Service du travail obligatoire (France)

Le service du travail obligatoire (STO) fut, durant l’occupation de la France par l’Allemagne nazie, la réquisition et le transfert vers l’Allemagne de centaines de milliers de travailleurs français contre leur gré, afin de participer à l’effort de guerre allemand que les revers militaires contraignaient à être sans cesse grandissant (usines, agriculture, chemins de fer, etc.). Les personnes réquisitionnées dans le cadre du STO étaient hébergées, accueillies dans des camps de travailleurs localisés sur le sol allemand. Il fut instauré par la loi du , faisant suite au relatif échec des politiques de volontariat et du système dit de relève, qui aboutit à la présence en 1942, de 70 000 travailleurs venus de France en Allemagne, très en deçà des exigences de l'Occupant[1].

Pour les articles homonymes, voir STO et Service du travail obligatoire.

À Paris, l’armée d’occupation sélectionne les futurs travailleurs du STO.
Affiche de propagande : « Ils donnent leur sang. Donnez votre travail pour sauver l'Europe du Bolchévisme » (1943).

L’Allemagne nazie imposa au gouvernement de Vichy la mise en place du STO, pour essayer de compenser le manque de main-d'œuvre dû à l’envoi d'un grand nombre de soldats allemands sur le front de l'Est, où la situation ne cessait de se dégrader. De fait, les travailleurs français sont les seuls d’Europe à avoir été requis par les lois de leur propre État et non par une ordonnance allemande. C'est une conséquence indirecte de la plus grande autonomie négociée par le gouvernement de Vichy comparativement aux autres pays occupés, qui ne disposaient plus de gouvernement propre.

L'exploitation de la main-d'œuvre française par le IIIe Reich a concerné des travailleurs obligatoires (les requis du STO), des travailleurs volontaires attirés par la rémunération ou « prélevés » dans les entreprises dans le cadre de la Relève ainsi que les prisonniers de guerre. Un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français fut acheminé vers l'Allemagne entre et auquel s'ajoutait la partie des soldats prisonniers retenus de force dans le pays, dont le nombre initial s'élevait à 1 850 000 hommes. Les travaux de recherche citent le chiffre de 1 500 000 Français  prisonniers, réquisitionnés du STO, volontaires  qui auraient travaillé en Allemagne entre 1942 et 1945[2]. La France fut le troisième fournisseur de main-d'œuvre forcée du Reich après l'Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et la Pologne et fut le pays qui lui donna le plus d'ouvriers qualifiés.

Les requis ont fait partie jusque dans les années 1970 des « oubliés » de la Seconde Guerre mondiale, concurrencés sur le plan mémoriel par d'autres victimes de guerre, qui avaient été plus héroïques ou plus victimes qu'eux, notamment les prisonniers de guerre français, les déportés politiques et les victimes de la Shoah. Les premiers travaux de recherche sur la réquisition pour le travail ne sont lancés au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) que dans les années 1970 et ne se développeront que dans les années 1990. Les STO ont parfois dû faire face au reproche de n'avoir pas désobéi et d'être partis en Allemagne renforcer le potentiel de la main-d'œuvre du IIIe Reich.

Au moment de leur rapatriement en France, les requis tiennent à être considérés comme des déportés du travail mais la concurrence mémorielle explique qu'ils se voient interdire l'utilisation de cette dénomination. Après une longue bataille parlementaire et judiciaire, les associations d'anciens requis du travail obligatoire obtiennent, par décret du , la dénomination officielle de victimes du travail forcé en Allemagne nazie mais celle de déportés du travail est refusée le par la Cour de Cassation[3].

Historique

Dès l'automne 1940, des volontaires, au début majoritairement d'origine étrangère (notamment Russes, Polonais, Italiens) partent travailler en Allemagne. En tout, 200 000 travailleurs français, dont 70 000 femmes vont travailler pour le Troisième Reich. C'est aussi à l'automne 1940 que l'occupant procède à des rafles arbitraires de main-d'œuvre dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais, rattachés à Bruxelles.

