Mensonge

Le mensonge (couramment menterie au Québec[1],[2],[3],[4]) est l'énoncé délibéré d'un fait contraire à la vérité, ou encore la dissimulation de la vérité (dans ce dernier cas on parle plus particulièrement de mensonge par omission). Il ne faut pas le confondre avec la contrevérité, qui désigne simplement une affirmation inexacte, sans préjuger du fait que son auteur le sache ou non. Le mensonge est une forme de manipulation qui vise à faire accroire ou faire faire à l'autre ce qu'il n'aurait pas cru ou fait, s'il avait su la vérité. En général, le mensonge s'oppose à la véracité (le fait de dire le vrai), à la sincérité ou à la franchise.

« Mensonges » redirige ici. Pour les autres articles homonymes (y compris au pluriel), voir Mensonge (homonymie).

Pinocchio, une personnification du mensonge.


Plus précisément, mentir consiste à déguiser sa pensée dans l'intention de tromper. Cette intention distingue le mensonge d'autres usages faux de la parole, admis dans le but de divertir ou par pur procédé rhétorique (comme dans le cas de la litote). À ce titre, il est considéré comme un vice ou un péché par la tradition morale philosophique et religieuse, même si certaines formes de mensonges sont légitimées par quelques philosophes – comme Benjamin Constant, dans son célèbre débat avec Emmanuel Kant sur le « droit de mentir ». Ainsi, certains mensonges sont punis par la loi, comme l'usage de faux, le non-respect des contrats dans le commerce, ou la fausse déclaration en justice.

Généralités

L'opposition « mensonge » et « vérité » est courante. Néanmoins, le mensonge relève d'un acte moral (la bonne ou la mauvaise foi), alors que la vérité relève du fait (le vrai et le faux). Le contraire du mensonge serait donc la sincérité et celui de la vérité l'erreur. Il est d'ailleurs possible de mentir et de dire involontairement la vérité.

Le dicton « toute vérité n'est pas bonne à dire » renvoie aussi à l'idée que, peut-être, « toute vérité n'est pas bonne à entendre » et entraîne ainsi un « bon » mensonge, au moins par omission[réf. souhaitée].

Morale et religion distinguent traditionnellement trois sortes de mensonges[réf. nécessaire] :

  • Le mensonge joyeux, énoncé pour plaisanter ou se moquer quelque peu. Il est distingué toutefois lui-même de la simple plaisanterie de circonstance où les deux parties sont de connivence sans ambiguïté sur le fait que l'information mentionnée est fictive : morale comme religion cessent dès lors d'être concernées.
  • Le mensonge officieux, que l’on énonce pour rendre service à autrui ou à soi-même. Ce mensonge est alors considéré comme plus ou moins grave, selon ce dont il s’agit et en fonction des circonstances qui l’accompagnent. « Quand le mensonge officieux ne contient aucun élément nuisible, le sage ne le blâme pas chez autrui ; mais il l'évite pour lui-même »[5].
  • Le mensonge pernicieux, qui a non seulement l'effet, mais le but de nuire à autrui. Ce mensonge parfois nommé par la littérature mensonge malicieux, est naturellement considéré tant par la morale que par la religion comme le plus grave des trois. Ce point est commun aux cultures occidentale et chinoise.

Causes, motivations et contextes propice au mensonge

Hubert van Gijseghem rappelle que « si le mensonge est sous le coup de l'opprobre général, c'est bien parce que la tendance à mentir est puissante et universelle, inhérente à la nature humaine. Le mensonge est le risque continuellement éprouvé dans la communication »[6]. Ainsi le mensonge est inné, parfois involontaire et a selon lui des racines archaïques dans l'enfance, « tributaire du lent dégagement de la pensée magique enfantine » et il a à voir avec « l'importance vitale pour chacun de nous de protéger notre narcissisme face à autrui ». Pourquoi ment-on ? Quels sont les gains personnels ou collectifs qui amènent un humain ou un groupe humain à « profaner l'unique moyen d'échange valable entre les hommes ? », la confiance réciproque[6]. Les éthologues ont mis en évidence que les sentiments d'injustice et d'empathie existent chez des mammifères non-humains. Les psychologues découvrent que ces capacités apparaissent précocement chez l'enfant aussi. H.v Gijseghem rappelle que « dans le subjectivisme moral, l'enfant s'identifie à l'être trompé. Il reconnaît le caractère anti-social du mensonge, parce que contraire à la réciprocité et au respect mutuel »[6].

Après l'enfance, alors que les capacités de jugement moral et de discernement éthique se consolident, le fait de mentir (à des fins supposées altruistes, joyeuses, pernicieuses ou hostiles) reste un comportement inspiré et motivé par des émotions caractérisant des relations interpersonnelles, émotions elles-mêmes anticipées, engendrées ou favorisées par des facteurs psychologiques. Ces facteurs sont liés à la fois à l'histoire de la personne et au contexte socioculturel.

Des motivations très diverses, éventuellement inconscientes, justifient ou auto-justifient des mensonges que H.v Gijseghem classe selon leur gravité[6] :

  • Pseudo-mensonges de l'enfant, souvent ludiques et dits sans aucune intentionnalité malveillante, et à relier à la créativité naturelle de l'enfant ;
  • des mensonges-désirs qui cherchent à nier une réalité frustrante ou inacceptable (selon l'adage, on pourrait d'ailleurs se mentir à soi-même) ;
  • des mensonges altruistes qui sont par exemple supposés protéger l'autre (l'enfant, l'ami, l'être aimé, un groupe vulnérable), mais ce type de mensonge peut basculer dans l'abus de pouvoir si l'ignorance ou la faiblesse d'une personne (supposée ne pas pouvoir supporter la vérité) permettent de la manipuler ou de diminuer son autonomie décisionnelle. On peut parfois aussi y voir un manque de courage dans l'évitement d'une recherche commune du chemin qui permettrait de dire la vérité ;
  • des mensonges utilitaires, pour acquérir un bien ou un service, préserver l'amour de quelqu'un ou s'éviter une sanction ;
  • des mensonges hostiles, nourris par la haine et l'envie, et proférés dans le but de nuire.

