Ville mondiale

Une ville mondiale, ville globale ou ville-monde sont différentes appellations pour désigner une ville qui exerce des fonctions stratégiques à l'échelle mondiale, un centre qui organise des flux et s'inscrit dans des réseaux, un pôle de commandement dans la mondialisation.

La notion de ville mondiale

L'urbaniste britannique Sir Peter Hall définit en 1966 une ville mondiale comme un lieu où « est menée une part tout à fait disproportionnée des affaires les plus importantes du monde »[1]. Peter Hall s'intéresse alors surtout aux villes des pays industrialisés, en forte croissance démographique à l'époque.

La notion de ville mondiale apparaît en 1979 dans l'œuvre de l'historien français Fernand Braudel (1902-1985) sous le nom de « ville-monde »[2] : « les informations, les marchandises, les capitaux, les crédits, les hommes, les ordres, les lettres marchandes y affluent et en repartent[3] ». La puissance d'une « ville-monde » ou « superville » s'exerce sur une partie de l'espace terrestre appelée « économie-monde ».

La notion est reprise par le planificateur urbain américain John Friedman (en) en 1986[4]. La sociologue et économiste néerlando-américaine Saskia Sassen introduit en 1991 la notion de « ville globale » (global city)[5] en retenant essentiellement des critères économiques et financiers (capitalisations boursières) pour les définir.

Pour la géographe Cynthia Ghorra-Gobin, les expressions « ville mondiale » et « ville globale » ne sont pas équivalentes[6]. La première qualifierait le rôle historique de la ville, son influence culturelle à long terme, tandis que la seconde désignerait la capacité de la ville à s'insérer dans les flux et les réseaux d'échanges mondialisés.

Une ville mondiale concentre des fonctions de commandement économique (sièges directionnels des firmes transnationales, services supérieurs aux entreprises, institutions de la gouvernance économique mondiale), regroupe des acteurs de la mondialisation, lesquels organisent la division du travail à l'échelle internationale. Elle regroupe des fonctions de formation et de recherche, contribue à l'innovation et constitue un marché de consommation des produits innovants ; elle rassemble des infrastructures de transport et de communication, dispose d'une bonne accessibilité à l'échelle mondiale ; elle polarise des flux de toutes natures : flux de marchandises et de capitaux, flux d'informations et humains ; elle contribue à la mondialisation et celle-ci contribue à la façonner : verticalisation, gentrification, éviction et ségrégations, etc.[réf. souhaitée]

La hiérarchie des villes mondiales : plusieurs classements concurrents

La ville mondiale selon Saskia Sassen

En 1991, Saskia Sassen propose le concept de « ville mondiale » (global city). Elle cite comme exemples de villes mondiales New York, Londres, Tokyo et Paris[7]. Contrairement à ce qui est parfois indiqué, Saskia Sassen ne limite pas le concept de ville mondiale à New York, Londres, et Tokyo, bien que ces trois villes constituent l'objet d'étude principal de son livre. Hong Kong, Paris et São Paulo semblent également entrer dans cette catégorie[7].

Le classement ATKearney

Le cabinet de conseil A.T. Kearney propose depuis 2008 un classement des « villes mondiales » (Global Cities) qui se fonde sur cinq ensembles de données : capital humain, activité économique, expérience culturelle, échange d'informations, engagement politique[8].

Carte des villes de classe mondiale.

En 2012, le classement a été réactualisé[9]. Il a été mis à jour en 2010, 2012, 2014, 2015, 2016 et 2017[10].