La « Relève » (début 1942)

Fritz Sauckel, surnommé le « négrier de l'Europe », est chargé le d'amener de la main-d'œuvre de toute l'Europe par tous les moyens. Il s'intéresse particulièrement à la France. Sa nomination est à peu près concomitante du retour au pouvoir de Pierre Laval. Jusqu'alors, moins de 100 000 travailleurs français volontaires sont partis travailler en Allemagne[4]. Le refus d'envoyer 150 000 ouvriers qualifiés a été l'une des causes de la chute de Darlan[5]. Au cours des années 1942 et 1943, Sauckel use d'intimidation et de menaces pour remplir ces objectifs. Face à lui, Laval, tour à tour négocie, temporise et obtempère, si bien que les relations entre les deux hommes sont tumultueuses, Sauckel louant Laval pour sa coopération ou le condamnant pour son obstruction[6]. On appelle « actions Sauckel » les exigences de main-d'œuvre formulées par Sauckel entre le printemps 1942 et le début de 1944.

Le travail obligatoire est institué en Europe de l'Ouest par un Anordnung de Sauckel du [7]. Sauckel demande 250 000 travailleurs supplémentaires avant la fin du mois de juillet. Face à cette exigence, Laval recourt à sa méthode favorite qui consiste à négocier, gagner du temps et chercher des moyens d'échanges. C'est ainsi qu'il en vient à proposer le système de la Relève consistant à libérer un prisonnier de guerre pour trois départs en Allemagne de travailleurs libres ; cette relève est instituée et annoncée dans un discours du . Dans le même discours, Laval proclame : « je souhaite la victoire de l'Allemagne »[4]. Dans une lettre envoyée le même jour au ministre allemand des Affaires étrangères, Ribbentrop, Laval place cette politique de la relève dans le cadre d'une participation de la France à l’effort de guerre allemand contre le bolchevisme, au travers de l’envoi de travailleurs[5].

La conscription obligatoire (automne 1942)

Le manque de succès de cette mesure (17 000 volontaires seulement à fin août) sonne le glas du volontariat. Le , une directive de Sauckel précise qu'il faut désormais recourir au recrutement forcé[8]. Du point de vue de Sauckel, la Relève a été un échec puisque moins de 60 000 travailleurs français sont partis en Allemagne à la fin du mois d'août. Il menace alors de recourir à une ordonnance pour réquisitionner la main-d'œuvre masculine et féminine, ordonnance qui ne peut s'appliquer qu'en zone occupée. Laval négocie l'abandon de l'ordonnance allemande au profit d'une loi française concernant les deux zones[9]. Ceci conduit à la loi française du qui introduit la conscription obligatoire pour tous les hommes de 18 à 50 ans et pour les femmes célibataires âgées de 21 à 35 ans[6]. Cette loi de coercition est évidemment impopulaire et, au sein même du gouvernement, quatre ministres auraient manifesté leur opposition[10]. En , l'objectif de 250 000 hommes de la première action Sauckel est atteint[11].

Toutefois, la réquisition forcée d'ouvriers, gardés par des gendarmes jusqu'à leur embarquement en train, suscite de nombreuses réactions hostiles. Le éclate une grève aux ateliers SNCF d'Oullins, dans la banlieue lyonnaise, qui va s’étendre jusqu'au 17 dans le Rhône, à Saint-Étienne et Chambéry[12],[13]. On écrit sur les trains « Laval assassin ! »[14]. Le gouvernement est forcé de reculer en zone sud, si bien qu'au , seuls 2 500 ouvriers requis ont en tout et pour tout quitté la zone sud[15].

Le STO (1943-1944)

Départ des travailleurs français du STO pour l'Allemagne à la gare de Paris-Nord en 1943.