Le contexte a une grande importance : une relation de confiance à autrui n'encourage a priori pas le mensonge (hormis parfois pour protéger l'autre par un « mensonge altruiste ») ;
Au contraire, le mensonge est favorisé par des contextes impliquant absence ou perte de confiance, ou induisant des relations de peur (peur de l'autre, de l'inconnu, de l'abandon, du rejet, de la douleur, de la solitude...) ou plus encore par des relations de jalousie, d'égoïsme, de mépris, de haine, d'hypocrisie, d'amour de soi ou d'appât du gain, d'abus sexuels, de volonté d'abus de confiance ou de recherche de déstabilisation. Le mensonge peut aussi être lié à des situations d'humiliation, de honte, de gêne, d'injustice, de trahison...

Des chercheurs tentent de mieux comprendre la motivation de certains mensonges en particulier de ceux que l'on jugerait paradoxalement moins immoraux en raison du contexte social. Une étude récente conclut que dans un contexte où des gens en position de pouvoir (hiérarchie, fonctionnaires, élus, forces de l'ordre…) mentent manifestement (dans un contexte de corruption institutionnelle élevée typiquement), d'autres individus se sentent également plus libres de mentir.

Diverses études avaient déjà montré que le tabou relatif du mensonge (et d'autres règles de vie en société) sont plus facilement brisés dans un contexte où d'autres personnes sont également susceptibles de le faire (un peu de la même manière que le fait d'être entouré de graffitis et de déchets au sol rend plus susceptible d'abandonner ses déchets dans l'environnement). Ainsi en France, 5 % des CV seraient faux ou fortement mensongers, et 1/3 des candidats tendent à « gonfler » leur CV. Les auteurs de ces mensonges se justifient souvent en arguant que tout le monde le fait, au risque de perdre la confiance d'un employeur qui vérifiera leur CV[7]. Pour évaluer dans quelle mesure un contexte de corruption ou de fraude politique peut lui-même affaiblir les normes sociales et renforcer le mensonge, la fraude et l'évasion fiscale, une étude a utilisé les statistiques sur 3 thèmes (corruption, évasion fiscale et fraude électorale) répertoriés par la Banque mondiale et Freedom House (une ONG qui observe la qualité de la démocratie et de la liberté politique, pour 159 pays). Ces taux ont été combinés en un indice évaluant l'institutionnalisation du contournement des règles. Puis durant près de 5 ans, les auteurs ont parcouru 23 pays pour y évaluer par un test simple le niveau d'honnêteté individuel de collégiens (ces derniers, volontaires, lancent un dé et disent le chiffre tiré ; plus ce nombre est élevé, plus ils recevront d'argent ; le test se déroule dans des conditions où le collégien sait que l'expérimentateur ne peut pas voir ni vérifier les résultats. Pour un grand nombre de dés jetés, une simple analyse statistique montre ensuite le niveau de tricherie des participants. Les résultats (publiés dans la revue Nature en 2016) montrent que le taux de tricheurs est corrélé au degré d’institutionnalisation de la fraude et de la corruption dans le pays (parmi les 23 pays testés, la Géorgie était en tête des scores de mensonges et l'Autriche des scores d'honnêteté tels que mesurés par ce test). L'étude a néanmoins montré que la plupart des enfants testés ne trichaient que modérément, par exemple en annonçant plutôt des 3 ou des 4 que des 2 ou des 3, ce qui fait dire à l'un des auteurs que « Même face à ces tentations, les gens se soucient encore de se sentir honnête » (...) « Voilà pourquoi les gens mentent seulement dans la mesure où ils peuvent justifier leurs mensonges » ; phénomène dénommé « tricherie justifiée » par Schulz, autre co-auteur, qui y voit « une façon de profiter tout en se sentant comme une personne assez honnête » et commente ces résultats en précisant que « même dans les pays les plus corrompus, les gens ne sont pas manifestement malhonnêtes » ; ils restent préoccupés par leur image de soi qui implique d'être une personne honnête[8].

Vie sociale

Le mensonge est typiquement présenté comme un mal. Dans une relation humaine libre, il n'a pas sa place. Par contre, son utilisation peut être reconnue dans le cas où un individu doit agir pour sa propre survie physique ou psychologique ou, à défaut d'autres moyens, pour s'adapter à un environnement donné. Tout dépend des situations, des forces en présence voire des cultures. Il ne faut pas non plus confondre mensonge et pudeur qui elle, a pour but de ne pas agresser son interlocuteur, de faire passer la parole avant les actes et de rechercher une communication harmonieuse plutôt qu'une victoire.

Bernard Stiegler, dans son livre Aimer, s'aimer, nous aimer — du au , considère, lui, que le mensonge est la pierre fondatrice des sociétés. Par exemple, selon lui, l'adoption universelle du calendrier grégorien est un mensonge puisque les différents peuples feignent d'accepter la naissance du Christ comme élément initial, mais cela permet les échanges entre les peuples, la construction de conventions communes. On prête tantôt à Napoléon[9], tantôt à Winston Churchill la phrase : « L'histoire est un mensonge que personne ne conteste ».

Politesse, diplomatie et vie de couple

La politesse peut toucher dans certains cas au mensonge, ou au moins à une certaine hypocrisie : le « bonjour-au revoir » accompagné parfois d'un sourire feint, les discussions entre voisins que l'on affecte de trouver passionnantes pour ne pas vexer, etc. L'étiquette, les règles de conduite en bonne société, relèvent de la même logique (voir aussi les notions japonaises omote et ura), ainsi que la diplomatie. Ces comportements à plus d'une occasion insincères ne reflètent pas une relation vraie, bien qu'ils soient utiles à la société, et parfois même — à condition qu'il s'agisse de l'exception et non de la règle — à l'intérieur d'un couple. Ils constituent comme un ciment de leur continuité. Pour Jacques de Bourbon Busset (L'Amour durable), toute relation conjugale profonde doit comporter par respect de l'autre ce type de mensonge officieux : celui-ci loin de constituer une injure à l'autre, lui épargne au contraire les conséquences non signifiantes d'une baisse momentanée de ses propres sentiments ; c'est pour lui l'expression de cette baisse, quand elle ne traduit pas une réalité durable et profonde, qui serait au contraire mensongère.

