The Witcher 3: Wild Hunt

The Witcher 3: Wild Hunt (en polonais : Wiedźmin 3: Dziki Gon) est un jeu vidéo de type action-RPG développé par le studio polonais CD Projekt RED. Sorti le sur PC (Windows et Linux[1] ), PlayStation 4 et Xbox One, puis sur Nintendo Switch le , il fait suite narrativement à The Witcher (2007) et The Witcher 2: Assassins of Kings (2011). Il est ainsi le troisième jeu vidéo à prendre place dans l'univers littéraire du Sorceleur, créé par l'écrivain polonais Andrzej Sapkowski, mais aussi le dernier à présenter les aventures de Geralt de Riv.

Pour les articles homonymes, voir Wild Hunt.

Le jeu, situé dans un monde dark fantasy, suit les traces du sorceleur Geralt de Riv, un chasseur de monstres dont la fille adoptive, Ciri, est menacée par la Chasse sauvage. Des références sont faites au contenu des livres écrits par Sapkowski, mais l'intrigue est inédite et propose une conclusion à la trilogie entamée avec le premier jeu, sorti huit ans plus tôt. Contrairement aux deux autres opus de la série, The Witcher 3 prend place dans un monde ouvert en usant d'une narration à la troisième personne, et se concentre sur l'utilisation des talents de combat et de détective de Geralt pour mener à bien des contrats et explorer l'environnement. Le tout se déroule dans le cadre d'une quête principale à plusieurs embranchements, qui peut se résoudre selon 36 fins différentes, et une multitude de missions secondaires.

Développé en trois ans et demi avec des moyens proches des superproductions occidentales habituées à concevoir des jeux vidéo AAA, The Witcher 3 concentre nombre d'ambitions : ses créateurs veulent entériner la légitimité des studios européens à développer des RPG de qualité, et le jeu s'éloigne de plus en plus de l'intrigue canonique de la saga littéraire du Sorceleur, éminemment respectée en Pologne.

Vendu à plus de 10 millions d'exemplaires moins d'un an après sa sortie, le jeu obtient un accueil public et critique unanimement élogieux et un colossal succès commercial. Il se voit décerner un record de distinctions de « jeu de l'année » et devient de l'avis de tous la nouvelle référence du genre, constamment utilisé comme outil de comparaison par les joueurs et les professionnels de l'industrie vidéoludique pour évaluer la qualité des nouveaux jeux action-RPG. Deux extensions lui sont ajoutées en et en , Hearts of Stone et Blood and Wine, et un jeu vidéo entièrement dévoué au mini-jeu de cartes présent dans l'intrigue, Gwent: The Witcher Card Game, est lancé à l'été 2017.

Trame

Position par rapport aux livres

The Witcher 3: Wild Hunt conclut l'histoire du sorceleur Geralt de Riv amorcée dans les livres d'Andrzej Sapkowski et les deux jeux précédents, The Witcher et The Witcher 2: Assassins of Kings. Les trois opus vidéoludiques représentent cependant un arc narratif duquel l'auteur polonais souhaite être dissocié : il ne les considère ni comme une suite ni comme un développement alternatif, mais comme une adaptation libre à partir de ses livres, arguant qu'il est le seul à avoir voix au chapitre sur l'histoire canonique du personnage[2].

Univers et personnages

Le jeu se déroule sur le Continent, un monde de fantasy entouré de dimensions parallèles et d'univers extra-dimensionnels, dans lequel cohabitent humains, elfes, nains et de multiples races de monstres, bien que les non-humains y fassent régulièrement face à des persécutions. À l'époque où se déroule l'intrigue du jeu, le Continent est le témoin d'une vaste guerre entre le Nilfgaard, au sud, mené par l'empereur Emhyr var Emreis, et la Redania, plus au nord, gouvernée par le roi Radovid V. Les lieux que les protagonistes visitent au cours de ce troisième opus sont imprégnés de cette ambiance : les riches villes rédaniennes de Novigrad et d'Oxenfurt, les étendues dévastées du no man's land de Velen et ses marécageuses au sud, la ville impériale de Vyzima, l'archipel aux inspirations vikings de Skellige, et le bastion des sorceleurs, Kaer Morhen.

Le personnage principal, Geralt de Riv, est un sorceleur : doté de facultés extraordinaires et génétiquement modifié par un entraînement intensif à compter de l'enfance, Geralt offre ses services de chasseur de monstres en comptant sur ses capacités de traque, de combat et de magie. Il est notamment aidé de deux puissantes sorcières, son amante Yennefer de Vengerberg et son amie Triss Merigold, ainsi que du barde Jaskier (Dandelion dans la version anglaise), du nain Zoltan Chivay, et de son mentor sorceleur, le vieux Vesemir. Plusieurs années auparavant, la fille adoptive de Geralt et Yennefer, et fille biologique de l'empereur Emhyr var Emreis, Ciri, a disparu en tentant d'échapper à la Chasse Sauvage, un groupe de guerriers spectraux venus d'une autre dimension. Sa réapparition va bouleverser le Continent[3],[4],[5].

Jeu principal

À la suite des événements de The Witcher 2: Assassins of Kings, la guerre fait rage entre l'empire du Nilfgaard et ce qu'il reste des Royaumes du Nord. Dans ce contexte, Geralt de Riv apprend que sa fille adoptive disparue, Ciri, a été aperçue pour la première fois après des années d'errance entre les mondes ; mais elle serait poursuivie par la Chasse sauvage (l'éponyme Wild Hunt en version originale anglophone), une troupe légendaire de cavaliers spectraux, présage de guerres, de maladies et de fin du monde. Aidé, entre autres alliés, par son amie Triss Merigold et sa compagne historique Yennefer de Vengerberg, Geralt se met à sa recherche afin de la retrouver avant la Chasse Sauvage[6].

Cosplays des personnages de Geralt, de Yennefer et de Ciri.

La première étape de son voyage commence dans la bourgade de Blanchefleur, épargnée par la guerre, où Geralt fait halte pour retrouver son amante d'autrefois, Yennefer. Celle-ci travaille maintenant pour le compte de l'empereur du Nilfgaard et père biologique de Ciri, Emhyr var Emreis, lequel convoque Geralt à Wizyma, par l'entremise de Yennefer, pour lui confier la tâche de retrouver sa fille. Celle-ci a été aperçue pour la dernière fois dans la région pauvre et marécageuse de Velen, à Perchefreux, la forteresse du « baron sanglant ». Mais le baron, empêtré dans des problèmes familiaux, refuse d'aider Geralt, et c'est une ancienne connaissance du sorceleur, l'enchanteresse Keira Metz, qui le renseigne : quelqu'un d'autre est passé dans la région à la recherche de Ciri, un mage elfe du nom d'Avallac'h, et désormais seules les Dames des bois, les Moires qui résident dans le marais de Torséchine, seraient en mesure d'en savoir plus. Les trois esprits maléfiques admettent à Geralt avoir un temps détenu Ciri, pour la livrer à la Chasse sauvage, mais la jeune fille parvint à s'échapper de leurs griffes. Le sorceleur retourne chez le baron avec cette découverte, et des nouvelles de son épouse disparue, Anna, dont l'esprit a cédé à la domination des Moires ; le seigneur dévoile alors que Ciri, avec qui il s'était lié d'amitié, s'est ensuite rendue à Novigrad, un port affluent et la plus grande ville du pays[6].

Sur la trace de Ciri, Geralt enquête dans la ville aux hautes murailles où s'est mise à sévir l'Église du Feu éternel, une organisation religieuse qui s'est lancée dans une purge des mages. Il y retrouve son ancienne amante et amie Triss Merigold, qui se cache de l'Église et lui apprend que leur ami commun Jaskier s'est trouvé en contact avec Ciri. Geralt sauve le barde des griffes de plusieurs organisations mafieuses implantées dans la ville, naviguant entre les zones d'influence de bandits comme le Petit Bâtard, Surin ou encore le Roi des Mendiants ; il y croise au passage de nombreux personnages entrevus dans ses aventures précédentes : l'espion Vernon Roche, son ami le nain Zoltan, devenu tenancier de taverne, ou encore le mystérieux Dijkstra, qui complote contre les plus hautes sphères du pouvoir et proposera d'ailleurs à Geralt de se joindre à lui pour renverser le roi Radovid. Jaskier apprend au sorceleur que Ciri s'est téléportée sur l'archipel de Skellige, à l'ouest du continent. Avant de quitter la terre ferme, Geralt peut choisir d'aider Triss et les magiciennes à fuir la ville, décision qui pèsera sur la suite des évènements. Geralt embarque ensuite pour Skellige où il rejoint Yennefer, qui s'était rendue sur les lieux pour enquêter sur une étrange déflagration magique possiblement liée à Ciri. L'archipel est en émoi car son roi Bran est mort et la succession s'annonce difficile ; Geralt pourra d'ailleurs choisir de soutenir l'un ou l'autre prétendant au trône, les frère et sœur Hjalmar Gueule-en-Coin et Cerys an Craite. Un témoin qui s'était fait connaître pour avoir aperçu Ciri est retrouvé mort, mais Yennefer fait appel à la nécromancie et tous deux parviennent ainsi à suivre la trace de la jeune fille jusque sur l'île de Lofoten, tout juste attaquée par la Chasse sauvage. La piste vers leur fille adoptive semble alors effacée pour de bon. Le chapitre se conclut lorsque les deux amants, qui auront eu l'occasion entretemps de raviver ou mettre fin à leur relation amoureuse, découvrent chez le baron de Perchefreux une petite créature chétive nommée Uma, de toute évidence leur dernière piste pour retrouver Ciri[6].

Ils emmènent Uma au siège des sorceleurs, la forteresse de Kaer Morhen, désormais tombée en décrépitude et habitée par le seul mentor des sorceleurs, le vieillard Vesemir. Geralt y retrouve de passage Lambert et Eskel, deux autres sorceleurs qui acceptent de se joindre à eux dans leur lutte contre la Chasse. Yennefer y parvient à retirer la malédiction dans laquelle était maintenue Uma ; il s'avère que dans le corps de la créature était enfermé le fameux mage elfe et sage Aen Elle qui recherchait Ciri, Avallac'h. Celui-ci admet avoir pu rencontrer la jeune fille, qu'il dut téléporter sur l'Île des Brumes pour la soustraire à l'attaque de la Chasse sauvage sur Lofoten. Geralt se lance donc une dernière fois sur les traces de sa fille ; sur l'île, au milieu des dangers, il retrouve Ciri dans un état proche du coma, qu'Avallac'h sera capable de faire disparaître. Pendant ce temps, ses alliés se regroupent à Kaer Morhen pour préparer la contre-offensive contre la Chasse sauvage, qu'ils savent à leurs trousses. Après une réunion émouvante avec son père adoptif, Ciri lui raconte comment Eredin, le roi de la Chasse sauvage, cherche en fait à conquérir le continent pour fuir son propre monde, menacé par le Froid Blanc. C'est pour échapper à ce phénomène mortel, prédit de longue date par la prophétesse Ithlinne, qu'il veut mettre la main sur Ciri, dont les extraordinaires pouvoirs lui assureraient la survie[Note 1]. Pourchassés par la horde, père et fille se pressent de rentrer à Kaer Morhen, où les retrouvailles avec Yennefer et Vesemir sont brèves : voilà la Chasse aux portes de la forteresse[6].

Statue du personnage d'Imlerith exposée au New York Comic Con en 2016.

L'attaque de la Chasse Sauvage parvient à grand peine à être refoulée grâce aux pouvoirs de Ciri, mais au prix de la vie de Vesemir, tombé en protégeant la jeune fille. Après avoir assisté au bûcher funéraire du dernier résident de Kaer Morhen, qui annonce un avenir sombre aux sorceleurs, Geralt et Ciri font route jusqu'au marais de Torséchine, où ils savent trouver les moyens de le venger : Geralt affronte et tue Imlerith, le lieutenant d'Eredin, tandis que Ciri abat deux des Moires. La troisième s'échappe, non sans avoir dérobé le médaillon de Vesemir que Ciri avait gardé. Pour organiser la riposte contre la Chasse, tandis que Geralt met la main sur l'artefact indispensable qu'est la Pierre du soleil, Yennefer tente de réunir la Loge des Magiciennes ; aux côtés de Triss, elle convainc Phillippa Eilhart et Margarita Laux-Antille de les rejoindre, mais ne trouve en Sheala de Tancarville qu'une prisonnière de Radovid usée par la torture, et abrège ses souffrances. Quant à Ciri, une enquête au laboratoire d'Avallac'h lui permet d'en apprendre davantage sur l'intérêt que les elfes lui portent, et d'être en mesure de gagner le soutien de Ge'els, un elfe autrefois dévoué à Eredin[6].

La Chasse sauvage (ici La Chasse sauvage de Wotan par Friedrich-Wilhelm Heine) est l'antagoniste principal du jeu.

L'ultime bataille contre la Chasse sauvage commence alors. Tandis que Ciri vient à bout du dernier lieutenant d'Eredin, le navigateur Caranthir Ar-Feiniel, Geralt reçoit l'aide inattendue des troupes de l'empereur Emhyr, et de Crach, qui meurt en tentant de tuer Eredin. Le sorceleur arrive juste après le coup de grâce. S'ensuit une bataille épique contre Eredin, qui voit enfin la défaite du roi de la Chasse sauvage. À l'agonie, il laisse entendre qu'Avallac'h l'a manipulé et que le destin de Ciri est en marche. Les derniers mots d'Eredin révèlent que pour espérer mettre fin au Froid blanc, Ciri n'a d'autre choix que de se sacrifier et de pénétrer dans un portail situé dans la vieille citadelle d'Undvik, sur Skellige.

Le jeu se conclut sur trois fins possibles, dépendant des interactions passées de Geralt avec Ciri. Dans l'une d'elles, Ciri survit à son voyage par-delà le portail ; elle accepte officiellement le titre d'héritière du Nilfgaard et fait ses adieux à Geralt en partageant une partie de chasse avec lui, près de Blanchefleur enneigée. Dans une autre fin, Geralt annonce à l'empereur que Ciri est morte, avant de se rendre dans l'auberge de Blanchefleur où Ciri l'attend, incognito, pour achever sa formation de sorceleuse. Dans la dernière fin possible, résolument tragique, Ciri ne revient pas du portail et reste présumée morte. Geralt part assassiner la dernière Moire et récupère le médaillon que celle-ci avait volé à Ciri. Vu pour la dernière fois assis sur un banc dans la cabane du marais, entouré de monstres qui s'apprêtent à le submerger et accablé de douleur, son destin demeure dans ce cas inconnu[6].

L'histoire du jeu peut se poursuivre avec le contenu additionnel Hearts of Stone, qui peut être débuté à partir du moment où le joueur a accès aux villes de Novigrad et d'Oxenfurt, et s'achever avec Blood and Wine, qui propose un clair épilogue aux aventures de Geralt[7],[8].

Dans Hearts of Stone

Olgierd von Everec, un aristocrate du nord d'Oxenfurt, contracte auprès de Geralt la mort d'un crapaud géant hantant les égouts d'Oxenfurt. C'est l'occasion pour le sorceleur de s'attarder dans la ville aux savants et à l'académie réputés, où il retrouve une vieille amie introduite dans The Witcher 1, la guérisseuse Shani. Mais en abattant le monstre, le sorceleur découvre que sous cette forme était en fait ensorcelé un homme, désormais sa victime. Aussitôt capturé par les gardes du défunt, qui s'avère être un prince du pays d'Ophir, il ne doit son salut qu'au mystérieux Gaunter de Meuré, entrevu dans le prologue à Blanchefleur, qui le délivre de ses chaînes en échange d'un service que le sorceleur devra lui rendre. Le magicien charge Geralt d'accomplir trois vœux pour Olgierd, le commanditaire du contrat, qui savait en fait pertinemment qu'un prince était enfermé dans le crapaud et ce dans quoi s'engageait Geralt. Ce dernier exige des explications d'Olgierd et apprend que le noble a autrefois fait l'échange avec Gaunter de son cœur, remplacé par un cœur de pierre, pour pouvoir accéder à l'immortalité. Il avait souhaité voir la mort du prince d'Ophir car celui-ci avait jadis été le prétendant officiel du grand amour d'Olgierd, Iris, pour qui Olgierd avait voulu devenir immortel. Il demande alors à Geralt d'exaucer les trois vœux suivants : accompagner et divertir son frère Vlodimir le temps d'une nuit, se venger de la famille Borsodi en saisissant la maison de l'un des leurs, et récupérer une rose violette qu'il avait offerte à Iris autrefois. Ces tâches paraissent cependant impossibles, Vlodimir et Iris étant morts depuis des années, et la maison des Borsodi étant imprenable, mais le sorceleur reçoit l'aide surnaturelle de Gaunter de Meuré et parvient à les mener à bien[7].

Le nom, l'architecture et la réputation du quartier académique d'Oxenfurt ne sont pas sans rappeler l'université d'Oxford.

