Moutarde (condiment)
La moutarde (du latin mustum ardens, « moût ardent ») est un condiment préparé à partir des graines d'une plante de la famille des Brassicaceae, appelée aussi moutarde. Ces graines sont petites, d'un diamètre approximatif de 1 mm. Leur coloration varie entre le blanc jaunâtre et le noir selon les espèces et participe à la teinte du condiment.
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La moutarde est répandue dans plusieurs cuisines régionales et continentales. Sur l'ensemble des épices et condiments, la moutarde est le troisième produit le plus consommé dans le monde après le sel et le poivre[1]. Columelle est le premier à en donner la recette au Ier siècle dans son De re rustica (XII, 55)[2]. Apicius, au IVe siècle, en fournit aussi une recette dans De re coquinaria. En Inde, les graines de moutarde sont souvent cuites entières pour donner une saveur particulière à l'huile. L'huile extraite des graines est utilisée pour la cuisine au Bengale.
En France, le condiment connu sous le nom de moutarde est constitué des graines (en particulier les blanches), souvent réduites en farine et mélangées à du verjus. D'autres ingrédients peuvent être ajoutés, par exemple du sucre, du miel, du vinaigre, du vin ou du lait. La liste des ingrédients autorisés en France pour les moutardes figure dans le décret 2000-658[3]. Les graines entières peuvent être submergées de liquide avant le meulage si l'on veut fabriquer de la moutarde en grain dite à l'ancienne.
Différents types de moutardes
- Moutarde allemande (Süßer Senf). Il y a trois sortes de moutarde dont la Moster de Düsseldorf, appelée aussi moutarde anglaise, qui est très relevée, la moutarde bavaroise qui est parfois appelée à tort, moutarde américaine, car elle se rapproche de ce qu'on appelle en Amérique du Nord, moutarde jaune (yellow mustard) ou moutarde préparée (prepared mustard). Cette dernière moutarde est assez douce et elle est faite à partir de graines de moutarde, de sel, d'épices, d'acidifiants, de curcuma et de sucre. Partout, elle accompagne les fameuses saucisses bavaroises. Enfin, il y a la moutarde de l'est qui est plus claire et moins forte.
- Moutarde jaune. C'est la moutarde la plus communément utilisée en Amérique du Nord. Cette moutarde nord-américaine est également vendue sous le nom de « moutarde préparée » et elle est aussi communément appelée « moutarde à hot-dog » ou « moutarde baseball »[4] par les francophones d'Amérique. Elle aurait été introduite en 1904 par George J. French sous le nom de Cream salad mustard, ce qui signifie « sauce à salade à la moutarde ». En Amérique du Nord, la moutarde jaune n'est pas seulement utilisée pour garnir les hot-dogs, mais également les sandwichs, les bretzels, les hamburgers, le saucisson de Bologne, etc. C'est aussi un ingrédient de nombreuses salades de pommes de terre, de sauces barbecue et de vinaigrettes. En Europe, où elle est peu distribuée, elle s'appelle généralement « moutarde américaine » qui est traduit dans ses différentes langues vernaculaires - par exemple en Autriche, elle est appelée Amerikanischer Senf - et elle s'assimile quelque peu à la moutarde bavaroise, mais elle est d'un jaune plus vif et elle est considérée comme étant beaucoup plus douce et quelque peu plus vinaigrée, car elle est faite avec des graines de moutarde, du vinaigre blanc, du sel, du curcuma et du sucre.
- Moutarde de Dijon. C'est une moutarde forte dont plusieurs déclinaisons existent. Elle est faite à partir de graines de moutarde noire et de moutarde brune en majorité, de vinaigre ou de verjus (jus de raisin vert), de sel et d'acide citrique. Elle accompagne toutes les viandes.
- Moutarde de grains à l'ancienne. Faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d'épices et d'acidifiants, les graines lui donnent une texture granuleuse et elle est souvent plus douce que la moutarde de Dijon. La moutarde de Meaux en est un exemple connu au moins depuis le XVIIIe siècle[réf. nécessaire].