Autre mensonge relevant de la vie sociale : la Falsification de l'âge pour des raisons de convenance (diminuer la différence d'âge entre époux, faire apparaître qu'on est né après le mariage de ses parents, ou tout simplement pour se "rajeunir").

Éducation des enfants

Les parents demandent souvent aux enfants de ne pas leur mentir. Quand les enfants pressentent que la vérité va attrister une personne, ils sont pourtant tentés de mentir pour lui éviter cette peine. Une attention particulière sera donc importante si on désire habituer ses enfants à des relations de sincérité. Alice Miller, docteur en philosophie et psychanalyste, a beaucoup écrit sur le sujet au cours de ses vingt années de recherche sur l'enfance.

Les enfants dès l'âge de trois ans développent des capacités cognitives leur permettant d'être menteurs d'occasion (avant cet âge, ils se montrent trop confiants) et dès l'âge de quatre ans savent maîtriser le sens de la tromperie pour devenir des menteurs plus systématiques (mensonge de politesse, pour ne pas être puni)[10].

Droit

Le droit prévoit des sanctions envers le mensonge s'il est émis lors d'un témoignage sous serment. En droit français, le mensonge est condamné dans les cas suivants :

  • clause contractuelle,
  • but d'extorsion de faveurs
  • falsification d'un document officiel (faux et usage de faux)
  • diffamation
  • et, comme partout, témoignage devant un tribunal. Cependant, en droit français l'accusé, lui, n'est pas un témoin : il ne prête pas serment et, s'il ment pour sa défense, il appartient au juge seul d'en tenir compte ou non dans son verdict.

Le droit peut en revanche « condamner l'énoncé de la vérité », pour protéger la vie privée — toute vérité n'est pas publique — et lorsque l'opinion énoncée peut provoquer un trouble à l'ordre public. À noter qu'une vérité tronquée pour induire en erreur peut parfaitement constituer une diffamation. Cependant une vérité tronquée n'est précisément pas une vérité, mais un mensonge par omission.

Franchise absolue dans la littérature

Deux pièces classiques illustrent les inconvénients que peut présenter une franchise sans compromis : Le Misanthrope, de Molière ; Les Sincères, de Marivaux. Un exemple peut également être trouvé dans un chapitre de Zadig de Voltaire, quoique Zadig doive surtout sa condamnation au fait qu'il énonce plusieurs vérités apparemment peu crédibles sans fournir d'informations permettant de résoudre la contradiction apparente (épisode du cheval du roi et du chien de la reine).

Problématique du mensonge officieux

Paroles et action

Le mensonge officieux semble parfois acceptable dans les cas où il peut, par exemple, sauver une vie (ou la qualité de la fin d'une vie). S'il est dans ce cas plus ou moins admis de faire un mensonge qui ne touche qu'aux faits, la recommandation morale[Laquelle ?] est plutôt de garder le silence plutôt que de répondre de façon insincère.

Cas du mensonge par omission

Cicéron recommande une morale bien plus stricte : dans Des devoirs, il n'autorise même pas le marchand à taire une situation qui, passée sous silence, lui permettrait de vendre à prix plus élevé. Il donne explicitement l'exemple du navire chargé de céréales qui arrive dans une ville où il y a famine et dont le capitaine ou l'armateur sait que d'autres le suivent en grand nombre. Cicéron déclare clairement qu'il est inacceptable sur le plan moral de cacher cette information aux habitants de la ville dans un but, par exemple, de vendre ses céréales plus cher en laissant perdurer la crainte de pénurie.

Analyse du mensonge par omission[11]

Le mensonge par omission consiste à diffuser ce qui, parmi le réel ou le probable, convient aux fins poursuivies, tout en omettant ce qui nuit à ces fins. Comme ce qui est affirmé est vrai, ou du moins possible, son image est acceptée dans les croyances. Mais comme cette image manque de ce qu'on omet, les associations mentales de la cible remplissent les blancs, transforment les omissions en non-existence, et lient cette non-existence à la croyance, avec l'intensité de croyance en ce qui est accepté. Le mensonge par omission apporte donc double bénéfice à l'action de communication: une mémorisation de ce qui convient au communicateur, plus la négation de ce qu'il veut qu'on ignore. [...] Un avantage important du mensonge par omission est qu'il n'est pas facile à déceler.

En effet, le menteur par omission ne semble pas mentir, surtout si on croit naïvement que « mentir » se limite à affirmer ce qu'on sait faux, et n'inclut pas le refus d'énoncer ce qu'on sait vrai et important. Or ce refus est difficile à prouver, car il ressemble à d'autres omissions de ce qui est vrai.

En effet : 1) On peut ignorer une partie du vrai, par malchance ou incompétence ; 2) On peut ignorer ou sous-estimer l'importance d'une partie du vrai, et donc préférer occuper le temps limité des messages à diffuser d'autres vérités. Alors, le mensonge par omission peut être accompli impunément : on ne pourra pas prouver que le communicateur savait ce qu'il n'a pas dit, ni surtout prouver qu'il savait important ce qu'il n'a pas dit ou ce qu'il a empêché de dire. Le mensonge par omission est donc un mode de communication favori des manipulateurs du public. La grande extension de cette pratique a d'ailleurs une conséquence souvent comique : la langue de bois des politiciens et journalistes. En effet, l'efficacité du mensonge par omission nécessite que ce qui a été omis reste omis durant toute l'action médiatique en cours. Et puisque ces actions poursuivent souvent des buts à long terme, les vérités à omettre s'accumulent : on arrive peu à peu à une situation déjà décrite dans Le Barbier de Séville, où les médias doivent omettre tant de sujets qu'ils se limitent à traiter de météo, de sport, de l'étranger, de l'humanitaire, et de toutes les demi-vérités qu'ils sont chargés d'imposer.[non neutre]

Problématique du mensonge joyeux

Le sage est censé s'interdire le mensonge joyeux parce que celui-ci sacrifie à un jeu l'autorité de la parole qui, conservée, peut quelquefois être utile à autrui. Il ne s'interdit pas pour autant la fiction avouée et il lui arrive naturellement de citer des paraboles, des fables, des symboles ou des mythes en les rappelant tels. Le mensonge joyeux embarrasse cependant le moraliste, inquiet de laisser fléchir la règle de véracité. Il n'est certes pas inspiré par le motif de nuire, et celui de distraire et d'amuser un moment semble fort légitime. La frontière est parfois ténue entre badinage de bon aloi et mensonge joyeux proprement dit ; entre la « blague » et la « farce ».

