Michel Audiard

Michel Audiard, né le à Paris 14e et mort le à Dourdan (Essonne), est un dialoguiste, scénariste et réalisateur français de cinéma, également écrivain et chroniqueur de presse[1].

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S'inspirant de la gouaille du peuple parisien, les dialogues de Michel Audiard constituent l'un des meilleurs témoignages de l'irrévérence détachée propre aux années 1960. Parfois qualifié d'anarchiste de droite[2], un des seuls regrets qu'on lui connaisse[3] est de ne pas avoir eu le temps d'adapter à l'écran le Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline.

Il est le père du scénariste et réalisateur Jacques Audiard[4].

Biographie

Jeunesse

Paul Michel Audiard naît au 2 de la rue Brézin[5], le , dans le 14e arrondissement de Paris, quartier populaire alors, où il est élevé par son parrain. Il y poursuit sans grand intérêt des études qui le mènent jusqu'au certificat d’études et à un CAP de soudeur à l’autogène.

Passionné de littérature et de cinéma, il se forge une solide culture, lisant Rimbaud, Proust et Céline, et découvre les dialogues de Jeanson et Prévert. Passionné également de bicyclette, il traîne du côté du vélodrome d'Hiver où il rencontre André Pousse qu'il introduira au métier d’acteur. Songeant un temps à faire carrière dans le vélo, il y renonce car il « ne montait pas les côtes ».

La guerre

Il a à peine vingt ans quand l'armée du Troisième Reich déferle sur la France. La Seconde Guerre mondiale, à laquelle il ne participe pas, est pour lui une période de privation et la Libération le spectacle de tristes règlements de comptes.

Sous l'Occupation, il écrit dans plusieurs hebdomadaires collaborationnistes[6] : la nouvelle Le Rescapé du Santa Maria dans L'Appel en 1943, dont les personnages juifs reprennent une symbolique antisémite, et en 1944 un article élogieux sur Autopsie des spectacles, écrit par Jean-Pierre Liausu, antisémite notoire. Dans cet article, il écrit : « Le monde qu'il est convenu d'appeler "artistique" et qui demeure dans sa majorité le plus coquet ramassis de faisans, juifs (pardonnez le pléonasme), métèques, margoulins », qualifiant également Joseph Kessel de « petit youpin »[7].

Cependant, à partir de , il est membre du réseau de Résistance Navarre, tel qu'en témoigne une attestation du liquidateur du réseau, le capitaine Grolleau[8],[9].

Il possédait une fiche d'adhésion au groupe Collaboration qui rassemblait les élites intellectuelles collaborationnistes. Convoqué au commissariat du quartier du Parc-de-Montsouris, le , il affirme que cette inscription s'est faite à son insu, justification qu'il répète en 1978[10].

L'après-guerre

Le , il épouse Marie-Christine Guibert en l'église Saint-Dominique de Paris (14e arrondissement). Avec « Cri-Cri », il aura deux garçons : François (1949-1975) et Jacques (né le ). Bien que toujours marié, il a en 1953 un troisième garçon, non reconnu, Bruno Meynis de Paulin, qui écrit en 2004 Être le fils de Michel Audiard (éd. Michel Lafon).

Au lendemain de la guerre, il vivote comme livreur de journaux, ce qui lui permet d’approcher le milieu du journalisme. Il entre à l’Étoile du soir où il commence une série d'articles sur l'Asie rédigés sur des comptoirs de bistrots parisiens. La découverte de l'imposture lui valant d'être rapidement remercié, il devient alors critique de cinéma pour Cinévie.

En 1949, le réalisateur André Hunebelle le fait entrer dans le monde du cinéma en lui commandant le scénario d’un film policier, Mission à Tanger, bientôt suivi de deux autres films, de trois romans policiers, et de premiers succès d’adaptation de romans au cinéma (Garou-Garou, le passe-muraille, Les Trois Mousquetaires). Sa notoriété s’étend. En 1955, grâce à Gilles Grangier[11], il rencontre Jean Gabin, à qui il propose le scénario de Gas-oil. Ainsi commence une collaboration de sept ans et 17 films dont plusieurs grands succès (Les Grandes Familles, Les Vieux de la vieille, Le Baron de l'écluse, Un singe en hiver, Le cave se rebiffe), et qui ne s’est que peu interrompue : Babette s'en va-t-en guerre, Un taxi pour Tobrouk.

La célébrité

Michel Audiard devient un scénariste populaire, ce qui lui attire les foudres des jeunes cinéastes de la Nouvelle Vague pour lesquels il symbolise le « cinéma de papa ». En 1963, après s’être un peu fâché avec Jean Gabin, il écrit pour Jean-Paul Belmondo (Cent mille dollars au soleil d'Henri Verneuil) et toute une équipe d’acteurs talentueux dont Lino Ventura, Francis Blanche, Bernard Blier, Jean Lefebvre (Les Tontons flingueurs et Les Barbouzes de Georges Lautner). Mais la fâcherie avec Jean Gabin ne dure pas et ils se retrouvent en 1967 pour Le Pacha. Ils collaborent encore occasionnellement : Sous le signe du taureau de Gilles Grangier ou Le drapeau noir flotte sur la marmite.