Rang Évolution

par rapport à 2010

Ville Indice
1 New York 6.35
2 Londres 5.79
3 1 Paris 5.48
4 1 Tokyo 4.99
5 Hong Kong 4.56
6 1 Los Angeles 3.94
7 1 Chicago 3.66
8 2 Séoul 3.41
9 2 Bruxelles 3.33
10 3 Washington 3.22
11 3 Singapour 3.20
12 3 Sydney 3.13
13 5 Vienne 3.11
14 1 Pékin 3.05
15 4 Boston 2.94
16 2 Toronto 2.92
17 5 San Francisco 2.89
18 1 Madrid 2.80
19 6 Moscou 2.77
20 4 Berlin 2.76
21 Shanghai 2.73
22 Buenos Aires 2.71
23 3 Francfort-sur-le-Main 2.69
24 2 Barcelone 2.59
25 1 Zurich 2.53
26 3 Amsterdam 2.45
27 4 Stockholm 2.43
28 Rome 2.36
29 2 Dubaï 2.32
30 1 Montréal 2.32
31 2 Munich 2.31
32 NA Melbourne 2.25
33 2 São Paulo 2.19
34 4 Mexico 2.18
35 3 Genève 2.13
36 2 Miami 2.13
37 4 Istanbul 2.10
38 Houston 2.08
39 1 Atlanta 2.06
40 1 Taipei 2.05
41 1 Milan 2.01
42 5 Copenhague 1.99
43 7 Bangkok 1.93
44 Dublin 1.82
45 1 Bombay 1.79
46 4 Tel Aviv-Jaffa 1.69
47 Osaka 1.57
48 3 New Delhi 1.55
49 1 Kuala Lumpur 1.49
50 7 Le Caire 1.49
51 Manille 1.49
52 Johannesbourg 1.48
53 4 Rio de Janeiro 1.31
54 1 Jakarta 1.30
55 1 Bogota 1.17
56 Nairobi 0.98
57 2 Caracas 0.89
58 Bangalore 0.85
59 Lagos 0.84
60 3 Canton 0.82
61 Hô Chi Minh-Ville 0.72
62 2 Karachi 0.66
63 1 Dacca 0.65
64 1 Calcutta 0.63
65 3 Shenzhen 0.62
66 1 Chongqing 0.25

Le classement Global Power Cities de la Mori Memorial Foundation

L'Institut des stratégies urbaines de la Mori Memorial Foundation (Tokyo) propose un classement qui se fonde sur un indice composite agrégeant 69 indicateurs, dans six domaines : économie, recherche et développement, qualité de la vie, écologie et environnement naturel, culture et accessibilité[11]. 35 villes sont identifiées comme des villes mondiales puissantes (Global Power Cities) :

Classement Mori

(2011)

Ville Indice
1 New York 320.9
2 Londres 320.6
3 Paris 308.7
4 Tokyo 304.3
5 Singapour 255.3
6 Berlin 234.8
7 Séoul 233.4
8 Hong Kong 231.1
9 Amsterdam 226.6
10 Francfort-sur-le-Main 225.1
11 Sydney 215.8
12 Vienne 215.3
13 Los Angeles 212.2
14 Zurich 211.4
15 Osaka 205.8
16 Boston 205.7
17 Genève 205.2
18 Pékin 204.2
19 Copenhague 203.2
20 Madrid 202.8
21 San Francisco 201.5
22 Vancouver 201.3
23 Shanghai 199.3
24 Bruxelles 199.2
25 Toronto 194.6
26 Chicago 189.4
27 Milan 183.6
28 Fukuoka 177
29 Taipei 175.2
30 Bangkok 171.8
31 Kuala Lumpur 167.2
32 São Paulo 161.5
33 Moscou 160.8
34 Bombay 142.4
35 Le Caire 139.1

Le classement du GaWC

Le Réseau d’étude sur la mondialisation et les villes mondiales (Globalization and World Cities Research Network, GaWC) a été créé par Peter J. Taylor en 1998 au sein du département de géographie de l'université de Loughborough (Royaume-Uni) et est devenu l'un des think-tanks de référence sur la question de l'insertion des villes dans la mondialisation. Son classement des villes mondiales, créé par Peter J. Taylor, Jonathan V. Beaverstock et Richard G. Smith (en), au sein de l'enquête « The World According to GaWC », « devrait être interprété comme indiquant l'importance des villes comme nœuds dans le réseau urbain mondial (i.e. participant de la mondialisation de l'économie) »[12]. Le classement, bisannuel, a été initié en 1998, et sa dernière version est celle de 2020.

De façon atypique par rapport à la plupart des autres classements analogues, les résultats du GaWC s’appuient sur des données relationnelles, mesurant l'insertion de la ville dans le réseau des producteurs de services avancés aux entreprises. Celles-ci sont obtenues à partir d'enquêtes quantitatives et qualitatives réalisées au sein de 175 entreprises de première importance dans le secteur tertiaire supérieur de 707 villes[12]. L’accent des analyses est mis sur des prestations de service « business to business (B2B) » – autrement dit adressées aux entreprises « avancées », c'est-à-dire à haute valeur ajoutée et à forte intensité en capital humain. Celles-ci, relevant de ce que l'on qualifie classiquement d'« économie du savoir », sont ici divisées en quatre principales catégories :

  • des sociétés de conseils aux entreprises et des conseillers fiscaux ;
  • des entreprises de publicité ;
  • le secteur de finance, les banques ;
  • le conseil juridique[13].