Après qu'Hitler ordonne, le , le versement dans l'armée de 300 000 ouvriers allemands, Sauckel exige, le , qu'en plus des 240 000 ouvriers déjà partis en Allemagne, un nouveau contingent de 250 000 hommes soit expédié d'ici la mi-mars[6]. Pour satisfaire cette deuxième « action Sauckel », le Pierre Laval, après avoir vainement négocié[16], instaure le Service obligatoire du travail (SOT) qui mobilise pour deux ans les jeunes gens « afin de répartir équitablement entre tous les Français les charges résultant, selon les termes d'un communiqué officiel, des besoins de l'économie française » et en fait de l'économie allemande[17]. L'abréviation maladroite SOT suscitant les railleries, elle est remplacée au bout d'une semaine par STO. Les précédentes réquisitions, sous le régime de la Relève, ne concernaient théoriquement que des ouvriers. Avec la mise en place du STO, le recrutement, de catégoriel, se fait désormais par classes d'âge entières. Les jeunes gens nés entre 1920 et 1922, c'est-à-dire ceux des classes « 1940 », « 1941 » et « 1942 » ont l'obligation de partir travailler en Allemagne (ou en France), s'agissant d'un substitut au service militaire. La jeunesse, dans son ensemble, devient la cible du STO[6]. La classe « 1942 » est la plus touchée et les exemptions ou sursis initialement promis aux agriculteurs ou aux étudiants disparaissent dès juin. Théoriquement, les jeunes femmes sont aussi concernées mais, par peur des réactions de la population et de l’Église, hormis quelques cas individuels, elles ne sont pas touchées par le STO[réf. nécessaire]. Parmi les requis de la deuxième « action Sauckel », on compte 24 000 jeunes hommes des Chantiers de la Jeunesse, du dernier contingent de la classe « 1942 »[16]. Il est à noter que des résistants communistes autrichiens exilés en France ont utilisé ce dispositif pour retourner résister dans leur pays sous de fausses identités françaises ce qui entraînera une forte répression au cours du premier semestre 1944[18].

Le , au cours d'une réunion de prières réunissant 4 000 jeunes, à Roubaix, église Saint-Martin, le cardinal Liénart, évêque de Lille, exhorte les jeunes à y aller (le Journal de Roubaix titre : « ce serait de la lâcheté de ne pas obéir [...] ») ; une semaine plus tard, le cardinal expose sa pensée en trois points : l'occupant outrepasse ses droits, on peut donc désobéir sans péché mais le devoir de charité  si je ne pars pas, un autre partira à ma place  peut inciter à partir[19].

Certaines victimes sont prises dans des rafles de la Milice et de la Wehrmacht. Le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot met quant à lui sur pied, en 1944, des Groupes d'Action pour la Justice Sociale chargés de traquer les réfractaires contre de l'argent et d'enlever la main-d'œuvre jusqu'en pleine rue.[réf. nécessaire]

Au total, 600 000 hommes partent entre et [20]. Laval aura mis l’inspection du travail, la police et la gendarmerie au service des prélèvements forcés de main-d’œuvre et de la traque des Réfractaires au Service du travail obligatoire[15]. À la seconde « action Sauckel » succède une troisième : le , les Allemands présentent de nouvelles demandes, il leur faut 120 000 ouvriers en mai et 100 000 autres en juin. Le , il en exige 500 000 supplémentaires[21]. Ces objectifs ne sont jamais atteints car des réfractaires de plus en plus nombreux échappent aux réquisitions et finalement, ce sont les Allemands eux-mêmes qui mettent un terme, de fait, aux demandes de Sauckel. Le , le ministre de l'Armement du Reich Albert Speer conclut un accord avec le ministre du Gouvernement Laval, Jean Bichelonne, soustrayant de nombreuses entreprises travaillant pour l'Allemagne à la réquisition de Sauckel. Les hommes sont protégés mais l'économie française dans son ensemble est intégrée à celle de l'Allemagne[20]. De façon formelle, à côté de la nouvelle politique de Speer, Sauckel tente tant bien que mal de continuer la sienne de prélèvement de main-d'œuvre vers l'Allemagne. Ainsi, une quatrième « action Sauckel » lancée en 1944 s'avère être un fiasco complet[22].

