Cheval à la Renaissance

L'histoire du cheval à la Renaissance est marquée par la fin de la domination des destriers et de la cavalerie lourde sur les champs de bataille. Une nouvelle orientation de la sélection des chevaux de guerre voit le jour, les animaux sont recherchés plus légers et plus maniables que les puissants destriers. Le dressage classique s'est énormément développé, des haras importants sont créés. Parallèlement, le cheval gagne les Amériques, où il s'était éteint depuis 10 000 ans. Au XVIe siècle, l'idéal qui fait du coursier l'inséparable compagnon du chevalier reste vivace[1].

Le noble se distingue par son habileté dans le maniement des armes et sa maîtrise de l'art équestre. Le cheval est considéré comme la caractéristique distinctive de la personnalité de son cavalier, au point que lors des funérailles des personnages importants, le cercueil est suivi par le cheval favori du défunt, tenu en main et couvert d'un caparaçon décoré des armoiries de son maître[2].

Types et races de chevaux

La fin des destriers

Des défaites françaises comme celle de Crécy-en-Ponthieu, pendant la guerre de Cent Ans, montrent l'insuffisance et la piètre qualité de la cavalerie. Les écuries royales prennent de l'importance sous François Ier[3]. La puissance de feu de l'artillerie limite l'emploi des destriers, peu maniables.

Chevaux de selle

Genet ibérique classique d'après une reproduction contemporaine de la bataille de Grenade en 1492.

Les besoins concernent principalement les chevaux de selle. Si l'on en juge par l'iconographie, les chevaux de guerre et de parade sont tout à la fois énergiques, élégants, courts mais aussi suffisamment robustes pour pouvoir porter des cavaliers pesamment équipés. Pour fournir l'aristocratie, des chevaux sont importés en grand nombre du pourtour méditerranéen depuis la fin des croisades et produits en race pure ou en croisement. Avec une courte ligne et des articulations solides, ces chevaux ont une aptitude à porter facilement le cavalier et son équipement qui pèsent plus de cent kilos. On note que la généralisation de l'usage des armes à feu n'a probablement pas d'incidence à l'époque sur le modèle des chevaux de guerre[4].

Les chevaux andalous font l'admiration des Italiens, puis des Français, Allemands et Anglais, lorsqu'ils apparaissent à la cour de Naples lors de la conquête du Royaume des Deux-Siciles par Ferdinand le Catholique. Ils conquièrent toute l'Europe sous le nom de genêts d'Espagne et sont à l'origine des Lipizzans, des Kladrubers et même des Connemaras[5].

Le cheval de voyage, solide, est appelé roncin ou roussin, sans que ces ternes ne soient d'aucune façon péjoratifs. Le cheval de bât ou de somme, appelé sommier est un cheval commun[4].

Chevaux d'attelage

À la fin du XVe siècle, la production de chevaux d'attelage est marginale, les routes carrossables demeurant pour ainsi dire inexistantes et les rues des villes trop étroites pour permettre le passage d'attelages. Au XVIe siècle, on attelle des chevaux de selle déclassés. lorsque le roi et sa cour se déplacent en équipage, on utilise des roncins et sommiers. Les charrettes sont tirées par des chevaux élevés dans les campagnes. Ces chevaux communs fournissent les premiers contingents de chevaux de coche, d'artillerie et de ce que l'on appellera ensuite le train des équipages. L'usage de chevaux spécifiques apparaît à la fin du siècle avec l'amélioration du réseau routier et la multiplication des carrosses. La traction agricole lourde est assurée par des bœufs[4].

Zones de production

Giulio romano, palais du Te, sala dei cavalli, 1526-28 ca.

La notion de race n'existait pas encore. Toutefois, des zones de production de chevaux de qualité avec des particularités propres sont déjà connues. Les chevaux de guerre et de parade sont principalement élevés sur le territoire de l'Empire turc. On nomme d'ailleurs chevaux turcs, des chevaux élevés en Perse et en Arabie recherchés pour leur solidité et leur élégance. Des chevaux barbaresques très appréciés, proches du cheval barbe moderne, sont importés d'Afrique du Nord[4].

Les chevaux d'Espagne, souvent croisés avec des barbes, sont considérés comme les meilleurs chevaux de guerre, presque à égalité avec les chevaux napolitains. De très bons chevaux de selle sont produits dans de nombreux haras de toute l'Italie, comme celui du duc de Mantoue. Des carrossiers réputés et exportés dans toute l'Europe sont élevés à Naples, dans la Frise et au Danemark. Ces derniers sont importés en France dès cette époque et sont les lointains ancêtres du demi-sang normand dont est issu le trotteur français actuel[4].

Des chevaux plus massifs sont produits en Westphalie, Poméranie et Mecklembourg qui sont déjà à l'époque d'importants bassins d'élevage[4].

Elevage

Bartolomeo Colleoni, monument à Andrea Verrocchio, cheval lipizzan.

Le premier traité en langue française consacré à l'élevage, Philippica ou haras de chevaux de Jean Tacquet, parait à Anvers en 1641. Même si sa parution est tardive, les historiens considèrent que son contenu est représentatif des connaissances du XVIe siècle. Son auteur est un gentilhomme flamand qui serait né vers 1558 et qui serait lui-même éleveur, tel qu'il se présente à ses lecteurs. Sur les vingt-trois chapitres de l'ouvrage, seul le tiers est consacré à l'élevage. Dans les autres chapitres Jean Tacquet traite du choix du cheval, du modèle et des aptitudes. Il s'intéresse aussi à la psychologie du cheval et aborde le pansage et l'alimentation. Il y cite les auteurs anciens comme Cicéron, Hérodote, Pline, Strabon ou Varron. Cet ouvrage fait référence jusqu'à la fin du XVIIIe siècle[4].

Jean Tacquet insiste sur la nécessité de ménager et de nourrir correctement le jeune cheval. Il recommande de développer l'élevage dans les régions tempérées qui offrent aux poulinières et aux poulains un climat de qualité et des herbages conséquents, bénéfiques à l'état des chevaux. Il privilégie les régions montagneuses qui permettent au cheval de se muscler grâce aux dénivellations, et dont le sol caillouteux favorise la qualité de la corne. Il déconseille les régions froides et marécageuses qui sont nocives à leurs yeux[4].