- Moutarde en grains pimentée. C'est une moutarde forte, faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d'épice, d'acidifiants et de piments. Certains la consomment avec la viande froide. Les graines lui donnent une texture granuleuse et le piment un goût relevé.
- Moutarde douce. C'est une moutarde douce, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d'épices, d'acidifiants, de vinaigre de malt, de sucre, de caramel, et de fines herbes. Elle se distingue par sa saveur sucrée.
- Moutarde au cassis. C'est une variante au cassis de la moutarde de Dijon. Elle accompagne particulièrement les gibiers.
- Moutarde aux algues. La laitue de mer et la dulse fraîches sont intégrées dans une base de moutarde de Dijon composée de graines de moutarde, de vinaigre d'alcool, d'eau et de sel marin. La quantité d'algues fraîches est de 25 %.
- Moutarde à l'estragon. C'est une variante à l'estragon de la moutarde de Dijon. Elle accompagne le poulet et toute viande froide.
- Moutarde au basilic. C'est une variante au basilic de la moutarde de Dijon.
- Moutarde aux fines herbes. C'est une moutarde faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d'épices, d'acidifiants, de vinaigre de vin blanc, de sucre, de persil, de coriandre, et de fines herbes. Certains la consomment avec la viande froide.
- Moutarde aux noix. C'est une variante aux noix de la moutarde de Dijon.
- Moutarde provençale. C'est une moutarde fine et forte, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d'épices, d'acidifiants, d'ail, de poivron rouge, de vin blanc, d'acide citrique, d'huile et de fines herbes. Elle accompagne toutes les viandes.
- Moutarde à la tomate. C'est une moutarde douce, faite à partir de graines de moutarde entières, de sel, d'épices, d'acidifiants, de tomates séchées, de vinaigre de vin et de sucre.
- Moutarde à la violette. C'est une moutarde douce, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d'épices, d'acidifiants et de suc de violette. C'est une spécialité du sud-ouest de la France.
- Moutarde au miel. C'est une moutarde sucrée, faite à partir de graines de moutarde, de sel, d'épices, d'acidifiants et de miel.
- Moutarde violette de Brive. C'est une moutarde faite à partir de graines de moutarde et de moût de raisin (jus de raisin non fermenté). Elle se consomme avec du boudin noir, un petit salé ou une viande froide. Elle connut son heure de gloire grâce au pape Clément VI qui, originaire de Corrèze et nostalgique de la moutarde violette de son enfance, fit venir en Avignon un moutardier corrézien, messire Jaubertie de Turenne, et le nomma « grand moutardier du pape ».
- Moutarde de Bénichon. C'est une préparation qui rappelle plutôt la confiture. Elle est faite à partir de farine de moutarde, de sucre, de cannelle, d'anis, de clous de girofle, de vin blanc, de fleur de farine de blé et de vin cuit. La moutarde de Bénichon est consommée durant la Bénichon, fête populaire dans certaines régions de Suisse romande. On la consomme usuellement sur une tranche de cuchaule, sorte de brioche parfumée au safran.
- Moutarde italienne. C'est de la moutarde avec de la cannelle et des fruits confits.
85 % des graines servant à faire de la moutarde en France sont importés du Canada[5]. L'appellation d'origine « moutarde de Dijon » n'est commercialement pas préservée et c'est ainsi que tout le monde peut commercialiser n'importe quelle sauce sous cette appellation[6].
Histoire en France
Introduite sous le nom de mustum ardens (moût brûlant) par les Romains en Gaule, elle était préparée en la délayant avec du moût de raisin.
En France, la moutarde n'était pas seulement fabriquée à Dijon. Il en était produit à Paris et à Meaux, et dans toutes les régions à vignes, autour de Bordeaux, de Tours et de Reims, ceci grâce au vin qui, lorsqu'il tournait, pouvait être recyclé en vinaigre, entrant dans la composition de la moutarde, avec des graines de moutarde broyées, de l'eau, du verjus et des aromates tenus secrets. Cependant, dès le XIVe siècle, la Bourgogne s'en était fait une spécialité.
