Eugène Schueller

Eugène Paul Louis Schueller, né le à Paris et mort le à Ploubazlanec, est un chimiste et un chef d'entreprise, connu pour avoir fondé le groupe L'Oréal. Il a été l'un des pionniers de la publicité moderne.

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Biographie

Enfance et études

Eugène Schueller est le fils cadet de Charles Schueller, d'origine alsacienne et Amélie Denizot. Charles et Amélie Schueller sont d'origine relativement modeste. Charles, fils d'Henri Schueller, cordonnier et cultivateur de pommes de terre, était devenu pâtissier à Illfurth en Alsace et Amélie, fille d'un taillandier, était domestique chez un boulanger de Sergines en Bourgogne. De leur union naquirent cinq garçons, mais seul Eugène survivra. Ses parents ont pour ambition de donner une bonne éducation à leur fils unique.

Il naît dans l'arrière-boutique de la boulangerie-pâtisserie de ses parents au 124, rue du Cherche-Midi dans le 6e arrondissement de Paris[1].

Après des études secondaires à Sainte-Croix de Neuilly, puis au lycée Condorcet, il souhaite intégrer l'École polytechnique, mais y renonce[2]. Sorti lauréat de sa promotion de l'Institut de chimie appliquée de Paris (maintenant École nationale supérieure de chimie de Paris) en 1904[2], il est promu assistant-préparateur du professeur Victor Auger à la Sorbonne la même année puis chef préparateur à la Pharmacie centrale de France dont Auger était conseiller[3].

En 1907, fort de son experience, il s'installe à son compte, rue d'Alger (Paris). Dans la salle de bain de son deux-pièces, il met au point une teinture capillaire à base de fécule de pommes de terre

Vie privée

Il se marie en 1909 avec Louise Madeleine Berthe Doncieux[4], sa fille Liliane naît le . Sa femme meurt le et il se remarie le avec Annie Grace Burrows (1897-1961)[5].

À son décès, en 1957, sa fille Liliane, mariée le à l'associé de son père André Bettencourt, hérite de L'Oréal, désormais numéro un mondial des cosmétiques et de la beauté[réf. nécessaire].

Il fut propriétaire d'un logement dans les immeubles Walter (16e arrondissement de Paris).

Achetant tout sur mesure, il possède une maison à l'Arcouest, des voiliers de courses ou encore des meubles du designer Jacques-Émile Ruhlmann[6].

Carrière

Fondateur le de la Société française de teintures inoffensives pour cheveux qui deviendra L'Oréal, il a également été vendeur d'étoffes, colporteur.

En 1912, il rachète la revue La coiffure à Paris, qui est distribuée dans les salons de coiffure.

Après l'intermède de la Première Guerre mondiale où Schueller, sous-lieutenant d'artillerie chargé des liaisons avec l'infanterie, est cité à titre militaire (cinq citations, croix de guerre, Légion d'honneur) et au cours de laquelle il laisse les commandes de son entreprise à son épouse, il reprend son parcours d'entrepreneur[7].

En 1919, il fonde la première teinture rapide, puis le shampoing Dopal[6].

Il parvient à accompagner les modes : lancement de teintures pour cheveux quand Coco Chanel et Louise Brooks adoptent des coupes courtes et colorées, création de l'ambre solaire au moment de l'instauration des congés payés par le Front populaire, accompagnement de l'éducation à l'hygiène de l'après-guerre avec les marques Dop et Monsavon, etc.[2].

À l'origine de la Société d'études des maisons préfabriquées Schueller (future Compagnie industrielle des maisons préfabriquées), il a également dirigé les peintures Valentine, la Société industrielle de Celluloïd, la Société générale des matières plastiques, la Nobel française (issue de la fusion des 2 précédentes), PLAVIC Films, L'Agatine[8], etc.

Activité politique avant et durant l'Occupation

Ami intime d'Eugène Deloncle, Eugène Schueller met ses moyens personnels à sa disposition lors de la formation en 1936 de l'Organisation secrète d'action révolutionnaire nationale (OSARN), groupe clandestin d'extrême droite plus connu sous le surnom de la « Cagoule ».

En 1940, il contribue au financement du parti collaborationniste fondé par Eugène Deloncle en accord avec les autorités allemandes, le Mouvement social révolutionnaire. Comme le MSR rejoint le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat, Schueller se retrouve président du comité technique d'économie générale du RNP. Il prend la parole en tant que tel lors du premier congrès du RNP en [9].

En novembre 1946, le comité d'épuration de l'industrie chimique requiert contre Eugène Schueller une interdiction d'exercer toute fonction dirigeante «pour avoir favorisé les desseins de l'ennemi par son attitude publique pendant la collaboration». Il est cependant défendu par des résistants reconnus qu'il a notoirement soutenu, parmi lesquels André Bettencourt, ce qui détourne de lui toute sanction[10].

