Lazaret
Le lazaret était un établissement de mise en quarantaine des passagers, équipages et marchandises en provenance de ports où sévissait la peste. De nos jours en France, le mot désigne aussi quelques lieux-dits sur le littoral méditerranéen où un lazaret, aujourd'hui disparu, avait été établi à Nice, Sète, Marseille.
Ne doit pas être confondu avec Lazareth.

Étymologie et histoire
Le mot « lazaret », désignant un hôpital, tirerait son origine du nom de « Lazare », protagoniste d’une parabole de l'Évangile selon Luc.
En effet, pour enseigner la charité, Jésus y décrit l’histoire d'un pauvre nommé Lazare, et d'un mauvais riche : le pauvre, couvert d’ulcères et mourant de faim, vit dans la rue, à la porte de la demeure du riche. Il aurait bien voulu se rassasier de ce qui tombait de la table du riche, qui faisait bombance, mais personne ne lui en donnait. Le pauvre mourut et, dit Jésus, il fut emporté au Ciel. Le riche mourut aussi et on l’enterra. Mais, dans l’Au-delà, il se retrouva en Enfer et connut souffrances et tourments car il ne s’était pas préoccupé du sort du misérable qui était à sa porte.
Au Moyen Âge, ce Lazare légendaire si populaire, dont la geste était racontée dans les sermons, les fresques, la statuaire et les vitraux, a été canonisé, devenant ainsi « saint Lazare ». Comme il était malade et couvert d’ulcères, il est devenu le patron des ladres : d’où, à cette époque, les nombreuses ladreries ou maladreries où vivaient à l’écart, cantonnés et reclus, les lépreux, qui éloignaient les gens avec leur crécelle ou leur clochette, car la lèpre était autrefois supposée contagieuse et était alors tellement répandue que toutes les villes avaient leur maladrerie et, encore aujourd'hui, tous les lieux-dits Saint-Lazare font allusion à d'anciennes léproseries disparues.
Ce saint Lazare imaginaire, inventé pour le besoin d'une parabole, a vite été confondu avec un autre saint Lazare, Lazare de Béthanie, ami de Jésus, qui aurait été le frère de Marthe et de Marie.
Enfin, saint Lazare (ou saint Ladre) était quelquefois appelé « le Bon Malade » (sans doute par corruption du mot « maladie » ? ou par opposition au « mauvais riche » ?) : et c'est ainsi que sont parfois désignés les lépreux dans les textes anciens.
Le premier État à instituer la quarantaine par la loi, pour le bon fonctionnement des hôpitaux et ainsi prévenir la contagion potentiellement liée à son commerce, est la république de Venise, au XVe siècle : sur décision du Senato le premier lazaret est fondé sur une île, appelée depuis Lazzaretto Vecchio, à proximité de la ville-État, en 1423[1].
Un décret du duc Charles III de Lorraine daté autorise « les bons malades de la Madeleine encore qu’ils ne soient de la paroisse de Nancy ou de Saint-Dizier à participer aux aumônes qui se distribuent les dimanches, jeudis et vendredis de chaque semaine ». Dans les campagnes, il existe encore des sources portant le nom de « fontaines du Bon Malade » et qui devaient être réservées jadis aux lépreux.
Étaient désignés comme ladres, aussi, les avares, car l’avarice (ou ladrerie) était considérée comme la « lèpre de l’âme ».
Par la suite, on appela « lazaret », tout établissement où l’on mettait en quarantaine les malades contagieux (lèpre, peste ou choléra).
Outre la lèpre, contre laquelle on invoquait saint Ladre, l'autre grand fléau du Moyen Âge était la peste. Le patron des pestiférés est saint Roch, d'où le nom d'hôpital Saint-Roch donné à des établissements de soins aux pestiférés. Pour des raisons analogues, d'autres établissements ayant même destination furent placés sous le vocable de Saint-Louis, comme ce fut le cas à Paris, ce roi étant supposé mort de la peste devant Tunis (il serait en fait mort d'un érysipèle).
À Marseille, ce fut l'agrandissement du port à partir du milieu du XIXe siècle qui entraîna la destruction du premier lazaret, fondé en 1526 et qui fonctionna pendant plus de deux siècles. Peu de temps avant, soit entre 1823 et 1828, avait été bâti sur l'île Ratonneau un lazaret qui fut baptisé hôpital Caroline. Ce lazaret présentait l'avantage d'être plus éloigné de la ville et en outre répondait mieux aux prescriptions de l'hygiène. Un port de quarantaine ne tarda pas à être établi entre les îles Pomègues et Ratonneau par la construction d'une digue.
En allemand et en russe, ce mot signifie « hôpital militaire » ou « infirmerie de campagne ». En anglais, le mot d'origine vénitienne lazaretto est utilisé pour désigner un lazaret, tandis que le mot pest house (en) désigne une maison de quarantaine située ailleurs que dans un port.
Exemples
En France

