Hugo Grotius
Hugo de Groot (également Huig de Groot), dit Grotius, né le à Delft et mort le à Rostock, est un humaniste, diplomate, avocat, théologien et juriste néerlandais. Jeune prodige intellectuel, il étudie à l'université de Leyde avant d'être emprisonné pour son implication dans les conflits intra-calvinistes de la République néerlandaise. Il s'échappe caché dans un coffre à livres et écrit la plupart de ses œuvres majeures en exil en France.
Hugo Grotius est une figure majeure dans les domaines de la philosophie, de la théorie politique et du droit durant les XVIIe siècle et XVIIIe siècle. Avec les travaux antérieurs de Francisco de Vitoria et Alberico Gentili, il jette les bases du droit international, fondé sur le droit naturel dans son versant protestant. Deux de ses livres ont un impact durable dans le domaine du droit international : le De Jure Belli ac Pacis (Le Droit de la guerre et de la paix) dédicacé à Louis XIII de France et le Mare Liberum (De la liberté des mers). Grotius contribue également beaucoup à l'évolution de la notion de « droits ». Avant lui, les droits étaient avant tout perçus comme rattachés aux objets ; après lui, ils sont vus comme appartenant à des personnes, comme l'expression d'une capacité d'agir ou comme des moyens de réaliser telle ou telle chose.
On pense[1] que Grotius n'est pas le premier à avoir formulé la doctrine de l'École anglaise en relations internationales, mais il est l'un des premiers à définir expressément l'idée d’une société unique d'États, régie non par la force ou la guerre, mais par des lois effectives et par un accord mutuel visant à faire respecter la loi. Comme le déclarait Hedley Bull en 1990 : « L'idée de la société internationale proposée par Grotius a été concrétisée par les traités de Westphalie. Grotius peut être considéré comme le père intellectuel de ce premier accord général de paix des temps modernes »[2].
De plus, ses contributions à la théologie arminienne contribuent à établir les fondations des mouvements arminiens ultérieurs, tels que le méthodisme et le pentecôtisme ; Grotius est reconnu comme une figure importante du débat arminien-calviniste. En raison du fondement théologique de sa théorie du libre-échange, il est également considéré comme un « économiste théologien »[3]. Grotius est aussi un dramaturge et poète. Sa pensée est revenue sur le devant de la scène après la Première Guerre mondiale.
Jeunesse
Hugo de Groot est né en 1583 à Delft pendant la révolte néerlandaise. Il était le premier enfant de Jan de Groot et Alida van Overschie. Son père, bourgmestre, était un érudit, ayant étudié avec l’éminent Juste Lipse à Leyde. Jan de Groot, fut par ailleurs traducteur d'Archimède et ami de Ludolph van Ceulen[4],[5]. Il a très tôt formé son fils à une éducation humaniste et aristotélicienne traditionnelle. Enfant prodige, Hugo intègra à 11 ans l’université de Leyde. Il y étudia avec certains des intellectuels les plus acclamés du nord de l’Europe, dont Franciscus Junius, Joseph Juste Scaliger et Rudolph Snellius[6].
À 13 ans, il entreprit l'édition de l'œuvre de l'encyclopédiste latin Martianus Capella, auteur de l'antiquité tardive avec l'aide de son maître, Joseph Juste Scaliger ; publiée en 1599, l'édition, enrichie d'un commentaire sur les sept arts libéraux, Martiani Minei Felicis Capellæ Carthaginiensis viri proconsularis Satyricon... restera une référence pendant plusieurs siècles[7].
En 1598, à l'âge de 15 ans, il accompagna Johan van Oldenbarnevelt dans une mission diplomatique à Paris. À cette occasion, le roi Henri IV l'aurait présenté à sa cour comme « le miracle de la Hollande »[8]. Durant son séjour en France, il passe ou achète un diplôme de droit de l'Université d'Orléans[9].
En Hollande, Grotius fut nommé avocat à La Haye en 1599, puis historiographe officiel des États de Hollande en 1601. C'est à cette date que les Hollandais le chargent d'écrire leur histoire pour mieux se démarquer ainsi de l'Espagne ; Grotius est en effet contemporain de la guerre de Quatre-Vingts Ans entre l'Espagne et les Pays-Bas[9]. Sa première occasion d'écrire systématiquement sur des questions de justice internationale remonte à 1604, lorsqu'il se mêla de la procédure judiciaire à la suite de la saisie par les marchands néerlandais d'une caraque portugaise et de sa cargaison dans le détroit de Singapour[réf. nécessaire].
Carrière de juriste
Les Hollandais étaient en guerre avec l'Espagne ; bien que le Portugal fût étroitement allié à l'Espagne, il n'était pas encore en guerre avec les Hollandais. La guerre commença lorsque le cousin de Grotius, le capitaine Jacob van Heemskerk captura une caraque de marchands portugais, le Santa Catarina, au large de Singapour, en 1603[réf. nécessaire]. Heemskerk était employé par la United Amsterdam Company (faisant partie de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales), et bien qu'il n'ait pas l'autorisation de la compagnie ou du gouvernement pour initier l'usage de la force, de nombreux actionnaires étaient désireux d'accepter les richesses qu'il leur avait ramené[10].
Non seulement il était questionnable de conserver la prise douteuse en vertu de la loi néerlandaise, mais une faction d'actionnaires (principalement mennonites) de la Société s'est également opposée à la saisie forcée pour des raisons morales, et bien sûr, les Portugais exigèrent la restitution de leur cargaison. Le scandale conduisit à une audience judiciaire et à une campagne plus vaste visant à influencer l'opinion publique (et internationale)[réf. nécessaire]. C'est dans ce contexte plus large que les représentants de la société demandèrent à Grotius de rédiger une défense polémique de la saisie[10].
