Traités de Westphalie

Les traités de Westphalie (ou paix de Westphalie), signés le , concluent simultanément deux séries de conflits en Europe :

Banquet de la garde civile d'Amsterdam fêtant la paix de Münster (1648), exposé au Rijksmuseum Amsterdam, par Bartholomeus van der Helst.

Modifiant profondément les équilibres politiques et religieux en Europe et dans le Saint-Empire, ils sont aussi à la base du « système westphalien », expression utilisée a posteriori pour désigner le système international spécifique mis en place, de façon durable, par ces traités.

Négociations et traités

Catholiques et protestants refusant de se rencontrer[réf. souhaitée], les pourparlers se tiennent à Münster à partir de puis à Osnabrück à partir de 1645. Les premiers voient s'opposer les Provinces-Unies à l'Espagne d'une part, et la France au Saint-Empire romain germanique d'autre part. Les seconds opposent l'Empire suédois au Saint-Empire. Cette solution, qui est proposée par la Suède, est préférée[Par qui ?] à la solution française qui suggère Hambourg et Cologne[pourquoi ?].

Véritables congrès internationaux, toutes les puissances européennes y sont représentées à l'exception du tsar de Moscovie, du roi d'Angleterre et du sultan ottoman, car ils n'ont pas participé au conflit. Les puissances catholiques se réunissent sous la présidence du nonce apostolique Fabio Chigi, futur Alexandre VII[1]. Côté français, la diplomatie engagée par Mazarin est décisive[Comment ?].

Les trois traités signés à leur issue sont :

Conséquences

Carte simplifiée de l'Europe après la paix de Westphalie en 1648.
Saint-Empire romain germanique en 1648.

Les principaux bénéficiaires sont la Suède, les Provinces-Unies et la France[réf. nécessaire].

Remodelage de la carte de l'Europe

Les décisions remodèlent l'Europe pour de longues années. Les grandes lignes sont :

Dispositions constitutionnelles allemandes

Le traité de Westphalie est la base de l'organisation de l'Allemagne jusqu'à la suppression du Saint-Empire romain germanique en 1806. Les principales dispositions sont :

  • tout État immédiat d'Empire a chez lui la supériorité territoriale renforçant la souveraineté des Etats allemands face à l'Autriche en matière religieuse, chaque Etat pouvant imposer son culte à ses sujets indépendamment de la volonté de l'empereur[C'est-à-dire ?] ;
  • la supériorité territoriale s'étend sur l'ecclésiastique comme sur le civil et le temporel ;
  • tout État immédiat a séance et suffrage à la diète d'Empire ;
  • nulle loi ou interprétation de loi, nulle déclaration de guerre d'Empire, nulle paix ou alliance d'Empire, nulle taxe, levée, construction de forts, etc., ne peut avoir lieu sans le consentement des co-États réunis en diète ;
  • les villes impériales jouissent des mêmes privilèges.

L'Empire se trouve morcelé en 350 États allemands, dont les pouvoirs des princes sont renforcés, affaiblissant ainsi la puissance des Habsbourg[3].

Aspects religieux

Les traités reconnaissent les trois confessions catholique, luthérienne et calviniste dans le Saint-Empire, les princes conservant le droit d'imposer leur religion à leurs sujets. Les autres dispositions principales sont :

Il s'agit donc d'une norme de non-ingérence : la religion devient un domaine géré librement par chaque État, avec une laïcisation progressive des relations internationales qui permet aux états de s'émanciper des dogmes religieux. Les contestations les plus virulentes viennent du Saint-Siège, qui perd là une grande partie de son influence sur la politique européenne, et de l'Espagne qui poursuit la lutte contre la France jusqu'au traité des Pyrénées en 1659.[réf. nécessaire]

Le système international westphalien

Derrière les expressions de « système international westphalien », « ordre westphalien » ou encore « tournant westphalien » se trouve « l'idée selon laquelle ces traités auraient vu la naissance d’un nouvel ordre international fondé sur l'affrontement d'États désormais souverains et égaux en droit, et participant par conséquent d'une stabilisation de l'ordre international après une époque de guerres civiles[4] ». Ces traités seraient ainsi à l'origine de principes élémentaires du droit international contemporain tels que l'inviolabilité des frontières ou la non-intervention dans les affaires domestiques d'un État. Il faut toutefois garder à l'esprit qu'il s'agirait du point de départ d'un long processus aboutissant à la mise en place et la relative acceptation de ces règles ; par ailleurs les notions d'État et de frontière doivent être saisies dans leur réalité du XVIIe siècle.

