Maison d'arrêt de Rouen

La maison d'arrêt de Rouen, connue aussi sous le nom de « prison Bonne-Nouvelle », est un établissement pénitentiaire situé sur la commune de Rouen (Seine-Maritime).

Bonne-Nouvelle

La prison Bonne-Nouvelle vers 1900.
Localisation
Pays France
Ville Rouen
Coordonnées 49° 25′ 59″ nord, 1° 04′ 37″ est
Géolocalisation sur la carte : Normandie
Géolocalisation sur la carte : France
Géolocalisation sur la carte : Rouen
Installations
Capacité 651
Fonctionnement
Effectif 245 agents pénitentiaires (dont 221 personnels de surveillance)
Date d'ouverture 1860

Jugée vétuste, il était projeté d'en construire une autre dans l'agglomération de Rouen, le projet provoqua de nombreuses tractations entre l'administration pénitentiaire et les communes pouvant recevoir le nouvel établissement. Devant le refus des collectivités, le projet est abandonné. La maison d'arrêt, bien que très ancienne, fait l'objet de divers mises en conformité : en effet, elle est constamment entretenue grâce à divers travaux de réhabilitation.

Origine du nom

L’origine la plus plausible du nom de « Bonne nouvelle », parmi les nombreuses interprétations, est donnée par Nicétas Périaux dans son Dictionnaire indicateur et historique des rues et places de Rouen édité en 1870 : « La fondatrice du prieuré de Notre-Dame du pré, la Reine Mathilde, femme de Guillaume le bâtard, lui a donné en 1066 sa dénomination actuelle. On rapporte qu’elle était en prières dans l’église Notre-Dame du Pré, lorsqu’on lui annonça que le duc venait de remporter une victoire sur les Anglais. Pour perpétuer le souvenir de cette nouvelle, […] la duchesse Mathilde voulut que le prieuré portât le nom de  « Bonnes-Nouvelles » (ici au pluriel car la reine Mathilde voulut associer à la victoire de Hastings, la mémoire de l’incarnation de la vierge Marie), dont on a fait « Bonne-Nouvelle ».

Histoire

A l'origine de la prison Bonne-Nouvelle

La prison Bonne-Nouvelle ouvre ses portes en 1860. C’est la nouvelle prison départementale de Rouen, celle qui doit faire oublier la crasseuse prison « Bicêtre » située dans le quartier de Martainville. Le mouvement d’extension du centre-ville de Rouen touche en effet ce quartier. Il faut donc déplacer la prison. On connaît trop bien les désagréments que cause la proximité d’une prison : bruits, odeurs, épidémies, insalubrité et surtout cette proximité avec le crime.

En 1836, une circulaire prescrit la construction de la prison départementale cellulaire pour accueillir les détenus dans de meilleures conditions. Presque vingt ans plus tard, Louis-François Desmarest, architecte en chef du département de la Seine-Inférieure, présente en séance du Conseil général le un projet définitif. Son projet, intégrant les techniques les plus modernes de l’époque, est marqué au coin de la pensée utilitariste anglaise. Le bâtiment qu’il a imaginé s’inspire en effet de la conception du « Panoptique » imaginé par Jeremy Bentham. L’idée de Bentham était de permettre à un individu unique logé dans une tour centrale, d’observer tous les prisonniers enfermés dans des cellules individuelles alignées en rayons autour de la position centrale.

Pour l’installation d’une nouvelle prison, le choix s’est porté sur le quartier Saint-Sever, sur la rive gauche, suffisamment éloigné pour épargner aux habitants du centre cette vision de misère. Après quelques expropriations, les travaux de construction commencent en 1855.