Le résultat des efforts de Grotius en 1604/05 est un long traité, chargé de théorie, qu'il intitula provisoirement De Indis (Sur les Indes). Grotius chercha à fonder sa défense de la saisie sur le fondement des principes naturels de la justice. En cela, il avait jeté un filet beaucoup plus large que l’affaire; son intérêt était la source et le terrain de la légalité de la guerre en général. Le traité n'a jamais été publié intégralement du vivant de Grotius, peut-être parce que la décision de justice rendue en faveur de la Société préempta la nécessité de recueillir le soutien du public[réf. nécessaire].
Dans Mare Liberum [Les Mers Libres] (publié en 1609), Grotius formula le nouveau principe selon lequel la mer était un territoire international et que toutes les nations étaient libres de l'utiliser pour le commerce maritime. Grotius, en revendiquant la « Liberté des mers », a fourni une justification idéologique appropriée à la dissolution par les Pays-Bas de divers monopoles commerciaux par le biais de son formidable pouvoir naval (et en établissant ensuite son propre monopole)[réf. nécessaire]. L'Angleterre, rivalisant farouchement avec les Néerlandais pour la domination du commerce mondial, s'opposa à cette idée et affirma dans le Mare clausum [La mer fermée] de John Selden, « Que la domination de la mer de Grande-Bretagne, ou ce que comprend l'île de la Grande-Bretagne, est et a toujours été une part ou un droit de l'empire de cette île[11]. »
Il est généralement admis que Grotius énonça le principe de la liberté des mers, alors que tous les pays de l’océan Indien et d’autres mers asiatiques avaient accepté le droit de navigation sans obstacle; et ce bien avant que Grotius n’écrive son De iure Praedae [Sur le droit de capture] en 1604. De plus, le théologien espagnol du XVIe siècle, Francisco de Vitoria, avait déjà postulé l'idée de la liberté des mers de manière plus rudimentaire sous les principes du jus gentium[12]. La notion de liberté des mers de Grotius perdurera jusqu'au milieu du XXe siècle et continue de s'appliquer de nos jours à une grande partie de la haute mer, bien que l'application du concept et sa portée aient changés[réf. nécessaire].
Controverse arminienne, arrestation et exil
Grâce à son association continue avec Johan van Oldenbarnevelt, Grotius progressa considérablement dans sa carrière politique. Il fut retenu comme conseiller résident d'Oldenbarnevelt en 1605 et avocat général (de l'administration fiscale) de Hollande, de Zélande et de Frise en 1607[13].
En 1608, il se marie avec Maria van Reigersbergen, union dont naissent trois filles et quatre garçons[9], (dont quatre survécurent au-delà de la jeunesse) et qui fut d'une aide inestimable, ainsi que sa famille, à faire face à la tempête qui devait venir.
En 1613, il est nommé pensionnaire de Rotterdam (équivalent d'un poste de maire)[13]. Cette même année, à la suite de la capture de deux vaisseaux hollandais par les Anglais, il est envoyé en mission à Londres[14], une mission taillée sur mesure pour un homme qui a écrit Mare liberum (Les Mers libres) en 1609. Toutefois, il se voit opposer par les Anglais la raison du plus fort et ne peut obtenir la restitution des bateaux[14].
Durant ces années, une grande controverse théologique éclata entre la chaire de théologie de Leyde, Jacobus Arminius ainsi que ses disciples les « remontrants », arminiens, et le théologien fortement calviniste, Franciscus Gomarus, dont les partisans sont appelés gomaristes ou « contre-remontrants ».
L'Université de Leyde « était sous l'autorité des états de la Hollande ; ils étaient responsables, entre autres choses, de la politique concernant les nominations dans cette institution, qui était régie en leur nom par un conseil de curateurs et, en dernière instance, il incombait aux États de traiter les cas d'hétérodoxie parmi les professeurs[15]. » La guerre avec l'Espagne éclipsa les dissensions internes résultant du poste de professeur d'Arminius. Celui-ci décéda en 1609 à la veille de la trêve de douze ans. La nouvelle paix déplaça l'attention du peuple sur la controverse et les partisans d'Arminius[réf. nécessaire]. Grotius pris une part déterminante dans ce conflit politico-religieux, opposant les remontrants, partisans de la tolérance religieuse, et les calvinistes orthodoxes ou contre-remontrants[14].
Controverse au sein du protestantisme néerlandais
La controverse prit de l'ampleur lorsque le théologien remontrant Conrad Vorstius fut nommé pour remplacer Jacobus Arminius à la chaire de théologie de Leyde. Vorstius fut rapidement perçu par les contre-remontrants comme allant au-delà des enseignements d'Arminius vers le socinianisme et il a été accusé d'enseigner l'irréligion. Le professeur de théologie Sibrandus Lubbertus mena un appel à la destitution de Vorstius. De l’autre côté, Johannes Wtenbogaert (un dirigeant des remontrants) et Johan van Oldenbarnevelt, grand pensionnaire de Hollande, avaient fortement encouragé la nomination de Vortius et avaient commencé à défendre leurs actions. Gomarus démissionna de son poste de professeur à Leyde, protestant que Vorstius n'était pas démis de ses fonctions[réf. nécessaire]. Les contre-remontrants ont également été soutenus dans leur opposition par le roi d'Angleterre, Jacques Ier, « qui a tonné fort contre la nomination de Leyde et a dépeint Vorstius comme un affreux hérétique. Il ordonna que ses livres soient publiquement brûlés à Londres, Cambridge et Oxford, et il exerça une pression constante sur son ambassadeur à La Haye, Ralph Winwood, pour que le rendez-vous soit annulé[16]. » Jacques commença à déplacer sa confiance d'Oldenbarnevelt vers Maurice.