Avec le tarissement des ressources humaines à prélever, le développement des maquis explique aussi la chute des départs à partir de l'été 1943, induisant le demi-succès de la troisième « action Sauckel » (de juin à ) puis le fiasco de la quatrième en 1944. Ainsi, le STO provoque le départ dans la clandestinité de près de 200 000 réfractaires, dont environ un quart gagne les maquis en pleine formation. Le STO accentue la rupture de l'opinion avec le régime de Vichy , et constitue un apport considérable pour la Résistance mais il place aussi cette dernière devant une tâche inédite, d'une ampleur considérable : résoudre le manque d'argent, de vivres, d'armes, etc. pour des milliers de maquisards qui ont soudain afflué[6]. Les réfractaires au STO forment également une part significative mais difficilement quantifiable des quelque 25 000 évadés de France qui gagnent l'Espagne puis l'Afrique du Nord et s'engagent dans la France libre ou dans l'armée française de la Libération. Robert Belot évalue à 51,6% la part des jeunes de 20 à 23 ans dans la population des évadés par l'Espagne en 1943 et ajoute que ce chiffre « est à relativiser , car il ne suffit pas d'être de ces classes d'âge pour être ipso facto visé par le STO »[23].

Plaque commémorant l'action d'un groupe de résistants menés par Léo Hamon en 1944, place de Fontenoy (Paris 7e).

La Résistance vole ou détruit de nombreux registres d'état-civil, listes de recensement et fichiers du STO. Le , dirigé par Léo Hamon, un commando du Comité d'action contre la déportation incendie 200 000 fiches dans les locaux parisiens du Commissariat général au STO[24].

Faute de filière, de place dans le maquis ou de désir de se battre, de nombreux réfractaires se limitent toutefois à se cacher à domicile ou à se faire embaucher dans des fermes isolées où ils servent de main-d'œuvre à des paysans complices. Après l'automne 1943, ils sont aussi nombreux à rejoindre un vaste secteur industriel protégé mis en place par l'occupant et travaillant exclusivement pour son propre compte. Enfin, une part non négligeable des jeunes Français concernés par le STO réussissent à passer à travers les mailles du filet en refusant le STO mais sans pour autant entrer dans la clandestinité ; ces derniers ont la chance d'être progressivement oubliés par l'administration de l'occupant.

Probablement sans connexion avec la politique du STO mais simplement parce qu'il est un dignitaire nazi circulant en voiture dans Paris, le délégué de Fritz Sauckel en France, le SS-Standartenführer (colonel) Julius Ritter, est abattu le par une équipe des Francs-tireurs et partisans - Main-d'œuvre immigrée (FTP-MOI][25] du groupe Manouchian[26]. Il est remplacé par le SS-Brigadeführer (général) Alfons Glatzel (de).

Récapitulation du nombre des travailleurs français en Allemagne

À la fin de 1944, alors que la France est presque entièrement libérée par les Alliés, environ deux millions de Français se trouvent encore en Allemagne et la plupart travaillent plus ou moins pour le Reich. Parmi eux, on dénombre un million de prisonniers de guerre. Une seconde catégorie de 200 000 hommes est formée des anciens prisonniers de guerre qui ont choisi le statut de « travailleur libre », soumis aux lois nazies. Ils ne sont alors plus protégés par les conventions internationales. La convention de Genève de 1929 prévoit à l'article 27 que les prisonniers de guerre, militaires du rang de 2e classe à caporal-chef peuvent être mis au travail par la puissance détentrice[27]. Par ailleurs, 600 000 travailleurs du STO forment la troisième catégorie. Quant aux travailleurs partis plus ou moins volontairement[28], ils sont environ 40 000. À cela, s'ajoute une autre catégorie de « travailleurs » pour l'Allemagne : les Alsaciens ou Mosellans, enrôlés sous l'uniforme allemand dans le cadre du Reichsarbeitsdienst ou Service national du travail obligatoire pour les garçons et les filles entre 17 et 25 ans. À l'issue du service au RAD les garçons ont été, après août 1942, mobilisés dans l'armée allemande.

Prêtres-ouvriers et action catholique clandestine dans le Reich

Le Saint-Siège demande au maréchal Pétain, par l'intermédiaire de Léon Bérard, ambassadeur de France au Vatican, que les séminaristes français soient exemptés du STO or, ceci n'est pas souhaité par les évêques français, qui entendent de la sorte ne pas déserter le terrain de la reconquête du monde ouvrier et ce monde ouvrier se trouve pour partie non négligeable en Allemagne. Ainsi, 3 200 séminaristes partent en Allemagne dans le cadre du STO.