Geralt laisse ainsi l'esprit défunt de Vlodimir prendre possession de son corps le temps d'une soirée et accompagner son amie Shani à une fête de mariage dans la région de Novigrad, ce qui remplit les conditions du premier vœu. Il réunit ensuite une équipe d'experts pour être en mesure de braquer le manoir de Maximilian Borsodi situé à Oxenfurt et d'atteindre sa chambre forte, où un testament stipule que la fortune des Borsidi doit être entièrement redistribuée dans des œuvres de charité, ce qui exauce le second vœu. Pour la troisième et dernière mission, Geralt parvient à entrer dans une dimension surnaturelle qui lui donne accès aux souvenirs passés d'Olgierd et d'Iris, dans le manoir des von Everec ; il y apprend que du fait de son « cœur de pierre », Olgierd n'était plus en mesure d'aimer Iris et que celle-ci avait fini par dépérir et mourir seule, triste et malheureuse. Geralt a alors le choix de récupérer la rose violette des mains d'Iris, ce qui libérerait l'esprit damné de cette éternité maudite, ou de laisser à la jeune femme sa fleur lui rappelant le temps des amours heureuses. Quoi qu'il en soit, les trois vœux que Meuré avait promis à von Everec sont exaucés et le mystérieux magicien révèle alors sa véritable identité : il n'est autre qu'une entité maléfique et cruelle, qui piège ses victimes et exige leur âme en échange de l'accomplissement de quelques-uns de leurs souhaits, sans que ceux-ci ne s'en doutent. Il avance ainsi qu'Olgierd doit maintenant respecter sa part du contrat et lui céder son âme[7].

Geralt peut choisir d'intervenir pour sauver von Everec ou bien de laisser Meuré récolter son dû. Dans ce dernier cas, Geralt sera en mesure de formuler un vœu que le démon s'engage à exaucer ; mais s'il tente de sauver von Everec en offrant lui-même son âme, Geralt met Meuré dans une impasse logique qui oblige le monstre à rompre le contrat. Sa mortalité et ses émotions retrouvées, Von Everec fait don de son épée de famille à Geralt et lui promet de redémarrer sa vie[7].

Dans Blood and Wine

Les paysages méditerranéens comme ceux de la Toscane servent d'inspiration pour la direction artistique du duché de Toussaint, disponible en extension.

La duchesse Anna Henrietta, souveraine de Toussaint, requiert l'aide de Geralt car deux de ses chevaliers ont péri dans d'étranges circonstances. À son arrivée dans la région, renommée pour la qualité de ses vignobles et la douceur de son climat, une troisième victime est découverte. Le sorceleur décèle rapidement un motif dans les meurtres et parvient à acculer le monstre coupable dans un entrepôt, mais juste avant qu'il ne le mette hors d'état de nuire, le vampire supérieur Emiel Régis, une vieille connaissance de Geralt que celui-ci croyait mort, surgit dans la bataille et permet à la bête de s'enfuir. Il explique que c'est à cette créature — en réalité un autre vampire supérieur nommé Dettlaff van der Eretein — qu'il doit sa résurrection, et que selon le code des vampires tous deux sont désormais liés par le sang[8].

Geralt et Régis finissent par découvrir que Dettlaff ne commet ces crimes que sous le chantage : son amante Rhenawedd a été enlevée et les ravisseurs exigent en échange le meurtre de plusieurs personnes, dont les identités ne sont révélées à l'assassin qu'une par une. En remontant la piste et en faisant part de son avancement à la duchesse, Geralt apprend d'Anna Henrietta que sa sœur, Sylvia Anna dite Syanna, bannie de la cour des années auparavant du fait d'une malédiction, pourrait être mêlée à cette conspiration qui a tué plusieurs chevaliers proches du pouvoir. Geralt, Régis et Dettlaff assaillent le château des ravisseurs et comprennent que Rhenawedd et Syanna ne sont qu'une, et que la jeune femme a monté cet enlèvement de toutes pièces. Fou de rage devant cette trahison, Dettlaff menace de détruire Toussaint si Syanna ne lui donne pas d'explications dans les trois jours. Geralt rend compte de la rencontre à Anna Henrietta, qui refuse de croire aux méfaits de sa sœur et charge le sorceleur de traquer et mettre à mort le vampire supérieur[8].

Geralt peut choisir de confronter Dettlaff immédiatement ou bien d'aller demander des comptes à Syanna, qui a été emprisonnée par les gardes de sa sœur dans un livre de contes enchanté. Dans ce « Pays des mille fables », qui regorge de personnages renommés de la littérature merveilleuse, Syanna explique que les chevaliers qu'elle a cherché à tuer avaient composé l'escorte chargée de l'exiler du royaume ; elle omet de mentionner que son ultime victime aurait été sa propre sœur. Par le biais d'un vampire très ancien, Geralt parvient ensuite à convoquer Dettlaff pour une ultime confrontation dans le château de Tesham Mutna[8].

Selon les choix effectués précédemment, Syanna pourra rester enfermée dans le livre de contes, mourir des mains de Dettlaff ou bien lui survivre. Si Syanna meurt, Geralt est jeté en prison et n'en sort que sur une grâce de la duchesse, obtenue avec difficulté par Jaskier. Après avoir enquêté sur la dernière victime visée par Syanna, il peut tenter d'en informer Anna Henrietta dans la crypte ducale où celle-ci fait le deuil de sa sœur, mais elle refuse de l'entendre et de le revoir jamais. Si Syanna survit à la rencontre, Geralt vient à bout du vampire supérieur, qui est achevé par Régis ; mais ce dernier sera ostracisé par les autres vampires pour avoir versé le sang d'un des siens. Le sorceleur peut ensuite se laisser décorer immédiatement des honneurs du duché, ou bien poursuivre brièvement son enquête de manière à comprendre qui Syanna souhaitait faire assassiner en dernier : sa propre sœur. Le sort des deux femmes varie ensuite selon les actions de Geralt : Syanna pourra tenter de tuer Anna Henrietta lors de la cérémonie, avant d'être elle-même atteinte par le carreau d'arbalète d'un chevalier. Faute d'héritière pour monter sur le trône, Toussaint tombera alors dans le chaos. Une autre fin possible inclut Geralt parvenant à convaincre Syanna d'accorder son pardon à Anna Henrietta et de donner une nouvelle chance à leur relation[8].

L'épilogue voit Geralt se reposer dans le domaine viticole qu'il a reçu en paiement de son contrat, et accueillant la visite d'un personnage qui varie selon les choix effectués dans le jeu principal : Ciri, Yennefer, Triss ou Jaskier[8].

Système de jeu

Généralités

Le joueur peut désormais traverser des étendues d'eau en naviguant sur un petit voilier d'inspiration scandinave.

The Witcher 3: Wild Hunt est un jeu vidéo de type action-RPG affiché dans une vue à la troisième personne. Le joueur incarne le sorceleur Geralt de Riv, un chasseur de monstres mandaté par des personnages non-joueurs pour les débarrasser de nuisibles ; la composition de ce bestiaire fait appel à plusieurs mythologies, au folklore d'Europe de l'Est ou encore à des références plus ésotériques[9]. En plus de courir et de combattre à l'aide d'armes et de sorts, Geralt est capable pour la première fois dans la série de chevaucher, de sauter, d'enjamber ou de grimper sur des obstacles, de s'accrocher à des rebords, de nager et de naviguer sur des esquifs[10],[11].

Son arsenal de combat comprend des bombes disposant d'effets variés, une arbalète et en particulier deux épées, l'une en acier et l'autre en argent, chacune faisant respectivement davantage de dégâts sur les humains et les monstres[12]. En situation de combat, Geralt peut choisir d'asséner des coups lourds mais lents, ou bien de lancer des attaques plus rapides mais causant moins de dommages ; il lui est aussi possible d'esquiver ou de parer les coups adverses. Cependant, chaque usage diminue l'efficacité de l'arme, qui doit être réparée régulièrement chez un forgeron[13]. En plus des attaques physiques, Geralt dispose de cinq signes magiques qu'il peut déclencher dans un conflit : Aard, Axii, Igni, Quen et Yrden. Aard déclenche un souffle télékinétique qui déstabilise les ennemis ou repousse les obstacles ; Axii engendre la confusion chez ses victimes, qui ne reconnaissent plus leur propre camp, et hors d'une situation de combat permet de convaincre un personnage d'effectuer une certaine action ; Igni déclenche un souffle de feu ; Quen enveloppe Geralt d'une coquille protectrice qui encaisse les dégâts ; et Yrden pose aux pieds de Geralt un piège pour affaiblir ses ennemis. Ces signes magiques puisent dans l'endurance de Geralt, qui se mesure au moyen d'une jauge située à proximité de la barre de vie[14]. Les pouvoirs magiques de Geralt peuvent être renforcés par l'usage de « mutagènes », des mutations propres aux sorceleurs qui viennent soutenir ses compétences naturelles. La santé de Geralt diminue quant à elle lorsqu'il reçoit des dégâts, mais peut se restaurer en utilisant des aliments ou des potions ou bien en méditant. La puissance des dégâts et la protection de Geralt sont influencées par l'équipement qu'il porte, qui peut notamment être personnalisé avec des teintures disponibles dans l'extension Blood and Wine[13].

Quatre niveaux de difficulté sont disponibles, lesquels influent sur la quantité de dégâts occasionnés par les adversaires, la rapidité (et la possibilité) de régénération des points de vie, la rareté des objets récoltés dans les coffres et sur les ennemis, et le besoin de s'adonner à l'alchimie pour obtenir des avantages décisifs en combat[11].

Mécaniques de jeu

Par rapport aux deux opus précédents, certains mécanismes de jeu déjà établis sont revus. Ainsi de l'alchimie : les ingrédients nécessaires à la fabrication d'une potion ne sont requis qu'une seule fois, à la suite de laquelle il suffit de méditer afin de remplir à nouveau toutes les fioles vides du joueur. Leurs effets sont variés : vision de nuit, capacités régénératrices, force supérieure au combat... Leur durée d'effet est réduite, passant de quelques minutes à quelques secondes, et celles-ci sont dorénavant utilisables en combat. En consommer trop se révèle cependant toxique, et à terme Geralt requiert des soins pour s'en remettre[15].

Geralt dispose d'une monture dévouée, une jument qu'il nomme Ablette et qui accourt vers son cavalier lorsqu'on la siffle[11]. Si, parmi ses différentes allures, le pas et le trot peuvent être utilisés indéfiniment, une barre d'endurance limite le temps passé au galop. Geralt peut asséner des coups ou décocher des flèches à cheval, mais en cas de proximité d'ennemis, une barre indiquant le niveau de peur d'Ablette fera son apparition et à son terme son cavalier sera désarçonné. Il est également possible de s'adonner à des courses de chevaux, distribuées sous la forme de quêtes. Enfin, The Witcher 3 introduit un système d'équipement pour la monture de Geralt : la selle et le trophée de monstre qui y pend peuvent conférer différents bonus au cheval, la sacoche augmenter la taille de l'inventaire, et des œillères diminuent l'effroi d'Ablette à l'approche d'un combat[16],[17].

L'agilité de Geralt au combat est revue : il est maintenant capable de se mouvoir en même temps qu'il pare des attaques, ce qui est plus en phase avec l'esprit d'une rixe, et d'esquiver des coups sans pour autant se déporter sur une trop grande surface. Lorsqu'il s'attaque à un groupe d'ennemis, l'intelligence artificielle de ceux-ci les empêche de se jeter dans la mêlée sans discernement. Certains resteront par exemple en retrait, à insulter Geralt ou à tenter de l'atteindre par des flèches[18].

Les contrats de sorceleur amènent Geralt à croiser à de multiples reprises des spectres, tels que la figure fantomatique de Forêt (1864-1866), du peintre romantique polonais Artur Grottger[19].

Geralt peut choisir de s'arrêter momentanément et de méditer, ce qui permet au temps diégétique de s'écouler et de choisir de retourner en jeu à un moment particulier du cycle jour-nuit, un atout fondamental car le progrès de certaines quêtes varie selon l'heure : un loup-garou sera ainsi plus puissant la nuit tombée, par exemple[20]. Lorsque Geralt entame un contrat de sorceleur, visant à débarrasser la population d'un monstre, il a la possibilité d'en apprendre plus par le biais de la lecture de livres internes au jeu ; ceux-ci affûteront les connaissances de Geralt en vue d'approcher la bête[12]. Geralt peut aussi faire appel à ses sens de sorceleur, qui lui permettent de traquer aisément ses proies en observant l'environnement [10]. Les sens de Geralt ont également l'avantage de déceler dans le décor des points d'intérêt, tels que des objets à collecter, qui se détachent de manière lumineuse dans le radar du personnage[10]. Bien que pouvant être apparenté à de l'« aide » incohérente avec l'univers, l'instinct surdéveloppé de Geralt pour examiner son environnement s'explique harmonieusement dans le contexte de jeu de rôle du Witcher 3, où le joueur dispose du corps d'un homme « augmenté[21] ». Ces objets récupérés dans la nature ou sur des cadavres d'ennemis peuvent ensuite se vendre à des marchands ou bien s'utiliser dans des recettes artisanales ; les prix d'achat et de vente des biens et services dépendent cependant de la situation économique de la région dans laquelle le joueur se trouve[10].

L'économie du jeu et le système de création d'objets par l'artisanat sont complexes et ont été attentivement modelés pour accompagner la progression du joueur dans les niveaux et les zones disponibles. Chaque pièce d'équipement se voit ainsi attribuer une valeur selon son potentiel de protection, de soin ou de dégâts. Une pièce d'artisanat ou un objet quelconque, à l'exemple une variété particulière de plante, pourra se vendre pour une somme plus intéressante dans une zone dont elle n'est pas endémique. La nourriture se trouve ainsi aisément sur les îles de Skellige, où le niveau de vie est élevé par rapport au continent ; et si le joueur y achète du pain et tente de le revendre à Velen, où cette denrée est rare, il pourra obtenir des gains substantiels[22]. Ces prix ont notamment été déterminés en suivant la « règle de deux » du gameplay designer Matthew Steinke : « Si vous n'êtes pas sûr à 100 % de la valeur que vous devriez attribuer, multipliez-la ou divisez-la par deux[Note 2] », pour mieux se rendre compte des valeurs relatives et ajuster les évaluations de prix. Pour s'assurer que le joueur ne risque jamais d'être submergé par sa fortune, au cas où il tenterait par exemple de créer à la suite plusieurs exemplaires d'une même arme précieuse, les marchands du jeu ne rachètent et ne vendent des objets que pour une somme exagérément éloignée de leur valeur véritable. La gestion de l'usure de l'équipement, qui oblige le joueur à choisir parfois entre abandonner un objet ou bien sortir sa bourse pour le réparer, est aussi conçue de manière à réguler l'argent disponible en jeu. L'inventaire a une taille infinie mais une capacité de poids finie, sauf dans le cas des ingrédients nécessaires à l'alchimie, qui peuvent ainsi être accumulés à foison pour faciliter leur usage futur[22],[13],[23].

Des panneaux de direction sont implantés dans chaque village et permettent à Geralt de se déplacer rapidement d'un point à l'autre de la carte, à condition qu'il souhaite se rendre dans des lieux qu'il a déjà découverts par lui-même[24].

Narration et activités annexes

Le jeu ne propose pas de chapitre distinct mais une trame narrative plus adaptée à la structure d'un monde ouvert[25]. Le jeu met l'accent sur la portée narrative des décisions du joueur. En choisissant parmi plusieurs options, telles qu'utiliser la négociation ou bien la violence pour se sortir de certaines situations, le joueur façonne les retombées positives ou négatives de ses actes et la fin du jeu qui va lui être associée, parmi 36 fins possibles[10]. Le déroulement des quêtes prend en compte la progression du joueur : une mission peut consister en un personnage non-joueur (PNJ) chargeant Geralt de retrouver une personne disparue, mais si Geralt a déjà rencontré cette personne et discuté avec elle, les étapes suivantes de la quête s'adapteront et tiendront compte de ce que le joueur a déjà accompli. Idem s'il s'agit de récupérer un objet, à l'image de la quête « Le démon près du puits », qui charge Geralt de récupérer un anneau dans un puits : dans la plupart des jeux de rôle, le puits en question serait scellé jusqu'à ce que la quête soit entamée, pour éviter toute incohérence au cas où le joueur chercherait à s'y infiltrer plus tôt ; mais l'équipe de CD Projekt Red préfère éviter une telle inconsistance et prépare à la place des ramifications supplémentaires de la quête, pour le cas où Geralt trouverait l'anneau avant de se voir mandaté de partir à sa recherche[26]. Il est aussi possible d'incarner le personnage de Ciri, la fille de Geralt, dans de courtes séquences où l'on peut user de son pouvoir de téléportation[27].

Lorsque le joueur parcourt la carte de jeu, des zones d'intérêt en forme de point d'interrogation apparaissent sur celle-ci : antres de monstres, trésors cachés ou encore camps de bandits qui restent voilés de mystère jusqu'à l'arrivée de Geralt. La plupart d'entre eux sont situés hors des sentiers battus et des lieux auxquels s'attachent les quêtes principales, ce qui invite à la prise d'initiative et à l'exploration de la totalité de la carte[28]. De manière générale, il est toujours possible de trouver des idées d'occupations en allant consulter les panneaux situés sur la place publique de chaque village, où les habitants affichent des requêtes que Geralt peut choisir de satisfaire[26].