Construction et plan

Édifiée entre 1855 et 1860, la maison d’arrêt de Rouen couvre une superficie d’environ 40 000 m2 le long de la rue de la Motte et de la place Bonne-Nouvelle dont elle prend le nom (la place Bonne-Nouvelle n’existe plus et la rue de la Motte a en partie disparu lors du percement du boulevard de l’Europe dès 1989). Elle est également surnommée « les 100 000 briques », expression populaire rouennaise désignant la prison, construite en ce matériau et qui en comporte sûrement davantage. La nouvelle prison est composée d’un bâtiment dont la façade mesure plus de 120 mètres de long, bâtiment vers lequel convergent trois autres bâtiments, donnant à l’ensemble la forme d’un éventail. Le premier bâtiment, en façade, séparé par des cours et des jardins des bâtiments affectés aux services administratifs, abrite les logements du personnel. Tous ces bâtiments sont circonscrits par un mur d’enceinte à parapet d’une hauteur minimale de 6 mètres.

Occupation des bâtiments de la prison au XIXe siècle

Derrière les bâtiments administratifs et au-delà du chemin de ronde s’élèvent les bâtiments abritant la population pénale. La première aile, parallèle au boulevard de l’Europe, à l’origine accueillait les femmes. S’y trouvait également une infirmerie (aujourd’hui, la bibliothèque) et une chapelle (répertoriée aux monuments historiques)[réf. nécessaire]. Un système ingénieux permettait de laisser les portes entrouvertes des dortoirs du 1er étage du quartier correctionnel afin que les détenus puissent suivre les offices religieux sans en sortir, sans voir ni être vus de leurs voisins.

Rayonnant à partir du centre de cette première aile, trois autres quartiers étaient réservés à différentes catégories pénales. Le premier abritait la catégorie des inculpés, prévenus, et accusés, le second le quartier correctionnel des jeunes détenus, et le troisième en suivant l’arc d’est en ouest abritait les condamnés. L’aménagement des ailes de la détention était uniforme, chacune avait son couloir central le long duquel étaient aménagés des dortoirs, un réfectoire, des ateliers. Depuis le rez-de-chaussée de chacun des bâtiments, le visiteur pouvait observer tous les étages, une coursive (chemin de ronde) longeant les portes extérieures des cellules et permettant d’y accéder. À l’origine, la capacité d’accueil de l’établissement était fixée à 626 détenus.

Chaque bâtiment était pourvu de combles, aménagés en dortoirs également pour recevoir en cas d’encombrement des détenus supplémentaires (jusqu’à 208 maximum). Ces dortoirs servent de lieu de stockage du matériel pénitentiaire dont les tenues pénales appelées « droguet». S’y trouve également dans chaque comble une cellule de punition dite « aux fers ». Des entraves sont fixées au mur. Si un prisonnier use de menaces, d’injures accompagnées de violences graves, soit à l’égard d’un gardien ou de ses préposés, soit à l’égard des autres prisonniers, en application de l’article 614 du code d’instruction criminel, il est resserré plus étroitement, enfermé seul, mis aux fers.

Entre chaque aile se trouvaient les cours de promenade dites « en demi-camembert » pour des sorties en petits groupes (par catégories pénales) ou solitaire (par punition ou isolement).

La maison d’arrêt et de correction était une prison non cellulaire, mais la loi du imposa l’emprisonnement individuel. Il aura fallu donc attendre 1896 pour qu’on évacue le quartier correctionnel occupé par les mineurs afin de commencer les premières transformations, puis 1901 pour le reste de la détention. Ces transformations vont permettre d’agrandir la capacité d’accueil, passant ainsi à 740 places.

Invention de la douche carcérale

À la tête de la nouvelle prison, un directeur placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur est remplacé en cas d’absence par un sous-directeur. Placé sous leurs ordres, et officient également dans l’établissement un greffier comptable, un économe, un gardien chef, suppléé par le premier-gardien et enfin, les gardiens ordinaires (dès 1919, à Rouen comme dans tous les autres établissements pénitentiaires de France, les gardiens furent rebaptisés « surveillants ». Ils jouissaient d’une réelle considération sociale : nombre d’entre eux, soldats durant la grande guerre, en étaient revenus couverts de médailles. La double mission de garde et d’amendement des détenus leur avait échu), des instituteurs, un aumônier, des infirmières et des médecins y travaillent également, de même que des religieuses sous la responsabilité desquelles se trouvent placées les femmes détenues. L’un de ces médecins, François Merry Delabost, proposera la création des bains-douches en prison dès 1872. Les détenus étaient employés à des tâches salissantes en particulier ceux qui fabriquaient des boutons à l’atelier d’aplatissage de corne bovine.