Au niveau des étables, il insiste pour que ceux-ci permettent aux chevaux de se protéger du froid, du vent et de l'humidité. Il juge que la stabulation libre est peu appropriée aux juments et aux poulinières et souvent à l'origine d'accidents et de difficultés dans l'éducation des poulains. Des écuries séparées doivent être réservées respectivement aux juments, aux poulains du sevrage à un an, aux poulains de un à deux ans, aux poulains de deux ans. Les pouliches de deux ans doivent rejoindre les juments tandis que les poulains de deux ans et demi ont leur propre écurie ou rejoignent des chevaux éduqués ou en cours de dressage. Précurseur, il détaille l'agencement de chaque bâtiment qui est très proche du modèle d'écurie de la cavalerie française en usage jusqu'au milieu du XXe siècle. Il maîtrise les règles d'hygiène et tient compte des contraintes d'humidité, de ventilation et d'évacuations[4].

Jean Tacquet connait le rôle améliorateur de l'étalon et ébauche l'hérédité des aptitudes. Il fonde la sélection de l'étalon sur le modèle et la race, mais aussi sur son caractère. Il recommande en période de monte un complément alimentaire en farine diluée, en pois ou en fèves dont l'intérêt est aujourd'hui reconnu sur le plan de l'apport azoté.

Il reprend l'idée reçue qui subsiste jusqu'à l'époque contemporaine, selon laquelle la qualité du produit dépend davantage de l'étalon que de la jument tout en reconnaissant qu'une bonne jument peut avoir un poulain correct avec un étalon de moindre qualité. Les juments doivent avoir un dos ample et large et des flancs longs et forts, ainsi que des origines de qualité. Les souches maternelles doivent être soigneusement sélectionnées. Il considère qu'une jument qui a été montée à la guerre, fait par ailleurs peu courant, est impropre à la saillie et manquera de lait. Il porte la plus grande attention à l'état général des juments et à leurs qualités laitières.

Le chapitre XX consacré aux pratiques d'élevage est particulièrement développé. Fécondes dès deux ans, les juments doivent être saillies de préférence vers trois ans pour faciliter les gestations et améliorer les lactations suivantes. La durée de gestation de onze mois est connue. Il recommande la saillie en début de saison pour que les poulains naissent au printemps suivant et puissent être sevrés en août, quand l'herbe est encore riche et abondante. Il remarque que les poulains nés à l'automne et sevrés en plein hiver sont moins robustes. Il recommande un repos d'un an tous les trois ou quatre poulains pour reposer les juments tout en déconseillant le sevrage spontané, qui oblige à ne saillir les juments qu'un an sur deux, et qui augmente trop l'effectif du haras pour une production donnée[4].

Il préfère la saillie en main à la monte en liberté, avec des juments entravées car cela permet de ménager l'étalon et de contrôler la fréquence et la date des saillies. Il préconise deux assauts successifs à peu d'intervalle, répétés si nécessaire le lendemain. Un étalon sert dix à douze juments. Les manifestations des chaleurs des juments et leur réceptivité au mâle sont parfaitement identifiées. L'usage d'un boute-en-train est déjà recommandé pour les juments qui ne se laissent pas saillir. Par contre, le cycle œstral des juments ne semble pas maîtrisé et l'obstétrique n'est que balbutiante. Des manipulations simples pour repositionner le poulain dystocique sont cependant connues[4].

Le mode d'élevage du poulain et le sevrage sont proches de ceux en usage à l'époque contemporaine. L'alimentation est à base de foin et d'avoine, en quantité croissante quand les poulains sont rentrés l'hiver à l'écurie. Le jeune cheval doit être éduqué avec douceur et patience[4].

La famille impériale des Habsbourg fonde en 1580 un nouveau haras dans la localité slovène de Lipica, appartenant à l'époque à l'Empire autrichien. L'élevage du lipizzan est liée à ce haras. En 1572, le premier hall de l'école espagnole (Spanische Reitschule) de Vienne est construit[6].

La cavalerie

Les études d'histoire militaire considèrent la Renaissance comme la période s'étendant de l'expédition d'Italie de Charles VII en 1494-1495 au déclenchement de la guerre de Trente Ans en 1618.

Le gendarme

Gendarme français.

Au XVIe siècle, le gendarme est un membre de la gendarmerie, cavalerie lourde du roi de France équipé de l'armure complète et de la longue lance de cavalerie. Dans les territoires de langue allemande, son équivalent est le Kyrisser au début du siècle, et le Lanzierer à la fin du XVIe siècle. Au XVe siècle, le mot n'est employé qu'au pluriel, le singulier désignant l'homme d'armes. Ce dernier est l'héritier direct des chevaliers du haut Moyen Âge tant par son appartenance à la noblesse que par sa formation militaire de combattant à cheval. Le gendarme de la Renaissance n'a donc rien à voir avec le gendarme actuel issu de l'ancienne maréchaussée[7]. L'effectif des troupes mobilisé dans la gendarmerie des cinq guerres de religion est important. Pour répondre à cette exigence numérique, parfois la qualité du recrutement n'a pas pu être maintenue. C'est aussi dans cette arme que se trouve concentrée la noblesse qui structure les partis en présence[7].

Traditionnellement, les gendarmes se disposent sur deux ou trois rangs, dans une formation dite « en haie ». Ils peuvent parfois agir en « escadron », soit en ordre plus profond ce qui amplifie la puissance du choc et la pénétration dans les rangs ennemis en réduisant la surface de contact et en augmentant la masse du corps engagé[8].

Les traités du colonel allemand Johann Jacobi von Wallhausen qui considère la cavalerie comme l'élite reflètent bien les idées des militaires de l'époque.

Pour des usages défensifs, les gendarmes sont équipés de pistolets à partir de la seconde moitié du siècle. À la bataille de Nördlingen, en 1634, en pleine guerre de Trente Ans, les lanciers lourds espagnols attaquent encore la lance sous l'aisselle comme les chevaliers du Moyen Âge[7].

Le reître

Giorgio Vasari, Bataille de Marciano in Val di Chiana.

Le mot reître vient de l'allemand Reiter qui signifie cavalier. Ce nom est donné au milieu du XVIe siècle aux cavaliers mercenaires équipés de pistolets car ils sont alors en majorité allemands. Pour contrer la gendarmerie française dont la cavalerie lourde est réputée pour être la meilleure d'Europe, on trouve une arme nouvelle, le pistolet, première arme à feu conçue spécialement pour le cavalier à cheval car il permet de tirer d'une main en gardant l'autre disponible pour tenir les rênes. Le « pistolet à rouet » est inventé à Nuremberg au début du XVIe siècle et fabriqué d'abord dans les ateliers de la ville, puis dans des manufactures dans tout le pays. Des cavaliers, souvent médiocres mais disciplinés, sont équipés d'une ou deux paires de pistolets cachés dans des fontes accrochées à la selle, d'une forte épée et d'une armure à l'épreuve des balles, mais peu onéreuse car noircie au lieu d'être polie. Ces « pistoliers » cuirassés, qui sont des guerriers efficaces, montent des chevaux « bon marché ». En France ils sont appelés « reîtres noirs » à cause de la couleur de leur cuirasse. Ils sont considérés comme des cavaliers légers et ne reçoivent la qualification de cavaliers lourds qu'après la disparition des lanciers lourds pendant la guerre de Trente Ans[7].