Au fur et à mesure que les jours passent dans la diégèse, la barbe et la chevelure de Geralt poussent et peuvent être taillés en se rendant chez l'un des nombreux barbiers établis dans les villes du jeu[29].

En parallèle, le joueur a la possibilité d'engager avec les PNJ des parties de « gwent », un jeu de cartes mentionné dans les livres comme étant propre aux nains[18]. Au fur et à mesure de ses victoires personnelles, on peut accumuler plusieurs decks de cartes aux couleurs des personnages et de la faune propres à l'univers du Witcher ; un dernier deck est ajouté par le biais de l'extension Blood and Wine. Un des trophées du jeu récompense le joueur qui parvient à tous les accumuler dans une même sauvegarde[30]. Lorsque l'obtention d'une carte est liée à une quête lors d'une étape unique et non-reconductible, les développeurs s'arrangent pour qu'il soit toujours possible de retrouver ladite carte plus tard. Ainsi d'un écrivain de guerre croisé à Blanchefleur, dans le prologue, et qui propose à Geralt de partager une partie, lequel le prévient qu'il risque de se faire détrousser pour ses chaussures s'il poursuit sa route : une fois arrivé à Velen, le joueur pourra retrouver son cadavre pendu à un arbre et dépouillé de ses chaussures, tandis que ses affaires, dont la fameuse carte de gwent unique, sont trouvables dans l'herbe en contrebas[18].

Une nouvelle référence dans le monde ouvert

La carte du jeu propose d'explorer les zones de Redania et d'une partie de la Temeria (au centre), de Skellige (à l'ouest), de Kaedwen (nord-est) et de Toussaint (sud-est).

La taille de la carte de jeu bénéficie des progrès techniques apportés par un nouveau moteur de jeu : tandis que les deux premiers opus proposaient un monde semi-ouvert, découpé en petites régions aux frontières bien délimitées dans lesquelles le joueur pouvait déambuler librement, The Witcher 3 propose dans la région de Velen un monde immense entièrement ouvert, que jouxtent quelques régions séparées et de taille variable, tels que le palais de Wyzima qui n'intéresse l'intrigue qu'à quelques reprises, l'archipel de Skellige, ou bien la région de Toussaint ajoutée par l'extension Blood and Wine. La taille de la carte, en prenant en compte toutes les zones jouables à l'exception du duché de Toussaint qui ne fut ajouté que plus tard, avoisine les 136 km2. Ces chiffres sont alors inédits et font du jeu la nouvelle référence des jeux en monde ouvert, en détrônant d'autres grands succès commerciaux aux cartes de jeu considérables tels que Grand Theft Auto V (81 km2), Far Cry 4 (46 km2), Red Dead Redemption (41 km2), The Elder Scrolls V: Skyrim (39 km2) ou encore Grand Theft Auto: San Andreas (36 km2)[31].

Le monde ouvert présente différents écosystèmes pour lesquels les développeurs ont cherché inspiration dans des paysages réels, en particulier les panoramas typiques d'Europe du Nord. Ce sont des traités historiques d'architecture d'Europe centrale et de l'Est qui servent de base à leurs recherches sur le style des bâtiments[32]. Les intérieurs des maisons sont commandités aux level designers pour être conçus en deux semaines ; de fait, ceux-ci se lancent dans une compétition pour réaliser les meilleurs décors intérieurs, en recyclant la plupart des assets (étagères, tables garnie de plats...)[24]. Aucun endroit n'est cependant représenté en toute exactitude et à échelle similaire, d'une part parce que l'univers se veut fantastique, et d'autre part et surtout, parce que chaque lieu n'est créé qu'en prenant en compte sa cohésion avec les mécaniques de gameplay et de level design[21].

  • La région de Velen et du no man's land, construite autour des mots d'ordre « désespoir, faim et absence d'espoir[Note 3] », se base grandement sur la campagne polonaise, riche de bois et de marécages, notamment ses villages et ses châteaux[33]. C'est d'ailleurs pour refléter immédiatement cette ambiance crépusculaire que l'entrée de Geralt dans la région s'effectue en passant sous un arbre aux pendus[21].
  • La forteresse de Kaer Morhen, fief des sorceleurs, avait déjà été modélisée dans The Witcher ; les développeurs s'aident donc de leurs travaux précédents, à la grande satisfaction de joueurs qui souhaitaient y retourner[21].
  • Novigrad pourrait tenir de la vieille ville de Varsovie, détruite par la guerre puis reconstruite[34], mais sa représentation s'inspire aussi des villes portuaires d'Amsterdam et de Gdańsk[35].
  • L'archipel de Skellige ressemble fortement à la Scandinavie[35] mais est aussi inspiré par l'Irlande et l'Écosse[21] et emprunte son nom aux îles Skellig[36], en plus d'accorder aux personnages locaux l'accent irlandais[37] et de puiser quelques inspirations de quêtes dans le folklore national. Les noms des clans de Skellig présentés dans le jeu proviennent d'ailleurs de l'irlandais : An Craites signifie « hanté » et Tuirseachs signifie « fatigué ». L'architecture et les croyances religieuses locales se rapprochent cependant davantage de celles des Vikings. D'après Cian Maher du site Eurogamer, la discrimination dont souffrent les habitants de Skellige par la faute des Royaumes du Nord reflète également les stéréotypes liés aux Irlandais, associés à l'ivresse et à l'insouciance[36].
  • Le duché de Toussaint ajouté par l'extension Blood and Wine est déjà mentionné à plusieurs reprises dans les livres de Sapkowski, mais son manque de représentation laisse le champ libre aux artistes environnementaux de CD Projekt. Ceux-ci s'amusent à quitter les sentiers battus de la mythologie slave pour proposer une contrée ensoleillée et luxuriante, calquée sur des images du sud de la France et de l'Italie, intégrant de forts accents féériques[38]. Toussaint se distingue des autres territoires que parcourt le sorceleur par sa météo clémente, et la joie de vivre qui y règne. Les designers usent certains des lieux mentionnés dans les livres pour aiguiller la cartographie des rues de la capitale : le Mont Gorgon, qui surplombe les vallées verdoyantes du duché, et le palais, en retrait sur les pentes, ainsi que le temple, autant de monuments à utiliser comme points de repère pour se repérer une fois en ville[39]. Pour distinguer Beauclair, la capitale du duché, de la grande ville de Novigrad, l'accent est porté sur la verticalité de l'exploration : depuis le port et les quartiers bas, plus pauvres, jusqu'aux maisons bourgeoises et au château situé en hauteur[39], des districts aux ambiances et aux altitudes bien distinctes sont conçus de manière à faire de Beauclair un véritable panorama touristique, à admirer depuis le lointain. Les routes sinueuses qui parsèment la campagne sont ensuite créées au départ de la capitale pour s'éloigner et accueillir les points d'intérêt qui seront le départ des aventures de Geralt[38]. La taille de ressources nécessaires pour afficher chaque détail de la ville est cependant immense. De nombreuses astuces sont alors trouvées pour complexifier la visibilité vers l'horizon : par itération, la hauteur des bâtiments est relevée, des arches, des étals sur le marché et autres constructions sont ainsi ajoutés pour réduire la ligne de vue et éviter au moteur de jeu de consommer trop de mémoire en tentant d'afficher des panoramas plus lointains[39].

La végétation est étudiée et reproduite dans ses moindres détails, comme le type de plantes poussant selon un sol forestier et une luminosité donnés[40]. Leur apparition n'est pas aléatoire et dépend de leur proximité avec des éléments géologiques tels qu'un ruisseau ou un champ cultivé, reproduisant fidèlement le monde réel et facilitant l'immersion du joueur[40]. Certaines plantes ne seront trouvables que sous l'eau ou au sommet des montagnes, de même que des créatures comme les griffons ne seront visibles qu'en altitude, tandis que les nixes nekkers » en version francophone) resteront sous la couverture des bois[21]. La présence des monstres variera également selon l'heure du jour ou de la nuit, puisque leur cycle de vie en dépend[18]. Une attention jusque-là inédite dans un jeu vidéo est portée à l'implémentation de la végétation, à l'exemple du sol forestier, dont la composition des herbes varie selon l'intensité de leur exposition au soleil (entre des fougères à l'ombre et des hellébores plus au soleil), ou visible dans les paysages sculptés par la main de l'homme, comme les champs de Novigrad aux étendues disparates que délimitent de petits sentiers de terre, ou bien dans la campagne de Toussaint, qui accueille aussi bien des rangées ordonnées de vignes que des mers de tournesols. L'extension Blood and Wine se rapproche plus particulièrement des contrées méditerranéennes et fait notamment ressentir ses influences par la multitude de plants de vigne, d'oliviers et de lierre sur les bâtisses[40]. La luxuriance de la végétation en certains points, comme à l'est de la ville de Novigrad, permet à certains protaganistes tels que l'espion Vernon Roche de chercher refuge pour de longs mois, ce qui paraît faire écho au mode de vie des résistants de l'insurrection polonaise de 1861-1864[19].

Durées moyennes du jeu

Le jeu est conçu par ses créateurs pour proposer une quête principale durant une cinquantaine d'heures, accompagnée d'intrigues secondaires qui portent le tout à cent ou cent-vingt heures de contenu[12].

Durées moyennes du jeu d'après HowLongToBeat.com
Scénario principal En prenant son temps Accomplissement intégral
Édition initiale[41] 49 heures 102 heures 169 heures
Extension Hearts of Stone[42] 9,5 heures 14 heures 18 heures
Extension Blood and Wine[43] 15,5 heures 28,5 heures 41,5 heures
Édition Jeu de l'année[44] 50,5 heures 128 heures 191 heures

Bande originale

The Witcher 3

Bande originale
Sortie 2015
Compositeur Marcin Przybyłowicz
Mikołaj Stroiński

La bande-son du jeu est accueillie très favorablement par les critiques et se distingue par son fort usage de sons et de chants slaves, parfois à base de lamentations de femmes, notamment dans les thèmes accompagnant les phases de combat[45]. Elle est enregistrée à Francfort-sur-l'Oder par le Brandenburg State Orchestra sous la direction de Bernd Ruf[46]. Les sons de bataille, de canons, de flèches décochées, le cliquetis des troupes marchant en armure et d'un forgeron à l'œuvre sont introuvables dans les bibliothèques de sons et sont donc captés lors d'une reconstitution de la bataille de Grunwald. Pour refléter l'écho et le bruit étouffé des heaumes sur la voix des soldats et plutôt que de maquiller le son avec des égaliseurs, leurs dialogues sont enregistrés en déposant un casque sur le micro. Les sons plus précis d'une épée sortie de son fourreau, de gravier, ou d'étoffe de vêtement que l'on effleure sont enregistrés en studio. Les bruits ambiants accompagnant Geralt lorsque celui-ci chevauche Ablette ou traverse une rivière, quant à eux, varient selon la météorologie et sont par exemple atténués si une tempête fait rage ou si le vent souffle. L'équipe son a à cœur de proposer une expérience authentique, « brutale, crue, et capable de faire frissonner tout entier à l'écoute[Note 4] »[46].

Lors d'une conférence à la Game Developers Conference 2016, Marcin Przybyłowicz et le compositeur indépendant Mikołaj Stroiński reviennent sur la production des musiques du jeu, caractérisées par le défi de faire le lien entre le passé de la franchise, marqué par de très nombreuses adaptations plus ou moins réussies, et les ambitions actuelles du studio. Pour redéfinir le style musical du jeu, les compositeurs se penchent sur la manière d'exprimer le folklore slave, la maturité et l'ambivalence morale de l'histoire et le caractère à la fois intime et épique de la narration[45].

Les sons typiques de combat et des armes sont enregistrés lors d'une reconstitution de la bataille de Grunwald.

Durant la préproduction, l'équipe conçoit trois piliers d'ambiances musicales différentes : des airs de musique folklorique slave, d'Écosse et d'Irlande[47] ; des sons plus contemporains et familiers aux oreilles des auditeurs aguerris aux œuvres de fiction autour du monde médiéval[47] ; et des mélodies et des leitmotifs d'illustration d'ambiances ou de cinématiques, permettant de créer une musique qui paraisse linéaire, alors même que l'environnement en monde ouvert du jeu est non-linéaire. Elle conçoit son propre système de musique adaptable, et délaisse au passage la bibliothèque de gestion de sons FMOD pour le moteur audio interactif Wwise. Un écueil qu'elle cherche à éviter : refléter la taille du monde de jeu, et donc de la bande originale, dans les coûts de production. Des airs thématiques sont ensuite fixés : le jeu reprendra les titres déjà existants de Witcher 1 avec le Main Theme Thème principal ») et de Witcher 2 avec Lodge of Sorceresses La Loge des magiciennes ») et Assassins of Kings Assassins de rois »), et y ajoutera des airs autour des thèmes d'Eredin et de la Chasse sauvage, d'Emhyr et du Nilgaard, de Ciri, des amours de Geralt, du Baron sanglant, des Moires, des chasseurs de sorcière et des elfes[45].

Les compositeurs approchent ensuite plusieurs musiciens spécialisés dans la musique slave pour les aider et qui posséderaient déjà des instruments anciens se prêtant à ce type de musique[46], parmi lesquels le groupe Percival. La différence de parcours entre les artistes de CD Projekt, ayant suivi une formation de musique classique, et les autodidactes de Percival entraîne cependant des tensions au début de leur collaboration : tous ne maîtrisent pas la même terminologie, et les retards entraînés par le manque de cohésion signifient une perte d'argent pour la production. Przybyłowicz finit par renoncer à ses rigoureux travaux préparatoires et les invite à une jam session qui les lance enfin sur les bons rails et leur permet de créer un contenu musical de qualité[45]. D'autres musiciens indépendants sont recrutés : Robert Janowski et Amir Yaghmau qui sont multi-instrumentistes, Andrew Duckles comme soliste à l’alto et Jenny Tamakatsu au violon[48].

Des instruments d'origines très variées, loin de se limiter au monde slave, produisent les sons les plus reconnaissables de la palette du Witcher 3 : le bağlama turc ou saz constitue le principal instrument à cordes pincées, et c'est un kamânche du Moyen-Orient qui confère la tension à certains des thèmes réguliers. Les instruments sont construits par les artistes eux-mêmes à l'aide de l'iconographie médiévale, en usant de matériaux les plus fidèles possible. Une vielle à roue, typique de l'Europe de l'Est, est notamment construite sur mesure pour incorporer sept cordes et non les trois habituelles, ce qui lui confère une portée plus large, plus crue, plus « démoniaque ». Un gousli, typique de Russie et d'Ukraine, est également conçu à partir de restes archéologiques datant du XIIe siècle trouvés dans la ville polonaise de Gdańsk[45]. Parmi d'autres instruments utilisés : les uilleann pipes[47], le tambour yaylı, le ghaychak, le bouzouki, le luth, le dulcimer, des flûtes médiévales et des tin whistles, des violoncelles électriques et acoustiques et un violon soliste sans compter de nombreux chants[45].

Les sessions d'enregistrement s'étalent entre Varsovie (où se trouvent Przybyłowicz et Percival) et Los Angeles (où réside Mikołaj Stroiński et où sera créé le master de la bande-son)[48], les deux chefs de projet se relayant malgré le décalage horaire pour faire avancer la musique chacun de leur côté[48]. The Witcher 3 est alors à un stade « fonctionnel », ce qui permet de fournir aux artistes freelance nombre de sources d'inspiration, à commencer par des démonstrations de gameplay ou des concept arts. Les compositeurs doivent prendre en compte la tonalité particulière des instruments, que leur impose l'époque à laquelle ceux-ci ont été conçus. La très grande majorité de la bande-son est ainsi composée en ré mineur, et agrémentée de quelques plus rares notes en sol mineur, ce qui contraint les artistes à se concentrer sur les altérations de rythme pour être en mesure de proposer des variations dans les mélodies. Le choix est fait de donner aux instruments libre cours à toute leur palette, et l'usage de grandes compositions orchestrales est ainsi délaissé, au profit des solos qui deviennent le cœur de la musique. Le recours aux jam sessions et aux improvisions permet d'ailleurs d'obtenir des sons inattendus mais bienvenus, qui pour certains viendront soutenir le fond phonique des tavernes ou bien servir d'indice sonore dans le mini-jeu du gwent[45].

Une fois le contenu musical enregistré, les compositeurs s'attachent à relier une mélodie particulière à chaque ambiance ou lieu important du jeu, mais aussi à en créer sur mesure pour toutes les cinématiques, tout en veillant à ne pas sacrifier la valeur artistique de la musique au nom d'une implémentation sans reproche. Le processus d'enregistrement et d'installation prendra six mois dans sa totalité. Un prototype est réalisé avec l'aide d'un programmeur audio et du concepteur de quêtes senior de CD Projekt, mais tout le travail d'implantation en jeu est réalisé par un seul employé en la personne de Przybyłowicz[45].

À ces albums s'ajoutent quelques titres indépendants comme Lullaby of Woe, composée par Marcin Przybyłowicz et qui illustre la bande-annonce du jeu mettant en scène une brouxe[49], et Wolven Storm (aussi connue sous le nom de Priscilla's Song), également créée par Przybyłowicz[50].

