Cagoule (Osarn)
La Cagoule est une organisation politique et militaire clandestine de nature terroriste[1], active dans les années 1930 en France.
Pour les articles homonymes, voir Cagoule (homonymie).
Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale La Cagoule | |
Idéologie | Nationalisme français Anti-républicanisme Anticommunisme Antisémitisme |
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Objectifs | Renversement de la IIIe République |
Fondation | |
Date de formation | 1935 |
Pays d'origine | France |
Fondé par | Eugène Deloncle Jean Filiol |
Actions | |
Mode opératoire | Assassinats, attentat à la bombe, sabotage, trafic d'armes |
Période d'activité | 1935-1939 |
Organisation | |
Chefs principaux | Eugène Deloncle (chef national)
Joseph Darnand (chef de la section niçoise) |
Originellement nommé Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (Osarn) par ses fondateurs, puis abrégé Osar, le groupe est devenu dans la presse Comité secret d'action révolutionnaire (CSAR) à la suite d'une faute dans un rapport d'informateur. Il est plus connu sous le surnom « la Cagoule », sobriquet choisi par Maurice Pujo pour exprimer son dédain envers cette organisation fondée par des dissidents de l'Action française.
D'extrême droite, anticommuniste, antisémite, antirépublicaine et proche du fascisme, la Cagoule commet plusieurs crimes de droit commun (assassinats, attentat à la bombe, sabotages et trafics d'armes)[2]. Parallèlement, elle tente une « intox » auprès de l'armée en ébruitant de fausses rumeurs relatives à une insurrection communiste. L'organisation est démantelée par la police en 1937-1938.
Après la défaite et l'armistice de 1940, certains anciens cagoulards optent pour la Résistance intérieure ou la France libre, tels le colonel Groussard ou Maurice Duclos. D'autres se rallient au régime de Vichy ou deviennent des « ultras » parisiens de la collaboration, notamment l'ex-dirigeant cagoulard Eugène Deloncle qui fonde le Mouvement social révolutionnaire.
Les rapports entretenus à divers degrés avec d'anciens cagoulards par certains hommes d'affaires et hommes politiques français, tels le fondateur du groupe L'Oréal, Eugène Schueller et le président de la République François Mitterrand, ont maintenu l'attention publique sur l'organisation après la Seconde Guerre mondiale.
Création
Le 6 février 1934, une manifestation antiparlementaire organisée à Paris devant la Chambre des députés par des groupes de droite, des associations d'anciens combattants et des ligues d’extrême droite tourne à l'émeute.
La crise se poursuit dans les semaines suivantes avec de nouvelles manifestations violentes organisées par les ligues. À terme, soixante-dix des principaux membres de la 17e section des Camelots du roi protestent contre l'apathie de Charles Maurras et quittent le mouvement. Parmi eux se trouve Eugène Deloncle, qui fonde le Parti national révolutionnaire (PNR) en .
Le , lors des funérailles de l'intellectuel d'extrême droite Jacques Bainville, la voiture de Léon Blum est interceptée fortuitement et celui-ci est agressé. Le , le Front populaire de Blum dissout les ligues. Le même jour, le PNR se dissout et laisse la place à l'Osarn (« Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale ») ou « Comité secret d'action révolutionnaire » (CSAR). Sa tête pensante est Eugène Deloncle, son bras-droit Jean Filiol.
Organisation
Après avoir été soigneusement sélectionnés, les membres du groupe se soumettent à un rite d'initiation sur le modèle de la franc-maçonnerie, et adoptent un pseudonyme. La plupart appartiennent à la bourgeoisie ou aux milieux aisés (ingénieurs, cadres, etc.)[3].
« La direction est organisée sur le modèle de l'armée, dans un état-major comprenant 4 bureaux : discipline, recrutement, organisation (responsable Deloncle), renseignements (docteur Martin), instruction-opérations (colonel Cachier), transports-munitions (colonel Benoit puis Moreau de la Meuse). À la tête se trouve le chef, Deloncle assisté d'une sorte de conseil privé informel dont font partie Jean Filiol, Corrèze, Jeantet et Henry Deloncle : tous proviennent de l'Action française.
