Débat télévisé du second tour de l'élection présidentielle française

Le débat télévisé du second tour de l'élection présidentielle, parfois appelé débat de l'entre-deux-tours, est un événement politique et médiatique des élections présidentielles françaises sous la Cinquième République.

Bien que ne constituant pas une obligation, le débat télévisé entre les finalistes est devenu au cours des années une tradition. Apparu en 1974 avec la confrontation de Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand, il s'inspire de la pratique américaine, le même type de rendez-vous existant depuis septembre 1960 aux États-Unis, date d'un débat entre Richard Nixon et John Fitzgerald Kennedy.

Historique

Prémices

Lors de l'élection présidentielle de 1965, Charles de Gaulle n'utilise pas son temps de parole officiel, pensant l'emporter dès le premier tour ; mis en ballotage par François Mitterrand, il accepte néanmoins de dialoguer à la télévision avec le journaliste Michel Droit. Au scrutin de 1969, Georges Pompidou ne débat pas non plus avec son adversaire Alain Poher mais accepte de converser à la radio avec le leader centriste Jacques Duhamel[1].

Débat du 10 mai 1974

Pour la première fois, les candidats du second tour d'une élection présidentielle acceptent de se confronter verbalement dans un débat télévisé. Ainsi, Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand sont en confrontation directe. Les deux finalistes du second tour sont alors à égalité dans les sondages. De plus, la Commission nationale de contrôle a accepté ce débat proposé par le président-directeur-général de l'ORTF, Marceau Long. Les deux journalistes et le réalisateur ont été choisis en accord avec les candidats eux-mêmes. Les journalistes animant le débat ne sont autorisés qu'à faire respecter les temps de parole et à veiller au bon déroulement du débat. Ils ne sont pas tenus de poser des questions aux candidats. Les temps de parole sont représentés par deux grands chronomètres avec le nom des deux candidats inscrits au-dessus mais ne sont pas visibles durant les échanges entre les deux candidats.

La journaliste-présentatrice Jacqueline Baudrier affirme que ce débat est un « grand événement sans précédent à la télévision française ». Il ouvre la campagne du deuxième tour de l'élection présidentielle à l'ORTF.

La durée prévue est d' 1h30 : les deux candidats ont accepté de donner 45 minutes de leur temps de parole que la loi leur accorde pour le second tour de l'élection présidentielle.

Les grands thèmes de ce débat sont : la politique étrangère, les institutions, les libertés, la politique économique et sociale.

Un tirage au sort a été effectué avant la tenue du débat : Valéry Giscard d'Estaing prend le premier la parole et François Mitterrand sera le dernier à énoncer sa conclusion. Une des phrases restée célèbre[2] est celle prononcée par Giscard d'Estaing disant à Mitterrand « Vous n'avez pas le monopole du cœur ». Tout au long du débat, François Mitterrand critique le bilan de la majorité et du gouvernement sortant (gouvernement Messmer sous la présidence de Georges Pompidou puis d'Alain Poher par interim) dans lequel Valéry Giscard d'Estaing siège en tant que ministre de l'Économie et des Finances. Quant à Giscard d'Estaing, il reproche à Mitterrand d'être « un homme du passé » avec lequel « on ne peut pas parler d'avenir[3] ». C'est entre autres une allusion à la longue carrière de François Mitterrand, qui avait été nommé ministre pour la première fois 27 ans plus tôt. Valéry Giscard d'Estaing pose également des questions en rafale à son adversaire concernant sa capacité à gouverner avec les communistes et essaie de le déstabiliser en faisant référence à Clermont-Ferrand, « une ville qui vous connaît bien et qui me connaît bien », ville d'origine d'Anne Pingeot, la maîtresse du candidat socialiste et enceinte de Mazarine en mai 1974 (toutefois à l'époque, seul François Mitterrand peut comprendre l'allusion, cette histoire n'étant pas publique, et seulement révélée à l'automne 1994, même si le tout-Paris journalistique avait déjà eu vent de la double vie de Mitterrand)[1].

Il est à noter que le premier débat entre deux candidats à l'élection présidentielle en France a eu lieu en 1974, avant le premier tour, également entre Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand, mais à la radio. Diffusé en direct, devant un public, « on entend notamment Mitterrand affirmer : « Je ne suis pas Flaubert », et Giscard lui répondre : « Peut-être que les électeurs vous permettront de le devenir ». Puis les deux hommes dissertent sur le nombre 11. Mitterrand : « Vous avez été onze ans ministre ». Giscard : « Vous, vous l'avez été onze fois, j'ai compté » »[4].

