Rose Warfman

Rose Warfman, née Gluck le à Zurich (Suisse) et morte le [1] à Manchester (Royaume-Uni), est une rescapée française d'Auschwitz et une héroïne de la Résistance.

Biographie

Jeunes années

Rose Gluck-Warfman est la troisième fille de Paul (Pinhas) Gluck-Friedman (1886-1964) et de Henia Shipper (1887-1968), nés respectivement à Tarnów et à Przemysl, en Galicie et mariés à Tarnów le . Son père est un descendant direct de Dov Baer de Mezeritch (1704-1772), l'un des principaux disciples et successeurs du Baal Shem Tov (1698-1760).

Elle a pour sœurs, Antoinette Feuerwerker, née en 1912 à Anvers (Belgique) et Hendel (Hedwig) Naftalis, née en 1913 à Zurich. Son frère, Salomon Gluck, naît dans la même ville en 1914.

Le périple de ses parents qui avaient émigré de Galicie en Belgique, puis en Suisse, se poursuit en Allemagne, avant de s'achever en 1921, à Strasbourg, en terre française, où ils deviennent citoyens français, le .

Elle fait ses études au Lycée des Pontonniers[2].

Après sa venue à Paris, avec sa famille, elle travaille au Comité d'action sociale israélite de Paris (CASIP), avec Lucie Hadamard-Dreyfus (1869-1945), veuve d'Alfred Dreyfus[3]. Elle poursuit des études en 1941 et 1942 pour devenir infirmière, à l'École de puériculture, sise au 26 boulevard Brune, dans le 14e arrondissement de Paris et participe à la création du Comité juif d’action sociale et de reconstruction (COJASOR) en 1945.

La Résistance

Durant la Seconde Guerre mondiale, Rose Warfman rejoint sa sœur Antoinette Feuerwerker et l'époux de celle-ci, le rabbin David Feuerwerker, à Brive-la-Gaillarde. Ils œuvrent avec Edmond Michelet, futur ministre de Charles de Gaulle, dans un des mouvements principaux de la Résistance, Combat. Dans ses mémoires, Edmond Michelet mentionne que Rose Warfman, dite Marie Rose Girardin, était l'un des agents les plus actifs du réseau.

Le dossier de nomination d'Edmond Michelet comme Juste parmi les nations indique :

" Il [Michelet] était employé par l'organisation officielle d'aide sociale "Secours National", ce qui le mettait en contact avec des personnes en détresse, juives ou non. Rose Warfman, une assistante sociale chargée par l'UGIF des contacts avec le Secours National, lui rendait visite secrètement et sans rendez-vous au moins une fois par semaine. Elle était censée s'occuper de la distribution de ravitaillement aux réfugiés juifs de la ville. En fait, Edmond Michelet profitait de ces visites pour lui remettre de faux papiers - cartes d'identité, cartes d'alimentation et convocations chez des médecins spécialistes. Il traitait l'assistante sociale avec chaleur et sympathie et faisait de son mieux pour accéder à ses demandes, malgré les risques considérables qu'il courait[4]."

Parallèlement à ces activités, elle travaille comme assistante-sociale représentante de l'UGIF (Union générale des israélites de France) au premier étage de la synagogue de Brive, 30 avenue Pasteur, Brive 19100. Elle répond aux diverses demandes des nombreux réfugiés : aide monétaire, informations, etc. Elle délivre de plus des soins médicaux en tant qu'infirmière, à titre bénévole.

C'est dans ces bureaux qu'elle est arrêtée, le . Arrivée au camp de Drancy le , elle est déportée depuis la gare de Bobigny, par le convoi no 72, en date du , au camp de concentration d'Auschwitz, où elle arrive le .
Selon Serge Klarsfeld, « Ce convoi emporte 1 004 Juifs, dont 398 hommes et 606 femmes. Parmi eux 174 enfants de moins de 18 ans. Le poète Itzak Katznelson (auteur du Chant du Peuple Juif assassiné) figure parmi les déportés de ce convoi, ainsi que beaucoup de Polonais, internés comme lui à Vittel, après avoir été transférés de Pologne. Des familles: les enfants Dodelzak, Ita 12, Georges 3 et Arkadius 3 mois; les Rottenberg [de fait, le Grand-rabbin d'Anvers, Markus Rottenberg et son épouse], Naftalie 7, Nathan 5, Esther 4, Frantz 2… À l'arrivée à Auschwitz, 48 hommes furent sélectionnés avec les matricules 186 596 à 186 643 et 52 femmes, dont les matricules se situent aux environs de 80 600. En 1945, il y avait 37 survivants, dont 25 femmes. »

