Pictons
Les Pictons (Pictones) ou Pictaves constituent un peuple de la Gaule installé dans un territoire correspondant aux départements actuels de la Vendée, des Deux-Sèvres, de la Vienne, et du sud de la Loire-Atlantique et du Maine-et-Loire. La région historique du Poitou et sa capitale, Poitiers, tirent leur nom de cette tribu.
Ne doit pas être confondu avec pictes.
Pictons | |
Monnayage picton | |
Ethnie | Celtes |
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Langue(s) | Gaulois |
Religion | Celtique |
Villes principales | Lemonum |
Région actuelle | Nouvelle-Aquitaine, Pays de la Loire (France) |
Rois/monarques | Duratios |
Frontière | Andécaves, Bituriges Cubes, Lémovices, Turons, Santons |
Présentation générale et étymologie
Selon les sources et les époques ils peuvent être désignés sous le nom de Pictes. Dans son Dictionnaire étymologique du patois poitevin (1867), Gabriel Lévrier écrit : « Les Pictes furent nos ancêtres ; nous tenons d'eux un immense héritage : ils ébauchèrent notre civilisation, créèrent la plupart de nos villages, et jetèrent les bases d'un bon nombre de nos villes. Chaque jour nous foulons à nos pieds les forêts par eux consacrées au culte de Teutatès et d'Hésus, ainsi que les sillons tracés par leurs charrues grossières. »
Leur nom dérive du radical celtique (gaulois) pict-, qui signifie « rusé »[1].
La période d'indépendance
Territoire des Pictons
Les limites de ce territoire sont déductibles à partir de trois éléments :
- la toponymie : le toponyme Equoranda ou Ewiranda désigne un élément aquatique servant de frontière ; on le retrouve à Ingrandes dans la commune de Couziers, où il faisait la frontière avec les Andécaves ou Andes (Anjou) ; à Ingrandes, avec les Turons (Touraine) ; à Ingrandes près du Blanc, avec les Bituriges Cubes ; on le retrouve également dans le nom du ruisseau des Équilandes, près de Bourg-Archambault, à la frontière avec les Lémovices (Limousin) ; dans la forêt d'Argenson ; avec une rivière Guirande, au sud de Niort, à la frontière avec les Santons ;
- la numismatique : on retrouve les monnaies pictonnes essentiellement au sud de la Loire, à l'intérieur des actuels départements des Deux-Sèvres et de la Vienne ;
- les limites de l'ancien évêché de Poitiers, qui s'est établi au IIIe siècle et a donc repris le découpage de la cité du IIIe siècle, qui s'étendait sur toute la cité (division administrative romaine) des Pictons, et qui est devenu ensuite le comté de Poitou, jusqu'à ce qu'au Xe siècle le Poitou soit amputé du Pays de Retz et des Mauges, puis en 1317 les évêchés de Maillezais et de Luçon en soient détachés.
À partir de ces éléments, on peut établir que le territoire picton s'étendait, avant la conquête romaine, avec certitude sur les départements actuels de la Vienne et des Deux-Sèvres, c'est-à-dire le Haut-Poitou, et le sud de la Vendée. Il est probable, mais non certain que la Vendée n'en faisait pas partie (probablement territoire des Ambilatres[2]). L’extension de leur territoire jusqu’à la Loire sur tout son cours inférieur avant la conquête romaine est une hypothèse à peu près abandonnée. En tout cas, après la Conquête, les trois départements forment un ensemble qui dure jusqu'à la Révolution française, soit plus de dix-huit siècles.
Villes et économie
Le nom de l'oppidum des Pictons était Lemonum, nom celtique de l'actuelle Poitiers signifiant « l'Ormeraie ». Ce terme proviendrait du gaulois Lemo-, « orme », qui se compare exactement avec l'irlandais lem, orme, avec une finale latinisée. Puis elle a pris le nom du peuple dont elle était la civitas (cité) : Civitas Pictaviensis, selon un processus bien connu en Gaule romaine, c'est-à-dire « Poitiers ». Lemonum était située sur un vaste promontoire au confluent du Clain et de la Boivre.