Le dispositif de terrain n'est pas sans rappeler celui des dispos : petites unités de base, dizaine puis trentaine. Chaque brigade comprend deux régiments, chaque régiment deux ou trois bataillons, chaque bataillon est formé de 3 unités et chaque unité comporte 3 cellules. Tous les hommes sont armés de pistolets ou de fusils de chasse pour les échelons les plus bas. Chaque unité est pourvue d'un fusil-mitrailleur. Le fichier des adhérents est codé à l'instar de celui des Croix-de-Feu, la technique de codage étant beaucoup plus sophistiquée. Organisation militaire perfectionnée, certes, elle tient autant de l'organisation autoritaire et hiérarchisée de l'armée que de l'entreprise. C'est qu'il arrive à Deloncle, son concepteur, de traiter ses hommes comme de simples salariés[4]. »
Le général Duseigneur.
Si l'Action française sait que l'Osar existe, c'est qu'une partie non négligeable des dirigeants sont d'anciens camelots ou simplement, d'anciens militants. C'est aussi le cas de Maurice Cochinaire, de Nancy, chef de la Cagoule d'Alsace-Lorraine ; il a été trésorier de l'Action française à Nancy en 1924[réf. nécessaire] et responsable des Camelots du roi pour l'Est jusqu'en 1936[5]. Mais pour les membres de la Cagoule, lassés de l'attentisme de Pujo et de Maurras, l'heure est venue d'agir. En , Deloncle démissionne et fonde, dans le secret le plus absolu, l'organisme conspirateur.
La Cagoule prétend œuvrer à l’échec d'un « complot communiste » (dont le Front populaire serait une étape) et entend pour ce faire s'emparer du pouvoir à l'occasion d'un coup d’État. De nombreux contacts sont pris dans cette optique auprès d'officiers de l'armée[3].
En raison de sa composition sociologique, le groupe bénéficie de rapports privilégiés avec les milieux industriels et économiques. Ainsi, pour satisfaire ses besoins financiers, il peut compter sur les apports de la Fédération nationale des contribuables dirigée par le PDG de Lesieur, Jacques Lemaigre Dubreuil[3]. Ami intime d’Eugène Deloncle et fondateur de la société L'Oréal, Eugène Schueller met ses moyens personnels à la disposition de la Cagoule qui organise des réunions dans son propre bureau du siège de la société. En outre, il aide financièrement l'organisation[6]. Michelin financera également le mouvement à hauteur de trois millions.
Des jeunes gens, amis et étudiants pour la plupart, résidant à l’internat des pères maristes, au 104, rue de Vaugirard à Paris, fréquentent alors les chefs de la Cagoule. Sans que tous adhèrent au mouvement ou fassent état publiquement d'une quelconque approbation, il y a parmi cette bande d'amis Pierre Bénouville, issu de l'Action française, François Mitterrand, Claude Roy et André Bettencourt[n 1]. Le nom de Georges Loustaunau-Lacau, officier de l'armée française et fondateur des réseaux Corvignolles, apparaît également.
Action subversive
Anticommuniste, antisémite et antirépublicain, ce mouvement de tendance fasciste mène, à partir de 1936, des actions de déstabilisation de la République.
Gabriel Jeantet affirme au journaliste Philippe Bourdrel que Deloncle et Duseigneur rencontrent le général Giraud à Nancy en 1936[7]. D'après les souvenirs laissés par le docteur Martin, Giraud, alors gouverneur militaire de Metz, aurait promis son aide à Deloncle en cas de soulèvement communiste. Le chef de l'Osarn lui aurait annoncé que les cagoulards se rangeraient sous ses ordres en échange. Très satisfait, Giraud se serait montré « évidemment d'accord pour travailler avec les gens de l'Osarn et souhaite la meilleure réussite à l'entreprise de Deloncle et Duseigneur… »[n 2],[8]. Les biographes de Giraud ne mentionnent pas cet entretien. Par ailleurs, de Gaulle n'a jamais été accusé d'appartenir à la Cagoule hormis une évocation sans la moindre preuve par Henry de Kérillis, ancien député de Neuilly-sur-Seine dans un pamphlet publié en 1945[9].