Grotius rejoignit la controverse en défendant le pouvoir des autorités civiles de nommer (indépendamment des souhaits des autorités religieuses) les professeurs de leur choix à la faculté d'une université. C'est ce qu'il fit en écrivant Ordinum Pietas, « un pamphlet [...] dirigé contre un opposant, le professeur calviniste Franeker Lubbertus; il fut commandé par les maîtres de Grotius, les États de Hollande, et a donc été écrit pour l'occasion ; bien que Grotius eut peut-être déjà prévu un tel livre[17]. »
Cet ouvrage de vingt-sept pages est « polémique et acrimonieux » et seulement les deux tiers parlent directement de la politique ecclésiastique (principalement des synodes et des offices)[17]. L'œuvre rencontre une réaction violente de la part des contre-remontrants. « On pourrait dire que toutes les œuvres suivantes de Grotius jusqu'à son arrestation en 1618 constituent une tentative vaine de réparer les dommages causés par ce livre ». Grotius écrira plus tard De Satisfactione dans le but de « prouver que les arminiens sont loin d'être des sociniens ».
Édit de tolérance
Sous la direction de Oldenbarnevelt, les États de Hollande adoptèrent officiellement une position de tolérance religieuse à l'égard des remontrants et des contre-remontrants. Grotius (qui participa d'abord à la controverse en tant que procureur général des Pays-Bas, puis en tant que membre du Comité des conseillers) a finalement été invité à rédiger un édit pour exprimer la politique de tolérance[18]. Cet édit, Decretum pro pace ecclesiarum a été achevé à la fin de 1613 ou au début de 1614. L'édit mettait en pratique un point de vue que Grotius avait développé dans ses écrits sur l'Église et l'État (voir Erastianisme) : que seuls les principes de base nécessaires au maintien de l'ordre civil (par exemple, l'existence de Dieu et de sa providence) devaient être appliqués tandis que les différents sur des doctrines théologiques obscures devraient être laissées à la conscience privée[19].
L'édit « imposant la modération et la tolérance sur le ministère » a été complété par Grotius avec « trente et une pages de citations, portant principalement sur les Cinq articles des remontrants »[17]. En réponse à l’Ordum Pietas de Grotius, le professeur Lubbertus publia Responsio Ad Pietatem Hugonis Grotii en 1614. Plus tard cette année-là, Grotius publia anonymement Bona Fides Sibrandi Lubberti en réponse à Lubbertus[17].
Jacobus Trigland se joignit à Lubberdus pour déclarer que la tolérance en matière de doctrine était inadmissible et, dans ses œuvres de 1615, Den Recht-gematigden Christen: Ofte vande waere Moderatie et Advys Over een Concept van moderatie[20] Trigland dénonça la position de Grotius.
Vers la fin de 1615, lorsque Antoine de Waele, professeur à Middelburg, publia Het Ampt der Kerckendienaren (une réponse à la lettre de Johannes Wtenbogaert datant de 1610, publiée par Kurtkogaert), il en envoya une copie à Grotius. C'était un travail « sur la relation entre gouvernement ecclésiastique et gouvernement laïc » du point de vue contre-remontrant modéré[17]. Au début de 1616, Grotius reçut également de son ami Gérard Vossius la lettre de 36 pages soutenant les vues remontrantes Dissertatio epistolica de Iure magistratus in rebus ecclesiasticis[17].
Cette lettre constituait « une introduction générale sur l'(in)tolérance, principalement sur la prédestination et le sacrement [...] [et] une analyse détaillée, poussée et globalement défavorable de l'Ampt de Walaeus, justifiée par des références aux autorités anciennes et modernes[17]. » Lorsque Grotius écrivit pour demander quelques notes, « il reçut un trésor d'histoire ecclésiastique. [...] offrant des munitions à Grotius qui l'accepta avec gratitude »[17]. Vers ce temps-là (), Grotius se rendit à Amsterdam dans le cadre de ses fonctions officielles, tentant de persuader les autorités civiles de se joindre à l'opinion majoritaire hollandaise sur la politique de l'église.
Au début de 1617, Grotius débattit de la question de savoir s'il fallait donner aux contre-remontrants la possibilité de prêcher dans le Kloosterkerk de La Haye qui avait été fermé. Au cours de cette période, des poursuites judiciaires ont été intentées contre les États de Hollande par des ministres opposés aux protestations et des émeutes suscitées par la controverse avaient éclatées à Amsterdam.
Arrestation et emprisonnement
Au fur et à mesure de l'intensification du conflit entre autorités civiles et religieuses, Oldenbarnevelt a finalement proposé de donner aux autorités locales le pouvoir de mobiliser des troupes afin de maintenir l'ordre civil (« Résolution sévère » (Scherpe resolutie) du ). Une telle mesure risquait de saper l'autorité du stathouder, le « lieutenant » de la république, Maurice de Nassau, prince d'Orange[réf. nécessaire]. Maurice saisit l'occasion pour consolider la prééminence des gomaristes, qu'il avait soutenus, et pour éliminer la nuisance qu'il avait perçue en la personne de Oldenbarnevelt (ce dernier avait déjà négocié la trêve de douze ans avec l'Espagne en 1609 contre la volonté de Maurice). Au cours de cette période, Grotius tenta une nouvelle fois de s’attaquer à la politique ecclésiastique en complétant De Imperio Summarum Potestatum circa Sacra, sur « les relations entre les autorités religieuses et laïques [...] Grotius avait même caressé l'espoir que la publication de ce livre inverserait la tendance et ramènerait la paix de l'église et de l'État »[17].