Les cavaliers lourds apparaissent dans l'armée française sous le règne de Henri III en 1553. Pendant les guerres de Religion, ils servent des deux côtés et sont exterminés à la bataille d'Aumale en 1587. En accrochage direct, ils sont menacés par la longueur de lance des gendarmes, mais en retour ils peuvent infliger des pertes conséquentes du fait de leur puissance de feu. Ils peuvent aussi tuer les chevaux qui ne sont pas bardés[7].

Leur manœuvre usuelle est la « caracole » : l'escadron de reîtres se rapproche en formation et s'arrête à une distance suffisante pour ne pas être atteint par le feu des arquebusiers de l'adversaire. Ils avancent ensuite en lignes serrées, puis, une à une, déchargent leurs pistolets à courte distance, faisant demi-volte à gauche pour revenir se repositionner derrière le reste de l'escadron. Ils rechargent leurs pistolets avant de recommencer le tour. Tous les mouvements sont exécutés au trot car il est difficile de garder le rang au galop et pour éviter de s'empaler sur les lances des gendarmes ou sur les piquiers de l'infanterie adverse. Ils doivent s'approcher au plus près des adversaires car les balles ont une force de pénétration assez médiocre du fait des cuirasses[7].

Ils remplacent progressivement les anciens lanciers lourds car avec le temps et les guerres permanentes, il devient difficile de trouver des cavaliers et des chevaux aptes au combat à la lance. Les hussards ailés subsistent cependant en Pologne jusqu'à la fin du XVIIe siècle[7]

Apparition du dressage académique

Travail au pilier unique (L'instruction du roi en l'exercice de monter à cheval d'Antoine de Pluvinel - ed. 1625)
Courbette dans les piliers (L'instruction du roi en l'exercice de monter à cheval d'Antoine de Pluvinel - ed. 1625)

Apparition des armes à feu

L'apparition des armes à feu dans les combats modifie considérablement la monte du cheval de guerre. Jusqu'alors, la technique militaire consiste en une charge de cavaliers au botte à botte « en muraille », la lance en arrêt sous le bras. Il n'est pas demandé au cheval de pivoter ni de s'arrêter, mais simplement de se porter vers l'avant, l'objectif étant de bousculer ou de piétiner l'adversaire. L'entretoise qui relie les branches du mors vient s'appuyer sur le bord de l'encolure, cadrant ainsi le cheval qui ne peut que marcher droit devant lui. Avec l'apparition des armes à feu, le cavalier doit dorénavant éviter le feu de l'adversaire. Son cheval doit en conséquence être mobile et pouvoir pivoter à la demande immédiate du cavalier. Les cavaliers espagnols y réussissent fort bien grâce à leurs chevaux naturellement équilibrés. Les cavaliers montant des chevaux européens doivent dresser leurs chevaux à galoper, arrêter et pirouetter ce qui nécessite de la dextérité et favorise de fait l'essor des académies équestres[9].

Cette transformation apparaît dans les tactiques militaires de la Renaissance durant les guerres franco-espagnoles qui opposent François 1er et Charles Quint à plusieurs reprises entre 1521 et 1559, puis Henri II et Philippe II. À cette époque, il existe deux façons de faire la guerre et deux façons aux cavaliers de s'affronter sur le champ de bataille. D'un côté, il y a la cavalerie française, lourdement armée et montant des chevaux puissants, protégés par un harnachement volumineux, et en face des troupes espagnoles qui montent des chevaux légers, bien dressés, rapides et faciles à diriger. Les Espagnols remportent la bataille. Les arquebusiers espagnols percent les armures des Français avec leurs balles et les obligent à un changement radical dans l'art de la guerre. Progressivement, les armures des chevaliers disparaissent, en même temps que se répand l'usage de l'arquebuse et de l'artillerie. La cavalerie légère et l'infanterie deviennent prééminentes. Dans les faits, le déclin de la chevalerie médiévale commence deux siècles plus tôt, avec l'anéantissement de la cavalerie française de Philippe IV le Bel par l'infanterie flamande à la Bataille de Courtrai le suivie par les défaites successives des chevaliers français pendant la Guerre de Cent Ans (1339-1453), notamment à Crécy en 1346 et à Azincourt en 1415[2].

Disparition progressive des tournois

Mort de Henri II lors d'un tournoi (1559).

Deux tragédies marquent le milieu du XVIe siècle et impactent une des expressions les plus significatives de la chevalerie, les tournois. Le Henri IIe, roi de France, est blessé à l'œil par un fragment de la lance par Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, lors du tournoi en l'honneur du mariage de sa fille Elisabeth avec le roi Philippe II d'Espagne. Il meurt dix jours plus tard. Le 20 janvier de l'année suivante, le prince Henri de Bourbon meurt à l'âge de 15 ans, écrasé par son cheval. La consternation provoquée par ces évènements, tout spécialement en France, amene à remplacer les tournois par des jeux moins dangereux, ce qui incite au développement d'une équitation plus sophistiquée qui permet de mieux faire apprécier la qualité des cavaliers sans les exposer à la mort[2].

Cette disparition se fait de façon progressive, des tournois se déroulent encore au XVIe et au XVIIe siècle. Par exemple, sept ans après la mort d'Henri IIe, un grand tournoi a lieu dans la cour du Belvédère au Vatican pour célébrer le mariage d'Annibale Altemps et d'Ortensia Borromeo. Les tournois sont peu à peu remplacés par des combats à cheval moins dangereux et finalement par des chorégraphies équestres. Ainsi en 1565, à Florence, pour le mariage de François 1er de Médicis et de Jeanne d'Autriche, un ballet équestre appelé La Bataille est exécuté par des chevaux très bien dressés. Ce type de divertissement devient très populaire[2].