  • La blague, annonce ses exagérations et ne cache pas son intention de simplement amuser. Elle n'a de contre-vérité que la forme. Le « blagueur » serait le premier ennuyé qu'on le prît au sérieux et que l'on fondât quelque décision grave sur sa fantaisie.
  • La farce cherche bien, fût-ce provisoirement, à tromper véritablement quelqu'un, en l'amenant, par exemple, à une démarche insolite. « Regardez, frère Thomas, il y a là un bœuf qui vole ! », dirent à Thomas d'Aquin deux novices, ravis de le voir se déplacer à la fenêtre pour observer un fait aussi inhabituel. L'intéressé se contenta de leur faire observer qu'il eût été « moins surpris de voir un bœuf voler qu'un religieux mentir ». L'expression est restée.

Bien qu'inoffensive dans son but, la farce devient parfois offensante. Si tous n'admettent pas d'en être victimes, cela laisse entendre qu'elle n'est point nécessairement sans reproche. Si une jeune femme annonce à sa famille l'arrivée de son premier enfant pour expliquer ensuite qu'il n'en est rien, son comportement sera considéré non seulement inhabituel, mais franchement indélicat. Le mensonge joyeux, pour léger qu'il soit, demeure un déguisement de la pensée, et — même anodin — déconcerte la sincérité. Il devient inacceptable s'il aboutit à la dérision inopportune de celui aux dépens duquel elle s'exerce. La farce répétitive finit d'ailleurs par lasser et ses auteurs finissent par provoquer une réaction de défiance même lorsqu'ils veulent parler sérieusement, méfiance reprise dans l'expression « crier au loup »[12].

Le roman d'Umberto Eco Le Nom de la rose présente le cas extrême du moine Jorge, s'opposant à Guillaume de Baskerville sur la distinction entre simple plaisanterie et mensonge joyeux, que Jorge refuse d'admettre. En conséquence, Jorge refuse toute forme de rire qu'il considère comme « non chrétienne », au motif qu'un homme bon ne devrait jamais se moquer. Guillaume de Baskerville lui explique qu'il trouve sa position excessive. Des disputes de cet ordre ont été monnaie courante au Moyen Âge en Europe (voir Disputatio). D'après Jean-François Revel[13], elles ont aidé peu à peu à la naissance de ce qui sera l'interrogation cartésienne.

Les traditions populaires sont également le cadre de mensonges délibérés, à vocation exutoire. On peut retenir à titre d'exemple Cansoun dei mensònegai (Chanson des mensonges) connue de l’Occitanie au Piémont[14].

Problématique du mensonge officiel et de la propagande

À l'occasion de la Première Guerre mondiale, Woodrow Wilson a créé des services comme le Committee on Public Information, destinés à modifier l'opinion publique en diffusant des informations exagérées ou inventées tendant à convaincre le public du bien-fondé d'une entrée en guerre des USA. Le principe selon lequel « la fin justifie les moyens » et les méthodes mises au point à cette occasion par Edward Bernays ont été ensuite reprises par les révolutionnaires russes (propagande), par des hommes politiques comme Rockefeller pour améliorer leur image (relations publiques), puis par les firmes commerciales pour vendre leurs produits (publicité).

Le représentant des États-Unis, Colin Powell, montrant à la séance de l'ONU une fiole de poudre blanche prouvant que l'Irak possède des armes de destruction massive est devenu le symbole du mensonge officiel le plus éhonté de la propagande de guerre visant à justifier aux yeux de l'opinion publique et des instances internationales l'agression militaire d'un pays, en dissimulant un but de guerre inavouable (s'emparer des ressources pétrolières).

Problématique du mensonge dans le secteur du commerce et de la finance

Depuis qu’elles existent, de bonnes relations commerciales nécessitent une confiance entre vendeur, acheteur et la société, mais cette confiance est parfois cassée par des pratiques de fraude, de vices cachés, de dumping, de lobbying et maintenant d’obsolescence programmée. Des scandales commerciaux et financiers éclatent périodiquement, parfois au plus haut niveau (Enron, WorldCom, Madof, Parmalat…) qui ont contribué à la crise de 2008 et à la crise des subprimes, qui continuent de peser sur la confiance du marché et des investisseurs), des études montrent des fraudes fréquentes dans des publications scientifiques, des évaluations techniques, et parfois des tricheries par les étudiants (dont en école de commerce).