Le conflit entre Maurice et les États de Hollande, dirigé par Oldenbarnevelt et Grotius, au sujet de la « Résolution sévère » et du refus de la Hollande d'autoriser un synode national, prit fin en juillet 1619 lorsqu'une majorité des États généraux autorisa Maurice à licencier les troupes auxiliaires d'Utrecht. Grotius se rendit en mission dans les États d'Utrecht pour renforcer leur résistance à ce mouvement, mais Maurice l'emporta. Les États généraux l'autorisèrent ensuite à arrêter Oldenbarnevelt, Grotius et Rombout Hogerbeets le . Ils furent jugés par un tribunal composé de juges délégués des États généraux. Van Oldenbarnevelt fut condamné à mort et décapité en 1619. Grotius fut condamné à la prison à vie et transféré au château de Loevestein[21].
Depuis son emprisonnement à Loevestein, Grotius justifia par écrit sa position « quant à mon point de vue sur le pouvoir des autorités [civiles] chrétiennes en matière ecclésiastique, je me réfère à mon [...] livret De Pietate Ordinum Hollandiae et plus particulièrement à un livre De Imperio resume potestatum circa sacra, où j’ai traité la question plus en détail [...] Je peux résumer mes sentiments ainsi : que les autorités [civiles] devraient examiner la Parole de Dieu de manière si minutieuse qu’elle est certaine de n’imposer rien qui soit contre elle; s’ils agissent de la sorte, ils auront en toute conscience le contrôle des églises et des cultes publics ; mais sans persécuter ceux qui ne sont pas sur le droit chemin[17]. »
Parce que cela dépouillait de tout pouvoir les responsables de l’Église, certains de leurs membres (comme Johannes Althusius dans une lettre à Lubbertus) ont déclaré diaboliques les idées de Grotius[17].
En 1621, avec l'aide de son épouse et de sa servante, Elsje van Houwening, Grotius réussit à s'échapper du château dans un coffre à livres et s'enfuit à Paris. Aux Pays-Bas aujourd'hui, il est principalement connu pour cette évasion audacieuse. Le Rijksmuseum d'Amsterdam et le musée Het Prinsenhof de Delft prétendent avoir le coffre à livres original dans leur collection[22].
Vie à Paris
Grotius s'enfuit alors à Paris, où les autorités lui octroient une pension annuelle[23]. Grotius a vécu en France de façon quasi-continue de 1621 à 1644. Son séjour coïncide avec la période (1624-1642) durant laquelle le cardinal de Richelieu dirige la France sous l'autorité de Louis XIII. Le Cardinal et Grotius sont des hommes de la même génération et meurent à trois ans d'intervalle.
C'est à Paris qu'il publie en 1625 son livre le plus célèbre, De iure belli ac pacis (Le Droit de la guerre et de la paix), qu'il dédie à Louis XIII de France.
En prison, Grotius avait écrit en néerlandais et en vers un argumentaire en faveur de la vérité du christianisme (Bewijs van den Waren Godsdienst, publié en 1622) ; à Paris il le traduit en latin, en prose, et le publie en 1627 sous le titre De veritate religionis Christianae.
En 1631, il tente de retourner en Hollande, mais les autorités lui demeurent hostiles. Il s'installe alors à Hambourg, en 1632. Mais, dès 1634, les Suédois – superpuissance européenne – l'envoient à Paris comme ambassadeur. Il reste dix ans à ce poste où il a pour mission de négocier pour la Suède la fin de la guerre de Trente Ans. Durant cette période, il s'intéresse à l'unité des Chrétiens et publie de nombreux textes qui seront regroupés sous le titre de Opera Omnia Theologica.
La méthodologie
Si Rousseau a peut-être exagéré en soutenant que Grotius s'appuie sur les poètes, il n’en demeure pas moins que pour cet auteur, les philosophes, les historiens et les poètes nous disent quelque chose des lois de la nature[24]. Grotius écrit à ce propos :
« Je me suis aussi servi, pour prouver l’existence de ce droit [de la nature], du témoignage des philosophes, des historiens, des poètes et enfin des orateurs; non pas qu'on doive s’y fier indistinctement...; mais parce que, du moment où plusieurs individus, en différents temps et en divers lieux, affirment la même chose pour certaine, on doit rattacher cette chose à une cause universelle. Cette cause, dans les questions qui nous occupent, ne peut être autre qu'une juste conséquence procédant des principes de la nature ou d'un consentement commun. »
— Le Droit de la Guerre et de la paix, prolégomène XL[25]
À la différence de ce qui est la norme au début du XXIe siècle, Grotius refuse de considérer l’éthique, la politique et le droit comme des objets séparés. Certes, il lui arrive de noter que les normes légales diffèrent de celles de la morale et de la politique, mais fondamentalement, son but est de trouver les principes qui sont à la base de toute norme[26]. À ses yeux, ces principes dérivent de, ou sont fournis par, la Nature[26].
Loi naturelle et droit naturel
Les ambiguïtés de la loi naturelle
Le terme Natural law, souvent traduit en français par « droit naturel », est ambigu. Il peut être descriptif et désigner les conséquences de quelques traits naturels, mais il peut aussi être normatif et indiquer que certains comportements sont acceptables et d'autres non. Le mot « naturel » est lui-même ambigu : il peut tant se référer à la nature humaine qu'à la nature du monde, si ce n'est aux deux à la fois[26]. Le terme « loi » est lui-même assez confus. La loi peut désigner une règle imposée par quelqu'un (bien souvent, Dieu) qui exige obéissance par la menace de punition. Il peut, à l'autre extrême, désigner uniquement des normes issues de phénomènes considérés comme naturels. Historiquement, la notion de loi naturelle (droit naturel le plus souvent en français) domine les débats sur la période qui débute avec Thomas d'Aquin et se termine avec Kant. Pour Knud Haakonssen de l'université du Sussex, « le cœur stable [de la tradition de la loi naturelle] réside dans l'idée que la morale est d'abord une question de normes ou de prescription et seulement de façon dérivée de vertu et de valeur »[27][28].