Evolution des attributs de la noblesse

La noblesse, la classe dirigeante, revisite en profondeur sa culture et son identité. Le chevalier dont la seule occupation est la profession des armes, devient peu à peu un gentilhomme qui conserve son activité militaire mais y adjoint des compétences dans les domaines de la littérature, des arts et de la musique. Savoir monter à cheval est considéré comme une caractéristique de l'identité du noble. Depuis l'époque classique, seule l'élite de la noblesse, fortunée et puissante, a la possibilité d'avoir des chevaux pour le plaisir de monter et pour la guerre. Peu d'entre eux ont l'argent, les relations et le temps pour s'initier à l'art équestre. C'est ainsi que le terme cavaliere (chevalier), est dès lors utilisé pour désigner le noble. Une nouvelle aristocratie pour laquelle l'équitation est une composante requise fait son apparition. Dans son Livre du Courtisan, Baldassare Castiglione insiste sur le fait « qu'avant toute chose, l'aristocrate doit faire profession des armes ». Il doit être en bonne forme physique, entraîné aux exercices guerriers et à l'équitation, discipline dans laquelle il doit montrer force, mais aussi légèreté et fluidité[2].

Naissance de l'équitation classique

L'adresse dans le maniement des armes est indissociable de l'habileté à monter à cheval. Un gentilhomme doit exceller dans tous les exercices équestres et montrer ses capacités à pouvoir mener un cheval difficile, à participer à des jeux de lances et à des joutes. Il se caractérise désormais par son habileté à exécuter les exercices équestres avec grâce et pertinence. Telle que définie par Baldassare Castiglione, la grâce, vertu suprême du courtisan, est la capacité à masquer les difficultés pour accomplir les actes les plus audacieux, les exercices les plus complexes, ainsi que les exercices physiques les plus difficiles. Elle est la qualité de l'apparence, de la dissimulation, ce qui permet de donner l'apparence du naturel à ce qui est artificiel. En équitation, l'excellence ne peut être atteinte que lorsque l'exercice le plus difficile est exécuté par le cavalier dans la confiance, sans laisser paraître les aides et les actions dont il use pour diriger sa monture, suggérant ainsi que l'exercice est exécuté sans son intervention. L'équitation est magnifiée dans un paradoxe sublime «  l'utilisation du maximum d'artifices pour obtenir le maximum de naturel ». À la Renaissance, l'art équestre est considéré comme le domaine privilégié de la sprezzatura (nonchalance) et devient la discipline première dans l'éducation du gentilhomme. Grâce à elle, il apprend l'art de commander et le contrôle de soi[2].

L'équitation évolue vers la primauté du dressage du cheval. Les exercices doivent dorénavant permettre de juger de la qualité équestre du cavalier et de la parfaite soumission de l'animal. Ils sont normalisés, nommés airs d'école, et constituent les différents éléments des chorégraphies équestres[2].

Création des académies d'équitation

Pluvinel, L'instruction du Roy.

Des académies d'équitation sont créées, notamment en Italie, pour obtenir des chevaux plus légers, maniables, permettant de sortir de la mêlée des combats[10]. Mais plus important encore, la « civilisation des mœurs » (Norbert Elias) qui s'élabore dans les cours princières demande un autre usage du cheval. À l'utilisation pour la guerre et la chasse, s'ajoutent les besoins du paraître, notamment dans les entrées princières, dans les fêtes et dans les nouvelles occasions de montrer son élégance que sont les carrousels et ballets de chevaux. Les joutes et tournois qui simulent les gestes guerriers du Moyen Âge se transforment en exercices de virtuosité. L’Italie accueille les principales académies d'équitation de la Renaissance. Frederico Grisone relance l'Académie de Naples en 1532. Il rédige le traité d'équitation Ordini di cavalcare en 1550. Cesare Fiaschi fonde sa propre académie en 1534. Dans l'académie de Grisone, Gianbatista Pignatelli forme les deux écuyers français Salomon de La Broue et Antoine de Pluvinel.

En plus de l'art équestre, ces académies enseignent les humanités, la musique, les mathématiques et le dessin. Les jeunes nobles commencent à voyager afin de bénéficier des meilleurs enseignants, notamment en Italie où ils sont particulièrement réputés, faisant naître la pratique du grand tour[2].

Toutes les cours d'Europe reprennent ce modèle né en Italie, vraisemblablement sous l'influence de pratiques équestres venues, via l'Espagne ou Byzance, des cours arabes de Bagdad ou Damas entre-autres. À la Renaissance, les chevaux deviennent des présents qu'on offre aux autres chefs d'État et les prouesses équestres rivalisent de virtuosité et de recherche esthétique. En France, la cour du roi, comme en Lorraine la cour ducale, promeut l'un art de monter à cheval et met en place les moyens de l'enseigner aux jeunes nobles. Le futur roi est lui aussi formé à cet art. Nous connaissons cet enseignement parce que Monsieur de Pluvinel, chargé de l'instruction du futur Louis XIII, publie le premier traité d'équitation en français. Ses préceptes et les gravures qui les accompagnent fondent l'équitation de tradition française. Déjà la recherche de la discrétion des aides, de la coopération du cheval plutôt que la contrainte, la volonté d'élégance et d'harmonie accompagnent l'exercice d'une haute virtuosité.

Apparition des airs relevés

Bradamante Valorosa (Antonio Tempesta), Passage.

La technique des « airs relevés », comme la capriole, l'orsade, le saut de mouton est pratiquée en France, en Italie et en Espagne. En France, cette technique est qualifiée de saltoni. Tommaso di Cardi, écuyer de François 1er, en est un grand spécialiste. Dans le double pilier inventé par Pluvinel, le cheval apprend à se mettre sur les hanches et à se maintenir sur les postérieurs dans la pesade qui est le fondement de ces airs relevés. Pluvinel a découvert cette pratique à Naples à l'académie de Pignatelli qui en est l'inventeur. Ils sont totalement inutiles à la guerre qui, comme l'écrit La Broue, comporte suffisamment de risques pour ne pas en rajouter[11].

Les chevaux des portraits équestres royaux abandonnent sous François 1er l'amble prisé par Louis XII pour le passage[12].

Seuls deux écuyers français, Pierre de la Noue dans La cavalerie française et Italienne publié en 1620 et Pluvinel dans son Instruction du roi en l'exercice de monter à cheval, publié à titre posthume en 1625, décrivent un travail systématique sur le cercle. Avant eux, chez Fiaschi et La Broue, le travail repose sur la rectitude qui permet de porter correctement le coup à l'ennemi. La géométrie équestre évolue : à partir de la ligne de la passade qui s'exerce en plein air, le cheval entre dans le manège rectangulaire des académies, les quatre lignes droites se resserrent en volte carrée pour devenir la volte à deux pistes sur les hanches qui engendre la pirouette[8].