Le maréchal Franchet d'Espèrey accueille favorablement Deloncle et Duseigneur[10],[11] et promet son soutien à la condition qu'ils assassinent quelqu'un pour montrer leur détermination[12] ; ce sera Dimitri Navachine, journaliste et économiste russe en affaire avec l'URSS, directeur de la Banque commerciale pour l'Europe du Nord de 1925 à 1930 et ami personnel du ministre Anatole de Monzie, lequel fit reconnaître l'URSS par la France et négocia le remboursement de l'emprunt russe. Il est assassiné de six coups de baïonnette tronquée, dont un en plein cœur, par Filiol le , avenue du Parc-des-Princes, entre le Bois de Boulogne, dont il rentrait comme à son habitude à 10 h 30, et son domicile du 28, rue Michel-Ange.
L'organisation exerce aussi une répression impitoyable auprès de ses membres coupables d'indélicatesses. Sont ainsi assassinés Léon Jean-Baptiste en et Maurice Juif, le , probablement pour des malversations financières. Ces deux personnages servent d'intermédiaires dans le cadre de livraisons d'armes à l'insurrection franquiste en Espagne. Ils en profitent pour détourner de fortes sommes et mener la grande vie dans le sud de l'Espagne déjà conquis par Franco. L'assassinat de Léon Jean-Baptiste est camouflé au moyen d'une édition « pirate » du quotidien Diario de Salamanca diffusée en France. Ce journal relate la mort de « l'héroïque volontaire français Raymond Petit », tombé au combat dans les rangs des miliciens franquistes. La photo qui illustre l'article est celle de Léon Jean-Baptiste. L'article en question remplace un article authentique ayant pour sujet les disparitions mystérieuses d'habitants de Madrid, alors assiégée et objet de furieux combats. Un tel camouflage suppose probablement des complicités d'un certain niveau avec l'état-major de Franco[13]
Le mouvement tisse des liens avec des dirigeants fascistes du gouvernement de Benito Mussolini en Italie et achemine des armes au général Francisco Franco en Espagne[14],[15]. En échange, la Cagoule obtient un appui financier. Les frères Carlo et Nello Rosselli, deux intellectuels antifascistes italiens, sont ainsi assassinés le pour le compte des services de renseignement fascistes à Bagnoles-de-l'Orne[16]. L'Osarn reçoit des armes du gouvernement italien en contrepartie[17]. Le , le groupe organise la destruction sur l'aérodrome de Toussus-le-Noble d'avions destinés à l’Espagne républicaine[18].
Les attentats terroristes de l'Étoile
Le , afin d’en faire accuser les communistes, l'Osarn commet deux attentats à la bombe à Paris, connus sous le nom d'« attentats de l'Étoile » en raison de leur proximité avec la place de ce nom. Cette manœuvre de provocation vise la confédération générale du patronat français, au 4, rue de Presbourg et l'Union des industries et métiers de la métallurgie, au 45, rue Boissière[19]. Les gardiens de la paix Victor Legnier et Maxime Trichet[20], en faction rue de Presbourg, sont tués par l'explosion. L'enquête permet d'établir la responsabilité de Pierre Locuty, membre de la cellule des « Enfants d'Auvergne » dirigée par François Méténier[21].
Pierre Michelin, fils de l'un des fondateurs de l'usine, est lui-même suspecté d'avoir aidé au financement de cette section de la Cagoule[22]. Plus encore, dans une interview accordée à l'hebdomadaire Marianne à la fin de , un enquêteur dévoile que Pierre Michelin était l'un des chefs de cette section. Plusieurs de ces membres appartiennent à l'encadrement de l'usine Michelin.