La nature humaine selon Grotius
Selon Grotius la nature humaine est mue par deux principes : la préservation de soi et le besoin de société[29]. Il a écrit :
« L'homme est, en effet, un animal, mais un animal d'une nature supérieure, et qui s'éloigne beaucoup plus de toutes les autres espèces d'êtres animés qu'elles ne différent entre elles. C'est ce que témoignent une quantité de faits propres au genre humain. Au nombre de ces faits particuliers à l'homme, se trouve le besoin de se réunir, c'est-à-dire de vivre avec les êtres de son espèce, non pas dans une communauté banale, mais dans un état de société paisible, organisée suivant les données de son intelligence, et que les stoïciens appelaient « état domestique ». Entendue ainsi d'une manière générale, l'affirmation que la nature n'entraîne tout animal que vers sa propre utilité ne doit donc pas être concédée. »
— Le Droit de la guerre et de la paix, prolégomène VI[30]
La préservation de soi et la sociabilité sont toutes deux « à la fois rationnelles et non rationnelles, alliant la force de l'instinct irréfléchi à la pensée capable d'élaborer de bons desseins »[29]. Il s'ensuit que pour avoir une existence correcte, le droit doit nous aider à respecter la propriété d'autrui et à nous engager dans la poursuite raisonnable de notre intérêt[29]. Concernant le premier point, Grotius écrit : « ce souci de la vie sociale... est la source du droit proprement dit, auquel se rapportent le devoir de s'abstenir du bien d'autrui...; l'obligation de remplir ses promesses, celle de réparer le dommage causé par sa faute, et la distribution des châtiments mérités entre les hommes » (Le Droit de la guerre et de la paix, prolégomène VIII[31]).
Concernant le second point, Grotius note : « L'homme a l'avantage... de posséder non seulement les dispositions à la sociabilité....mais un jugement qui lui fait apprécier les choses, tant présentes que futures, capables de plaire ou d'être nuisibles, ....; on conçoit qu'il est convenable à la nature de l'homme... à la poursuite de ces choses, la direction d'un jugement sain, de ne se laisser corrompre ni par la crainte, ni par les séductions de jouissances présentes, de ne pas s'abandonner à une fougue téméraire. Ce qui est en opposition avec un tel jugement doit être considéré comme contraire aussi au droit de la nature, c'est-à-dire de la nature humaine » (Le Droit de la guerre et de la paix, prolégomène IX[31]).
Il est à noter que dans l'approche de Grotius, l'existence d'un droit naturel à se préserver (vision incluant la préservation de ses biens, de sa vie, de sa liberté) et à vivre paisiblement en société est totalement compatible avec la loi divine. La nature (ici la nature humaine) n'est en effet pas une entité autonome, c'est une création divine. Philosophie des droits humains et théologie sont dans la logique de Grotius parfaitement compatibles[32]. L'Ancien Testament, fait valoir Grotius, contient d'ailleurs des préceptes moraux confirmant la loi naturelle telle qu'il la définie (auto-préservation et vie paisible en société)[33].
Le concept de loi naturelle chez Grotius a eu un fort impact sur les débats philosophiques et théologiques, ainsi que sur leurs développements politiques au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Parmi ceux qu'il influença, on trouve Samuel Pufendorf et John Locke, et par le biais de ces philosophes, sa pensée devint une part des fondements idéologiques de la Glorieuse révolution anglaise de 1688, et de la révolution américaine[34].
La notion de droit (ius) chez Grotius
La théorie médiévale des droits (iura, le pluriel de ius) débute principalement avec Thomas d'Aquin pour qui le mot « droit » désigne la chose juste elle-même. Pour lui et ses successeurs directs, le droit est ce qui est conforme à la loi naturelle[28]. Pour les médiévaux à la suite de Thomas d'Aquin, le droit est objectif et s'applique aux choses. Francisco Suarez, avant Grotius, a fait évoluer la notion ; de sorte que pour ce jésuite, « la stricte acceptation du droit » repose « sur la partie de pouvoir moral que chaque homme a sur sa propre propriété ou sur ce qui lui est du »[28]. En général, les spécialistes du droit naturel estiment que Grotius a beaucoup œuvré pour que le droit prenne sa signification actuelle et désigne les moyens ou le pouvoir de faire telle ou telle chose[28]. Grotius écrit : « Le droit est une qualité morale attachée à l'individu pour posséder ou faire justement quelque chose. Ce droit est attaché à la personne » (Le Droit de la guerre et de la paix, I,1,IV). Grotius a également beaucoup fait pour qu'on parle moins du droit que des droits et pour que ces derniers soient perçus comme une matière première[28].
Les quatre éléments clés du droit naturel de Grotius
Éléments | Définitions des quatre éléments clés du droit naturel chez Grotius |
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Source. | Dans le De iure belli, Dieu. Dans le De summa potestatum, la nature de l'action.
De façon générale, on reconnaît le droit naturel en ce qu'il est en empathie avec les aspects rationnels et sociaux de la nature humaine[35]. |
Nature ou contenu. | Il existe chez lui un ordre de priorités lexicales.
Les deux premières priorités sont : respecter ce qui appartient à autrui et poursuivre ce qui sert notre vrai intérêt[29]. |
Force ou nature de l'obligation. | Dans le De iure belli, la nécessité de suivre la loi vient de Dieu. Puis la notion évolue. La loi naturelle est alors vue comme agissant sur notre conscience en lui imposant de nous conduire rationnellement de façon à veiller à notre préservation physique, morale et sociale.