Cheval et littérature

Avant l'invention de l'imprimerie au milieu du XVe siècle, les textes concernant le cheval circulent sous la forme de manuscrits. Les plus importants sont dus à des encyclopédistes du Moyen Âge comme Albert le Grand ou Barthélemy de Glanville dit l'« Anglois  », ou à des agronomes comme Pierre de Crescens. Il existe aussi de très rares traductions de Xénophon, les cavaliers doivent donc créer, puis faire imprimer, les principes et techniques d'une nouvelle branche de la connaissance d'une méthode ancienne que l'on nommera au XIXe siècle du nom d'« équitation  »[13].  Avec la généralisation de l'imprimerie, de nombreux traités équestres sont rédigés et sont parvenus jusqu'à nous. La partie des ouvrages concernant l'utilisation du cheval sous la selle et le dressage est nommée génériquement l'écuirie[14].

Dans la littérature de la Renaissance, le cheval est la monture du roi en majesté. Son dressage est à l'image de la manière dont le roi va conquérir le monde. Le cheval contribue, dans la guerre, dans l'apparat, par ce qu'il est, mais aussi par ce qu'il représente, à renforcer l'image de la monarchie absolue[14].

Rabelais

Le cheval et l'équitation figurent en bonne place dans le Gargantua de Rabelais, publié en 1534 ou 1535. Au chapitre XII, le héros reçoit un cheval en bois sur lequel s’entraîner. Certaines appellations données par Rabelais aux robes et aux allures sont fantaisistes, comme le pas du chameau et celui de l'onagre, les robes poils de rat, de cerf, de vache. Mais ces écrits révèlent la place privilégiée de l'équitation dans l'éducation d'un homme de bien. Au chapitre XXIII, dans le modèle éducatif d'une journée, après les travaux intellectuels et le sport, vient en fin de journée l'équitation. Ici, le véritable cheval sert à l'éducation du prince et le maître de manège éduque. Dans un premier temps, le cavalier change souvent de cheval, passant des chevaux de parade à ceux de course et de guerre. Il pratique une équitation variée avec courses, airs relevé, sauts en longueur et en hauteur, travail sur un cercle, changements de main. Ce travail débouche sur l'usage de la lance de tournoi et prépare le futur guerrier. Il faut former un combattant capable de tenir un assaut. Il aborde aussi la voltige et dit que son élève est « meilleur que le voltigeur de Ferrare », faisant ici très vraisemblablement référence à Fiaschi. Il est évident que Rabelais connait parfaitement l'équitation de son temps[15].

Guillaume de Saluste Du Bartas

En 1584, Guillaume de Saluste Du Bartas écrit la Seconde semaine, œuvre inachevée qui décrit ce qui arrive après la création du monde. Il y raconte l'intérêt de Caïn pour l'équitation. Après avoir décrit le cheval qu'il choisit, il évoque son dressage. La mise en main est progressive et il pratique les trois allures alternativement. Après avoir obtenu le galop furieux, le cheval est peu à peu ramené et son cavalier lui apprend les déplacements latéraux et les allures relevées. La figure aboutie du couple est le centaure, Caïn est cousu dans sa selle et l'allure des deux est si unie qu'ils semblent n'avoir « qu'un corps et qu'un sens  ». Le passage s'achève par une définition de l'« équitation de légèreté » [15].

L'affrontement avec le cheval permet à Caïn, homme du début des temps, de mieux se connaitre. Il choisit sa monture à cause de sa sauvagerie. À l'épreuve du réel, le courage du cavalier disparaît. Dès qu'il monte à cheval, la peur le possède, mais grâce à son savoir-faire, il va venir à bout de sa monture. Par la course et les exercices de maîtrise du cheval, l'homme et l'animal se rassurent; domestiqué, le cheval ne s'appartient plus. Dominé par l'homme, il lui donne sa force enrichie par l'art[15].

Guilhem Ader

En 1610, Guilhem Ader fait paraître Lou Gentihome gascoun, vaste épopée en quatre livres, qui est un long poème à la gloire du roi Henri IV. Un 'gentilhomme gascon s'y entraîne au métier des armes sous le double auspice d'Hercule et de Pyrène, ses parents, et de Mars et Vénus, ses parrain et marraine. Chaque livre présente une étape dans l'approche et la conquête du pouvoir par la guerre[15].

Dans le premier livre, le Gascon apprend à maîtriser le cheval, à s’entraîner à l'escrime et à chasser. Il va à la guerre où il se montre soldat courageux et meneur d'homme. Le second livre est consacré à la guerre, capitaine il commande une garnison. L'hiver, il occupe ses soldats par de jeux équestres comme la course de bague et le tournoi. Son ascension se poursuit dans le troisième livre où il devient lieutenant du roi. Le quatrième livre se termine avec une rondache qui tombe du ciel. Le cheval est surtout présent dans les deux premiers livres. Le premier livre s'attarde sur l'éducation du gascon qui passe par l'utilisation successive de trois chevaux, un bidet, un genet d'Espagne et un roussin de Gascogne. Avec chacun d'eux, il va progresser dans la maîtrise de l'art équestre. Cavalier d'instinct, il monte le bidet avec brutalité, le domine par la douleur puis par la peur. Violence et distraction caractérisent cette première étape dans la construction du gentilhomme. Celui-ci doit se domestiquer lui-même pour progresser et être plus précis dans son travail. Avec le genet d'Espagne, Guilhem Adler s'intéresse d'abord à l'apparence du harnachement, à ce qui se voit et qui brille, notamment les velours et les parements. Avec ce cheval naturellement équilibré, le cavalier acquiert de la verticalité qui va permettre au cheval d'organiser ses forces. Il décrit les allures, les voltes au galop, le travail aux deux pistes, le rassembler, le cheval incurvé, les déplacements latéraux et enfin les sauts d'école avec lesquels, tel Pégase, le cheval s'envole sous l'impulsion de son cavalier. Avec le Roussin, le cavalier va s'identifier à sa monture. Guilhem Adler souligne la puissance, l'intelligence et la vivacité du cheval. Cheval de guerre, il bouge presque sans indication de son cavalier et excelle aussi bien dans les batailles que dans les parades. Son cavalier fait usage de tact équestre, le centaure est réalisé[15].