Une trentaine de titre musicaux issus du jeu de base et des deux extensions sont interprétés en 2016 au Film Music Festival de Cracovie face à un grand écran où défilent des images tirées du jeu ; la captation du concert est ensuite mise en ligne et distribuée sur GOG.com, la plateforme de distribution de CD Projekt[51].

Doublage et cinématiques

Les acteurs britannique Charles Dance et irlandais Allen Leech interprètent respectivement l'empereur Emhyr var Emreis et Hjalmar Gueule-en-Coin, fils du jarl de Skellige, en version anglophone.

Près de 500 doubleurs sont mobilisés pour donner voix aux sept versions du jeu totalement doublées en langue étrangère (y compris la chanson interprétée par le personnage de Priscilla), sur un total de quinze versions : polonais, anglais, français, allemand, russe, japonais, portugais brésilien[52],[45], auxquels s'ajoutent à l'écrit l'espagnol, l'espagnol sud-américain, le coréen, le chinois, le tchèque, le hongrois et l'arabe, puis le turc dans l'édition Game of the Year. En Chine ou au Japon, l'entièreté des doubleurs disponibles est mobilisée et nombreux sont ceux qui recyclent leur voix dans des personnages d'arrière-plan tels que les mendiants croisés en ville. Des comédiens enfants sont aussi engagés, supervisés par leurs parents, ce qui fait craindre aux chargés de localisation que les adultes n'interrompent soudain les séances de doublage pour éviter aux enfants d'être choqués par les thèmes abordés[53]. Ce sont aussi 15 000 lignes de dialogue qui sont rédigées et enregistrées pour donner vie aux personnages non-joueurs s'exprimant au passage de Geralt[24].

L’attribution d’accents aux personnages est finement étudiée et tient compte des décisions prises pour les deux jeux précédents. Les créatures surnaturelles intelligentes, telles que les Moires du marais, sont ainsi dotées de l'accent gallois. Novigrad, la plus grande ville du jeu, propre au melting-pot, use de l'accent londonien. Puisque les habitants de Kaedwen avaient déjà reçu dans The Witcher 2 l'accent d'Irlande du Sud, celui propre à Skellige est basé sur la diction des acteurs nord-irlandais Liam Neeson et James Nesbitt. Pour le duché de Toussaint, étant donné que les accents majeurs européens que sont l'anglais, l'italien, le français, l'allemand et l'espagnol ont déjà été parodiés à loisir, c’est le danois qui est sélectionné[53].

Parmi les comédiens de doublage notables, l'acteur de cinéma Charles Dance, connu pour son interprétation de personnages austères et impérieux tels que Tywin Lannister dans la série télévisée Game of Thrones, prête sa voix à la version anglophone de l'empereur Emhyr var Emreis[54]. L'Irlandais Allen Leech, rendu célèbre par son rôle d'un domestique idéaliste et revendicateur dans Downton Abbey, interprète quant à lui l'insulaire Hjalmar Gueule-en-Coin (« Hjalmar an Craite » en version originale anglophone) dans la même version[55].

The Witcher 3 contient plus de 2.5 h de cinématiques et plus de 35 h de dialogues. Du fait du coût de tournage important des cinématiques, qui ne sont pas réutilisables et nécessitent des équipes très spécialisées, des efforts particuliers sont portés sur l'écriture de dialogues dits « cinématiques ». Ces phases durant lesquelles le joueur détermine la suite d'une conversation recyclent des assets déjà créés, sans pour autant briser l'immersion narrative amenée par les cinématiques : les logiciels utilisés en post-production permettent de modifier l'insertion dans une frise chronologique, d'étaler sur la longueur ou d'accélérer des expressions faciales ou des gestes pré-enregistrés par des acteurs. 2400 animations sont ainsi créées et utilisées à loisir, à partir d'attitudes-types (« debout et déterminé », « assis et agressif ») même si leur adaptation sur les différents types de personnages (animer un guerrier géant ou bien un nain) reste délicate. Dans les versions localisées en langues étrangères, cette gestion des dialogues cinématiques permet de garder synchronisés les doublages et les animations des personnages, puisque la durée et le départ de chaque animation sont liés proportionnellement au son qui les accompagne[56].

Le placement de la caméra est la plupart du temps régi manuellement, notamment dans les scènes d'action où il « suffit » de lui faire suivre les objets en mouvement, mais dans les scènes où les personnages sont immobiles, l'appui d'un logiciel se révèle être un atout. En se basant sur les fichiers son correspondant à chaque voix, celui-ci peut déterminer et exécuter des angles possibles de prises de vue dans une zone de 180 degrés. Dans la scène d'exposition de Yennefer, cependant, un travail attentif et inhabituel est réalisé pour montrer le côté humain de Geralt : lorsqu'il prend son bain dans le donjon de Kaer Morhen, plutôt que de tourner autour de lui selon les règles classiques, la caméra se place entre ses jambes pour révéler sa vulnérabilité[18].

Références externes dans le jeu

Comme tout jeu des années 2010 à grand contenu, The Witcher 3 ne manque pas de références et de clins d'œil à des éléments de la culture populaire. Une île sur Skellige propose ainsi à la visite un château délabré dont l'une des pièces, béante sur la mer, abrite un cadavre ressemblant fort à Tyrion Lannister tel qu'interprété par Peter Dinklage dans Game of Thrones, et évoque plus particulièrement une scène où le personnage se retrouve enfermé dans une cellule dont un bord donne sur le vide. À Velen, l'entrée d'une grotte de mauvais augure abrite un lapin gambadant au milieu de squelettes et de crânes, en référence au « lapin tueur » du film Monty Python : Sacré Graal !. Dans l'extension Blood and Wine, il est possible après un combat contre un géant de se reposer à un feu de camp dans les braises duquel est plantée une épée, en référence à Dark Souls. Dans une autre quête prenant place à la banque de Beauclair, Geralt se voit contraint de suivre de nombreuses et pénibles tribulations administratives parmi lesquelles remplir le « formulaire A 38 » pour obtenir gain de cause, une corvée extraite du film d'animation Les Douze Travaux d'Astérix. En référence à la série télévisée Doctor Who et à ses personnages de Weeping Angels anges pleureurs »), il est aussi possible de trouver dans la région de Velen une chapelle dont les deux statues à l'entrée se déplacent et se rapprochent du joueur lorsque celui-ci leur tourne le dos[57]. D'autres références sont faites à Kill Bill (un maître forgeron du jeu est nommé Hattori, comme le personnage qui façonne l'épée de l'héroïne du film), Solaris (dans les mondes que Geralt explore avec Avallac'h, ils découvrent une étendue désertique qu'occupait autrefois un océan), le personnage de comics du Joker (Letho mentionne un homme dont les méthodes de torture et le visage défiguré lui sont similaires), et des dialogues reprennent certaines répliques ou expressions de Pulp Fiction, Fight Club, Snatch : Tu braques ou tu raques et Material Girl[57]. Enfin, les eaux de Skellige dissimulent un bateau fantôme qui n'apparaît qu'à certaines heures de la nuit pendant quelques secondes avant de se fondre dans l'eau[58].

Gare à qui s'acharnera sur des vaches et provoquera l'intervention des « forces de défense bovines ».

Mais les dédicaces au propre univers de CD Projekt Red ne manquent pas non plus. Une quête sur Skellige mène ainsi Geralt à se retrouver enfermé dans une tour, derrière un portail. Le mage qui le guide pour s'échapper lui demande, pour contrer la sécurité nommée Defensive Regulatory Magicon (DRM), de retrouver un grimoire intitulé Gottfried's Omni-opening Grimoire (GOG). Celui-ci arbore d'ailleurs pour couverture les lettres composant le site web, et sa lecture révèle une anecdote sur les capacités de GOG à désactiver ou contourner des DRM[57].

L'extension Hearts of Stone ajoute un personnage de « collecteur de taxes » dans Novigrad, qui interroge Geralt sur la légalité de ses bénéfices. Sa présence est en fait un clin d'œil à certaines mécaniques mal balancées lors de la sortie du jeu, depuis effacées dans des mises à jour, qui permettaient aux joueurs d'amasser rapidement de l'argent en abattant des vaches ou en récupérant des perles dans des coquillages. Si Geralt s'est livré à ces mauvaises habitudes avant de rencontrer le collecteur, celui-ci lui annoncera une amende importante, avant de lui laisser la possibilité de s'en tirer sans ennui s'il promet ne jamais avoir contourné la loi[59]. CD Projekt avait déjà adressé la stratégie d'élimination des vaches pour revendre leur peau à prix d'or dans une mise à jour, qui annonçait le déploiement de la Bovine Defense Force Initiative Initiative de forces de défense bovines ») : à compter de cet ajout, tout joueur provoquant une hécatombe de vaches dans les élevages de Blanchefleur subit l'arrivée soudaine et le courroux d'une bête colossale et très difficile à vaincre pour les plus petits niveaux[60].

À l'ajout de la dernière extension, Blood and Wine, un joueur explorant la carte du jeu en caméra libre découvre notamment qu'à la cime d'une des montagnes de Toussaint, l'équipe de CD Projekt a déposé un chevalet qui laisse apparaître à l'approche du joueur une photo de groupe de tous les employés du studio[61].

Thèmes

Maturité de l'héritage polonais

« Le fait que nous soyons originaires de pays post-communistes a une influence indéniable sur nos jeux. »

 Marcin Iwiński, co-fondateur de CD Projekt[35].

La forêt de Białowieża en Pologne, témoin aux XIVe et XVe siècles de conflits entre paysans et nobles, résonne avec les luttes politiques au sein du jeu entre rebelles se cachant dans la végétation et régimes cherchant à les en déloger[19].

The Witcher 3 est le premier jeu à s'attacher à dépeindre la Pologne rurale aux temps médiévaux[35], et intègre ce faisant l'héritage historique qu'ont reçu les développeurs polonais : la mythologie et les contes de fées du folklore régional, mais aussi toute la dimension de racisme, de guerre et de génocide attachée à Varsovie, où est situé le studio principal de CD Projekt[34]. Aux côtés de productions ukrainiennes comme STALKER: Shadow of Chernobyl (2007) et Metro 2033 (2010) ou du jeu indépendant dystopique Papers, Please (2013), empreints du passif communiste de l'Europe de l'Est, The Witcher 3 adopte un regard lugubre, pessimiste mais franc sur les malheurs de la vie[62].

Au contraire des jeux de rôle américains ou japonais, les décisions morales auxquelles le joueur se retrouve confronté sont rarement gratifiantes et ne proposent pas de distinction claire entre le bien et le mal, à l'image des écrits de Sapkowski[62]. Une scène dans une taverne dépeint ainsi des soldats en train d'ennuyer des clients ; si Geralt décide d'intervenir et d'anéantir les importuns, dans un système de jeu similaire à celui de Skyrim, les civils réagiraient probablement favorablement à ses actions, et iraient peut-être même jusqu'à le consacrer comme un héros. Dans The Witcher 3, cependant, les témoins jugent au contraire cette réaction abominable et digne du « monstre » pour lequel passe Geralt[35]. Une grande partie des quêtes secondaires inclut d'ailleurs des composantes de trahison, d'adultère ou bien des fins tragiques. L'une d'elles propose par exemple d'apporter une perle noire à une femme de la part de son époux ; dans des jeux plus classiques, l'épilogue serait heureux et verrait les deux amants réunis dans l'harmonie retrouvée ; dans The Witcher 3, pourtant, le joueur découvre que la femme souffre de démence et que ce don d'une perle était en réalité une énième tentative de son mari pour vérifier si elle serait capable de le reconnaître[35].

Le jeu se distingue également par sa représentation ouverte de la sexualité de ses personnages, bien que certains corps soient floutés dans les versions arabe et japonaise du jeu. D'après Marcin Iwiński, elle participe du caractère contemporain du monde de jeu, derrière le déguisement des robes magiques et du contexte médiéval. Des cinématiques explicites montrent des corps nus en train de s'enlacer, et des allusions moins sérieuses émaillent les dialogues, à l'image de la licorne en peluche que Geralt et Yennefer incorporent dans leurs ébats[35]. C'est la profondeur de développement narratif associée à ces scènes qui se révèle précieuse : « [la sexualité] exprime une certaine profondeur de relation entre des personnages. Ou bien elle peut servir à se détendre et à relâcher de la tension. Elle peut montrer la nature réelle d'une personne, si celle-ci est perverse. Elle peut montrer une véritable monstruosité. Elle résonne avec ce que nous voyons autour de nous[Note 5] », avance ainsi le co-fondateur du studio[35].

Guerre et survie

La guerre et le conflit sont perméables à chaque instant de l'intrigue, à travers le no man's land de Velen dévastée, la chasse aux magiciennes à Novigrad ou encore les problèmes de succession sur Skellige. Des réfugiés campent sur le bord des routes, des charniers parsèment le paysage et des corps pendent aux arbres tandis que des panonceaux égrènent les crimes de désertion ou de pillage dont les châtiés se sont rendus coupables[63]. Ces tranches de vie sont dissociées des quêtes et ne se découvrent qu'en déambulant parmi ces villages dont les bâtiments sont parfois plus nombreux que les habitants toujours debout[64]. Mais The Witcher 3 fait preuve d'un regard neuf et plus crédible que la majorité des jeux vidéo, qui ont tendance à tourner la guerre en divertissement : dans la diégèse, nombreux sont les soldats que croise Geralt qui relèvent pour définir la guerre : « de l'ennui et de l'attente, ponctués par quelques périodes de folie furieuse[Note 6],[63] ».

Fait rare, aucun parti n'est représenté de manière manichéenne. Un passage du jeu rend Geralt témoin d'une rencontre entre un fermier et un officier qui vient réquisitionner du seigle : le soldat montre ses mains calleuses, signe de sa propre expérience aux champs et de sa compassion pour la vie agricole, et de générosité accepte moins que ce que le fermier aurait été prêt à remettre. Or, c'est finalement ce dernier qui fera preuve de cruauté en ne versant que des grains avariés au régiment, ce qui lui vaudra d'être fouetté. Plus globalement, le jeu dépeint les habitants des Royaumes du Nord comme des humains tentant simplement de poursuivre leur existence : les civils suivent leurs coutumes tout en se soumettant au pouvoir en place, tandis que les soldats veulent faire régner l'ordre et insistent pour remplir les mêmes obligations administratives qu'en temps de paix[63].

Folklore slave

Nachtmahr (Cauchemar) de Johann Heinrich Füssli représente un alp bien différent de ceux rencontrés dans le jeu.

Le vocabulaire et le bestiaire du Witcher 3 laissent peu de doute quant à certaines inspirations des artistes : Geralt croise un personnage nommé Pellar sur l'île de Fyke dont le nom en version originale (Guślarz) est un synonyme des volkhves, ces magiciens slaves possédant des pouvoirs surnaturels et des connaissances en traitements par les herbes[33], et fait référence à une œuvre de fiction très importante dans la culture polonaise[53]. Au-delà des créatures assez répandues dans la fantasy que sont les dragons ou les vampires, le bestiaire du jeu fait également appel à de nombreuses figures plus typiques d'Europe de l'Est et du nord : liéchis leshen » dans la version francophone du jeu), alps, poroniec couvin » dans la version francophone du jeu), poliéviks spectres de midi » dans la version francophone du jeu), guerriers de la chasse fantastique, succubes et « vierges de la peste » (héritières de Pesta, la personnification scandinavienne de la peste) font ainsi partie des nombreux monstres croisés dans les Royaumes du nord. Certaines d'entre elles s'éloignent pourtant de leur représentation classique : les alps du jeu sont des femelles aux courbes sensuelles, non ces petits êtres ténébreux rendus célèbres par le tableau Cauchemar qui étouffent leurs victimes en écrasant lentement leur cage thoracique[65].

Pan Twardowski face au diable (dans une illustration de Michał Elwiro Andriolli) : le modèle d'Olgierd von Everec et de Gaunter de Meuré.

L'extension Hearts of Stone introduit quant à elle le personnage de Olgierd von Everec, calqué sur la légende de Pan Twardowski et dont le nom, les vêtements et le sabre à l'orientale, et la coupe de cheveux rappellent fortement les aristocrates polonais des XVIe siècle et XVIIe siècle. Dans le jeu, Olgierd passe un pacte avec Gaunter de Meuré, entité mystérieuse aux immenses pouvoirs, qui rend Olgierd immortel et lui donne richesses et pouvoir, en échange de la mort de son frère, et finalement de l'âme d'Olgierd, que Meuré ne pourra néanmoins collecter que lorsque les deux marcheront « sur la lune ». Meuré finit par attirer Olgierd dans un temple où une mosaïque sur le sol représente la lune, ce qui remplit les conditions du contrat et voue Olgierd à une fin terrible, d'une manière similaire à l'auberge s'appelant « Rome » dans la légende de Twardowski[33].

