Anatole de Monzie
Anatole de Monzie, né à Bazas (Gironde) le et mort à Paris le , est un homme politique français.
Anatole de Monzie | ||
Anatole de Monzie en 1925. | ||
Fonctions | ||
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Député 1909-1919 1929-1940 Sénateur 1920-1929 | ||
Biographie | ||
Nom de naissance | Anatole Pierre Armand de Monzie | |
Date de naissance | ||
Lieu de naissance | Bazas (France) | |
Date de décès | ||
Lieu de décès | Paris (France) | |
Nationalité | Française | |
Parti politique | PRS, PSF, USR | |
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Républicain-socialiste puis socialiste, il est notamment ministre des Finances et de l'Éducation nationale pendant l'entre-deux-guerres. Par la suite, il soutient le régime de Vichy et la collaboration.
Biographie
Fils d'un directeur des contributions directes, Anatole de Monzie fait ses études à Agen avant de venir à Paris faire sa philosophie au collège Stanislas, où il se lie avec Henry de Jouvenel et Marc Sangnier. Après des études de lettres puis de droit, il travaille comme clerc chez l'avoué Vilastre puis devient avocat et fait des débuts remarqués au barreau, défendant la propriété littéraire au procès des frères Max et Alex Fischer.
Parlementaire sous la Troisième République
Attiré par la politique, il devient chef de cabinet de Joseph Chaumié, sénateur de Lot-et-Garonne, ministre de l'Instruction publique en 1902, puis ministre de la Justice en 1905 dans le gouvernement du tarnais et radical Émile Combes puis dans celui de Maurice Rouvier, provençal. Parallèlement, il est élu dès 1904, à vingt-huit ans, conseiller général de Castelnau-Montratier, dans le Lot avant de devenir, en 1909, député de Cahors, adhérent à un petit groupe républicain-socialiste ; il le reste jusqu'en 1919. Il est ensuite sénateur du Lot, de 1920 à 1929, avant de redevenir député entre 1929 à 1940. Il est également maire de Cahors de 1919 à 1942 et président du conseil général du Lot de 1919 à 1940.
À la Chambre des Députés, il s'illustre par sa campagne pour la reprise des relations diplomatiques avec le Saint-Siège puis, en 1922, pour la reconnaissance par la France de l'Union soviétique. C'est tout naturellement qu'il fut Président de la commission des Affaires russes (1924-1927), qui reprit les négociations avec le régime soviétique au sujet de l'indemnisation des porteurs d'emprunts russes, et de la délégation française à la conférence franco-soviétique en septembre 1927. Ouverte en février 1925, la négociation concernant les emprunts russes était sur le point d'aboutir au prix d'une forte réduction de l'encours des créances françaises lorsque le retour aux affaires de Poincaré en juillet 1926 fit rejeter ce dispositif, jugé insuffisamment favorable aux épargnants français. Les négociations furent définitivement suspendues en 1927.
Dix-huit fois ministre, il totalisa près de six ans de présence au gouvernement :
- 1913 : Sous-secrétaire d'État à la marine marchande (gouvernement Louis Barthou)
- 1917 : Sous-secrétaire d'État à la marine marchande et aux transports maritimes
- au : Ministre des Finances (succède à Étienne Clémentel dans le premier gouvernement d'Édouard Herriot)
- au : Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts (deuxième gouvernement de Paul Painlevé)
- au : Garde des Sceaux, ministre de la justice (succède à Théodore Steeg, deuxième gouvernement de Paul Painlevé)
- au : Ministre des Travaux publics (succède à Pierre Laval, troisième gouvernement de Paul Painlevé, septième et huitième gouvernements d'Aristide Briand)
- au : Ministre des Finances (deuxième gouvernement d'Édouard Herriot)
- au : Ministre de l'Éducation nationale (troisième gouvernement d'Édouard Herriot, gouvernement de Joseph Paul-Boncour, premier gouvernement d'Édouard Daladier, premier gouvernement d'Albert Sarraut, deuxième gouvernement de Camille Chautemps)
- au : Ministre des Travaux Publics (succède à Ludovic-Oscar Frossard dans le troisième gouvernement d'Édouard Daladier et conserve ce portefeuille dans le gouvernement de Paul Reynaud). Chargé de la politique des carburants, il invite en France, en février 1939, Eugène Houdry pour promouvoir la construction d'unités de craquage catalytique dans les raffineries françaises[1],[2].