Le lendemain du débat de l'entre deux-tours Valéry Giscard d'Estaing gagne 1,5 point dans les sondages[1].

Le vainqueur de l'élection présidentielle est Valéry Giscard d'Estaing (50,81 %).

Débat du 5 mai 1981

De nombreuses années plus tard, Cotta affirme qu'elle figurait avec Boissonnat sur une liste de journalistes pressentis pour animer le débat et qu'ils ont été choisis parce qu'ils étaient les premiers dans l'ordre alphabétique.

  • Lieu : Studio 101 de la Maison de la Radio à Paris
  • Réalisateur : Lucien Gavinet
  • Diffusion :
  • Durée : 1 h 41 min
  • Audience (France uniquement) : environ 30 millions de téléspectateurs[5].

Le débat télévisé de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle 1981 reprend les mêmes adversaires qu'en 1974. Cette « revanche » oppose le président sortant Valéry Giscard d'Estaing et son adversaire de gauche, François Mitterrand.

Mitterrand, s'étant trouvé très mauvais face à Giscard d'Estaing en 1974, ne souhaite pas participer à ce débat. Il demande alors Serge Moati et Robert Badinter qui sont ses conseillers, de trouver un moyen pour éviter ce débat par exemple en créant un cahier des charges inacceptable pour l'équipe de Giscard. 22 points très contraignants comme l'interdiction des « plans de coupe » (le réalisateur doit filmer à tout instant la personne qui a la parole) constituent ce cahier des charges. Contre toute attente, ces règles sont acceptées et le débat a donc bien lieu[6]. Le candidat socialiste a également obtenu que la réalisation du débat soit co-dirigée par les deux équipes de campagne, règle qui est restée pour les débats postérieurs, comme la fin des plans de coupe[1].

Ce débat est organisé par la commission de contrôle avec l'accord des représentants des deux candidats. Il se déroule en public ; la commission de contrôle a demandé préalablement aux personnes dans la salle de « ne pas manifester leurs sentiments ».

Les deux candidats disposent de 50 minutes pour répondre aux questions des deux journalistes mais aussi durant leur échange, puis de 5 minutes chacun pour leur conclusion. Ils ont tout d'abord 30 minutes pour converser sur 3 grands thèmes : les problèmes de politique intérieure, les questions sur la vie quotidienne des Français et sur la vie économique, puis les questions de politique extérieure. Ils répondent ensuite pendant 10 minutes à des questions générales posées par les journalistes. Enfin, chacun dispose de 5 minutes pour énoncer sa conclusion.

Le tirage au sort effectué avant l'émission a désigné Valéry Giscard d'Estaing comme le premier intervenant et François Mitterrand comme le dernier à donner sa conclusion (comme en 1974).

On a retenu deux phrases marquantes à l'issue de ce débat, toutes deux de Mitterrand : « Vous avez tendance à reprendre le refrain d'il y a sept ans : l'homme du passé. C'est quand même ennuyeux que, dans l'intervalle, vous soyez devenu, vous, l'homme du passif » et, alors que Giscard d'Estaing l'interroge sur le cours du mark allemand : « D'abord je n'aime pas beaucoup ces manières, je ne suis pas votre élève et vous n'êtes pas le président de la République ici, vous êtes simplement mon contradicteur », avant de donner le chiffre en question[7]. Il révéla ensuite dans son ultime meeting de campagne à Nantes qu'il voulait répondre en lui demandant le cours du diamant, en raison de l'affaire des diamants de Bokassa[8].

Le vainqueur de l'élection présidentielle est François Mitterrand (51,76 %).

Débat du 28 avril 1988

  • Titre : Le Débat
  • Protagonistes : François Mitterrand (34,11 %) et Jacques Chirac (19,96 %).
  • Présentateurs : Michèle Cotta, directrice de l'information de TF1 et Élie Vannier, directeur de l'information d'Antenne 2. Il est inscrit sur l'écran : « Michèle Cotta Directeur de l'information T.F.1 » lors de l'apparition des journalistes à l'écran.
  • Lieu : Studio 101 de la Maison de la Radio à Paris
  • Diffusion sur TF1 et Antenne 2
  • Réalisateur : Jean-Luc Leridon (choisi d'un commun accord entre les 2 chaînes)
  • Durée : 2 h 15 min
  • Audience (France uniquement) : environ 30 millions de téléspectateurs[5]

Le débat télévisé oppose cette fois le président sortant François Mitterrand à son adversaire, le Premier ministre Jacques Chirac.