Cette même extension projette le joueur dans 24 heures de la vie d'un mariage polonais, avec la diversité d'activités et de personnages qui lui sont inhérents, sur le modèle de la pièce de théâtre et du film Les Noces. L'œuvre originale de Stanisław Wyspiański dépeint la fête comme le point de rencontre de personnalités et d'enjeux multiples, ce que reprend le jeu en faisant s'y superposer des activités triviales, à l'image des jeux dans l'enclos des cochons, avec des actions plus signifiantes, en particulier en apprendre davantage sur Gaunter de Meuré[33].

Contes de fée

L'extension Blood and Wine s'attache particulièrement à rendre compte d'une atmosphère féérique[38] lors d'une quête prenant place dans un monde issu de fables et multiplie les références aux contes de fée les plus célèbres, bien que de manière souvent sinistre voire sordide :

  • Jack et le Haricot magique : la quête principale dans cette région consiste à en sortir. Pour ce faire le joueur doit trouver trois haricots magiques — qui ont été dispersés pour empêcher Syanna de fuir — afin de grimper dans les nuages, au sommet desquels Geralt devra faire face à un géant pour atteindre la sortie du monde enchanté[57] ;
  • Le Garçon qui criait au loup : on peut le secourir d'une horde de loups pour tenter (avec difficulté) d'en obtenir des informations sur la localisation des haricots[57] ;
  • Raiponce : détentrice d'un des haricots, on la retrouve pendue par une corde tressée de ses propres cheveux au dernier étage de la tour qui domine la vallée[57] ;
  • Le Petit Chaperon rouge : là encore, on n'en croise que le cadavre après que le Grand Méchant Loup, ivre, s'en fût débarrassé (ainsi que du chasseur) en la jetant au fond d'un puits. Il faut récupérer sa cape rouge pour obtenir du loup un des haricots[57] ;
  • Les Trois Petits Cochons : portant de petits chapeaux et en possession d'un haricot, ils sont installés dans une maisonnette de briques (qu'il est possible de souffler avec le signe Aard) sise à côté des vestiges de constructions en paille et en bois[57] ;
  • Boucles d'or et les Trois Ours : une caverne abrite, outre un cadavre de jeune fille, trois ours que l'on peut trouver dans trois lits confortables autour d'une tablée ornée de mets ; les ours se réveillent et attaquent si le joueur touche à leur nourriture[57] ;
  • La Petite Fille aux allumettes : on la retrouve dans un village en train de vendre de la drogue, puisque de ses propres dires, l'époque n'est plus propice à la vente d'allumettes[57] ;
  • Hansel et Gretel : Syanna tente de sauver Hansel des griffes de la Méchante Sorcière à l'entrée du monde féérique[57] ;
  • Le Joueur de flûte : peut être croisé aléatoirement sur les chemins du monde féérique, il est représenté comme un homme habillé en troubadour, jouant de la flûte et suivi par une demi-douzaine de rats ;
  • La Petite Poucette : minuscule petite fille se promenant dans un domaine de même taille entre le village de La Petite Fille aux allumettes et la tour de Raiponce. Si le joueur lui marche dessus Geralt l'écrase et la tue, s'ensuit une réplique de Syanna lui reprochant d'avoir tué son conte préféré.

L'ensemble est complété par l'arc-en-ciel, au bout duquel se trouve un chaudron magique, comme dans les légendes de leprechauns[57].

Développement

L'ambition d'un « RPG européen »

Le studio CD Projekt Red est situé à Varsovie, capitale de la Pologne, dont l'histoire récente marquée par la guerre va inspirer l'ambiance du Witcher 3.

Après les succès domestiques et internationaux de The Witcher (2007) et The Witcher 2: Assassins of Kings (2011), CD Projekt RED a pour ambition de faire un jeu qui rivalise avec les plus grandes licences des studios Square Enix ou BioWare, et d'inscrire le « RPG européen » comme un genre à respecter autant que les jeux de rôle japonais (Final Fantasy, Dragon Quest) ou canado-américains (The Elder Scrolls, Dragon Age)[66]. La volonté d'un Witcher 3 apparaît ainsi très tôt, et un plan initial vise à lancer le développement du troisième opus en même temps que le deuxième, en 2008, mais l'échec du portage sur console du premier opus, intitulé Rise of the White Wolf, manque de faire fermer l'entreprise et marque pour un temps l'arrêt des ambitions sur The Witcher 3[67]. C'est finalement à l'été 2011 que Konrad Tomaszkiewicz, qui était testeur dans l'équipe du premier opus et responsable des quêtes dans l'équipe du deuxième, est nommé directeur du troisième jeu[67]. Pour se démarquer des fers de lance du genre, il décide rapidement avec le studio polonais que leurs efforts particuliers de différenciation devront porter sur la taille de la carte de jeu et sur la liberté d'exploration[68]. Pour la première fois dans un jeu The Witcher, la puissance du moteur de jeu permet enfin de proposer au joueur une exploration en monde ouvert ; chez CD Projekt Red, cette liberté de manœuvre est cependant accueillie par la majorité des employés avec appréhension, car le studio sort d'une longue période d'heures supplémentaires (« crunch ») induites par le développement du jeu précédent. À cela s'ajoute le fait que personne n'a encore pu tester les kits de développement des futures consoles de jeux de nouvelle génération (la PlayStation 4 et la Xbox One), qui permettraient de délimiter les possibilités offertes par cette technologie inédite[67],[Note 7].

Une progression linéaire évitant la redondance

Les scénaristes réécrivent certaines quêtes jusqu'à 10 fois pour s'assurer qu'elles ne manquent pas d'originalité et qu'elles ne soient pas assimilées à des « quêtes FedEx » consistant simplement à se déplacer pour récupérer et livrer des objets.

Les bases du futur jeu sont ensuite établies : le joueur incarnera à nouveau Geralt et aura pour principal antagoniste la Chasse sauvage, une entité tirée des mythes nordiques. Il pourra se déplacer indifféremment dans trois zones aux microcosmes très différents : Velen, une région marécageuse pauvre et ravagée par la guerre, la grande et opulente ville de Novigrad, et l'archipel de Skellige, des îles à l'inspiration nordique. Il est également décidé que chaque ennemi rencontré par le joueur, qu'il soit humain ou bestial, aura un niveau pré-déterminé auquel le joueur pourra se comparer ; ce choix impose cependant au studio de rendre volontairement l'exploration plus linéaire, pour éviter qu'au début du jeu un néophyte ne se rende dans une zone trop difficile d'accès : la progression de la quête principale, et les lieux successifs où se déroulent les péripéties, reflètent ce choix scénaristique[69].

En dépit d'ambitions inédites au sujet de la grandeur de la carte de jeu et des embranchements possibles du scénario principal, CD Projekt Red a pour objectif de sortir le jeu à la fin de l'année 2014. Ce délai a de quoi impressionner les membres du studio chargés de remplir la carte de contenu, car le mot est alors le suivant : pas de simple contenu de remplissage, et pas de quêtes ennuyeuses[70].

« Je les appelais : « les quêtes FedEx » — des quêtes qui ne consistent qu'en de la recherche d'objets. Quelqu'un va vous dire : « Apporte-moi cette coupe, ou bien dix peaux d'ours, ou quelque chose d'autre encore. » Vous leur apportez l'objet en question et... c'est tout. Il n'y a aucun retournement de situation, absolument rien du tout... Chaque quête, quelle que soit sa taille, devrait présenter quelque chose de mémorable, un petit rebondissement, quelque chose qui permettrait de s'en souvenir. La survenue d'un point inattendu. »

 Mateusz Tomaszkiewicz, responsable des quêtes[Note 8],[71]

Au concepteur de quête Nikolas Kolm d'ajouter au sujet des quêtes annexes : « Nous préférons considérer les quêtes annexes non pas comme les parents pauvres [de la quête principale], mais comme les accompagnements, épices et condiments qui vont ajouter de la saveur au plat principal. »[Note 9],[72] De fait, chaque mission est conçue soigneusement par un level designer au lieu d'être générée procéduralement comme cela put être fait dans Skyrim (et comme CD Projekt Red le teste brièvement dans The Witcher 3 pour les contrats de monstre), et c'est ce nouveau contenu qui dicte l'organisation de l'environnement qui l'entoure, non l'inverse[73]. Ces activités sont réparties de manière à peupler l'immense monde ouvert, en faisant en sorte que le joueur ne se déplace jamais plus de 40 secondes sans qu'un évènement n'apparaisse dans son champ de vision, comme la rencontre d'une harde de biches[24]. Les déplacements d'une activité à l'autre sont mesurés et comparés à l'aune des références de monde ouvert de l'époque que sont Skyrim et Red Dead Redemption[74]. Chaque membre du studio, qu'il soit scénariste, artiste ou développeur, peut proposer une quête, à condition que celle-ci ne nécessite pas davantage que les assets déjà conçus pour le jeu et ne représente pas plus de quinze lignes de dialogues[73]. Les quêtes imposent une limite de dialogues de 250 lignes, ce qui requiert de nombreuses réécritures pour rendre chaque réplique efficace[18]. L'itération apparaît comme la clef d'une quête originale, prenante et surprenante, et la plupart d'entre elles sont réécrites jusqu'à dix fois avant d'atteindre leur état final[70].

Les temps de déplacement sont également attentivement mesurés, et à juste titre, car la navigation se révèle trop lente à ses débuts. À une période du développement, se déplacer de l'île principale d'Ard Skellige à l'une de ses voisines peut prendre entre 25 et 45 minutes. Une de ces îles subit d'ailleurs une rotation de 180 degrés pour s'assurer que la baie d'amarrage soit bien visible et que les joueurs ne soient pas tentés de contourner l'île en perdant du temps[24].

Le jeu vise également à créer un pont entre deux régions de consommateurs aux usages de jeu très différents : d'une part l'Europe de l'Est, où les joueurs sont habitués aux expériences de jeu « hardcore », qui nécessitent d'étudier attentivement les mécaniques de jeu avant d'espérer les comprendre ; et les États-Unis, que CD Projekt souhaite davantage pénétrer, où la coutume est plutôt à la facilité immédiate de prise en main et aux interfaces utilisateur simplifiées[35],[75].

L'hypothèse d'un The Witcher 4

Adam Badowski (ici à la Gamescom 2013) hésitera un moment avec ses pairs à diviser le jeu en deux parties.

Deux points mettent chaque scénariste d'accord : le cœur du jeu reposera sur la famille que représentent Geralt, Yennefer et Ciri, amenant ainsi au premier plan ces deux personnages féminins qui avaient été occultés des deux épisodes précédents ; et les intrigues politiques laisseront la première place à des intrigues plus personnelles et intimistes[67].

« Nous voulions créer un jeu autour d'une famille décomposée. Nous avons Geralt, Yennefer et Ciri ; ils ont beau ne pas être des gens ordinaires, ils s'aiment. D'un amour difficile, mais ils s'aiment. Nous voulions construire une histoire épique au sujet d'une famille. »

 Marcin Blacha, scénariste en chef[Note 10],[67]

Mais, une fois ces points établis, les très nombreuses péripéties imaginées pour accompagner le développement de la relation entre ces personnages ne permettent pas d'établir une trame claire. Des pans entiers d'intrigues sont conçus puis coupés, à commencer par l'allégeance de Geralt : une version de la trame voit Geralt, déguisé à l'aide d'un sort, rejoindre clandestinement la Chasse sauvage pour en extraire des informations sur Ciri[67] et assassiner l'un de ses généraux, le navigateur Caranthir. Le niveau inclut une phase de navigation durant laquelle Geralt dirige Naglfar, un vaisseau mythique construit à partir d'ongles des morts, et fait la part belle à la roue des dialogues : à chaque fois que le joueur répond d'une manière inappropriée à un membre de la Chasse, la suspicion à son égard augmente et peut mener à faire échouer la conspiration[67]. L'ensemble présente néanmoins de nombreuses difficultés de conception, parmi lesquelles faire en sorte que Geralt ne puisse attaquer aucun membre de la Chasse tant qu'il est sous couverture, et créer de nouvelles animations pour accommoder le port d'une lourde cotte de mailles sur le personnage[76]. Une autre histoire abandonnée est celle de l'Île des Épreuves : cette terre, qui aurait été située dans l'archipel de Skellige, est supposée servir à Yennefer pour y emprisonner Geralt, lors d'une phase de la quête principale où tous deux auraient œuvré dans des buts différents. Geralt aurait eu la possibilité de s'échapper en affrontant les épreuves éponymes, ou bien en venant à bout d'un monstre nommé Nídhögg, comme la créature de la mythologie nordique[67]. D'autre part, les dimensions parallèles que Geralt visite avec Avallac'h étaient également conçues pour abriter un contenu bien plus vaste et pétri de quêtes secondaires, à l'image de Blanchefleur, la zone d'initiation du Witcher 3 ; mais cela aurait sensiblement rallongé la durée du jeu et aurait requis nombre d'efforts supplémentaires pour faire en sorte que les personnages et la faune créés pour l'occasion soient suffisamment exotiques pour paraître endémiques d'une autre dimension[26].

En réponse à cette colossale accumulation de personnages, d'embranchements et de bifurcations du scénario, écrite simultanément en polonais et en anglais[35], CD Projekt Red envisage de diviser The Witcher 3 en deux parties. L'idée les tente « pendant un moment », mais le studio s'est engagé à livrer une trilogie de jeux seulement et retourne à sa décision première[67] :

« Le plan avait toujours été de faire une trilogie. Nous en étions tout proches. Et j'avais envie de faire une trilogie. Une trilogie c'est cool, ça sonne bien ! Ça ne ressemble pas à un énième... jeu Assassin's Creed. C'était notre concept initial, et nous nous devons de respecter nos décisions passées. »

 Adam Badowski, directeur du studio[Note 11],[67]

Mécaniques de jeu abandonnées

D'autres idées difficiles à implanter techniquement sont considérées pendant un temps, puis mises de côté à mi-chemin du développement du jeu pour éviter le trop-plein de fonctionnalités mal calibrées et s'assurer de la qualité des mécaniques restantes. C'est le cas du « sens du sorceleur », un système similaire au « VATS » de la série Fallout, qui aurait permis au joueur de ralentir considérablement voire mettre en pause le rythme du jeu, de manière à pouvoir cibler précisément les points faibles d'un ennemi. Celui-ci serait apparu à travers une vue radiographique mettant en lumière, dans l'exemple d'un adversaire vampire, la possibilité de neutraliser la glande du monstre contenant son poison ou bien de transpercer dans le même temps ses deux cœurs[67].

Une idée abandonnée en cours de développement visait à adapter le jeu pour le faire tourner sur la console Kinect, qui permet de se dispenser de manette.

Des mini-jeux parallèles au gwent sont étudiés, conceptualisés puis abandonnés : du lancer de couteaux ou de haches sur Skellige, et un jeu à boire consistant à ne pas tomber ivre avant son adversaire, à l'aide d'une jauge d'alcoolémie qui variera selon les alcools choisis. Ce dernier est abandonné car son usage ne se prête pas au jeu dans sa globalité, et les coûts de production (animation, caméra, dialogues) pour l'utiliser dans le seul cadre d'une quête ne valent pas son implantation en jeu. Le patin à glace, qui a le mérite d'apparaître dans le quatrième tome de la série, La Tour de l'hirondelle, lorsque Ciri cherche à semer des assaillants, est également envisagé à l'initiative d'un employé du studio amateur des livres. Des animations préparatoires sont esquissées, mais l'idée abandonnée car sa mise en œuvre gênerait certains systèmes globaux nécessaires au jeu[67].

Le support de la Kinect, un périphérique propre à la console Xbox One permettant de se dispenser de manette, est aussi étudié par CD Projekt Red. Mais s'il est aisé de faire en sorte que la technologie fonctionne, il en est autrement pour rendre le tout réellement amusant et utile ; face à d'autres tâches chronophages, le support de la Kinect ne fait pas le poids et se voit enterré[67].

Parmi d'autres projets sérieusement envisagés puis remisés : une apparence alternative pour Novigrad, qui serait envahie par le gel lors de la bataille finale ; un monde ouvert complètement ouvert, sans temps de chargement et frontières artificielles entre les plus grandes zones du jeu ; ou encore deux zones alternatives à Blanchefleur, cette région de départ permettant d'apprendre les bases du jeu, et qu'il aurait été possible de sélectionner au début d'une partie[67].

Spécificités techniques

Configuration minimum
PC
Système d'exploitation Windows 7 / Windows 8 (64 bit)[77]
Processeur Intel CPU Core i5-2500K 3,3 GHz ou AMD CPU Phenom II X4 940[77]
Mémoire vive Go[77]
Carte graphique Nvidia GPU GeForce GTX 660 / AMD GPU Radeon HD 7870 avec DirectX 11.0[77]
Espace disque 40 Go[77]
Configuration recommandée
PC
Système d'exploitation Windows 7 / Windows 8 (64 bit)[78]
Processeur Intel CPU Core i7 3770 3,4 GHz / AMD CPU AMD FX-8350 4,0 GHz[78]
Mémoire vive Go[78]
Carte graphique Nvidia GPU GeForce GTX 770 / AMD GPU Radeon R9 290 avec DirectX 11.0[78]
Espace disque 40 Go[78]

1 500 personnes issues de 18 pays travaillent sur le jeu à un moment ou à un autre, dont 240 font partie de l'équipe de développement à temps plein. À ceux-ci s'ajoutent les près de 500 doubleurs qui donnent naissance aux sept versions totalement doublées en langue étrangère du jeu, sur 15 versions en langue étrangère[52].