Le cheval parfait est une métaphore de la royauté rayonnante. Le cheval préféré par le Gascon, comme beaucoup de cavaliers de l'époque, est le genet d'Espagne, « cheval de roi » qui sert de faire valoir. Son but est de renverser ses ennemis. Ses qualités vont lui permettre de gagner les tournois, puis la guerre. Une fois le pouvoir conquis, le roi n'a plus besoin du cheval. La fin du récit est constitué d'une suite de combats dont le cheval est absent[15].

La librairie du Bellérophon

Federico Grisone.

Propriété de Charles Périer, un des quatre grands libraires jurés de la ville et de l'université de Paris, la librairie du Bellérophon est la première à faire paraître en 1559 le traité de Federico Grisone, Ordini di cavalcare di Federico Grisone, Gentil'huimo Neapolitetano considéré comme le premier traité d'équitation moderne. Cinq ans auparavant, Charles Périer a déjà repris la traduction de La Mareschalerie de Laurent Rusé, établie vingt-et-un-ans plus tôt par Chrétien Wechel. Il publie en 1563 l'ouvrage rare, traduit du latin par Bernard du Poy-Monclar, traducteur de Grisone, Quatre Livres de Pvble Vegece Renay, de la medecine des chevaux malades…. En 1564, il publie la première traduction en français par François de Prouane, du traité de Cesare Fiaschi, sous le titre Traité de la manière de bien embrider, manier et ferrer les chevaux, qui est considéré comme le premier véritable ouvrage de maréchalerie. L'édition de ce traité par Adrian Perrier datée de 1615  est la dernière connue en français. La librairie de Charles Périer et de ses successeurs est considérée comme la première librairie française spécialisée en littérature équestre. L'ordre éditorial de la librairie est illustré par la symbolique équestre de Bellérophon chevauchant Pégase. Comme plusieurs de ses confrères protestants, Charles Périer est assassiné le lors de la Saint-Barthélemy. Son gendre, Guillaume Auvray, lui succède avant que son fils Thomas ne reprenne l'affaire vers 1579. Vers 1583, Adrian Périer abandonne l'enseigne pour adopter celle du Franc Meurier, puis à partir de 1610, celle du Compas d'or. Il vient alors de se marier avec Madeleine Plantin, fille du maître anversois Christophe Plantin qui est reconnu comme le libraire le plus important d'Europe. Il adopte la marque de son beau-père et transforme l'officine en une succursale plantinienne[14].

L'hippiatrie

L'hippiatrie s'enrichit grâce à la redécouverte des écrits des Anciens et des apports de la science arabe. Elle demeure toutefois subordonnée aux avancées de la médecine humaine, mais soigner le cheval est aussi un moyen d'expérimenter des traitements utiles à l'homme. À la toute fin du siècle, parait à Bologne l'ouvrage de Carlo Ruini, L'Anatomia del Cavallo, œuvre majeure qui porte un premier regard scientifique sue l'anatomie équine[8].

L'arrivée aux Amériques

Découverte du Mississippi.

En Amérique, les premiers colons espagnols réintroduisent le cheval barbe et andalou dans les deux sous-continents américains où l'espèce y a disparu depuis plus de huit millénaires. En 1519, les conquistadores de Hernán Cortés, amènent avec eux onze chevaux et six juments[16], dont deux ont une robe pie et cinq autres une robe tachetée. Ils sont transportés dans des conditions difficiles, descendus à fond de cale grâce à des palans, ils doivent endurer un voyage de plusieurs mois[5]. Ces chevaux sont les premiers ancêtres des mustangs, chevaux retournés à l'état sauvage et qui ont pour la plupart une robe tachetée. Le fait que les Amérindiens n'ont jamais vu ces animaux aide les conquistadores à se faire passer pour des divinités et à remporter ainsi de nombreuses batailles. Leur prix dans le nouveau monde demeure longtemps très élevé. Cortez aurait déclaré : « Nous devons notre victoire à Dieu et à nos chevaux ». Le cheval se répand rapidement sur ces terres, principalement en Amérique du Nord.

Le cheval dans les cours royales et princières

Taddeo Zuccari, François Ier et Charles Quint.

Le cheval est omniprésent dans le mode de vie du prince de la Renaissance. Il est utilisé dans toutes les activités et manifestation privées et publiques. Il est à la fois un moyen de locomotion et un faire valoir pour les grands, pour lesquels il est tour à tour une oeuvre d'art, un objet de leur magnificence et un rouage de leur jeu politique.

Comme tous les souverains d'Europe, les rois de France du XVIe siècle sont nomades et se déplacent avec leurs courtisans. Selon les estimations des ambassadeurs, huit à dix-huit mille équidés, mulets et ânes compris, autant que d'hommes, se déplacent. Ils sont utilisés pour tirer les charrettes qui transportent les meubles et bagages ou sont attelés aux coches et litières des courtisans les plus fortunés. Les femmes, les enfants et les ecclésiastiques se déplacent montés sur des haquenées[1].

François 1er utilise des mules pour ses déplacements et pour la chasse. Les grands chevaux du roi ou coursiers, comme on les appelait, sont utilisés pour les joutes et lors des cérémonies. Les plus précieux étaient les coursiers napolitains, les genets d'Espagne, les chevaux de Turquie et les barbaresques, ou mauresques, originaires d'Afrique du Nord. Ces chevaux sont alors recherchés et rares. Les courtauds, les roussins et les traquenards sont montés pour la chasse au cerf. Les tournois demeurent indissociables de la vie des cours et savoir monter à cheval est indispensable pour qui veut réussir à la cour de France[1].

Lors de joutes et des parades, les souverains montent de superbes chevaux. Les plus recherchés pour ces occasions sont les Napolitains, les genets d'Espagne, ainsi que les chevaux arabes et berbères, appelés alors Turcs et Barbaresques[2].

Les tenues vestimentaires des cavaliers

Les tenues du cheval et de son cavalier sont élégamment assorties. Ils sont « à la même livrée  ». Le décor de ces livrées peut être héraldique, emblématique ou lié à la symbolique des couleurs [1].

Pour le cérémonial des funérailles, le « cheval d'honneur » est le coursier favori du défunt. Revêtu du grand caparaçon armorié aux couleurs de son maître, il défile seul, tenu en main, devant le cercueil[1].

