visite de César (Parsons 1952)
  5. La collection de la bibliothèque doit avoir été composée essentiellement de copies uniques : les voyages du premier bibliothécaire, Demetrios de Phalère, rapportèrent avant 280 av. J.-C. 200 000 rouleaux (Flavius Josèphe, Antiquités juives, XII, 2,1). À la mort de Callimaque, 50 ans plus tard, il y en avait 490 000 (Jean Tzétzès dans Parsons). Les nouveaux avaient aussi été achetés dans divers pays. Si l'on avait voulu augmenter l'inventaire par copies, il n'aurait pas été besoin de faire ces achats en voyage. On aurait pu copier le fonds à Alexandrie autant que l'on voulait, puisqu'on disposait sur place d'autant de papyrus que de besoin. Voir d'autres argumentations à ce sujet dans (Parsons 1952)
  6. Parsons 1952 estime que cela a dépassé le million. (Le petit Pauly) estime, sous la rubrique Alexandrie, 900 000, sans justification. Il est possible qu'il y ait eu une diminution pendant ce que l'on appelle la « Crise du IIIe siècle ».
  7. Le corpus des textes latins conservés aujourd'hui représente, par rapport à celui des textes grecs, à peu près le tiers. Il n'est pas clair que ceci soit dû à des conditions de transmission plus mauvaises de l'Occident latin au Haut Moyen Âge, ou que cela corresponde à une production réellement plus faible. Mais les conditions de production ont dû être comparables au moins au temps de la République de Rome et des villes autonomes grecques et hellénistiques.
  8. On peut supposer qu'au début de l’Empire, c'était un honneur d'être admis dans les grandes bibliothèques. Le poète Ovide tombé en disgrâce se plaignait dans son exil, que ses écrits étaient rejetés par le gardien de la Bibliothèque (Palatine), (Ovide, Les Tristes 3, 1, 59)
  9. Dans les papyrus littéraires d'une déchetterie à Oxyrhynque, formant le groupe des papyrus éponymes, il y avait environ 20 % de textes d'Homère. Extrapolé au domaine grec, cela indiquerait des millions de copies en circulation. Les grandes bibliothèques ne prenaient pas tous les titres (Ovide, Les Tristes 3, 1, 59). Un titre qui rejoignait la bibliothèque d'Alexandrie devait dans tout l'empire atteindre un certain nombre d'exemplaires. Les bibliothèques commandaient leurs livres à des éditeurs avec lesquels elles souscrivaient des contrats d'abonnement. À Rome, il y avait deux quartiers connus pour leurs éditeurs et librairies. Un commerce de livres abondant est attesté aussi en province. Horace, Carmina 2, 20, 13 et Martial 7,88 ; 11, 3 affirment que leurs œuvres sont répandues jusqu'aux frontières de l’empire. Pour Varron, c'est attesté par Pline (Naturalis historia 35,11). Vers 100 ap. J.-C., la première édition d'un écrit mémorial privé de 1 000 exemplaires est lancée Pline (Epistulae 4,7,2), ce qui montre une capacité de production élevée. Voir (Krüger 1990) ; (Blanck 1992).
  10. Le dernier relevé des manuscrits conservés se trouve dans Manfred Landfester : (Le nouveau Pauly), Supplément 2.
  11. Pour la bibliothèque du palais de Constantinople, voir Pöhlmann 1994. L'estimation de 100 chez Cassiodore repose sur la liste de titres de Franz et Mynors (voir infra), en supposant 4 titres par codex, ce qui était typique vers 800. Les codex du Ve siècle étaient en général plus gros qu'en 800.
  12. Un rouleau de 83 300 signes demande pour 1 signe à la seconde environ 23 heures d'écriture. Avec la fabrication du rouleau de papyrus et quelques dessins, ceci est facilement réalisable en 4 jours ouvrés. Avec 500 personnes, on pouvait fournir une commande de 40 000 rouleaux en 320 jours ouvrés (Alexandrie avait, selon Diodore (17,52), plus de 300 000 habitants. Avec les esclaves, cela pouvait faire un million de personnes - (Le nouveau Pauly) T. I, col. 464 -).