Chaque aile de détention possède en tête de galerie des cellules de punitions. Elles sont fermées par deux portes à un mètre de distance l’une de l’autre. La porte intérieure est munie d’un guichet de distribution et d’un regard de surveillance. La fenêtre est fermée par un volet rendant la cellule obscure et silencieuse. Ces cellules de punitions sont séparées par des chambres d’observation dont les murs sont aménagés de guichets de surveillance. Les détenus punis sont ainsi surveillés par la présence continue de gardiens. Ces cellules accueillent également les condamnés à mort.

La guillotine

Le , le président du Conseil Édouard Daladier promulgue un décret supprimant les exécutions capitales sur la place publique, après le scandale de l'exécution d'Eugène Weidmann, quelques jours auparavant. Celles-ci devront se dérouler dans l'enceinte des prisons à l'abri des regards de la foule. Dès lors, le greffier de la maison d’arrêt rédige un procès-verbal d'exécution, qui sera placardé sur l'entrée de la prison pendant 24 heures pour informer les passants de l'exécution. De la Révolution à 1860, les exécutions capitales se déroulaient sur la place du Vieux-Marché au cœur du centre-ville de Rouen, puis sur la place Bonne-Nouvelle à l’ouverture de la maison d’arrêt. Le dernier condamné à la peine capitale sur cette place publique est André Vittel. Il avait égorgé sa belle-sœur Alice Anne âgée de vingt-huit ans et étouffé son bébé de deux mois le au Havre pour lui voler la somme de mille trois cents francs. Il est condamné à mort par la cour d’assises de Rouen le et est guillotiné le suivant. Il est le plus jeune condamné qui eut la tête tranchée en France, il avait dix-sept ans. Émile Bredin est soldat de deuxième classe et surtout… déserteur. Il égorge à Clécy, dans le Calvados, Mme Léontine Dupont âgée de soixante-neuf ans dans la nuit du 17 au . Il s’était introduit chez elle pour la dévaliser. Il est condamné à la peine capitale le par le tribunal militaire de la 3e région à Paris. L’exécution a lieu pour la première fois dans la cour d’honneur de la maison d’arrêt de Rouen le de la même année. Le , Piotr Piskorski et Basile Koutz tuent à coups de barre de fer Mme Lesczynska et sa nièce Albina âgée de huit ans. Le , la cour d’assises de la Seine-Inférieure condamne Koutz aux travaux forcés et Piskorski à la peine de mort. Il est guillotiné à cinq heures quinze du matin le et est le dernier exécuté dans l’enceinte de Bonne-Nouvelle. Jacques Lerouge a bien failli être le successeur de Piskorski à Bonne-Nouvelle. Après avoir commis un spectaculaire hold-up à la Banque nationale de Paris (BNP) de Vaux-sur-Eure le , il se réfugie dans une maison qu’il croit déserte à Orgérus. Mais Lerouge est surpris par le propriétaire, l’abat avec son révolver et s’acharne sur la tête avec une barre à mine. Il est arrêté à Ostende en Belgique le . Il est condamné le soir du à la peine capitale par la cour d’assise de Seine-Maritime. Il se pourvoit en cassation dès le lendemain. L’arrêt est cassé le pour vices de procédure, un second procès a lieu à Versailles le . Condamné à la réclusion perpétuelle, il sera libéré en 1992. Il fonde à sa sortie de prison une association de réinsertion dans les Vosges, l’APERI. Jacques Lerouge est poignardé mortellement au sein de son association le par un détenu libéré deux mois plus tôt.