En région viennoise à Villette de Vienne, en 1720, les autorités firent établir un lazaret à Villette de Vienne, certainement situé près d'Illins, le médecin envoyé de Vienne se couvrait le visage d'un masque de verre, pour soigner les pestiférés
- le lazaret de l'île Saint-Michel dans la rade de Lorient,
- le lazaret de l'île Trébéron dans la rade de Brest.
- la maladrerie Saint-Lazare à Tours.
- le lazaret d'Aspretto, à Ajaccio,
- le lazaret de l'archipel des Sanguinaires, au large d'Ajaccio.
- le lazaret allemand d'Hautmont,
- la maladrerie Saint-Lazare, à Beauvais.
- le lazaret de la rade du Hoc, au sud du port du Havre, sur la rive septentrionale de l'estuaire de la Seine[2],
- le lazaret de l'île de Tatihou, en face de Saint-Vaast-La-Hougue, à l'extrémité nord-est du Cotentin.
- le Lazaret de Pauillac, sis sur la commune de Saint-Estèphe, près de Pauillac.
- le lazaret de Sète se trouvait à l'emplacement des immeubles de la plage du Lazaret qui le desservait alors par l'ouest, au sud-ouest de Sète. L'ensemble du quartier et le village vacances plus au nord (appelé un temps : « Nouveau Lazaret ») se dénomment toujours « Le Lazaret »[3].
- le lazaret de Mindin sis à Saint-Brevin-les-Pins, sur la rive méridionale de l'estuaire de la Loire[4].
- le lazaret d'Arenc, à Marseille.
- le lazaret du Frioul, appelé « hôpital Caroline », sis sur l'île Ratonneau, dans la rade de Marseille.
- le lazaret de Toulon situé sur le cap Cepet et donnant sur la rade.
- le lazaret de Nice se trouvait à proximité du restaurant « La Réserve » ouvert vers 1875-1878, à l'entrée de l'actuel port[5]. Le lazaret a été établi après 1657[6] et détruit par une explosion en 1795[7]. Une « rue du Lazaret » débouche également sur le port de Nice.
- la grotte du Lazaret, au sud-est de l'ancien lazaret de Nice.
- le lazaret de Villefranche-sur-Mer.
Dans le monde

- Le lazaret de Tracadie, en Acadie.
- Le lazaret de Dubrovnik.
- Le lazaret de Tor, dans le Sinaï.
- Le lazaret de Conakry.
- Les trois lazarets du port de Livourne, en Toscane, – San Rocco, San Giacomo et San Leopoldo.
- Le lazaret de l'île de Poveglia, le Lazzaretto Vecchio et le Lazzaretto Nuovo à Venise
- Le lazaret d'Ancône.
- Le lazaret de Gênes.
- Le lazaret de Naples, sis sur l'île de Nisida dans le golfe de Pouzzole.
- Les lazarets de Trieste, San Carlo et Santa Teresa.
- Le lazaret de Varignano, près du port de La Spezia.
- Le lazaret de l'île Manoel (en) desservant le port de La Vallette.
- Le lazaret Dhar Lamhalla, quartier d'Oujda.
- Le lazaret de Dakar.
Notes et références
- (en) Zanchin G. « The Lion's Republic fight against the plague originating from the Levante Veneto » Bulletin of the Transilvania University of Braşov 2009;6(51) (Suppl.).
- [PDF] Quatre générations de lazarets au Havre
- (fr) Compain « Les lazarets / Colonies de Vacances / Centre familial » 18 novembre 2017
- « Lazaret de Mindin », sur www.saint-brevin.com (consulté le )
- (fr) Jean-Michel Girardot « 1720 : la peste aux portes de Nice » 28 mars 2014
- (fr) Département 06 « La réserve 1875 - Années 1940 » 15 novembre 2017
- (fr) Jean-Michel Girardot « 77 morts dans une explosion à Nice en 1795 » 1er octobre 2014
Voir aussi
Bibliographie
- (it) Giovanni Bussolin, Delle istituzioni di sanità marittima nel bacino del Mediterraneo. Studio comparativo. Trieste : stabilimento tipografico di Herrmanstorfer, 1881. 345 p.
- (it) Paolo Preto, Peste e società a Venezia nel 1576, Vicenza, Neri Pozza, 1978.
- Daniel Panzac. Quarantaines et lazarets. L’Europe et la peste d’Orient, XVIIe au XXe siècles. Aix-en-Provence : Edisud, 1986. 219 p.
- Pierre-Louis Lage, « Les lazarets et l’émergence de nouvelles maladies pestilentielles au XIXe et au début du XXe siècle », sur In Situ : Revue des patrimoines, No 2,
- Claire Étienne-Steiner « Quatre générations de lazarets au Havre » In Situ, revue des patrimoines, 2004, No 2. archive
- (it)Nelli-Elena Vanzan Marchini [sous la direction de]. Rotte mediterranee e baluardi di sanità. Venezia e i lazzaretti mediterranei. Milan : Skira, 2004. 333 p.
- (es) Joaquim Bonastra Tolós. Ciencia, sociedad y planificación territorial en la institución del lazareto. Tesis doctoral, Universitat de Barcelona, 2006. 547 p.-159 pl.-71 pl.
- Beate Kiehn, Histoire du lazaret d’Aspretto, à Ajaccio, d’une quarantaine à l’autre. Ajaccio : éditions Colonna, 2008. 112 p.
- Pierre-Louis Verron, « La quarantaine vue du lazaret », sur Le Blog Gallica,
- Alphonse Daudet, Les lettres de mon moulin (1869) ; lire la description de l'île du phare des sanguinaires.
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