Les candidats disposent chacun de 50 minutes en tout et de 3 minutes de conclusion. Le débat s'articule autour de quatre thèmes repartis en durées précises : ils doivent converser pendant 30 minutes sur la politique intérieure et les institutions, 30 minutes sur l'Europe et les problèmes économiques et sociaux, 20 minutes sur les problèmes de société, 20 minutes sur la politique étrangère et la défense.

Filmés par 3 caméras, seul le candidat qui s'exprime apparaît à l'écran. 2 chronomètres font face aux présentateurs mais ne sont pas montrés aux téléspectateurs.

Un tirage au sort, effectué avant le début de l'émission, a désigné François Mitterrand comme premier intervenant, tandis que Jacques Chirac sera le deuxième à énoncer sa conclusion.

Le premier moment le plus marquant est l'échange des deux candidats sur la façon de nommer l'autre et sur ses « qualités » : François Mitterrand lance à Jacques Chirac « Je vous ai observé pendant deux ans […] Moi je continue à vous appeler monsieur le Premier ministre puisque c'est comme cela que je vous ai appelé pendant deux ans et que vous l'êtes […] ». Chirac lui fait la remarque : « Permettez-moi de vous dire que ce soir, je ne suis pas le Premier ministre, et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats à égalité […], vous me permettrez donc de vous appeler monsieur Mitterrand. » François Mitterrand rétorque aussitôt ironiquement : « Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre. » Plus tard dans le débat, Jacques Chirac finit par dire « monsieur le président » en s'adressant à François Mitterrand. Ce dernier avait par ailleurs obtenu que la table du débat ait les dimensions exactes de celle du Conseil des ministres, où les deux hommes s'étaient réunis chaque mercredi pendant deux ans[1].

Une grande tension entre les deux hommes est palpable au moment où est évoquée l'affaire Wahid Gordji, diplomate iranien impliqué dans les attentats de fin 1986 à Paris. François Mitterrand affirme que Jacques Chirac lui avait déclaré que le « dossier était écrasant ». « Est-ce que vous pouvez dire, en me regardant dans les yeux, que je vous ai dit que nous avions les preuves que Gordji était coupable ? […] Pouvez-vous vraiment contester ma version des choses en me regardant dans les yeux ? », lance le Premier ministre. « Dans les yeux, je la conteste », répond sèchement le président[1].

Un « imprévu » survient dans les temps de parole et dans les thèmes lorsque les journalistes accordent deux minutes de plus aux deux débatteurs sur la situation en Nouvelle-Calédonie. Jacques Chirac dépasse même ce temps accordé par les présentateurs qui lui en font la remarque. À la fin de la première partie, Chirac se retrouve largement en avance sur Mitterrand mais cette situation ne semble pas déranger ce dernier.

Le vainqueur de l'élection présidentielle est François Mitterrand (54,02 %).

Débat du 2 mai 1995

Patrick Poivre d'Arvor et Anne Sinclair étaient l'un et l'autre pressentis pour co-animer le débat avec Duhamel mais les deux candidats les refuseront et se mettront d'accord pour que Guillaume Durand soit le deuxième présentateur. Un télex de l'Agence France-Presse (AFP) est alors envoyé à LCI pour confirmer Durand à la présentation.

  • Lieu : Studio 101 de la Maison de la Radio à Paris
  • Réalisateurs : Jean-Luc Leridon est secondé par Serge Moati qui filme Lionel Jospin et Alexandre Tarta qui filme Jacques Chirac, tous deux en plan américain et sans plan de coupe. Les candidats ont choisi eux-mêmes leur réalisateur. Quelques personnes du public regardent le débat dans un studio à côté.

Hervé Bourges, alors président du CSA, en visite à la Maison de la radio, supervise la préparation du débat.

  • Diffusion en direct sur TF1 et France 2 à 21 h
  • Durée : 2 h 22
  • Audience (France uniquement) : 16,78 millions de téléspectateurs[5]

Quatre thèmes principaux sont abordés : les questions politiques, d'actualité et sur les institutions (résultats du premier tour de la présidentielle en cours, conception du rôle du président, impartialité de l'État…) ; les questions sociales (chômage, économie, emploi, fiscalité, le franc, la « fracture sociale »…) ; les questions de société (banlieues, exclusion, logement social, immigration…) et enfin les questions européennes et internationales.