Tout comme pour les opus précédents, CD Projekt Red fait évoluer son moteur de jeu maison pour la sortie d'un nouveau jeu. Si The Witcher 1 faisait appel à une version modifiée du moteur Aurora Engine appartenant au studio BioWare, The Witcher 2 introduit en effet l'usage du REDengine qui sera par la suite employé sur toutes les productions du studio polonais. La version Enhanced Edition de The Witcher 2, sortie un an après la version initiale, accueille le REDengine 2, tandis que The Witcher 3 fait appel à une version encore plus puissante nommée REDengine 3. Celle-ci permet aux joueurs d'explorer de vastes pans du monde ouvert The Witcher 3 sans écran de chargement, une grande avancée technique[79]. Le nouveau moteur physique introduit des expressions faciales et des animations remodelées, et soutient la caractéristique jeu de rôle du jeu en permettant plus de flexibilité au déroulement des quêtes, linéaires ou non[80]. La richesse et la souplesse des expressions faciales orientent naturellement la narration vers des plans cinématiques, et la puissance narrative du tout est un soulagement pour les scénaristes. Les voici enfin capables de transmettre par le seul jeu des acteurs, avec un personnage levant les yeux au ciel ou bien tournant le dos à d'autres, certains propos pour lesquels l'usage de dialogues aurait été moins adapté, ce qui n'était pas possible avec le moteur du Witcher 2. Le scénariste Jakub Szamałek relève notamment les progrès apportés par L.A. Noire (2011) et Gone Home (2013), le premier promouvant l'importance du langage corporel, et le second invitant le joueur à utiliser l'environnement pour reconstituer une histoire — à condition que le moteur graphique le permette[81].

Pour la première fois pour un jeu développé par CD Projekt, The Witcher 3 est conçu pour être commercialisé sans DRM[82].

Retards de production

Le jeu est officialisé en février 2013, sans préciser pour autant quelles plateformes accueilleront le jeu : les consoles PlayStation 4 et Xbox One n'ont alors pas encore été révélées par leurs constructeurs Sony et Microsoft, et l'équipe de développement sait pertinemment que les précédentes versions de ces consoles ne permettront pas de faire tourner un jeu de la taille de The Witcher 3, ou bien au prix de trop nombreuses concessions sur le photoréalisme des graphismes[83]. Le moteur REDengine 3 et l’application des employés du studio permettent en effet de grandes avancées dans l’immersion offerte au joueur : ainsi les branches des arbres s’agiteront-elles et craqueront-elles si elles sont sous le vent, et ainsi le soleil se lèvera-t-il de plus en plus tôt à mesure que le joueur s’avancera au nord de la carte de jeu. Mais dans une équipe aussi concentrée sur le besoin de rendre le monde vivant et crédible, des erreurs d’inattention sont commises, à l’image de ce level designer qui remplit les étagères des maisons de Velen de nombreux aliments de festin : charcuterie pendant aux poutres ou volaille et puddings sur la table. Or, dans le paradigme du jeu, Velen est une région pauvre et dévastée par les champs de bataille et la famine ; il faudra plusieurs heures au studio pour fouiller chaque bâtiment de cette zone et s’assurer que la nourriture ne s’y trouve en fin de compte qu’à grand-peine, ou bien qu'avariée[84],[24]. Même incohérence décelée dans certaines ruines elfiques, supposément à l'écart du monde depuis des siècles, et dont les coffres révèlent pourtant des sandwiches au poulet frais de la veille[24].

Tiraillé entre le besoin de créer un jeu le plus fouillé possible pour satisfaire des joueurs exigeants, et celui de finir leur production dans les temps, les créateurs du Witcher 3 doivent bien admettre au début de l'année 2014 qu'il leur faudra davantage de temps de développement. Le moteur de jeu propre au monde ouvert ne devant pas être finalisé avant octobre, et la sortie étant annoncée pour décembre, deux mois seront loin de suffire pour affiner l'expérience de jeu et éliminer les bugs[67]. Konrad Tomaszkiewicz, le directeur du jeu, parvient à convaincre le conseil d'administration de CD Projekt, et, en , le studio repousse ainsi la date de sortie jusqu'au mois de février 2015[85],[86].

Le stand du Witcher 3 au salon polonais de la Poznań Game Arena, en 2014.

2014 marque alors le début d’une période de crunch pour les employés de CD Projekt Red, obligés d’accumuler d’intenses heures de travail pour s’assurer que le jeu ne sera pas davantage repoussé et ne représentera pas de gouffre financier pour le studio. Les délais se resserrent : en , une première démo est montrée lors du salon de l’E3 ; face à des mastodontes tels que les nouveaux opus d' Assassin's Creed et de Madden NFL, les images de Geralt explorant les marécages de Velen remportent l'adhésion et plusieurs prix de sites prestigieux tels qu'IGN ou GameSpot[87]. Mais la préparation de la démo révèle une lacune : pour encourager les joueurs à l'exploration libre, Geralt devrait être capable d'escalader ou de grimper sur la plupart des objets de l'environnement. Attribuer cette caractéristique à chaque item du monde ouvert, un par un, serait cependant hors de question. Pour éviter d'y perdre un temps colossal, les équipes choisissent plutôt de permettre au joueur de grimper partout, sans condition, ce qui nécessite cependant de réajuster certaines zones pour éviter de « casser » les mécaniques de jeu. Un testeur découvre ainsi que lors du chapitre où Ciri se repose dans un sauna, vêtue de ses seuls sous-vêtements et d'un bandage, il lui est possible d'escalader les clôtures et de se déplacer dans Skellige enneigée comme si de rien n'était[73]. Notons qu'à une époque du développement, il était aussi possible à Geralt de glisser le long des pentes ; dans une version privée du jeu, les développeurs s'y amusent à doter le personnage d'un snowboard et à le faire dévaler les montagnes de Skellige[24].

Les mois et les heures supplémentaires défilent, tandis que les avancées se nouent et se dénouent sans cesse ; de grands pans de l'histoire sont ainsi remodelés lorsque les scénaristes des quêtes se rendent compte qu'il n'est pas assez fait référence au conflit politique entre le Nilfgaard et la Redania, supposé sous-tendre le contexte global du jeu[87]. Les régions de Novigrad et de Velen sont réunies en une seule carte sans chargements et, sur la recommandation de fans qui s'expriment sur les forums de CD Projekt Red, les murailles de Novigrad sont élargies pour paraître plus imposantes qu'elles ne l'ont été montrées dans la première bande-annonce ; elles se rapprochent par la même occasion de leur réputation canonique dans les livres[88].

En , lorsque The Witcher 3 devient enfin « jouable », l'appréhension culmine : le monde ouvert paraît vide, trop vide. Une équipe est alors formée pour créer en toute urgence, autour de 20 modèles-types, des activités surnommées par les développeurs « points d'intérêt » (« PI ») : antres de monstres, trésors cachés ou encore camps de bandits, autant d'occasions d'aventures pour rendre chaque cheminement sur la carte mémorable[67]. Mais en décembre, deux mois après cette réaction urgente et nécessaire, un autre constat est tiré : 5 000 bugs sont encore présents en jeu, et d'ici à la sortie prévue en février, 2 000 tout au plus pourront être corrigés. Le choix entre faire sortir un jeu alourdi par les bugs à la date prévue ou le repousser de plusieurs mois pour le polir est difficile, quand il s'agit pour les dirigeants du studio de présenter la chose à leurs employés épuisés et à leurs investisseurs impatients[67]. Mais The Witcher 3 est une ultime fois repoussé : il sortira le et non en , les développeurs estimant que ces 12 semaines supplémentaires leur permettront d'effacer les derniers bugs et d'éviter toute catastrophe à la Assassin's Creed Unity[Note 12].

Ces changements de date s’avéreront favorables aux ventes car, en ne sortant pas fin 2014, le jeu évite d'entrer en concurrence avec les sorties pré-Noël (telles que Dragon Age: Inquisition, un autre jeu de rôle de fantasy), et, une fois le mois de mai venu, la plupart des joueurs auront fini ces mêmes jeux sortis quelques mois plus tôt et seront prêts à s'investir dans une nouvelle aventure d'envergure[88].

« Crunch » et fin

Repousser la sortie du jeu est un coup dur pour les équipes de CD Projekt Red. Chargé de leur annoncer la nouvelle pour la deuxième fois sur un même projet, Adam Badowski n'oublie pas les significations d'un crunch :

« Ces visages [des employés de CD Projekt Red]... Ils le savaient ; ils avaient compris qu'il y aurait une nouvelle période de crunch. Et cela alors que j'avais autrefois annoncé autre chose. Mais c'est mon rôle. C'est dérangeant, c'est mauvais, et ça vous coûte beaucoup, mais si vous croyez que le jeu sera un succès total et que vous vous concentrez là-dessus... Il faut savoir leur dire : « Oui, en ce moment vous êtes en crunch, vous êtes épuisés et vous détestez cette entreprise, mais notre objectif est d'avoir plus de 90 [une note de 90/100 sur Metacritic] et vous verrez, vous verrez. Vous vivrez un moment incroyable et tout le reste disparaîtra. » »

 Adam Badowski, directeur du studio[Note 13],[67]

Les derniers mois sont ainsi dévolus au polissage du jeu dans ses moindres détails, avec plus ou moins de crunch selon les départements. Ayant rempli leurs objectifs principaux, les scénaristes sont moins sollicités et s'attèlent à rédiger toutes les parcelles de textes (comme les lettres ou les notes) trouvables dans le jeu, ainsi qu'à relire intégralement la base de données pour vérifier sa cohérence globale et à faire coïncider les noms et leurs objets — l'occasion par exemple de rectifier le fait que les chats trouvables en jeu soient intitulés « biches », ou les biches « fromage[89] ». Il leur avait fallu finir la rédaction de l'intrigue et des quêtes six mois avant la sortie prévue du jeu, pour laisser suffisamment de temps à l'enregistrement des dialogues ainsi qu'à leur implémentation en jeu et leur synchronisation. Or, la réécriture de certaines quêtes depuis cette date a tant et si bien transformé leur déroulement que les dialogues prévus pour être enregistrés ne sont plus du tout appropriés ; une quête en particulier est ainsi totalement remodelée à partir d'échantillons de répliques déjà enregistrées[73].

De l'autre côté de la chaîne de production, des départements comme les équipes son, les équipes des effets visuels et les testeurs ont fort à faire pour achever le jeu. La taille inédite de l'œuvre et l'ampleur des interactions possibles rendent la détection de problèmes informatiques difficile ; certains bugs ne se révèlent qu'en respectant des conditions précises mais imprévisibles, comme enchaîner les actions de parler à un certain PNJ, de monter à cheval puis de franchir le seuil d'une certaine maison[90].

La dernière étape avant la distribution du jeu consiste à faire valider les douze SKU du jeu (les différentes éditions disponibles sur chaque plateforme) ; Sony puis Microsoft, pour les éditions sur PlayStation 4 et Xbox One respectivement, les acceptent toutes tour à tour[67].

Réception du prix de « jeu de l'année » aux Game Developers Choice Awards de 2016.

L'atmosphère est à la liesse lors de la sortie du jeu, du fait de l'excellent accueil qui est lui est réservé par le public et la presse (voir plus bas). Le à 16 h, date de l'embargo des revues de presse, le studio s'embrase de joie en voyant la note de 10/10 que le site GameSpot lui attribue. La saga The Witcher étant considérée comme une fierté nationale en Pologne, CD Projekt Red reçoit à Varsovie, la veille de la sortie, la visite de la Première ministre polonaise, Ewa Kopacz, laquelle se voit offrir une édition collector du jeu. Le lendemain, c'est au tour du président de la République Bronisław Komorowski de partager un petit-déjeuner dans les locaux du studio. Mais une fois chacun des 250 employés de CD Projekt Red réuni avec son édition collector du jeu, les concepteurs ne se laissent pas de vacances, si ce n'est quelques heures pour rattraper leur sommeil : il faut enchaîner avec le développement des contenus téléchargeables gratuits et des deux extensions promises aux acquéreurs du jeu, Hearts of Stone et Blood and Wine[67].

En trois ans et demi, le budget total de développement aura été de 306 millions de złotys, soit 81 millions de dollars[91],[52], dont 35 millions de dollars à des fins de marketing[92] ; la majorité de ces fonds de promotion sont cependant apportés par les distributeurs régionaux[93]. Le développement de l'extension Blood and Wine bénéficie notamment d'une subvention de 150 000 euros dans le cadre du programme « Europe créative » de la Commission européenne[94].

Commercialisation

Une sortie célébrée

Le jeu est officialisé en par le biais de la couverture du magazine Game Informer, laquelle met en avant les personnages de Geralt et Ciri. CD Projekt Red s'y engage à proposer un monde plus grand que celui de The Elder Scrolls V: Skyrim, sans temps de chargement et avec plus de cent heures de contenu, le tout pour une sortie en 2014. Le studio reste cependant vague au sujet des plateformes qui accueilleront le jeu, car les consoles PlayStation 4 et Xbox One n'ont pas encore été révélées par leurs constructeurs Sony et Microsoft[90]. Près de 40 campagnes marketing sont conçues et gérées en simultané dans les marchés-clefs qu'a sélectionnés la stratégie commerciale du groupe[52].

The Witcher 3 sort finalement dans le monde entier le  ; il est distribué par Bandai Namco Entertainment en Europe, Australie et Nouvelle-Zélande, et par Warner Bros. Interactive Entertainment en Amérique du Nord. Des exemplaires du jeu fuitent cependant dès le , par le biais de revendeurs aux Émirats arabes unis, et certains acheteurs s'empressent de diffuser sur Twitch ou YouTube de premières images du jeu. CD Projekt Red exhorte les possesseurs à ne pas montrer en ligne le contenu du jeu, pour ne pas gâcher la surprise de ceux qui ne l'ont pas encore, et ferme ses forums officiels afin qu'aucune information ne s'y échappe, tandis que les vidéos sont retirées de YouTube et que Twitch menace ses utilisateurs contrevenants de sanctions[95].

Le sont publiées les premières critiques du jeu ; elles sont unanimes dans leur célébration, et la surprise est d'autant plus forte chez les employés de CD Projekt Red que les deux opus précédents du Witcher n'avaient reçu qu'une attention très ciblée, celle d'un public de joueurs PC amateurs de RPG[90].

Marcin Iwiński, co-fondateur de CD Projekt.

Lors d'une conférence post-mortem en 2016 à la Game Developers Conference, le co-fondateur de CD Projekt, Marcin Iwiński, évoquera par la suite trois piliers du marketing de The Witcher 3 qui lui ont semblé essentiels au succès du titre[96] : la qualité du jeu lui-même ; une proposition de valeur centrée sur les joueurs ; et une communication claire du studio envers les fans. Le premier point s'illustre aisément par la montée en puissance accomplie par la série de jeux depuis ses commencements : des évaluations critiques montant vers les cimes à chaque nouvelle sortie, et davantage de plateformes de jeux. Pour remplir le deuxième critère, le studio polonais avait préparé plusieurs façons de présenter efficacement et brièvement The Witcher 3 à des publics différents : des slogans tels que « Le monde n'a pas besoin d'un héros. Il a besoin d'un professionnel[Note 14] » ou « Skyrim à la sauce Game of Thrones[Note 15] ». Dans le même sens, pour contenter tous types de fans, certaines éditions du jeu sont accompagnées de nombreux items collector dans l'esprit de la saga (des figurines, des artbooks...), et la sortie du jeu est attentivement suivie par les développeurs, qui proposent 10 mises à jour gratuites dans les six mois suivants, et ajoutent plusieurs paramétrages techniques réclamés par la communauté de joueurs. D'autre part, les deux « extensions » payantes proposées en achats supplémentaires offrent un contenu substantiel et ne sont pas conçues à partir d'éléments retirés sciemment du jeu de base, comme la coutume voulait alors que cela se produise pour certains jeux[96]. Sur le troisième point, CD Projekt Red promeut une communication directe envers ses joueurs, et des déclarations honnêtes et authentiques, évitant de passer par l'intermédiaire d'un distributeur ou d'une agence de relations publiques. Le studio fait l'effort de s'expliquer sur la dégradation des graphismes constatée entre l'une des premières bandes-annonces et le produit fini (voir plus bas), un problème qui a pu pour d'autres éditeurs prendre des proportions critiques, comme sur le jeu Star Wars Battlefront de l'éditeur Electronic Arts[97]. Le logo du jeu est également conçu de manière à ne pas donner l'impression que Wild Hunt fait suite à deux opus ; la similitude du 3 sur la couverture avec une marque de griffe ou un masque vise un public n'étant pas familier avec la franchise, tandis que certains fans pourront reconnaître en ces traits le signe de la Chasse sauvage[98].