D'autre part, à compter de fin 1942, des négociations sont menées entre l'épiscopat français représenté par le cardinal Suhard et le Dr Brandt, qui traite de cette question pour les Allemands,[réf. nécessaire] pour officialiser la présence d'aumôniers parmi les déportés du STO. À la fin du mois de , le Dr Brandt oppose un refus définitif à la demande des évêques français mais ceux-ci ont déjà envisagé d'envoyer des prêtres en Allemagne, non pas avec le statut d'aumônier, mais avec celui d'ouvrier. Il s'agit là de la naissance du mouvement des prêtres ouvriers. Pionnier, l'abbé Adrien Bousquet arrive à Berlin le .

À la suite du père Bousquet, 25 prêtres sélectionnés par le père Jean Rodhain, aumônier national des prisonniers de guerre et futur fondateur du Secours catholique, sont envoyés clandestinement dans le Reich. En plus de ces clandestins organisés, d'autres prêtres sont requis sans que leur qualité de religieux soit détectée. Certains partent de leur propre initiative, parfois contre l'avis de leur évêque. Il y a également 273 prêtres prisonniers de guerre, transformés en « travailleurs libres ». Avec les 3 200 séminaristes et les militants de l'Action catholique partis, contraints ou volontaires, cela représente au total un ensemble de quelque 10 000 militants.

Pour les autorités allemandes, les travailleurs étrangers sont autorisés à assister aux offices allemands. Ils ne voient pas d'objection à ce que des ecclésiastiques étrangers soient employés comme travailleurs, à condition qu'ils s'abstiennent de toute activité spirituelle ou ecclésiastique. Cependant l'étau se resserre progressivement, toute activité religieuse auprès des travailleurs forcés devenant dangereuse pour les participants.

Le , Ernst Kaltenbrunner, chef de la sécurité du Reich, adresse une note à tous les fonctionnaires de la Gestapo. Il leur donne la consigne de rechercher tous les prêtres et séminaristes dissimulés sous le statut de laïcs, de les expulser ou de les emprisonner en cas de faute grave. Les responsables régionaux des groupes clandestins de Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC), seule organisation clandestine de soutien spirituel présente sur le territoire allemand, sont arrêtés et déportés. Les militants catholiques, encore actifs, doivent cesser toute activité catholique sous peine d'emprisonnement (voir à ce sujet Résistances chrétiennes dans l'Allemagne nazie, Fernand Morin, compagnon de cellule de Marcel Callo, D. Morin, éd. Karthala, 2014). L'un d'eux, Marcel Callo, fut béatifié par Jean-Paul II en 1987. Sur les 25 prêtres clandestins envoyés en Allemagne, douze sont envoyés en camp de concentration, généralement à Dachau.

Les groupes de la JOC continuent néanmoins leur action malgré la répression. Un millier de groupes répartis dans 400 villes allemandes sont répartis en 70 fédérations. Des clans scouts se forment. Jacques Duquesne, en parlant d'eux, évoque une version moderne de l'« église des catacombes » : « Ils se confessent en pleine rue, communient dans les escaliers [...] ».

Dispositions statutaires

Admise en Belgique, bien que le Parlement français ne se soit jamais prononcé définitivement sur la qualification à donner aux requis du STO, la dénomination officielle de « déporté du travail » est interdite aux associations de victimes du STO par la justice française en 1992, pour éviter la confusion avec la déportation vers la mort qui a été le sort réservé aux résistants et aux Juifs, principalement.