Organisation politique et cultes
Juste avant la conquête romaine, il apparait que l'État picton est organisé autour de l'ancien système celtique royal, et non d'un vergobret.[réf. nécessaire]
Plusieurs noms des tribus voisines des Pictons nous sont arrivés, comme les Ambiliates ou Ambilatres (Vendée actuelle) et les Agnutes ou Anagnutes.
Duratios était roi des Pictons lors de la conquête, mais son pouvoir semblait limité par celui des chefs de guerre pictons.[réf. nécessaire]
Voir aussi religion gauloise, druidisme.
Monnayage
Le Poitou celte connut une circulation monétaire originale à partir de la fin du IIe siècle av. J.-C. Il s'agit de monnaies d'electrum[réf. nécessaire]. Comme la plupart des monnaies gauloises, il est inspiré du statère macédonien, et des monnaies grecques de la colonie d'Empuries en Catalogne.
Les monnaies pictonnes possèdent un type armoricain, dont le revers possède un caractère original : une main ouverte se trouve sous le cheval androcéphale courant. On retrouve encore des monnaies d'argent et de bronze[3].
Ces motifs inspirèrent directement le monnayage des Namnètes[réf. nécessaire], tant l'influence politique, ainsi que la stabilité économique pictonne, étaient importants sur cette région de la Loire[réf. nécessaire].
On retrouve abondamment ces monnaies dans la Vienne et les Deux-Sèvres, et en faible quantité en Vendée.
Il existe également au Ier siècle av. J.-C. une série d'argent, ornée d'un cavalier ailé qui saute une fleur de type lys, proche du monnayage des Bituriges. Son caractère proprement picton est cependant moins certain.
La Guerre des Gaules et la fin de l'indépendance
Les Pictons faisaient partie des peuples qui pouvaient se sentir menacés par la migration des Helvètes vers le territoire des Santons, dans le cas où elle se serait effectuée par le nord du Massif central. Ils avaient donc tout intérêt à l'intervention de Jules César.
Tout comme les Santons, ils fournirent une flotte à César en 56 av. J.-C. Leur chef Duratios resta fidèle à César lors de l'insurrection de 52 av. J.-C. Cependant, Vercingétorix demanda des renforts à tous les peuples de la Gaule, dont 8000 hommes aux Pictons, qui lui furent envoyés. Le peuple picton était donc partagé. Le contingent favorable à Vercingétorix rejoignit le chef des Andes Dumnacos à Angers, qui se dirigea alors vers Lemonum pour y assiéger Duratios. Celui-ci envoya un courrier au légat romain Caius Caninius Rebilus, qui vint depuis le territoire des Rutènes lui apporter du soutien. Mais n'ayant que des troupes de peu de valeur, il se construisit un camp retranché afin de résister à Dumnacos. Celui-ci l'assaillit durant plusieurs jours sans réussir à le pénétrer.
Dumnacos prit la fuite en apprenant que le légat Caius Fabius, qui obtenait allégeance des peuples entre Beauvais et Tours, se portait au secours de Caninius.
Étant resté fidèle en majorité à César, la cité pictonne, c'est-à-dire la subdivision administrative romaine qui fut attribuée aux Pictons lors de l'organisation de la Gaule en provinces romaines entre 16 av. J.-C. et 13 av. J.-C., fut probablement augmentée du territoire des Ambilatres et des Anagnutes (probablement la Vendée).
Période antique
La paix romaine
La paix romaine profita à la cité des Pictons, notamment par de nombreuses constructions urbaines (voir Histoire de Poitiers), il est toutefois difficile de se prononcer sur le degré de romanisation du peuple picton. Des survivances de l'époque gauloise sont attestées, ainsi, comme dans de nombreux autres endroits des Gaule, au milieu du IIe siècle, les bornes milliaires indiquent les distances en lieues gauloises, et non en milles romains. En revanche, il est certain qu'à cette époque l'aristocratie de la cité était profondément romanisée et fortement intégrée à la classe dirigeante de l'Empire romain : Marcus Sedatius Severianus originaire de Poitiers fit en effet une belle carrière de sénateur romain qui le porta au consulat en 153. Les découvertes archéologiques ont révélé la richesse de la Poitiers romaine et son insertion dans l'économie impériale, source commerciale, selon Gilbert-Charles Picard de la réussite des notables pictons[4]. Il est possible que Poitiers ait été la capitale de la province romaine d'Aquitaine. Selon G. Nicolini des traces d'incendie marquent une rupture dans l'histoire de la ville dans le troisième quart du IIe siècle, incendies et ruptures que G.-Ch. Picard expliquait par des troubles et des révoltes.