  13. Les éditions de livres d'Alexandrie étaient particulièrement renommées et faisaient l'objet de commerce. Sous l'empereur Domitien (81-96), les pertes d'une bibliothèque publique de Rome pouvaient être comblées par une livraison d'Alexandrie (Pöhlmann 1994).
  14. Les auteurs évoquent plusieurs écrits antiques aujourd'hui perdus, qui ont été encore cités vers 600, et en concluent : « The bulk of Latin literature was still extant » (« La grande masse de la littérature latine était encore là », p. 81). On ne peut évidemment pas conclure que le gros de la littérature survivait, à cause de l'existence de quelques livres plus vieux. Le fait que les bibliothèques de Cassiodore et d'Isidore aient contenu jusqu'environ 90 % de travaux de l'Antiquité connus de nos jours, montre que le processus de sélection de 1 à 1000 était arrivé bien avant. Reynolds et Wilson 1991 défendent exclusivement la thèse de la recopie/pourrissement, sans discuter de point de vue différent. Ils mettent en doute la diffusion du codex dès le Ier siècle et considèrent l'édition en codex des classiques évoquée par Martial comme une tentative infructueuse, malgré la trouvaille archéologique de parties d'un codex de parchemin du temps de Martial (De Bellis Macedonicis) qui montre justement une diffusion ancienne – même si les codex significativement plus chers étaient certainement moins nombreux que les rouleaux.
    L'affirmation que le codex « may have cost rather less to produce » (« doit avoir été moins onéreux à produire », p. 35) n'est pas étayée. Les pages de papyrus peuvent être collées en rouleaux de longueur arbitraire, avec la colle même du papyrus. Les fouilles d'Oxyrhynque montrent que c'était même une partie du travail de bureau antique. Le travail pour fabriquer un codex avec sa couverture en bois est nettement plus élaboré. La fabrication d'une page de parchemin à partir d'une peau de mouton demande de nombreuses étapes de travail assidu, des connaissances techniques et un temps de travail bien plus long que celle d'une page de papyrus. En référence à Galien, ils affirment qu'un rouleau de papyrus peut résister jusqu'à 300 ans (p. 34). Mais Galien n'a évoqué l'étude d'un rouleau vieux vraisemblablement de 300 ans que pour étayer simplement le soin de son édition de texte. Il n'a pas évoqué l'âge du papyrus comme quelque chose de spécial. On ne peut donc déduire de sa citation qu'une durée de vie minimale d'un rouleau. L'hypothèse que la vie moyenne d'un rouleau est inférieure n'est pas fondée.
  15. (Le nouveau Pauly) 15/3, rubrique "Transmission", 2003, désigne comme raisons pour la perte des livres « la victoire du christianisme, la dégradation de la culture matérielle, et de l'éducation païenne, le passage du rouleau au codex » (col. 725) et « L'établissement et la reconnaissance officielle de la religion chrétienne ont eu une influence à long terme sur la transmission de la littérature païenne grecque » (col. 713) et « La recopie des classiques n'était pas publiquement "officialisée", et les textes païens sortaient du domaine d'intérêt des copistes des couvents » (ibid.)
  16. The durability of both under normal condition is not open to doubt. Many instances of long life of writings on papyrus could be quoted, but this is no longer necessary, since the myth that papyrus is not a durable material has at last been authoritatively and, one would hope, finally refuted by Lewis (texte original de Roberts et Skeat 1983). Les résultats indiqués ici et ailleurs remontent aux recherches du CLA
  17. (Mango 2002) : Papyrus, produced uniquely in Egypt, was relatively cheap and durable (Le papyrus, produit uniquement en Égypte, était relativement bon marché et résistant) ; (Powell 2007) : papyrus, an astonishingly durable and transportable material (le papyrus, une matière étonnamment durable et transportable).