Chez Grotius, les êtres humains sont par conséquent enclins à la justice compensatoire ou réparatrice des violations du droit naturel[36]. |
Portée. | Tous les êtres humains, chrétiens ou pas[37]. |
La philosophie politique
Justice
Grotius, comme Cicéron, estime que tous les principes humains ne sont pas du même niveau. Certains étant plus importants que les autres. Toutefois, selon lui, la nature rationnelle de l'homme n'est pas rattachée à de très hautes valeurs morales ne pouvant être réalisées ici-bas. Aussi la loi naturelle n'est-elle pas rattachée à des idéaux. Si, comme Aristote, il distingue la justice commutative de la justice distributive, seule la justice commutative est une véritable justice à ses yeux.
« La justice a à voir fondamentalement avec la possession ou la propriété et est déterminée par ce que l'un possède plutôt que parce qu'il devrait avoir ou mériterait d'avoir »[38].
C'est pour cette raison qu'il donne une si grande importance aux droits qu'ont les gens, droits qu'ils peuvent réclamer devant la justice[39].
Michel Villey note que la justice sociale chez Grotius « est juste la somme de réclamations entièrement fortuites de droits individuels, pas l'adhésion à un objectif d'« ordre juste » »[40].
Contrairement à Aristote et à la tradition thomiste, pour Grotius, si l'homme est sociable, cela n'implique pas qu'il appartienne à un tout bien organisé. Il en résulte que la notion de loi naturelle, dans sa version protestante telle que développée par Grotius, n'est pas connectée avec une notion de monde idéal[41].
Les droits comme source de conflits
Contrairement à ce que pense Hobbes, pour Grotius, le conflit est vu « comme le résultat d'une poursuite inappropriée de ses droits individuels »[42]. Aussi, la tâche de la loi est-elle de prévenir ces conflits. Pour Grotius, il existe un ordre moral idéal à préserver, à l'inverse d'Hobbes qui considère qu'il existe un ordre à créer.
La société civile, la souveraineté (imperium) et le gouvernement
Théoriquement, selon Grotius, sous l'effet de la loi naturelle, l'humanité devrait constituer une société universelle. Une idée que d'après Knud Haakonssen, il reprendrait aux stoïciens. Mais la corruption humaine rend impossible la vie selon la loi de la nature d'où la nécessité d'établir des autorités civiles. Si les causes de la formation d'une société civile sont diverses – conquête dans le cadre d'une juste guerre, punition ou contrat –, Grotius suppose que la société civile repose sur la souveraineté qui doit être volontairement consentie[43]. Selon lui, la souveraineté doit être absolue, c'est-à-dire indivisible. Toutefois, l’exercice de cette souveraineté peut être varié. Elle peut être exercée par un gouvernement démocratique, aristocratique, monarchique ou mixte. En effet, Grotius a une vision purement légaliste de la souveraineté[44]. Parlant de la puissance civile, il écrit : « on la dit souveraine, lorsque des actes ne sont pas dépendants de la disposition (ius) d'autrui, de manière à pouvoir être annulés au gré d'une volonté humaine étrangère » (Le Droit de la guerre et de la paix, I, II, VII, 1).
Grotius distingue la liberté individuelle (libertas personalis) et la liberté politique (libertas civilis) de participation au gouvernement. Pour lui, la liberté individuelle peut exister sous un pouvoir politique considéré comme absolu[44].
La guerre et la paix
Grotius a également été à l'origine de la théorie de l'État et des relations entre États, désormais désignée en anglais par le terme Grotian (Grotien). Dans cette théorie, les États sont considérés comme faisant partie d'« une société internationale gouvernée par un système de normes. Normes qui ne dépendent pas de l'action d'une législature ou d'un législateur »[45]. Ces normes n'empêchent pas Grotius de tenir compte de la réalité politique (Real Politick) et de considérer que les États poursuivent d'abord leurs propres intérêts. Pour cette raison, l'école grotienne (Grotian school) est souvent vue comme se positionnant entre le machiavélisme et le courant Kantien, parfois perçu comme excessivement idéaliste[45]. Son réalisme se donne sur un minimalisme moral qui permet au droit naturel de s'adapter aux situations telles qu'elles surviennent au cours de l'histoire. Par exemple, il ne croit pas que le droit de propriété soit naturel mais il estime qu'il est adapté à l'évolution de la société[39]. Pour lui, ce sont les lois des nations qui peuvent satisfaire les besoins des hommes présents, pas les lois de la Nature.
Théorie gouvernementale de l'expiation
Grotius développe également une vision particulière de l'expiation du Christ connue sous le nom de « théorie gouvernementale de l'expiation ». Il théorise l'idée que la mort sacrificielle de Jésus s'était produite afin que le Père puisse pardonner tout en maintenant son règne juste sur l'univers. Cette vue, qui fut développée par des théologiens tels que John Miley, est devenue dominante dans l'arminianisme wesleyen au XIXe siècle[46][source insuffisante].
Les écrits sur le droit international
Grotius a été très chagriné quand le cardinal de Richelieu lui a déclaré : « Le plus faible a toujours tort en matière d'État »[47]. En effet, une des idées fondamentales de ce juriste concernant la loi internationale, tient précisément à son refus de la loi du plus fort.
De la liberté des mers
Dans son livre Mare Liberum (De la liberté des mers[48]), Hugo Grotius a formulé le nouveau principe selon lequel la mer était un territoire international et que toutes les nations étaient libres de l'utiliser pour le commerce maritime.