Le 11 janvier 1938, dans les journaux L'Ouest-Éclair et Excelsior, Marx Dormoy annonce l’arrestation de trois des auteurs des attentats de l’Étoile : l'ingénieur de Michelin, Pierre Jules Locuty, qui passe aux aveux, François Méténier, ingénieur, un ancien industriel à Chamalières, qui est le principal suspect et l’industriel Moreau de la Creuse. Moreau de la Creuse et Méténier nient toute participation, mais l’ingénieur Henri Vogel est arrêté à son tour[23] à la suite des aveux de Locuty. Le lien avec le CSAR est ainsi établi[24].
Le putsch raté de la nuit du 15 au 16 novembre 1937
Deloncle et ses hommes veulent faire un gros coup en évoquant l'imminence d'une prise de pouvoir par les communistes. Considérant que le climat anticommuniste est propice, tandis que la surveillance policière envers son propre mouvement s'intensifie, Deloncle mobilise les troupes cagoulardes à Paris.
Cependant, les militaires chargés de vérifier le soi-disant soulèvement communiste s'aperçoivent du bluff et ne s'associent pas à l'aventure. Constatant son échec, Deloncle annule toute l'opération, provoquant ainsi la fureur de Filiol. À 5 heures du matin, les groupes de cagoulards reçoivent la consigne de se disperser[25].
Assassinat de Marx Dormoy
Après l'échec de leur coup d’État dans la nuit du 15 au , le complot est révélé au grand jour. Le ministre de l'Intérieur Marx Dormoy fait démanteler l'organisation, le . Des caches d’armes réparties sur tout le territoire sont découvertes. En 1938, plus de cent vingt membres de la Cagoule sont arrêtés, dont le général Edouard Duseigneur et le duc Joseph Pozzo di Borgo, respectivement président et vice-président de l’Union des comités d’action défensive (UCAD), qui aurait été la couverture politique de la Cagoule[26]. Cela ne permet cependant pas de détruire complètement ses ramifications dans les milieux économiques, en particulier dans les grandes entreprises qui, selon les Renseignements généraux et la police judiciaire, ont financé le mouvement terroriste. Le Marx Dormoy sera assassiné à l'hôtel du Relais de l'empereur de Montélimar par d'anciens membres de l'organisation terroriste, en représailles[27].
Pendant la Seconde Guerre mondiale
Après l'armistice de , plusieurs anciens membres ou ex-sympathisants de la Cagoule se rallièrent au régime de Vichy. Parmi eux, beaucoup d'adeptes de la « France seule » croient en un double jeu de Pétain. Cet espoir se dissipera progressivement après l'entrevue de Montoire.
- André Bettencourt dirige l'organe de propagande antisémite La Terre française, il rejoindra la Résistance au début 1943 selon ses mémoires (bien que ses biographes ne retrouvent de trace d'engagement qu'à partir de 1944) ;
- Eugène Deloncle, fonde le Mouvement social révolutionnaire (MSR), qui fusionne un temps avec le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat ; il est assassiné par la Gestapo en 1944, en raison de ses liens avec l'amiral Canaris ;
- Gabriel Jeantet attaché au cabinet du maréchal Pétain, il rejoindra plus tard la Résistance et sera arrêté et déporté en 1944 ;
- le docteur Henri Martin, fasciste antiallemand, s'oppose à Laval et Darlan avant d'être incarcéré par Pucheu : il s'évadera pour rejoindre le maquis. Il participera à la libération de Lyon puis s'engagera dans la VIIe armée américaine ;
- Jacques Corrèze membre de la LVF ;
- Jean Bassompierre, membre de la LVF puis de la division Charlemagne des Waffen-SS ;
- Jean Filiol, Mouvement social révolutionnaire (MSR), puis responsable de la Milice dans le Limousin ;
- Jean-Marie Bouvyer, complice du meurtre des frères Rosselli et chef du service d'enquête du Commissariat général aux questions juives à partir d' ;
- Joseph Darnand, chef de la Cagoule à Nice, il fonda le Service d'ordre légionnaire en zone nord, qui fut interdit par l'armée Allemande. Antiallemand au début de l'occupation, il tenta par deux fois d'établir des contacts avec Londres (par l'intermédiaire de Groussard, puis du gouvernement d'Alger (GPRF)). Par la suite il fut l'un des piliers de la collaboration. Fondateur de la Milice, il devint Obersturmführer de la SS, et secrétaire au maintien de l'ordre du gouvernement de Vichy ;
- Maurice Cochinaire, responsable de la Cagoule pour l'Alsace-Lorraine; il revient à Nancy en pour y créer et diriger l'antenne locale de la Milice française[n 3] ;
- Eugène Schueller (fondateur de l'Oréal) ;
- François Méténier ;
- Simon Arbellot ;
- Yves Dautun.