  18. À l'exception d'environ 10 codex (en fragments), dont la datation est précise à 80 ans près, tous les codex existant actuellement datent d'après 400. Le style de copie du texte et des images permet cette datation. L'affirmation que les archétypes de notre transmission datent de 400 est due à Dain 1949. Karl Büchner exprime ses doutes à ce sujet dans Hunger 1961. Quand Büchner a participé vers 1960 au compendium de Hunger de la tradition grecque et latine, il a vu dans la tradition latine beaucoup plus de lignes de transmission ouvertes que dans la tradition grecque (Hunger 1961, p. 374). L'assertion de Dain qui se référait particulièrement à l'Orient grec a pu être confirmée pour l'Occident sur la base du C.L.A.
  19. Les images et les statues pornographiques étaient bien plus répandues que la plupart des collections modernes ne le montrent. Beaucoup de ce matériel a été enfermé dans des collections spéciales, ou au XIXe siècle réenseveli sur le lieu de fouilles. Les écrits pornographiques représentaient probablement aussi une proportion significativement plus élevée que dans ce qui nous a été transmis.
  20. Le catalogue de la bibliothèque de Cassiodore a pourtant été reconstruit dès 1937 (voir infra), celui de la bibliothèque d'Isidore par un auteur français dans les années 1950.
  21. Emmanuel Kant (1724-1804), philosophe luthérien de Prusse-Orientale, a formulé la devise des Lumières : « Sapere aude ! » Aie le courage de te servir de ta raison ! »). Son livre Critique de la raison pure a été mis à l'Index en 1827 par le Vatican.
  22. Ces attentes des temps derniers sont exprimées dans les manuscrits de Qumrân plus clairement que dans l'Ancien Testament. Plutôt que l'Ancien Testament, ces manuscrits représentent probablement la pensée en Judée au Ier siècle. Selon les interprétations de Robert Eisenman, connues dans les années 1990, ces pensées sur les temps derniers peuvent avoir constitué une motivation pour la révolte juive contre Rome : on aurait peut-être voulu ainsi provoquer la chute de l'État, pour que la prophétie puisse s'accomplir.
  23. (Gaddis 2006). En ce qui concerne les circonstances vers la fin du IVe siècle voir p.ex. (Momigliano 1963)
  24. Le volume des conversions dans l'aristocratie a finalement pu être établi par Salzman 2002 sur la base d'études littéraires.
  25. Christ et Kern au sujet de la bibliothèque de Cassiodore : Dans une activité incessante de collectionneur et de chercheur, soutenu par la recopie de ses moines, il l'a réunie. « De toute l'Italie, d'Afrique et des pays les plus variés, les codex arrivaient : les riches moyens de Cassiodore, la renommée de son nom rendaient leur acquisition possible (Christ et Kern 1955, p. 287)
  26. Mynors 1937 : « a provisional indication of the contents of the library at Vivarium » (indication provisoire du contenu de la bibliothèque de Vivarium
  27. « Les bibliothèques plus importantes de l’Antiquité ont disparu vers 600, et les bibliothèques monacales à leur début peuvent avoir contenu vers 20 livres ». Ward 2000 pense même, sans être contredit par Cassiodore, que la perte peut être située avant 500.
  28. Pöhlmann 1994, p. 79 voit des indications que cette souscription provient déjà d'un codex précédent. Poggio l'a trouvée en 1417 dans un manuscrit de De lege agraria de Cicéron.
  29. Statilius Maximus rursum emendavi ad Tironem et Laecanianum et Domi(tium) et alios veteres III. Oratio eximia. D'après Haldon 1997, p. 257.