Selon la Fédération nationale des déportés et internés politiques (FNDIP), fondée en 1945 et devenue en 1946 la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP), 60 000 d'entre eux seraient morts en Allemagne et 15 000 auraient été fusillés, pendus ou décapités pour « actes de résistance ». Les historiens jugent aujourd'hui ces chiffres excessifs et estiment qu'entre 25 000 et 35 000 STO ont perdu la vie en Allemagne[29]. La majorité sont morts en raison de leur emploi dans des usines d'armement bombardées, souvent dans de mauvaises conditions et sous la surveillance fréquente de la Gestapo, ce qui a occasionné un taux de mortalité supérieur à celui des prisonniers de guerre. De 5 à 6 000 d'entre eux d'entre eux sont morts dans des camps de concentration, victimes de la répression de la Gestapo. Au moins un millier est mort dans des camps d'éducation par le travail. Un certain nombre d'entre eux, mis à la disposition d'artisans, de la Reichsbahn, de la Poste ou de l'administration, ou, plus rarement, de fermes, sont morts de maladies mal soignées ou d'accidents de travail.

Entreprises allemandes ayant utilisé de la main-d’œuvre du STO

Liste non exhaustive (par ordre alphabétique)

Exemples de conditions de travail

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Constructions aéronautiques à Česká Kamenice

En 1943, après sa destruction par les Alliés à Berlin, une unité de construction aéronautique est déplacée à Česká Kamenice (République tchèque) dans les Sudètes (région annexée en 1938, précédemment tchécoslovaque).

Avec la complicité du gouvernement de Vichy, des jeunes gens, techniciens, tourneurs, sont interpellés dans leur propre famille ou sur leur lieu de travail, sinon convoqués, notamment chez Air-Équipement à Bois-Colombes (France) le  ; avant leur départ pour Berlin, ou d'autres destinations comme Iéna, Leipzig, ils sont consignés à la caserne Mortier à Paris[note 1]. Les familles sont éventuellement informées par courrier dans le but de leur apporter des affaires pour y passer la nuit : tout dépend en fait de la bonne volonté du gendarme qui a procédé à l'interpellation.

Près de Ceskà Kamenice, les nazis ont aménagé le site des mines et fait construire le camp de Rabstein par des déportés venant de plusieurs des 95 kommandos dépendant du camp de concentration, à 260 km, de Flossenbürg en Allemagne (lui-même à environ 100 km à l'est de Nuremberg).

Le camp de Rabstein est situé dans un creux de vallon et les baraquements où logent les prisonniers sont souvent inondés. Les hommes insuffisamment vêtus souffrent de la faim, du froid et sont sujets à des rhumatismes.

Dans les caves humides et mal éclairées, les conditions de travail des ouvriers sont particulièrement pénibles avec 12 heures de présence quotidienne obligatoire.

Usine de peinture à Wünschendorf-sur-Elster

Douze heures de présence quotidienne sont également exigées dans l'entreprise allemande de peinture dirigée par M. Peters à Wünschendorf-sur-Elster, près d'Erfurt ; le climat y est continental et les températures vont de - 25° C en hiver à + 30° C en été. Les conditions de travail y sont déplorables notamment pour les « disciplinaires »[note 2], les logements dans des baraquements sont malsains et la sous-alimentation est chronique. Il ne faut pas être surpris en train de se nourrir clandestinement sous peine de brimades ; néanmoins les ouvriers, pour survivre, doivent s'organiser et parviennent à voler des céréales et légumes dans les champs.

Les prisonniers de Wünschendorf, entre autres, ont également été contraints de travailler pour les entreprises de Weida, et de procéder à la reconstruction de la gare de Leipzig, détruite par un bombardement allié le .

Personnalités françaises ex-STO

Liste non exhaustive (par ordre alphabétique)

Cas de Georges Marchais

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Une controverse a entouré le passé de Georges Marchais, secrétaire général du Parti communiste français (PCF) de 1970 à 1994, accusé d'avoir été volontaire en Allemagne chez Messerschmitt ; en effet, il n'a pas été requis par le STO, contrairement à ses déclarations. Selon son biographe Thomas Hofnung[30], Marchais n'a jamais été ni volontaire ni requis du STO mais, en fait, aurait été muté en Allemagne par l'entreprise d'aviation qui l'employait en France en 1940. Cette entreprise (Voisin) fut tenue, après l'invasion allemande en , de travailler pour les autorités d'occupation, après avoir été réquisitionnée. Elle devint alors une quasi-filiale de Messerschmitt et assurait notamment l'entretien d'avions allemands qui lui étaient confiés pour réparation. En , Georges Marchais fut transféré en Allemagne, dans une usine du groupe Messerschmitt, près d'Augsbourg. Selon Roger Codou[31], c'est plutôt chez AGO Flugzeugwerke, filiale aéronautique d'AEG, que le futur secrétaire général du PCF aurait été affecté. Georges Marchais déclara avoir fui l'Allemagne à la mi-1943, à l'occasion d'une permission qu'il avait obtenue, en alléguant la mort de sa fille (en fait, de sa nièce) et n'avoir après cette permission jamais rejoint l'usine d'Augsbourg, où il était affecté. Toutefois, il ne fut pas capable de prouver son séjour en France, en région parisienne ou ailleurs, entre sa permission de 1943 et la Libération[réf. nécessaire].