Un tirage au sort, établi préalablement, a désigné la place des candidats à la table et Lionel Jospin comme le premier intervenant. Aucun chronomètre, sous quelconque forme, n'est affiché à l'écran. 1,90 m séparent les deux protagonistes.

Ce débat de l'entre deux-tours (le quatrième depuis 1974) est moins tendu entre les deux finalistes que lors des précédentes éditions, avec peu de piques et de petites phrases. Ce débat fut souvent qualifié de courtois, loin des confrontations des précédentes éditions[9],[10],[11].

L'une des saillies les plus marquantes reste relativement courtoise et concerne la durée du mandat présidentiel. Tandis que Jacques Chirac, qui est contre une réforme constitutionnelle, ne se prononce pas sur le quinquennat, Lionel Jospin, qui y est favorable, lance « en somme, je voudrais dire en badinant un peu mais avec un fond de sérieux » qu'« il vaut mieux cinq ans avec Jospin que sept ans avec Jacques Chirac. Ce serait bien long[12]. ». Les deux protagonistes évoquent aussi la probabilité d'une nouvelle cohabitation dans les années à venir, représentant « un danger » selon Chirac.

Les deux finalistes disposent de 3 minutes pour énoncer leur conclusion (Chirac puis Jospin). Initialement prévu pour une durée de 2 h, le débat est rallongé de 22 minutes, même si selon Alain Duhamel « tous les sujets n'ont pas pu être abordés ».

Selon des politologues, ce débat peut faire bouger d'un ou deux points les intentions de vote. Cependant, après la confrontation, Jacques Chirac restera le grand favori. En 2017, Guillaume Durand qualifie ce débat d'« ennuyeux ». Selon lui, Jacques Chirac « ne voulait pas perdre » et Lionel Jospin « ne voulait pas gagner ».

Le vainqueur de l'élection présidentielle est Jacques Chirac (52,64 %).

Absence de débat en 2002

Le second tour de l'élection présidentielle de 2002, qui a vu à la surprise générale s'opposer le président sortant, Jacques Chirac, et Jean-Marie Le Pen, a été marqué par l'absence de débat entre les deux candidats, Jacques Chirac ayant refusé de débattre avec le candidat du Front national[13],[14].

Les proches du président étaient favorables à cette décision, Alain Juppé craignant que ce soit « un match de catch contre-productif sur le plan politique ». Pourtant, les 22 et 23 avril, les déclarations dans l'entourage de Chirac étaient contradictoires[15]. Un débat « à l'américaine » (série de questions/réponses sans confrontations) était envisagé[16]. Pour justifier son refus, Jacques Chirac déclare, le  : « Face à l'intolérance et à la haine, il n'y a pas de transaction possible, pas de compromission possible, pas de débat possible. […] Pas plus que je n'ai accepté dans le passé d'alliance avec le Front national, et ceci quel qu'en soit le prix politique, […] je n'accepterai demain de débat avec son représentant. »

Au contraire, le Parti socialiste, dont le candidat, Lionel Jospin, avait été éliminé au premier tour et qui s'était rallié à Chirac, voulait une confrontation[17],[18]. Un sondage réalisé par l'institut CSA le 24 avril indique que 69 % des Français voulaient une confrontation[14].

Jean-Marie Le Pen en parle, de son côté, comme une « piteuse dérobade », un « véritable scandale » et accuse Chirac de « se dégonfler » et de se « déshonorer ».

Les médias soulignent la stratégie du président sortant visant à éviter toute confrontation directe avec Jean-Marie Le Pen, jugé excellent orateur[19].

Grâce au « front républicain », Jacques Chirac l'emporte largement au second tour (82,21 %).

Débat Sarkozy-Royal du 2 mai 2007

Le décompte du temps de parole pour chaque candidat est affiché par un chronomètre situé sur chaque côté de la table.

Quatre grands thèmes sont abordés : « la conception du pouvoir et les institutions, les problèmes économiques et sociaux, les problèmes dits de société, type éducation, famille, recherche, culture, environnement et les relations internationales avec l'Europe comprise ». Initialement prévue pour une durée de 2 heures, la rencontre durera finalement 39 minutes de plus.