  30. The philological as well as the historical significance of the activity that the subscriptions record is similarly disputed. Generalization is clearly impossible. Some texts were corrected by students as part of their training. Others appear to amount to nothing more than the correcting of one's own copy for personal use. Persius was revised twice by a young officer, Flavius Julius Tryphonianus Sabinus, while he was on military service in Barcelona and Toulouse; he worked « sine antigrapho », as he disarmingly tells us, and « prout potui sine magistro ». Such protestations inspire little confidence in the quality of the product, but may nevertheless suggest that correction against an exemplar and the help of a professional was what one might reasonably expect. (…) Whether the practice did anything to promote significantly the survival of classical literature is doubtful, and the value of these subscriptions for us may lie more in their historical interest. (Reynolds et Wilson 1991, p. 42) (La signification philologique ainsi qu'historique de l'activité enregistrée par les souscriptions est également discutée. Une généralisation est clairement impossible. Certains textes ont été corrigés par des étudiants au cours de leurs études, d'autres semblent n'être rien de plus qu'une correction de sa copie personnelle pour son propre usage. Persius a été relu deux fois par une jeune officier, Flavius Julius Tryphonianus Sabinus, tandis qu'il était affecté à un poste militaire à Barcelone et Toulouse ; il a travaillé (« sans exemplaire de contrôle », comme il nous le dit de façon désarmante, et « prout potui sine magistro » (si possible sans maître). Ces confidences n'inspirent pas grande confiance dans la qualité du résultat, mais peuvent néanmoins suggérer que ce que l'on pouvait raisonnablement espérer était la correction par comparaison avec un bon exemplaire, et l'aide d'un professionnel. (…) On peut douter que ce genre de pratique ait fait quoi que ce soit pour promouvoir de façon significative la survie de la littérature classique, et la valeur de ces souscriptions peut être pour nous plus leur intérêt historique.
  31. A more probable hypothesis is that the process had been given special point and impetus by the transference of literature from roll to codex, as works were brought together and put into a new and more permanent form. But subscriptions continued even when that process was complete and must, whatever the original motivation, have become a traditional practice. (Reynolds et Wilson 1991, p. 42) (Une hypothèse plus probable est que le processus a reçu une importance spéciale et une impulsion par le transfert de la littérature du rouleau au codex, comme les œuvres étaient rassemblées et mises sous une forme plus permanente. Mais les souscriptions ont continué même quand ce processus a été achevé, et doivent avoir été considérées comme des habitudes traditionnelles, indépendamment de la motivation initiale)
  32. The predominantly high status of the men recorded in surviving subscriptions strongly suggests that it was upon their stately shelves that many of our texts had resided before finding their way into the monasteries and cathedrals that ensured their survival.
  33. Ceci est démontré par une souscription du VIIe siècle dans le Codex Sinaiticus. Le Sinaiticus est une Bible écrite au milieu du IVe siècle et est considéré en général comme le plus ancien livre transmis. Voir à ce sujet Pöhlmann 1994, p. 81.
  34. Wendel et Göber 1961 y voient aussi une motivation par des motifs locaux
  35. Voir p. ex. (Leppin 2003, p. 124,165). La connaissance de ces lois était d'ailleurs limitée : Errington 1997
  36. La lettre de la loi correspondante du 29 janvier 399 est la suivante : Sicut sacrificia prohibemus, ita volumus publicorum operum ornamenta servari. Ac ne sibi aliqua auctoritate blandiantur, qui ea conantur evertere, si quod rescriptum, si qua lex forte praetenditur. (De même que nous interdisons les sacrifices, nous voulons néanmoins que les œuvres d'art des bâtiments publics soient sauvées, et que ceux qui essaient de détruire des œuvres d'art n'y soient pas invités par une autorité, tant qu'un édit ou une loi particulière n'en soit la raison). (Codex Theodosianus 16,10,15)
  37. D'après l'interprétation de Wendel et Göber 1961, renforcée en plus par le récit d'Aphthonius d'Antioche, qui l’a visitée à la fin du IVe siècle. Il a décrit les salles pleines de livres, libres d'accès à tous, et « toute la ville attirée pour intérioriser les sagesses » (Aphthonius, Progymnasmata 12).