Précommandes

À l'été 2014, les premières communications de CD Projekt Red laissent prévoir de nombreux items bonus en accompagnement de l'édition standard si celle-ci est achetée en pré-commande, en particulier si l'achat s'effectue sur la boutique en ligne du studio, GOG.com. À l'époque, l'un des bonus concerne un accès à la bêta fermée du Witcher Adventure Game[99].

Le revendeur en ligne GOG.com, propriété du studio CD Projekt Red, accompagne les éditions précommandées de nombreux bonus exclusifs.

Quelques semaines avant la sortie, ces items se révèlent finalement avoir été répartis chez plusieurs revendeurs. Ainsi, tout jeu précommandé, quel que soit son lieu d'achat et son format (digital et physique) comprend les items bonus suivants : une carte du jeu, des autocollants, un compendium du sorceleur et la bande originale[100]. Certains revendeurs ajoutent à cette liste des items supplémentaires exclusifs à chacun : la chaîne américaine GameStop y joint ainsi un médaillon du Sorceleur, l'entreprise américaine d'électronique Best Buy un emballage décoré en métal (SteelBook), et le revendeur Amazon un comicbook de 48 pages (scénarisé par Paul Tobin, dessiné par Max Bertolini et pour la couverture par Joe Querio) dont le scénario décrit les événements précédant la bande-annonce Killing Monsters[100]. Steam propose de son côté une réduction de 10 % sur le jeu et même de 15 % si le joueur possède l'un des deux opus précédents, ainsi que la bande originale, la carte du jeu, des fonds d'écran, un artbook et des artworks au format digital[100]. Enfin, les précommandes passées sur GOG.com fournissent en plus des items précédents distribués par Steam et des réductions précédentes, une réduction de 20 % sur le jeu si l'acheteur possède les deux premiers opus, une version digitale du jeu Neverwinter Nights, les comics House of Glass et Reasons of State au format digital, des modèles pour réaliser des figurines en papier, la version étendue de la bande originale, des avatars pour réseaux sociaux, une vidéo sur la création du jeu et toutes les bandes-annonces en haute définition[100].

Éditions commerciales

Le jeu est édité dès 2015 sur les plateformes PC (Windows), PlayStation 4 et Xbox One. Plus de quatre ans plus tard, à l'E3 2019, CD Projekt Red annonce travailler sur un portage du jeu pour la console Nintendo Switch, prévu pour sortir avant la fin de l'année 2019[101].

Une édition collector est proposée en parallèle de la version standard, contenant le jeu de base ainsi qu'un artbook de 200 pages, un steel book, le manuel de jeu, le « compendium du sorceleur », la bande originale, des autocollants, une carte du monde, une figurine de Geralt se battant contre un griffon, et la réplique d'un médaillon de sorceleur[102].

Contenu gratuit

Parmi les contenus supplémentaires offerts aux joueurs, des apparences alternatives pour certains personnages (dont Ciri, ici en cosplay).

Dans les premiers temps suivant la sortie, 16 contenus supplémentaires sont mis à disposition gratuitement, à raison d'un par semaine[103]. Ces DLC ajoutent au système de jeu de nouvelles quêtes (Contrat : mineurs disparus, L'or des fous, L'ennemi numéro un de Skellige, Chasse au trésor : équipement de l'école du loup et À bon chat, bon loup)[103], une série de cartes de Gwynt neutres intitulée Héros des ballades[103], de nouvelles animations de coups de grâce[103], et un mode « Nouvelle partie + », qui permet après avoir fini le jeu une première fois de recommencer une partie plus difficile en disposant de l'argent et d'une partie de l'équipement déjà gagnés lors de la partie précédente[103]. Des items supplémentaires deviennent également disponibles en jeu : des ensembles d'armure de Temeria, du Nilfgaard et de Skellige[103] et un ensemble d'arbalètes d'élite[103], ainsi qu'un ensemble de barbes et de coiffures[103] et des apparences alternatives pour Yennefer, Triss et Ciri[103].

CD Projekt Red étudie attentivement, par le biais des forums officiels du Witcher ou de Reddit, les retours des joueurs sur les DLC mis à disposition dans d'autres jeux, afin d'affiner son offre selon les satisfactions et les déceptions les plus répandues. Le mode Nouvelle partie + doit être repoussé à plusieurs reprises car son implantation nécessite d'appliquer sur certaines parties du jeu des ajustements que l'équipe de développement n'avait pas soupçonnés. Le studio se félicite de la bonne réception de ce contenu gratuit, qui augmente le bouche-à-oreille positif[104].

Hearts of Stone

Hearts of Stone est la première extension payante du jeu, vendue 9,99 dollars[96]. Elle sort le [105] et propose une petite extension de la carte autour de la campagne de Novigrad, accompagnée de quelques missions mineures mais surtout d'une longue quête qui commence dans les égouts d'Oxenfurt et voit Geralt croiser l'énigmatique Gaunter de Meuré (Gaunter O'Dimm en version anglophone originale), dit « le Maître Miroir », déjà aperçu dans le prologue de Wild Hunt à l'auberge de Blanchefleur.

Blood and Wine

Blood and Wine est la seconde et dernière extension payante du jeu et sort le [106], vendue pour la somme de 19,99 dollars[96]. Elle propose l'accès à une toute nouvelle région, le duché du Toussaint, et de nouveaux objectifs locaux, en plus d'une vaste quête principale qui vise à élucider les menaces portées à l'encontre de plusieurs chevaliers de la principauté.

3e DLC (2022)

Lors de la conférence "WitcherCon" du , CD Projekt RED annonce via les réseaux sociaux qu'un 3e DLC sera disponible probablement pour 2022 et inspiré de la série Netflix.[107]

Réception

Accueil critique

Aperçu des notes reçues
Presse papier
Média Note
Canard PC (FR) 9 ou 10/10[Note 16]
Edge (UK) 8/10[108]
Famitsu (JP) 37/40[109]
Game Informer (US) 9,75/10[110]
GamesTM (UK) 9/10[111]
PC Gamer (UK) 92/100[112]
Presse numérique
Média Note
Eurogamer (UK) « Essentiel »[113]
Gameblog (FR) 4,5/5[114]
Gamekult (FR) 9/10[115]
GameSpot (US) 10/10[116]
GamesRadar+ (US) 4/5[117]
IGN (US) 9,3/10[118]
JeuxActu (FR) 19/20[119]
Jeuxvideo.com (FR) 19/20[11]
Wired (US) 9/10[120]
Forbes (US) 9/10[121]
The Guardian (GB) 5/5[122]
Le Monde (FR) 6/7[123]
EGM (GB) 9,5/10[124]
Eurogamer (US) 9/10[125]
Agrégateurs de notes
Média Note
Metacritic 92/100 (PS4)[126]
91/100 (XONE)[127]
93/100 (PC)[128]

Critiques du jeu principal

The Witcher 3 est globalement reconnu par les professionnels du secteur comme un jeu hors-normes, réussissant à se hisser à la portée de ses ambitions là où bien d'autres ont échoué : l'immersion dans un monde ouvert cohérent et persistant, dans lequel les habitants mènent leur propre vie sans rien attendre du protagoniste, et un système narratif qui ne prend pas nécessairement le joueur par la main et qui inscrit dans la durée les conséquences de ses choix[129].

Tous s'accordent sur la qualité narrative et immersive du titre, et nombreux sont ceux qui consacrent The Witcher 3 comme un chef-d'œuvre. Une raison pour cette qualification, et pas des moindres : le soin apporté au monde ouvert, visible dans la personnalisation et le réalisme de chaque lieu traversé et de chaque PNJ ou même dans la justesse des sons d'ambiance, autant d'aspects particulièrement polis qui rehaussent les standards de l'industrie[115].

La luxuriance et la finesse des graphismes marquent aussi les esprits[130], notamment les effets climatiques et de lumière qui forment un tout « splendide »[11], à l'exception d'un rendu de l'eau jugé « sommaire, voire daté »[115]. En ce qui concerne les mécaniques de jeu, la nouvelle souplesse de Geralt et la technicité des combats sont appréciées, et la bande originale de Marcin Przybyłowicz, aux airs slaves presque inédits dans les jeux vidéo, est jugée « magistrale » par la rédaction de Jeuxvideo.com[11].

L'originalité et l'intelligence des quêtes sont relevées[115], même si plusieurs notent un essoufflement de l'intrigue principale à mi-chemin et lors du troisième acte, lorsqu'il ne s'agit presque plus que d'accumuler les déplacements vers certains personnages pour faire avancer l'histoire, et d'enchaîner les combats de boss ; et ce, alors même que les quêtes secondaires proposent un contenu toujours plus relevé et émotionnellement marquant[130],[115]. Sur Gamekult, le critique salue dans ce troisième opus « la montée en gamme de l’écriture, qui fait mouche sans trahir la volonté de dépeindre un monde cynique et adulte. Les sujets sensibles comme l’image de la femme, la sexualité ou le racisme sont abordés avec finesse, en dépit de certaines apparences[115]. »

Parmi les regrets ergonomiques évoqués par certains critiques, le placement de la caméra qui s'avère parfois hasardeux, par exemple dans les intérieurs réduits[130], l'intelligence artificielle des adversaires qui peuvent manquer d'audace[11], et la difficulté de navigation dans certains menus, notamment lorsque les centaines d'ingrédients ou de matériaux nécessaires à l'alchimie et à l'artisanat font ralentir les déplacements dans l'inventaire[115].

Critiques des extensions Hearts of Stone et Blood and Wine

La première extension, Hearts of Stone, est louée pour sa qualité d'écriture ; elle reçoit les notes de 18/20 sur Jeuxvideo.com[131], 6/10 sur Gamekult[132] et 8/10 dans Canard PC[133].

La deuxième extension, Blood and Wine, reçoit les notes de 19/20 sur Jeuxvideo.com[134], 8/10 sur Gamekult[135] et 9/10 dans Canard PC[136].

IGN estime que la conclusion apportée par Blood and Wine aux aventures de Geralt figure au panthéon des épilogues de sagas, aux côtés du navire quittant les Havres Gris du Seigneur des anneaux ou bien de la Plateforme 9 ¾ dans Harry Potter[137].

Débat sur la représentation des femmes

Dans sa critique du jeu, le journaliste Arthur Gies du site Polygon remet en cause la représentation des femmes dans cet univers qu'il juge misogyne : il note que plusieurs personnages féminins sont inexplicablement dénudés à outrance, et ce même dans des scènes de combat invitant à davantage de précautions vestimentaires, et relève en particulier que de nombreuses situations rencontrées rendent triviale et négligeable la violence envers les femmes. Il cite entre autres exemples une scène, qu'il juge au demeurant très bien réalisée et interprétée, où Geralt peut choisir de n'exprimer que compassion envers un personnage masculin qui a battu sa femme au point de lui causer une fausse couche[130],[104]. La sociologue Anita Sarkeesian, l'une des principales victimes de la controverse du Gamergate, estime également que The Witcher 3 ne présente la violence faite aux femmes que comme un mal « regrettable, mais naturel et inévitable » et que cela lui sert opportunément d'outil pour paraître plus « mature » auprès de son public[138].

Plusieurs critiques rejoignent Gies sur ces incohérences dérangeantes et notent qu'il arrive régulièrement à The Witcher 3 de faire un pas « en avant » dans la représentation des femmes dans un média vidéoludique avant d'en faire un autre « en arrière » quelques scènes plus tard[139],[140].

Débat sur la représentation des personnes de couleur

La critique de Polygon interpelle également au sujet de l'absence de personnes de couleur dans le jeu, s'étonnant de ne pas en avoir croisé une seule dans une intrigue introduisant pourtant plusieurs centaines de personnages[130],[104].

Parmi les réactions à la controverse naissante, Adrian Chmielarz, figure célèbre mais contestée en Pologne, où il a participé à fonder le studio The Astronauts et à créer The Vanishing of Ethan Carter, lui adresse une réponse dans une tribune intitulée Le garçon qui criait au loup blanc. Il y expose que le fait que des personnages de couleur n'apparaissent pas dans The Witcher 3 est bel et bien « une vérité » mais n'est pas « un problème », dans le contexte slave et médiéval d'un jeu vidéo de fantasy[141],[104]. D'après Marcin Iwiński, qui s'exprimera un an après les faits, le thème du racisme est d'ailleurs loin d'être occulté dans le jeu ; il transparaît non dans la couleur de peau mais dans l'espèce d'origine des personnages : elfes, nains et monstres sont nettement victimes d'un traitement différent dans l'univers du Sorceleur[35].

Quelques mois après la tenue de ce débat sur la légitimité géographique et historique des jeux à limiter l'apparence de leurs personnages, l'extension Hearts of Stone ajoute, par le biais d'une délégation de diplomates et de marchands du pays d'Ophir, plusieurs personnages à la peau basanée[142].

Distinctions

Le dévoilement du jeu par le biais d'une bande-annonce de gameplay à l'E3 2013 lui vaut près de 55 récompenses[12]. Il remporte d'ailleurs en 2014 le prix du jeu le plus attendu de 2015 lors des Game Awards[143].

L'accueil critique du Witcher 3 se distingue par son unicité d'opinions : le jeu est élu 251 fois jeu vidéo de l'année 2015, un record[144], détrônant The Last of Us qui avait reçu 249 distinctions de ce type, et surpassant des « classiques » tels que The Elder Scrolls V: Skyrim, Red Dead Redemption, Uncharted 2: Among Thieves, Half-Life 2, ou Resident Evil 4. Sur l'année 2015, il se distingue ainsi face aux mastodontes Fallout 4 (avec 56 distinctions), Bloodborne (31) et Metal Gear Solid V: The Phantom Pain (29)[Note 17], notamment lors des Game Developers Choice Awards[35],[145] et des Golden Joystick Awards 2015. Il y remporte aussi à cette occasion les récompenses pour la meilleure narration, la meilleure esthétique visuelle et le meilleur moment de jeu[146].

À la fin de son parcours, le jeu cumule plus de 800 récompenses diverses, un score inédit dans l'histoire du jeu vidéo[Note 17],[147]. Le fait que ses extensions (dont la dernière est sortie en ) « rallongent » sa couverture médiatique et soient considérées comme des œuvres à part entière lui a permis d'entrer en compte dans davantage de remises de prix, jusqu'à la fin de l'année 2016[148].

En , le site français Jeuxvideo.com le classe deuxième meilleur jeu de tous les temps[149].

En , la communauté Steam lui accorde la récompense "Meilleur Environnement" et décerne à CD Projekt Red le Steam Award du meilleur développeur de l'année[150].

Ventes

Avant même la sortie du jeu, le , CD Projekt Red sait avoir franchi un palier historique : 1,5 million de joueurs ont précommandé The Witcher 3, dont 500 000 dans la seule dernière semaine[151]. Au terme de deux semaines, 4 millions de copies sont écoulés, puis deux millions supplémentaires dans les six semaines suivantes. Parmi ces achats, 1 million s'est effectué sur la plateforme de vente en ligne exploitée par CD Projekt, GOG.com[91]. En , dix mois après la sortie du jeu, les ventes totales se chiffrent à 10 millions (sur 20 millions pour l'ensemble de la franchise)[152]. Fin 2017, ce sont 33 millions d'exemplaires des trois jeux cumulés qui ont été vendus depuis le lancement de la série de jeux[153]. En , le jeu atteint 20 millions d'exemplaires écoulés[154],[155] et la trilogie totalise 40 millions de ventes[156].

À l'occasion des dix ans de la sortie du premier opus, fin 2017, CD Projekt Red avance des informations inédites sur les résultats financiers de sa série[157] : avec 1,4 milliard de dollars de chiffre d'affaires (1,04 milliard sans les extensions), The Witcher 3 a engrangé 15 fois plus que The Witcher 2 et 60 fois plus que The Witcher 1[153]. Durant le seul premier semestre 2015, et très majoritairement grâce aux six semaines suivant la commercialisation du troisième opus, CD Projekt a réalisé un bénéfice net de 236 millions de złotys, soit 62,5 millions de dollars[52]. Les deux extensions du troisième opus, Hearts of Stone et Blood and Wine, ont par ailleurs généré à elles seules 350 millions de dollars, soit 25 % du chiffre d'affaires du jeu complet[153].

Durant cette même présentation de résultats financiers[157], la direction de CD Projekt relève que davantage d'exemplaires du Witcher 3 se sont vendus en 2017 qu'en 2016, l'année suivant la sortie du jeu. D'autre part, d'année en année, la proportion de ventes sur plateforme PC augmente : alors qu'elle n'était que de 31 % en 2015 face aux 48 % de la PlayStation 4 et aux 20 % de la Xbox One, en 2016 le PC occupe maintenant la première place des ventes avec 42 % (face à 41 % pour la PlayStation 4 et 14 % pour la Xbox One) puis 50 % en 2017 (face à 35 % pour la PlayStation 4 et 15 % pour la Xbox One)[153].

L'entreprise elle-même connaît un essor soudain de sa valorisation ; en , elle est estimée à plus d'1 milliard de dollars[158] et en à 2,3 milliards[159].