Certains cagoulards étaient de fervents nationalistes, anti-allemands et hostiles à toute compromission avec l'occupant. La lutte pour la libération de la patrie devient donc une priorité. La victoire soviétique de Stalingrad en 1943 fait comprendre que l'Armée rouge de Staline écrasera le Reich et apportera la victoire militaire aux Alliés.
Certains de ces adeptes du complot et de l'action clandestine optent pour la Résistance[28] :
- Corvisart ;
- Alfred Heurteaux : fondateur du réseau Hector ;
- Claude Hettier de Boislambert, qui devient dès un proche collaborateur du général de Gaulle ;
- Claude Lamirault : rejoint Londres en , sera parachuté pour créer le réseau Jade-Fitzroy ;
- Joseph Pozzo di Borgo, Aristide Corre, Michel Harispe ;
- Léon Faye, François Méténier[réf. nécessaire] : membres du réseau Alliance ;
- Maurice Duclos également l'un des premiers à rejoindre Londres, avait fait de la prison dans les années 1930 à la suite d'une affaire de trafic d'armes pour le CSAR ;
- Paul Dungler : fondateur du réseau Septième colonne d’Alsace ;
- Pierre Bénouville ;
- Pierre Fourcaud : fondateur du réseau Brutus. Il a été désigné comme un ancien membre de la Cagoule par Duclos, l'a nié lui-même avant d'avouer à Dewavrin en avoir fait partie avant de la quitter à la suite d'un attentat violent[réf. nécessaire].
André Dewavrin, qui travaillait à Londres avec Duclos et Fourcaud a été accusé par André Labarthe d'avoir fait partie de la Cagoule avec la carte no 93, sans que cette accusation puisse être fondée[29].
Pendant la guerre, le réseau d'influence de la Cagoule semble donc s'étendre à la fois au cœur de la France libre et dans le régime de Vichy. C'est ainsi par exemple que le , Maurice Duclos envoyé en France par de Gaulle, peut rencontrer des proches collaborateurs du maréchal Pétain par l'intermédiaire de Gabriel Jeantet.
L'ancien cagoulard Georges Groussard fonde les groupes de protection du maréchal Pétain mais aussi le réseau de Résistance « Gilbert » alors que Jacques Lemaigre Dubreuil, ancien financier du journal L'Insurgé (dont les locaux avaient servi préalablement de siège au Parti national révolutionnaire et social de Deloncle), soutient le général Giraud, quand Jacques Corrèze, après avoir combattu sur le front de l'Est rentre en France au sein d'un réseau de résistance.
L'après-guerre
Le dossier d'instruction du procès de la cagoule, disparu lors des tribulations de l'exode de juin 1940 et de la fuite du Parlement à Bordeaux, a été activement recherché tant par la fraction collaborationniste des cagoulards que par la police allemande après l'invasion allemande de la zone non-occupée. En 1945, lors de la reddition de la garnison de Bordeaux, le magistrat-instructeur Béteille, menant une enquête minutieuse, retrouve des témoins de l'époque et finit par dénicher le dossier complet et intact, soigneusement camouflé dans un faux-plafond des toilettes du tribunal de la petite ville de Lesparre-Médoc, en Gironde. L'instruction et le processsus judiciaire peuvent donc reprendre sans délai[30].