En 237, on trouve la première mention du changement progressif du nom de Limonum en Poitiers.
La prospérité de la cité des Pictons se lit aussi dans les agglomérations qui se sont développées autour de sanctuaires ruraux, comme Sanxay, et les Tours Mirandes à Vendeuvre dans les deux premiers siècles de l'ère chrétienne. D'autres agglomérations se sont encore développées à partir du IIIe siècle, comme le Vieux-Poitiers à Naintré, commune qui a également livré deux tombeaux exceptionnels (les Dames de Naintré). Ce bourg ne disparaît qu'avec les invasions normandes du IXe siècle. Au Ier siècle apr. J.-C., le géographe Strabon[5] mentionne également les deux principales villes pictonnes de l'époque : Lemonum (Poitiers) et Ratiatum (Rezé). Ce port servait au commerce avec les îles Britanniques[réf. nécessaire].
Après que Constantin Ier avait fait du christianisme une religion licite et protégée, celui-ci se répand de plus en plus rapidement. Saint Hilaire est le premier évêque assuré de Poitiers vers 350. Il accueille le futur saint Martin de Tours, qui fonde à Ligugé le plus ancien monastère de Gaule, encore en activité aujourd'hui.
Carte des principales agglomérations antiques pictonnes
La carte suivante inventorie les principaux sites d'agglomérations secondaires ou vici, ainsi que celui de la capitale, Lemonum (Poitiers), attestés sur le territoire picton pour l'époque gallo-romaine[6] :
- Légende
- A : Lemonum / Poitiers
- B : Saint-Pierre-les-Églises
- C : Civaux
- D : Antigny
- E : Melle
- F : Briva / Vieux-Poitiers
- G : Brioux-sur-Boutonne
- H : Rauranum / Rom
- I : Usseau[6].
- J : Ratiatum / Rezé
- K : Sanxay
- L : Durinum / Saint-Georges-de-Montaigu
- M : Segora / La Ségourie (oppidum)
- N : Les Tours Mirandes
Notes et références
- Ernest Nègre, Les Noms de lieux en France, 1977, p. 41
- Carte de José Gomez de Soto, d’après Jean Hiernard et Louis Maurin, dans Jean Combes (dir.), Histoire du Poitou et des Pays charentais : Deux-Sèvres, Vienne, Charente, Charente-Maritime, Clermont-Ferrand, éditions Gérard Tisserand, , 334 p. (ISBN 2-84494-084-6, lire en ligne), p. 90
- Michel Amandry (directeur), Dictionnaire de numismatique, Larousse, 2001, (ISBN 2-03-505076-6), p. 458
- G. Ch. Picard, "Ostie et la Gaule de l'Ouest", MEFRA, 93, 2, 1981, p. 893-915
- Strabon, Géographie, IV, 2, 1, confirmé par au IIe siècle apr. J.-C. par le géographe Ptolémée, II, 6 qui mentionne également les Pictons occupant la zone géographique située au sud de l'estuaire de la Loire avec Ratatium ou Ratiatum (Rezé) comme important port situé sur ce même fleuve
- Picard 1982, p. 539 et 540.
Voir aussi
Bibliographie
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
- Xavier Delamarre et Pierre-Yves Lambert (préface), Dictionnaire de la langue gauloise : Une approche linguistique du vieux celtique continental, Paris, Errance, coll. « Hésperides », , 440 p. (ISBN 978-2-87772-237-7 et 2-87772-237-6).
- Jean Hiernard, Le Monnayage picton, in La Préhistoire du Poitou, Ouest-France Université
- Gilbert-Charles Picard, « La République des Pictons. », Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, vol. 126e année, no 3, , pages 532-559 (DOI 10.3406/crai.1982.13972, lire en ligne, consulté le ).
Articles connexes
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