Au ministère des finances, en 1925, il propose un plan d'assainissement financier qui provoque une véhémente opposition.
Ministre de l'Instruction publique
Le bref passage d'Anatole de Monzie au ministère de l'Instruction publique et des Beaux-Arts en 1925 est marqué par la publication de célèbres Instructions sur l'enseignement de la philosophie le . Dans la lignée de Victor Cousin, elles affichent l'ambition d'un enseignement de la philosophie propre à former le citoyen : « Développer les facultés de réflexion des jeunes gens, les mettre en état et surtout en disposition de juger plus tard par eux-mêmes, sans indifférence comme sans dogmatisme, leur donner sur l'ensemble des problèmes de la pensée et de l'action des vues qui leur permettent de s'intégrer vraiment à la société de leur temps et à l'humanité, voilà quelle est, au fond, la fonction propre du professeur de philosophie. » Il s'agit donc de permettre que les jeunes gens « soient armés d'une méthode de réflexion et de quelques principes généraux de vie intellectuelle et morale qui les soutiennent dans cette existence nouvelle, qui fassent d'eux des hommes de métier capables de voir au-delà du métier, des citoyens capables d'exercer le jugement éclairé et indépendant que requiert notre société démocratique. » Dans ces instructions, de Monzie se présente également comme l'adversaire des doctrines exagérées et extrémistes. Il s'efforce de mettre la forme classique du cours de philosophie au service de la liberté intellectuelle de l'élève.
Enfin, il faut relever que c'est sa circulaire du qui a officialisé le « comité consultatif départemental de l'enseignement primaire » associant à la préparation du mouvement départemental des instituteurs les délégués des instituteurs élus au conseil départemental de l'enseignement primaire, ce qui en faisait l'ancêtre des commissions administratives paritaires instituées officiellement en 1946 dans la fonction publique.
Contre les langues régionales
Dans une circulaire du , répondant à la demande de la Fédération Régionaliste Française dont faisait partie l'instituteur quercynois Antonin Perbosc, Anatole de Monzie proscrivit strictement l'enseignement des langues régionales à l'école : « L’École laïque, pas plus que l’Église concordataire, ne saurait abriter des parlers concurrents d’une langue française dont le culte jaloux n’aura jamais assez d’autels. »
Dans une optique parallèle, il déclare en 1925, lors de l'inauguration du pavillon de la Bretagne de l'Exposition internationale des Arts Décoratifs et industriels modernes de Paris : « Pour l'unité linguistique de la France, la langue bretonne doit disparaître. »
Ministre de l'Éducation nationale
En 1932, il fut le premier à porter le titre de Ministre de l'Éducation nationale. Dès sa prise de fonction, il expliqua que ce changement d'appellation devait marquer la volonté du gouvernement d'aller vers davantage d'égalité scolaire et, par suite, davantage de gratuité. Dans cette optique, il généralisa dès 1932 la gratuité de l'enseignement secondaire destiné aux filles créé par la loi Sée de 1880. En avril 1933, il créa le Conseil supérieur de la recherche scientifique, suite aux propositions du physicien Jean Perrin. Il instaura, le , l’examen d’entrée en 6e, créa le Bureau universitaire de statistiques, en liaison avec l’Union nationale des étudiants de France, la Confédération des travailleurs intellectuels et la Fédération des parents d’élèves de l’enseignement secondaire. En 1935, il participa à la création de l'Union socialiste républicaine (USR).
Ministre des Travaux publics en 1938, il dut faire face à la grande grève des dockers. Entre 1938 et 1940 il fut, au Gouvernement, l'homme de nombreuses missions diplomatiques délicates, et souvent controversées. Représentant de la ligne pacifiste, il rêvait d'une médiation de Mussolini entre Hitler et les Alliés.
