Édouard de Max

Édouard de Max, de son nom d'acteur de Max, né Eduard Alexandru Max le à Iași en Moldavie et mort le à Paris, est un acteur de théâtre et de cinéma français d'origine roumaine.

Biographie

Edouard de Max par Charles Gir

En 1889, auditionné dans Achille par Edmond Got, Édouard de Max est admis au Conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris dans la classe de Gustave Worms et a comme condisciples Lugné-Poe et Marguerite Moreno avec laquelle il jouera à plusieurs reprises.

En juillet 1891, après les concours d'usage qui le consacrent comme tragédien[1], il est engagé pour jouer Néron dans Britannicus au théâtre de l'Odéon[2].

Il est identifié dès ses débuts comme un interprète atypique[3] dont le style emprunte à Mounet-Sully et qui divise la critique: sensationnel pour les uns, il est insupportable aux autres[4].

Original en tout point - il porte des tenues extravagantes, affiche ouvertement son homosexualité, arrête un Britannicus d'un « - Une minute, laissez asseoir les nouveaux riches »[5] et joue Prométhée nu de sa seule initiative aux arènes de Béziers[6] -, de Max devient un véritable phénomène médiatique[7], construit par une certaine presse qui s'offusque un jour et s'amuse un autre du singulier du personnage[8],[9].

De Max travaille un jeu de scène très personnel où la gestuelle et les intonations de la voix sont particulièrement présentes, et il développe une psalmodie très personnelle, à égale distance de la diction et du chant, qu'il appelle la troisième manière de vocaliser. Il lui est souvent reproché de se démarquer dans les mises en scène.

Il joue dès ses débuts de nombreuses pièces en compagnie de Lucien Guitry et de Sarah Bernhardt[10] « La Patronne » qu'il rencontre en 1892 et avec laquelle il n'aura de cesse de jouer et de tourner parfois à l'étranger. Elle l'intègre à la troupe du Théâtre de la Renaissance dont elle prend la direction en 1893 et elle le conviera plus tard à rejoindre celle des permanents du Théâtre des Nations qu'elle acquière en 1899. De Max partage avec Sarah Bernhardt une manière de jouer faite d'exagérations, « le soucis des attitudes, la science des gestes, l'art de se drapper », etc. Excessivement maniéré et taxé de féminin, ce jeu, pourtant très similaire à celui de Sarah Bernhardt, lui est reproché plus souvent qu'à elle. À ce sujet, son apostrophe à Sarah Bernhardt « Madame, je suis autant femme que vous! » a fait le tour du monde[11].

Leurs relation est à leur image, extravagante: en avril 1904, n'obtenant pas d'explication de la part des Sarah Bernhardt sur la primeur qui est donnée à Guillaume Guy sur l'affiche du spectacle Varennes en préparation, alors que celui-ci est engagé seulement pour l'occasion, de Max abandonne soudainement les répétitions[12]. Un contentieux financier les opposera un temps[13].

« Ils se boudèrent tous deux raconte-t-on, pendant-un moment. Un soir, la grande Sarah, magnifique, venait de donner. au public une impression d'art. inoubliable. De Max était dans la salle. Dès la représentation terminée, tremblant d'enthousiasme et d'émotion, lui qui peut-être fut aussi grand qu'elle, il se jeta. à ses pieds et s'écria : « Je vous demande pardon, Madame. »

 Stéphane Manier, , journaliste et homme de lettres, (1896-1943) , Paris-Soir - 30 octobre 1924 – La mort de de Max

En 1908, lors du procès qui oppose Henry Bataille à Sarah Bernhardt pour l'abandon de la commande qui lui fut passé par elle d'une adaptation de Faust pour son théâtre, elle prétexte que de Max, prévu pour le rôle principal, est un personnage trop narcissique.

« Il y a vingt ans que Mme Sarah Bernhardt se refuse à accepter cette vérité astronomique qu'une étoile ne peut briller au firmament que par comparaison avec d'autres constellations et en surmontant leur éclat... . Elle voudrait être seule à briller dans un ciel dévasté. »

 Henry Bataille par la voix de M. Chenu, avocat, 13 mai 1909

Leurs brouilles, fréquentes, ne portent pas pour autant atteinte à leur collaboration qui durera jusqu'en 1911[réf. souhaitée].

Il est un acteur de la première heure du cinéma français encore relativement décrié avant-guerre.

En 1908, il découvre le jeune Jean Cocteau et, fasciné par son style, le fait connaître du tout Paris au cours d'une matinée poétique qu'il organise au théâtre Femina[14],[15] avec le premier récital des poésies de l'auteur[16].

Il protége André Gide qui a écrit Saül à son intention[réf. souhaitée].