À la Libération, Jean-Marie Bouvyer bénéficie du témoignage en sa faveur de François Mitterrand, passé à la Résistance en 1942. En effet, Bouvyer a caché chez lui du matériel et fabriqué de faux papiers pour le Mouvement national des prisonniers de guerre et déportés, le mouvement dirigé par François Mitterrand et Maurice Pinot. D'autres témoins, comme le capitaine FFI Maubois, ont également attesté de services rendus. Bouvyer a noué une amitié personnelle avec François Mitterrand. Lors de son procès, il affirme avoir renié ses idées des années 1930, se disant prêt à dénoncer tous les dirigeants de la Cagoule qu'il connaît et même à s'entendre avec les communistes autrefois abhorrés[31]. La mère de Jean-Marie Bouvyer devient en 1946 la marraine de Jean-Christophe Mitterrand. François Mitterrand, sans avoir jamais été cagoulard[32],[33], entretient ainsi des rapports avec certains anciens dirigeants du groupe.
Le procès de la Cagoule eut lieu en 1948. Le 8 novembre 1948, Léon Blum lui-même dépose à la barre des témoins. La plupart des cagoulards sont acquittés, les plus compromis sous l’Occupation sont condamnés aux travaux forcés.
Eugène Schueller, alors patron du groupe L'Oréal, un soutien inconditionnel d'Eugène Deloncle et de Marcel Déat, collaborationnistes notoires, n'est cependant pas inquiété à la Libération, ayant donné des gages à la Résistance comme au régime de Vichy, ce qui lui permet de mettre le fils d'Eugène Deloncle, Louis Deloncle, à l'abri des poursuites.
Historiographie
Les principales sources sur la Cagoule sont les archives du procès, conservées aux archives municipales de Paris, les dossiers de police et de justice, conservés aux Archives nationales, aussi bien au site de Fontainebleau qu'à celui de Pierrefite-sur-Seine, les archives de Xavier Vallat, avocat de plusieurs cagoulards, conservées aux archives municipales de Lyon. On ignore où sont conservés les carnets d'Aristide Dagore, dont Christian Bernadac a publié les principaux extraits[réf. nécessaire].
Annette Finley-Croswhite et Gayle K. Brunelle, deux historiennes américaines qui travaillent depuis plusieurs années sur la Cagoule, évoquent des obstacles mis par certains conservateurs aux Archives nationales, pour accéder aux dossiers qu'un jeune conservateur leur avait signalé[34]. On regrette aussi la disparition des mémoires de Pierre Mondanel, le policier qui a démantelé la Cagoule, manuscrit déposé après son décès par sa famille à la Bibliothèque nationale[35].
Tout en évoquant une supposée « omerta » des historiens français au sujet de la Cagoule[36], l'essayiste Michel Rateau propose une relecture de l'histoire de l'Osarn, selon lui émanation ultime d'un complot politico-militaire visant à une prise de pouvoir contrôlée de l'État républicain, en vue de le réformer. Cette conjuration aurait été approuvée et appuyée par les plus hauts gradés des forces armées et certains dirigeants politiques (dont le président du Conseil André Tardieu). D'après l'auteur, l'intervention armée à laquelle se préparent les troupes de l'Osarn (Deloncle) et de l'UCAD (Duseigneur) s'intègrerait ainsi aux divers plans de défense contre-insurrectionnels élaborés par les autorités militaires en cas de soulèvement communiste, non seulement à Paris mais aussi en province[37]. L'historien Jean-Marc Berlière juge cette « thèse [...] stimulante » mais considère qu'elle doit « être approfondie notamment par une recherche dans les différentes archives désormais accessibles ou en passe de l’être (DST, DGSE, SHD ?)[38]. »
Notes et références
Notes
- En 1945, Eugène Schueller exprimera toute sa gratitude envers Mitterrand et Bettencourt pour avoir témoigné en sa faveur lors de son procès pour collaboration en nommant le premier directeur du magazine Votre Beauté puis en finançant sa campagne électorale dans la Nièvre en 1946 et le second en le nommant à la direction de son groupe de cosmétique. Schueller aura aussi contribué au lancement de la carrière de François Dalle, autre mariste de la rue de Vaugirard ; voir sur timesonline.co.uk.