Les écuries

Positionnement et architecture

Le recueil de gravures de Jacques Androuet du Cerceau constitue la principale source documentaire concernant les écuries des châteaux au XVIe siècle. Les basses-cours médiévales des châteaux royaux, comme celles d'Amboise et de Blois, telles qu'elles apparaissent dans les plans et vues publiés en 1576 et 1579 dans Les plus Excellents Bastiments de France, sont encombrées de constructions diverses mais dépourvues d'écuries. Il n'y en a pas non plus dans les offices de Chambord et de Villers-Cotterêts construits durant le siècle où seuls des cuisines et des garde-manger ont été amenagés. À Saint-Germain, pour des raisons certainement d'hygiène, les chevaux sont abrités dans des granges installées notamment près du parc. À Fontainebleau, le chenil de la vénerie royale comportait des écuries pouvant recevoir 50 à 60 chevaux, mais ce bâtiment est éloigné de la demeure du roi. Ce principe d'éloignement est le propre des résidences royales. On le retrouve encore au château d'Ancy-le Franc, construit au milieu du siècle pour Antoine III de Clermont-Tallard[17].

Les écuries des châteaux construits au XVIe siècle sont souvent bâties dans la basse-cour et invisibles du logis comme à Montargis, Vallery, Mortiercrolles, Bury, Oiron, Thouars, Anet et Dampierre. Dans le Troisième Livre d'Architecture, en 1582, Jacques Androuet du Cerceau propose des projets qui respectent la hiérarchisation des cours en fonction de leur affectation. Les écuries n'y participent pas au parcours du visiteur vers le logis, ni à la monumentalité de son accès[17].

Les écuries royales des Tournelles, construites pour Henri II à Paris sur la rue de l’Égout en 1554-1555 par Philibert Delorme, font l'objet d'un certain raffinement. Champ d'ornementation privilégié, les portes étaient encadrées d'un double ordre de pilastres[17].

Au cours de la seconde moitié du siècle, apparaît l'idée de disposer symétriquement des écuries pour former au château une avant-cour. Lorsque François de Carnavalet, écuyer de Henri II, fait aménager vers 1555 des écuries dans la basse-cour de son château de Noyen-sur-Seine, il monumentalise l'accès au logis qui est précédé d'une basse-cour bordée de bâtiments symétriques. Les façades sont surmontées d'un grenier éclairé par des lucarnes et rythmées par des baies aux montants traités en bossage, couronnées par un entablement mouluré. Des étables forment à droite le pendant des écuries situées à gauche[17].

Le pavillon dit d'Anne de Beaujeu dans l'aile préservée du château des ducs de Bourbon à Moulins, construit entre la fin du XVe siècle et la mort de Pierre II en 1503, comporte des écuries voûtées situées en sous-sol. Elles étaient accessibles par les fossés avec lesquels elles se trouvaient de plain-pied. Des écuries similaires existent en Italie, à palais ducal d'Urbin. Le géographe Nicolas de Nicolay précise dans Générale description des Bourbonnais qu'elles présentent l'avantage d'être invisibles de la cour d'honneur et de communiquer avec les jardins où se tenaient des lices « à courir la bague et piquer chevaux  »[17].

Le long bâtiment datant de la fin du siècle du château du Parc-Soubise est très proche au point de vue architectural des écuries du château du Rivau, laissant présumer la présence d'écuries à un rang[17].

Dès la fin du siècle, des motifs équestres, constituant une caractéristique des écuries françaises, sont utilisés pour signaler la destination des écuries. Au manoir de Barneville dans le Cotentin, les écuries construites dans la cour du logis présentent deux tympans sculptés d'un cheval passant, mis en valeur par un encadrement ionique supportant un fronton[17].

Aménagement

Les traités d'hippiatrie du XVIIe siècle préconisent une dimension de cinq pieds de largeur et d'environ dix pieds de longueur par stalle. Certaines écuries sont à un rang, comme à Bury, alors que d'autres comme celles de Fontainebleau, Anet et Montargis sont à deux rangs, les chevaux étant disposés croupe à croupe. Du Cerceau représente souvent des séparations dans les écuries : à Montargis, trois constructions sont accolées, chacune pouvant recevoir vingt chevaux[17].

Au Rivau, les écuries mesurent 22 et 18 mètres de longueur sur 6 mètres de profondeur. Elles comportaient un rang de stalles permettant d'accueillir 25 chevaux. Les deux ailes sont séparées par un mur de refend percé d'une porte permettant seulement le passage d'un homme. Ce dispositif pouvait permettre de séparer les juments des poulains, et les poulains des chevaux d'âge afin d'éviter les combats, mais permettait aussi de loger séparément les chevaux des visiteurs pour prévenir les contagions. Les portes étaient suffisamment larges pour permettre le passage des juments gravides. Les fenêtres possédaient des huisseries afin d'éviter les courants d'air tout en permettant de ventiler les écuries et d'évacuer les émanations néfastes à la santé des équidés. Ces huisseries modéraient et filtraient la lumière afin que les chevaux ne soient pas éblouis. À Oiron, de petites baies en hauteur permettaient aussi d'obtenir un éclairage diffus. Au Rivau, Une voûte permet de limiter les risques d'incendie mais aussi unifie et monumentalise le volume intérieur. Le sol était dallé et certainement en pente vers les parois opposées aux stalles pour faciliter l'écoulement. Un « ruisseau  » lui était relié pour permettre la collecte des rejets excrémentiels[17].

Les mangeoires en pierre qui subsistent possèdent quelques anneaux. L'anneau central servait probablement à attacher le cheval, les deux autres permettant d'accrocher la suspension des barres qui séparaient les stalles. Le devis de Noyen-sur-Seine prévoit que les râteliers et les mangeoires doivent être scellés. Un devis de 1584 concernant le château de Villeroy, précise que les râteliers et mangeoires doivent être en bois. À Oiron, face à la porte donnant sur le potager, un point d'eau maçonné servait d'abreuvoir pour les chevaux et de réserve pour le potager. À Mortiercrolles, les chevaux avaient accès à une mare dans la basse-cour alimentée par l'eau des douves. Les fourrages étaient souvent stockés au premier étage servant aussi parfois à loger le personnel chargé des chevaux. Cet espace était accessible par des échelles ou des escaliers. Au Rivau, une rampe droite étroite est maçonnée dans l'épaisseur du mur[17].

Cheval et diplomatie

Mantoue, Palais du Te, salle des chevaux.

Le cheval est une composante importante des relations diplomatiques du XVe et XVIe siècles.