Le traité a pour résultat le fait que les États se reconnaissent mutuellement comme légitimes sur leur territoire propre. Les États reconnaissent[5] :

  • Une souveraineté extérieure : aucune autorité n'est supérieure aux autres et chacun reconnaît l'autre comme souverain sur son territoire.
  • Une souveraineté intérieure : l'autorité est exclusive sur son territoire et aucun État ne peut s'immiscer dans les affaires d'un autre État.
  • Un équilibre des puissances : les États ont le droit de s'allier pour éviter la montée d'une superpuissance. Aucune puissance n'a le droit de devenir une superpuissance.

C'est une nouvelle conception de la souveraineté qui perdura jusqu'à la bipolarisation de la guerre froide, et qui reste une norme juridique moderne[6][réf. nécessaire].

Postérité

Timbre commémoratif « 350 ans de la Paix de Westphalie » imprimé par la Bundespost en 1998.

Les traités de Westphalie, vu leur importance, sont au centre de nombreuses querelles institutionnelles, juridiques et mémorielles, tant en France qu'en Allemagne.

Ainsi, dès les années 1920, les théoriciens du nazisme souhaitent mettre à bas les dispositions des traités, véritable origine, à leurs yeux, des maux du Reich depuis leur signature[7]. En effet, pour les chercheurs nazis, le texte des traités est la matrice de l'impuissance politique du Reich et des Allemands : en 1943, deux historiens allemands affirment que la dissolution de la souveraineté du Reich en une multitude de principautés, reprenant en cela les arguments de Friedrich Grimm, mis en forme dans les années 1920, constitue la cause fondamentale de la perte de pouvoir de l'Empire, du Reich, sur l'échiquier européen, entraînant la perte de contrôle de territoires germaniques[8]. La mémoire nazie de ces traités insiste également sur les ferments de dissolution du Reich, œuvre juridique dotée, selon les théoriciens nazis, d'une « base raciale ».

Notes et références

  1. Jean Bérenger, Histoire de l'empire des Habsbourg, Fayard 1990, rééd. Tallandier 2012 T.I., p. 457.
  2. Pour P. Duparc, l'appellation « traité d'Osnabrück » est une erreur. Voir Pierre Duparc, « Les actes du traité de Münster de 1648 entre la France et l'Empire », Bibliothèque de l'École des chartes, 1948, tome 107, pp. 52-61 DOI:10.3406/bec.1948.449379, lire en ligne p. 52.
  3. François Lebrun, L'Europe et le monde XVIe, XVIIe, XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin, , 352 p., p. 120
  4. « Les traités de Westphalie ont-ils mis en place un nouvel ordre européen ? - Ép. 3/4 - Histoire de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) », sur France Culture (consulté le )
  5. « definition de traités de westphalie », sur www.glossaire-international.com (consulté le )
  6. « Chapitre I », sur www.un.org, (consulté le )
  7. Chapoutot 2014, p. 360.
  8. Chapoutot 2014, p. 362.

Voir aussi

Bibliographie

  • Instrumenta Pacis Westphalicae = Die Westfälischen Friedensverträge (trad. Konrad Müller), Berne, H. Lang, .
  • Jacques Bainville, Histoire de deux peuples continuée jusqu'à Hitler, Arthème Fayard, coll. « Les Grandes Études historiques », 1915-1933.
  • Lucien Bély (dir.), avec le concours d'Isabelle Richefort et alii, L'Europe des traités de Westphalie : esprit de la diplomatie et diplomatie de l'esprit, actes du colloque tenu à Paris, du 24 au 26 sept. 1998, organisé par la Direction des archives et de la documentation du ministère des Affaires étrangères, PUF, Paris, 2000, 615 p.
  • Claire Gantet, La Paix de Westphalie, 1648. Une histoire sociale, XVIIe – XVIIIe siècle, Belin, coll. « Histoire et société ». Essais d'histoire moderne, Paris, 2001, 447 p.
  • Arnaud Blin, 1648. La Paix de Westphalie ou la naissance de l'Europe politique moderne, coll. « Questions à l'histoire », Bruxelles, 2006, 214 p.
  • Laurent Olivier, Nos ancêtres les Germains : les archéologues français et allemands au service du nazisme, Paris, Tallandier, , 320 p. (ISBN 978-2-84734-960-3).
  • (en) Derek Croxton, Westphalia: the Last Christian Peace, New York, Palgrave Macmillan, 2013.
  • Johann Chapoutot, La loi du sang : Penser et agir en nazi, Paris, Gallimard, , 567 p. (ISBN 978-2-07-014193-7)

Articles connexes

Liens externes

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