Sur les relations du trio Dalle, Bettencourt, Mitterrand, voir Une histoire sans fard - L'Oréal, des années sombres au boycott arabe par l'historien israélien Michel Bar-Zohar chez Fayard. - Toujours d'après les souvenirs du docteur Martin, Pierre Péan affirme que Charles de Gaulle est l'un des deux colonels présents durant l'entretien.
- Jean-François Colas, op. cit., t. III, notice biographique : il est capitaine de réserve en 1939, il est fait prisonnier en 1940 et emprisonné plusieurs mois dans un oflag. Il fuit en zone libre, vit d'expédients à Nice. Il est arrêté par les Allemands en 1944, emprisonné au siège de la Gestapo à Paris, condamné à mort mais sauvé par l'intervention d'un chef de la Milice. Il vit plusieurs années dans la clandestinité. Il est condamné à mort par contumace à la Libération, se rend en 1951. Il est alors condamné en à quinze mois de prison pour « intelligence avec l'ennemi » ; il a bénéficié de la clémence de la justice pour « services rendus à la Résistance ». Il fonde ensuite un atelier d'art lorrain.
Références
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- Monier 1998, p. 272.
- Pierre Milza, Histoire de l’extrême droite en France, Points, .
- Philippet 2011, p. 63-64.
- Charles Béné, L'Alsace dans les griffes nazies, Fetzer, 52, rue Jules-Ferry, (lire en ligne).
- Marc Mousli, « L'Oréal : la belle centenaire », Alternatives économiques, no 297, décembre 2010, p. 78.
- Bourdrel 1992, p. 2014-205.
- Péan 1996, p. 149-150.
- Éric Roussel, Charles de Gaulle, Paris, éd. Gallimard, 2002 (ISBN 978-2-07-075241-6), p. 57.
- Bourdrel 1992, p. 195-197.
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- https://gallica.bnf.fr/blog/11092017/11-septembre-1937-le-complot-de-la-cagoule
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- « Anne Mourraille, comédienne de théâtre mais aussi complice de l’assassinat de Marx Dormoy, par Jean-Paul Perrin et Maurice Sarazin », sur vudubourbonnais.wordpress.com, (consulté le ).
- Bourdrel 2009, p. ?.
- Simon Epstein, Un paradoxe français, Albin Michel, , 624 p. (ISBN 978-2-226-21348-8, lire en ligne), p. 452
- Raymond Tournoux, L'Histoire secrète: la Cagoule, le Front populaire, l'OAS..., paris, Plon / diff François Beauval, réédition 1976, 395 p. (ASIN B0014M1WGO)
- Pierre Péan, Une jeunesse française - François Mitterrand, 1934-1947, Fayard, 1994 (ISBN 2213593000) p. 540-541.
- Pierre Péan, Une jeunesse française - François Mitterrand, 1934-1947, op. cit., p. 109 et 544.
- « La genèse d'un chef », L'Express, 8 septembre 1994.
- Annette Finley-Croswhite et Gayle K. Brunelle, Murder in the Metro : Laetitia Toureaux and the Cagoule in 1930s France, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 2010.
- Eric Panthou, « L'Histoire de la Cagoule revisitée : Analyse critique de l'ouvrage Murder in the Metro : Laetitia Toureaux and the Cagoule in 1930s France, par Gayle K. Brunelle, Annette Finley-Croswhite-Croswhite », Hyper articles en ligne, (lire en ligne [PDF]).
- Rateau 2016, p. 254-256.
- Rateau 2016, p. 160 ; 215.
- Jean-Marc Berlière, Lettre aux amis de la police, no 1, 2017 (10e année), p. 16-17, lire en ligne.
Annexes
Pamphlets, mémoires, entretiens, archives imprimées
- Christian Bernadac (éd.), Les Carnets secrets de la Cagoule : Dagore, Paris, Éditions France-Empire, , 609 p. (présentation en ligne).
- Émile Decroix, Complot contre la France. Sous la cagoule, qui ?, Paris, Éditions de « Paix et liberté », coll. « Paix et liberté » (no 2), , 32 p.
- Joseph Désert, Toute la vérité sur l'affaire de la Cagoule : sa trahison, ses crimes, ses hommes, Paris, Librairie des sciences et des arts, , 111 p.