Les pots de moutarde, qui constituent un thème de collection prisé, étaient de petits pots en faïence blanche, fermés à l'origine par un bouchon épais en liège, lui-même recouvert d'une capsule en étain, scellée à la cire. Il existait aussi des distributeurs de moutarde au comptoir, auprès desquels la ménagère venait remplir son verre.
La moutarde connut un certain succès en France au XVIIIe siècle ; elle figure dans les écrits de quelques grands penseurs de l'époque, notamment Voltaire, qui l'utilise comme satire contre le cléricalisme dans une phrase assez méconnue : « À choisir, j'aurais plus confiance dans une vieille bigote à la moutarde que dans un pot de moutarde à la bigote. »
En 1937 eut lieu un fameux procès opposant deux moutardiers parisiens à deux moutardiers dijonnais, au sujet de l'appellation « moutarde de Dijon ». La Cour de cassation statua que l'appellation correspondait à une recette et non à un terroir. Ainsi, on put trouver des pots libellés, par exemple : Bornibus Paris France Moutarde de Dijon au vinaigre fin.
Après la Seconde Guerre mondiale, il y avait, en France, quelque cent soixante fabricants de moutarde. En 2002, il n'en restait plus que six, la grande distribution étant pour une bonne part responsable de cette concentration.
La dernière moutarderie alsacienne, Alelor, fondée en 1873, est située à Mietesheim dans le Bas-Rhin[7]. En Bourgogne, l'entreprise Fallot fondée en 1840 et basée à Beaune, est la dernière moutarderie familiale et indépendante[8].
Les chiffres de la production agricole
Production en tonne de graines de moutarde. Chiffres 2016 | |||
Canada | 250 500 | 35 % | |
Népal | 171 499 | 24 % | |
Russie | 72 993 | 10 % | |
Birmanie | 48 384 | 7 % | |
États-Unis | 43 670 | 6 % | |
Ukraine | 35 580 | 5 % | |
Autres pays | 94 753 | 13 % | |
Total | 717 379 | 100 % |
Production en tonne de graines de moutarde. Chiffres 2017 | |||
Népal | 159 710 | ||
Canada | 121 600 | ||
Russie | 98 319 | ||
Birmanie | 42 760 | ||
Ukraine | 31 000 | ||
États-Unis | 27 330 | ||
Chine | 18 415 | ||
Kazakhstan | 15 121 | ||
France | 14 160 | ||
République tchèque | 9 542 | ||
Autres pays (14 suivants) | 25 789 | ||
Origine du goût « piquant »
Les graines de moutarde contiennent naturellement des molécules de sinigrine et de myrosine (on retrouve ces substances également dans la racine de raifort). Sous l'effet du broyage et du mélange avec l'eau au cours de la préparation de la moutarde, une réaction chimique crée de l’isothiocyanate d’allyle, qui est une molécule organo-sulfurée.
Lors du passage de la moutarde dans la bouche, cette molécule entre en contact avec les cellules sensorielles de la langue, ce qui donne du goût. Lorsque cette molécule volatile atteint le palais et le traverse, elle stimule le nerf trijumeau, ce qui provoque une sensation plus violente, désagréable, ressentie dans la gorge et le nez : on parle de « moutarde qui monte au nez ».
Usage médicinal
La moutarde peut être utilisée à des fins médicinales (voir cataplasme et sinapisme).
Notes et références
- (en) Page moutarde de la Food Encyclopedia.
- Gallica.
- Décret 2000-658, du 6 juillet 2000.
- « La moutarde : un grain peut en cacher un autre », sur Les Echos, (consulté le )
- http://ec.europa.eu/agriculture/quality/door/list.html?&recordSelection=all&recordStart=0&sort.designation=asc
- Philippe Wendling, « Le raifort veut sortir de terre », L’Alsace, 19 octobre 2014.
- « La moutarde monte au front », Le Temps, (ISSN 1423-3967, lire en ligne, consulté le )
- Dylan Loeb McClain, Bruno Battail et Jules Grandin, « La moutarde : un grain peut en cacher un autre », sur Les Échos, (consulté le )
Voir aussi
Liens externes
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