Le Droit de la guerre et de la paix (De Jure Belli ac Pacis)
Grotius vit à l'époque de la guerre de Quatre-Vingts Ans entre l'Espagne et les Pays-Bas[9] et durant la guerre de Trente Ans qui oppose catholiques et protestants. La France, bien que catholique, est alliée aux protestants afin d'affaiblir les Habsbourg. Grotius, en tant qu'ambassadeur de Suède en France, participe aux négociations mettant fin à ce conflit. Le livre qui paraît en 1625 est dédicacé « à Louis XIII, Roi très chrétien des Frances et de Navarre ». Évoquant les conflits en cours, il note dans son livre :
« Quant à moi, convaincu, par les considérations que je viens d'exposer, de l'existence d'un droit commun à tous les peuples, et servant soit pour la guerre, soit dans la guerre, j'ai eu de nombreuses et graves raisons pour me déterminer à écrire sur ce sujet. Je voyais dans l'univers chrétien une débauche de guerre qui eût fait honte même aux nations barbares : pour des causes légères ou sans motifs on courait aux armes, et lorsqu'on les avait une fois prise, on n'observait plus aucun respect ni du droit divin, ni du droit humain, comme si, en vertu d'une loi générale, la fureur avait été déchaînée sur la voie de tous les crimes. »
— Prolégomènes XXVIII[49]
L'ouvrage est divisé en trois livres. Dans le livre premier, il traite de l'origine du droit, de la question de la guerre juste et enfin des différences entre guerre publique et privé. Ce dernier point l'obligeant à traiter de la question de la souveraineté[50]. Dans le deuxième livre, il expose les causes des guerres, ce qui l'amène à traiter de la propriété, des règles des successions sur les trônes, des pactes et contrats, du serment ainsi que des alliances. Enfin, il évoque la question des réparations[51]. Le troisième livre est consacré à ce qui est permis durant la guerre[51].
Derniers jours
De nombreux remontrants exilés commencèrent à rentrer aux Pays-Bas après la mort du prince Maurice en 1625, date à laquelle la tolérance leur fut accordée. En 1630, ils eurent toute liberté pour construire et gérer des églises et des écoles et pour vivre n'importe où en Hollande. Les remontrants guidés par Johannes Wtenbogaert mirent en place une organisation presbytérale. Ils établirent un séminaire théologique à Amsterdam où Grotius est venu enseigner aux côtés d'Episcopius, van Limborch, de Courcelles et Le Clerc.
En 1634, Grotius eut la possibilité de devenir ambassadeur de Suède en France. Axel Oxenstierna, le régent du successeur du roi suédois Gustave II Adolphe récemment décédé, souhaitait employer Grotius. Grotius accepta l'offre et s'installa à Paris dans une résidence diplomatique, qui resta son domicile jusqu'à sa démission de son poste en 1645[réf. nécessaire].
En 1644, la reine Christine de Suède, devenue adulte, commença à exercer réellement ses fonctions et le rappela à Stockholm. Durant l'hiver 1644-1645, il se rendit dans des conditions difficiles en Suède, pays qu'il décida de quitter durant l'été 1645.
En partant de sa dernière visite en Suède, Grotius fit naufrage pendant le voyage. Il s'échoua sur le rivage de Rostock, malade et vaincu par les intempéries, il est décédé le . Son corps finit par retourner dans le pays de sa jeunesse et repose au Nieuwe Kerk à Delft[réf. nécessaire].
Vie personnelle
La devise personnelle de Grotius était Ruit hora (« Le temps file »); ses derniers mots furent : « En comprenant beaucoup de choses, je n’ai rien accompli » (Porte te porte, heb ik niets bereikt)[52].
Parmi ses amis et connaissances notables, on compte le théologien François du Jon, le poète Daniel Heinsius, le philologue Gérard Vossius, l’historien Johannes van Meurs, l’ingénieur Simon Stevin, l’historien Jacques Auguste de Thou, l’orientaliste et érudit arabe Thomas van Erpe et le Français ambassadeur en République néerlandaise, Benjamin Aubery du Maurier, qui lui a permis d'utiliser le courrier diplomatique français au cours des premières années de son exil. Il était également ami avec le jésuite brabançon André Schott[53].
Grotius fut le père du régent et diplomate Pieter de Groot.
Influence de Grotius
De son époque à la fin du XVIIIe siècle
La légende veut que le roi de Suède Gustave II Adolphe ait conservé le De Jure belli ac pacis libri tres à côté de la Bible sur sa table de chevet[45]. À l'inverse, le roi Jacques VI et Ier d'Angleterre réagit très négativement à la présentation de l'ouvrage par Grotius lors d'une mission diplomatique[45].
Certains philosophes, notamment protestants, tels Pierre Bayle, Leibniz et les principaux représentants des Lumières écossaises – Francis Hutcheson, Adam Smith, David Hume, Thomas Reid – le tiennent en haute estime[45]. Les Lumières françaises, de leur côté, sont beaucoup plus critiques. Voltaire le trouve tout simplement ennuyeux et Rousseau développe une conception alternative de la nature humaine. Pufendorf, un autre théoricien de la notion de loi naturelle, est également sceptique[45].
Commentaires du XIXe siècle
Andrew Dickson White a écrit :
Au milieu de tous ces fléaux maléfiques, à un moment qui paraissait totalement désespéré, à un endroit dans l’espace apparemment sans défense, dans une nation où chaque homme, femme et enfant était sous le coup d’une condamnation à mort de son souverain, est né un homme qui a œuvré comme nul autre pour la rédemption de la civilisation de la cause principale de toute cette misère; qui a imaginé pour l'Europe les préceptes de la juste raison en droit international; qui les a fait entendre; qui a donné un noble changement au cours des affaires humaines; dont les pensées, les raisonnements, les suggestions et les appels ont créé un environnement dans lequel une évolution de l’humanité se poursuit[54].