En 2008, en plein crise économique, une étude évoque le « dilemme des écoles de commerce »[15], et Williams en 2011 s’interroge sur les réponses à apporter aux dérives éthiques du commerce[16], et en 2012, T.E. Culham repose la question de l’éthique dans la formation des chefs d’entreprises et employés de la finance et du commerce[17]. Selon une étude publiée par le Journal of Applied Psychology, 4 enseignants chercheurs universitaires ont étudié comment de petits mensonges et manquements à l'éthique peuvent faire boule de neige et conduire un employé ou une entreprise sur une pente glissante puis les mettre en grande difficulté, c’est ainsi que B. Madoff aurait produit un scandale de 18 milliards de dollars. Les auteurs ont testé des étudiants et des professionnels face à des incitations financières à tricher. Deux groupes séparés regardaient une série d'écrans, chacun avec 2 triangles remplis de points. Ils devaient simplement désigner celui qui contenait le plus de points. Les ensembles changeaient de sorte que dès le début, plus de points apparaissaient dans le triangle de gauche, et plus tard dans la série, dans celui de droite. Mais pour un groupe, que le changement était progressif pour l'autre brutal. Les chercheurs ont payé les participants en fonction de leurs estimations, mais avec un paiement plus élevé pour le choix du triangle gauche, en incitant les participants à surestimer le nombre de points sur la gauche. Ceux qui ont vu le changement de modèle se faire progressivement ont été les plus susceptibles de tricher, même quand il y avait visiblement nettement plus de points à droite. Inversement, le groupe qui a vu le changement brutal a été plus que deux fois plus « honnête » que les membres du premier groupe, ce qui montre que des séries de petits mensonges sont plus susceptibles de provoquer un processus de rationalisation conduisant au désengagement moral de la personne, qui adopte alors un nouveau modèle de comportement, dénommé par Snyder « effet de la pente glissante ». Madof, Kweku Adoboli (trader d’UBS) ; Jayson Blair (ancien journaliste du New York Times qui inventait des faits pour ses articles) sont, selon les auteurs, des exemples de personnes qui ont succombé à cet effet aussi dénommé « effet boule de neige éthique ». Selon eux, une condamnation claire et rapide, même de petites fautes est nécessaire ; « un comportement plus éthique apparaîtra si les employés sont encouragés à faire preuve de vigilance pour identifier les erreurs financières plutôt que de créativité pour tenter de trouver de nouvelles failles financières. » En 2015, une marque de véhicules, la première en termes de ventes et qui se présentait comme produisant la voiture moins polluante du monde (et primée comme telle) s’est révélée émettre jusqu’à 40 fois plus de NOx en réalité que sur le banc de test. De nombreuses écoles de commerce notamment aux États-Unis et dans l’ex-URSS ont été fondées et parfois financées par des milliardaires et l'élite des affaires font pour former et recruter de nouveaux membres. Après la crise de 2008, le contenu moral et éthique des formations qu’elles délivrent est mis en cause[18], alors que les directions de ces écoles s’expriment peu quant aux inégalités croissantes de salaire et de pouvoir qui continuent à croître entre les grands décideurs de la finance et du commerce et le reste de la société. Des principes encourageant des chartes, guides ou normes de bonne conduite éthique et morale supposées permettre une conduite décente des affaires existent, portés par des associations telles que l’ECOA (Ethics and Compliance Officers Association)[19] et l’ l’AACSB (Association to Advance Collegiate Schools of Business), mais avec un contenu souvent vague et sans outils de vérification/évaluation a posteriori l’école « Harvard Business School » encourage depuis longtemps une moralisation des affaires, et dispose depuis 2004 d’un cours consacré aux « normes éthiques » et à la responsabilité et au leadership des entreprises, qui encourage les élèves à réfléchir sur leurs valeurs, mais sans préciser ce qu’elles devraient être selon Michel Anteby[20] ; lequel fait aussi remarquer que la variété des profils socio-économiques des étudiants tend aussi à se réduire dans ces écoles, au profit d’enfants de familles riches et connaissant bien le monde du commerce et de la finance, au détriment d’enfants d’ouvriers, agriculteurs, etc. L’étudiant est soumis à des injonctions paradoxales ; il devrait comprendre les enjeux éthique et moraux du lobbying, de la publicité, du brevetage, de l’intelligence économique, l’optimisation fiscale, la délocalisation comme des « armes » au service d’une saine compétitivité. Plusieurs études ont montré que les formations à l’éthique quand elles existent sont souvent inefficaces[21].

En , un groupe de travail sur l'éducation à l'éthique a été créé par le conseil d'administration de l’AACSB qui venait en de renforcer la présence de l’éthique dans ses critères. Cette organisation dit avoir depuis « longtemps exigé que l'éthique soit enseigné dans le cadre des programmes de diplôme de gestion » pour répondre à ses standards d’accréditation internationale. Elle reconnaît en 2004 qu’une crise de l'éthique des affaires existe dans le monde de l’entreprise qui met en cause « l'avenir du système de marché libre, qui dépend de l'entreprise honnête et ouverte pour survivre et prospérer » et a publié à cette occasion à l’attention des administrateurs et professeurs d’écoles de commerce un guide de l’enseignement de l’éthique à l’usage des écoles de commerce[22]. L’AACSB reconnaît dans ce document le besoin de « faire progresser la conscience éthique, les capacités de raisonnement éthique et les principes éthiques fondamentaux » ainsi que « la responsabilité éthique tant au niveau individuel qu’organisationnel ». Ce guide - pour toutes les disciplines du commerce - souligner l'importance de l'intégrité individuelle et d’une formation poussée à la bonne gouvernance d'entreprise, s’appuyant sur des disciplines académiques et basée sur des règles transparentes de prudence et de vérification, devrait rendre l’entreprise « beaucoup moins vulnérable à la corruption ». Ce guide recommande notamment aux écoles d’adopter un code de conduite (points 13 & 14), de vérifier que les notions d’éthique sont comprises et acquises par les étudiants, et de mettre en place un processus approprié d'identification et de gestion des écarts de conduite éthique, et de vérifier qu’il fonctionne.

Positions particulières

Christianisme

La position de l'Église catholique est claire : elle se trouve d'une part dans sa formulation des commandements du Décalogue « tu n'invoqueras pas le nom de Dieu en vain » et « Tu ne porteras pas de faux témoignages », d'autre part dans le catéchisme qui fait du mensonge un péché défini comme « l'action d'affirmer des choses que l'on sait fausse avec l'intention de nuire ou de tromper ». Dans les deux cas, ce n'est pas seulement la fausseté ni la conscience de la fausseté de l'affirmation qui fait le mensonge, mais d'une part le caractère officiel de la parole dans le témoignage ou le serment, de l'autre l'intention de nuire. D'une façon générale, l'Église catholique romaine respecte et recommande le secret et la vie privée, et elle n'exige la vérité qu'autant que la parole se trouve dans la sphère publique et prend un caractère officiel (dans le domaine de la Justice, de la Science, de la Politique, etc.).