Le tirage au sort effectué avant l'émission a désigné Nicolas Sarkozy comme le premier intervenant et Ségolène Royal la deuxième à conclure. Pour l'anedocte, une seconde a été décomptée du temps de parole de Ségolène Royal lorsque cette dernière dit « Bonsoir » aux présentateurs.

Ce débat, particulièrement vif, est surtout marqué par la « colère saine » de la candidate socialiste Ségolène Royal, qui dénonce le « summum de l'immoralité politique » du candidat UMP quant à l'accueil des handicapés dans le système éducatif « normal ». En outre, les échanges comportent des erreurs factuelles sur l'énergie nucléaire de part et d'autre des candidats[20]. Nicolas Sarkozy, qui a notamment rétorqué à Ségolène Royal que « pour être président de la République, il faut être calme » et qui l'a accusée de « perdre ses nerfs », sort vainqueur du débat d'après les enquêtes réalisées par cinq instituts de sondage[21],[22].

Le vainqueur de l'élection présidentielle est Nicolas Sarkozy (53,06 %).

Autre débat : Royal-Bayrou du 28 avril 2007

Pour la première fois dans l'histoire de l'élection présidentielle française, la deuxième candidate qualifiée pour le second tour, Ségolène Royal, a débattu avec le troisième candidat, non qualifié, François Bayrou, fort des 18,57 % des suffrages qui se sont portés sur lui au premier tour. Initialement prévu pour être tenu devant la presse quotidienne régionale puis sur Canal+, le débat (qui était plutôt un échange d'idées qu'une confrontation) fut finalement diffusé en direct sur la chaîne d'informations BFM TV.

Débat du 2 mai 2012

Le débat télévisé de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 2012 entre le président sortant Nicolas Sarkozy et François Hollande a lieu le à 21 heures. Il est diffusé en direct sur TF1, France 2[25], BFMTV[26], i-Télé[27], LCI, France 24, LCP, Public Sénat et France 3 (en rediffusion) ainsi que par RTL, Europe 1, France Inter, France Info et RFI. Le débat commence à 21 h mais s'achève plus tard que prévu, aux environs de 23 h 50.

Chose inédite, Nicolas Sarkozy et François Hollande s'étaient auparavant affrontés en face-à-face quatre fois, dans des débats plus courts (hors rencontres dans des soirées politiques événementielles) : à Mots croisés, en 1998, à un mois des élections régionales ; en 1999, sur Public, pour les élections européennes ; en 2003, au théâtre du Rond-Point, sur les signes religieux à l'école ; en 2005, dans Le Grand Jury, sur le référendum de la constitution européenne[28].

À la suite du tirage au sort organisé avant le débat, François Hollande prend la parole en premier, Nicolas Sarkozy concluant les interventions. Les thèmes abordés sont, dans l'ordre, l'économie, le pouvoir d'achat, la crise de la dette, l'immigration, le nucléaire, la fonction présidentielle et la politique étrangère[29].

Un des moments marquants du débat fait suite à la question de la journaliste Laurence Ferrari « Quel président comptez-vous être ? », à laquelle François Hollande répond par l'anaphore « Moi président de la République ». En 2017, Laurence Ferrari décrit cette séquence comme « un moment long sur le plateau ».

Le vainqueur de l'élection présidentielle est François Hollande (51,64 %).

Débat du 3 mai 2017

Alors que la chaîne d'information BFM TV a demandé la présence de l'une de ses journalistes, Ruth Elkrief, en tant que présentatrice, TF1 et France 2 ont décliné cette sollicitation. Gilles Bouleau et David Pujadas sont initialement prévus comme présentateurs du débat, mais le CSA, souhaitant la parité, demande un duo mixte par la voix de son président Olivier Schrameck. Le représentant de Marine Le Pen récuse le nom d’Anne-Claire Coudray[34] jugée par le Front national trop complaisante à l'égard d'Emmanuel Macron[35]. Finalement, Christophe Jakubyszyn, directeur adjoint chargé du service politique de TF1-LCI, et Nathalie Saint-Cricq, responsable du service politique de France 2 sont désignés présentateurs du débat par les chefs de l'information de TF1 et de France 2 Catherine Nayl et Michel Field et en accord avec les candidats. De plus, BFM TV, qui souhaitait être représentée lors de ce débat mais n'a pas eu gain de cause, pourra tout de même le retransmettre[36], comme CNews, LCI, LCP et France Info[32].