Annexes

Mémoires

  • Jean Couasse, Les Dix. Dans la galère du S.T.O., Châteaudun, 1997.
  • Jean Pasquiers, Jeannot chez les nazis. Journal d'un Déporté du Travail 1943-45, bibliothèque d'Alexandrie Online.
  • Michel Laurain, Souvenirs 1922-1945, archives départementales de l'Aude130 J 100

Études historiques

  • Patrice Arnaud, Les Travailleurs civils français en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale : travail, vie quotidienne, accommodement, résistance et répression, thèse de doctorat, Université de Paris-I, 2006, 1 942 p.
  • Patrice Arnaud, Les STO. Histoire des Français requis en Allemagne nazie, Paris, CNRS Éditions, 2010, 592 p. Réédition, collection Biblis. Paris, 2014. 797 p.
  • Robert Belot, Aux frontières de la liberté : Vichy, Madrid, Alger, Londres : S'évader de France sous l'Occupation, Paris, Fayard, , 794 p. (ISBN 978-2-21359-175-9)
  • Helga Elisabeth Bories-Sawala, Dans la gueule du loup. Les Français requis du travail en Allemagne, Presses universitaires du Septentrion, avril 2010, 388 p., accompagné de documents et illustrations sur CD.
  • Jacques Evrard, La Déportation des travailleurs français dans le IIIe Reich, Fayard, collection « Les grandes études contemporaines », Paris, 1972.
  • La Main-d'œuvre française exploitée par le IIIe Reich, actes du colloque international de Caen, novembre 2001, Centre de Recherche d'Histoire quantitative, Caen, 2001, textes rassemblés par B. Garnier, J. Quellien et F. Passera.
  • Christophe Chastanet, La Reconnaissance juridique des requis du STO, mémoire de DEA, 2002, Limoges, 147 p.
  • Jacques Martin en collaboration avec Julie Maeck et Patrick Weber, Carnets de guerre, Casterman, 2009.
  • Françoise Berger, « L'exploitation de la main-d'œuvre française dans l'industrie sidérurgique allemande pendant la Seconde Guerre mondiale », dans Revue d'histoire moderne et contemporaine, juillet-septembre 2003, [lire en ligne] sur le site HAL-SHS (Hyper Article en Ligne - Sciences de l'Homme et de la Société).
  • Raphaël Spina, La France et les Français devant le service du travail obligatoire (1942-1945), 2012, thèse sous la direction d'Olivier Wieviorka, [lire en ligne] sur le site HAL-SHS (Hyper Article en Ligne - Sciences de l'Homme et de la Société).
  • Raphaël Spina, Histoire du STO, Perrin, , 570 p.
  • Thomas Hofnung, Georges Marchais, l’inconnu du Parti communiste français, L'Archipel, Paris, 2001 (ISBN 2841873196).
  • Dominique Morin, Résistances chrétiennes dans l'Allemagne nazie, Fernand Morin, compagnon de cellule de Marcel Callo, éd. Karthala, 2014.
  • (de) Bernd Zielinski, Staatskollaboration. Vichy und der "Arbeitseinsatz" für das Dritte Reich, Westfälisches Dampfboot, 1995.

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Située 141, boulevard Mortier, dans le 20e arrondissement.
  2. Ceux qui ont été considérés « réfractaires », à leur départ de France.