Le bref ouvrage Sur le mensonge[23] de Saint Augustin, docteur de l'Église, examine plusieurs cas particuliers sur lesquels son expérience d'évêque d'Hippone l'avait amené à statuer. Une recommandation de l'Évangile est : « Que votre oui soit oui et que votre non soit non. Tout ce qui est rajouté vient du Démon ». (Matthieu 5, 37)[24]. En d'autres termes, jurer est inutile car un chrétien ne doit de toute façon pas mentir. Augustin dénonce ainsi catégoriquement l'usage du mensonge (Du Mensonge[25]). Néanmoins, une importante littérature jésuite développe une casuistique du mensonge, l'autorisant dans certains cas et sous certaines formes, ce qui fera l'objet de la critique acerbe de Pascal dans Les Provinciales.

La vérité est présentée comme un bien important dont chacun a besoin pour éclairer et régler, d’une façon juste, les jugements de son intelligence et pour guider, d’une façon sûre, la conduite de sa volonté[26]. L'aspect social, voire conjugal, est également mentionné : des relations correctes ont besoin de la franchise, de la confiance mutuelle et de la sincérité.

  • La notion de « pieux mensonge », pour utiliser la terminologie profane, n'est pas acceptée.
  • Les milieux traditionalistes se référent parfois à « La langue qui ment est abominable devant Dieu ! » (Proverbes 12,22), « Dieu hait les menteurs ! » (Psaumes) et, dans l’Apocalypse : « La place des menteurs est dans l’étang de soufre et de feu ! ».
  • La qualification de menteur est en quelque cas que ce soit considérée comme avilissante, contrairement :
    • à Sparte qui admirait le menteur dans certains cas précis (légende de l'enfant au renard)
    • à certaines cultures orientales médiévales (Le Livre des ruses) qui la louent.
  • l’hypocrisie est considérée comme du « mensonge en action » : elle consiste en effet à agir autrement qu’on ne pense, et constitue donc une fausseté. On rappellera le peu d'aménité de Jésus pour les Pharisiens qu'il traite même de « sépulcres blanchis » et de « loups ravisseurs ». (Matthieu 23,27 ; et 7,15.)
  • Les traditions du Midi de la France semblent également plus indulgentes. Dans la trilogie Marius, Fanny, César, de Marcel Pagnol, Panisse, que l'on croit à l'article de la mort et à qui son confesseur demande s'il lui est arrivé de mentir répond « Tout le temps ! », comme si c'était la chose la plus naturelle du monde. « L'homme du Midi ne ment pas, il se trompe », dira également Alphonse Daudet dans Tartarin de Tarascon.

Dans sa Somme théologique, Thomas d'Aquin arrive à des conclusions sévères sur la jactance, ou vantardise, qui fait évidemment partie des mensonges : « La jactance est une sorte de mensonge. Or elle n'est pas un mensonge officieux, ni joyeux. On le voit d'après la fin poursuivie par le mensonge. Selon le Philosophe « le vantard se met au-dessus de la réalité, parfois sans aucun motif, parfois en vue de la gloire ou de l'honneur, parfois pour de l'argent ». Son mensonge n'est donc, évidemment, ni joyeux ni officieux. Il en reste qu'il est toujours pernicieux, et il apparaît donc qu'il est toujours péché mortel. »

Le catéchisme officiel de l'Église catholique entérine ces notions et les met en contexte[27].

Confucianisme

  • Confucius réprouve le mensonge, mais estime qu'on devra le tolérer pour les marchands, sans quoi ceux-ci ne pourront gagner leur vie (!).
  • Lao-Tseu ayant professé que le jeune homme vertueux n'hésite jamais à dénoncer toute malversation, quand bien même son propre père la commettrait, Confucius s'inscrit en faux : Un fils n'a pas à dénoncer son père, le maximum qu'il puisse faire envers un parent qu'il désapprouve étant de ne pas suivre son exemple[28]. Remarquons qu'il s'agit dans ce cas précis d'un « simple » mensonge par omission.

Islam

Dans l'islam, le mensonge est réprouvé[réf. nécessaire] : « La malédiction de Dieu tombe sur les menteurs » (Coran 3,61).

Parmi l'un des caractères nobles du comportement de l'homme, il y a la « Véracité » : En effet, tout musulman doit édifier sa vie autour de la vérité de sorte qu'il ne dise que la vérité et n'agisse que selon la vérité.[réf. nécessaire]

Dans certains cas, il est possible de mentir ou de cacher quelque chose. Le concept de la Taqiya circonscrit les limites de la véracité en autorisant de cacher sa religion dans le cadre de persécutions[29]. Dans sa composante chiite, la taqîya est reliée à la nécessité de non-divulgation de données ésotériques relatives à l'imamat[30]. Depuis les années 1990, le mot « taqîya » a été utilisé, dans les milieux litteralistes ou islamistes, pour exprimer l'idée de dissimulation stratégique dans un contexte de conquête. Dans une remarque sur sa perception par Daesh, le chercheur François-Bernard Huyghe le définit comme « l'art de dissimuler sa véritable pensée pour arriver à la victoire »[31].

Hadiths sur le sujet[Interprétation personnelle ?]

  • Mahomet a déclaré : « L’hypocrite possède trois caractéristiques : il ment, il ne tient pas ses promesses et il trahit la confiance » [Hadith rapporté par Al-Bukhârî et Muslim][32],[33].
  • Il a dit également : « Quiconque dit à son enfant : "Viens et je te donnerai quelque chose" puis ne lui donne rien, un mensonge lui sera compté ». Rapporté par Ahmad 2,452
  • Et aussi : « Malheur à celui qui raconte une histoire pour faire rire les gens et, pour ce faire, ment. Malheur à lui ! Malheur à lui ! » Rapporté par At-Tirmidhî 2351,4,557

Témoignage

« Lorsque l'individu fait face à un événement qui l'amènera à témoigner, il sélectionne, construit ou reconstruit les différents éléments de la scène autant qu'il les emmagasine en mémoire », indiquent les psychologues sociaux Alain Bertone, Marc Mélen, Jacques Py et Alain Somat dans Témoins sous influences. Comparé à la réalité, ce que le témoin certifie être véridique aura ainsi été à son insu modifié, remodelé, rationalisé pour être rendu plus cohérent et plus acceptable.