Sa sœur Antoinette ayant réussi à lui faire parvenir un uniforme d'infirmière au camp de Drancy, c'est vêtue de la sorte qu'elle arrive à Auschwitz. Cet uniforme, ainsi que son physique « aryen » (grande, blonde, aux yeux verts) et sa connaissance de l'allemand lui valent d'être sélectionnée par Josef Mengele dans la colonne des vivants. Elle est tatouée sur le bras du numéro 80598, avec un triangle jaune la marquant comme Juive. Lorsque le même Mengele réalisera ultérieurement sur elle des expériences, opérant ses jambes à vif, l'anesthésie lui sera expressément refusée par l'assistante de Mengele au vu de ce triangle jaune sur son bras. Rose Warfman en porte les séquelles toute sa vie.
Elle parvient néanmoins à survivre à trois sélections, et est libérée par l'Armée rouge à Langenbiellau, près de Bielawa, en Basse-Silésie, le . Elle est rapatriée à Paris le .

Gross-Rosen

Le camp de concentration de Gross-Rosen était situé près de la gare ferroviaire de Breslau (appelé aujourd'hui Wroclaw, en Pologne). Elle trouve ce camp de concentration pire que Auschwitz, bien qu'on n'y trouvât pas de crématorium. Elle devait travailler dans une usine de munitions, de six heures du soir à six heures du matin. Il n'y avait qu'une seule pause : une demi-heure entre minuit et minuit trente. C'était un travail à la chaîne. On ne pouvait pas s'arrêter ou ralentir, car la chaîne se ralentirait ou s'arrêterait. Les coups pleuvaient.

Résistance passive

Même en camp de concentration, elle fit de la résistance passive. À Birkenau, elle fut placée dans un groupe de 50 femmes qui tricotaient. Une kapo leur faisait tricoter des sous-vêtements pour des nouveau-nés allemands. Elle travailla durement et fut citée comme exemple. Puis l'hiver arriva, on leur demanda de tricoter des chaussettes pour hommes (les Allemands). Sa vengeance fut de fabriquer de gros nœuds à l'intérieur pour les rendre inutilisables.

Simone Veil

Dans son bloc à Auschwitz se trouvait une autre détenue, Simone Jacob, qu'elle voyait chaque jour, et qui deviendra plus tard une femme politique célèbre en France et en Europe sous le nom de Simone Veil.

Retour à Paris : le bateau Exodus 1947, El Al

Après la Seconde Guerre mondiale, elle retourne à Paris. Elle devient la seule employée de la nouvelle compagnie aérienne israélienne, El Al, lorsqu'elle ouvre son bureau à Paris, avec un directeur, monsieur Massis. Elle accueille et guide divers dirigeants israéliens durant leur séjour à Paris, en particulier Golda Meir[5], et David Ben Gourion.

Elle est impliquée directement dans l'aventure du bateau l’Exodus. Avec l'abbé Alexandre Glasberg, qui sera désigné à titre posthume comme un Juste parmi les nations par le mémorial Yad Vashem de Jérusalem pour avoir sauvé des Juifs durant la guerre, elle crée des faux papiers d'identité pour les passagers de l'Exodus[6],[7].

Jacques Attali (2009) écrit :

« À Sète, le , il [Alexandre Glasberg] fabrique, avec une infirmière revenue d'Auschwitz, Rose Warfman, les faux passeports et visas de 4 500 personnes venues de douze camps de transit qui montent sur un bâtiment battant pavillon panaméen, le Président-Warfierld, à destination de la Colombie. Après cinq jours de navigation, et hors des eaux territoriales françaises, le Président-Warfield devient le célèbre Exodus 47 et file vers la Palestine. »[8]

Décès

Rose Warfman meurt le à Manchester au Royaume-Uni, à l'âge de 99 ans.

Honneurs

Le , elle est faite chevalier de la Légion d'honneur par le gouvernement français pour ses activités dans la Résistance. Elle reçoit également la médaille militaire 1939-1945, la croix de guerre 1939-1945, et la croix du combattant volontaire de la Résistance. Le , elle est promue officier de la Légion d'honneur[9],[10].

Famille

Elle est l'épouse de Nachman Warfman, docteur en droit de l'université de Grenoble et expert-comptable. Elle a trois enfants : Bernard, Salomon David, et Anne. Elle s'établit à Manchester, en Angleterre, pour être plus près de ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants.