En 1968, il entame une carrière de réalisateur et tourne des films dont les titres sont parmi les plus longs du cinéma français : Faut pas prendre les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages, Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !. Son premier film comme réalisateur, Faut pas prendre les enfants du bon Dieu..., est un succès commercial, mais l'accueil du public va déclinant et lui-même est peu convaincu par cette expérience. Après huit films de fiction et un documentaire, il revient à sa véritable vocation de dialoguiste et de scénariste.

Le , alors qu’il travaille avec le réalisateur Philippe de Broca au scénario de L'Incorrigible, il est durement touché par la mort de son fils, François, tué dans un accident de voiture. Il en conserve une profonde tristesse qui donnera à son œuvre une tonalité plus sombre (Garde à vue et Mortelle Randonnée de Claude Miller), même s’il continue par ailleurs à participer à de gros succès populaires (Tendre Poulet, Le Guignolo, Le Professionnel). En 1978, il publie un roman en partie autobiographique, La nuit, le jour et toutes les autres nuits, pour lequel il reçoit le prix des Quatre jurys. Il y écrit au sujet de la mort de son fils dans un accident de la route, « ... depuis qu'une auto jaune a percuté une pile de pont sur l'autoroute du Sud et qu'un petit garçon est mort ». Il obtient la reconnaissance de ses pairs en remportant le César du meilleur scénario en 1982 pour Garde à vue.

Gérard Lebovici lui propose ainsi qu'à Patrick Modiano d'écrire une adaptation du livre, L'instinct de mort de Jacques Mesrine, que Philippe Labro réaliserait[12]. Le projet est abandonné à la suite de l'assassinat du producteur.

Il a vécu dans un duplex rue de l'Assomption (16e arrondissement) puis à l'hôtel de La Trémoille, 14 rue de La Trémoille (8e arrondissement), dans la chambre 102, payée par la production, et où il écrivait ses scénarios[13].

Il meurt le dans sa maison de Dourdan des suites d'un cancer, à l'âge de 65 ans.

Il repose au cimetière de Montrouge, dans le 14e arrondissement de Paris[14].

Postérité

Les dialogues des films scénarisés par Michel Audiard font l'objet d'un véritable culte populaire, comme en témoigne le nombre de sites web consacrés au sujet.

Alexandre Astier (créateur de la série Kaamelott) est un inconditionnel de Michel Audiard et affirme s'en inspirer pour les dialogues de sa propre série. Il en est de même de Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h pour la série télévisée Caméra Café[15].

Hommages

Œuvre

Romans

  • Priez pour elle (Fleuve Noir, 1950)
  • Méfiez-vous des blondes (Fleuve Noir, 1950)
  • Massacre en dentelles (Fleuve Noir, 1952)
  • Ne nous fâchons pas (Plon, 1966)
  • Le Terminus des prétentieux (Plon, 1968)
  • Mon petit livre rouge (Presses Pocket, 1969)
  • Vive la France (Julliard, 1973)
  • Le P'tit cheval de retour (Julliard, 1975)
  • Répète un peu ce que tu viens de dire (Julliard, 1975)
  • La Nuit, le jour et toutes les autres nuits (Denoël, 1978) - rééd. 2010
  • Le chant du départ (Fayard, 2017), édité sous la direction de Laurent Chollet

Novélisation signée G. C. Almidan

Années 1940
Années 1950
Années 1960
Années 1970
Années 1980

En tant qu'acteur

Réalisation, dialogues et scénario

Note : Films dont Michel Audiard a signé la réalisation, le scénario et les dialogues.

Michel Audiard et le box-office

Films qui dépassent les deux millions d'entrées[17]:

Film Année Réalisateur Entrées
Les Trois Mousquetaires 1953 André Hunebelle 5 534 739
Le Professionnel 1981 Georges Lautner 5 243 511
Le Marginal 1983 Jacques Deray 4 956 822
Un taxi pour Tobrouk 1961 Denys de La Patellière 4 945 868
Babette s'en va-t-en guerre 1959 Christian-Jaque 4 657 610
Archimède le clochard 1959 Gilles Grangier 4 073 891
Les Grandes Familles 1958 Denys de La Patellière 4 042 041
Flic ou Voyou 1979 Georges Lautner 3 950 691
L'Ennemi public nº 1 1953 Henri Verneuil 3 754 112
Les Morfalous 1984 Henri Verneuil 3 621 540
Mélodie en sous-sol 1963 Henri Verneuil 3 518 083
Les Vieux de la vieille 1960 Gilles Grangier 3 477 455
Cent mille dollars au soleil 1964 Henri Verneuil 3 436 161
Rue des prairies 1959 Denys de La Patellière 3 412 201
Les Tontons flingueurs 1963 Georges Lautner 3 321 121
Le Baron de l'écluse 1960 Jean Delannoy 3 161 233
L'Animal 1977 Claude Zidi 3 157 789
Gas-oil 1955 Gilles Grangier 3 096 411
Maigret tend un piège 1958 Jean Delannoy 3 076 005
La Française et l'Amour (sketch : L'Adultère) 1960 Henri Verneuil 3 056 737
La Bande à papa 1956 Guy Lefranc 2 913 256
Le Guignolo 1980 Georges Lautner 2 876 016
Maigret et l'Affaire Saint-Fiacre 1959 Jean Delannoy 2 868 465
Le cave se rebiffe 1961 Gilles Grangier 2 812 814
Le Président 1961 Henri Verneuil 2 785 528
L'Incorrigible 1975 Philippe de Broca 2 568 325
Garou-Garou, le passe-muraille 1951 Jean Boyer 2 566 767
Méfiez-vous des blondes 1951 André Hunebelle 2 525 659
Les Barbouzes 1964 Georges Lautner 2 430 611
Un singe en hiver 1962 Henri Verneuil 2 416 520

Récompenses et distinctions

Récompenses

Nominations

Notes et références

  1. Les gens du cinéma
  2. Dominique Chabrol, Michel Audiard : "c'est du brutal", Flammarion, 2001, p. 238.
  3. Voir sur francofil.se.
  4. « Jacques Audiard : “Mon père entretenait une relation très cynique avec le cinéma” », Télérama.fr, (lire en ligne, consulté le )
  5. Copie de l'acte de naissance sur www.cineartistes.com
  6. Macha Séry, « Michel Audiard, collabo impénitent », sur lemonde.fr, .
  7. Voir sur franceinter.fr.
  8. « Audiard fait de la Résistance », sur - Les Mauvaises fréquentations - Bienvenue sur le blog de Thierry Savatier, (consulté le ).
  9. Arnaud Folch, « Audiard membre de la résistance : la preuve », sur Valeurs actuelles (consulté le ).
  10. « Des écrits antisémites de Michel Audiard exhumés 70 ans plus tard », lexpress.fr, 12 octobre 2017.
  11. Cf Passé la Loire c'est l'aventure de François Guérif chez Losfeld.
  12. Si Mesrine m'était conté, L'Express
  13. Isabelle Blondel, Olivier Delacroix, Alice Develex, Nicolas d'Estienne d'Orves, Bertrand Guyard, Colette Monsat, Marie-Noëlle Tranchant et Florence Virerron, « Si le Paname d'Audiard m'était conté », Le Figaroscope, semaine du 10 au 16 mai 2017, pages 8-10.
  14. Michel Audiard sur Cimetières de France et d'ailleurs.
  15. DVD des Tontons flingueurs, interview de Bruno Solo et Yvan Le Bolloc'h en bonus caché.
  16. « Le cri du corps mourant », sur cherche-midi.com (consulté le ).
  17. Source : site officiel de Michel Audiard catégorie Top Box office.

Voir aussi

Bibliographie

  • Alain Paucard, La France de Michel Audiard, L’Âge d’Homme, 2000, prix Simone Genevois, rééd. Éditions Xenia, 2007 et 2013 (ISBN 978-2-88892-163-9)
  • Philippe Durant, Michel Audiard, La vie d'un expert (Dreamland éditeur, Paris 2001) ; réédition revue, corrigée et augmentée de nombreuses interviews inédites parue sous le titre Michel Audiard ou comment réussir quand on est un canard sauvage (Le Cherche Midi, Paris 2005)
  • Michel Audiard, Audiard par Audiard (édition La mémoire du cinéma français/René Chateau, 400 p., Paris 2000)
  • Philippe Durant, Le Petit Audiard illustré par l'exemple (Nouveau Monde, Paris 2011)
  • Stéphane Germain, L'Encyclopédie Audiard (Hugo&Cie, Paris 2012)
  • Philippe Lombard, Le Paris de Michel Audiard : Toute une époque, Paris, éd. Parigramme, , 128 p., 28 cm (ISBN 978-2-84096-991-4, notice BnF no FRBNF45203000).
    Le dépôt légal à la BnF est fait au nom de la Compagnie parisienne du Livre, raison sociale à laquelle se rattache la marque commerciale « Éditions Parigramme ».
  • Franck Lhommeau, « La Vérité sur l'affaire Audiard », Temps Noir, no 20, , p. 200 à 311.

Article connexe

Liens externes

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