Références

  1. « Archives du service obligatoire du travail au ministère du travail (1943-1945) », sur FranceArchives (consulté le )
  2. Georges Kantin et Gilles Manceron, Les Échos de la mémoire : tabous et enseignement de la Seconde Guerre mondiale, Le Monde éditions, , p. 51.
  3. Raphaël Spina, Histoire du STO, Perrin, , p. 608.
  4. Jean-Paul Cointet, Pierre Laval, Fayard, 1993 (ISBN 9782213028415), p. 378-380.
  5. Fred Kupferman, Pierre Laval, Balland, 1987, 2e édition Tallandier, 2006, p. 383-388.
  6. H. Roderick Kedward, STO et Maquis, dans La France des années noires, tome 2, Seuil, 1993, p. 271-294.
  7. Robert Paxton, La France de Vichy, éditions du Seuil, collection de poche, 1997, p. 421-25, 1re édition française en 1972.
  8. Pierre Durand, Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, éditions complexes, 1997, p. 356-360 Comme Paxton, Durand se réfère généralement à Edward L. Homze, Foreign Labour in Nazi Germany, Princeton, 1967.
  9. Cointet, p. 393-394.
  10. Robert Aron, Histoire de Vichy, 1940-1944, Fayard, 1954, p. 535.
  11. Jean-Pierre Azéma, De Munich à la Libération, 1938-1944, éditions du Seuil, 1979, p. 210-213.
  12. Raphaël Spina, Histoire du STO, Perrin, , 570 p., p. 97 à 99
  13. « Ateliers de chaudronnerie des ateliers SNCF d’Oullins (Rhône) », sur museedelaresistanceenligne.org (consulté le )
  14. Kupferman, p. 413-416.
  15. Raphaël Spina, Impacts du STO sur le travail des entreprises dans Actes du colloque Travailler dans les entreprises sous l'occupation, Christian Chevandier et Jean-Claude Daumas, Presses universitaires de Franche-Comté, 2007.
  16. Jean-Pierre Azéma et Olivier Wieviorka, Vichy, 1940-1944, Tempus Perrin, 2004, pp. 255-257, 1re édition 1997.
  17. Marc Olivier Baruch, Le régime de Vichy : 1940-1944, Tallandier, , p. 145.
  18. Cécile Denis, Continuités et divergences dans la presse clandestine de résistants allemands et autrichiens en France pendant la Seconde Guerre mondiale : KPD, KPÖ, Revolutionäre Kommunisten et trotskystes, (thèse de doctorat réalisée sous la direction d’Hélène Camarade, soutenue publiquement le 10 décembre 2018 à l’université Bordeaux-Montaigne) (lire en ligne)
  19. Jacques Duquesne, Les Catholiques français sous l'occupation, Fayard, 1986, p. 276-278, 1re édition 1966.
  20. Cointet, p. 433-434.
  21. Helga Elisabeth Bories-Sawala, Dans la gueule du loup : Les Français requis du travail en Allemagne, Presses univ. Septentrion, 2010, p. 68-70.
  22. Alan Milward, New Order and the French Economy, Oxford University Press, 1970, p. 160-165.
  23. Robert Belot 1998, p. 657-669.
  24. Raphaël Spina, Histoire du STO, Perrin, , 570 p., p. 163
  25. Une équipe des FTP-MOI (Marcel Rayman, Leo Kneler, Spartaco Fontano et Celestino Alfonso.
  26. Jean-Pierre Azéma, De Munich à la Libération, 1938-1944, éditions du Seuil, 1979, p. 255.
  27. https://www.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/Article.xsp?action=openDocument&documentId=ABB26BEE5860761DC12563BD002BCF6E.
  28. Jean-Claude Michon, « Cholet. Le destin tragique de Roger Normandin, mortellement poignardé au STO », sur ouest-france.fr, Le Courrier de l'Ouest, (consulté le )
  29. (Spina 2017, p. 88)
  30. Thomas Hofnung, Georges Marchais, l’inconnu du Parti communiste français.
  31. Cf. « Une lettre de M. Roger Codou Nouvelle polémique sur le passé de M. Georges Marchais », Le Monde, (lire en ligne)
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