  38. La grande bibliothèque existait encore probablement. Selon les données actuelles de la recherche, elle n'a pas été détruite par César, (voir Sylwia Kaminska dans Hoepfner 2002). Selon le chroniqueur Dion Cassius, pourtant critique à l'égard de César, le feu n'a anéanti que des hangars du port qui contenaient des céréales et des livres. C'est aussi le résultat de l’analyse de Barnes 2000 et de l'analyse des sources très vaste de Parsons 1952. Le Museion, le bâtiment de la bibliothèque, est attesté jusqu'en 380 : dans El-Abbadi 1992 : « Synesius de Cyrène, qui avait étudié vers la fin du IVe siècle sous la direction d'Hypatia, a vu le Museion, et a décrit les portraits des philosophes qu'il y a vus. Nous n'avons aucun témoignage de sa survie au Ve siècle. Theon, le mathématicien renommé, père d'Hypatia, qui était elle-même une scientifique reconnue, est le dernier membre académique attesté (vers 380) » (33 Synesius, Calvitii Encomium 6.), (34 Suidas, rubrique Theon)
  39. Alors, de nombreux livres et bien des tas de rouleaux ont été rapportés, et brûlés sous les yeux des juges. On les avait trouvés dans les maisons avec leur contenu prétendument interdit, et ils devaient maintenant servir à effacer la mauvaise impression des exécutions. Il ne s'agissait pourtant là en plus grande partie que de travaux sur les sciences libérales et les questions de droit. » (Ammien Marcellin 29, 1, 41). Après les exécutions, fondées par la possession de « textes de magie » : « C'est ainsi qu'il arriva dans les provinces orientales, de peur de sorts semblables, les propriétaires incendièrent la totalité de leur bibliothèque ; car une telle peur les avait saisis. » (Ammien Marcellin 29, 2, 4).
  40. Bibliothecis sepulcrorum ritu in perpetuum clausis (Ammien Marcellin 14, 6, 18)
  41. Ceci apparaît le plus clairement dans (Houston 1988), qui cite aussi de la littérature plus ancienne : selon Houston, il n'y aurait aucune indication supplémentaire d'une fermeture, et on pourrait démontrer que la bibliothèque Trajane est restée ouverte jusque 455. Mais il n'évoque pas l'édit de l’empereur Théodose Ier de 391 obligeant à fermer les temples, ce qui est considéré dans le reste de la littérature comme essentiel pour rapporter le texte d'Ammien à la fermeture des bibliothèques de Rome. Houston allègue, au lieu de cela, qu'un Draconitus aurait lu et édité un texte vers la fin du Ve siècle dans la scola du forum de Trajan à Rome. Mais si cela s'est passé avant 390, cette référence ne serait pas pertinente. Même après, il faut s'attendre à l’existence d'écoles sur le forum de Trajan, qui était un centre d'affaires de Rome. Il ne dit rien sur l’existence de la bibliothèque. Un autre argument de Houston est que Sidoine Apollinaire a écrit qu'une statue lui a été vouée en 455. Elle aurait été placée sur le forum de Trajan, « entre les auteurs des deux bibliothèques ». La bibliothèque Trajane était répartie en deux bâtiments (latin et grec), et les statues des auteurs étaient érigées en face. Houston conclut que puisque les statues étaient encore debout, le bâtiments de bibliothèque devaient avoir encore été là – et qu'elles devaient aussi être restées ouvertes. Houston ne dit pas comment il tire cette conclusion.
  42. Orose : Unde quamlibet hodieque in templis exstent, quae et nos vidimus armaria librorum; quibus direptis, exinanita ea a nostris hominibus, nostris temporibus memorent, qod qidem verum est. (texte d'après Migne PL 31, 1036B)
  43. Argument de Houston fondé sur Sidoine Apollinaire (voir supra)
  44. En 320, Constantin interdit cette évasion fiscale vers le clergé : (Herrmann-Otto 2007, p. 164, 182)
  45. À ce sujet, récemment : (Edwards 2006). Les rescrits de Constantin à la communauté d'Orkistos (Monumenta Asiae Minoris Antiqua 7,235) ainsi qu'à Hispellum (Inscriptiones Lattinae Selectae, édité par Degrassi, 705) ont été particulièrement discutés. En outre, la représentation de la vie de Constantin est pertinente (Eusèbe de Césarée, Vita Constantini, 2,45,1), bien que son interprétation soit contestée. Comparer Herrmann-Otto 2007, p. 171, qui repousse l'hypothèse avancée par une minorité, qu'une interdiction générale des sacrifices lui soit reliée.