En 1911, il est proche du jeune écrivain et futur instigateur de la Première avant-garde du cinéma français Louis Delluc, qui écrit sa biographie Chez de Max en 1918, et plusieurs articles élogieux à son égard [17]. Celui-ci lui confie ses premiers textes[18] et les deux hommes travaillent ensemble à l'époque à la finalisation des projets théâtraux de Delluc[19],[20].

De Max est engagé en 1915 à la Comédie-Française pour la durée de la guerre et se voit confier quelques rôles importants[21]. L'idée qu'il puisse un jour devenir sociétaire de la prestigieuse institution suscite chez certains une forte indignation: la presse rend publiques ses origines Roumaines et une confession juive sur lesquelles de Max était resté discret jusque là[22] et « l'affaire » implique jusqu'au gouvernement[23]. La polémique sur les origines roumaines de de Max est ridiculisée par la presse[24] et en réaction à celle-ci, ce dernier s'engage dans la légion étrangère et est affecté auprès de l'état-major de l'Armée d'Orient en Salonique en qualité d'interprète[25].

Sous la pression et par crainte du ridicule, la Comédie Française se résout, malgré elle[26] et désavouée par une partie de la presse[27], à nommer de Max sociétaire le 3 octobre 1916 à part entière avec prise d'effet immédiatement à la fin du conflit[28]. De retour du conflit en 1917, il devient le 355e sociétaire de la Comédie-Française en 1918.

Conscient de l'engouement qu'il suscite auprès du public, de Max n'hésite pas à faire valoir ses prétentions financières à la hausse.

De Max met sa notoriété au service de nombreux projets de jeunes auteurs et s'implique également beaucoup pour la Roumanie, son pays d'origine.

La lecture de ses rares écrits et de ceux de ses amis et journalistes témoignent d'un de Max d'une grande générosité et soucieux des autres, cultivé à l'extrême et particulièrement raffiné.

On ignore comment Édouard de Max fit la connaissance de Pierre de Massot, son cadet de 31 ans, mais une tendre affection liera les deux hommes.

De Max s'éteint le entouré de nombreux proches à son domicile parisien du no 66 rue de Caumartin à l'âge de 55 ans, victime d'une congestion pulmonaire.

Sa mort fait les Grands titres de la presse française et l'hommage au géant du théâtre qu'il était est unanime[29].

Il est enterré à Paris au cimetière du Montparnasse à la suite d'une cérémonie où abondent les curieux et où il ne veut « Ni fleurs, ni couronnes », et au sujet de laquelle il ajoute « ..., et pas de discours, laissez-moi partir tranquille. »

Une plaque apposée sur l'immeuble où il vécut rappelle son souvenir.

Théâtre

Cabinet card of Edouard de Max in the role of Marc-Antoine from Jules Cesar (1906) by the photographer Paul Berger.[Traduire passage]

Carrière hors de la Comédie-Française

Édouard de Max dans le rôle d'Homodei, dans Angelo, tyran de Padoue, vu par Lourdey en 1905[30].

Carrière à la Comédie-Française

Entrée à la Comédie-Française en 1915
Sociétaire de 1918 à 1924
355e sociétaire

Filmographie

Témoignages

  • « C'est l'artiste déconcertant, jamais égal, toujours curieux, dont les conceptions étonnent et irritent les pontifes sucrés de la critique; le grand enfant intraitable dont un caprice a failli dix fois briser la carrière; l'esprit ombrageux, entier et irréductible que révolte l'apparence même d'un joug »Georges Champenois, Revue d'art dramatique.
  • « Mes amis sont partis tous mes amis sont morts
Edouard Edouard toi que j'ai tant aimé
Toi sur le cœur de qui j'ai dormi tant de soirs
Toi à cause de qui je meurs de vivre et de t'attendre. »
  • « C'est à mon ami bien-aimé Edouard de Max, l'illustre tragédien roumain, que je pense spécialement. L'ayant vu mourir en octobre 1924, et lors du dernier soupir, tourner son visage du côté du mur pour cacher son agonie de ceux qui l'entouraient, je n'oublierai jamais l'expression de son regard et l'impression que j'en rapportai. » — Pierre de Massot, Prolégomènes à une éthique sans métaphysique, p. 65[31]

Portraits et caricatures

  • D. de Losques : Édouard dans Nabuchodonosor, Le Roi
  • Il a inspiré le personnage du Monsieur aux chrysanthèmes qui eut un franc succès et une bonne critique en 1908.