En qualité de Ministre de l'Éducation, Anatole de Monzie eut maille à partir avec le célèbre pédagogue Célestin Freinet. Le député communiste Gabriel Péri défendit ce dernier en audience auprès de De Monzie. Maurice Wullens, présent lors de cet entretien, en fit le récit dans la revue Les Humbles. De Monzie ne révoqua pas Freinet, comme on le croit parfois, mais il le déplaça d'office le , ce qui conduisit le pédagogue à quitter l'Éducation nationale et à fonder sa propre école privée. Cet épisode contribua à la légende noire d'Anatole de Monzie, présenté comme un « suppôt de la bourgeoisie ». Le gendre de Freinet, Jacques Bens, écrit ainsi que « les notables de Saint-Paul-de-Vence... ont obtenu d'Anatole de Monzie, médiocre ministre de l'Instruction publique [sic], le déplacement d'office de Freinet dans l'intérêt de l'école laïque[3] ».
Seconde Guerre mondiale et collaboration
Changeant de position alors que la guerre approche et la République se déchire, Anatole de Monzie — ami d'Otto Abetz, de Louis Darquier de Pellepoix, de Fernand de Brinon — reçoit le maréchal Pétain en mai 1940 en son ministère dès le retour d'Espagne du maréchal, que Daladier avait éloigné de Paris comme ambassadeur auprès de Franco, le soupçonnant d'être de connivence avec les ennemis de la République[4]. Agent d'influence des italiens, de Monzie vote les pleins pouvoirs constituants à Pétain le , ce qu'il justifie (selon le journal de Marcel Déat) en reprenant la formule de Talleyrand : « Il fallait sauver ce qui pouvait être sauvé ». Sa carrière politique s'achève en février 1942, avec son départ forcé de la mairie de Cahors.
Sous l'Occupation nazie, Anatole de Monzie collabora à la rédaction de la « Revue de la pensée socialiste », Le Rouge et le bleu, dont le premier numéro date du 1er novembre 1941. Créée par le socialiste Charles Spinasse, cette revue était proche des idées de Marcel Déat en faveur d’un collaborationnisme socialiste et d’un fédéralisme européen sous domination de l’Allemagne Nazie. La revue sera supprimée en août 1942 par l’occupant suite au désaccord entre son rédacteur en chef et Marcel Déat au sujet de la création d’un parti unique d’orientation nationale et socialiste[5].
Pétain le nomme président du conseil d'administration du Conservatoire national des arts et métiers en 1940, poste qu’il conservera jusqu’en 1944. Dans son livre sur le CNAM depuis ses origines à 1944 (Conservatoire du peuple), alors qu'il mentionne toutes les écoles d'ingénieurs ayant participé à son déploiement, il ne note à aucun moment les nombreux travaux des ingénieurs du CNAM, ni même l'existence de l'ingénieur CNAM, dont plusieurs centaines de travaux sont déjà enregistrés dans la bibliothèque du Conservatoire, ancien réfectoire de l'ancien prieuré. Il y en a des dizaines de milliers aujourd'hui dans cette bibliothèque. Il se détache de la politique du régime de Vichy et se replie dans une certaine amertume qu'il exprimera dans La Saison des juges.
À l'automne 1945, il est mis à l'index par le Comité national des écrivains.
Il s'éteint à Paris, dans le septième arrondissement, le 11 janvier 1947, à la suite d'une douloureuse maladie. Sa sépulture à Saint-Jean-Lespinasse porte cette épitaphe qu'il avait lui-même choisie, « Crois, fais et passe ». Une stèle a été élevée à sa mémoire à Saint-Céré.
Son collaborateur, Louis Planté, lui a consacré un livre en 1956, que l'Académie française honora d'un prix : Anatole de Monzie, un grand seigneur de la politique.