  46. D'après Salzman, la conversion s'effectuait en deux temps, ce qui permettait de concilier le christianisme et la vie sénatoriale : voir le résumé de Salzman 2002, p. 135–137.
  47. Les témoignages épigraphiques du déclin des jeux (« agones ») grecs dans l'Antiquité tardive peuvent se trouver dans Lehner 2004 ; en ce qui concerne les possibilités de la technique scénique et sa cruauté, voir Coleman 1990.
  48. D'après Canivet 1958. Sur l'attitude chrétienne vis-à-vis des spectacles romains, voir aussi Wistrand 1992 .
  49. L'intervention de Chrysostome mentionnée plus haut est juste notée comme une référence, mais elle ne suggère pas que les livres des non-chrétiens étaient détruits ou perdus immédiatement après leur sortie. Speyer pense plutôt à considérer les actes des chrétiens comme une réaction à ceux de la persécution par les non-chrétiens
  50. Pline l'Ancien a écrit dans son livre XXX de L'Histoire naturelle aussi une brève histoire de la magie. Il y polémique dès le début contre les « croyances vides et stupides dans la magie ». Il l'appelle « fraudulentissima artium » « le plus trompeur des arts (Graf 1996) ».
  51. L'auteur judéo-hellénistique non-identifié qui écrivait entre les années 50 av. J.-C. et 50 ap. J.-C. sous le nom de Phocylide de Milet, un moraliste du VIe siècle av. J.-C., d'où le sobriquet qui lui a été attribué de Pseudo-Phocylide, les considérait comme des livres de magiciens.
  52. Vie du monophysite Sévère d'Antioche, rédigée par le rhéteur Zacharias (mort av. 553) dans (Speyer 1981, p. 132)
  53. Codex Theodosianus 9, 16, 12 (=Codex Justinianus 1, 4, 14) : mathematicos, nisi parati sint codicibus erroris proprii… (Speyer 1981, p. 170) : «…les astrologues doivent brûler leurs écrits sous les yeux des évêques, sinon ils doivent être bannis de Rome et de toutes les communes. »
  54. La mathématique est « l'ensemble de la matière requise pour la philosophie, soit l’arithmétique, la géométrie, l'astronomie, la théorie de la musique, et au temps de l’empire, s'ajoutent la grammaire (connaissance de la langue et philologie) et la rhétorique. En latin, selon Aulu-Gelle 1, 9, 6, c'étaient les sciences nécessitant des opérations arithmétiques et géométriques, mais en langage vulgaire uniquement l'astrologie sur la naissance. » (Le petit Pauly), vol. 3, p. 1978
  55. On désigne par « édit des rhéteurs » une loi édictée le 16 juin 362 par l’empereur romain Julien, qui empêchait de fait les professeurs chrétiens d'enseigner dans les écoles publiques, en soumettant chaque nomination à l'approbation de l’empereur. Pour le contexte, voir Théodoret de Cyr dans son Histoire de l'Église, L. III, ch. 8
  56. Corpus juris canonici 1, 886, 5 : Sacram scripturam, non grammaticam licet exponere episcopis (Il est permis aux évêques d'enseigner la Sainte écriture, pas la grammaire). Cf. Scheibelreiter 1999, p. 41 : Le pape Grégoire le Grand considérait [l'activité d'enseignement de Desiderius de Vienne] comme inappropriée, et lui interdit de faire de tels cours païens ; Markus 1997, p. 36 : far from condemning grammar as such, what Gregory condemns is grammar as a "means of sterilising the word of God" (loin de condamner la grammaire en tant que telle, ce que Grégoire condamne est la grammaire comme « moyen de stériliser la parole du Seigneur »).