Dans les cultures judaïque et chrétienne, le faux témoignage est interdit par le Décalogue. Ce type de mensonge possède des circonstances très aggravantes, puisqu’il est effectué devant un tribunal et après avoir prêté le serment de dire la vérité ! Religion, mœurs et Droit s'accordent ici à reconnaître que tout citoyen requis par un juge légitime est tenu, en conscience, de dire la vérité lorsqu’il est requis pour porter un témoignage à la Justice.

Toutefois, sont dispensés de ce témoignage :

  1. les professionnels, tenus au secret du même nom ; en termes de droit même son client ne peut délier un professionnel de son devoir de secret — sans quoi ne pas le faire aurait de sa part valeur d'aveu, et altérerait cette notion de secret (un patient ne demandant pas à son médecin de famille un dossier médical pour le communiquer à un employeur potentiel serait suspecté de cacher des éléments de santé, ruinant par le même coup toute possibilité de secret effectif) ;
  2. les confesseurs, à l’égard de leurs pénitents, sont tenus au même secret, mais sans couverture par le droit ; leur devoir professionnel est de se laisser condamner eux-mêmes s'il le faut plutôt que de révéler quoi que ce soit ; le cas s'est vu dans la deuxième moitié des années 1970 en France, et bien plus tôt avec Jean Chrysostome saint-Jean-bouche-d'or » dans le langage populaire) ;
  3. les proches parents de la personne accusée (voir également Confucius, opposé à Lao-Tseu sur la question : Lao-Tseu dit qu'un fils doit dénoncer jusqu'à son père si l'intérêt public l'exige, Confucius s'y oppose et fait passer l'humanité avant le devoir).

L'auteur d'un faux témoignage a l'obligation morale de :

  1. rétracter son témoignage devant les juges ;
  2. réparer les torts faits à l'accusé dans sa réputation et dans ses biens.

Psychologie

Motivation

La psychologie sociale retient cinq motivations au mensonge compris comme forme de dissimulation de sa pensée par un locuteur :

  • préserver ou valoriser son image ;
  • persuader pour obtenir un avantage ;
  • éviter les conflits (diplomatie) ;
  • ne pas peiner son interlocuteur, par sympathie ou tact ; on retrouve ici la catégorie évoquée plus haut du mensonge officieux ;
  • dissimuler ou justifier une absence (avec un « alibi »[34], par exemple dans le cas d'un adultère).

La moyenne des « mensonges » dans cette acception serait, sur un échantillon interrogé, de deux par personne et par jour, avec une égalité entre hommes et femmes, celles-ci se distinguant par un plus grand nombre de mensonge altruiste, alias officieux. On se place dans l'hypothèse que les réponses au sondage aient été elles-mêmes sincères.

Deux types d'émotion interviennent :

  • négative (désagréable) : crainte d'être découvert comme menteur et culpabilité (on a trahi une confiance, manqué de respect à ses modèles, etc.) ;
  • positive qui l'emporte souvent chez le menteur habituel : un plaisir même éprouvé à mentir, c'est-à-dire de convaincre fallacieusement avec naturel. Ce type de menteur devient maître de ses émotions au point de communiquer aussi aisément des émotions factices que des véritables.

Détection

Détecter les mensonges fait partie de la communication non verbale. Les comportements que la tradition attribue au menteur en situation (rougeur, mains moites, regard fuyant...) ne sont pas toujours présents, ne serait-ce que parce que le menteur expérimenté les maîtrise. Comportement curieusement agité, attitudes floues ou équivoques, hésitations, etc., peuvent aussi traduire la simple émotion de se voir suspecté et non le mensonge.

En revanche, des enregistrements vidéo à haute définition laisseraient actuellement percevoir, une fois zoomés, quelques signes inconscients, bien plus discrets et typiques du seul mensonge (crispation de quelques muscles faciaux, en particulier). Paul Ekman est le premier à avoir identifié ce qu'il a défini comme étant des micros expressions (théorie de la détection des micro-expressions). Il s'agit simplement de la manifestation involontaire d'émotions catégorisées sous formes de sept expressions universelles que sont la joie, la surprise, la colère, le mépris, le dégoût, la peur et la tristesse. La détection de ces expressions associées à des gestes et à des variations physiologiques permet de détecter des incohérences avec le langage. Cette aptitude à déceler le mensonge demande donc un apprentissage en particulier dans les métiers où la véracité des propos est prépondérante comme les métiers du contrôle (douaniers, inspecteurs, policiers, etc.), de la justice, de la négociation, etc.

Sir Robert Winston, dans une de ses émissions[35] sur la BBC, a mis en évidence une différence entre le sourire social ordinaire, qui fait intervenir deux muscles zygomatiques, et le sourire de réelle joie, qui a pour effet de plisser également les muscles des yeux.

Néanmoins, un entraînement intensif doit permettre de plus ou moins masquer une partie des signes de mensonge. La philosophie populaire dit que si les escrocs présentaient des têtes d'escrocs, ils ne pourraient pas faire ce métier.

Schopenhauer, quant à lui, a philosophé aussi sur ce thème : selon lui, comme un escroc a souvent l'air plus honnête que la moyenne, il est nécessaire de faire semblant de le croire facilement pour qu'il baisse sa garde, afin d'avoir une chance de le voir se trahir.

Actuellement se développent des outils regroupant tout ce qui touche à la manifestation corporelle extérieure du mensonge et le développement des ressentis (partie subconsciente de la perception).

En France, plusieurs chercheurs se sont spécialisés dans la découverte et la gestion des comportements, voire du mensonge, dont Claudine Biland[36]. Plusieurs autres personnes développent des outils tenant compte des positions statiques, les mouvements naturels, tels la démarche, l'ouverture d'une porte, le sourire, la façon de manipuler les objets, s'asseoir... Jean-Pierre Ramoulux pense que la partie des sens conscients non utilisée dans le cadre de l'étude des postures, mouvements naturels, mouvements d'appui et micro mouvements, l'odorat et le goût, peut être développée en complément de la vue, de l'ouïe et du toucher[37].

Lors des sondages et des études basées sur des entretiens directifs ou des questions, afin de limiter les biais d'interprétation, les psychologues peuvent ajouter des questions spécifiquement destinées à mesurer la capacité du sujet à mentir ou à ne pas tout dire (consciemment ou non), sur une « échelle du mensonge » (Lie scale pour les anglosaxons, généralement associée au test Eysenck Personality Questionnaire ou EPQ[38]).