Entourage
Ami de l'écrivain Pierre Benoit, il lui fit découvrir le département du Lot et plus particulièrement la ville de Saint-Céré, où le romancier écrivit la plupart de ses livres dans la chambre no 2 de l'Hôtel du Touring. Il fut également l'ami d'Henry de Jouvenel, Marc Sangnier, Léon Bérard, Marcel Cachin, Roland Dorgelès, Colette, Lucien Febvre, Paul Langevin, du cardinal Verdier, d'Émile Buré.
Anatole de Monzie est resté toute sa vie très proche de la famille de Pierre Darquier, maire de Cahors dont il prit la relève en 1919. C'est avec elle qu'il se réfugia dans le Lot - à Saint-Paul Laboufie (aujourd'hui Saint-Paul-de-Loubressac) - lors de la débâcle de . Il a aidé à plusieurs reprises le fils Louis Darquier de Pellepoix, commissaire général aux questions juives, ne pouvant ignorer les horreurs antisémites que ce dernier avait programmées et commises[6].
Protecteur et ami des arts, on connaît particulièrement le portrait de Monzie, dans son bureau au ministère de l'Éducation, par le peintre Gaston Simoes de Fonseca.
Ouvrages
Il a supervisé la publication de l'Encyclopédie française, mise en œuvre par Lucien Febvre et Gaston Berger à partir de 1935. Ni hiérarchique ni alphabétique, son classement original est dit méthodique. L'entreprise ambitionnait de traiter les grands problèmes qui se posaient à l'humanité au XXe siècle tout en dressant un bilan complet de la civilisation occidentale.
- Les Réformes scolaires, Paris, Stock, 1905
- Aux confins de la politique, Paris, Grasset, 1913
- Si resucitara !, Paris, Alcan, 1915 (sur les relations franco-espagnoles)
- Rome sans Canossa, ou la Diplomatie de la présence, Paris, Albin Michel, 1918
- L'Entrée au forum : vingt ans avant, Paris, Albin Michel, 1920
- La Mort de Julie, Paris, Auguste Blaizot, 1922
- Du Kremlin au Luxembourg, Paris, Delpuech, 1924
- Discours en action, Paris, Delpuech, 1927
- Les Contes de Saint-Céré, Paris, Gallimard, 1929
- Grandeur et Servitude judiciaires, Paris, Kra, 1931
- Petit manuel de la Russie nouvelle, Paris, Firmin-Didot, 1931
- Livre d'oraisons, Paris, Excelsior, 1934
- Les Veuves abusives, Paris, Grasset, 1937
- Ci-devant, Paris, Flammarion, 1941
- Pétition pour l'histoire, Paris, Flammarion, 1942
- Mémoires de la tribune, Paris, Correa, 1943
- La Saison des juges, Paris, Flammarion, 1943
- Le Conservatoire du peuple, Paris, Société d'Édition d'enseignement supérieur, 1948
Notes et références
- Jean Berthelot, Sur les rails du pouvoir, Paris, Robert Laffont,
- Pierre-Yves Hénin, « L'essence d'aviation au cœur de la politique pétrolière française », sur SAM40.fr, (consulté le )
- Introduction aux Œuvres pédagogiques de Célestin Freinet, Seuil, 1994, t. 1, p. 10.
- « La défaite de 1940 », sur www.franceinter.fr (consulté le )
- Jean-Baptiste Vançon, « Du socialisme à la collaboration : Anatole de Monzie - Site de Ré-information historique », sur Site de Réinformation historique (consulté le )
- Carmen Callil, Darquier de Pellepoix ou la France trahie, Buchet-Chastel, Paris, 2007
Voir aussi
Bibliographie
- Simon Epstein, Les Dreyfusards sous l'Occupation, éd. Albin Michel, 2001
- Notice biographique sur le site de l'Assemblée nationale.[lire en ligne (page consultée le 2021-04-27)].
- « Anatole de Monzie », dans le Dictionnaire des parlementaires français (1889-1940), sous la direction de Jean Jolly, PUF, 1960
Articles connexes
Liens externes
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