  57. Selon (Hunger 1961), on peut le remarquer parce que des lignes entières manquent et ont été remises par le relecteur.
  58. D'après l'estimation de Cipolla 1969. Cela est corroboré par l'échantillon de Montaillou danx le Sud de la France. Dans ce village, en 1308, tous les habitants au-dessus de l'âge de 12 ans ont été détenus par l'Inquisition. Des procès-verbaux de l'Inquisition, il ressort que seulement 4 personnes (1,6 %) savaient lire (Le Roy Ladurie 1975). On arrive à une proportion de 1 à 1,4 % en Angleterre vers 1300, si l'on considère les premières valeurs statistiquement démontrées de 1530 (Cressy 1977, p. 1-23) tableau : Analphabétisation des groupes sociaux, diocèse de Norwich, 1530-1730, p. 13, et que l'on remonte par le nombre d'écoles entre 1340 et 1548 (Moran 1985), en corrigeant par la distribution de la population.
  59. Voir (Hunger 1978). C'est pourquoi le terme parfois utilisé de « Renaissance » est inapproprié en ce qui concerne Byzance, cf. (Schreiner 1999)

Références

  1. L’ouvrage est redevenu accessible par la réédition de 2014 (voir bibliographie). Pour une présentation de l'ouvrage, voir le compte-rendu de Pierre Boyancé, Revue des Etudes Anciennes, 1953, 55, 1-2, p. 202-204. Lire en ligne
  2. Gerstinger 1948
  3. Estimation d'A. F. Wert en 1903, reprit dans la préface de La littérature latine inconnue
  4. Article « Umblick im Trümmerfeld der griechischen Geschichtsschreibung », 1977. Le chiffre est cité dans Diodore de Sicile, Bibliothèque Historique : Fragments, t. 1 : Livres VI-X, Les Belles Lettres, coll. « Collection des Universités de France », p. XIII et Marc Baratin et Christian Jacob, Le Pouvoir des bibliothèques : La mémoire des livres en Occident, , 344 p. (ISBN 978-2-226-29712-9, lire en ligne)
    « Dans un autre domaine, l'historiographie — qui s'est développée sans interruption dans tout le monde gréco-romain, et dont les 900 auteurs connus, ou à peu près, classés dans le recueil inachevé de Jacoby, ne sont qu'un échantillon dû au hasard —, Hermann Strasburger a proposé, voici une dizaine d'années, un ensemble de calculs dont le résultat est le suivant : le rapport entre textes conservés et textes perdus est de 1 à 40. Rapport qui devient encore plus défavorable si l'on tient compte des innombrables textes perdus sans laisser de trace. »
  5. Bnf, « La Bibliothèque d'Alexandrie », sur http://passerelles.bnf.fr
  6. (la)Jean Tzétzès Prolegomena de comoedia Aristophanis 2, 10
  7. Par exemple : Pöhlmann 1994
  8. (en) Naphtali Lewis, Papyrus of Classical Antiquity, Oxford,
  9. Roberts et Skeat 1983
  10. Krüger 1990
  11. Lorena de Faveri, (Le nouveau Pauly), rubrique Transmission, 15, 3, col.710
  12. Tertullien, De spectaculis (lire en ligne), chap. 30
  13. Christ et Kern 1955
  14. (de) Hans-Joachim Diesner, Isidor von Sevilla und das westgotische Spanien, Berlin, , p. 38
  15. (de) Ilona Opelt, Die Polemik in der christlichen lateinischen Literatur von Tertullian bis Augustin, Heidelberg,
  16. Voir p.ex. (la) John of Salisbury, Policraticus : De nugis curialium et vestigiis philosophorum, 1. ii. c. 26 (1120-1180)
  17. (en) W.H.C. Frend, Martyrdom and Persecution in the Early Church, Oxford,
  18. (en) Glen W. Bowersock, Martyrdom and Rome, Cambridge,
  19. C'est surtout Speyer 1981 qui indique ces parallèles.
  20. (de) G. Alföldy, « Die Krise des Imperium Romanum und die Religion Roms », dans W. Eck, Religion und Gesellschaft in der römischen Kaiserzeit, Cologne, , p. 53-102
  21. (en) M. Beard, J. North et S. Price, Religions of Rome, Cambridge, , 2 vol.