La prison de Bonne-Nouvelle pendant la Seconde Guerre mondiale

Le , c’est la guerre : le directeur de la maison d’arrêt décide de partir avec les 500 détenus encadrés par le personnel vers Bernay dans le Eure. À l’arrivée, les trois quarts de la population pénale manquent à l’appel, de même que le directeur… La prison, donc portes grandes ouvertes, est pillée pendant 15 jours. Le le préfet ordonne la remise en ordre de Bonne-Nouvelle et nomme Almire Vaudelle au poste de directeur. De à , les armées de l’Allemagne nazie occupent Rouen. Très vite, donc, la Gestapo s’installe au no 4 rue du Donjon et réquisitionne toutes les cellules du Palais de justice et la prison Bonne-Nouvelle afin d’y emprisonner des milliers de personnes. Les détenus politiques arrêtés par la Gestapo sont réunis en groupes et placés dans des cellules qui ne sont pas prévues pour cet usage et où il y a peu d'air. Les prisonniers sont systématiquement infestés par les poux et la gale. Le charbon se faisant rare, les détenus ne vont plus aux douches. Le matin, ils n'ont que quelques minutes pour se laver, souvent sans savon. Les plus favorisés reposent sur une paillasse puante et les autres, faute de matériel, couchent sur la paille posée directement sur le sol. Entassés dans un réfectoire trop petit, les détenus mangent à côté de tinettes dont il faut bien faire usage pendant les repas. La soupe est servie deux fois par jour, à dix heures et à seize heures. Ce breuvage est fait d'eau chaude et de quelques rondelles de rutabaga. Chaque jour, ils reçoivent une boule de trois cent cinquante grammes de pain noir, le manque de cuisson le rend immangeable. Nombreux sont les détenus atteints de maladies abominables résultant de l’appauvrissement de la nourriture et du manque d'exercice entrainant l'épuisement du sang. Tous ces maux sont sans remèdes, faute de soins et de médicaments. , un détenu arrive à l'infirmerie mais retournera en cellule aussitôt car le médecin le signale comme « simulateur ». Il meurt vingt-quatre heures plus tard. Tous les prisonniers malades lui sont amenés et ceux-ci doivent, quel que soit leur état physique et la nature de l'indisposition dont ils souffrent, subir une purgation. Le personnel médical leur fait ingurgiter un litre d'eau additionnée de sel purgatif. Puis les infirmières, sur l'ordonnance du médecin, coupent l'eau des robinets. Les malheureux restent sans eau jusqu'au lendemain en proie à d’atroces souffrances. Lorsque des familles éplorées viennent supplier les autorités allemandes et le médecin de la prison afin de soigner correctement leurs malades, ils ricanent et répondent ainsi...« Bah, on ne meurt pas en prison ! ». À cela s'ajoute la saleté, la misère, le trafic et les brimades. En , la police amène à Bonne-Nouvelle un jeune militant communiste nommé Valentin Feldman (auteur de L'Esthétique française contemporaine, éditions Félix Alcan, 1936) pour « attentat » contre une usine de Déville-lès-Rouen qui fournit du duralumin à l'aviation allemande. Ce détenu politique restera enfermé au secret pendant six mois, vingt-deux heures sur vingt-quatre dans une cellule sans lumière. Lorsque les détenus politiques, les juifs sont mêlés aux détenus de droits communs, on les reconnaît aisément à la pancarte que les autorités leur accrochent autour du cou aux heures de promenade obligatoire : « Dangereux ! À isoler ! ».

La situation de la maison d’arrêt est déplorable : endommagée par les multiples bombardements alliés de Rouen et de Sotteville-lès-Rouen entre avril et , une aile de la prison est totalement détruite ainsi qu’une partie du mur d’enceinte. Surpeuplée, débordant de « collabos », la prison dont les installations sanitaires sont déficientes est dans un état pitoyable. La réforme Amor en 1946 va permettre la mise en place d’une nouvelle politique pénitentiaire. Elle institue la politique d’amendement et de reclassement social du condamné-politique difficile compte tenu de la situation financière de la France. Dès 1955, le directeur de l’administration pénitentiaire André Touren lance un ambitieux programme de modernisation des maisons d’arrêt. L’établissement profite d’une baisse significative de sa population pénale, encore renforcée par la mise en place de la désormais célèbre « amnistie ».