Invention

Dans L'Aurore de l'humanité, François Cavanna imagine l'invention du mensonge par un homme avant tous les autres, dans un monde où personne n'avait eu l'idée de dire autre chose que la vérité. Ce thème a été repris et transposé à l'époque contemporaine (sans en créditer l'écrivain) par un film de Ricky Gervais, Mytho-Man (2009).

Logique

Dans le domaine de la logique, le mensonge apparaît dans le paradoxe du menteur.

Notes et références

  1. Dictionnaire Québécois Vocabulaire Québécois
  2. Dicocitations
  3. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales
  4. Dictionnaire Exionnaire
  5. Han Ryner, Petit Manuel individualiste, 1905.
  6. Sous la direction du Dr Hubert Van Gijseghem, Ph.D. psychologue, professeur émérite, Université de Montréal (1992) L'enfant mis à nu. L'allégation d'abus sexuel : la recherche de la vérité., voir chap Le mensonge : de l'histoire réflexe à l'histoire domptée. p 55/263
  7. Fraude au CV : "Les employeurs vérifient tellement peu, que c’est devenu normal de tricher", publié 21-01-2016
  8. Hamers, Laurel (2016) [ Corrupt societies encourage lying] , publié le 9 mars 2016 Mar. 9, 2016 dans Science / " Brain & Behavior" DOI: 10.1126/science.aaf4171
  9. Monsieur N., film d'Antoine de Caunes
  10. Olivier Mascaro, Olivier Morin, « L’éveil du mensonge », Terrain (Revue d'ethnologie de l'Europe), no 57,
  11. Guy William Feler, Penser avec la langue, Paris, Zelos, , 187 p., 21 cm (ISBN 2-9501534-1-0, notice BnF no FRBNF36175894, lire en ligne).
  12. « Crier au loup », sur linternaute.com
  13. Histoire de la philosophie occidentale
  14. « Chants populaires », sur au fifre niçois.
  15. Frederick, W. C. (2008). The business schools’ moral dilemma. Advancing business ethics education, 25-42.
  16. Williams, H. J. (2011). Business School and Business Ethics: Responsibility and Response. Seidman Business Review, 17(1), 9
  17. Culham, T. E. (2012). Ethics education of business leaders (Doctoral dissertation, Education: Faculty of Education)
  18. Simola, S. (2014). Facilitating embodied learning in business ethics education: the use of relational sculpting. Journal of Applied Research in Higher Education, 6(1), 75-97.
  19. Weber, J., & Wasieleski, D. M. (2013). Corporate ethics and compliance programs: A report, analysis and critique. Journal of Business Ethics, 112(4), 609-626 (résumé)
  20. Michel Anteby (2013) « Why business schools need business ethics Economic inequality in society also undermines our institutions. MBA deans must find a moral voice or face a crisis of legitimacy “ ; article publié par The Guardian, 22 oct 2013
  21. « Studies have shown ethics education has not systematically improved the moral reasoning of business students and professionals” in : Ohreen, D. (2013). Rationalism and a Vygotskian Alternative to Business Ethics Education. Journal of Business Ethics Education, 10, 231-260
  22. « Ethics Education in Business Schools » (Report of the Ethics Education Task Force to AACSB International’sBoard of Directors), AACSB International – The Association to Advance Collegiate Schools of Business (en), PDF, 22p
  23. Réédité en J'ai Lu, 2014, (ISBN 9782290058633). Disponible également en version électronique.
  24. Propos cité également par Jacques, 5,12 : « Avant toutes choses, mes frères, ne jurez ni par le ciel, ni par la terre, ni par aucun autre serment. Mais que votre oui soit oui, et que votre non soit non, afin que vous ne tombiez pas sous le jugement. »
  25. http://livres-mystiques.com/partieTEXTES/Staugustin/contremensonge/index.htm
  26. Catéchisme § 2485 et 2486 : Le mensonge est condamnable dans sa nature. Il est une profanation de la parole qui a pour tâche de communiquer à d’autres la vérité connue... Il est une véritable violence faite à autrui. Il l’atteint dans sa capacité de connaître, qui est la condition de tout jugement et de toute décision.
  27. Catéchisme § 2469 : La véracité observe un juste milieu entre ce qui doit être exprimé, et le secret qui doit être gardé : elle implique l’honnêteté et la discrétion. Catéchisme § 2477 : Le respect de la réputation des personnes interdit toute attitude et toute parole susceptibles de leur causer un injuste dommage. Se rend coupable
    • de « jugement téméraire » celui qui, même tacitement, admet comme vrai sans fondement suffisant un défaut moral chez le prochain ;
    • de « médisance » celui qui, sans raison objectivement valable, dévoile à des personnes qui l’ignorent les défauts et les fautes d’autrui ;
    • de « calomnie » celui qui, par des propos contraires à la vérité, nuit à la réputation des autres et donne occasion à de faux jugements à leur égard.
  28. Cette divergence entre les deux sages est citée par Bertrand Russell dans ses Essais sceptiques
  29. Janine et Dominique Sourdel, Dictionnaire historique de l'islam, Presses Universitaires de France, 2004, p.  792.
  30. O.Mir-Kasimov, op. cit.
  31. « Attentat de Nice : Mohamed Lahouaiej Bouhlel appliquait-il la "taqiya" ? - Société - MYTF1News », (consulté le )
  32. https://sunnah.com/bukhari/55/12
  33. https://sunnah.com/muslim/1/117
  34. Rappel des limites fixées par la Loi dans le cas des alibis pour adultère.
  35. The Human Mind
  36. « Psychologie du menteur » par Claudine Biland
  37. L'Exostakinese, l'art de détecter les mensonges, les pensées et intentions cachées.
  38. Eysenck HJ, Eysenck SBG. Manual for the Eysenck Personality Inventory. San Diego: Educational and Industrial Testing Service; 1968

Annexes

Bibliographie

Médias

Cinéma
Séries télévisées


Littérature
Théâtre

Articles connexes

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