Le classement distingue plusieurs niveaux de villes mondiales, les villes « alpha » étant jugées davantage intégrées que les villes « bêta », elles-mêmes mieux intégrées que les ensembles villes « gamma ». À cette échelle, le GaWC ajoute quelques raffinements, en distinguant plusieurs sous-catégories au sein de chaque niveau (par exemple pour le niveau Alpha : Alpha++, Alpha+, Alpha, Alpha−), et en ajoutant à la liste des ensembles urbains « disposant d'un degré suffisant de services de sorte à n'être pas, ou pas manifestement dépendantes d'autres villes mondiales », aussi désignés sous le qualificatif de « villes à forte propension de devenir une ville mondiale », classés en villes de « haute autonomie » et « autonomie »[14].

Répartition géographique des villes classées « villes mondiales » par le GaWC en 2010.

Tableau à jour du classement 2020 :

Catégorie Ville
Beta+
Beta
Beta−

Classement du nombre de villes mondiales et de villes avec forte propension à le devenir par pays pour GaWC

Pays Nombres de villes
États-Unis51
Royaume-Uni15
Chine15 dont Hong Kong
France11
Allemagne11
Brésil9
Inde8
Canada8
Mexique8
Italie7
Espagne6
Australie6
Japon4
Pays-Bas4
Malaisie4
Suisse4
Taïwan3
Suède3
Portugal2
Russie2
Belgique2
Émirats arabes unis2
Singapour1

Le classement Mastercard Worldwide

Le classement du groupement bancaire Mastercard est fondé sur un indice composite qui regroupe sept ensembles de données : cadre juridique et politique ; stabilité économique ; facilités offertes aux entreprises ; flux financiers et flux d'informations ; qualité de vie[15].

En 2008[16], les 30 premières villes étaient :

Notes et références

  1. Hall 1966
  2. Braudel 1979
  3. Braudel 1979, p. 20
  4. Friedmann 1986
  5. Sassen 2001
  6. Ghorra-Gobin 2009
  7. Sassen 2001, p. 4
  8. (en) « Full Report - A.T. Kearney », sur atkearney.com (consulté le ).
  9. (en) ATKearney, 2012 Global Cities Index and Emerging Cities Outlook, , 12 p. (lire en ligne)
  10. (en) « Previous Indices - A.T. Kearney », sur atkearney.com (consulté le ).
  11. (en) Institute for Urban Stragegies The Mori Memorial Foundation, Global Power City Index 2011, Tokyo, The Mori Memorial Foundation, (lire en ligne [PDF]).
  12. « GaWC - The World According to GaWC 2020 », sur lboro.ac.uk (consulté le ).
  13. http://www.lboro.ac.uk/gawc/
  14. https://www.lboro.ac.uk/gawc/world2020t.html Classement mondial GaWC 2020
  15. The MasterCard Worldwide Centers of Commerce Index
  16. The MasterCard Worldwide Centers of Commerce Index 2008

Ouvrages

  • Fernand Braudel (3 volumes), Civilisation matérielle, économie et capitalisme, XVe-XVIIIe siècle, Paris, Armand Colin,
  • Peter Hall, Les Villes mondiales [« World Cities »],
  • John Friedmann, L'Hypothèse de la ville mondiale,
  • Saskia Sassen, La Ville globale : New York, Londres, Tokyo [« The Global City »], Princeton Paperbacks, , 2e éd. (1re éd. 1991)

Articles

  • Cynthia Ghorra-Gobin, « À l’heure de la « deuxième » mondialisation, une ville mondiale est-elle forcément une ville globale ? », Confins, vol. 5, (lire en ligne)
  • Jean-Baptiste Arrault, « L'émergence de la notion de ville mondiale dans la géographie française au début du XXe siècle - Contexte, enjeux et limites », L'information géographique, 2006/4 (Vol. 70) (lire en ligne)

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

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