La prison de Bonne-Nouvelle après la Seconde Guerre mondiale

Le , le code de procédure pénale entre en vigueur. L’un de ses effets est de faire diminuer l’importance de la population pénale, principalement les prévenus. Un autre grand chantier de rénovation du parc pénitentiaire profitera à la maison d’arrêt de Rouen au début des années 60. C’est en effet à Rouen et à Fresnes que furent mis en place des quartiers expérimentaux pour les jeunes condamnés (18-25 ans). Ces derniers se font connaître en France sous le surnom de « blousons noirs ». C’est à partir de ce moment que sont recrutés au sein du corps des surveillants, des « éducateurs adjoints » chargés plus particulièrement de la prise de contact avec cette jeunesse irrédentiste.

Le monde pénitentiaire fut rattrapé par les événements de mai 68 qui, indirectement, provoquèrent de grands drames au sein des prisons de France: prises d’otages à Clairvaux (affaire Buffet-Bontemps) en 1971. 1974 est l’année du grand embrasement. Dans de nombreux établissements, les détenus réclament de meilleures conditions de détention, parfois de façon très spectaculaire. À la maison d’arrêt d’Évreux par exemple, une centaine de détenus montent sur les toits. Soixante-dix-neuf mutins parviennent à se barricader dans une cour de promenade. Ils seront maîtrisés et évacués par les forces de l’ordre puis, pour la plupart, transférés sur Rouen dans la nuit du 26 au . À la suite de ces événements, Jean Lecanuet, alors garde des sceaux, propose la création de centres de détention. Y sont instaurés un régime de détention dit progressif ; le principe d’une meilleure gestion du temps de peine à purger ainsi que les fameux « Q.H.S. » (Quartier de haute sécurité) pour les détenus particulièrement dangereux. Ces Q.H.S. allaient accéder à une certaine notoriété du fait du combat sans merci que leur livrera l’ennemi public n°1 Jacques Mesrine. Il s’était évadé de « La Santé » en , provoquant un durcissement de la politique pénitentiaire : c’est la loi « sécurité et liberté ».

Deux voyous, petites frappes attachantes, sortent de la prison « Bonne-Nouvelle » pour parcourir l’Hexagone. Leur machisme se heurte à quelques difficultés sexuelles au moment de leur rencontre avec le personnage féminin interprété par Miou-Miou. Bertrand Blier en 1974 signe avec Les Valseuses un film insolent. Le film, homérique, scandaleux, désopilant, fera date dans l'histoire du cinéma et doit beaucoup à ses deux acteurs principaux, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. En 1975, le cinéaste Pierre Granier-Deferre, réalise Adieu poulet, avec Lino Ventura et Patrick Dewaere. Le tournage a lieu à Rouen, une prise de vue est réalisée devant la prison Bonne-Nouvelle, où l’on voit la façade et son imposante porte d’entrée rue de la Motte (actuel boulevard de l’Europe). Le film sort en salle le .

Le , un grand nombre de détenus monte sur les toits de Bonne-Nouvelle. Deux jours de suite, une cinquantaine de détenus du quartier des mineurs met à sac les cellules pour protester contre leur étroitesse et manifester leur ennui et leur désespérance. Le , là encore à la prison de Rouen, une centaine de détenus protestent contre la qualité de la nourriture et le surpeuplement. Un incendie démarre dans les ateliers mais est maîtrisé à temps.