- Henry Charbonneau, Les mémoires de Porthos, vol. 1, Paris, Éditions du Clan, , 459 p.
- Henry Charbonneau, Les mémoires de Porthos, vol. 2 : Le roman noir de la droite française, Paris, Éditions du Clan, puis Robert Desroches, , 472 p.
- Pierre de Bénouville, Avant que la nuit ne vienne : entretiens avec Laure Adler, Paris, Bernard Grasset, , 359 p. (ISBN 2-246-59921-0).
- Mercédès Deloncle Corrèze, Histoire sans égoïsme, Paris, La Pensée universelle, , 297 p. (ISBN 2-214-04825-1).
- Fernand Fontenay, La Cagoule contre la France, Paris, Éditions sociales internationales, 1938, 188 p.
- Georges A. Groussard, Chemins secrets, Mulhouse ; Lausanne : Bader-Dufour, 1948, 331 p.
- Georges Loustaunau-Lacau (préf. Docteur Pierre Grimaldi), Mémoires d'un Français rebelle, 1914-1948 : servitude et grandeur militaires entre Pétain et de Gaulle, Biarritz, J. et D. Éditions, , 345 p. (ISBN 2-84127-003-3).
- René Maublanc, La France en péril, collection paix et Liberté, no 4, mars 1938, 32 p.
- Angelo Tasca, Vichy 1940-1944 : archives de guerre d'Angelo Tasca / sous la direction de Denis Peschanski, Paris/Milan, Éditions du CNRS / Fondazione Giangiacomo Feltrinelli, , XXII-749 p. (ISBN 2-222-03843-X).
- Angelo Tasca, La France de Vichy : archives inédits d'Angelo Tasca / sous la direction de David Bidussa et Denis Peschanski, Milan, Fondazione Giangiacomo Feltrinelli, coll. « Annali della Fondazione Giangiacomo Feltrinelli » (no 31), , XVII-469 p. (ISBN 978-88-07-99052-6, présentation en ligne).
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Études historiques
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Enquêtes journalistiques, essais, historiographie militante
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- Philippe Bourdrel, Les Cagoulards dans la guerre, Paris, Albin Michel, , 282 p. (ISBN 978-2-226-19325-4).
- Frédéric Charpier, « La Cagoule, l'école du pouvoir », dans Benoît Collombat et David Servenay (dir.), Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, nouvelle édition, Paris, La Découverte, 2014, p. 31-38.
- Gérard Chauvy, Le drame de l’armée française : du Front Populaire à Vichy, Paris, Flammarion, coll. « Pygmalion », , 694 p., 15x24 (ISBN 978-2-7564-0291-8), chap. XV (« L'armée face… au putsch communiste : La Cagoule et Annexe : La Cagoule d'après le juge Béteille »), p. 228-238 et 242-244.
- Brigitte Delluc et Gilles Delluc, Jean Filliol, du Périgord à la Cagoule, de la Milice à Oradour, Périgueux, Pilote 24 édition, , 171 p. (ISBN 2-912347-53-X).
- Cécile Desprairies, Paris dans la Collaboration, Paris, Le Seuil, 2009, préface de Serge Klarsfeld (ISBN 978-2-02-097646-6).
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- Jean-Claude Valla, La Cagoule : 1936-1937, Paris, Éditions de la Librairie nationale, coll. « Les Cahiers libres d'histoire » (no 1), , 143 p. (ISBN 2-911202-31-7).
Filmographie
- William Karel, La Cagoule, enquête sur une conspiration d'extrême droite, 1996, Arte Video (film documentaire).
- « La grande conspiration de la Cagoule », Le dossier d'Alain Decaux, 16 avril 1986, site de l'INA.
Liens externes
- Jean-Paul Perrin et Maurice Sarazin, Biographie : Annie Mourrailles, actrice de théâtre, mais aussi complice de l'assassinat de Marx Dormoy, lire en ligne.
- Clélia Guillemot, 11 septembre 1937 : Le Complot de la Cagoule. Le Blog de Gallica, Bibliothèque nationale de France, 11 septembre 2017
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