Les protagonistes sont filmés par 14 caméras et, pour la première fois depuis le débat de 1974, les plans de coupe sont autorisés[37]. Le tirage au sort désigne Marine Le Pen comme la première à s'exprimer. Elle a immédiatement attaqué son adversaire avec énergie, donnant ainsi le ton d'un débat tendu et agressif. Les réactions, de la presse[38], comme du public sur les réseaux sociaux[39], dénoncent une confrontation houleuse, manquant de profondeur et souvent approximative. Globalement, selon les commentateurs, Emmanuel Macron semble s'être mieux sorti de l'exercice, résistant à la pugnacité de son adversaire et cherchant à développer le débat de fond[40],[41]. D'après Gérard Courtois, éditorialiste au Monde, ce débat est le premier à avoir sensiblement modifié le rapport de forces entre les deux candidats finalistes d'une élection présidentielle au regard de l'agrandissement de l'écart observé entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen[42]. Dans ce débat, les phrases choc n'ont pas été rares[43].

Ce débat a donné naissance à de nombreux détournements, parodies et mèmes sur internet, notamment :

  • une capture d'écran de Nathalie Saint-Cricq faisant la moue pendant le débat[44],[45],[46] ;
  • la « poudre de perlimpinpin »[47],[48],[49] évoquée par Emmanuel Macron pour qualifier la proposition de Marine Le Pen d'expulser tous les fichés S et de « fermer les frontières » pour lutter contre le terrorisme : « il y a des pays, nombreux malheureusement, qui ne sont pas dans Schengen et qui ont été frappés par le terrorisme. [...] Ce que vous proposez, comme d'habitude, c'est de la poudre de perlimpinpin. »[50] ;
  • l'imitation exagérée de Marine Le Pen (« regardez, ils sont là, ils sont dans les campagnes, dans les villes, ils sont sur les réseaux sociaux ») à propos d'un discours d'Emmanuel Macron sur les « envahisseurs » du FN (« Vous le savez comme moi, ils sont là. Ce sont eux, nos vrais ennemis, puissants, organisés, habiles, déterminés. Vous les croisez dans les rues, dans les campagnes ou sur la toile, bien souvent masqués, aussi haineux que lâches. Vous les connaissez. Le parti des agents du désastre. Les instruments du pire. L'extrême droite française. Elle est là »)[51],[52],[53],[54].

Ce débat a été qualifié par le quotidien allemand Die Welt comme étant « le pire débat télévisé de l’histoire de la Ve République »[55]. Mal préparée au débat par un agenda trop chargé les jours précédents[56], la prestation de Marine Le Pen est jugée décevante, des médias parlant même de « naufrage »[57] ». Lui sont notamment reprochés son agressivité et son refus d'aborder le fond des dossiers[58] ainsi que ses erreurs sur l'euro[59].

Malgré une audience jugée relativement faible (16,5 millions de téléspectateurs), ce débat dessert largement Marine Le Pen dans les études d’opinion qui suivent. En effet, l'agressivité de Marine Le Pen envers son adversaire[60], ainsi que le fait qu'elle ait tenté d'utiliser le débat pour lancer une fausse rumeur selon laquelle Emmanuel Macron aurait un compte bancaire off-shore aux Bahamas[61], ont probablement découragé une partie des électeurs indécis de voter pour elle, faisant ainsi baisser son score. Cependant, ceci est à nuancer car le débat n'a pas eu d'impact sur une grande partie des électeurs indécis[62]. Ce débat a probablement également eu une influence sur les élections législatives qui ont eu lieu le mois suivant, en accentuant la baisse du vote Front national puisqu'il aurait découragé une partie des sympathisants lepénistes de voter pour les candidats du Front national[63]. La prestation de Marine Le Pen suscite également des inquiétudes sur ses capacités présidentielles et fragilise le FN[56].

Des médias tels que Le Canard enchaîné ou Le Soir expliquent la piètre prestation de Marine Le Pen par le fait que certains de ses conseillers  qui avaient visionné une vidéo d'Adriano Segatori, un psychiatre et psychothérapeute italien, décrivant Emmanuel Macron comme un « psychopathe » à partir d'images et d'éléments biographiques du candidat d'En marche  ont préconisé à la candidate frontiste d'adopter une stratégie agressive afin de lui faire perdre son sang-froid[64],[65]. Ces médias mettent également en doute l'impartialité d'Adriano Segatori dans son analyse, celui-ci étant proche de mouvances de droite dure et d'extrême droite italiennes, tels que la Ligue du Nord et CasaPound[64],[65]. En outre, Emmanuel Macron tend en amont un piège à son adversaire, distillant, à la sortie d'un plateau de BFM TV, l'information selon laquelle il quitterait le plateau si Marine Le Pen se montrait trop agressive, information diffusée par BFM TV la veille du débat[66],[67].