Le samedi , vers 13 heures, le surveillant principal Francis Caron est agressé par un détenu à « haut risque », alors qu’il vérifie la solidité des barreaux des cellules de son étage avec une barre métallique appelée « sondeur ». Le détenu le frappe dans le dos à maintes reprises avec un couteau artisanal puis s’empare du sondeur afin de lui porter plusieurs coups sur la nuque. Le détenu, en détention préventive, était incarcéré à Bonne-Nouvelle pour le meurtre d’un SDF perpétré en 1990 ainsi que celui d’une greffière du TGI du Havre en 1991. Dès l’annonce du décès de Francis Caron, survenu le lundi au CHU de Rouen, les surveillants déposent les clefs, se rassemblent devant la grande porte, portant brassards noirs et bannières en hommage à leur collègue. Une centaine d’établissements pénitentiaires se mettent en grève en signe de protestation. Le mouvement des surveillants durera près de trois semaines. Les revendications portent sur l’isolement des détenus dangereux et un supplément d’effectif. Ils parviennent à obtenir la création de 230 postes supplémentaires, la mise en place d’un protocole de vérification du barreaudage des cellules rendant obligatoire la présence d’un second surveillant ; le transfert d’un tiers des détenus dits dangereux, et l’obtention d’un système d’alarme individuelle perfectionné. Les surveillants de Bonne-Nouvelle reprennent le travail lorsque, le suivant, le surveillant principal Marc Dormont est tué par balles en tentant d’empêcher l’évasion de neuf détenus armés à la maison centrale de Clairvaux. À Rouen, les surveillants bloquent l’établissement en signe de deuil et de protestation.

Le dimanche , il fait très chaud et Bonne-Nouvelle est sur le point de s'embraser. 785 détenus (706 hommes et 79 femmes) sont incarcérés dans l'établissement. Vers treize heures trente, au retour de la promenade de la division une, un détenu arrache des mains du surveillant en poste au rez-de-chaussée le trousseau des clefs. Ce détenu s'empresse de rallier à lui une trentaine de détenus qui se trouvaient sur la coursive, et ils ouvrent toutes les cellules. Le surveillant donne l'alerte, ses collègues viennent en renfort pour tenter de refermer les cellules mais ils peinent à réintégrer les détenus. Rapidement débordés, ils se replient alors au rond-point central. Toute la population pénale de la division est dans les étages, soit environ 300 détenus. Tout est cassé ; les portes des cellules, les tables, chaises, lits, placards, fenêtres, cuvette des WC, lavabos, télévisions, etc. Tout ce qui passe entre leurs mains finit dans les filets de sécurité (filets tendus de coursive à coursive, au centre du bâtiment, permettant d'empêcher les tentatives de suicide de détenus qui viendraient à sauter dans le vide). Par cette action, les mutins veulent dénoncer haut et fort le retard dans l'octroi des grâces présidentielles, les délais de transfert trop longs, la mauvaise qualité des repas ainsi que la mauvaise hygiène des locaux. Le directeur de la sécurité publique prend le contrôle des opérations et donne l'ordre aux compagnies républicaines de sécurité (CRS) d'intervenir pour maîtriser les émeutiers avec l'appui des personnels de surveillance de la maison d'arrêt. Un hélicoptère de la sécurité civile survole tout l'après-midi la prison Bonne-Nouvelle. Une auto-pompe des sapeurs-pompiers prend position pour prévenir des risques d'incendie. Dix-huit détenus seront transférés sur le champ au centre de détention de Val-de-Reuil, dix-sept détenus seront placés dans des cellules disciplinaires. Après les avoir retrouvées, un détenu rendra à un surveillant vers dix-huit heures, les clefs perdues. Ce n'est que vers vingt-deux heures que le calme revient. Durant la nuit, une compagnie de gendarmes mobiles prend position boulevard de l'Europe afin de maintenir un haut niveau de surveillance sur le périmètre extérieur. Quatre jours plus tard, le tribunal correctionnel de Rouen condamne le meneur à quinze mois de prison ferme, et prononça également pour huit autres détenus des peines allant de deux à six mois ferme pour dégradation de biens publics. L'administration quant à elle chiffre les dégâts à hauteur de 163 475 francs (24 922 euros) et mettra un certain temps à panser ses plaies.