  22. (en) Frank R. Trombley, Hellenic Religion and Christianization, c. 370–529, Leyde, Brill, , 2 vol.
  23. Au sujet de la sociologie de la chrétienté débutante, voir le détail dans Lampe 1989
  24. (en) Ramsay MacMullen, Christianizing the Roman Empire A.D. 100-400, New Haven, Yale UP, , p. 119
  25. Thèse qu'il exposa à plusieurs reprises dans le Traité d'athéologie et Le Magnétisme des solstices.
  26. Kaster 1997, p. 15
  27. Paul Klopsch, (Le nouveau Pauly) Rubrique Transmission, 15,3 col. 721
  28. (de) Paul Lehmann, Erforschung des Mittelalters, Ausgewählte Abhandlungen und Aufsätze, t. 2, Stuttgart,
  29. (en) Wayne A. Wiegand (dir.), Encyclopedia of Library History, New York, Garland, , 707 p. (ISBN 0-8240-5787-2)
  30. Christ et Kern 1955, p. 243
  31. Reynolds et Wilson 1991, p. 40
  32. Hunger 1961, p. 355
  33. Albrecht 1997, p. 1383
  34. Reynolds et Wilson 1991, p. 42
  35. (de) Alexander Demandt, Die Spätantike, Munich,
  36. Voir par exemple, récent : (en) R. Beck, The Religion of the Mithras Cult in the Roman Empire : Mysteries of the Unconquered Sun, Oxford,
  37. Évaluations quantitatives dans Salzman 2002.
  38. Johnson 1965, p. 77
  39. Watts 2006, p. 199
  40. (de) Milkau et Leyh, Geschichte der Bibliotheken, t. 1, , chap. 2, p. 80
  41. Haas 1997, p. 129, 171 se réfère pour ce cercle à Damascios 520
  42. (en) J.H.W.G. Liebeschuetz, The Decline and Fall of the Roman City, Oxford, , p. 104–136
  43. Canivet 1958, d'après Benutzer:Rominator (de)
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  45. Speyer 1981, p. 130
  46. Ac. 19 ; 13-14
  47. Ac. 19 ; 18-19
  48. Speyer 1981, p. 132
  49. Speyer 1981, p. 34 suppose des « livres de rituels »
  50. Speyer 1981, p. 136
  51. (en) Daniel Sarefield, « Bookburning in the Christian Roman Empire: Transforming a Pagan Rite of Purification », dans H.A. Drake, Violence in Late Antiquity, Hampshire, Aldershot, , p. 295
  52. (de) Wolfgang Czysz, Die Römer in Bayern, Stuttgart, p. 237
  53. Hunger 1961, p. 362
  54. (en) « Lettre 22, 30 de St Jérôme, traduction anglaise » (consulté le )
  55. Kaster 1997, p. 14
  56. Manitius 1911, p. 94 cité par Hagendahl 1967, p. 114
  57. (en) Elias Avery Lowe, « Handwriting », dans The Legacy of the Middle Ages, Oxford, , p. 203
  58. Lorena de Faveri, (Le nouveau Pauly), rubrique Transmission, 15, 3, col.712
  59. (de) Johannes Laudage, Lars Hageneier et Yvonne Leiverkus, Die Zeit der Karolinger, Darmstadt, , p. 106
  60. (de) Friedrich Prinz, « Die geistigen Anfänge Europas », Die Zeit p.3 ; 12 juin, (consulté le )
  61. Watts 2006
  62. Voir à ce sujet spécialement Haldon 1997
  63. Lorena de Faveri, (Le nouveau Pauly), rubrique Transmission, 15, 3, col. 711
  64. El-Abbadi 1992, p. 165
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