Le vainqueur de l'élection est Emmanuel Macron (66,10 %).

Bibliographie

  • Jean-Marie Cotteret, Claude Emeri, Jacques Gerstlé, René Moreau, Giscard d'Estaing / Mitterrand, 54 774 mots pour convaincre, Presses universitaires de France, Paris, 1976

Documentaire

  • Cécile Cornudet et Benjamin Colmon, Face à face pour l'Élysée, LCP, 2021. Deux parties : « Les dinosaures » puis « Le nouveau monde ».

Notes et références

Notes

    Références

    1. Éric Zemmour, « Les yeux dans les yeux, je le conteste », Le Figaro Magazine, semaine du 27 avril 2012, pages 40-44.
    2. « Débats de l'entre-deux tours : les petites phrases qui ont fait mouche », Quoi.info, 2 mai 2012.
    3. Vidéo du débat de 1974 sur le site internet de l'INA.
    4. Béatrice Houchard, « Un premier affrontement présidentiel à la radio en 1974 », in Le Figaro, mercredi 25 avril 2012, page 5.
    5. « Plus de 20 millions de téléspectateurs devant leur poste pour suivre le débat Sarkozy-Royal », Le Monde, 3 mai 2007.
    6. Source : Serge Moati dans La Parenthèse inattendue, France 2, .
    7. Vidéo du débat de 1981 sur le site internet de l'INA.
    8. « Elysée 81 : dernier meeting de François Mitterrand » [vidéo], sur YouTube, .
    9. « Présidentielle : 1995, Chirac-Jospin ou le non-débat », sur France-Soir,
    10. « Une de Libération n°4340 »,
    11. Un extrait de l'après-débat, diffusé dans le documentaire satirique Dans la peau de Jacques Chirac, montre que les présentateurs furent déçus qu'il n'y ait « pas eu de bastons ».
    12. Vidéo du débat de 1995 sur le site internet de l'INA.
    13. « Jacques Chirac "la banalisation de la haine et de l'intolérance de Le Pen" - Archive vidéo INA », sur YouTube,
    14. « Chirac-Le Pen : Le duel n'aura pas lieu », sur RFI,
    15. Antoine Rufenacht et Pierre Bédier annoncent le débat, contrairement à Roselyne Bachelot. Cf. « Le débat Chirac - Le Pen – 20 Heures de France 2 », sur INA,
    16. « Y aura t-il un débat Chirac-Le Pen ? », sur YouTube / INA,
    17. « En 2002, on a cru pendant quelques heures que Chirac débattrait avec Le Pen », sur Slate,
    18. « Chirac refuse le débat avec Le Pen, la mobilisation s'amplifie », sur Le Monde,
    19. « Histoire de l'élection présidentielle - 2002 – Chirac-Le Pen, choc au second tour », sur www1.rfi.fr, (consulté le ).
    20. Vidéo du débat de 2007 sur le site internet de l'INA.
    21. Hugues Cazenave, La Guerre des sondages, éditions Michalon, 2011, pp. 41-42.
    22. « Débat : Sarkozy jugé “le plus convaincant” », LCI-TF1, 3 mai 2007.
    23. Renaud Revel, « Débat Hollande-Sarkozy: Jérôme Revon aux manettes », L'Express, 27 avril 2012.
    24. « Débat: 17,79 M de téléspectateurs », Le Figaro, 3 mai 2012.
    25. « Présidentielle: Sarkozy et Hollande débattront le 2 mai à 21 h 00 », Le Nouvel Observateur, 25 avril 2012.
    26. « BFMTV diffusera en direct le débat d'entre-deux tours entre François Hollande et Nicolas Sarkozy », BFM TV, 25 avril 2012.
    27. « Diffusion de “2012-Le Débat” », Plus d'Info, 25 avril 2012.
    28. « Hollande-Sarkozy, un duel déjà vu », sur Paris-Match,
    29. « Le compte rendu intégral du débat Sarkozy-Hollande (partie 1) », Le Monde,  ; modifié le .
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