D’autres évènements feront parler de la maison d’arrêt de Rouen et provoqueront la mise en place de nouvelles politiques pénitentiaires successives. Le à la suite d'une querelle sur l'hygiène dans la cellule. Obéissant « à une pulsion d'agressivité », Nicolas Cocaign, 35 ans, frappe avec un couteau artisanal Thierry Baudry, 41 ans, avant de l'achever en l'étouffant avec des sacs poubelles. Puis, Nicolas Cocaign a préparé son repas du soir avec l'intention de manger le cœur de sa victime. Avec une lame de rasoir, il découpe le thorax de Thierry Baudry, prélève un organe qui s'est avéré être par la suite un morceau de poumon. Il mange une partie crue et cuisine le reste avec des oignons sur un réchaud de fortune. « Je voulais prendre son âme », explique-t-il au juge d'instruction, qui le met en examen pour homicide volontaire accompagné d'actes de torture et de barbarie. Nicolas Cocaign a été condamné en juin 2010 à 30 ans de réclusion criminelle. Idir Touati s'est fait égorger par son codétenu, le mercredi , dans une cellule. Son codétenu, Sofiane Toumi, reconnaît avoir porté les coups au cours d'une bagarre, parce qu'Idir l'avait accusé de lui avoir volé sa montre. Un miroir serait tombé et ils se seraient battus avec ces bouts de miroir. Ce jeune homme est schizophrène et a été déclaré irresponsable de ses actes par plusieurs collèges d'experts psychiatres.

Prisonniers célèbres

Bibliographie

  • Jean-Pierre Machain, « Bonne Nouvelle : Du prieuré à la prison rouennaise », Études normandes, no 1, (ISBN 978-2-87775-593-1)
  • Jean-Pierre Machain, Bonne Nouvelle : Histoire de la prison de Rouen, Nolléval, L'Écho des vagues, , 215 p. (ISBN 978-2-918616-34-4)
  • Arthus Barthélémy Vintrignier, Des prisons et des prisonniers, Versailles, 1840
  • Jacques-Michel Thaurin, Nouvelle maison d’arrêt et de correction, Rouen, D. Brière, 1856
  • Charles de Robillard de Beaurepaire, Les maisons de force, Rouen, 1858-1859
  • Charles de Robillard de Beaurepaire, Recherches sur les anciennes prisons de Rouen, Rouen, Boissel, 1861
  • Nicétas Périaux, Dictionnaire indicateur et historique des rues et places de Rouen, Rouen, Le Brument, 1874
  • Pierre-Polovic Duchemin, Sotteville les Rouen et le Faubourg St Sever, Rouen, A. Lestringant, 1890
  • Georges Dubosc, À travers Rouen ancien et moderne, Rouen, Defontaine, 1920
  • Charles Farcy, L'Évolution historique de Rouen, Rouen, A. Laîné, 1935
  • Ils sont toujours vivants dans nos combats pour la liberté et pour la paix, Sotteville-lès-Rouen, EDIP, 1985
  • Élisabeth Caude, Le Parlement de Normandie, 1499-1999, 5e centenaire du palais de justice de Rouen, Évreux, 1999
  • Olivier Chaline, Le Parlement de Normandie, 1499-1790, collection Histoire d'agglo, 1999
  • Jean Claude Vimont, « Le Docteur Arthus Barthélémy Vintrignier », Bulletin de la Société libre d'émulation de la Seine-Maritime, 1999
  • M. Delaunay, La lutte pour la dignité de l'homme : l'œuvre du docteur Vintrignier, CHU Rouen, 2003
  • Histoire pénitentiaire, vol. 1 à 5, collectif d'auteurs sous la direction de Christian Carlier, collection Travaux & Documents, SCRI, Administration Pénitentiaire, 2005 – 2006
  • Christian Carlier, Les prisons du XIXe siècle, Criminocorpus, 2007
  • Christian Carlier, Un XXe siècle contrasté, Criminocorpus, 2007

Liens externes

Notes et références

  1. Alain Scoff, Un nommé Durand, Éditions Jean-Claude Lattès, (lire en ligne), p. 337.
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