Schueller, Mitterrand et la Nièvre

À la fin de l'année 1945, Eugène Schueller engage François Mitterrand comme président-directeur général des éditions du Rond-Point (et directeur du magazine Votre beauté) et André Bettencourt rejoint la direction du groupe L'Oréal. Il emploie également plusieurs anciens collaborateurs et cagoulards, dont Jacques Corrèze[2].

Ami de l'évêque de Nevers, il convainc François Mitterrand de s'intéresser à la Nièvre afin de reprendre au moins un des mandats, alors entièrement aux mains de la gauche. Avec l'aide du clergé et des notables nivernais, le , Mitterrand est élu député à la tête d'une liste Unité et action républicaine, au programme anticommuniste. Celui-ci abandonne alors ses fonctions aux éditions du Rond-point.

Autres engagements

Après la Seconde Guerre mondiale, il apporte son appui au Centre des hautes études américaines et à la revue Fédération, l'organe de l'association fédéraliste La Fédération.

Théories économiques

Mettant au goût du jour une idée d'Adolphe Thiers, qui avait proposé de n'asseoir les impôts que sur la quantité de terrain possédée, Schueller imagine une variante plus moderne utilisant la quantité d'énergie consommée et publie, en 1956, L'Impôt sur l'énergie aux éditions du Rond-Point. Le temps lui manquera pour promouvoir davantage cette idée qui est à la base de la TIPP, mais les politiciens Raymond Boisdé ou Valéry Giscard d'Estaing, ainsi que l'animateur de radio Zappy Max, en deviendront quelque temps de fervents soutiens.

Récompenses

En 1953, il reçoit, conjointement avec Robert Guérin, l’Oscar de la publicité. La récompense leur est remise le par Maximilien Vox (président de l’Association de l'Oscar de la Publicité) au cours d'une cérémonie qui se déroule dans le restaurant parisien Maxim's[3].

Postérité

En 1958, un an après sa mort, sa fille Liliane Bettencourt crée le « Prix Eugène Schueller » au profit des anciens élèves de l'École nationale supérieure de chimie de Paris en hommage à son père sorti major de la promotion 1904[11]. Le prix est destiné à récompenser chaque année un jeune ingénieur qui, dans un délai de cinq ans après sa sortie de l'école, aura réalisé des travaux scientifiques d'impact majeur, susceptibles d'engendrer des applications industrielles en chimie moléculaire ou en sciences du vivant.

Citations[réf. nécessaire]

  • « La vie était très rude et très dure chez nous et c'est dans cette atmosphère de peine et de travail que j'ai été élevé, avec sous les yeux l'exemple des grands laborieux qu'étaient mes parents. »
  • « J'ai été apprenti en même temps qu'écolier et ouvrier en même temps qu'étudiant. »
  • « La publicité, c'est un moyen qui s'impose à la Civilisation pour se défendre contre la paresse des consommateurs. »
  • « Je n'ai pas rougi de m'être trompé de route mais de ne pas avoir changé assez tôt pour arriver au but. »
  • « Le client, c'est le bon Dieu du commerçant. »
  • « Commander, c'est adapter les hommes à soi mais c'est aussi s'adapter à eux. »
  • « Faites-moi confiance. Vous verrez comme c'est contagieux. »
  • « Quand un homme reste une demi-heure dans mon bureau pour causer avec moi, je pense toujours "cet homme est peu psychologue". »
  • « Je ne serai jamais riche. »
  • « La conduite d'entreprise est une passion dont les satisfactions sont étrangères au gain. »
  • « Fin des sociétés anonymes et révolution du patronat, organisation des professions en petites corporations, sont des corollaires de la révolution économique. »

Bibliographie

  • Eugène Schueller, 1881-1957 (préf. André Bettencourt), [s.l.], IPS, , 117 p.
  • Bruno Abescat, La Saga des Bettencourt. L'Oréal, une fortune française, Plon, 280 p., 2002.
  • (en) Tom Sancton. The Bettencourt Affair. The World's Richest Woman and the Scandal That Rocked Paris. Dutton, 2018. (ISBN 9781101984482), (ISBN 9781101984475), (ISBN 9781101984499)

Notes et références

  1. Atlantico.
  2. Nicole Vulser, « Un siècle de beauté trouble », Le Monde, 8 juillet 2010.
  3. Jacques Marseille, L'Oréal : 1909-2009, Librairie Académique Perrin,
  4. Geneanet.
  5. Arnaud Bizot, « Liliane Bettencourt, la femme qui valait 30 milliards », Paris Match, semaine du 28 septembre au 4 octobre 2017, pp. 46-51.
  6. Ian Hamel, L'affaire Bettencourt : derniers secrets, Archipel, (lire en ligne), p. 12
  7. Jacques Marseille, op. cité, p.42
  8. Benoît Collombat et David Servenay, Histoire secrète du patronat de 1945 à nos jours, La Découverte, Paris, 2009, p. 40 (ISBN 9782707157645), L'Oeuvre, 16 juin 1941
  9. « L'Oréal, l'arme de la mémoire », par Eric Conan, L'Express, 16 février 1995.
  10. Les prix, Association des diplômés de Chimie Paris

Liens externes

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