Fin 2019, selon les chiffres fournis par CD Projekt, la répartition des ventes par plate-forme est la suivante : 12,4 millions de copies sur PC, 10,8 millions sur PlayStation 4, et 4,3 millions sur Xbox One ainsi que 700 000 sur Nintendo Switch. L'année 2019 enregistre plus de 6,6 millions de nouvelles ventes, fortement aidées par la diffusion de la série télévisée The Witcher. Au total, le jeu s'est vendu à plus de 28 millions d'exemplaires à travers le monde[160].

Controverse des graphismes

Les performances techniques requises pour faire fonctionner les « 5000 portes » de la ville de Novigrad sont utilisées pour justifier la dégradation des graphismes globaux du jeu.

Un point vient ternir la réception du jeu à sa sortie : de nombreux joueurs s'étonnent de la qualité des graphismes du jeu, qui paraissent moins aboutis que sur une bande-annonce datant de l'E3 2013, deux ans avant la sortie, et dont les images avaient été capturées en jeu[161]. Les premières réactions officielles du studio sont jugées insatisfaisantes, et la suspicion nait parmi les fans, tandis que les employés s'attristent de perdre la confiance d'un public qui jusque-là voyait en CD Projekt Red un éditeur champion de leur cause[67].

Les dirigeants du studio finissent par admettre la dégradation ; selon eux, celle-ci s'explique par le fait qu'en deux ans, les développeurs ont pu amplement se rendre compte que les paramètres de la démo filmée dans un cadre de jeu réduit, sur PC, n'étaient pas compatibles avec le cadre exigeant de monde ouvert du jeu fini, à destination de différentes plateformes de jeu. La finition des volutes de fumée et des flammes voraces aperçues dans la bande-annonce est ainsi sacrifiée au profit du fonctionnement des « 5000 portes de Novigrad », avancent-ils[162]. D'autre part, c'est la première fois que CD Projekt Red publie un jeu en simultané sur PC et sur consoles, eux qui étaient jusque-là habitués à ne sortir leurs jeux que sur PC, quitte à les porter ensuite seulement sur une autre plateforme (comme The Witcher 2 sur Xbox 360). Cette contrainte et le fait que les critères de développement des futures PlayStation 4 et des Xbox One soient encore inconnus au lancement du développement n'ont fait que rendre la tâche d'harmonisation plus complexe[104].

Aux joueurs incriminant les consoles (dont les capacités sont plus limitées qu'un PC) de la dégradation des images sur la version définitive, CD Projekt Red répond que le jeu n'aurait de toute façon pas pu être créé s'il n'avait pu exister sur console ; développer un jeu pour le seul marché des PC n'aurait jamais été suffisamment rentable pour justifier le budget investi[162].

Le studio s'emploie alors à accélérer la sortie de patchs correctifs améliorant les performances graphiques et permettant au joueur d'éditer certains paramètres tels que la densité de végétation ou la netteté de l'environnement[162], en même temps qu'il promet de vérifier par trois fois la conformité de chacune de ses bandes-annonces futures[104].

À partir de l'automne 2017, CD Projekt propose des mises à jour gratuites pour améliorer les graphismes sur les nouvelles versions de consoles que sont la PS4 Pro et la Xbox One X : en , la version PS4 Pro reçoit une résolution de 4K et une amélioration des performances telles que le filtrage des textures[163], puis un second patch en l'autorise à activer un mode HDR[164]. L'ensemble de ces améliorations sont disponibles sur Xbox One X à partir de [165].

Versions différenciées pour certains pays

Dès la période de production du jeu, les chargés de localisation de CD Projekt Red peinent à trouver des traducteurs pour adapter The Witcher 3 en arabe : les tests de traduction qu'ils ont fournis à leurs sous-traitants candidats reprennent des extraits de scènes du Witcher 2 mentionnant des thèmes comme la prostitution, ce qui rebute certains traducteurs. Le travail d'adaptation exige aussi plusieurs aménagements culturels : les références au polythéisme sont par exemple effacées pour ne plus mentionner qu'un seul dieu, mais cela pose problème car le mot « dieu » ne peut être écrit dans la version arabe sans être censuré par un rectangle flou. La scène d'ouverture à Kaer Morhen, où Yennefer apparaît nue vue de dos, est également remodelée de manière à la vêtir de pantalons[53].

La version japonaise est légèrement modifiée pour des raisons culturelles afin d'éviter de montrer des entrailles béantes sur les corps de personnes blessées ou mortes. Les plaies extérieures, du moment qu'elles sont de profondeur superficielle, restent visibles[53].

En , Associated Press rapporte que The Witcher 3 est inclus dans une liste de 47 jeux vidéo bannis d'Arabie saoudite ; d'après l'agence de presse, il s'agirait d'une initiative du gouvernement saoudien en réponse au suicide de deux enfants de 12 et 13 ans qui avaient été exhortés à participer au Blue Whale Challenge, un défi social incitant au suicide de ses participants[166]. De nombreuses publications spécialisées parmi lesquelles IGN et GamesIndustry.biz dénoncent cependant dans les jours suivants ces propos et montrent que The Witcher 3 était en réalité banni depuis plusieurs années déjà du pays, en partie probablement pour des références culturelles sensibles et ses éléments de nudité[167],[168].

Postérité

Un jalon dans l'histoire du jeu de rôle et du monde ouvert

Pour les joueurs comme pour les développeurs, The Witcher 3 devient le nouveau point de comparaison pour mesurer l'ampleur des futurs jeux se réclamant du même genre[169]. Il détrône à ce statut The Elder Scrolls V: Skyrim, jusque-là souvent considéré comme l'aboutissement des jeux de rôle vidéo[64].

Son influence est impossible à mesurer dans la période suivant immédiatement sa sortie (2015), puisque le développement de jeux vidéo ambitieux prend généralement plusieurs années, mais au début de 2017 les développeurs d'Horizon Zero Dawn reconnaissent s'être servis de The Witcher 2 comme référentiel, parmi d'autres jeux dont Skyrim, pour établir leur système de quêtes[170]. En , c'est cette fois-ci The Witcher 3 qui est explicitement émulé par le space opera Mass Effect: Andromeda, son équipe de développement notant qu'ils ont cherché à rendre chaque quête significative, à la manière du jeu polonais[171]. À partir des jeux sortis en 2018, les analyses notant des similitudes avec The Witcher 3 deviennent encore plus fréquentes : Forbes note ainsi que, « du point de vue de l'industrie, [Assassin's Creed Odyssey] est The Witcher 3 avec la possibilité de grimper et l'apparition de figures historiques[Note 18],[169] », puisque les éléments principaux du gameplay sont similaires : des quêtes secondaires aussi soignées que l'intrigue principale, des choix moraux dont les conséquences se feront sentir tout au long de la progression dans le jeu et qui s'effectuent par le biais d'une roue de dialogues[172], ou encore une monture unique pour le personnage principal[169]. Ces emprunts sont cependant mutuels : c'est à la série des Assassin's Creed que Geralt doit sa capacité, dans une foule, à écarter nonchalamment de la main ceux qu'il croise[18]. Red Dead Redemption 2, sorti la même année, propose également une attention particulière à des détails qui paraissent être les héritiers directs du Witcher 3 : une monture qui accourt lorsqu'on la siffle, la barbe et la chevelure du personnage qui poussent au fur et à mesure des heures du jeu et qui peuvent être taillées selon différents styles en se rendant chez un barbier, ou encore la possibilité de prendre des bains[173].

Un auteur dépassé par l'adaptation de son œuvre

L'auteur des livres, Andrzej Sapkowski, lors d'un salon du livre à Prague en 2010.

Le colossal succès critique du troisième opus et de l'ensemble de la saga vidéoludique n'est pas du tout escompté par l'auteur des livres, Andrzej Sapkowski, qui a très tôt mis en doute le potentiel des jeux. Il vend ainsi l'utilisation de la licence à CD Projekt au début des années 2000 pour une somme dérisoire par rapport au futur chiffre d'affaires de la série, peut-être autour de 8 200 euros[174] : « J'ai été assez stupide pour leur vendre les droits. Ils m'ont proposé un pourcentage sur leurs profits. J'ai dit non, il n'y aura jamais de profits, donnez-moi tout l'argent maintenant. J'ai été suffisamment stupide pour tout leur confier parce que je n'ai pas cru en leur succès. Mais qui aurait pu deviner ? Pas moi[Note 19] », admet-il ainsi en [175].

L'auteur n'a jamais fait mystère de son aversion pour les jeux vidéo, desquels il a gardé une impression de « stupidité » après quelques expériences vidéoludiques consistant à exécuter à la chaîne des extraterrestres. Après la signature du contrat, ses contacts avec CD Projekt sont ainsi des plus ténus : ni visite des studios, ni demande de consultation, ni questionnement. Sapkowski considère qu'il ne leur doit rien et que sa seule popularité en Pologne aidera à promouvoir les jeux. Mais dès la sortie du premier opus, la transition de notoriété commence : des maisons d'édition ressortent les livres à l'étranger en s'inscrivant dans le battage médiatique autour du jeu et en profitent pour y multiplier les références, par exemple en remplaçant les illustrations originales des livres par des images tirées du jeu. À la sortie du deuxième épisode puis du troisième, le changement est entériné et il arrive désormais que des fans prennent Sapkowski pour l'auteur des « livres basés sur les jeux », à sa grande fureur[175].

En , la relation entre l'auteur et le studio apparaît toujours loin d'être harmonieuse. Il est révélé dans la presse que Sapkowski réclame 60 millions de złotys (près de 14 millions d'euros) à CD Projekt, au nom d'une clause du droit d'auteur polonais, qui stipule que des aménagements financiers peuvent être réalisés lorsque la compensation finale de l'artiste est trop faible par rapport aux profits générés par l'utilisation de son œuvre[176]. En , plusieurs sources rapportent qu'un règlement à l'amiable serait sur le point d'être conclu et pourrait rapporter plusieurs millions d'euros à l'auteur, dans l'optique de permettre au studio de conserver de bonnes relations avec lui[174].

Un jeu dans le jeu : le gwent

Démonstration de The Witcher Adventure Game, un autre jeu tiré des aventures de Geralt, en 2015.

Le gwent ne devait de prime abord pas faire partie de Wild Hunt, n'ayant été conçu que comme un passe-temps par ses développeurs. Il y est finalement incorporé au cours de la production, et plait tant aux joueurs que c'est l'afflux constant de courriers de félicitations qui pousse la petite équipe responsable du développement du mini-jeu à suggérer à CD Projekt Red de lui consacrer un jeu à part entière, quelques mois après la sortie des nouvelles aventures de Geralt[177],[178].

Cette mouture est officialisée en , lors du salon de l'E3, et promet de sortir sur PC, PlayStation 4 et Xbox One[179], avec les mêmes doubleurs que The Witcher 3[180]. Elle paraît officiellement à l'été 2017 sous le nom de Gwent: The Witcher Card Game, et l'extension de campagne solo qui devait lui être apportée plus tard se voit finalement gratifiée d'une sortie indépendante en octobre 2018 sous le nom de Thronebreaker: The Witcher Tales[181].

La relance d'une série télévisée The Witcher

Dans le même temps, le succès international du troisième volet des jeux remet dans la lumière un projet de série télévisée basée sur les livres, qui avait reçu en une subvention de l'Institut polonais du film. C'est le studio Platige Image, déjà responsable de certaines bandes-annonces cinématiques des jeux de CD Projekt Red, qui mène l'initiative, en co-production avec Netflix. Le lien avec les jeux polonais s'arrête cependant là ; la série télévisée vise à adapter la série de livres et n'a aucun lien scénaristique avec les jeux[182],[183].

L'avenir de CD Projekt Red

Le projet suivant des créateurs du Witcher 3 s'éloigne de l'écosystème fantasy pour proposer un contexte cyberpunk, dont se rapproche de nuit le quartier de Shibuya à Tokyo.

Le studio derrière The Witcher 3, désormais auréolé de l'immense retombée positive de son poulain, s'établit comme le fer de lance de la production vidéoludique polonaise. En , il est ainsi au premier plan des 38 studios nationaux auxquels le gouvernement polonais accorde des subventions d'une hauteur de 116 millions de złotys, soit 27,3 millions de dollars[184].

Son nouveau statut lui permet enfin de rassurer sur l'état de son jeu Cyberpunk 2077, développé en parallèle du Witcher 3 et dévoilé dès 2013 par une bande-annonce largement diffusée sur internet, puis laissé dans une ombre persistante. Pour les joueurs comme pour les développeurs, The Witcher 3 devient l'unique point de comparaison pour mesurer l'ampleur du futur jeu de science-fiction, qui ne masque pas ses immenses ambitions[185]. Le PDG du studio, Adam Kiciński, déclare notamment en  :

« Nous sommes satisfaits du succès rencontré par The Witcher III, mais ce n'est pas non plus un record du monde. Nous pensons qu'un jeu peut encore se vendre beaucoup plus. Nous allons investir encore plus dans Cyberpunk 2077[186]. »

Notes et références

Notes

  1. La prophétie est telle que suit : « Le Blizzard du Loup approche, l'ère de l'épée et de la hache, le temps de la Lumière Immaculée, le temps du Froid Immaculé, le temps de la Folie, le temps du Mépris. Tedd Deireadh, l'Âge Ultime. Le monde périra dans la glace et renaîtra sous un nouveau soleil. Né à nouveau du Sang Ancien, d'hen Ichaer, d'une graine plantée... Une plante qui ne poussera pas : elle prendra feu ! »
  2. Citation originale : If you’re not 100 percent sure what that value should be, double it or cut it in half..
  3. Citation originale : Despair, hunger and hopelessness.
  4. Citation originale : It must be brutal and dirty and send shivers all over your body when you hear it.
  5. Citation originale : It shows certain relationships and certain depth between characters. Or maybe sometimes it's a function of relaxing and releasing of tension. Maybe it's a way to show the real character of a person, when you have certain perversity. You can show real monstrosity. This resonates to what we see around us.
  6. Citation originale : A lot of boredom and waiting punctuated by moments of frenzied madness.
  7. Les kits de développement ne seront finalement disponibles qu'un an plus tard.
  8. Citation originale : I called them ‘FedEx quests’— the quests that are just fetch quests. Someone says « bring me the cup, or ten bear skins or whatever ». You bring that stuff to them and that’s it. There’s no twist, no nothing... Every quest, no matter how small it should be, should have something memorable in it, some little twist, something you might remember it by. Something unexpected happening.
  9. Citation originale : We like to think of side quests not as poorer cousins but more as the side dishes, spices and herbs that add flavor to the main dish, and without which the whole dish wouldn't be as tasty.
  10. Citation originale : We wanted to make a game about a disabled family. There is Geralt and Yennefer and Ciri, and they're not like usual people, but they love each other. It's difficult love, but they do. We wanted to make an epic story about a family.
  11. Citation originale : The plan had always been to do a trilogy. We were very close. But I wanted to have a trilogy. A trilogy is cool, a trilogy looks good! It doesn't look like another... Assassin's Creed game. It was our initial concept - and we need to be in line with our previous decisions.
  12. La sortie d'Assassin's Creed Unity, en novembre 2014, fut durablement entachée par des bugs spectaculaires présents dans la première version du jeu.
  13. Citation originale : Those faces... They knew; they realised that there's another period of time crunching. And previously I said something different. But that's my role. It's uncomfortable, it's bad, and it costs you a lot, but if you believe that the game will be super-successful and focus on [that]... You need to tell them, « Now you're crunching and you're super-tired and you hate this company, but our goal is 90-plus and you'll see - you'll see. You'll feel this amazing moment and everything else will disappear ».
  14. Citation originale : This world doesn't need a hero. It needs a professional.
  15. Citation originale : Skyrim in a Game of Thrones sauce.
  16. Le magazine Canard PC lui a attribué la note de « 9 ou 10 on s'en cogne, c'est une tuerie /10 ».
  17. Ces accumulations colossales de mêmes récompenses s'expliquent par la quantité toujours plus forte de médias vidéoludiques, moins nombreux par le passé, et relativisent le fait que les jeux plus anciens soient inéluctablement balayés de ces classements.
  18. Citation originale : From the industry point of view, it's The Witcher 3 with climbing and historical figures.
  19. Citation originale : I was stupid enough to sell them rights to the whole bunch. They offered me a percentage of their profits. I said, « No, there will be no profit at all - give me all my money right now! The whole amount. » It was stupid. I was stupid enough to leave everything in their hands because I didn't believe in their success. But who could foresee their success? I couldn't.

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Annexes

Bibliographie

 : document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

Jeu vidéo

CD Projekt, The Witcher 3: Wild Hunt, Bandai Namco (Europe), Warner Bros. Games (Amérique du Nord) et Spike Chunsoft (Japon), Windows, PlayStation 4 et Xbox One, .

Ouvrages

  • (en) CD Projekt Red, The Witcher 3: Wild Hunt Art Book, Bandai Namco Entertainment, , 196 p. 
  • Raphaël Lucas, L'histoire de The Witcher, Éditions Pix'n Love, , 300 p. (ISBN 9782371880603)
  • (en) Jason Schreier, Blood, Sweat, and Pixels : The Triumphant, Turbulent Stories Behind How Video Games Are Made, Harper, , 278 p. (ISBN 9780062651235). 

Article

Conférences

Documentaire vidéo

Articles connexes

Lien externe

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