En revanche, Robert A. Heinlein a écrit une satire de l’approche gouvernementale Grotienne de la théologie dans Les Enfants de Mathusalem : «Il y a une vieille histoire sur un théologien à qui il a été demandé de réconcilier la doctrine de la Miséricorde Divine avec la doctrine de la damnation infantile. « Le Tout-Puissant », a-t-il expliqué, « juge nécessaire, dans l'exercice de ses fonctions officielles et publiques, de commettre des actes qu'il déplore dans ses capacités personnelles et privées[55]. »
Regain d'intérêt au XXe siècle et débats sur l'originalité de l’œuvre
L'influence de Grotius décline à la suite de la montée en puissance du positivisme dans le domaine de la loi internationale et du déclin du droit naturel en philosophie[56]. La Fondation Carnegie a néanmoins fait rééditer et retraduire le Droit de la guerre et de la paix après la Première Guerre mondiale[57]. À la fin du XXe siècle, son œuvre suscite un regain d'intérêt tandis que se développe une controverse sur l'originalité de son œuvre éthique. Pour Irwing, Grotius ne ferait que reprendre les apports de Thomas d'Aquin et de Francisco Suarez[58]. Au contraire, Schneeewind soutient que Grotius a introduit l'idée que « le conflit ne peut être éradiqué et ne pourrait être écarté, même en principe, par le savoir métaphysique le plus complet qu'il soit possible de la façon dont le monde est constitué »[59][45].
En ce qui concerne la politique, Grotius est le plus souvent considéré non pas tant comme ayant apporté des idées nouvelles, mais plutôt comme celui qui a introduit une nouvelle façon d'aborder les problèmes politiques. Pour Kingsbury et Roberts, « la plus importante contribution directe de [Droit de la guerre et de la paix réside] dans sa façon de rassembler systématiquement les pratiques et autorités sur le sujet traditionnel mais fondamental du jus belli, qu'il organise pour la première fois à partir d'un corps de principes enracinés dans la loi de la nature »[60][61].
Œuvres
La Bibliothèque du Palais de la Paix à La Haye conserve la Collection Grotius, constituée d'un grand nombre de livres de, et sur, Hugo Grotius. La collection a été fondée grâce à une donation de Martinus Nijhoff de 55 éditions de De jure belli ac pacis libri tres[62][63].
- (la) Martiani Minei Felicis capellae Carthaginiensis viri proconsulaire Satyricon, dans le duo quo De nuptiis Philologiae & Mercurij, & De septem artibus liberibus libri singulares. Omnes, & emendati, & Notis, siue Februis Hug. Grotii illustrati [Le Satyricon de Martianus Minneus Félix Capella, un homme de Carthage, qui comprend les deux livres Sur le mariage de la philologie et de Mercure et le livre Sur les sept arts libéraux. Tout, y compris les corrections, les annotations ainsi que les suppressions et les illustrations de Hug. Grotius] - 1599
- (la) Adamus exul (L'exil d'Adam; tragédie) - 1601
- (la) De republica emendanda (Pour améliorer la république hollandaise) - 1601
- (la) Parallelon rerumpublicarum (Comparaison de constitutions) - 1602
- (la) De iure Praedae (DIP) (Sur le droit de capture) - 1604
- (la) De Indis (Sur les Indes; manuscrit 1604-05)
- (la) Christus patiens (La Passion du Christ; tragédie) - 1608
- (la) Mare liberum (Les Mers Libres) - 1609[48]
- (la) De antiquitate reipublicae Batavicae (L'histoire de la république hollandaise) - 1610
- (la) Meletius manuscrit 1611
- (la) Annales et Historiae de rebus Belgicis (Annales et Histoire de la Guerre des Pays-Bas) - manuscrit 1612-13
- (la) Ordinum Hollandiae ac Westfrisiae pietas (La piété des États de Hollande et de la Frise occidentale) - 1613
- (la) De imperio resumeum potestatum circa sacra (Sur le pouvoir des souverains en matière d'affaires religieuses) - manuscrit 1614-1717
- (la) De satisfactione Christi adversus Faustum Socinum (Sur la satisfaction du Christ contre [les doctrines de] Faustus Socinus) - 1617
- (la) Defensio fidei catholicae de satisfactione (Défense de la foi chrétienne)- 1617
- (la) Apologeticus (Défense des actes ayant conduit à son arrestation) fut pendant longtemps l'unique source de ce qui se passa lors du procès de Grotius en 1619, car le procès-verbal d'audience n'avait pas été publié à l'époque.
- (la) Bewijs van den waaren godsdienst (Preuve de la vraie religion; poème didactique) - 1622
- (la) De jure belli ac pacis (DIB) (Sur les lois de la guerre et de la paix) - 1625 [64][65]
- (la) De veritate religionis Christianae (Sur la vérité de la religion chrétienne) - 1627
- (la) Inleydinge tot de Hollantsche rechtsgeleertheit (Introduction à la loi hollandaise) - 1631
- (la) Sophompaneas (Joseph; tragédie) - 1635
- (la) D'origine gentium Americanarum dissertatio (Mémoire sur l'origine des peuples américains) - 1642
- (la) Via ad pacem ecclesiasticam (Le chemin vers la paix religieuse) - 1642
- (la) Annotationes in Vetus Testamentum (Commentaires sur l'Ancien Testament) - 1644
- (la) De imperio summarum potestatum circa sacra (Sur le pouvoir des souverains concernant les affaires religieuses) - 1647
- (la) De fato (Sur le destin) - 1648
- (la) Annotationes in Novum Testamentum (Commentaires sur le Nouveau Testament) - 1641-1650
- (la) Annales et historiae de rebus Belgicis (Annales et histoire des Pays-Bas) - 1657
Notes et références
Citations
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Articles connexes
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