Baldassare Castiglione est chargé en 1506 par Guidobaldo 1er de Montefeltro, duc d'Urbin, d'aller en Angleterre recevoir l'ordre de la Jarretière d'Henry VII en son nom. Ambassadeur de François II Gonzague, il lui propose à l'occasion de lui confier deux cadeaux pour le roi afin d'améliorer les relations diplomatiques avec l'Angleterre : un tableau de Raphaël et un étalon bai de son élevage. Alors qu'il fait étape à Milan, l'étalon tombe malade et est remplacé par une jument alezane jugée très belle. Cette jument est très appréciée par le roi qui, après la guerre des Deux-Roses, avait perdu énormément de chevaux. Il importe les années suivantes de nombreux chevaux de valeur d'Italie pour relever ses élevages. Cette jument contribue par sa lignée à la création de la race pur-sang anglais. Sa dynastie porte le numéro 20 et a produit Pharis II, vainqueur du Grand Prix de Paris, ainsi que Blue Peter et Grafito, vainqueurs du Derby d'Epsom[18].

Ferdinand d'Aragon, roi de Naples, envoyait ainsi à ses pairs chevaux et écuyers[18].

Les Gonzague de Mantoue, qui possèdent un élevage prestigieux, utilisent leurs coursiers pour développer leurs relations avec les différents souverains européens et notamment avec le roi de France. Louis XII offre des étalons au marquis de Mantoue et en 1512 en reçoit en retour à Blois. À cette occasion, d'autres personnes de haut rang reçoivent des chevaux, comme le connétable Charles III de Bourbon, Louis II de la Trémoille, François de Longueville et Galeazzo Sanseverino. Lorsque Frédéric, fils aîné du marquis François Gonzague âgé de quinze ans, est confié à François 1er en 1515, le jeune homme fait une série de présentations de chevaux devant le roi, le connétable et le grand écuyer de France, Galeazzo Sanseverino, gendre de Ludovic le More. Il lui offre plusieurs chevaux de la part de son père. En échange, en 1517, François 1er offre un bel étalon pour l'élevage des Gonzague. Des chevaux et juments sont encore livrés en mai et , , , , et , destinés au roi, à ses fils et aux « grands de la cour »[1].

En 1514, Giovanni Ratti, écuyer de François Gonzague, accompagne à Londres des chevaux que le duc de Mantoue avait offert à Henri VIII. En 1533, en remerciement de juments offertes par Frédéric Gonzague, François 1er lui fait porter un cheval d'Espagne ainsi que six juments barbaresques que le corsaire Barberousse lui avait envoyées de Tunis. Trois mois avant d'inviter officiellement Charles Quint en France, François 1er fait porter à son intention des chevaux à la frontière espagnole, par son écuyer Tommaso di Cardi. En remerciement, l'empereur lui fait don lors de sa venue de vingt-trois chevaux espagnols[1].

Le , Alphonse 1er, duc de Ferrare, offre à François 1er un magnifique étalon gris qu'il venait d'acheter à Frédéric de Mantoue. Rebaptisé Virgile, ce cheval fut l'un des coursiers préféré du roi de France[1].

En 1575, lorsque Charles Frédéric de Clèves, héritier du duché de Clèves se rend à Rome , le vice-roi de Naples, Antoine Perrenot de Granvelle, lui offre des chevaux. Les invités offraient souvent à leur hôte un cheval de valeur. En 1543, le sultan de Tunis, Moulay Hassan, offre une centaine de chevaux au Vice-roi de Naples Pierre Alvarez de Tolède. Luigi Carafa (1511-1575), second prince de Stigliano, qui possédait un haras renommé de plus de cent chevaux, les emmena avec lui quand il se rendit à Bologne en 1530 pour le couronnement de Charles Quint. Il en offrit plusieurs à l'Empereur et distribua les autres aux gentilhommes présents. À la suite de cet acte généreux, l'Empereur l'éleva à la dignité de Grand d'Espagne[2].

Au XVIe siècle, les chevaux les plus prestigieux des cours européennes sont pour la plupart d'origine italienne. Il est intéressant de noter que dans la correspondance des royaumes italiens de l'époque, les ambassadeurs napolitains ne citent jamais les chevaux de la cour de Mantoue, et les Mantouans ne mentionnent jamais ceux Napolitains, preuve de la compétition acharnée entre les haras italiens dans le jeu diplomatique[2].

Voir aussi

Article connexe

Notes et références

  1. sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « Cheval et diplomatie à la cour de France sous François 1er et Henri II, page 48 ».
  2. (en) Giovanni Battista Tomassini, The Italian Tradition of Equestrian Art, Franktown, Virginia, USA, Xenophon Press, , 288 p. (ISBN 9780933316386).
  3. Collectif, Les plus beaux chevaux du monde, Issy-les-Moulineaux, Atlas, coll. « Atlas Nature », , 223 p. (ISBN 2-7234-5140-2), p. 216-217
  4. sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « L'élevage du cheval à la Renaissance », p. 12.
  5. André Champsaur, Le guide de l'art équestre en Europe, Lyon, La Manufacture, 4ème trimestre 1993, 214 p. (ISBN 9-782737-703324).
  6. (en) Alois Podhajsky (trad. de l'allemand), The Complete Training of Horse and Rider, Londres, Doubleday, (ISBN 978-0-948253-51-5)
  7. sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « Gendarmes et reîtres, la cavalerie Renaissance entre tradition et modernité », p. 267.
  8. sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7).
  9. Sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « L'éperonnerie », p. 68.
  10. (en) Alois Podhajsky, The Complete Training of Horse and Rider, Londres, Doubleday, (ISBN 0-948253-51-7).
  11. Sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7).
  12. Sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « Cheval et diplomatie à la cour de France sous François 1er et Henri II », p. 48.
  13. CNRTL, « Equitation », sur CNRTL (consulté le ).
  14. Sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « Itinéraire du livre dans l'Europe de la Renaissance », p. 253.
  15. Sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « Cheval et éducation royale », p. 328.
  16. Hernan Cortés dans www.americas-fr.com.
  17. sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « Les écuries des châteaux français de la Renaissance », p. 118.
  18. sous la direction de Patrice Franchet-d'Espèrey et de Monique Chatenet, en collaboration avec Ernest Chenière, Les Arts de l'équitation dans l'Europe de la Renaissance, Arles, Actes Sud, , 447 p. (ISBN 978-2-7427-7211-7), « A chaque cheval son cavalier, Giancarlo Mazzoleni », p. 37.
  • Portail équestre
  • Portail de la Renaissance
Cet article est issu de Wikipedia. Le texte est sous licence Creative Commons - Attribution - Partage dans les Mêmes. Des conditions supplémentaires peuvent s'appliquer aux fichiers multimédias.