Notes et références

  1. « Le Clairon (1889-1902), 24 juillet 1891 - page 4 - colonnes 4 et 5 - Tragédie (9) et Comédie (10) », sur Retronews
  2. « L'Ordre de Paris, 22 août 1891 - page 4 - colonne2 haut », sur Retronews
  3. 2 occurrences successives« Le Figaro (1854-), 23 juillet 1891 - page 3 - colonnes 4 et 5 », sur Retronews
  4. « Le Public (1888), 27 novembre 1891 - page 3 - colonne 5 milieu », sur Retronews
  5. « Aux écoutes, 29 août 1920 - page 7 - colonne 2 », sur Retronews
  6. « Comoedia , 11 novembre 1924 - page 71- colonnes 1 et 2 », sur Retronews
  7. Les articles de presse qui traitent de la vie privée de l'artiste ou qui moquent son aspect physique et ses attitudes se comptent par centaines de 1891 à 1924 (Retronews)
  8. « Le Journal amusant, 6 mars 1920 - page 5 - colonne 1 milieu », sur Retronews
  9. « Aux écoutes, 28 novembre 1920 - page 15 - colonne 2 milieu », sur Retronews
  10. Avec Lemaître et Armand Sylvestre, sur Phèdre, Les rois, Iseyl, etc. Référence pour la première de ces collaborations« La Cocarde, 13 novembre 1893 - page 2 bas - colonne 2 et 3 », sur Retronews
  11. Edouard de Max, Gloire et décadence d’un prince de la scène française (1869 – 1924), Claudette Joannis, Collection Saint – Germain des Près Inédit
  12. « L'Éclair, 16 avril 1904 - page 3 - colonne 5 2ème tiers - "M. de Max abandonne..." », sur Retronews
  13. « Le Rappel, 20 avril 1904 - page 2 - colonne 4 haut - "Mme Sarah Bernhardt contre M. de Max" », sur Retronews
  14. « Comoedia , 5 avril 1908 - page 2 - colonne 4 haut - "Les conférences du Femina" », sur Retronews
  15. « Comoedia , 3 avril 1908 - page 2 - colonne 5 - "Les conférences au théâtre Femina" », sur Retronews
  16. Cocteau, quelques éléments de biographie.
  17. En complément de ceux du Comoedia illustrés sur la période 1908-1914« Comoedia , 13 février 1913 - page 2 - 3ème et 4ème colonne milieu- "M. de MAX, retour de New-York..."" », sur Retronews
  18. « La Vérité, 29 juin 1918 - page 1 - 2ème colonne - 3ème paragraphe - "De Max proféra..." », sur Retronews
  19. Louis Delluc, dans une lettre écrite au journal "Comédia" qui dénonce les attributions peu rigoureuses des journalistes de ses pièces aux directeurs des salles qui les montent associe, vraisemblablement avec son accord, Edouard de Max, dont il fait l'éloge, à son propos« Comoedia , 4 septembre 1911 - page 3 - 5ème colonne - "Expressions de haine, Violences, Revendications" », sur Retronews
  20. sans citation explicite à Louis Delluc, l'auteur du texte "Lazare le Ressuscité", une référence à De Max qui s'intéresse au projet« Aux écoutes, 7 juillet 1918 - page 17 - 2ème colonne - paragraphe "Il y a aussi parmi les projets..." », sur Retronews
  21. « La Lanterne (1877-1928), 24 septembre 1915 - page 2 - 6ème colonne milieu - "Nouvelles théâtrales" », sur Retronews
  22. « Le Carnet de la semaine, 4 décembre 1915 - page 17 - "Monsieur de Max ne sera pas sifflé" », sur Retronews
  23. « Le Carnet de la semaine, 12 décembre 1915 - page 17 - "Les comédies de la Comédie-Française" », sur Retronews
  24. « Le Progrès de la Côte-d'Or, 2 octobre 1915 - page 1 - colonne 1 haut - "Causeries parisiennes - La fin de Cabotinville" », sur Retronews
  25. « Le Petit Troyen, 15 octobre 1916 - page 2 - colonne 2 bas - "Armée" », sur Retronews
  26. « Le Ruy Blas, 8 octobre 1916 - page 12 - colonne 3 - "Messieurs Lebureau de la Comédie" », sur Retronews
  27. « Excelsior, 4 octobre 1916 - page 8 - colonne 2 haut », sur Retronews
  28. « Le Petit bleu de Paris, 4 octobre 1916 - page 3 - colonne 1 haut », sur Retronews
  29. Consultation des unes de la presse la semaine qui suit sa mort - Retronews
  30. Le Journal amusant, 18 février 1905.
  31. « Henry de Montherlant ».

Annexes

Bibliographie

  • Louis Delluc, Chez de Max
  • Georges Champenois, « De Max », Revue d'Art Dramatique,
  • Gilles Queant, Encyclopédie du théâtre 1850-1914, Paris, Publications de France, .
  • Philippe Van Tieghem, Les Grands Comédiens 1400-1900, Paris, PUF, .
  • Exvelyne Ertel, « Édouard de Max », dans Michel Corvin, Dictionnaire encyclopédique de théâtr, Paris, Bordas, .
  • Armory, Le Monsieur aux chrysanthèmes, Montpellier, QuestionDeGenre/GKC, .

Liens externes

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