Annexes

Bibliographie

  • Nachman Warfman, Le Régime actuel de la lettre de change en Pologne, thèse de doctorat en Droit, université de Grenoble, imprimerie de L. Jean, 1934.
  • Edmond Michelet, Rue de La Liberté. Dachau, 1943-1945., Seuil, Paris, 1955, 1983. [Lettre-préface de Charles de Gaulle; aussi avec préface pour l'édition allemande de Konrad Adenauer. (ISBN 2-02-003025-X)
  • Serge Klarsfeld, Le Mémorial de la Déportation des Juifs de France., Beate et Serge Klarsfeld, Paris, 1978.
  • (en) Elie Feuerwerker, The Bench. Lessons In Emunah, The Jewish Press, New York, 14 juin 1996.
  • (en) Elie Feuerwerker, A Supreme Act Of Love. Lessons In Emunah, The Jewish Press, New York, 12 décembre 1997.
  • (en) Elie Feuerwerker, France and the Nazis. Letter to the Editor, The New York Times, 20 juin 2001.
  • Hillel Feuerwerker, Salomon Gluck. in Nous sommes 900 Français. IV., éd. Ève Line Blum-Cherchevsky, Paris, Besançon, 2003. (ISBN 2-9513703-4-2)
  • (en) Elie Feuerwerker, The Blind Man And The Accordion. Lesson In Emunah, The Jewish Press, New York, 11 octobre 2006.
  • (en) Elie Feuerwerker. Letters. The Jerusalem Post, August 8, 2008[11].
  • (en) Joel Lurie Grishaver. An Israel Encounter, « Rose Warfman »,Torah Aura Productions, 2008, p. 49. (ISBN 1934527114) (ISBN 9781934527115)[lire en ligne].
  • Jacques Attali. Dictionnaire amoureux du Judaïsme, Plon/Fayard, Paris, 2009. (ISBN 978-2-259-20597-9)
  • (en) Simon Rocker. France honours wartime resistance fighter, 92, The Jewish Chronicle (Londres), 14 avril 2009.
  • Serge Klarsfeld. Mémorial de la Déportation des Juifs de France, nouvelle édition, mise à jour, avec une liste alphabétique des noms, FFDJF, 2012.
  • (en) Valery Bazarov. In The Cross-Hairs: HIAS And The French Resistance., The Hidden Child. vol. XXI, 2013, p. 8-11, éd. Hidden Child Foundation/ADL, New York.
  • (en) Elie Feuerwerker. Re: The Magazine, 11-21, Letter to the Editor, The Jewish Press Magazine (Olam Yehudi), New York, 19 décembre 2014, p. 2.
  • (en) Norman Simms. Alfred and Lucie Dreyfus in the Phantasmagoria, Cambridge Scholars Publishing, 2014, p. 130-131. (ISBN 144386076X) (ISBN 9781443860765)
  • Nicole Lemaitre. Edmond Michelet, une résistance spirituelle. Revue Infexions, Numéro 20 Résister. 15 avril 2015, p.55[12]
  • (en) Elie Feuerwerker. Inbox, Magazine (Olam), The Jewish Press, New York, 16 octobre 2015, p.  2.
  • (en) Elie Feuerwerker. Missing in Paris, Letters to the editor, Hamodia. Features, New York, 21 octobre 2015, p.  2-3.
  • (en) Paul R. Bartrop. Resisting the Holocaust: Upstanders, Partisans, and Survivors. ABC-CLIO, 2016, p.  86, (ISBN 1610698797), (ISBN 9781610698795)
  • (en) Renée Worch. Holocaust Heroines. Four Teenagers' Stories of Courage and Miraculous Survival., Feldheim Publishers: Nanuet, New York, 2016. (ISBN 9781680252446). Voir le premier chapitre Rose Glick, p.  5-59.
  • (en) Elie Feuerwerker. A Supreme Act of Love Revisited. Lessons In Emunah. The Jewish Press, New York, 4 novembre 2016, p. 63.
  • (en) Riki Goldstein. Forever the Giver. Mishpacha. Wednesday, November 16, 2016[13].
  • David Marmonier (ancien directeur du Centre d'études et musée Edmond-Michelet). Histoire. Rose Warfman, figure de la Résistance juive en Corrèze et survivante de la Shoah (1916-2016). Fidélité (Bulletin des Compagnons de la Fraternité Edmond Michelet, Brive-la-Gaillarde) No. 95, avril 2018, p. 14-15.
  • David Marmonier. La communauté juive de Brive pendant la Seconde Guerre mondiale. Lundi 28 octobre 2019. Conférence à Brive. Salle des Congrès de Brive (CCI). Colloque Mémoires Juives Brive: Destins croisés. 27-30 octobre 1919. La Corrèze, terre de Justes. Akadem.
  • (en) Elie Feuerwerker. For Life. Letters to the editor. Hamodia, Inyan, New York, April 20, 2020, p. 4.

Notes et références

Articles connexes

Liens externes

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